XXVIIIInsurrection dans Paris (23 juillet 1830). — Réunion des députés. — La Fayette annonce à ses collègues qu'il s'agit d'une révolution et qu'il se met à la tête du mouvement. — Il accepte les fonctions de commandant de la garde nationale (29 juillet). — Ordre du jour au peuple. — Rétablissement de la garde nationale. — Hommage rendu par lui à l'héroïsme des Parisiens (30 juillet). — Les Chambres offrent la lieutenance générale du royaume au duc d'Orléans. — La Fayette déclare que la famille royale a cessé de régner. — Choix entre la monarchie constitutionnelle et la République. — Question posée par Charles de Rémusat, et conversation de La Fayette avec Odilon Barrot. — Réception du duc d'Orléans par La Fayette à l'Hôtel de Ville (31 juillet). — Le drapeau tricolore est placé aux mains du prince. — Rédaction du programme de l'Hôtel de Ville. — Ses clauses, d'après Armand Marrast. — Conférence entre La Fayette et le duc d'Orléans. — On convient d'établir une monarchie constitutionnelle avec des institutions républicaines. — Le mot : C'est la meilleure des républiques, est répudié par La Fayette. — Proclamation à l'armée française. — Il annonce aux Parisiens la nomination du duc d'Orléans. — Il accepte le titre de commandant général des gardes nationales de France (31 juillet). — Le duc d'Orléans est appelé au trône (7 août). — La Fayette réclame l'abolition de la pairie héréditaire (7 août). — Examen de conscience (12 août). — Popularité du général et mot de Stendhal. — Banquet offert par la ville de Paris (15 août). — Discours de La Fayette. — Il est nommé commandant général des gardes nationales du royaume (16 août). — Il réclame l'abolition de la peine de mort (17 août). — Il remercie Guizot (19 août). — Règlement des attributions du commandant général et nomination de Mathieu Dumas comme inspecteur général (23 août). — Distribution des drapeaux à la garde nationale (29 août). — Lettre de félicitations du roi à La Fayette. — Ordre du jour de satisfaction (30 août). — Le duc d'Orléans se fait inscrire dans la garde nationale comme canonnier ; ordre du jour à ce sujet (11 et 13 septembre). — La Fayette donne des conseils au roi (septembre). — Il demande l'abolition de la traite des noirs (25 septembre). — Il fait ouvrir une souscription pour l'érection d'un monument aux quatre sergents de La Rochelle. — Il parle de nouveau en faveur de l'abolition de la peine de mort (8 octobre). — Il transmet une pétition du patriote Palloy (10 octobre). — Banquet maçonnique offert par les loges de Paris à La Fayette dans l'Hôtel de Ville (10 octobre). — Lettre au général Robert Wilson (17 octobre). — Félicitations à la garde nationale (19 octobre). — Revue au Champ de Mars (30 octobre). — II réclame la complète abolition des cautionnements pour la presse périodique (8 novembre). — Il désigne, pour les honneurs du Panthéon, les quatre sergents de La Rochelle, Manuel et le général Foy (15 novembre). — Il présente au préfet de la Seine, Odilon Barrot, une députation de la ville de Philadelphie et boit à la mémoire de Washington (18 novembre). — Discours à la garde nationale de Meaux (22 novembre). — Lettre à Joseph Bonaparte (26 novembre). — Propositions de royauté à lui faites par les Belges. — Il s'excuse de ne pouvoir assister à la revue de la garde nationale de Melun (30 novembre). — Mesures prises pour le transfèrement des ministres de Charles X de Vincennes au Luxembourg. — Correspondance entre La Fayette et le roi à ce sujet (11 et 12 décembre). — Visite à l'Ecole polytechnique (12 décembre). — Discours sur la tombe de Benjamin Constant (13 décembre). — Désordres à l'occasion du procès des ministres de Charles X. — Sang-froid de La Fayette (20 décembre). — Ordre du jour à la garde nationale (22 décembre). — Lettre à Théodore Lameth (23 décembre). — Suppression du commandement général de la garde nationale (24 décembre). — La Fayette envoie sa démission au roi et refuse le titre de commandant honoraire (25 décembre). — Démarches de Laffitte, Montalivet et Odilon Barrot. — Réponse de La Fayette au général de Ségur. — Conversation avec Louis-Philippe. — Le roi accepte la démission (26 décembre). — Ordre du jour de La Fayette (27 décembre). — Adieux aux gardes nationales du royaume et à la garde nationale parisienne (1er janvier 1831).Cependant des barricades se dressaient dans les rues de la
capitale ; la garde royale essayait de réprimer l'émeute, et de part et
d'autre le sang avait coulé. C'était l'horrible guerre civile qui commençait.
Les députés présents à Paris furent surpris de cet éclat soudain ; ils
réclamaient des réformes par les voies légales. et non par la force, et
l'insurrection répondait à leur appel. Ils se réunirent chez Audry de
Puyraveau et chez Bérard, le 2S juillet, et La Fayette. plus expert qu'eux en
pareille matière, leur dit qu'il s'agissait d'une révolution, qu'il fallait
nommer un gouvernement provisoire et que déjà son
nom se trouvait placé par la confiance du peuple et, avec son aveu, à la tête
de l'insurrection. Ainsi, retrouvant tout le feu de la jeunesse, La
Fayette n'hésitait pas à prendre la direction du mouvement et à assumer une
fois de plus sur sa tête la responsabilité d'une révolution. Plein
d'admiration pour la résistance des Parisiens, maîtres de l'Hôtel de Ville,
malgré la garde royale et les Suisses, il accepta, le 29 juillet. les
fonctions de commandant de la garde nationale, et déclara à ses collègues.
réunis chez Laffitte qu'il allait organiser la défense. Croyez-vous, s'écriait-il, qu'en
présence des dangers qui nous menacent. l'immobilité convienne à ma vie
passée et à ma situation présente ? Non ; ma conduite sera, à soixante-treize
ans, ce qu'elle a été à trente-deux. Sur la proposition de Guizot, on
décida de nommer une commission municipale, dont La Fayette refusa de
désigner les membres, qui. à son avis, devaient être nommés par la Chambre[1]. Puis le nouveau
commandant général adressa au peuple l'ordre du jour suivant : Mes chers concitoyens et braves camarades, la confiance du peuple de Paris m'appelle encore une fois au commandement de sa force publique. J'ai accepté avec dévouement et avec joie les devoirs qui me sont confiés et, de même qu'en 1789, je me sens fort de l'approbation de nos honorables collègues aujourd'hui réunis à Paris. Je ne ferai point de profession de foi : mes sentiments sont connus. La conduite de la population parisienne, dans ces derniers jours d'épreuve, me rend plus que jamais fier d'être à sa tête. La liberté triomphera ou nous périrons ensemble. Vive la liberté ! vive la patrie ! Installé à l'Hôtel de Ville, La Fayette décréta le rétablissement de la garde nationale parisienne et appela aux armes les citoyens pour maintenir le bon ordre. Le 30, il annonça à ses concitoyens de Rouen, d'Elbeuf et de Louviers que l'admirable courage du peuple parisien a triomphé de toutes les attaques des troupes royales, et que tous les moyens ont été pris pour repousser de nouvelles tentatives, si elles avaient lieu. Le même jour, il rendait aux combattants cet hommage mérité : Le peuple de Paris s'est couvert de gloire, et, quand je dis le peuple, c'est ce qu'on appelle les dernières classes de la société qui, cette fois-ci, ont été les premières ; car le courage, l'intelligence, le dévouement et la vertu du peuple parisien ont été admirables. Dans cette même journée du 30 juillet, les députés, réunis chez Laffitte, puis à la Chambre, sommés par La Fayette de s'occuper des intérêts du peuple, décidèrent d'offrir au duc d'Orléans la lieutenance générale du royaume. En vain Charles X retira ses ordonnances, renvoya Polignac et proposa un ministère libéral : La Fayette interpréta le sentiment public par cette catégorique réponse : On me demande une réponse explicite sur la situation de la famille royale depuis la dernière agression contre les libertés publiques et la victoire de la population parisienne ; je la donnerai franchement : c'est que toute réconciliation est impossible et que la famille royale a cessé de régner. En effet, la royauté des Bourbons avait vécu, et il ne s'agissait plus que d'organiser un nouveau gouvernement. Depuis le 30 juillet au soir, le duc d'Orléans était venu de Neuilly coucher au Palais-Royal. La Fayette était incontestablement le maitre absolu de la situation[2]. Il ne tenait qu'à lui de proclamer la République et personne n'aurait songé à un autre comme président. Charles de Rémusat lui posa la question en ces termes : Général, si l'on fait une monarchie, le duc d'Orléans sera roi ; si l'on fait une république, vous serez président. Prenez-vous la responsabilité de la république ?[3] En effet, la République avec La Fayette ou la monarchie constitutionnelle avec le duc d'Orléans, tel était le dilemme. Le général eut une conférence avec Odilon Barrot ; il lui déclara que ses sympathies personnelles étaient pour la République, mais qu'il croyait qu'une monarchie constitutionnelle pouvait seule convenir à la France[4]. Le général Mathieu Dumas alla rapporter cette conversation au duc d'Orléans, qui, rassuré sur les dispositions du seul adversaire qu'il pût redouter, se rendit, le samedi 31 juillet, à l'Hôtel de Ville. La Fayette reçut le prince au bas de l'escalier et gravit avec lui les marches. Leur entrée fut accueillie avec froideur par les vainqueurs qui remplissaient la salle. Des cris : Pas de Bourbons ! éclatèrent. Au dehors la foule manifestait des sentiments hostiles. Alors le général, mettant dans une des mains du duc un drapeau tricolore et le prenant par l'autre, conduisit le prince à une des fenêtres et l'embrassa[5]. C'est ainsi que La Fayette résolut le problème et invita, selon la pittoresque expression de Palmerston, le duc d'Orléans à traverser la rue et à passer du Palais-Royal aux Tuileries[6]. En effet, l'apparition du drapeau de la Révolution, proscrit depuis quinze ans, fut saluée par d'unanimes acclamations : Vive le duc d'Orléans ! Vive La Fayette ![7] Le prince rentra au Palais-Royal. Quand il fut parti, les assistants, parmi lesquels se trouvaient des républicains, exprimèrent leurs soupçons à l'égard du duc d'Orléans et déclarèrent n'accepter le nouveau gouvernement que si on leur donnait des garanties. Ils menacèrent de reprendre les armes pour la défense de la liberté. La Fayette les apaisa et leur fit donner leur parole d'honneur de ne pas troubler la tranquillité de Paris pendant quarante-huit heures, mais à condition que le lieutenant général du royaume accepterait pour lui et pour les siens certaines propositions qui allaient être formulées. C'est alors que fut rédigé ce fameux programme de l'Hôtel de Ville, dont voici les principaux articles, d'après un témoin oculaire, dont la parole ne fut jamais suspectée, Armand Marrast : 1° La souveraineté nationale reconnue en tête de la Constitution comme le dogme fondamental du gouvernement. 2° Point de pairie héréditaire. — 3° Renouvellement complet de la magistrature. — 4° Loi municipale et communale sur le principe le plus large de l'élection. Pas de cens d'éligibilité. — 5° L'élection appliquée à toutes les magistratures inférieures. — 6° Plusieurs autres dispositions touchant les privilèges et les monopoles qui paralysent l'industrie, etc. — 7° Tout cela enfin adopté provisoirement et devant être soumis à la sanction de la nation seule capable de s'imposer le système de gouvernement qui lui conviendra[8]. Ce programme présenté au général La Fayette, dit Armand Marrast, fut par lui reçu comme l'expression de ses propres opinions. Il se chargea de le faire connaître au lieutenant général et il le résuma lui-même en disant qu'il était question d'élever un trône populaire entouré d'institutions républicaines. La Fayette se rendit au Palais-Royal, exposa ses idées au prince et en obtint des professions de foi qui le satisfirent. Vous savez, lui dit-il, que je suis républicain et que je regarde la Constitution des États-Unis comme la plus parfaite qui ait existé. — Je pense comme vous, répondit le duc ; il est impossible d'avoir passé deux ans en Amérique et de n'être pas de cet avis ; mais croyez-vous, dans la situation de la France, et d'après l'opinion générale, qu'il nous convienne de l'adopter ? — Non, répartit La Fayette ; ce qu'il faut aujourd'hui au peuple français, c'est un trône populaire, entouré d'institutions républicaines, tout à fait républicaines. — C'est bien ainsi que je l'entends, dit le prince. Cette conversation, dont La Fayette lui-même a rapporté les termes, fut résumée en une phrase : La monarchie constitutionnelle est la meilleure des républiques, qui devint populaire. La Fayette a répudié cette formule[9] que Metternich lui-même employait dans sa correspondance avec l'ambassadeur d'Autriche à Paris, le comte Apponyi[10], et que le gouvernement de Louis-Philippe avait intérêt à propager[11]. Le général revint à l'Hôtel de Ville, donna les meilleures assurances aux rédacteurs du programme[12] et lança deux proclamations et un ordre du jour. A l'armée française, il demandait de se ranger sous les ordres du général Gérard : Le général La Fayette déclare, au nom de toute la population de Paris, qu'elle ne conserve à l'égard des militaires français aucun sentiment de haine ni d'hostilité ; elle est prête à fraterniser avec tous ceux d'entre eux qui reviendront à la cause de la patrie et de la liberté, et elle appelle de tous ses vœux le moment où les citoyens et les militaires, réunis sous un même drapeau, dans les mêmes sentiments, pourront enfin réaliser le bonheur et les glorieuses destinées de notre belle patrie. Aux citoyens de Paris, il annonçait la nomination du duc d'Orléans et rappelait habilement que le lieutenant général du royaume, appelé par la Chambre, fut un des jeunes patriotes de 89, un des premiers généraux qui firent triompher le drapeau tricolore. A la garde nationale, il déclarait accepter les fonctions de commandant général des gardes nationales de France. Ce même jour, 31 juillet, Charles X se retirait à Rambouillet avec sa garde, impuissante à sauver l'ancienne monarchie. Le 7 août 1830, les deux Chambres appelèrent au trône le duc d'Orléans. A la séance de la Chambre des députés, La Fayette réclama énergiquement l'abolition de la pairie héréditaire, qui était un des articles du programme de l'Hôtel de Ville, et déclara que, disciple de l'école américaine, il n'avait jamais compris qu'on pût avoir des législateurs et des juges héréditaires. Il termina en priant ses collègues de ne pas oublier que, s'il a toujours été l'homme de la liberté, il n'a jamais cessé d'être l'homme de l'ordre public. Le 12 août, il faisait son examen de conscience en ces termes : Le choix du roi est bon ; je le pensais, je le pense encore plus depuis que je le connais, lui et sa famille. Tout n'ira pas le mieux possible, mais la liberté aura fait de grands progrès et en fera encore. Au reste, j'ai fait ce que ma conscience me dictait, et, si je me suis trompé, c'était de bonne foi[13]. Quoi qu'il en fût, La Fayette avait retrouvé son ancienne popularité. Les témoignages d'admiration et de respect lui arrivaient de toutes parts. Le 3 août, les Parisiens lui firent don de deux petits canons[14]. Stendhal écrivait, dans son enthousiasme pour la révolution de juillet : L'admirable La Fayette est l'ancre de notre liberté[15]. La ville de Paris offrit, le 15 août, au général un banquet de trois cent cinquante couverts, où assistèrent les ministres, un certain nombre de pairs et de députés. des représentants de tous les grands corps de l'État, des délégations des écoles, etc. Au dessert, Adolphe Nourrit chanta des vers en l'honneur du héros de la fête[16]. La Fayette répondit avec émotion au toast que lui porta son collègue Alexandre de La Borde, préfet de la Seine : Lorsque la population parisienne s'est levée spontanément pour repousser l'agression et reconquérir ses droits, Los droits à tous, les imprescriptibles droits du genre humain, elle a daigné se souvenir d'un vieux serviteur de la cause des peuples : en me proclamant son chef, en associant mon nom à ses triomphes, elle a récompensé les vicissitudes d'une vie entière. Ce peuple, si grand dans le combat, s'est montré plus grand encore dans sa générosité. Aujourd'hui, c'est avec le sentiment intime de sa souveraineté, c'est dans ses véritables intérêts qu'il faut organiser la victoire. Déjà toutes les opinions patriotiques se sont franchement ralliées autour d'un trône constitutionnel et populaire. Les acclamations de la capitale, les rapports de tous les départements nous témoignent un assentiment général à ce choix. Puis il but à la glorieuse population parisienne. Le lendemain, 16 août, sur la proposition de Guizot, Louis-Philippe nomma La Fayette commandant général des gardes nationales du royaume[17]. Le 17, le général réclama l'abolition de la peine de mort. Quel malheur, Messieurs, s'écriait-il, que l'abolition de la peine de mort n'ait pas été adoptée par l'Assemblée constituante ! Que d'irréparables douleurs nous eussent été épargnées ! Le 19, il remercia Guizot et lui demanda la permission de désigner le général Mathieu Dumas comme major général des gardes nationales de France. C'est, disait-il, au général en chef à nommer son chef d'état-major. Mais cette fois l'armée est si nombreuse et la carrière si vaste que cela vaut bien la peine d'une présentation au roi et au ministre (2)[18]. En conséquence, le 23, une ordonnance royale régla les attributions du commandant général[19] et nomma Mathieu Dumas inspecteur général des gardes nationales du royaume. Le 29 août, La Fayette assista, au Champ de Mars. à la distribution, par le roi, des drapeaux à la garde nationale, et prononça la formule du serment[20]. Le jour même, Louis-Philippe écrivit au commandant général une lettre de félicitations, dans laquelle il évoqua les grands souvenirs de la Fédération de 1790 et de Valmy[21]. Le lendemain 30, dans un ordre du jour. La Fayette remercia ses camarades du superbe et patriotique spectacle qu'ils avaient donné. Pas plus qu'en 1789, il ne ménageait son temps ni sa peine pour l'organisation de la garde nationale. Il en était encore à la lune de miel avec les Tuileries. Le 11 septembre, le duc d'Orléans, fils aîné du roi, écrivit à La Fayette pour se faire inscrire comme canonnier dans la milice citoyenne, et, le 13, celui-ci mit à l'ordre du jour cette flatteuse démarche du jeune prince et les termes mêmes de la lettre. Le 25, fidèle à ses principes, il réclama l'abolition de la traite des noirs et parla en faveur des hommes de couleur. Le 27, il agissait envers Louis-Philippe comme il avait fait envers Louis XVI, en lui donnant des conseils sur les mesures nécessitées par la révolution de Belgique. A la même époque, il fut un des promoteurs d'une souscription destinée à élever un monument à la mémoire des quatre sergents de La Rochelle[22]. Le 2 octobre 1830, La Fayette demanda au roi la permission de lui présenter les condamnés pour causes politiques depuis 1813, les électeurs survivants de la célèbre et vertueuse assemblée de l'Hôtel de Ville en 1789, et ce qui reste des basoches de 89. Le 8, il appuya éloquemment la proposition de son ami Victor de Tracy sur l'abolition de la peine de mort. Le dimanche 10 octobre, il transmit au président de la Chambre des députés une pétition du patriote Palloy, que nous employâmes, dit-il, en 89 à la démolition de la Bastille[23]. Le même jour, les francs-maçons du Grand-Orient de France et du Suprême conseil offrirent à leur illustre frère, dans l'Hôtel de Ville, une fête maçonnique et patriotique, sous la présidence du duc de Choiseul[24]. Le 17 octobre, La Fayette écrivit au général sir Robert Wilson : Je jouis de l'approbation que vos compatriotes ont bien voulu donner à notre dernière révolution, et j'espère qu'il en résultera une véritable sympathie entre les deux peuples. Le gouvernement français ayant adopté le système de non-intervention est également disposé à ne pas souffrir celle des autres et à ne prendre lui-même aucune part dans les affaires de nos voisins. Cette scrupuleuse exactitude dérange les projets très généreux de mon ami le général Pepe. Il espère trouver plus de ressources dans les spéculations particulières de vos concitoyens. Quant à moi ; aucune situation personnelle, ne m'empêchera de faire des vœux pour la délivrance des opprimés de tous les pays[25]. Le 19 octobre, La Fayette félicita la garde nationale d'avoir dissipé les rassemblements qui s'étaient portés sur Vincennes et sur le Palais-Royal pour demander la tête des ministres de Charles X, et le roi le remercia de son admirable ordre du jour. Le 31, quatre-vingt mille gardes nationaux défilèrent, au Champ de Mars, devant Louis-Philippe et le commandant général, ce qui valut une nouvelle lettre laudative du roi à La Fayette. Le 8 novembre, restant fidèle à sa ligne de conduite politique, il réclama la complète abolition des cautionnements pour la presse périodique. Le 11, il assista au banquet que lui offrit la septième légion de Paris, et il répondit au toast porté par Mathieu Dumas. Le 15, il désignait pour les honneurs du Panthéon, rendu à sa destination primitive, les quatre sergents de La Rochelle, Manuel et le général Foy. Le 18, il présenta au préfet de la Seine, Odilon Barrot, son ami, une députation de la ville de Philadelphie, qui venait féliciter les Parisiens de leur courage et de leur triomphe. Le soir, au (liner offert à cette occasion par le préfet aux principaux membres de la colonie américaine, et auquel assistaient Alexandre de Humboldt, Cuvier, Arago et Chaptal, La Fayette but à la mémoire de Washington. Le 22 novembre, La Fayette déclara à la garde nationale de Meaux son intention de rester le candidat de l'arrondissement. Le 26 novembre, il répondit à Joseph Bonaparte, qui l'avait chargé de faire abroger la loi de proscription de sa famille, et expliqua les raisons de l'élévation du duc d'Orléans au trône de France. Le 26, il constatait que ses opinions libérales déplaisaient aux Broglie et à la famille Perier, et il plaisantait des propositions de royauté que lui avaient faites les Belges. Le 30 novembre, il s'excusait auprès du préfet de Seine-et-Marne de ne pouvoir assister à la revue de la garde nationale de Melun, et se faisait suppléer par le général Carbonel[26]. Le 4 décembre, il s'opposa à l'extradition des déserteurs ; le 11, le roi le félicita des mesures prises pour le transfert des ex-ministres de Charles X de Vincennes au Luxembourg. Le 12, La Fayette, qui s'était installé dans ce palais pour la durée du procès, remercia Louis-Philippe, et lui fit sentir combien serait glorieuse pour son règne une intervention en faveur de la Pologne. Le même jour, il se rendit à l'École Polytechnique, et lut aux élèves rassemblés dans la cour l'adresse des élèves de l'École militaire de West-Point à leurs camarades de France, pour les féliciter de leur belle conduite. Le 13 décembre, La Fayette accompagna Benjamin Constant à sa dernière demeure, et il prononça l'éloge funèbre de son vieil ami, si éminemment Français par ses sentiments et par le caractère de ses talents. Le 14, il soutint le projet gouvernemental de l'organisation de la garde nationale. Le procès des ministres de Charles X passionnait les esprits ; des rassemblements se formaient aux abords du Luxembourg et étaient contenus par la garde nationale. La Fayette montra, dans ces circonstances. le même sang-froid qu'au temps de sa jeunesse. Dans la matinée du 20, il sortit à pied. par la rue de Tournon, avec quelques officiers de son état-major, traversa la foule, qui s'écartait sur son passage et l'acclamait, et fit évacuer toutes les rues adjacentes au palais. Il adressa trois ordres du jour à la garde nationale et reçut, le 22 décembre, une lettre du roi manifestant sa gratitude. Le 23, il résumait la situation dans ces lignes adressées à Théodore Lameth : La crise, redoutée à juste titre, du procès des ministres, s'est passée heureusement. Elle était le point de rendez-vous de tous les intérêts opposés au maintien actuel de l'ordre public, et, quoique les ministres ne fussent qu'une occasion, il pouvait en résulter contre eux un affreux attentat et pour la Révolution une grande souillure. Heureusement nous en sommes sortis d'une manière honorable pour la garde nationale, et la jeunesse s'est unie loyalement à notre devise de liberté, ordre public... Voilà aujourd'hui la tranquillité rétablie. Il est à souhaiter qu'on en profite pour marcher dans le sens de la Révolution et nous donner des institutions électorales, communales et départementales[27]. La Fayette venait de rendre, par ses habiles dispositions, un service signalé au gouvernement[28] : ce devait être le dernier de cette nature, car, le 24 décembre, la Chambre adopta un projet de loi interdisant tout commandement central de la garde nationale et replaçant cette milice sous les ordres du ministre de l'intérieur. Ce vote supprimait en fait le commandement général dont La Fayette était investi : celui-ci, le 26 décembre, s'empressa d'envoyer au roi sa démission, et il refusa le titre de commandant honoraire que le président du Conseil avait proposé de lui conférer. Louis-Philippe le pria d'ajourner sa décision jusqu'à ce qu'il en eût conféré avec ses ministres, et de venir causer avec lui. Laffitte et surtout Montalivet essayèrent de faire revenir le général sur une démission dont ils craignaient le mauvais effet sur le peuple ; ils échouèrent. Le général Philippe de Ségur ne fut pas plus heureux. La Fayette répondit à ses observations : Non, non, mon cher cousin ; je connais ma position ; il est temps que je me retire. Je pèse, je le sais, comme un cauchemar, sur le Palais-Royal ; non pas sur le roi et sa famille, qui m'aiment, qui sont les meilleures gens du monde, et que j'aime tendrement, mais sur leurs entours. N'ai-je pas entendu Viennet s'écrier devant le roi, en me voyant entrer : Voilà le maire du palais. Sans doute j'ai été utile à son avènement ; mais si je lui ai sacrifié quelques-unes de mes convictions, ce n'a été que sur la foi du programme de l'Hôtel de Ville. J'annonçai là un roi s'appuyant sur des institutions républicaines ! Or, cette déclaration, qu'on semble oublier, j'y tiens beaucoup ; et voilà ce qu'à la Cour on ne me pardonne pas..... De tout cela la conclusion est que je deviens gênant. J'en prends mon parti. Je garderai à la famille royale la même amitié, mais je n'ai qu'une parole, et je ne puis changer mes convictions[29]. C'est ce qu'il répéta à Odilon Barrot, qui le blâmait[30], et au roi, qui ne semble avoir insisté que faiblement pour empêcher une décision conforme à ses secrets désir[31]. Rien ne put changer la résolution du général, et le dimanche 26 décembre, à minuit, le roi accepta la démission de La Fayette[32]. Le 27, celui-ci adressa un dernier ordre du jour à ses frères d'armes de Paris, pour les remercier de leur concours, tandis que Louis-Philippe exprimait ses regrets dans une proclamation. Le même jour, il donna des explications à la Chambre des députés sur les motifs de sa retraite ; puis, le 1er janvier 1831. il adressa ses adieux aux gardes nationales du royaume et à la garde nationale parisienne[33]. |
[1] Cette commission municipale fut nommée par la Chambre, le 29 juillet, et elle comprit Jacques Laffitte, Casimir Perier, les généraux Gérard et Lobau et Odier. Le général Gérard, appelé au commandement des troupes, et Odier, qui refusa, furent remplacés par de Schonen et Audry de Puyraveau.
[2] C'est ce qu'a déclaré un témoin oculaire, Odilon Barrot, dans ses Mémoires, t. Ier, p. 112 : La Fayette fut investi dans ces quelques jours d'une véritable dictature morale et politique dont le titre n'était écrit dans aucun décret, mais qui paraissait tellement forcée que nul ne se fût avisé de la contester.
[3] Il convient de rapporter ici le récit fait par Guizot dans ses Mémoires, t. II, p. 11 et 12 : Dans l'état des faits et des esprits, on n'avait à choisir qu'entre une monarchie nouvelle et la république, entre M. le duc d'Orléans et M. de La Fayette : Général, dit à ce dernier son petit-gendre, M. de Rémusat, qui était allé le voir à l'Hôtel de Ville, si l'on fait une monarchie, le duc d'Orléans sera roi ; si l'on fait une république, vous serez président. Prenez-vous la responsabilité de la république ? M. de La Fayette avait l'air d'hésiter plutôt qu'il n'hésitait réellement. Noblement désintéressé, quoique très préoccupé de lui-même, et presque aussi inquiet de la responsabilité qu'amoureux de la popularité, il se complaisait à traiter pour le peuple et au nom du peuple, bien plus qu'il n'aspirait à le gouverner. Que la République, et la République présidée par lui, fût entrevue comme une chance possible, s'il la voulait ; que la monarchie ne s'établit que de son aveu et à condition de ressembler à la république ; cela suffisait à sa satisfaction, je ne veux pas dire à son ambition. M. de La Fayette n'avait pas d'ambition ; il voulait être le patron populaire de M. le duc d'Orléans, non son rival.
[4] Cf. Odilon Barrot, Mémoires, t. Ier, p. 127. Il dit que La Fayette se prononça pour la monarchie constitutionnelle, par peur du jacobinisme.
[5] Chateaubriand a conté la scène dans ses Mémoires d'outre-tombe, t. IX, p. 303 et 304 : M. de La Fayette, voyant l'incertitude croissante de l'Assemblée, se mit tout à coup en tête d'abdiquer la présidence : il donne au duc d'Orléans un drapeau tricolore, s'avance sur le balcon de l'Hôtel de Ville et embrasse le prince aux yeux de la foule ébahie, tandis que celui-ci agitait le drapeau national. Le baiser républicain de La Fayette fit un roi. Singulier résultat de toute la vie du héros des deux mondes !
[6] Palmerston n'avait depuis quelques mois aucune illusion sur la chute prochaine des Bourbons et il considérait le duc d'Orléans comme un candidat possible au trône. C'est ce qu'il écrivait de Paris, le 4 décembre 1820. à William Temple : Tout ceci parait devoir s'arranger à l'amiable, et il n'y a nulle possibilité ou plutôt nulle probabilité de révolution ou de convulsion. Néanmoins, si le roi, pour la première fois de sa vie, allait porter son entêtement jusqu'à l'action, au lieu de reculer la veille, et s'il était appuyé par un ministère audacieux et désespéré, assez fort pour affronter l'orage de l'opinion publique et du sentiment national, alors et dans ce cas le résultat serait probablement un changement d'habitants aux Tuileries et le duc d'Orléans au Palais-Royal pourrait être invité à traverser la rue. Mais, quant à un autre changement, cela n'est pas possible : il y a trop de millions de propriétaires de terres et de fonds en France pour rendre admissible une crise qui menace l'une ou l'autre de ces propriétés. (Cf. Lord Palmerston, sa correspondance intime, traduite par Aug. Crayon ; Paris, Didier, 1878, 2 vol. in-8°, t. Ier, p. LII.)
[7] On lit dans les Mémoires d'Odilon Barrot, t. Ier, p. 125 : À l'apparition du duc d'Orléans et de La Fayette, enveloppés tous deux, pour ainsi dire, dans les plis du drapeau national, un cri s'élança des entrailles de la multitude, et ce cri, cette fois unanime, fut celui de : Vive le duc d'Orléans ! Vive La Fayette ! La révolution était terminée. — Cette scène fut popularisée par deux lithographies : l'une, par Aubry-Lecomte, d'après une esquisse du peintre Guillon-Le Thière, avait pour légende : Louis-Philippe d'Orléans proclamé lieutenant général du royaume et reçu à l'Hôtel de Ville de Paris par le général La Fayette et les Principaux députés de la France le samedi 31 juillet 1830 ; l'autre, par Lemercier, d'après un dessin de Maurin, avait pour titre : Le général La Fayette donnant l'accolade au roi Louis-Philippe, avec cette légende : Voilà le roi qu'il nous fallait, c'est la meilleure des républiques. (Cf. Bibl. nat., cabinet des estampes, coll. Hennin, t. CLXV, n° 14440 et 14447 du catalogue rédigé par M. G. Duplessis ).
[8] Cf. Programme de l'Hôtel de Ville, ou récit de cc qui s'est passé depuis le 31 juillet jusqu'au 6 août 1830 ; extrait de la Tribune politique et littéraire, article du 7 avril 1831, non démenti par le gouvernement [par Armand Marrast] ; Paris, Rouanet, 1831, in-8°, de 8 pages. (Bibl. nat., Lb50 79).
[9] Dans son dernier discours, prononcé le 3 janvier 1834, et dont on trouvera les termes dans le chapitre XXX. — Odilon Barrot a déclaré qu'il n'a pas entendu le mot, mais que c'était là l'intime pensée du général. (Cf. Mémoires, t. Ier, p. 126.)
[10] On lit dans une lettre de Metternich, en date du 28 octobre 1831 : La différence qui existe entre la royauté légitime et la République ressort de l'opposition entre deux terrains également positifs, et sur lesquels tout est clair. Mais le roi citoyen, la royauté entourée d'institutions républicaines, en un mot, la meilleure des républiques, n'a pas de base d'existence réelle et pratique. (Cf. Mémoires de Metternich, t. V. p. 209.)
[11] La légende d'une des lithographies signalées plus haut en est une preuve. De plus, on répandit dans le public la brochure suivante, où le duc d'Orléans s'abritait sous la popularité de La Fayette : Notices historiques sur son Altesse royale Louis-Philippe d'Orléans, lieutenant général du royaume, et sur le général La Fayette, commandant en chef les gardes nationales de France, extraites de la Biographie universelle et portative des contemporains, publiée sous la direction de M. V. de Boisjolin, et précédés de quelques mots sur la nécessité de se rallier au duc d'Orléans, Paris, 1830, in-8°. (Bibl. nat., Lb51 3.)
[12] Armand Marrast raconte ainsi les faits, p. 7 : Le général La Fayette partit pour le Palais-Royal et nous attendîmes. Bientôt il fut de retour, et il nous dit avec épanchement que le duc d'Orléans et son fils partageaient toutes nos opinions, que ce que nous avions proposé était leur pensée intime, et que nous devions nous empresser de nous en remettre à eux du soin d'assurer le bonheur de la France. Alors plusieurs d'entre nous partîmes pour divers points de Paris, et nous eûmes quelque peine à ramener le calme. — Dans une lettre du 12 juillet 1832, La Fayette confirma ce récit en parlant en ces termes de Louis-Philippe : L'amitié que j'ai éprouvée depuis pour lui et sa famille est postérieure au parti que j'ai pris en juillet 1830, uniquement parce que j'y vis la combinaison la plus favorable aux intérêts de la liberté et de la patrie, mais sous la condition de ce qu'on a depuis appelé le programme de l'Hôtel de Ville.
[13] Odilon Barrot dit, dans ses Mémoires, t. Ier, p. 120 : Ce n'est, en effet, ni par faiblesse, ni par entraînement, et encore moins dans une vue d'ambition personnelle, que le général La Fayette s'était décidé en faveur de la royauté constitutionnelle confiée à la branche cadette des Bourbons ; c'était sous l'impulsion des sentiments les plus nobles et les plus désintéressés qu'il avait pris cette détermination...
[14] Cf. J. Cloquet, Souvenirs sur la vie privée du général La Fayette, p. 181.
[15] Dans une lettre du 15 août 1830. (Cf. Correspondance inédite, 2e série, p. 102, et Henri Cordier, Stendhal et ses amis, 1890, in-4°, p. 59.)
[16] Cf. Moniteur du 16 août 1830. — Une lettre d'invitation à ce banquet figurait dans le catalogue Lucas de Montigny sous le n° 1638.
[17] Cf. Mémoires de Guizot, t. II, p. 59 et suiv. — Guizot reproduit une note émanée de l'état-major de La Fayette et où la question du commandement général était posée.
[18] Cf. Mémoires de Guizot, t. II, pp. 63 et 64.
[19] Voici les termes de l'ordonnance : Le commandant général est chargé de tout ce qui est relatif à la distribution des gardes nationaux dans les cadres, en se conformant à la division du territoire, à la discipline, à l'instruction, à la répartition de l'armement et de l'équipement des gardes nationales, à l'exécution et transmission des ordres qui lui sont donnés.
[20] Cf. Jules Cloquet, p. 331.
[21] Cette solennité donna lieu aux deux brochures suivantes : 1° Grande revue de la garde nationale de Paris par le roi Louis-Philippe Ier, 29 août 1830 : Nantes, Mellinet, in-8° ; 2° Lettre du roi au général La Fayette sur la grande revue de la garde nationale de Paris, le 29 août 1830 ; Nantes, Mellinet, in-8°. (Bibl. nat., Lb51 135 et 136.)
[22] J'ai retrouvé le texte même de cette proposition, écrit de la main de La Fayette : soussignés, considérant que le sergent au 53e régiment Bories et ses dignes compagnons Pommier, N. et N. [Goubin et Raoulx] sont morts victimes de leur dévouement à la cause de la liberté, et que le patriotisme. la fermeté et l'élévation d'âme qu'ils ont manifestés à cette occasion leur donnent droit, non seulement au profond regret de leurs amis, mais à la sympathie et h l'admiration de tous les vrais appréciateurs du dévouement et de l'honneur civique, ont résolu de leur élever par souscription un monument au lieu de leur sépulture. (Document communiqué par M. Noël Charavay.) — Le monument a été élevé dans le cimetière du Montparnasse. Il est placé sur un monticule et se compose d'une colonne brisée, sur laquelle sont inscrits les noms des quatre sergents de la Rochelle et la date de leur mort.
[23] On lit dans cette lettre, qui fait partie de ma collection révolutionnaire : Je vous envoie aussi une pétition du patriote Palloy, que nous employâmes en 89 à la démolition de la Bastille. On lui avait donné un terrain sur cet emplacement. Je l'ai réclamé sous les divers régimes, y compris celui de la Restauration, mais sans succès, comme vous pouvez croire. M. Palloy et sa femme sont très vieux, très pauvres. Il n'y a pas de temps à perdre pour leur rendre quelque justice. Je voudrais bien que la pétition pût, après notre rentrée, être rapportée le plus tôt possible.
[24] Je possède un exemplaire de la lettre d'invitation à cette fête maçonnique. Elle commence ainsi : Une grande fête maçonnique sera célébrée le dimanche 10 octobre prochain, à l'Hôtel de Ville, en l'honneur de celui de nos frères que l'on a si justement surnommé le patriarche de la liberté et le citoyen des deux mondes ; toutes les sommités civiles et maçonniques concourront à en augmenter l'éclat et la solennité. Outre le duc de Choiseul, on remarque parmi les promoteurs de cette cérémonie le comte Alexandre de La Borde, le comte Muraire, le conteur Bouilly, Odilon Barrot, Mérilhou, Berville et Garnier-Pagès. Le compte rendu de cette fête fut publié sous ce titre : Fête maç*** donnée au général La Fayette par les L*** du rit français et du rit écossais réunies le 10 octobre 1830 ; in-8°. (Bibl. du Grand-Orient de France.)
[25] Orig. aut., British Museum, Add.
30116, fol. 52.
[26] Copie, coll. de M. Th. Lhuillier, de Melun. — Voici un passage de cette lettre : Je jouis d'avance du succès que je prévois pour notre garde nationale ; j'aurais été heureux d'en être le témoin et de vous aider à recevoir le jeune et à tous égards bien digne héritier du trône civique. Soyez auprès de lui et auprès de nies camarades l'interprète des sentiments que je leur ai voués.
[27] Orig. aut., Bibl. nat., Fr. n. acq. 1389.
[28] Guizot le reconnaît dans ses Mémoires, t. II, p. 152. — Odilon Barrot en a témoigné (Mémoires, t. Ier, p. 197) : Sans le général La Fayette, le procès aurait eu le plus déplorable dénoueraient ; ce ne sont pas seulement les accusés qui auraient été victimes, leur mort eût été le signal d'une révolution violente. Si, en juillet et août 18 ;o, le général La Fayette a élevé le trône, en décembre il l'a préservé d'une catastrophe inévitable.
[29] Cf. Histoire et Mémoires par le général comte de Ségur, t. VII, p. 372.
[30] Cf. Mémoires, t. Ier, p. 197.
[31] On lit à ce sujet dans les Mémoires de Guizot, t. II, p. 155 : Le roi fut, je crois, peu surpris de la démission de M. de La Fayette et était décidé à l'accepter. Mais il redoutait l'apparence d'un tort envers un homme considérable, persévérant dans son dévouement à ses principes, et qui venait de lui rendre un grand service.
[32] La minute de cette lettre de Louis-Philippe à La Fayette est de la main de Madame Adélaïde ; elle est conservée dans la collection d'autographes de M. Victor Bouvrain.
[33] Le général de Ségur fait à cette occasion les réflexions suivantes sur son cousin : Quant à M. de La Fayette, libre désormais et tenant parole. il se jeta ouvertement dans l'opposition. Il a persévéré, jusqu'à son dernier soupir, dans cette mission républicaine et démocratique pour laquelle il avait été évidemment créé. Car en lui, et pour qui l'observa de prés, tout, depuis sa naissance jusqu'à sa fin, semble attester une véritable prédestination, surtout son dévouement, naïf, invariable et sans réserve, à cette terrible mission, dont le but l'aveuglait sur les sacrifices, quel que fût le contraste avec les pures qualités de son cœur, les grâces aimables et aimantes de son esprit plein de finesse et d'agrément, et l'intègre bonté et générosité de son noble caractère. (Cf. Histoire et Mémoires par le général comte de Ségur, t. VII, p. 380.)