LE GÉNÉRAL LA FAYETTE

1757-1834

 

LE GÉNÉRAL LA FAYETTE.

 

 

XXV

 

La Fayette se retire à La Grange. — Lettre à lord Rolland (15 décembre 1815). — Sévère jugement sur la seconde Restauration. — Portrait de lui par lady Morgan. — Il échoue à une élection de Paris (20 septembre 1817). — Il est nommé député par le département de la Sarthe (20 octobre 1818). — Louis XVIII en est affligé. — Curiosité des Parisiens pour voir le général prêter serment. — Lettre de Mine de Rémusat. — Séance royale (10 décembre). — Entrevue avec La Revellière-Lépeaux. — Attaques dirigées contre lui par les royalistes (avril 1819). — Il proteste contre l'annulation de l'élection de Grégoire (6 décembre 1819). — Il correspond avec le général anglais sir Robert Wilson. — Il proteste contre l'accusation d'avoir voulu émigrer à la tête de son armée. — Il demande la réorganisation de la garde nationale (10 février 1820). — Il réclame le maintien intégral de la Charte et de la loi électorale (2 mars). — Il parle en faveur de la liberté individuelle (8 mars). — Eloquent discours sur la loi relative aux élections (27 mai). — Diner américain (4 juillet 1820). — Lettre au président Monroë (20 juillet). — Sympathie pour les patriotes napolitains (12 février 1821). — Il s'affilie à la Charbonnerie française. — Procès de Sauquaire-Souligné et de Goyet (14 mars). — Magistral discours sur le budget des dépenses (4 juin 1821). — Eloquente critique de la politique gouvernementale. — Il ne faut pas rendre la Révolution responsable des excès commis. — Eloge de l'enseignement mutuel. — Succès immense de ce discours, violemment attaqua par les royalistes. — Diner américain (4 juillet). — Article malveillant d'une gazette autrichienne. Appréciation de la mort de Napoléon (5 juillet). — Il encourage l'insurrection de la Grèce contre les Turcs. — Il assiste au procès et à l'acquittement de Béranger (8 décembre 1821). — Programme de la Charbonnerie. — Déclaration de principes de La Fayette. — Complot de Belfort. — Départ de La Grange (25 décembre 1821). — Arrivé près de Lure, La Fayette apprend que tout est découvert et rebrousse chemin (1er janvier 1822). — Il passe quelques jours chez le député Martin de Gray et rentre à La Grange. — Il attaque avec force la contre-révolution (23 juillet 1822). — Arrestation et procès des quatre sergents de La Rochelle, du général Berton et du lieutenant-colonel Caron. — Protestation contre l'accusation de complicité portée par le procureur-général de la cour de Poitiers (1er août). — Le gouvernement n'ose pas le poursuivre. — Une tentative d'évasion des quatre sergents de La Rochelle, favorisée par La Fayette, échoue. — Recommandation en faveur du professeur Chauvet, proscrit comme complice du général Berton. — II inspire des craintes au sous-préfet de Coulommiers (16 septembre 1822). — Diner chez la duchesse de Broglie (26 février 1823). — Il proteste contre le décret d'expulsion de Manuel et empêche les gardes nationaux de toucher à ce député (3 et 4 mars 1823). — Il s'abstient d'assister aux séances. — Il vante la conduite patriotique du sergent Mercier et de ses hommes. — Lettre sur l'abolition de l'esclavage (11 mai 1823). — Indignation de l'exécution du patriote espagnol Riego (25 novembre). — Dissolution de la Chambre des députés (24 décembre 1823). — Il témoigne dans le procès de Sauquaire-Souligné et de Mme Chauvet (7 février 1824). — Il échoue aux élections dans l'arrondissement de Meaux (25 février 1824). — Il projette un voyage aux Etats-Unis.

 

La Fayette se condamna à la retraite : le nouveau gouvernement ne pouvait lui convenir, et il fallait attendre du temps un remède aux maux dont souffrait la France. De La Grange. il écrivit à lord Holland, le 15 décembre 1815 :

Les principes de 89 avaient armé contre nous le royalisme et l'aristocratie ; le despotisme d'un conquérant leur a donné pour auxiliaires les peuples. C'est avec cette force contre nature que Pillnitz et Coblentz ont reparu à nos portes. Il fallait, pour se défendre, ou s'abandonner à un mouvement national qui suppose enthousiasme et confiance, ou s'unir au gouvernement régulier d'un général qui craignait sa nation plus que l'ennemi. La majorité agissante a préféré le second parti ; il a été appuyé par tous, sans humeur et sans réserve.

La Fayette portait un sévère jugement sur la seconde Restauration :

Je ne dirai pas avec Charles Fox, dans ses mémoires sur Jacques II, qu'une restauration est la pire des révolutions, parce qu'elle a les inconvénients d'une révolution de plus, en même temps qu'elle prive les peuples de ce qu'il y avait d'avantageux dans les révolutions précédentes ; mais je dirai qu'une restauration n'a, pas plus que tout autre événement, le pouvoir de réparer nos véritables pertes ; que son objet ne doit pas être de satisfaire des intérêts ou des vanités de privilégiés, encore moins des vengeances de partis ; qu'elle n'est enfin préférable aux autres combinaisons qu'autant qu'elle offre à tous une plus grande sécurité pour les droits et les avantages dont la nation est en possession ou qu'elle a voulu recouvrer. Si la dynastie actuelle avait offert aux intérêts publics et privés un égal degré de sécurité, elle eût été préférable à toute autre. Malheureusement elle n'a jamais voulu s'associer à la régénération de toutes choses en France ; elle s'est constituée étrangère aux principes, aux succès, à la politique de ce pays pendant plus de vingt ans..... Je le dis avec sincérité aujourd'hui : malgré la preuve acquise que les personnes royales ne cesseront jamais de me haïr et de vouloir me nuire, je les préférerais encore si je pouvais me persuader qu'elles céderont enfin à l'évidence de leur intérêt, de leur sûreté, et qu'elles voudront autre chose que ce qu'elles font aujourd'hui pour la destruction de ce que j'ai voulu passionnément en me consacrant à la défense des droits et des intérêts de ma patrie, comme du genre humain, pendant toute ma vie.

 

Ainsi pensait, en l'an de grâce 1815, l'incorrigible champion du parti constitutionnel. Il eût accepté la Restauration, si ce régime avait donné des garanties de liberté à son pays. Comme il s'en fallait de beaucoup que Louis XVIII réalisât ces espérances, La Fayette restait confiné dans son château de La Grange. Il y recevait de fréquentes visites. En 1816, lady Morgan, pendant son voyage en France, fut reçue par le général ; elle en a tracé un portrait très curieux :

Pas une ride ne sillonne son front ; son air noble, sa taille droite et élevée annonce que son corps a conservé autant de vigueur que l'esprit qui l'anime. La grâce, la force, la dignité sont encore le partage de cet homme extraordinaire ; et, quoique engagé depuis plus de quarante ans dans des scènes aussi variées qu'extraordinaires, il ne parait pas avoir encore atteint son année climatérique. Aussi actif dans sa ferme qu'élégant dans son salon, il est difficile de retrouver dans un des plus habiles agriculteurs et des hommes les plus polis qu'aient produits la France, le guerrier et le législateur, mais on y reconnaît toujours le patriote. Conservant dans toute la perfection tous les talents et toutes les facultés de sa jeunesse. M. de La Fayette n'a rien perdu de la fidélité de sa mémoire, et ses vues atteignent encore à tout ce que les conceptions humaines offrent de plus relevé. Sa conversation brille d'anecdotes relatives aux personnages et aux événements les plus remarquables des derniers cinquante ans[1].

 

La Fayette avait eu jadis les relations les plus étroites avec Bernadotte ; il conservait une sympathie véritable pour celui qu'il considérait comme un des hommes les plus séduisants par sa brillante bravoure, ses manières nobles, engageantes, et sa générosité chevaleresque. Il avait vainement cherché à le voir lors du séjour du prince royal de Suède à Paris, en 1815. Un de ses amis d'Amérique lui ayant demandé une recommandation pour le prince, La Fayette écrivit à son ancien ami, le 27 février 1817 :

J'ai souvent pensé, pendant les fameux Cent-Jours, à ce que nous nous étions promis de faire ensemble pour l'indépendance, la liberté et les couleurs nationales. Mais, depuis que la confiance d'un peuple généreux et libre a porté votre dynastie sur le trône du Nord, je jouis, mon cher prince, de tous les rapports qui m'apprennent combien vous êtes chéris, vous et votre digne fils. Je jouis encore plus de tout ce qui me confirme votre persévérance dans ce que nous disions à notre dernier adieu : C'est que, pour de vrais amis de la liberté, les diverses situations de la vie ne sont que des moyens d'en remplir le principal but en servant la cause du genre humain[2].

 

Le 20 septembre 1817, La Fayette fut porté par les Parisiens comme candidat à la Chambre des députés, mais il n'obtint que 2.672 suffrages sur 7.378 votants. En 1818, les départements de la Seine et de Seine-et-Marne songèrent à lui offrir un siège ; mais, sur l'initiative du publiciste Charles Goyet[3], celui de la Sarthe les devança et nomma député La Fayette, le 26 octobre, par 569 voix sur 1.055. Le général prit place à gauche et devint un des chefs du parti libéral.

Cette élection fit une grande impression ; Louis XVIII s'en montra particulièrement affligé[4]. Il semblait que la France, que l'Europe tout entière fussent ébranlées par la rentrée sur la scène politique de ce revenant de 1789[5]. La séance d'ouverture de la Chambre eut lieu le 10 décembre 1818. On s'était disputé les billets d'entrée. car chacun voulait voir La Fayette prêter le serment. Mme de Rémusat écrivait, le 4 décembre, à son mari :

Il se portera un monde infini à cette ouverture pour voir prêter serment à M. de La Fayette. Nos Parisiens ont toujours un côté d'enfantillage ; ce spectacle paraît piquant à tout le monde. Moi-même, j'irai comme les autres, si je puis me procurer un billet, et je prévois pourtant bien d'avance comme la chose se passera[6].

 

La séance royale se passa sans incident, devant des tribunes bondées de spectateurs appartenant à la société parisienne. Mme de Rémusat en rendit compte, le II décembre, à son mari :

Hier, la séance royale s'est ouverte avec une grande magnificence. Le roi a été très bien reçu, mais l'enthousiasme n'était pas vif. On a remarqué que les Manuel, les La Fayette et autres de ce parti n'ont pas crié : Vive le roi ! de même que M. de Chateaubriand, qui se tenait dans le même silence[7].

 

A la fin de décembre 1818, à un déjeuner chez le colonel Du Bignon, où se trouvaient les chefs de l'opposition libérale, Dupont de l'Eure, Bignon, Manuel, d'Argenson, etc., La Fayette rencontra l'ex-directeur La Révellière-Lépeaux et il lui exprima publiquement sa gratitude pour la part qu'il avait prise à sa délivrance et l'intérêt qu'il avait témoigné à sa femme et à ses enfants[8]. Le prisonnier d'Olmütz avait gardé une profonde reconnaissance à tous ceux qui l'avaient assisté dans son infortune.

Le 22 mars 1819, La Fayette défendit la loi sur les élections. Les royalistes l'attaquèrent ; un journal, l'Ami de la royauté, ayant débité sur lui des calomnies à l'occasion de son rôle pendant la Révolution, le procureur général Bellart poursuivit cette feuille. La Fayette écrivit à celui-ci, le 27 avril 1819, pour s'opposer à cette poursuite. et déclara n'avoir jamais demandé à un écrivain de dire du bien de lui et n'avoir jamais inquiété personne pour en avoir écrit du mal. Le 4 juin 1819, La Layette prit part à la discussion des budgets des ministères de la marine et de la guerre.

Les élections de 1819 amenèrent à la Chambre un autre revenant de 1789, Grégoire, nommé, le 12 septembre, député de l'Isère. Ce fut un grand scandale parmi les royalistes, qui déclarèrent qu'il fallait annuler l'élection de ce régicide. On discutait sur ce point dans les salons. Le 9 octobre 1819, La Fayette et Benjamin Constant, se trouvant en soirée chez la duchesse de Broglie, déclarèrent que l'exclusion ferait réélire Grégoire dans vingt départements[9].

En effet, La Fayette protesta contre l'annulation de l'élection de Grégoire, prononcée le 6 décembre 1819, et il témoigna sa sympathie pour son ancien collègue en lui faisant remettre sa carte et en allant le voir[10]. Malgré ses travaux parlementaires, il correspondait avec ses amis et notamment avec le général sir Robert-Wilson, qui venait de rentrer en Angleterre[11]. Le Moniteur du 3 janvier 1820 ayant imprimé que La Fayette avait été mis hors la loi en 1792 pour avoir voulu émigrer à la tête de son armée, le général protesta contre cette injurieuse confusion du patriotisme proscrit avec l'émigration armée. Le 10 février 1820, il réclama l'élaboration d'un projet de loi pour la réorganisation de la garde nationale, mais ce fut sans succès. Le 2 mars, il appuya les pétitions pour le maintien intégral de la Charte et de la loi sur les élections : le 8, il parla éloquemment en faveur de la liberté individuelle et conclut en ces termes :

La question a été nettement posée : d'un côté, la révolution faite avec tous ses avantages moraux, politiques et matériels ; de l'autre, la contre-révolution à faire avec ses privilèges et ses périls. C'est à la Chambre, c'est à la France à choisir. Messieurs, il v a trente-trois ans qu'à l'assemblée des notables de 1737 j'ai, le premier, demandé l'abolition des lettres de cachet ; je vote aujourd'hui contre leur rétablissement.

 

La Fayette avait retrouvé son activité d'antan il prenait part aux discussions avec la vivacité d'un jeune homme. Le 23 mars 1820. il parlait sur la censure de la presse[12] ; le 27 mai, sur le projet de loi relatif aux élections. Il dénonça les complots contre-révolutionnaires et souleva les applaudissements de la gauche et les huées de la droite. La Fayette lançait du haut de la tribune ces justes considérations :

Nos contemporains sont las de révolutions, rassasiés de gloire ; mais ils ne se laisseront pas ravir des droits et des intérêts chèrement acquis. Notre jeunesse, l'espoir de la patrie, mieux instruite que nous ne l'étions, éclairée de ses propres lumières et de notre expérience, ignore les factions, n'entend rien aux préjugés, n'est accessible qu'aux intentions pures et aux moyens généreux ; mais elle veut la liberté avec une ardeur raisonnée et par là plus irrésistible. Que toutes ces générations soient laissées, sous la sauvegarde de la liberté constitutionnelle, à leurs souvenirs, à leur industrie. à leurs études. Il est alors absurde de les craindre, impossible de les agiter ; mais ne les obligez pas, en les menaçant de perdre tous les résultats utiles de la révolution, à ressaisir elle-même le faisceau sacré des principes d'éternelle vérité et de souveraine justice, principes applicables à tous les gouvernements libres, et auprès desquels toutes les autres combinaisons personnelles et politiques ne peuvent être, pour un peuple de bon sens, que des considérations secondaires.

 

Le garde des sceaux de Serre, quoique malade, répondit à La Fayette en des termes très vifs. Il l'accusa de seconder le parti révolutionnaire par des éloges donnés aux couleurs de la rébellion, de déclarer qu'il se croyait délié du serment prêté à la Charte, et il fit une allusion aux journées des 3 et 6 octobre 1789[13].

La Fayette assista, le 4 juillet 1820, au dîner de l'anniversaire de la déclaration de l'indépendance des Etats-Unis et porta le toast suivant : La liberté américaine, et puisse être à jamais conservée dans sa pureté primitive la source qui doit fertiliser les deux hémisphères ! Le 20 juillet 1820, il écrivit à James Monroë, président des États-Unis :

Les idées de liberté fermentent partout, et la France participe grandement à ce mouvement des esprits. La révolution et la contre-révolution sont en présence. Cette nouvelle génération est éclairée et généreuse, supérieure aux impressions du jacobinisme et du bonapartisme. Elle soutiendra, j'en suis sûr, les droits d'une liberté pure. Quoique nous ayons positivement perdu du terrain cette année, nos débats ont servi à avancer l'esprit public, de façon que, si le gouvernement et les Chambres sont plus éloignés du but, la nation, je l'espère, en est plus rapprochée qu'il y a huit mois.

 

Les sentiments d'optimisme qui, dès sa jeunesse, lui avaient permis d'affronter les péripéties si complexes de deux révolutions, ne l'avaient pas abandonné. Le besoin de se dévouer à la cause des opprimés, sans souci de ses intérêts ou de sa sécurité personnelle, enflammait toujours son cœur. La révolution de Naples, tentée par le général Guillaume Pepe, conquit toutes ses sympathies, et, dans la séance du 12 février 1821, il ne craignit pas, pour la soutenir, d'ameuter contre lui toute la droite de la Chambre. Il ne quitta la tribune qu'en lançant à ses interrupteurs ce cri de sa conscience : Ne détruisons pas l'indépendance napolitaine !

En 1821, La Fayette, convaincu de la nécessité de renverser le gouvernement des Bourbons, s'affilia à la Charbonnerie française, par l'entremise d'un de ses chefs, Bazard. Il déploya, dans les réunions secrètes, une activité juvénile et se montra prêt à braver tous les dangers[14]. Un homme de lettres, Martial Sauquaire-Souligné, et le publiciste Goyet, qui avait été le promoteur de la candidature du général dans la Sarthe, ayant été traduits en cour d'assises sous la prévention d'un complot contre la sûreté de l'État, La Fayette fut cité comme témoin, à l'effet de reconnaître une correspondance de lui saisie chez les inculpés. Il se présenta devant la cour le 14 mars 1821, se fit honneur des sentiments exprimés dans ses lettres et scandalisa les magistrats par son ironie.

Le 4 juin 1821, la Chambre des députés discuta le budget des dépenses. La Fayette monta à la tribune et. dans un long et éloquent discours, critiqua la politique gouvernementale. En vain les royalistes couvraient sa voix. en vain le président le rappelait à la question ; le vieux libéral, calme au milieu de cette tempête, continuait sa vigoureuse satire, soutenu par les applaudissements de ses amis. L'Assemblée toute entière se sentait remuée quand La Fayette s'écriait :

Cependant l'Europe, appelée par nous à la liberté, il y a plus de trente mois, arrêtée depuis, il faut le dire hautement, par le spectacle de nos excès et par l'abus de nos victoires, a repris et conservera, malgré des malheurs récents, ce grand mouvement de civilisation à la tête duquel notre place française est marquée, et où tous les yeux des peuples déjà libres ou aspirant à le devenir ne devraient pas nous chercher en vain.

 

Il attestait que le titre le plus honorable de Napoléon était celui de soldat de la Révolution.

En effet, Messieurs, les attentats, les malheurs que nous exécrons, que nous déplorons tous, ne sont pas plus la Révolution que la Saint-Barthélemy n'était une religion, et que vous n'appellerez monarchiques les dix-huit mille assassinats judiciaires du duc d'Albe. La Révolution, vous le savez bien, c'est la victoire du droit sur le privilège ; la Révolution, c'est l'émancipation et le développement des facultés humaines, c'est la restauration des peuples ; et cela est si vrai, que les amis de la liberté ont toujours été et sont encore haïs par les adversaires de la Révolution, en proportion des efforts qu'ils ont faits pour empêcher qu'elle ne fût souillée par des crimes et défigurée par des excès.

 

La gauche acclama ces fières revendications d'un des promoteurs de la Révolution française. Elle l'applaudit encore, quand il prit en main la cause de l'enseignement mutuel :

L'enseignement mutuel est, depuis l'invention de l'imprimerie, le plus grand pas qui ait été fait pour la propagation d'une instruction prompte, facile et populaire. C'est par cette instruction générale que toutes les facultés, toutes les industries d'un pays seront développées et éclairées, les préjugés appréciés, les droits reconnus ; que la liberté et l'égalité seront comprises et, par conséquent, mieux garanties des excès qui les font méconnaitre.

 

Ce magistral discours, où La Fayette dénonçait avec tant d'autorité les progrès de la contre-révolution, le mettait sans conteste à la tête du parti libéral. La gauche en réclama l'impression. par la bouche de Benjamin Constant : mais, le ministre des affaires étrangères ayant déclaré que le discours était des plus injurieux pour les puissances étrangères, la majorité repoussa la proposition. La Fayette fit imprimer ce manifeste, comme l'appelaient les royalistes, à quinze cents exemplaires, qui ne suffirent pas aux demandes[15]. Dans les salons, on en commentait les termes ; la princesse d'Hénin, malgré sa vieille affection, blâmait son ami, mais Royer-Collard l'approuvait. L'aristocratie, écrivait La Fayette, le 12 juin 1821, est furieuse comme les femmes qui ont quelque raison de se mettre en colère contre le peintre.

Le 4 juillet 1821, La Fayette assista au dîner américain et y reçut plus de marques d'amitié que jamais. Le 5, il plaisantait sur les politesses que lui avait décochées l'Observateur autrichien, dans un article attribué au publiciste officiel de la Sainte-Alliance, le baron de Gentz, et que les feuilles royalistes, telles que la Quotidienne et le Drapeau blanc, s'étaient hottées de propager, tandis que le Constitutionnel faisait l'éloge du général. Il approuvait un écrit très plaisant de Paul-Louis Courier[16] et, le 6, l'ancien prisonnier d'Olmütz appréciait en ces termes la mort du captif de Sainte-Hélène :

Les journaux vous apprendront la mort de Napoléon. Elle est encore, malgré la situation odieuse et cruelle où il était depuis sept années, un grand événement politique. Les Anglais perdent ainsi un moyen de menace et d'influence, les agents provocateurs une mine féconde d'accusation. Beaucoup de bonapartistes vont se rattacher au parti patriote.

 

La Fayette ne pouvait manquer d'encourager l'insurrection de la Grèce. Il s'indigna des atrocités des Turcs et blâma la conduite du gouvernement anglais à l'égard des opprimés[17]. Il facilitait aux jeunes gens les moyens d'aller combattre pour leur indépendance nationale[18]. Le chantre des patriotes, Béranger, était traduit en cours d'assises pour des chansons irrévérencieuses à l'égard du gouvernement : La Fayette alla, le 8 décembre 1821, donner au poète une preuve publique de sympathie par sa présence et il eut le plaisir de le voir acquitter[19].

La Charbonnerie n'était pas restée inactive : elle avait organisé un vaste complot et décidé de provoquer une révolution. Un programme, où figuraient le rétablissement de la loi municipale, l'armement général des gardes nationales et la nomination d'une Assemblée constituante, avait été élaboré, sans qu'on eût déterminé la forme du gouvernement appelé à réaliser ces réformes. La Fayette, un de ses rédacteurs principaux, n'avait voulu prendre d'engagement en faveur d'aucun parti spécial, parce que, comme il l'a dit lui-même, étant un homme d'institutions et non de dynastie, et ne voulant pas plus du pouvoir que je n'en voulais il y a plus de trente ans, je crois être bon à défendre les intérêts généraux contre les usurpations ou les intrigues du pouvoir qui s'établirait[20]. Il faisait cette déclaration de principes :

Républicain d'inclination et d'éducation, j'ai prouvé que, pourvu qu'une Constitution consacrât les bases de la liberté définies dans ma déclaration des droits du 11 juillet 1789, et lorsqu'elle exprimait la volonté générale réellement représentée, je savais, non seulement m'y soumettre, mais m'y sacrifier. Je tiens trop aux premiers principes pour n'être pas très facile sur les combinaisons secondaires.

 

L'heure de l'action était arrivée : un gouvernement provisoire, composé de La Fayette, Voyer d'Argenson et Jacques Kœchlin, devait être proclamé à. Belfort et installé à Colmar. On attendait les chefs pour le soulèvement fixé à la nuit du 29 au 30 décembre 1821. La Fayette se rendit à La Grange, afin de dépister les soupçons. mais surtout pour passer, comme tous les ans, dans la retraite le 24 décembre, jour anniversaire de la mort de sa femme. Puis, dans la nuit, il se mit en route avec son fils. Il avait tellement le sentiment de la gravité des circonstances et des périls qui l'attendaient, qu'il ne permit à son fidèle serviteur Bastien de l'accompagner, qu'après l'avoir averti du danger. Je sais ce que nous allons faire, répondit le domestique, mais que cela ne vous inquiète pas ; j'y vais pour mon compte ; d'ailleurs, c'est mon opinion[21].

Le complot, dénoncé au gouvernement, échoua. La Fayette, fidèle à sa promesse, arrivait en voiture, le 1er janvier 1822, près de Lure, dans la Haute-Saône, quand le fils de Corcelle et Bazard, venus à sa rencontre, le prévinrent que tout était découvert. Le général rebroussa chemin et, pour dépister la police, se rendit chez un de ses collègues du parti libéral, Martin de Gray, député de la Haute-Saône. Il y passa quelques jours et rentra à La Grange. D'ailleurs, toutes les tentatives de soulèvement eurent le même insuccès, et la plupart coûtèrent la vie à leurs auteurs. La Fayette n'en continuait pas moins à attaquer la contre-révolution. Le 23 juillet 1822, il lançait à la droite cette sanglante interpellation :

Les majorités peuvent améliorer, les minorités avertissent... La contre-révolution, maitresse de tous les pouvoirs de l'Etat, de toutes les institutions, de toutes les influences, soutenue par la coalition européenne de tous les despotismes, de toutes les aristocraties, de tous les préjugés et de tous les abus, en un mot, de tout ce qui vit en dehors des nations et forme exception au véritable ordre social. Liche encore d'endormir le peuple sous la sécurité des jouissances matérielles qu'il doit à la Révolution ; ce n'est même que par une anticipation irréfléchie, par la force d'un naturel incorrigible, qu'il lui arrive déjà de blesser les citoyens dans les sentiments de leur dignité et qu'elle laisse percer, avant le temps, cette horreur d'égalité qui fut toujours son principal mobile. Mais elle attaque ouvertement toutes les garanties, et nommément toutes les garanties judiciaire, détruisant les unes, corrompant les autres, déclarant que celles qu'on avait annoncées ont été promises en vain ; et il est bon, dans la crise où vous nous avez placés, où vous vous êtes placés vous-mêmes, que le peuple français soit bien averti qu'après la ruine de ces garanties préservatrices que vous ne voulez point, que vous ne pouvez plus défendre, on ne manquera pas de lui déclarer, comme on a fait à Pillnitz et à Coblentz, que tous les droits, que toutes les libertés, tous les avantages conquis sur l'ancien régime par la Révolution nationale de 1789, n'ont été que d'illégitimes, passagères et révocables usurpations.

 

Le ministère, ainsi flagellé de main de maître, faisait instruire le procès des conjurés. Les quatre sergents de La Rochelle, le général Berton, le lieutenant-colonel Caron étaient voués à une condamnation certaine. A Poitiers, le procureur général Mangin, en requérant contre Berton, avait désigné comme complices un certain nombre de députés, parmi lesquels La Fayette, Benjamin Constant, Manuel, le général Foy, Laffitte. A la séance de la Chambre du 1er août 1822, ceux-ci protestèrent et réclamèrent une enquête sur leur conduite. La Fayette jeta ce défi à ses adversaires :

Je m'unis à mes amis pour demander, autant qu'il est en nous, la plus grande publicité, au sein de cette Chambre, en face de la nation ; c'est là que nous pourrons, mes accusateurs et moi, dans quelque rang qu'ils soient placés, nous dire, sans compliment, ce que depuis trente-trois années nous avons eu mutuellement à nous reprocher.

 

Mais ni la Chambre, ni le ministère ne se souciaient d'affronter ce débat public. Le gouvernement était certain de l'appui, tout au moins moral, donné par La Fayette aux complots des carbonari ; mais, soit qu'il manquât de preuves suffisantes, car les victimes n'avaient pas révélé leurs relations avec le général, soit qu'il craignît les suites d'une instruction ouverte contre un citoyen si illustre et si populaire, il se contenta de faire surveiller par sa police les agissements de ce dangereux adversaire. Les quatre sergents de La Rochelle, dont un d'eux, Bories, était connu de La Fayette, le général Berton et le lieutenant-colonel Caron montèrent sur l'échafaud. La Fayette avait fourni de l'argent pour favoriser l'évasion de Bories et de ses amis, mais la trahison d'un prêtre avait fait avorter cette tentative. Il avait recommandé à son ami le général sir Robert Wilson, un professeur de Saumur, nommé Chauvet, aujourd'hui proscrit pour avoir, avec un rare dévouement, parcouru, seul, les rues, le chapeau tricolore à la main, invitant ses concitoyens à joindre le général Berton. Et il ajoutait : Quelles que fussent vos opinions politiques, vous éprouverez pour cette conduite courageuse un mouvement d'admiration[22].

La Fayette, toutefois, se retira pendant quelque temps à La Grange. Sa présence excita les soupçons du sous-préfet de Coulommiers, Lebrun des Charmettes, qui s'étonnait, dans une lettre écrite au préfet de Seine-et-Marne, le 16 septembre 1822, qu'aucuns fonds de police ne lui fussent alloués pour surveiller un arrondissement renfermant des hommes aussi dangereux que La Fayette et Bavoux[23].

Le 13 novembre 1822 La Fayette, sorti de la Chambre, fut élu député par l'arrondissement de Meaux. Il obtint 169 voix sur 312 votants, contre 136 à. l'ex-constituant Ménager.

L'année suivante, il reprit une part plus active aux travaux de la Chambre. Le 26 février 1823, Manuel prononça un discours sur l'expédition d'Espagne ; il déclara que le gouvernement avait été atroce de 1815 à 1819, et la droite refusa de l'entendre et réclama son expulsion. Le soir même, la duchesse de Broglie avait à dîner La Layette, Talleyrand, Benjamin Constant, Guizot, les généraux Foy et Sebastiani. On discuta sur les paroles de Manuel. Les deux généraux les justifièrent. Talleyrand garda un silence prudent. Sa nièce, la duchesse de Dino. se montra maussade. J'ai su depuis, dit la duchesse de Broglie, qu'elle avait craint que cela ne compromit M. de Talleyrand de dîner avec M. de La Fayette[24].

Le 3 mars 1823, La Fayette protesta contre le décret d'expulsion de Manuel. Debout, il s'écria d'une voix habituée à dominer le tumulte des foules : Oui, nous adhérons tous à ce que M. Manuel vous a déclaré. Nous faisons cause commune avec lui. Le 4, Manuel réussit à tromper la surveillance et à prendre place à son banc : le président Rayez le somma de se retirer, mais Manuel refusa, applaudi par toute la gauche de l'Assemblée. Alors, le président suspendit la séance pendant une heure, afin de donner les ordres nécessaires à l'exécution de la décision de la Chambre[25]. Les ministres et la droite se retirèrent, mais la gauche resta à ses bancs. Un piquet de gardes nationaux, conduits par un officier et par le sergent Mercier, entra dans la salle ; La Fayette se lève et leur dit : Quoi ! la garde nationale se prêterait à un pareil service, à une attaque contre la représentation nationale ! A cette voix vénérée, l'officier se trouble, va chercher des ordres, revient et commande ses hommes, mais le sergent refuse d'obéir. Il fallut des gendarmes pour empoigner Manuel[26]. Cédant devant la force. le député de la Vendée sortit, suivi de tous les membres de la gauche. La Fayette et soixante-trois de ses collègues protestèrent contre cet attentat à la représentation nationale et s'abstinrent à prendre part aux délibérations de la Chambre jusqu'à la fin de la session.

L'expulsion de Manuel produisit sur les esprits une vive impression, que la duchesse de Broglie a consignée dans son journal :

La garde nationale entra. On cria de toutes parts : Pas de garde nationale ! M. de La Fayette se leva et, avec un air de paternité, lui fit signe de se retirer. Il se retrouva tout à coup comme il y a trente ans. L'officier se troubla ; il alla prendre des ordres, revint, balbutia, et enfin se tourna vers le sergent, qui refusa. Alors retentirent, de tous les côtés, les cris de : Vive la garde nationale ! J'eus bien de la peine à ne pas me joindre à ces cris ; mes yeux se remplirent de larmes ; j'ai peu senti d'émotion plus vive[27].

 

Le colonel de la 4e légion de la garde nationale avant blâmé, dans un ordre du jour, la conduite du sergent Mercier et de ses hommes, La Fayette, par une lettre adressée, le 9 mars 1823, au rédacteur du Constitutionnel, vengea ces braves citoyens.

Le 11 mai 1823, La Fayette dissertait avec Thomas Clarkson sur l'abolition de l'esclavage ; le 25 novembre, il exprimait au président Monroë son indignation de l'exécution du patriote espagnol Riego[28]. La Chambre fut dissoute le 24 décembre 1823, et les élections fixées au 25 février. La Fayette était dans son château de La Grange, quand son fils et lui furent assignés comme témoins à un procès intenté à Sauquaire-Souligné et à Mme Chauvet, femme d'un proscrit de Saumur, que le général avait recommandé à sir Robert Wilson. La convocation arriva trop tard ; La Fayette et son fils en prévinrent, le 15 janvier 1824, le président de la cour royale et déclarèrent qu'ils pourraient se rendre à Paris à la fin du mois, (, afin d'être prêts à nous présenter au jour de février, dont la signification pourra cette fois nous être faite à nous-mêmes[29]. Le 7 février. La Fayette comparut à l'audience, mais il refusa, de peur de compromettre d'autres personnes, de donner les explications demandées par le président.

Le 25 février 1824, les élections eurent lieu ; elles tournèrent au profit du gouvernement, car la plupart des députés libéraux ne furent pas renommés. La Fayette échoua dans l'arrondissement de Meaux ; sur trois cent quarante-huit votants, il n'obtint que cent cinquante-deux voix contre cent quatre-vingt-quatre données à son concurrent, le baron François de Pinteville de Cernon, ancien maire de Meaux[30]. Alors le général se retira à La Grange et s'occupa de réaliser le projet, dès longtemps caressé, d'un voyage aux Etats-Unis.

 

 

 



[1] Cf. Lady Morgan, la France ; Paris, 1817, in-8°, t. II, p. 251 à 272.

[2] Cf. dans les Mémoires, à l'appendice du dernier volume, le morceau intitulé : Sur le général Bernadotte.

[3] Charles Goyet publia de nombreuses brochures à cette occasion ; elles figurent à la Bibliothèque nationale. (Lb48 1136, 1145, 1147, 1148, 1155, 1156, 1159 et 1162.)

[4] Mme de Rémusat écrivait, le 13 novembre 1818, à son mari : Le roi a pris plus sérieusement la nomination de M. de La Fayette, qui l'a affligé. (Cf. Correspondance de M. de Rémusat pendant les premières années de la Restauration, publiée par Paul de Rémusat, t. V. p. 73.)

[5] La duchesse de Broglie, fille de Mme de Staël, écrivait, le 19 septembre 1819, dans son Journal : Je m'attendais, après avoir vu les élections dans les papiers, à trouver tout le monde agité... surtout quand je me rappelais que, l'année dernière, l'élection de M. de La Fayette avait ébranlé toute la France et presque l'Europe. Eh bien ! tout est calme et presque endormi... Le roi a mieux pris son parti de l'élection de Grégoire que de celle de M. de La Fayette... (Cf. Souvenirs du feu duc de Broglie, t. II, p. 90.)

[6] Cf. Correspondance de M. de Rémusat, t. V. p. 145.

[7] Cf. Correspondance de M. de Rémusat, t. V. p. 153.

[8] Le fait est rapporté dans les Mémoires de La Révellière-Lépeaux, t. Ier, p. 427 et 428. On y lit : Le général arriva des derniers. En m'apercevant, il traversa le salon avec empressement pour venir à moi et, en présence de tous les con-ives, il me remercia, avec l'expression de la plus sincère gratitude, de la part qu'en particulier j'avais eue à sa délivrance, dans le Directoire exécutif, auquel seul il la devait. Il me témoigna en même temps, dans les termes les plus vifs, combien il avait été sensible à l'intérêt que j'avais marqué à sa famille et aux égards que j'avais eus pour elle.

[9] On lit dans le Journal de la duchesse de Broglie, à la date du 9 octobre 1819 : Le soir, Benjamin Constant est venu me voir avec M. de La Fayette. La conversation s'est engagée sur Grégoire. On a parlé du projet de l'exclure de la Chambre. Benjamin Constant et M. de La Fayette se sont récriés ; ils ont dit que cela le ferait réélire dans vingt départements. (Cf. Souvenirs du feu duc de Broglie, t. II, p. 98.)

[10] Cf. dans les Mémoires lettre de La Fayette, en date de Paris. 10 décembre 1819.

[11] Cf. aux Pièces justificatives, n° XXXII, une lettre de La Fayette à sir Robert Wilson, datée de La Grange, 6 novembre 1819, et dont l'original est conservé au British Museum. — Le général Wilson avait, en décembre 1815, coopéré à l'évasion du comte de Lavallette.

[12] Le duc de Broglie dit, dans ses Souvenirs (t. II, p. 137) : Dans la discussion générale, M. de La Fayette monta trois fois à la tribune. Il avait écrit son discours principal de peur qu'il ne fût trouvé trop violent. L'effet n'en fut que plus mauvais : il y avait quelque chose de noble et d'imposant dans ses manières, un accent d'ancien régime qui contrastait étrangement avec les idées et les expressions révolutionnaires dont son langage était empreint.

[13] Hercule de Serre s'était écrié : Quand la guerre civile éclate, le sang est sur la tête de ceux qui l'ont provoquée. Le préopinant le sait mieux qu'un autre. Il a plus d'une fois appris, la mort dans l'âme et la rougeur sur le front, que qui soulève les bandes furieuses est obligé de les suivre et presque de les conduire... — Mme de Rémusat écrivait de Lille, le 30 mai 1820, à son fils : Le discours de M. de La Fayette m'a paru tout à fait révolutionnaire, et je conçois qu'il ait excité le mouvement de M. de Serre. Puis, le 2 juin, elle revenait sur le même sujet : Le discours de M. de La Fayette m'avait souverainement déplu : mais la sévère réprobation du garde des sceaux me froissait l'âme : je comprenais quel rigoureux devoir il s'imposait et que, parce qu'il est malade et faible, il devait être plus concis et de là plus violent. Mais M. de La Fayette approche de la vieillesse, mais il a des vertus unies à beaucoup d'erreurs, et il y a eu bien des souffrances dans sa vie. (Cf. Correspondance de M. de Rémusat, t. VI, p. 477, 483 et 484.)

[14] La Fayette a raconté lui-même sa participation à la Charbonnerie dans un morceau intitulé Sociétés secrètes et inséré dans ses Mémoires.

[15] Cf. Bibliothèque nationale, Le12 240.

[16] Il s'agit vraisemblablement du Simple discours de Paul-Louis sur la souscription ouverte pour l'acquisition du château de Chambord.

[17] Cf. dans les Mémoires la lettre de La Fayette, en date du 12 novembre 1821.

[18] Cf. lettre de La Fayette, en date du 23 novembre 1821.

[19] Cf. lettre de La Fayette, en date du 10 décembre 1821.

[20] Cf. dans les Mémoires la première note sur les Sociétés secrètes.

[21] Cf. A. Bardoux, Les dernières années de La Fayette, p. 285 et 286.

[22] Cf. lettre de La Fayette à sir Robert Wilson, en date de Paris, 8 avril 1822 (British Museum, Add. 30116, fol. 47). Je dois l'indication de ce document et des autres provenant du même fonds à M. E. Deprez.

[23] Ce document m'a été communiqué par M. Th. Lhuillier, de Melun.

[24] Cf. Journal de la duchesse de Broglie, à la date du 26 février 1823, dans les Souvenirs du feu duc de Broglie, t. II, p. 315.

[25] Voici le texte du procès-verbal officiel : M. le président propose de suspendre la séance pendant une heure ; cette proposition n'est pas contestée. Il invite MM. les députés à se retirer dans les bureaux et annonce que, dans l'intervalle, il donnera les ordres nécessaires pour l'exécution de la décision de la Chambre. Après une heure de suspension, la séance est reprise.

[26] Pendant cette scène, La Fayette disait : Jamais pareille chose ne se serait passée sous mon commandement. On n'aurait pas requis la garde nationale pour un tel service. (Cf. Journal des Débats, du 5 mars 1823.)

[27] Cf. Souvenirs du feu duc de Broglie, t. II, p. 326.

[28] On lit à ce sujet dans les Mémoires de La Fayette : Le général Riego, avant de mourir, détacha sa cravate et l'envoya avec une boucle Je ses cheveux à Mme Riego, qui, après avoir divisé par moitié ces gages d'un douloureux souvenir, en garda une pour elle et fit remettre l'autre au général La Fayette.

[29] Lettre inédite communiquée par M. Noël Charavay.

[30] Ce député avait été élu une première fois par le grand collège Je Seine-et-Marne, le 20 novembre 1822. Il mourut avant la fin de la législature et fut remplacé par La Fayette, en 1827.