LE GÉNÉRAL LA FAYETTE

1757-1834

 

LE GÉNÉRAL LA FAYETTE.

 

 

III

 

La Fayette échappe à une tempête et à un complot et débarque à Brest le 6 février 1779. — Il est mis aux arrêts à son arrivée à Paris et est toutefois reçu avec enthousiasme à la Cour et à la ville. — Il obtient le régiment des dragons du roi, devient le héros du jour et est célébré, même au théâtre. — Il fait divers projets pour venir en aide aux Etats-Unis et présente à Vergennes un plan de descente en Angleterre. — Il est envoyé à Saint-Jean-d'Angély. — Il est nommé, le 1er juin 1779, aide-major général des logis en Bretagne et en Normandie. — Il se rend au Havre et envoie à Vergennes un plan d'expédition en Amérique. — Il reçoit l'épée d'honneur à lui décernée par le Congrès américain. — Il correspond avec Washington. — Naissance de son fils George, le 24 décembre 1779. — Il fait adopter l'envoi d'un corps expéditionnaire aux Etats-Unis et exprime le désir de le commander. — Nomination de Rochambeau au commandement de ce corps. — La Fayette s'embarque sur la frégate l'Hermione, à l'ile d'Aix, le 11 mars 1780.

 

Le voyage de l'Alliance ne se passa pas sans incidents ; aux abords du banc de Terre-Neuve la frégate essuya une tempête qui la priva de son mât de hune. Échappé à ce danger, La Fayette en courut un plus grand, à deux cents lieues environ des côtes de France. L'équipage, qui comptait cent trente-cinq hommes, avait été composé en partie de prisonniers ou de déserteurs anglais ; ceux-ci complotèrent de s'emparer du navire et de massacrer les officiers. Heureusement un Américain, que les conspirateurs prirent pour un des leurs et auquel ils offrirent le commandement de la frégate, prévint le capitaine et La Fayette, qui firent mettre aux fers trente-trois des plus coupables[1]. Huit jours plus tard l'Alliance entra dans le port de Brest, le 6 février 1779[2]. La Fayette quitta cette ville le 8 et arriva, le 12, à Versailles, où il fut reçu par les ministres Maurepas et Vergennes[3]. Il repartit le même jour pour Paris, où sa femme l'accueillit avec une tendresse aiguisée encore par l'absence et par l'inquiétude[4]. Le roi lui infligea, pour la forme, une punition de huit jours d'arrêt, que le marquis subit à l'hôtel de Noailles[5].

La Fayette, parti en rebelle et en fugitif, revenait favori et triomphant[6]. De toutes parts on le félicitait, on le fêtait ; à la Cour comme à la ville c'était le héros du jour. Tous les ministres le consultaient, et, ce qui valait bien mieux — c'est lui-même qui l'affirme — toutes les femmes l'embrassaient. Après ses huit jours d'arrêt, il écrivit au roi pour reconnaître son heureuse faute, et alla recevoir à Versailles une douce réprimande. La reine elle-même daigna lui faire obtenir, le 3 mars 1779, la permission d'acheter au marquis de Créquy le régiment des dragons du roi, qui lui coûta 80.000 livres et lui donna le grade de mestre de camp[7].

Les journaux mentionnèrent son retour[8]. Le 17 avril 1779, la Comédie-Française donna la première représentation d'une comédie de Rochon de Chabannes, l'Amour français, en un acte et en vers. L'auteur y avait intercalé une tirade en l'honneur de La Fayette, et le public applaudit à outrance[9]. Le continuateur de Bachaumont nous apprend que cet hommage causa un vif dépit au duc de Chartres, qui chercha à discréditer la pièce[10]. Ainsi, à vingt-deux ans, La Fayette était célèbre dans les Deux Mondes et jouissait de cette gloire qu'il avait si avidement poursuivie et si heureusement conquise[11].

Le nouveau mestre de camp n'oublia pas, au milieu de cette ivresse, la cause et les intérêts de ses amis les Américains. Il mit à profit son crédit et sa popularité. Avec son activité coutumière il allait de Versailles, où il conférait avec les ministres, à Passy, où il conversait avec Franklin. Il entassait les projets et les plans. Voyant que le gouvernement français ne voulait pas s'engager dans une expédition au Canada, il proposa de confier au fameux corsaire Paul Jones deux vaisseaux, qui, naviguant sous pavillon américain et portant une petite armée commandée par lui, La Fayette, irait ravager et rançonner les ports anglais au profit des Américains. Le 1er avril 1779, il écrivit à Vergennes sur ce sujet[12]. Le 26 avril, il suggéra au même ministre l'idée de faire prêter par le roi de Suède aux États-Unis quatre vaisseaux pourvus de la moitié de leur équipage, avec garantie de la France pour le prix du loyer.

Enfin La Fayette fit adopter par le comte de Vergennes le projet d'une descente en Angleterre. Il devait être chargé du soulèvement de l'Irlande. Le 23 mai 1779, il écrivit de Paris au ministre qu'il avait trouvé un Américain nommé Bancroft pour préparer la révolution dans cette île[13]. Il partit pour Saintes, où se trouvait son régiment ; mais, par suite d'un arrangement du comte de Vaux. il demeura à Saint-Jean-d'Angély. C'est ce qu'il expliqua, le 1er juin 1779, à Vergennes, par sa lettre datée de cette dernière ville[14]. Il écrivit de nouveau, le 3, au ministre pour lui dire qu'il comptait sur la volonté où on était de l'employer.

Pour parler franchement, s'il est une situation au monde où je puisse n'être pas inutile à ma patrie, c'est, ou en commandant une avant-garde de grenadiers et chasseurs ou en ayant un corps séparé de la même composition qui puisse faire essayer le peu de talents dont la confiance des troupes a semblé me flatter[15].

 

Le 10, il insista de nouveau auprès de Vergennes, dans une lettre qu'il faut citer, car elle dévoile l'état d'âme de La Fayette à cette époque :

Tout retentit, Monsieur le Comte, du bruit d'une expédition, et moi, qui peut-être en savais plus que bien des gens qui faisaient semblant d'être dans le secret, je vois mes conjectures à peu près justifiées. Mais point de rappel encore. Comme je compte un peu sur mon étoile, et que d'ailleurs je prends toujours les choses du bon côté, ce silence me prouve que tout n'est pas encore prêt. Cependant, Monsieur le Comte, ma franchise se trouverait en défaut, si je n'avouais pas que mon sang bouillonne un peu dans mes veines. Mon imagination s'avance souvent en pays ennemi à la tête d'une avant-garde ou corps séparé de grenadiers, dragons et chasseurs. Vous nie trouverez peut-être bien ardent, mais.. puisque vous voulez bien être mon ami, songez que j'aime avec passion le métier de la guerre, que je me crois particulièrement né pour jouer ce jeu-là, que j'ai été pâté pendant deux ans par l'habitude d'avoir des grands commandements et d'obtenir une grande confiance ; songez que j'ai besoin de justifier les bontés dont ma patrie m'a comblé ; songez que je l'adore cette patrie, et que l'idée de voir l'Angleterre humiliée, écrasée, me fait tressaillir de joie ; songez que je suis particulièrement honoré de l'intérêt de mes concitoyens et de la haine de nos ennemis ; après tout cela, Monsieur le Comte — que je ne vous dirais pas comme ministre du roi —, jugez si je dois être impatient de savoir si je suis destiné à arriver le premier sur cette côte et à planter le premier drapeau français au milieu de cette insolente nation[16].

 

Le 12 juin, La Fayette écrivit au président du Congrès américain et à Washington. Au premier il exprimait le désir de se retrouver bientôt au milieu de cette libre et libérale nation. dont l'affection et la confiance me sont si honorables, pour combattre de nouveau avec ces frères d'armes à qui je dois tant. Puis il ajoutait :

Les intérêts de l'Amérique, je les regarderai toujours comme ma principale affaire, tant que je serai en Europe... L'Angleterre fait à présent ses derniers efforts et j'espère qu'un grand coup, avant qu'il soit longtemps, fera tomber cette grandeur soufflée, cette puissance fantastique, et montrera les étroites limites de sa force réelle.

A Washington il renouvelait l'assurance de sa respectueuse tendresse.

Notre ministère est assez lent dans ses opérations et il a grande propension à la paix, pourvu qu'elle soit honorable. L'Amérique doit donc se montrer très vive pour la guerre, jusqu'à ce que ces conditions honorables soient obtenues. L'indépendance est un point certain, indubitable ; mais je la voudrais reconnue avec des conditions avantageuses. Tout ceci entre nous, mon général ; car, pour ce qui regarde la bonne volonté du roi, des ministres, du public à l'égard des Américains, je suis, comme citoyen des États-Unis, pleinement satisfait, et j'ai la certitude que l'amitié des deux nations sera établie de manière à durer à jamais.

Le lendemain 13 juin La Fayette reçut l'avis de sa nomination d'aide-major général des logis dans l'armée que le comte de Vaux devait rassembler au Havre, à Saint-Malo et aux environs, pour l'expédition contre l'Angleterre, et l'ordre de se rendre immédiatement à Versailles[17]. Il quitta aussitôt Saint-Jean-d'Angély. A Versailles il conféra avec son général et rejoignit son poste au Havre, le 1er juillet 1779. Le même jour il annonça son arrivée en ces termes au comte de Vergennes :

Me voici au Havre, Monsieur le Comte, en face du port et dominant surtout les vaisseaux qui nous conduisent en Angleterre. Jugez si je suis content de ma position et si mon cœur appelle le vent du sud qui amènera M. d'Orvilliers. Je ne puis être tranquille que sur la côte anglaise, et nous n'y sommes pas encore[18].

La Fayette, toujours impatient d'agir, confiait ses projets au chevalier de Jaucourt, major général de l'armée. Le 18 juillet, il adressa au comte de Vergennes, sur sa demande, un plan d'expédition en Amérique. Une armée de quatre mille trois cents hommes, avec une artillerie convenable, lui paraissait nécessaire.

Il nous faut des officiers qui sachent s'ennuyer, vivre de peu, se refuser tous les airs et particulièrement le ton vif et tranchant, se passer pour un an des plaisirs, des femmes et des lettres de Paris ; ainsi nous devons prendre peu de colonels et de gens de la Cour, dont les façons ne sont nullement américaines.

L'embarquement aurait lieu à l'île d'Aix, le 10 septembre, et on arriverait à Sandy-H00k, sur la côte de Jersey, vers les premiers jours de novembre. Il faudrait attaquer Rhode-Island ou Newport.

On dira sûrement, Monsieur le Comte, que les Français seront mal reçus dans ce pays et vus de mauvais œil dans son armée. Je ne peux pas nier que les Américains ne soient un peu difficiles à manier, surtout par des caractères français ; mais, si j'étais chargé de ce soin, ou que le commandant nommé par le roi s'y prit passablement bien, je répondrais sur ma tête d'éviter ces inconvénients et de faire parfaitement recevoir nos troupes.

Le 30 juillet, La Fayette insista de nouveau auprès de Vergennes sur l'urgence de prendre une décision : Je vous jure sur mon honneur, s'écriait-il, que si la moitié de ma fortune était employée à envoyer aux Américains un secours de troupes, je croirais rendre à ma patrie un service plus que digne de ce sacrifice.

La Fayette souffrait de son inaction. Il vint à Paris au mois d'août et rendit visite au ministre Maurepas, avec lequel il discuta quel commandement lui serait donné. Il sollicita Vergennes d'intervenir en sa faveur.

Ce qui me convient est une avant-garde de grenadiers et chasseurs et un détachement de dragons du roi, le tout faisant quinze cents à deux mille hommes, qui me mette hors de la ligne et à portée de m'exercer. Il n'y a pas un grand nombre de lieutenants généraux, encore moins de maréchaux de camp, et point de brigadiers qui aient eu des commandements aussi importants que le hasard m'en a donnés. D'ailleurs, je connais les Anglais, ils me connaissent aussi ; deux choses importantes à la guerre... Je désire être choisi dans le rapport de l'armée, et non dans celui de la Cour ; je ne suis point de la Cour, je suis encore moins courtisan, et je prie les ministres du roi de me regarder comme sortant d'un corps de garde.

La Fayette rentra au Havre ; il fut consolé de ses déboires par une satisfaction d'amour-propre : le petit-fils de Franklin lui apporta, dans les derniers jours d'août, l'épée d'honneur que lui avait décernée le Congrès. Il était porteur d'une lettre de Franklin, datée de Passy, 24 août 1779, et exprimant la reconnaissance du Congrès à l'égard du marquis. L'épée, ciselée par des artistes français, était ornée de quatre médaillons représentant les actions militaires où La Fayette s'était distingué particulièrement : 1° combat de Gloucester ; 2° retraite de Barren-Hill ; 3° bataille de Montmouth ; 4° retraite de Rhode-Island. Elle portait cette inscription : From the american Congress to marquis de La Fayette, 1779[19]. La Fayette, justement ému, répondit à Franklin, le 29 août :

L'image de ces actions où j'ai été témoin de la bravoure et du patriotisme américain, je la contemplerai toujours avec la joie qui sied à un cœur brûlant d'amour pour la nation et plein d'un zèle ardent pour sa gloire et pour son bonheur.

La Fayette avait écrit plusieurs fois à Washington, mais il n'avait, depuis son arrivée en France, reçu aucune des lettres que celui-ci lui avait adressées[20]. Du Havre, le 7 octobre 1779, il s'en plaignit à son illustre ami et lui exprima le désir de finir la guerre en combattant sous ses ordres.

Si cela était demandé par vous ou par le Congrès, ce serait, je crois, accordé ; mais soyez sûr, mon cher général, que dans toute situation, en tout événement, que j'agisse comme officier français ou comme officier américain, mon premier vœu, mon premier plaisir sera encore de servir avec vous. Si heureux que je me trouve en France, si bien traité que je sois par ma patrie et le roi, j'ai pris une telle habitude d'être près de vous, je suis lié à vous, à l'Amérique, à mes compagnons d'armes, par une telle affection, que le moment où je mettrai à la voile pour votre pays sera un des plus désirés et des plus heureux de ma vie.

 

Le 24 décembre 1779. sa femme accoucha d'un fils, qui reçut les prénoms de George-Washington, et dont l'illustre général fut le parrain.

Les efforts de La Fayette furent enfin couronnés de succès : Louis XVI résolut d'envoyer un corps d'armée aux États-Unis. Le marquis discuta avec Vergennes le plan de l'expédition. Le 25 janvier 1780. il insistait auprès du ministre pour l'envoi le plus prompt d'un secours aux Américains[21]. Il brûlait d'envie d'être choisi pour commandant. Le 2 février, il écrivit à Vergennes :

Si je commande, vous pouvez agir en toute sûreté, parce que les Américains me connaissent trop pour que je puisse exciter de fausses inquiétudes... Dans le second cas, Monsieur le Comte, il faut d'abord prévenir en Amérique le mauvais effet que ferait l'arrivée d'un autre commandant. L'idée que je ne puis pas mener ce détachement est la dernière qui se présenterait là-bas ; je dirai donc que j'ai préféré une division américaine..... Mercredi [9 février], je partirai pour Nantes, où l'on fait des habits ; je m'occuperai aussi du choix des armes ; je verrai le régiment du roi, à Angers, pour en former un détachement ; je me rendrai à Lorient pour presser l'arrangement des frégates et voir le bataillon des grenadiers ; je ne serai ici que vers le 20, et, comme mon départ doit être public, le 25 je prendrai congé, en habit américain, et, si le vent est bon, il faut être à la voile au 1er de mars.

 

Le gouvernement français ne jugea pas à propos de confier à un jeune officier de vingt-trois ans le commandement du corps expéditionnaire, qui devait comprendre six mille hommes. Le 1er mars 1780, il désigna, pour ce poste de confiance, le maréchal de camp comte de Rochambeau[22], promu lieutenant général. La Fayette fut chargé d'aller annoncer à Washington et au Congrès le prochain envoi de secours et de faire tout préparer pour la réception des troupes françaises[23]. Le gouvernement mit à sa disposition la frégate l'Hermione, commandée par le capitaine La Touche-Tréville[24], et qui se trouvait alors à Rochefort. Celui-ci reçut l'ordre de transporter le marquis à Boston et d'avoir pour lui les plus grands égards. Il répondit au ministre, le 4 mars, dans les termes les plus flatteurs pour La Fayette, qui avait conquis d'avance le cœur de celui qui devait le conduire en Amérique[25]. Le marquis conféra avec Rochambeau et lui fournit tous les renseignements dont le général en chef avait besoin sur l'Amérique et les Américains[26]. Le 3 mars, il reçut une instruction portant qu'il joindrait au plus tôt Washington et lui annoncerait qu'un corps de six mille hommes serait envoyé au commencement du printemps et servirait sous les ordres du général en chef américain. En même temps, on lui remit une note particulière sur les moyens d'action et notamment sur la nécessité d'enlever New-York aux Anglais[27].

La Fayette prit congé des ministres et fit ses adieux à sa femme et à ses enfants. Il partait cette fois la tête haute, avec une mission officielle, fier d'avoir obtenu l'intervention de la France en faveur des États-Unis[28]. Il arriva, le 9 mars 1780, à huit heures du soir, à l'île d'Aix, où la frégate l'Hermione l'attendait. Le capitaine La Touche-Tréville le reçut à bord le lendemain matin 10, et appareilla aussitôt pour se rendre à La Rochelle, où il devait prendre trois passagers[29]. Enfin, dans la nuit du 13 au 14 mars, l'Hermione quitta le port de La Rochelle[30] et emporta La Fayette vers cette terre américaine, qu'il allait aborder pour la seconde fois.

 

 

 



[1] Le Courrier de l'Europe, dans son numéro du 2 mars 1779 (t. V, p. 10), donna des détails sur le retour de La Fayette et sur le complot dont celui-ci faillit être victime.

[2] Cette date est fournie par la Gazette d'Amsterdam, qui publia, dans son numéro du 23 février 1779, l'information suivante : Le marquis de La Fayette, venant d'Amérique, est entré le 6 de ce mois au port de Brest. Il en est reparti le 8 et est arrivé à Versailles le 13 au soir. Elle rectifie celle du 12 février, adoptée par M. C. Tower d'après Mme de La Fayette, et celle du 20 donnée par M. Bardoux et répétée à tort par moi-même. Il faut dire que La Fayette, dans ses Mémoires, n'a pas marqué le quantième du mois. Les dates du 6 février pour l'arrivée à Brest et du 8 pour le départ de cette ville concordent avec l'arrivée de La Fayette à Versailles, qui eut lieu le 12 février, comme le constate une lettre du comte de Vergennes à Montmorin, écrite ce même jour. Il fallait, en effet, quatre jours pour franchir les cent quarante et une lieues qui séparaient Brest de Versailles. J'ajouterai que la date du 12 février, donnée par Mme de La Fayette dans sa Vie de la duchesse d'Ayen, est celle de l'arrivée de son mari près d'elle, seule date qui l'intéressât.

[3] Le 12 février 1779, le comte de Vergennes écrivit de Versailles au comte de Montmorin (Arch. des Affaires étrangères, Espagne. t. 592, n° 110) : Dans le moment, M. le marquis de La Fayette est arrivé ; je ne l'ai vu qu'un instant, Il est sorti de Boston le 14 janvier sur une frégate américaine. La seule nouvelle qu'il nous rapporte est que Byron avait fait voile de Newport, en Rhode-Island, pour les lies, avec onze vaisseaux et plusieurs frégates, le 13 septembre. Tout était tranquille sur le pays. Les Anglais semblaient ne vouloir y conserver que New-York, Rhode-Island et Halifax. Je n'ai pas encore vu les dépêches qu'il m'a apportées. (Cf. H. Doniol, t. IV, p. 2.)

[4] Voici le passage de la Vie de Mme la duchesse d'Ayen, par Mme de La Fayette, p. 62 : M. de La Fayette revint d'Amérique, le 12 février 1779, à l'instant où on ne l'attendait pas. Ma mère me prépara à cet heureux moment et me l'annonça elle-même. Je n'essayerai pas de peindre de quelle manière elle partageait ma joie, ni ce qu'elle éprouvait elle-même en voyant, à cette époque, et le caractère et les démarches de M. de La Fayette jugés comme ils l'avaient été par elle depuis longtemps, sa conduite si conforme à ce qu'elle attendait de lui et sa femme heureuse après tant d'alarmes.

[5] Dès le 14 février, La Fayette avait sollicité du comte de Vergennes l'autorisation de voir Benjamin Franklin, qui désirait l'entretenir d'affaires importantes.

[6] Ce sont les propres expressions de La Fayette dans ses Mémoires.

[7] Cf. Archives administratives de la guerre.

[8] La correspondance de Grimm annonça le retour de La Fayette et raconta une aventure galante que celui-ci aurait eue avec une jeune sauvage. (Cf. éd. Tourneux, t. XII, p. 218.) — La Gazette d'Amsterdam inséra, dans son numéro du 23 février 1770, les nouvelles suivantes de Paris, en date du 15 février : Le marquis de La Fayette, venant d'Amérique, est entré le 6 de ce mois au port de Brest. Il en est reparti le 8 et est arrivé à Versailles le 13 au soir. A peine eut-il mis pied à terre qu'il se rendit chez M. de Maurepas, ministre d'Etat, dont il fut accueilli avec les démons tracions de la distinction la plus flatteuse. On ne doute nullement que ce brave officier ne reçoive aussi bientôt de Sa Majesté elle-même, ainsi que de toute la nation, les témoignages les mieux mérités de la considération qu'il s'est acquise par la manière aussi courageuse qu'intelligente dont il s'est conduit chez les Américains. On confirme aussi la nouvelle déjà annoncée que le Congrès, en reconnaissance des services que lui avait rendus M. de La Fayette, avait donné ordre à M. Franklin de lui offrir une épée enrichie de diamants. — La correspondance secrète de Metra consacre, à la date du 3 mars 1779 (t. VII, p. 312), les lignes suivantes à notre héros : Le marquis de La Fayette est de retour. Comme il avait quitté la France sans permission du roi, il a été puni par les arrêts pro forma. Libre au bout de douze jours, il a été présenté au roi et s'est montré publiquement. Il lui a été enjoint, ainsi qu'à tous les officiers qui sont revenus avec lui, de ne rendre aucun compte de l'état des affaires d'Amérique, dont il ne rapporte pas des nouvelles fort satisfaisantes. Cf. aussi le Courrier de l'Europe, n°3 des 23 février et 2 mars 1779, t. V, p. 122 et 138.

[9] Voici cette tirade débitée par la marquise de Sernette à Damis, son amoureux :

Voyez ce courtisan à peu près de votre Age,

Il renonce aux douceurs d'un récent mariage,

Aux charmes de la Cour, aux plaisirs de Paris ;

La gloire seule échauffe, embrase ses esprits.

Il vole la chercher sur un autre hémisphère

Et, croyant son pays menacé de la guerre,

C'est le patriotisme et le plus pur honneur

Qui rendent à son prince un brave serviteur.

Dans l'édition du Théâtre de M. Rochon de Chabannes, Paris, Ve Duchesne, 1786, t. I, p. 111, ces vers se trouvent en note avec cette mention : Vers supprimés dans cette édition, parce que l'à-propos ne subsiste plus : ils faisaient allusion dans la nouveauté à la conduite de M. le marquis de La F..., que la soif de la gloire avait conduit en Amérique, au premier coup de canon que les Etats-Unis avaient tiré contre l'Angleterre.

[10] Cf. les Mémoires secrets, aux dates des 22 avril et 14 mai 1779. A cette dernière date on lit l'information suivante : Le marquis de La Fayette est venu remercier M. Rochon de la tirade à sa gloire ; c'est la première fois qu'un vivant se trouve loué en comédie. Le duc de Chartres est furieux et a fait tout ce qu'il a pu pour discréditer la pièce.

[11] On lit dans les Mémoires du duc de Croy, publiés par la Revue rétrospective, 1896, p. 340 : Le 5 mai (1779) je passai la soirée chez M. de Lugeac, où soupait M. de La Fayette. Il n'avait que vingt-deux ans et étai d'une jolie figure. Il s'était conduit en héros en Amérique.

[12] Le 26 mai 1779, Benjamin Franklin écrivit au Comité des affaires étrangères : Le marquis de La Fayette devait partir avec le capitaine Jones et emmener quelques troupes de terre : mais j'apprends que le marquis ne partira pas et que le plan est un peu changé. (Cf. Correspondance de B. Franklin, éd. Laboulaye, II, 82.)

[13] Arch. des affaires étrangères, Etats-Unis, suppléments, t. I, n° 172 bis. (Cf. H. Doniol. t. IV, p. 288.) Le même jour La Fayette demandait que si trois Américains et un Français, Erskine, négociant à Boston, le colonel Stuard, le lieutenant-colonel Nevil, son aide de camp, et le chevalier de La Colombe, débarquaient en France, on les priât de le rejoindre à Saintes.

[14] Arch. des Affaires étrangères, Etats-Unis, t. VIII, n° 88. (Cf. H. Doniol, t. IV, p. 289.)

[15] Arch. des Affaires étrangères, Etats-Unis, t. VIII, n° 96. (Cf. H. Doniol, t. IV, p. 290.)

[16] Arch. des Affaires étrangères, Etats-Unis, suppléments. t. I, n° 182 bis. (Cf. H. Doniol, t. IV, p. 291.)

[17] La nomination de La Fayette comme aide-major général des logis en Bretagne et en Normandie date du 1er juin 1770. (Cf. Archives administratives de la guerre.) — L'instruction remise au comte de Vaux le 21 juin 1779 prescrivait d'attaquer l'île de Wight, de la prendre et de s'y fortifier. (Cf. H. Doniol, t. IV, p. 294.)

[18] Arch. des Affaires étrangères, Etats-Unis, suppléments, t. I, n° 183 bis. (Cf. H. Doniol, t. IV, p. 293.)

[19] Cf. Jules Cloquet, Souvenirs sur la vie privée du général La Fayette, p. 217.

[20] Dans une lettre du 30 septembre 1779, Washington exprima à La Fayette sa surprise de ce qu'aucune de ses lettres ne lui fût parvenue.

[21] Archives des Affaires étrangères, Etats-Unis, suppléments, t. I, n° 239 bis. (Cf. H. Doniol, t. IV, p. 308.)

[22] Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, né à Vendôme (Loir-et-Cher) le 1er juillet 1725, maréchal de camp le 20 février 1761, lieutenant général le 1er mars 1780, maréchal de France le 28 décembre 1791, mort à Thoré (Loir-et-Cher) le 10 mai 1807. — Sa nomination ne fut officiellement annoncée que le 9 mars 1780.

[23] Le 2 mars 1780, Vergennes écrivait à Montmorin pour lui annoncer l'expédition et ajoutait : M. le marquis de La Fayette, qui retourne reprendre son service de major général chez les Américains, prend les devants pour annoncer nos secours et pour faire préparer à l'avance tout ce qui peut être nécessaire pour la réception. (Cf. Arch. des Affaires étrangères, t. 598, n° 5, et H. Doniol, t. IV, p. 154.)

[24] Louis-René-Madeleine Le Vassor, comte de La Touche-Tréville, né à Rochefort (Charente-Inférieure) le 3 juin 1745, capitaine de vaisseau en 1783, député de la noblesse du bailliage de Montargis aux Etats-Généraux, contre-amiral en 1792, vice-amiral en 1804, mort à Toulon le 20 août 1804.

[25] Voici le passage de cette lettre de La Touche-Tréville (Arch. de la marine, B4 153, fol. 15) : J'aurai pour M. le marquis de La Fayette tous les égards et toutes les attentions, non seulement que me prescrivent vos ordres, mais ceux que mon cœur me dicte pour un homme que ses actions m'ont inspiré le plus vif désir de connaître. Je regarde comme une faveur l'occasion de me trouver à portée de lui donner des marques de la grande estime que j'ai conçue pour lui. (Cf. H. Doniol. t. IV, p. 280.)

[26] Cf. Archives historiques de la guerre, Correspondance du comte de Rochambeau, t. I, p. 3.

[27] Arch. des Affaires étrangères, Etats-Unis, t. II, N° 69 et 70. (Cf. H. Doniol, t. IV, p. 314 et 318.) — Au cas où l'Hermione serait prise par les Anglais, le comte de Vergennes prévint, le 5 mars 1780, le chargé d'affaires de France aux Etats-Unis, le chevalier de La Luzerne, du départ de La Fayette, et lui expédia, par la frégate américaine l'Alliance, un double de l'instruction remise au marquis. (Cf. H. Doniol, t. IV, p. 281.)

[28] Franklin écrivit à Washington, le 5 mars 1780 : Je n'ai reçu que dernièrement la lettre que votre Excellence m'a fait l'honneur de m'écrire pour me recommander le marquis de La Fayette. Sa modestie la lui avait fait garder longtemps entre les mains. Nous avions cependant fait connais-naissance ensemble depuis l'époque de son arrivée à Paris. Son zèle pour l'honneur de notre pays, l'activité qu'il met ici dans nos affaires, l'attachement inviolable qu'il témoigne pour notre cause et pour votre personne, m'ont naturellement inspiré pour lui la même estime, la même considération qu'aurait fait la lettre de Votre Excellence, si on me l'avait remise immédiatement.

[29] Le capitaine La Touche-Tréville écrivit de l'île d'Aix, le 1er mars 1780 (Arch. de la Marine, B4 153, fol. 16) : M. le marquis de La Fayette arriva avant-hier au soir à 8 heures. Mes dispositions étant faites pour le recevoir à bord, il s'y est rendu hier matin. J'ai mis immédiatement en rade ; je vais appareiller dans l'instant pour me rendre dans celle de La Rochelle, où je serai plus à portée de prendre à mon bord trois passagers qui doivent arriver dans la journée, à ce que m'a fait l'honneur de me dire M. le marquis de La Fayette. Les vents étant aussi favorables que je peux l'espérer, je compte demain matin mettre sous voiles pour le lieu de ma destination, si je ne suis pas retenu par l'attente des personnes annoncées.

[30] Le capitaine La Touche-Tréville écrivit de. La Rochelle, le 1er mars 1780, à neuf heures du soir, une lettre où, après avoir fait l'éloge de La Fayette, il disait : Je vais mettre sous voiles dans la nuit.