DEUXIÈME PARTIE — LES VILLES ET LA VIE MUNICIPALE
§ 1. — LES CITOYENS. Il faut se représenter les villes de l’Asie Mineure, tout au moins les grandes villes, les villes commerçantes, comme des cités des plus cosmopolites, sortes de foires permanentes, où des populations fort diverses passaient ou séjournaient. L’esprit des citoyens en a été influencé : chez eux, en dépit de l’orgueil municipal, le civisme n’est pas étroit ni exclusif, et les cas de naturalisation s’offrent nombreux. Ce qui contribue encore à rendre les Hellènes moins rigoureux sur ce point, c’est que l’acquisition du droit de cité dans une ville d’Asie Mineure était un honneur bien pâle en comparaison de celle de la civitas Romana, parfois accordée à certains habitants des provinces, ambition avouée de beaucoup d’entre eux. Au début probablement, en Asie comme à Athènes, le plein droit de cité était aux enfants nés de père et mère citoyens ; mais plus tard la πολιτεία fut plus négligemment traitée. Les Romains semblent cependant avoir surveillé les mesures de naturalisation prises par les villes ; on est frappé de voir, dans les recueils de lois romaines, une disposition comme celle-ci : Iliensibus concession est ut qui matre Iliensi est sit eorum municeps[1]. Ainsi à Ilium, il suffisait d’avoir une mère citoyenne ; mais les Romains l’avaient expressément approuvé. Pourtant les naturalisés ou δημοποιητοί obtenaient leur qualité d’une procédure purement locale : décret du sénat, puis du peuple, comme pour les lois ordinaires. A Éphèse, des magistrats religieux, les έσσήνες, tiraient ensuite au sort la tribu du nouveau citoyen, et d’autres, les νεωποΐαι, prenaient soin de faire graver le diplôme[2]. Y avait-il un album contenant la liste des citoyens[3] ? La chose est évidente, et plus d’une inscription y fait allusion, mais sans nous faire connaître le terme spécial servant à désigner cette liste[4]. Dans deux cités au moins, le soin de la tenir à jour appartenait à un fonctionnaire appelé le πολειτογράφος[5]. Arriva-t-il qu’on vendît le titre de citoyen d’une ville ? Nous n’en avons pas d’exemple, et cela paraît peu probable ; les Romains ne l’auraient vraisemblablement pas toléré. Mais les dons gracieux du droit de cité sont très fréquents ; quelqu’un a-t-il rendu des services signalés à une ville, sous forme de libéralités en général, celle-ci le met volontiers au nombre de ses membres. Les vainqueurs dans les jeux publics voyageaient sans cesse de l’une à l’autre, pour s’y faire applaudir et remporter des couronnes ; entre autres honneurs, ils recevaient parfois la πολιτεία, et l’on voyait des athlètes citoyens d’un certain nombre de villes à la fois. Le cumul était possible en effet ; on acquérait une nouvelle patrie sans être astreint à abandonner la première ni à changer de domicile par conséquent[6]. Nous connaissons plusieurs cas de naturalisation collective et en grand ; après la mort d’Attale II, et avant que les Romains n’eussent fait l’adition d’hérédité, Pergame se trouvait, nous est-il dit, dans une situation un peu troublée ; une guerre heureuse venant de s’achever, le roi avait annexé un territoire ennemi ; la paix n’était pas encore revenue ; pour l’assurer plus rapidement, et plus complète, l’assemblée populaire accorda un relèvement de situation aux habitants, anciens ou nouveaux[7]. Le droit de cité fut accordé[8] aux gens inscrits sur les listes des métèques[9] et à un très grand nombre de soldats : aux Macédoniens et Mysiens, qui étaient établis dans le royaume en colonies militaires[10] ou formaient des troupes soldées[11] et à tous ceux qui faisaient partie de la garnison permanente, παραφυλακΐται et έμφρουροι[12]. La concession s’étendait aux femmes et enfants des individus énumérés. On voit que la mesure profitait surtout à des hommes d’armes ; ils étaient les plus redoutables ; il fallait se les concilier les premiers. Un autre exemple nous est fourni par la ville d’Éphèse : pendant la guerre contre Mithridate, après qu’elle eut longtemps soutenu le roi de Pont, les premiers succès des Romains donnant à réfléchir aux habitants, un revirement s’était produit parmi ces derniers ; mais si assurée que parût la victoire définitive des Romains, il fallait présentement se défendre. Dans ce grand péril, les Éphésiens n’hésitèrent pas à donner le droit de cité aux étrangers de tous ordres domiciliés chez eux[13]. Les isotètes et parèques, les hieroi, les affranchis et étrangers qui auront pris les armes et se seront enrôlés auprès des généraux, deviendront de nouveaux citoyens ayant mêmes droits que les anciens ; leurs noms seront certifiés par les généraux aux proèdres et au secrétaire du conseil, et ils seront distribués par le sort entre les tribus et les chiliastyes ; et de même pour les affranchis publics qui auront pris les armes ; tous ceux qui avaient été rayés des listes de citoyens, pour toujours ou à temps, pour condamnations, dettes, amendes, furent réintégrés dans leurs droits (l. 28 sq.). Ce texte nous montre en même temps’ des cas de perte du droit de cité ; on regrette de ne pas connaître les autres[14], mais ceux-ci sont assez caractéristiques, et surtout cette radiation provisoire pour amendes encourues et non encore payées. Dans cette Asie, où l’argent était si respecté, on avait un mépris accablant pour les gens au-dessous de leurs affaires et ne pouvant pas se libérer[15]. Il est clair, bien que les renseignements positifs nous fassent défaut sur ce point, qu’on ne comptait comme citoyen et qu’on n’en exerçait les droits qu’à partir d’un certain âge. Cependant les charges pesant simplement sur le patrimoine, les liturgies proprement dites, pouvaient être supportées même par des enfants aussi bien que par des femmes ; mais les parents y pourvoyaient pour eux[16]. Les enfants (παΐδες), acceptés par le peuple et arrivés à l’adolescence, entraient, à un âge que nous ignorons et sans doute différent suivant les villes, dans le corps des éphèbes, cette institution athénienne que tant de cités grecques avaient empruntée[17]. Les Romains n’eurent garde de la supprimer ; mais elle allait fatalement se transformer d’elle-même. A Athènes, l’éphébie ouvrait la période des exercices militaires : pour être digne du nom de citoyen, il fallait se montrer capable de défendre sa patrie. Sous la domination romaine, peu à peu, la paix étant assurée, le but primitif de l’institution, sans s’effacer absolument, devint accessoire. L’apprentissage des armes parait à peu près supprimé ; restent seulement les exercices du corps de genre pacifique, dans les gymnases[18] ; les éphèbes se livrent encore à des jeux d’adresse, de souplesse ; eux-mêmes en font peut-être les frais, aidés par les subsides empruntés aux legs de riches particuliers. Ces jeux des éphèbes passaient pour un des plus beaux ornements des villes, au même titre que ceux auxquels prenaient part les hommes mûrs ; aussi les municipalités mettaient-elles leur ambition à attirer des maîtres de gymnastique de grande réputation. Mais, plutôt encore que cet entraînement corporel, l’éducation intellectuelle (παιδεία) et morale (άγωγή) des éphèbes fait l’objet de la sollicitude du peuple ; à cette branche de leurs éludes est préposé le pédonome ; c’est lui qui, pour encourager leur zèle, organise des concours (άγώνες) où les plus méritants reçoivent des prix (άθλα), et aussi des spectacles publics (θεάματα). On leur enseigne à jouer de la cithare et à tenir des discours d’apparat[19]. Le pédonome est d’ailleurs assisté d’un nombre souvent excessif de grammairiens, sophistes, rhéteurs, qui deviennent comme les idoles de la ville, dispensés des charges ordinaires qui pèsent sur les habitants. Enfin les éphèbes ont un surveillant général et public dans la personne de l’éphébarque[20]. Il est difficile d’attribuer des règles générales à cette institution qui a présenté certaines variétés d’une ville à l’autre. Le temps passé dans l’éphébie était ainsi plus ou moins long suivant les cas. A Chios, on distinguait les έφηβοι νεώτεροι, μέσοι, πρεσβύτεροι[21], ce qui ferait croire à trois années d’études ; à Cyzique, l’éphébie était au moins biennale[22] ; à Athènes, au contraire, vers la même époque, la durée de l’éphébie avait été réduite de deux ans à un seul ; mais en Asie cet abrègement n’est pas à supposer ; il aurait eu des effets désastreux dans certaines cités fières de leur réputation littéraire et artistique, comme Smyrne et Alabanda ; car les collèges d’éphèbes, entièrement transformés, tendaient à devenir surtout des pépinières de lettrés ; et l’éducation physique demande des exercices moins prolongés que celle de l’esprit. A ces Grecs raffinés, la culture acquise durant l’éphébie paraît-elle suffisante ? Non, car l’éphèbe, à peine libre, devient, suivant le langage officiel, un véoç. Voici, aussi complète que j’ai pu la dresser[23], la liste des villes où l’on a jusqu’à présent reconnu l’existence d’un collège de véo-.. Iles : Chios. — GIG, 2214. Cos. — BCH, V (1881), p. 236, n° 21 ; XI (1887), p. 73-71, n° 3-4. Mytilène. — IGI, II, 131. Rhodes. — IGI, I, 96. Samos. — BCH, V (1881), p. 481, n° 4. Mysie : Cyzique. — Ephemeris epigraphica, 1877, III, 2, p. 156 = CIL, III, 7060 (sous Antonin le Pieux). Elaea. — FKÄNKEL, Inschr. v. Perg., 246 (sous Attale III). Ilium. — CIG, 3619. Pergame. — LEB., 1720c, 1723a ; CIG, 3545 ; FRÄNKEL, 252, 486. Ποιμανηνόν (près Cyzique). — Ath. Mit., IX (1884), p. 32, l. 26 ; VI (1881), p. 122 ; Arch.-epigr. Mit. aus Oest-Ung., VI, p. 52. Phrygie : Attuda. — ANDERSON, JHSt, XVII (1897), p. 399, n° 3. Hiérapolis. — JUDEICH, 32 ; au n° 94 des veavîarxoi. Laodicée du Lycus. — Συνέδριον νέων sur des monnaies du règne d’Élagabale. IMHOOF-BLUMER, Kleinasiat. Münz., I, p. 274. Lounda. — Am. Journ. Of Arcti., IV (1888), p. 280. Synnada. — BCH, VII (1883), p. 299, n° 23. Carie : Halicarnasse. — LEB., add.,1618 ; BCH, IV (1880), p. 402, n° 14. Aphrodisias. — LEB., add., 1600, 1601,1602a, in fin. Héraclée du Latmos. — Revue de Philologie, XXIII (1899), p. 285. Iasos. — Rev. Et. gr., XI (1893), p. 157 sq. ; BCH, XI (1887), p. 213, n° 2 ; p. 214, n° 4. Mylasa. — LEB., 525 ; peut-être aussi 365. Nysa. — CIG, 2949 ; BCH, VII (1883), p. 272, n° 15 ; X (1886), p. 520, n° 17, 19 ; XI (1887), p. 347, n° 2. Ionie : Cymé. — CIG, 3524, 1. 51. Erythrée. — LEB., 1543. Lébédos. — BCH, X (1886), p. 179, n° 40. Magnésie du Méandre. — ECKHEL, D. N. V., IV, p. 189 sq. ; KERN, Inschr., 153. Milet. — Revue de Philologie, XX (1896), p. 100, n° 4. Smyrne. — CIG, 3185,1. 16. Téos. — LEB., 105 ; CIG, 3079, 3085, 3098, 3101, 3112 ; BCH, IV (1880), p. 179, n° 40. Lydie : Mastaura. — LEB., add., 1663c ; CIG, 2944. Thyatira. — CIG, 3502 et 3503 ; LEB., add., 1657 (νεσνίσκοι). Tralles. — CIG, 2930 ; BCH, V (1881), p. 343, n° 4 ; 347, n° 10 ; Pap. Am. Sch., I, p. 108, n° 10. M. Menadier dit (p. 19) que rien n’indique l’existence de ce collège à Éphèse. Nous recueillons cependant une indication. Strabon, parlant de l’enceinte d’Ortygie, près d’Éphèse, ajoute : Une panégyrie se tient chaque année, et l’usage est que οί νέοι rivalisent entre eux à qui donnera les repas les plus somptueux[24]. Ne s’agirait-il pas d’un collège de νέοι, à Éphèse ? C’est au moins très vraisemblable. A Thyatira, ce sont des νεκνίσκοι que nous trouvons mentionnés ; à Hiérapolis, ils figurent concurremment avec les νέοι[25] ; faut-il les confondre avec ceux-ci ? Peut-être, car ils paraissent adonnés aux mêmes occupations ; mais ou ne peut se baser que sur des raisons de vraisemblance. Voilà une liste où figurent un grand nombre de villes, déréglons et d’importance très diverses. J’inclinerais à penser que notre arsenal épigraphique seul présente des lacunes et que l’institution s’était extrêmement généralisée. Les renseignements que nous possédons sur elle datent de l’époque romaine ; elle peut bien cependant avoir vu le jour au temps de l’indépendance, car elle procède du même esprit que l’éphébie. Pourtant, si les Grecs d’Asie ne l’ont pas imaginée, leur modèle, cette fois, n’était pas à Athènes ; ils ont peut-être voulu imiter les collegia juvenum de l’Italie[26]. Que représentaient exactement ces νέοι ? Une inscription de Chios[27] rappelle les jeux παίδων, έφήβων, νέων, puis énumère les vainqueurs : παίδων, έφήβων, άνδρών[28]. Νέοι équivaudrait donc à άνδρες. L’interprétation la plus naturelle me paraît être la suivante : les éphèbes n’étaient encore que des adolescents ; les neoi sont de tous jeunes hommes, de 20 à 22 ans environ, je suppose, et sans doute les éphèbes sortants. Voilà, au premier abord, ce qui les distingue des éphèbes ; en outre, le caractère public de leur collège est encore plus marqué ; le peuple s’y intéresse davantage. Ils se préparent d’ailleurs, pour plus tard, aux fonctions publiques ; ils ont parfois l’idée de se constituer en petite cité ; en corps, ils forment un démos, qui légifère d’accord avec une boulé[29]. Ils ont leurs magistrats spéciaux, ce qui est étranger à l’éphébie ; un chef éponyme, le προστάτης[30], des secrétaires[31] (γραμματεϊς). Qui les désigne ? Les neoi eux-mêmes, suivant M. Collignon ; le peuple, dit Menadier. Ou ne sait trop, et la règle n’était peut-être pas partout la même. Mais la première hypothèse offre plus de vraisemblance ; la cité minuscule se complète mieux ainsi, à l’image de la grande. Pourtant ces magistrats, généralement tirés, semble-t-il, du collège lui-même, peuvent être choisis en dehors de ses cadres : un secrétaire, père de plusieurs enfants, n’est probablement pas neos[32]. Cette association n’a d’existence légale que lorsque sa fondation a été ratifiée par le Sénat romain, si toutefois, comme je le crois avec M. Mommsen, il y a lieu de généraliser l’exemple de Cyzique, dont le collège de neoi fut reconnu sous Antonin le Pieux[33]. Le collège a certainement des finances propres, une caisse destinée à recevoir les cotisations et, éventuellement, des legs. Il peut, de la sorte, faire les frais des καλλίσταις καί μεγίσταις καί πρώταις τειμαΐς qu’on le voit accorder à un bienfaiteur, à Aphrodisias[34]. Dans leurs assemblées, les neoi décrètent des honneurs à rendre aux directeurs de leurs gymnases[35], honneurs peut-être approuvés obligatoirement et préalablement par le peuple. Le collège n’est pas du reste sans ressembler beaucoup, par plus d’un trait, à celui des éphèbes : ri célèbre des jeux, des cérémonies religieuses ; on s’y livre surtout à des exercices gymniques, à telles enseignes que Strabon appelle ces jeunes hommes οί έκ τοΰ γυμνασίου νέοι[36]. Et ils ont le plus souvent leur gymnase particulier[37] ; aussi leur gymnasiarque occupe-t-il une situation très en vue[38], et les textes qui le mentionnent montrent que le peuple s’est réservé le droit de le nommer ; il semble bien avoir disposé de la même autorité sur les neoi que le pédonome sur les enfants. Les neoi prennent part aux jeux de la cité, mais ou organise en outre des exercices pour eux seuls dans des locaux réservés, et leur activité physique paraît débordante. A Iasos, une inscription[39] rappelle un personnage qui fit un don de 5.000 deniers ; la ville décida de les employer au profit du gymnase des neoi, les revenus de cette somme (placée à douze as par cent deniers au mois), devant subvenir à perpétuité à la consommation d’huile qui y serait faite pendant le sixième mois de l’année. Ainsi à Iasos, ville d’importance secondaire, surtout à l’époque romaine[40], la dépense pour les fournitures d’huile du gymnase des neoi atteignait en un mois à 450 deniers, soit 5400 par an[41]. Ces chiffres supposent un entraînement continu. D’ailleurs, pour ces jeunes hommes comme pour les éphèbes, l’éducation proprement militaire a disparu ; mais à tout ce qui développe la souplesse et l’élégance du corps, ils portent toujours une passion singulière. Il en est de même des exercices littéraires et musicaux. A Halicarnasse, sous Hadrien, un décret volé en faveur d’un poète, célèbre dans toute la Carie, décide que ses œuvres seront placées dans les bibliothèques publiques pour que les neoi s’instruisent en les lisant[42]. Le rhéteur Aristide fut de leur part honoré d’une démarche flatteuse à l’entrée de la ville où il se rendait[43]. Ils ont un rôle particulier dans les fûtes religieuses de la ville ; à Nysa, nus et frottés d’huile, éphèbes et neoi se chargent de la mise à mort du taureau, lors de la panégyrie annuelle qui a lieu dans un faubourg de la ville[44] ; à Cymé, avec les éphèbes encore, ils sont les ministres de la nécrophorie, ou port solennel des corps des défunts. Somme toute, on est frappé de l’analogie de leur rôle dans la cité avec celui des éphèbes. Ce sont simplement des éphèbes plus âgés. Dès lors, pourquoi deux collèges ? Voici, j’imagine, l’explication la plus plausible : L’institution la plus ancienne est l’éphébie ; au début, on pensa qu’en très peu d’années (deux ou trois) elle remplirait son objet. Mais l’amour des Grecs pour l’éloquence et pour les jeux est allé toujours grandissant ; les éphèbes libérés regrettaient leur existence passée ; on ne voulait pas néanmoins prolonger pendant de trop longues années ce stage du citoyen. On parla en commun du beau temps envolé et des moyens de le faire revivre, et comme trois ou quatre Grecs seulement, dès qu’ils se trouvaient réunis, ou se querellaient ou s’associaient, quand ils ne faisaient pas les deux ensemble, comme d’autre part le nom d’une collectivité nouvelle à ajouter à l’assemblée, au conseil, à la gérousie, devait produire bon effet dans les actes gravés sur le marbre, on en vint insensiblement à créer ce collège complémentaire des neoi, sans aucune originalité et sans raison d’être particulière, mais qui n’en surgit pas moins de tous les points de l’Asie. Il semble bien qu’en Asie, comme à Athènes, un éphèbe soit déjà citoyen, mais qu’en fait il n’en exerce guère les prérogatives ; il en va autrement des neoi. Les éphèbes sont très rarement mentionnés dans les inscriptions au même titre que ces derniers, qui figurent d’ordinaire dans les dédicaces à côté du peuple, du conseil et de la gérousie et ont vraiment un rôle politique dans la cité. Pourtant il est à supposer qu’eux non plus n’ont pas la plénitude des droits du citoyen : le droit de suffrage leur appartient probablement sans limites, mais ils ne peuvent, j’imagine, être nommés à une magistrature, la maturité suffisante leur faisant encore défaut ; peut-être y vit-on un nouveau motif de les classer à part, de les grouper en collège pour compenser et pour masquer ce qu’il y avait d’inférieur et d’incomplet dans leur situation politique. Ce sont donc encore, dans une certaine mesure, des mineurs. Une autre classe de mineurs, dont le rôle ne ménage pas moins de surprises, ce sont les femmes[45]. Leur condition légale n’a pas été modifiée par les Romains ; comme les enfants non émancipés, elles ne peuvent prendre part à quelque acte civil sans l’autorisation des membres de leur famille qui ont autorité sur elles[46]. A celte incapacité civile devait s’ajouter, à plus forte raison, une incapacité politique ; aucun droit de suffrage n’a jamais appartenu au sexe faible dans l’antiquité, la femme n’a certainement pas la πολιτεία comme un homme, j’entends : de plein droit, hormis le cas d’indignité ; mais des concessions exceptionnelles, honorifiques, du droit de cite à certaines femmes nous sont attestées par les inscriptions. D’abord il est difficile de se méprendre sur le sens du qualificatif donné à quelques-unes : άστή ou πολεϊτις[47]. Un décret de Mylasa accorde la πολιτεία à une femme, en propres termes[48]. Seulement cette mise au rang des citoyens, outre qu’elle ne profitait jamais qu’à des femmes de qualité, ayant rendu de grands services à leur patrie, avait lieu peut-être honoris causa, sans entraîner l’exercice réel des droits civiques[49]. Faut-il de plus le remarquer, les exemples que nous en avons sont tous de Carie — ou de la province voisine de Lycie ? Il n’y a là probablement qu’un effet du hasard. On est frappé, d’autre part, de la grande liberté d’action qui était laissée aux femmes dans la vie publique[50]. A l’occasion de la plupart des affaires qui concernent l’État, on ne remarque pas de distinction marquée et voulue entre les deux sexes. Les Smyrniotes avaient gravé et exposé une liste des bienfaiteurs de leur ville ; on y trouve pêle-mêle des noms d’hommes et quelques noms de femmes[51]. Très fréquemment les femmes s’associent aux libéralités de leurs maris ; c’est par exemple à Smyrne, pour la formation d’un collège[52] ; à Lagina, pour l’installation d’un établissement de bains[53], ou de l’atrium d’un gymnase[54]. Ailleurs encore, donation faite en commun par deux époux aux Romains, aux citoyens et aux étrangers[55]. Il est vrai que souvent le rôle de la femme paraît insignifiant dans ces actes de libéralité, par cela même que les enfants aussi y prennent part : ainsi, mari, femme et enfants consacrent à la patrie des statues à Mastaura[56], et à Mylasa une colonne[57]. A Aphrodisias, les largesses communes des conjoints au conseil et aux tribus s’accomplissent avec le concours des enfants[58]. Mais on voit aussi la femme agir seule ; ainsi à Milet-Branchides[59], à Ancyre de Phrygie[60], à Aphrodisias[61] ; ses dons sont très divers, s’adressent soit aux temples[62], soit au conseil ou au peuple[63]. Nous connaissons notamment des cas très nombreux de femmes δήμον έστιάσασαι ou ayant donné des repas publics (δημοθοινία)[64]. Était-ce réellement une libéralité pure et simple (έπίδοσις) ou une véritable liturgie ? Je ne sais ; mais du reste les femmes se chargèrent très souvent d’une liturgie. On ne voit pas clairement si les lois ou décrets leur en faisaient une obligation en raison de leurs ressources personnelles, ou si les magistrats ne les inscrivaient que sur leur demande. Il y avait assurément des lois organisant les liturgies ; mais nous ignorons si elles tenaient compte du sexe, ou seulement de la fortune. Les inscriptions laissent cependant soupçonner que, de la part des femmes, ces contributions étaient volontaires, et montrent que souvent elles y intervenaient seules, sans le concours de leurs maris. Ce concours, du moins, n’est généralement pas exprimé, mais on peut, on doit le supposer, sans invoquer le besoin d’autorisation maritale, dans certains cas où l’on ne saurait admettre que la femme se soit chargée de l’exercice réel, matériel de la liturgie ; on ne la voit pas, comme agonothète, le fouet à la main au milieu des athlètes et des esclaves, ou, à titre de gymnasiarque, veillant au bon ordre, pendant les ébats des neoi ou des éphèbes, ou encore, dans les έστιάσεις, présidant aux joies gastronomiques du menu peuple[65]. Du moins elle devait être toujours admise à se faire représenter ; nous en avons un exemple à Attuda[66]. Il est clair qu’ici la participation de la femme est restée purement pécuniaire. Certaines liturgies pouvaient en effet présenter quelque danger pour la femme, au point de vue des mœurs. Les fonctions religieuses n’offraient naturellement pas le même -inconvénient ; aussi, non seulement elle n’est pas exclue des sacerdoces, mais il semble que les usages, les lois même, lui prescrivissent d’assister toujours son mari dans l’accomplissement de certains sacrifices. Si le prêtre n’a pas d’épouse, il faut quelquefois qu’il la remplace dans les cérémonies par une parente ; une fois, à Stratonicée, ce fut la mère qui en tint lieu[67] ; dans un autre cas, la femme du prêtre étant morte sans doute, c’est sa fille qui l’assista[68]. En outre, on attribua à la femme des sacerdoces proprement personnels. La stéphanéphorie servait dans beaucoup de villes d’Asie de dignité éponyme ; partout du moins elle gardait invariablement un caractère religieux ; nous la voyons maintes fois abandonnée à des femmes[69]. On les choisit même quelquefois pour de véritables magistratures, mais non pour toutes, car ici l’honneur et la fonction ne pouvaient guère être séparés. Il y a des femmes prytanes[70], parce que la puissance de ces magistrats s’était, sous les Romains, considérablement amoindrie et se trouvait réduite à l’éponymie et au service de certains cultes. De même, à Cyzique, l’hipparque était devenu, de chef de cavalerie, un simple fonctionnaire éponyme ; c’est une femme dans quelques cas[71]. Sur les monnaies encore, on lit souvent : έπί τής δεΐνος[72], mais cette formule n’indique pas forcément une magistrature monétaire ; le personnage inscrit est même généralement l’éponyme, dont le nom sert à dater l’émission de la pièce. Les femmes sont donc surtout admises aux fonctions municipales qui entraînent plus d’honneur que de pouvoir, et qui présentent un caractère religieux. Les avantages qu’on leur accorde ont une limite : on ne les laisse pas pénétrer dans les assemblées, ni donner leurs suffrages, ni entrer en pourparlers avec un magistrat, ni prendre part à une légation publique. Il est incontestable cependant que, dans ce domaine, les idées des Grecs ont évolué ; le rôle des femmes s’est singulièrement élevé et agrandi ; à la réclusion de jadis succède une vie très en dehors, qui les met constamment en évidence[73]. En récompense de leurs fonctions bénévolement acceptées, les femmes, comme les hommes, reçoivent des hommages officiels — et le décret qui les accorde est gravé sur la pierre, — des couronnes, des statues[74], des titres retentissants comme πατρώνισσα, κτιστρία, fondatrice de la ville. Qu’est devenu l’ancien gynécée, d’où la fille, l’épouse, la mère ne sortaient guère, même dans cette Grèce d’Orient, pourtant moins rigoureuse à ce sexe que la Grèce propre ? Désormais la femme ne reste jamais à l’écart de son mari, quand il sert de quelque manière les intérêts de la cité[75] ; elle est grande prêtresse de la province ! elle préside les jeux du cirque ! Les Romains encore sont cause de cette très notable évolution. Les Grecs aimaient les fêtes brillantes, les spectacles, les belles cérémonies religieuses, les monuments célébrant les hauts faits ou les générosités de leurs concitoyens. Pour leur ôter tout rêve d’indépendance politique, tout désir de réelle autonomie, les Romains se sont appliqués à rendre cette passion dominante, exclusive même, chez leurs sujets d’Asie. Toutes ces villes n’ont plus d’autre ambition que de dépasser leurs voisines par la splendeur, la vanité et le nombre des réjouissances et des cérémonies. Une fête par jour ! tel est le comble de la gloire. Mais tout cela coûte cher ; il faut prendre l’argent où il se trouve ; or il y a des veuves et des orphelines qui jouissent d’une large opulence ; leur bourse vaut bien celle des hommes. Pour les leur faire ouvrir il n’y avait qu’un moyen : leur accorder des honneurs et des titulatures. Et voilà comment elles sont prêtresses, comment elles sont même magistrats, car la même évolution a entraîné une confusion progressive des fonctions municipales et des sacerdoces. Et nous arrivons à cette curieuse conclusion, qui avait besoin d’explications préalables et précises : en abaissant, politiquement et moralement, l’homme, les maîtres du pays ont affranchi et relevé la femme. Le sexe entier en a dû profiter, mais il est clair que les premiers bénéficiaires de ce mouvement ont été les femmes riches, qui étaient par là même les femmes nobles. Le régime politique octroyé à toutes les régions de l’Asie par les Romains reposait en effet sur la prépondérance absolue de cette aristocratie de la fortune. Les grandes familles se partagent à l’amiable l’administration de la cité ; elles l’assument probablement à tour de rôle ; si les disputes n’ont pas été trop vives, c’est que les honneurs entraînaient des charges au moins égales. Les membres de ces familles privilégiées font des largesses (διανομαί, έπιδόσεις) au peuple ou aux collèges divers de la ville ; ils fournissent gratuitement de l’huile à l’usage des athlètes, édifient ou réparent des monuments publics ; ils se chargent des chorégies, des ambassades à envoyer au loin, surtout auprès des Empereurs, pour leur présenter des compliments ou des requêtes. Il est tel de ces petits seigneurs locaux qui possède même des honneurs ou des titres romains ; il y en a beaucoup qui ont reçu le droit de cité romaine. On les reconnaît à leurs tria nomina, qu’accompagne parfois sur les monuments l’indication de la tribu. Les Romains ont mis à satisfaire cette ambition une certaine condescendance ; n’était-ce pas encore, en effet, un moyen indirect de maintenir cette suprématie des hautes classes, à laquelle ils attachaient tant de prix ? Ils ne prodiguèrent pas cependant cette faveur ; il fallut quelquefois payer pour obtenir la cité romaine[76] ; en outre, depuis Auguste, ces nouveaux citoyens se trouvèrent soumis à l’impôt du vingtième sur les héritages[77]. Mais quelles compensations d’amour propre ! Qu’on songe aux honneurs du médecin Xénophon de Cos[78] ! Les uns devenaient chevaliers (ίππεΐς ou le plus souvent ίππικοί)[79] ; d’autres συγκλητικοί ou ύπατικοί[80]. Plutarque, qui vivait à l’époque où cette aspiration vers la cité romaine se produisit avec le plus de force, s’exprime ainsi : Vois ce Chiote, insensible à la considération et à l’influence qu’il obtient dans son île ; il pleure parce qu’il ne porte pas la toge du patricien ; en est-il revêtu, il pleure de n’être pas préteur ; préteur, de n’être pas consul[81]. Et pourtant, quand il s’agissait de décerner des honneurs nouveaux à des citoyens distingués, les Asiatiques révélaient une imagination inépuisable. Je passe sur les couronnes et le droit de les porter à sa volonté, les stèles gravées au nom d’un bienfaiteur de la ville, les statues, même le privilège de προεδρία, consistant à avoir aux jeux, par ordre du peuple, un siège réservé et aux premiers rangs parmi les spectateurs. Cela, chacun au besoin l’eût inventé ; c’étaient récompenses banales. D’autres l’étaient moins, comme l’ensevelissement dans un gymnase (qu’on avait quelquefois élevé et entretenu de ses deniers), pour l’édification et l’exemple des jeunes générations[82]. Et cet honneur était même promis de leur vivant aux bénéficiaires. Autre récompense : quelqu’un a-t-il rendu de grands services d’ordre financier à des compatriotes, cautionné des débiteurs, remboursé des sommes prêtées sur gages, etc., on lui assure en retour un salaire honorifique viager, prélevé sur le produit des sacrifices publics[83] ; rente singulière dont il devait avoir précédemment versé, et au delà, le capital. Mais on constate mieux encore : un gymnasiarque d’Aphrodisias[84] obtint, en raison de ses services, les plus grands honneurs, ταΐς καλλίσταις καί μεγίσταις τειμαΐς. C’est que, dans certaines villes, on a dressé une échelle des honneurs[85], et les différents degrés sont distingués par des numéros d’ordre. Les inscriptions connues d’Aphrodisias ne parlent que de premiers honneurs, bien que les puérilités honorifiques aient eu dans cette ville un développement tout particulier ; mais ailleurs, on a vu deuxièmes, troisièmes honneurs[86], et même, en Lycie, un sixième degré d’honneurs[87]. Une autre gloire très recherchée consiste à être adopté par le peuple ou quelque grand collège de la ville. La portée exacte de ces expressions : υίός (ou θυγατήρ) πόλεως, δήμου, γερουσίας, νέων, est maintenant bien établie : il y a réellement adoption, publique, et ayant une valeur juridique, comme si elle était l’œuvre d’un particulier. Auprès de l’adoptant apparaissent dans les inscriptions le père naturel, la mère naturelle et même un père adoptif, qui représentait sans doute, dans la cérémonie, la collectivité faisant l’adoption[88]. Mais ce ne sont pas, comme le croyait à tort Waddington[89] des enfants indigents qu’on adoptait ainsi ; souvent ces fils de la cité ont eu des parents illustres et riches, et eux-mêmes occupent de hautes fonctions municipales[90]. Ils ont rempli envers la cité ou une corporation des devoirs de fils, ou bien on les invite ainsi à la générosité ; c’est un honneur qui appelle de nouvelles libéralités[91]. Ces aristocrates de la richesse absorbent ainsi en eux presque toute la personnalité de l’État ; aussi, là où la moisson épigraphique est abondante, on peut, grâce aux témoignages lapidaires de la gloire des grandes familles, reconstituer des généalogies entières[92]. Et les habitants ont vite et complètement pris l’habitude de ce régime ; même le christianisme niveleur n’y a rien changé ; les chrétiens ont volontiers choisi leurs évêques dans ces hautes classes ; Polycrate d’Éphèse géra l’épiscopat, huitième de sa famille[93]. Et pourtant la classe riche n’est pas tout : elle amuse une population, la tire du besoin momentanément ; elle ne la nourrit pas. Il y a autre chose de très vivant dans les villes d’Asie : c’est la classe des artisans ; les auteurs n’en parlent guère, cette foule était trop méprisable, mais les inscriptions la font apparaître à nos yeux. Ces commentaires épigraphiques nous donnent à regretter leur laconisme, mais la variété des renseignements qu’ils fournissent, le grand nombre des corporations qu’ils nous révèlent nous laissent une haute idée des ressources de l’Asie. Il faut considérer comme définitivement réfutée l’erreur de Marquardt affirmant que les propriétaires seuls étaient pleinement citoyens, les autres, marchands et artisans, restant sans suffrage et inéligibles. Il n’y a pas, légalement, de différence entre les deux catégories. Les communautés d’ouvriers ou de négociants ne sont certainement pas une nouveauté de l’époque romaine[94] ; les Grecs avaient trop le goût, la manie de l’association, pour n’en pas créer de semblables. Il est vrai que les Romains ont dispersé une partie de celles qui existaient sous les rois, et ils ont traité moins favorablement que les tribunaux grecs les sociétés de secours mutuels et les έρανοι[95]. Néanmoins ils en ont laissé subsister, puisqu’on en trouve dans toutes les grandes villes commerçantes de l’Asie, et point n’est besoin, je crois, d’alléguer une imitation des collèges romains. Les noms de ces corporations sont assez variés, de même que, plus spécialement, les façons de désigner le lien qui unit leurs membres. A Smyrne, Sigeion, c’est une συμβίωσις ; à Méonie, on rencontre l’expression συμβίωσις νεωτέρα[96] ; à Hiérapolis, Acmonia, Cibyra, Smyrne, Éphèse : συνεργασία ; à Korykos : σύστημα ; à Tralles : συντεχία ; à Hiérapolis encore, Cyzique, Milet : συνέδριον ; à Laodicée, Thyatira et de nouveau Tralles et Hiérapolis : έργασία ou έργον[97]. Chaque corporation se donne un chef : άρχιβουκόλος à Pergame, έργατηγός à Hiérapolis, έπιμελητής ou έπιστάτης à Thyatira, έργεπιστάτης à Abydos ; l’une d’elles, à Hiérapolis, a une προεδρία ; une autre, à Magnésie du Sipyle, un ταμίας. A Hiérapolis on trouve un άρχώνης, qui reçoit sans doute les cotisations des sociétaires[98]. Elles s’efforcent aussi de se procurer un patron ; les foulons d’Acmonia ont un εύεργέτης ; mais on est en droit de supposer en lui un simple donateur ; ailleurs, le patronage est moins douteux, et on constate qu’il se transmet dans la même famille[99]. Les corporations qui ne sont pas des collegia illicita ou έταιρίαι représentent des personnes juridiques[100], dont les membres sont affranchis de certaines prestations[101]. Elles possèdent une caisse commune (τά ΐδια) qui peut recevoir des dons[102] ou bénéficier de certaines amendes funéraires[103] ; comme στεφανωτικόν, une somme est remise à deux collèges ouvriers d’Hiérapolis[104], à charge de couronner un tombeau à certaines périodes de l’année ; de même à Éphèse[105], et en cas de négligence une autre association prendra la place du premier légataire. La caisse subit par contre un passif, car elle fait des fondations, élève à ses chefs ou protecteurs des monuments honorifiques ; et ce sont ces derniers surtout qui nous permettent de dresser la liste suivante des associations actuellement connues. Έριουργοί (ouvriers pour les laines). Philadelphie. CIG, 3442 = LEB., 648, l. 28 (fin IIe siècle). Λανάριοι (lanarii). Thyatira. Ath. Mit., XII (1887), p. 253, n° 18. Éphèse. Hermès, VII, p. 31. Έριοπλύται (lanitutores, cardeurs de laine). Hiérapolis. JUDEICH, n° 40. Βαφεΐς ; (tinctores). Hiérapolis. JUDEICH, 50,195 ; CIG, 3924 = LEB., 742. Tralles. BCH, X (1886), p. 519, n° 16 ; STERRETT, Epigr. Journ., p. 333, n° 387. Thyatira. CIG, 3496. Πορφυροβάφοι (purpurarii). Hiérapolis. JUDEICH, 41, 42, 133, 227, 342. Καιροδαπισταί (fabricants de tapis ?). Hiérapolis. JUDEICH, 342. Γναφεΐς (fullones). Cyzique. Ath. Mit., VII, (1882), p. 252, n° 19. Acmonia. CIG, 3858e = LEB., 755. Laodicée du Lycus. CIG, 3938 = RAMSAY, Cities, I, p. 74, n° 8. Temenothyra. BCH, XIX (1895), p. 557, n° 3. Κναφεΐς dans une inscription de Mytilène. CIG, 2171e. Λινουργοί (ouviers pour le lin). Milet. Rev. archéol., IIe sie, XXVIII (1874), p. 112. Thyatira. CIG, 3504. Λινύφοι (tisseurs de lin). Tralles. Ath. Mit., VIII (1883), p. 319, n°3. Ποικιλταί (? = brodeurs ?). Laodicée du Lycus. RAMSAY, Cities, I, p. 74, n°8. Άλουργοί ou Άπλουργοί (teinturiers en pourpre ?). Ibid. Ίματευόμενοι. Thyatira. CIG, 3480. Σκυτεΐς (sutores). Philadelphie. LEB., 656 (et mieux Μουσεΐον, 1873-75, p. 131, n°50). Apamée Celaenae. Rev. Et. gr., II (1889), p. 30. Οί τήν ακυτικήν τέχνην έργαζόμενοι, Mytilène. IGI, II, 109. Σκυτοβύρσεις (coriarii). Cibyra. BCH, II (1878), p. 593, n° 1, l. 6. Σκυτοτόμοι (cordonniers ou, plus largement, ouvriers en cuir). Pergame. Ath. Mit., XXIV (1899), p. 224, n° 55. Thyatira. BCH, X (1886), p. 422, n° 31. Βυρσεΐς (corroyeurs). Thyatira. CIG, 3499. Ήλοκόποι (cloutiers). Hiérapolis. JUDEICH, 133. Χαλκεΐς (fabri). Sigeion. CIG, 3639 et add. Hiérapolis. JUDEICH, 133. Χαλκεΐς χαλκοτύποι (forgerons). Thyatira. BCH, X (1886), p. 407, n°10. Σκηνεΐται καί έργασταί (tabernarii et fabri). Abydos. LEB., 174311. Άργυροκόποι καί χρυσοχόοι (argentarii et aurarii). Smyrne. CIG, 3154. Οίκοδόμοι (ouvriers en bâtiment). Sardes. CIG, 3467 = LEB., 628, l. 12. Δομοτέκτων (?). Abydos. LEB., 1743°. Ath. Mit., VI (1881), p. 227. Προμετρηταί (mensores). Éphèse. CIG, 3028. Teira. BCH, XIX (1895), p. 555-6. Έργάται προπυλεΐται πρός τώ Ποσειδώνι (collège d’ouvriers attachés aux approvisionnements de blé ; le blé était vendu à Éphèse sous un portique (έν προπύλω), auprès du temple de Neptune). Éphèse. CIG, 3028. Άρτοκόποι (pistores = boulangers). Thyatira. CIG, 3495, l. 2. Magnésie du Méandre. BCH, VII (1883), p. 504, n° 10. Βουκόλοι (pastores). Pergame. FRXNKEL. 485-488. Κυρτοβόλοι (piscatores). Smyrne. Μουσεΐον, 1875, p. 65, n° 7 (cf. GELZER, Rhein. Mus., XXVII (1872), p. 464). Κηπουροί (hortulani) (?) Hiérapolis. CICHORIUS, Alterth. v. Hier., p. 52. Σακκοφόροι (saccarii) λιμενϊται (portefaix du port). Panormos, près Cyzique. SUXXOYOI de Constantinople, VIII, p. 171, n° 4. Σακκοφόροι άπό τοΰ μετρητοΰ (portefaix ayant leur siège près de l’édifice où l’on conservait les mesures de capacité (μετρητής). Cyzique. Ath. Mit., VI (1881), p. 125, n° 8. Κοραλλιοπλάσται (Font de petites images en corail (BLÜMNER) ; imitent les coraux avec de la pierre ou de la cire (BÜCHSENSCHÜTZ). Magnésie du Sipyle. CIG, 3408. Φορτηγοί (portefaix) Άσκληπιασταί (adorateurs d’Asklépios. WALTZING, n° 152, ou attachés au temple d’Asklépios. RAMSAY, Am. J. of Arch., I (1885), p. 140 (Smyrne). Φορτηγοί περί τόν βεΐκον (?) Ibid., p. 141. Οί ναύκληροι καί οί έπί τοΰ λιμένος έργ[ολάβοι]. Chios. Ath. Mit., XIII (1888), p. 169, n" 10. Κεραμεΐς (figuli = potiers). Thyatira. CIG, 3485. Voici maintenant des corporations assez énigmatiques : Τό κοινόν τό Έρμαιστάν (Mercuriales). Smyrne. Bull. dell’ Ist., 1860, p. 218, n° 3. À Rhodes, ils se disent autonomes. IGI, I, 101 ; SCRINZI, Atti d. Ist. Veneto, LVII (1898), p. 263. Κλεινοπισοί (?) ou κλινοπηγοί (?). KUBITSCHBK et REIGHEL, Anzeiger der h. Akad. zu Wien, XXIV (1893), p. 94, n° 9. Συμβίωσις τών Συννιπάλων (?). Smyrne. CIG, 3304 (v. WAGENER, Rev. De l’Instr. publ. de Belgique, 1868, p. 11). Οί τοΰ σταταρίου έργασταί καί προξενηταί σωμάτων (Les ouvriers du marché aux esclaves (?) et les marchands d’esclaves). Thyatira. Ath. Mit., XXI (1896), p. 262. Έργασία θρεμματική (collegium alumnorum). Hiérapolis. JUDEICH, 227. Grande diversité d’interprétations : JUDEICH : Gesellenverein, association de compagnons affranchis. BŒCKH (CIG, 3318) : enfants pauvres. WAGENER (Rev. Instr. publ. Belg., 1893, p. 669) : atelier d’apprentissage pour enfants pauvres. WADDINGTON (LEB., 1687) : association en faveur des enfants d’esclaves (?). RAMSAY (Cities, I, p. 118, n° 28) : an organisation for looking after foundlings. A Apamée, les marchands en général avaient formé une association dont le chef s’appelait l’ένποριάρχης. BCH, VII (1883), p. 307, n° 29. Il y a une grande variété dans cette nomenclature, mais ce qu’on remarque surtout, c’est le peu d’importance qu’y prennent certains métiers très simples et nécessaires à la vie de toute cité, comme la boulangerie. Au contraire, une série de corporations très nombreuses est celle que représentent tous les ouvriers adonnés en quelque manière au travail des étoffes et de la laine. Il est certain que c’était bien là, comme aujourd’hui, une des spécialités et une des sources de richesse du pays En une foule d’endroits, on trouve des fabricants de tapis, des tisseurs de lin, cardeurs de laine, teinturiers. La teinturerie de Lydie, notamment, avait une grande et ancienne réputation[106] ; on attribuait aux Lydiens l’invention de l’art de la teinture[107] ; les eaux d’Hiérapolis, riches en alun, étaient excellentes pour cet usage[108] ; les gens de Thyatira exportaient dans le monde entier les vêtements qu’ils avaient teints et Laodicée du Lycus n’était pas moins bien partagée[109]. En revanche, les industries d’art, comme la céramique, n’ont plus qu’un très faible développement. Quel but reconnaître à ces corporations, quelle raison d’être ? La manie des Grecs y était bien d’abord pour quelque chose[110] ; la vanité aussi, vu les titres que ces corps s’attribuent : ίερός, ίερώτατος, εύτελής, σεμνότατος, εύγενέστατος. Ils apparaissent en outre comme des collèges funéraires ; ainsi, à Smyrne, un tombeau est construit pour une συμβίωσις[111]. Par contre, chose singulière, leur caractère religieux se dessine très faiblement. Mais ont-ils un rôle proprement commercial ? Très probablement des règles ou canons s’y formaient pour l’exécution des divers travaux. Sans doute aussi la défense des intérêts des ouvriers se trouvait, par eux, facilitée : à Thyatira, les Xavâpt&i honorent un athlète, τόν άλειπτον πρεσβευτήν, ambassadeur actif, qui avait débattu apparemment devant la boulé et les magistrats les intérêts du collège ; les λινουργοί élèvent une statue à un jurisconsulte qui, je pense, avait rendu des services analogues. Les rapprochements entre ces divers corps de métiers ne sont pas rares ; c’était le seul moyen possible de tourner la loi qui défendait qu’un même homme fît partie de plus d’une seule association[112]. Les corallioplastes de Magnésie du Sipyle honorent une σύνοδος de Smyrne ; à Laodicée, foulons et teinturiers en pourpre s’entendent pour l’érection d’une statue. Les dispositions des Romains à l’égard de ces collèges ne nous apparaissent pas avec netteté. Il est clair que cette institution, donnant aux petites gens plus de force, pouvait gêner la politique oligarchique. Il y avait aussi un danger pour l’ordre et la paix ; surtout, étant donné l’état religieux de la province, il convenait de se montrer sévère à l’égard des collèges sacerdotaux, mais même dans l’ordre laïc il fallait veiller[113]. Une inscription très mutilée de Magnésie du Méandre[114] nous laisse entrevoir que les boulangers de cette ville avaient fait une tentative de grève, et le gouverneur de la province prit à. cette occasion un arrêté qui ne nous est pas plus exactement connu que le mouvement qui y avait donné lieu. Pourtant ces cas de désordre semblent exceptionnels[115]. Il est probable que Rome chercha à romaniser la forme et l’esprit de ces collèges, à leur donner ensuite un caractère officiel, à obtenir d’eux des actes de déférence publique à l’égard de ses agents ou représentants. Les céramistes de Thyatira élèvent ainsi une statue à Caracalla, mais nombreux sont surtout les honneurs rendus aux agoranomes[116] qui, chargés de la police du commerce, avaient forcément des rapports ininterrompus avec les artisans. On réussit même à plier les corps de métiers à l’accomplissement d’entreprises ayant un intérêt commun. On en voit qui exécutent des décrets honorifiques du conseil et du peuple[117]. Les tailleurs de Thyatira se font gloire d’avoir élevé à leurs frais des logements et des portiques pour les ouvriers[118]. Enfin, au milieu d’associations formées d’indigènes, on croit voir qu’il s’établit aussi des collèges de Romains, qui profitaient de la tolérance de Rome à l’égard des corporations asiatiques pour accaparer les commerces les plus lucratifs. C’est ainsi qu’à Thyatira on trouve un groupe de collectarii ou argentarii[119], qui a fait graver une inscription rédigée purement en latin, association de banquiers et changeurs, qui pratiquaient peut-être aussi l’usure. Ces artisans paraissent avoir quelquefois formé dans la cité une très notable partie de la population ; volontiers gens de même étal établissaient porte à porte leurs demeures ; de là vient que des quartiers de villes sont dénommés d’après ces professions. A Apamée, une statue fut élevée έκ τών ίδίων τών έν τή σκυτική πλατεία τεχνειτών[120]. Cette place était bordée sans doute par l’ensemble des maisons et boutiques des cordonniers[121]. Ailleurs, on voit que des tribus municipales empruntaient leurs noms[122]. La plupart, en effet, des villes grecques, peut-être toutes, étaient divisées en tribus[123]. Et ce détail nous amène, pour achever l’étude des citoyens des villes d’Asie, à passer en revue, après les différentes classes sociales de la population, les divisions administratives entre lesquelles elle était répartie dans la cité. Mais ici nous pourrons être très bref, car cette question intéresse assez peu les rapports des Grecs et des Romains. Beaucoup de ces tribus sont fort anciennes ; on reconnaît dans les noms de plusieurs d’entre elles ceux de petites bourgades jadis indépendantes, englobées depuis dans le territoire d’une grande ville voisine[124], ou d’éléments grecs qui s’y sont fondus, ou d’anciens héros qui passaient pour y être venus. Elles jouissaient de la personnalité civile, possédaient des fonds de terre[125], des revenus[126], des ressources propres[127], en vue de dépenses à faire pour des sacrifices[128] ou pour les honneurs qu’elles avaient coutume de décerner[129] ; et comme elles recevaient parfois des dons et des legs et s’enrichissaient, les sommes restant libres après ces déboursés étaient employées au profit des membres mêmes de la tribu. Les circonscriptions administratives avaient aussi leurs magistrats particuliers : des phylarques[130], dont les attributions devaient présenter un caractère assez général, et d’autres plus spéciaux, comme le σημειογράφος φυλής[131], les οίκονόμοι φυλής[132], les ταμίαι τών συγγενειών[133]. Bien que les tribus fassent partie intégrante du peuple, un homme peut être honoré à la fois par le conseil, le peuple et une ou plusieurs tribus. Enfin, à Éphèse au moins, même sous les Romains, le classement par tribus détermine les places où siégeaient les citoyens à l’assemblée du peuple, et il influe sur la composition des collèges de magistrats ou l’élection de leurs membres[134]. Mais la tribu n’est pas la dernière division des habitants d’une cité : on en constate d’autres, de-ci de-là, portant des noms assez variables. A Éphèse, notamment, il y avait des chiliastyes, groupe de 1000 habitants ou peut-être de 1000 foyers[135] ; ailleurs, comme à Samos, des hekatostyes[136] ; dans des villes moins importantes en effet, les groupements par 100 suffiraient ; dans d’autres villes existent des phratries[137], ou encore des dèmes[138], comme subdivisions de tribus ; même des noms plus vagues apparaissent, se prêtant à des acceptions diverses, comme les κώμαι[139], les συγγένειαι[140], les συμμορίαι[141], ou les πύργοι de Téos[142]. Ces divisions, qu’elles fussent territoriales ou attachées à la personne, n’avaient rien qui pût déplaire aux Romains ou les inquiéter ; rien ne nous indique qu’ils se soient empressés de les modifier ou de les supprimer. Ils ont favorisé seulement, peut-être inspiré les changements de qualification des tribus et l’introduction parmi elles de noms latins[143]. A Éphèse, au temps d’Éphore (IVe siècle)[144], il y avait cinq tribus portant des noms orientaux ; le nombre s’en est plus tard accru ; C. Vibius Salutaris fit don de certaines sommes d’argent aux six tribus des Éphésiens[145]. Or la sixième s’appelait Augusta[146], du nom du premier des Empereurs qui avait bien mérité d’Éphèse ; et plus tard encore fut créée une tribu Hadriana, du nom d’un autre Empereur philhellène, septième tribu, à moins qu’une des six précédentes n’eût été débaptisée. A Cyzique, aux vieilles tribus ioniennes : Γελέοντες, Αίγικορεΐς, Όπλήτες[147], vinrent s’ajouter les Σεβστεΐς[148] et les Ίουλεΐς[149]. Nous connaissons aussi plusieurs tribus de Nysa : Σεβαστή Άθηναΐς, Όκταβία Άπολλωνίς, Άγριππηίς Άντιοχίς, Γερμανίς Σελευκίς, Καισάρηος[150]. Il n’est pas difficile de reconnaître, dans la deuxième partie de chacun des quatre premiers noms, des formes verbales datant de l’époque des Diadoques. La première représente un qualificatif ajouté évidemment vers le règne d’Auguste. Et certes l’intérêt matériel du changement n’était pas grand ; mais l’effet moral le dépassait. Ces petits procédés de romanisation pouvaient créer une illusion favorable. Avec la multiplicité des groupes et des sous-groupes auxquels appartenait un même homme, cité, tribu, chiliastye, corporation, la conscience nationale de l’individu s’obscurcissait, et, utile contraste, rien qu’un simple nom de forme latine, donné à l’un de ces groupes, contribuait à mettre en plus complète lumière la splendide unité de la grande patrie, l’Empire romain. § 2. — LES NON-CITOYENS. Cette classe nouvelle d’habitants se divise naturellement en plusieurs catégories. Si l’on part de la plus infime, on trouve d’abord les esclaves ; l’étude de leur condition, toute de droit privé, n’a pas à prendre place ici. L’Asie a connu également l’institution des esclaves publics. Dans le royaume de Pergame, ils devaient être assez nombreux, et surtout les esclaves royaux, car les fabriques royales d’étoffes, de parchemin, de vases[151], étaient actives et prospères. Nous .savons que l’assemblée pergaménienne, au lendemain de la mort d’Attale, éleva presque toute cette population au rang des métèques[152]. Pourtant la classe des esclaves publics n’a pas disparu de l’Asie ; on en a quelques exemples[153] montrant qu’ils avaient d’ordinaire des fonctions, non pas toujours subalternes, d’intendants ou de secrétaires[154]. Quand les Éphésiens décidèrent de faire la guerre à Mithridate, ils promirent la liberté aux esclaves publics qui prendraient les armes[155] ; et il fallait bien qu’il y en eût un certain nombre pour que la mesure valût la peine d’être adoptée. Des inscriptions provenant d’autres régions nous en signalent qui étaient όπλοφύλακες[156] ou παιδοφύλακες[157] ou attachés au trésor public[158]. Cibyra honore un citoyen δημοσίους δούλους έγνεικήσαντα έκατόν έπτά καί κτήσιν χώρας[159] ; et ces expressions obscures ont été ainsi interprétées avec beaucoup de vraisemblance : ces cent sept esclaves publics, peut-être après le tremblement de terre qui éprouva la cité, s’étaient arrogé les droits de citoyens ; le personnage auquel a été élevée l’inscription les avait fait réduire à leur condition première, et leurs biens illégalement acquis avaient été confisqués au profit de la ville. On peut supposer que tous les hommes de cette classe n’avaient pas commis semblable usurpation ; et cela nous fait entrevoir un chiffre d’esclaves publics assez considérable dans une localité en somme secondaire. Viennent ensuite les affranchis ; sur leur situation en Asie, nous sommes bien pauvrement renseignés[160]. On les appelait άπελεύθεροι[161], et suivant Hésychius leurs fils se seraient nommés έξελεύθεροι, de même qu’à Rome on distinguait entre liberti et libertini. Je ne suis pas bien sur que cette distinction ait réellement toujours été faite dans la pratique ; du reste, elle n’avait pas la même importance qu’en droit romain, puisque nous n’avons pas trace ici d’une différence analogue d’état civil entre les affranchis anciens esclaves, et les affranchis fils d’affranchis. Du moins, ils ne nous apparaissent pas comme des citoyens, même d’un statut inférieur, à l’image de toute une classe d’affranchis à Rome[162]. Dans un moment de nécessité urgente, à Pergame, on accorda aux fils d’affranchis la situation de métèques[163] ; donc ils n’étaient pas citoyens ; la faveur qu’ils reçurent ne les éleva même pas jusque-là. Il est vrai que l’inscription à laquelle nous devons ce détail remonte à l’origine de la province (133/2 av. J.-C.). Les formes d’affranchissement nous sont mal connues ; elles semblent avoir échappé à l’influence italienne. Un procédé du moins nous est révélé par plusieurs documents, trouvés surtout dans la vallée du Méandre, qui sont des actes d’affranchissement par dédicace à un dieu[164]. Le nom de l’ancien esclave était inscrit sur une liste placée dans le temple, quelquefois peut-être gravée sur les pilastres des murs, ou encore dans un espace laissé vide sur les stèles de l’enceinte sacrée[165]. Ces documents contiennent généralement la date de l’acte, le nom de l’ancien propriétaire de l’esclave, et quelquefois mentionnent l’occasion de l’affranchissement, avec indication d’une pénalité contre quiconque contesterait l’état civil de l’homme dédié, double amende au profit du dieu et du fisc (φίσκος). Dans un cas[166], les parents, sur l’ordre du dieu (κατά τήν έπιταγήν θεοΰ), dédient leur enfant, jadis exposé conformément à une vision, et qu’un étranger avait recueilli[167]. Ces vieilles formes religieuses sont curieuses à rappeler, et leur persistance montre que l’esprit des institutions romaines n’avait pas prévalu dans des régions mêmes très ouvertes, comme cette partie de la Phrygie. La question se pose de savoir si cette dédicace n’était pas l’acte faisant entrer un individu dans une classe spéciale, les ίεροί, inconnue en dehors de l’Asie Mineure, où par contre on ne trouve pas d’hiérodules. — Leur existence est attestée dans plusieurs villes[168]. Le nom moine de ces personnages indique qu’ils étaient attachés au service des temples ; à titre d’esclaves ? Waddington était fondé à croire que non, puisque les Éphésiens, pendant la guerre de Mithridate, dans leur profusion de faveurs envers les différentes parties de la population, leur accordèrent, non pas la liberté, mais la cité. Par contre, nous voyons à Smyrne un hieros ayant pour maître un citoyen de distinction, et nous avons des mentions d’ίεροί παϊδες[169]. On en viendrait alors à supposer que c’étaient en effet des esclaves, mais qu’une fois parvenus à l’âge adulte, on leur enlevait le qualificatif de παϊδες. Cependant nous constatons que ces esclaves étaient nourris, élevés dans le temple[170], ils formeraient donc une catégorie à part. On doit hésiter en outre à leur attribuer une condition vraiment servile, lorsqu’on constate[171] qu’ils sont mentionnés dans quelques cas avec rappel des noms de leurs pères et grands-pères. Alors peut-être les hieroi sont-ils réellement des affranchis par dédicace ou descendants d’hommes affranchis suivant ce procédé. Ils pouvaient, en effet, avoir une vie sociale, en dehors des heures où il leur fallait, pour le service, se présenter au sanctuaire (παραγίγνεσθαι). Cette explication du mot ίεροί est celle de M. Hicks, et je m’y rallie volontiers, plutôt qu’à celle de M. Ramsay, qui verrait dans les hieroi des gens qui s’étaient volontairement consacrés au service d’un dieu. Et on se rend compte ainsi, grâce à la transmission héréditaire de la condition de hieros, qu’un ordre de personnes particulier ait pu naître de ces affranchissements par dédicace, bien qu’il s’en produisît rarement. Et enfin celte solution cadre assez bien avec les données de l’inscription d’Éphèse[172]. Élevons-nous encore d’un degré et, toujours au-dessous des citoyens, nous trouvons une classe nouvelle : les étrangers domiciliés. Avant toutes choses, il convient de fixer le sens des mots dont usaient les Grecs pour désigner cette partie de la population de leurs villes. Il est très curieux, mais assez inexplicable, que le mot même de μέτοικος, adopté chez les Athéniens qui ont créé l’institution, ne se retrouve plus en Asie. A sa place on lit πάροικος ou κάτοικος. Ces deux dernières expressions sont-elles au fond identiques ? Menadier ne le croit pas[173]. Tout en reconnaissant que κάτοικος n’est pas toujours pris dans le même sens, il admet que, d’une façon générale, et vu la signification ordinaire de κατοικία[174], les noms de κάτοικοι ou κατοικοΰντες s’appliquent à ceux qui habitent, non pas dans la cité même, mais dans le territoire, rural ou même urbain, qui en dépend[175]. Πάροικος, au contraire, désignerait les citoyens d’une autre ville, simplement domiciliés dans celle dont il s’agit, donc ayant un droit propre et durèrent. Il s’appuie sur un texte de Pomponius[176] qui paraît assimiler métèque et parèque, le premier nom ayant trait à la ville que le personnage quitte, l’autre à celle où il se rend. Je préfère beaucoup la décision de Bœckh[177], qui attribue à κάτοικοι un sens très large et très variable : Pomponius peut bien s’exprimer avec toute la rigueur de la terminologie juridique ; en faut-il dire forcément autant des lapicides, à qui nous devons notre faible connaissance du sujet, et des négociants, petits ou grands, qui recouraient à leurs services ? C’est les croire supérieurs à ce qu’ils étaient. Du reste Pomponius ne fait que passer sous silence κάτοικος sans l’exclure formellement de la signification de métèque. Non seulement nous ne devons pas rejeter ce terme, comme signifiant autre chose, mais même il faut voir certainement un métèque dans ce citoyen d’Eucarpia (qui s’intitule Εύκαρπεύς) οίκών έν Άπαμεία, dont le nom figure dans une inscription de l’époque impériale[178]. Et une épitaphe de Gythion (Laconie) mentionne un marin, natif de Nicomédie, et έν Κυζίκω κατοικών. Celui-là ne cultivait pas les champs et ne vivait pas loin du port[179]. Il est naturel qu’on rencontre des métèques dans les cités grecques d’Asie[180], et même au temps des Empereurs, car les Romains n’ont pas entrepris de modérer le cosmopolitisme de leurs provinces orientales ; ils n’y avaient aucun intérêt, bien au contraire ; leur domination n’en était que plus facile à exercer. L’esprit de l’institution, tel qu’il ressort des inscriptions qui nous sont parvenues, est à noter : il y avait des rivalités d’amour-propre entre les villes d’Asie, mais c’étaient des rivalités de municipalités : on ne constate aucune hostilité à l’égard des citoyens des villes voisines, pris individuellement. Il est à remarquer d’ailleurs que le corps des métèques n’était pas composé uniquement d’étrangers domiciliés. Nous savons qu’après la mort d’Attale III, les citoyens de Pergame firent métèques les fils d’affranchis,les esclaves royaux ou publics, et leurs femmes, et que les Éphésiens accordèrent la même faveur aux esclaves publics de leur ville pendant la guerre de Mithridate. Aussi les gouvernements municipaux se sont-ils montrés assez libéraux à l’égard des métèques[181]. Dans un certain nombre de villes, il est visible qu’on tenait à ce que la population étrangère ne restât pas en dehors de l’organisation de la cité et à ce que les métèques fussent compris dans ses cadres. Une inscription de la première moitié du Ier siècle avant notre ère signale à Rhodes cinq magistrats appelés έπιμεληταί τών ξένων[182] ; leurs fonctions, j’imagine, ne devaient pas être toutes de surveillance. Les possessions de Rhodes se signalent en effet par une faveur marquée par les étrangers. Il y avait dans ces régions des κτοΐναι, divisions territoriales, dont tous les habitants étaient unis de longue date par des cultes communs[183] ; or elles comprenaient les métèques, comme les citoyens. Nous possédons un décret, de date assez basse, rendu par une κτοΐνα de Phœnix, localité de la Pérée rhodienne, en l’honneur d’un métèque[184]. Mais sans doute la κτοΐνα s’est élargie et ne comprenait au début que des citoyens ; on peut le conclure naturellement de son caractère religieux. Les métèques rhodiens pouvaient aussi être chorèges[185] ; et quelques-uns obtenaient l’έπιδαμία, première étape vers le droit de cité[186]. A Amorgos, une inscription, d’époque d’ailleurs douteuse[187], semble indiquer que les métèques d’une des cités de l’île, Arcésiné, supportaient toutes les charges publiques ; évidemment ils recevaient en retour certains droits. Jusqu’à présent, nous n’avons passé en revue que des îles ; mais le continent différait peu sur ce point. A Priène, des distributions d’huile avaient eu lieu[188] ; on en fit profiter les citoyens καί τούς έφηβευκότας τών παροίκων καί ‘Ρωμαίους άπαντας, d’où il suit qu’à l’époque romaine, tout au moins, les jeunes métèques étaient admis dans cette ville à l’éphébie. A Lapina, au milieu des fêtes du culte d’Hécate, des distributions d’argent furent faites, par des prêtres probablement, aux citoyens, femmes et métèques[189]. Enfin dans un décret honorifique très mutilé et parlant de [κ]ατοικοΰσιν, on croit reconnaître l’éloge d’un personnage qui a fait des largesses aux métèques[190]. Et dans bon nombre de centres, à Cyzique et à Abydos encore, on constate la présence d’une foule de gens de cette classe, négociants, banquiers, capitalistes. Il est vrai qu’on les rencontre surtout dans les îles et les villes côtières, naturellement plus ouvertes au commerce. Il y a lieu de supposer qu’en fait, à la longue, la condition des étrangers domiciliés dut se rapprocher beaucoup de celle des citoyens[191]. Influence romaine encore, quoique indirecte. On fut bienveillant aux gens du dehors, parce qu’on avait besoin d’eux, grâce au développement des affaires, favorisé par la paix romaine. § 3. — LES ÉTRANGERS PRIVILÉGIÉS. Les métèques, du moins, étaient soumis aux lois et traditions des cités ; voici maintenant une classe qui en resta complètement exemple : je veux parler des Juifs. On éprouve quelque embarras à décrire au juste leur situation ; dans une certaine mesure ils en faisaient mystère ; mais de plus, beaucoup d’entre eux étaient citoyens romains, et on voit rarement si les faveurs qu’ils reçurent de Rome, peut-être pour ce motif, s’adressaient aux Juifs romains seulement ou à toute la population juive. Il y a cependant des faits certains et caractéristiques. Les Séleucides avaient affecté de vivre en très bonne intelligence avec les Juifs ; ils leur concédèrent des privilèges : quand une distribution publique d’huile était faite à tous les citoyens, les Israélites ne voulant pas se servir d’une huile préparée par les gentils, le gymnasiarque avait ordre de leur en donner l’équivalent en argent[192], grande complaisance, que les Romains du reste ratifièrent. Les rois de Pergame non plus, gens prudents, ne leur témoignèrent aucune hostilité. Mais c’est encore sous la domination romaine qu’ils semblent avoir eu le plus de privilèges. Ils étaient alors extrêmement nombreux en Asie[193] : à Éphèse, Halicarnasse, Laodicée, Milet, Parium, Pergame, Sardes, Tralles, Cos, Hiérapolis, Apamée, Adramyttium, Phocée, Thyatira, Acmonia, Elaea, etc. on trouve des réunions de Juifs. Leur situation était fort singulière : Antiochus de Syrie leur avait donné le droit de ci lé dans les villes qu’ils habitaient ; les Grecs en éprouvaient une vive irritation et ils demandèrent à M. Vipsanius Agrippa, lors de son gouvernement en Orient, de le leur retirer, à moins que les Juifs ne voulussent se décider à rendre un culte aux mêmes dieux que les indigènes. L’affaire vint en jugement ; grâce au patronage de Nicolas de Damas, auquel nous devons ces détails[194], les Israélites l’emportèrent : Agrippa prononça qu’il ne voyait pas la nécessité d’innover. Le même auteur poursuit : Une grande foule de Juifs habitant l’Ionie, profitèrent de l’occasion pour se rendre auprès d’Agrippa et se plaindre des injustices qui leur étaient faites : on les empêchait d’appliquer leurs lois ; ils étaient appelés en justice pendant les jours saints par l’iniquité des magistrats, dépouillés de l’argent qu’ils voulaient envoyer à Jérusalem, forcés de subir le «service militaire, ainsi que des charges publiques, dont ils avaient toujours été affranchis, et d’y affecter le trésor sacré, alors que les Romains leur avaient permis de vivre selon leurs lois particulières. J’ai rapporté au long ce texte, parce qu’il résume assez complètement tous les privilèges de la race[195]. Citoyens des villes où ils demeuraient[196], ils avaient les avantages de la πολιτεία et en esquivaient les charges. Ils formaient des communautés à part, fermées, appelées quelquefois λαός τών Ίουδίων[197] ou κατοικία τών έν..... κατοικούντων Ίουδίων[198], ou encore τό έθνος τών Ίουδίων, avec une caisse spéciale, l’άρχεϊον τών Ίουδαίων, recevant éventuellement des amendes funéraires. Ils avaient leurs assemblées et y jugeaient entre eux leurs procès[199]. Leurs communautés étaient, en un mot, calquées sur l’organisation des cités grecques, avec βουλή, γερουσία, άρχοντες et autres magistrats. Ils faisaient des sacrifices selon leur .tradition. Régulièrement, tous les ans, ils envoyaient à Jérusalem une grosse somme d’argent, pour le temple et les frais du culte. Le propréteur Flaccus fut le premier qui osa y porter la main[200] ; il se saisit de cet argent ; on s’empara ainsi de cent livres de poids d’or à Apamée, ville où l’on centralisait les contributions de plusieurs districts, vingt à Laodicée, d’autres encore à Adramyttium et à Pergame. Enfin ils étaient dispensés du service militaire, comme des autres charges publiques, dites contraires à leur conscience. Les Grecs n’étaient nullement favorables à tous ces privilèges, et il arriva qu’ils n’en tinssent pas compte. Mais les Juifs ne s’abandonnaient pas ; ils criaient sans relâche à la persécution, ayant pour habitude de toujours se plaindre à l’autorité romaine et de recourir à des protestations en dehors de la cité. Sous la République, il leur fut aisé de triompher dans toutes leurs réclamations ; ils étaient assez riches pour corrompre aisément. Josèphe énumère, avec peu de clarté[201], les lettres des magistrats romains leur accordant ou confirmant leurs privilèges : notamment L. Corn. Lentulus, C. Fannius, Marc-Antoine, P. Servilius (Isauricus ?) ; le premier leur concéda une prérogative qui ne visait que l’État souverain, la dispense du stipendium. Presque toujours, de ce côté, on leur donna raison. Ce n’est pas que tout le monde, en Italie, eût une vive sympathie pour eux : au contraire, on méprisait leur séparatisme politique et religieux[202]. Cicéron glorifie Flaccus de les avoir dépouillés : Multitudinem Judaeorum flagrantem nonnunquam in concionibus pro re publica contemnere, gravitatis summae fuit. Pourtant leur fierté, la moralité de leur religion imposaient ; et du reste c’étaient de loyaux sujets de Rome : ils participaient volontiers au culte impérial. Quant aux Grecs, ils jalousaient les Israélites, pour leur situation extrêmement prospère. A Cos, par exemple, Mithridate saisit 800 talents que les Juifs d’Asie Mineure avaient déposés là par précaution, lors des derniers troubles[203] ; il y avait dans celte ville un grand établissement de banquiers juifs en correspondance avec leurs frères des localités de la côte et de l’Égypte[204]. A Hiérapolis, la teinturerie en pourpre et la fabrique «les tapis semblent avoir été accaparées en grande partie par les Juifs, et le monde israélite était très fortement représenté dans les corporations. A Apamée, l’élément juif devait être extrêmement puissant ; c’est sous sou influence évidemment que la ville reçut un surnom dérivé de la légende biblique : l’histoire de Noé et de son arche (κιβωτός) s’y était localisée[205]. Tout en s’efforçant de faire respecter leurs prérogatives, les Juifs lâchaient de maintenir de bons rapports avec les populations, eu leur faisant au besoin des générosités. Dans une inscription de Smyrne[206], οΐ ποτε Ίουδαϊοι sont énumérés parmi les personnes qui fournirent de l’argent pour l’embellissement de la ville. Hérode le Grand avait été un des bienfaiteurs de Cos, qui éleva une statue à son fils le tétrarque[207] ; le même Hérode vint au secours de Chios fortement endettée envers Rome[208]. A Apamée[209] et à Éphèse[210], la communauté juive avait conclu avec les pouvoirs locaux un accord amiable (τόν νόμον τών Ίουδέων) pour la protection des tombeaux de ses anciens membres. En 70 après J.-C, les Israélites perdirent leur situation particulière en face de la loi romaine ; ce ne fut plus une nation ; mais Vespasien et Titus confirmèrent leurs droits de citoyens, malgré l’opposition des villes. Il leur restait même certains privilèges, dus à leur religion, légalement reconnue en vertu de la capitation qu’ils payaient : leur taxe, prélevée autrefois pour Jérusalem, était simplement devenue taxe romaine, dont le produit allait au fisc. Ils ont, par là, de plus en plus espacé, puis interrompu leurs rapports anciens avec leurs frères d’Alexandrie et de Jérusalem, se sont fondus peu à peu dans la civilisation gréco-romaine, abandonnant la langue hébraïque et les noms hébreux ; leurs tombeaux ne diffèrent en rien de ceux des Grecs, et on les confond probablement dans bien’ des cas avec les tombes chrétiennes. Après s’être ralliés à la culture païenne, beaucoup se sont volontiers convertis au christianisme, et ils ont été, pour la religion nouvelle, des agents d’expansion utiles et dévoués, au point de vouloir en accaparer la direction. Il n’y a qu’une catégorie d’habitants dont le sort apparaisse supérieur à celui des Juifs : ce sont les Romains[211]. L’Asie fut de très bonne heure envahie par eux, surtout lorsque G. Gracchus eut livré aux chevaliers l’héritage d’Attale, en faisant affermer la dîme et toute espèce de contribution au profit des publicains[212]. Outre ces chevaliers, collecteurs d’impôts, d’autres Romains, de toutes conditions, s’étaient faits agriculteurs, dans leurs propriétés particulières ou les domaines publics, éleveurs de troupeaux, marchands, navigateurs, banquiers ; ils prêtaient à intérêt et pratiquaient l’usure ; de vastes fonds de terre leur étaient souvent hypothéqués[213]. L’importance de leurs comptoirs sur ce continent, et du personnel qui y était affecté dès les débuts de l’occupation, est attestée par l’immense massacre exécuté sur l’ordre de Mithridate dans un grand nombre de villes. Les rapports commerciaux de l’Asie avec l’Italie créaient un mouvement d’affaires considérable ; des deux côtés on avait des correspondants et des représentants[214]. Les Romains résidant en Asie étaient généralement appelés cives Romani consistentes (ou qui consistunt), en grec : οί κατοικοΰντες ‘Ρωμαΐοι, ou encore, vu leur fonction habituelle : Romani qui negotiantur, οί έργαζόμεοι, οί (συμ)πραγματευόμενοι. Le droit de domicile ne leur était pas nécessaire, au rebours des incolae (κάτοικοι) ordinaires[215]. Ils ne sont pas restés isolés ; ils se sont groupés, comme faisaient alors tous les individus ayant même situation, mêmes intérêts, en des sortes de clubs, d’associations, appelés conventus civium Romanorum, conventus ayant toujours été employé en latin pour désigner une réunion d’hommes. Il est superflu de chercher aucune relation entre ces conventus et les conventus juridici[216] ; les Romains n’avaient aucune raison de se grouper par circonscriptions judiciaires. Ce n’est pas au regard de leurs compatriotes, mais plutôt eu face des municipalités grecques qu’ils prenaient cette précaution de s’associer. Chacune de leurs sociétés a dû avoir le même champ que la cité elle-même. Il est probable néanmoins qu’il n’y avait pas de conventus c. R. dans chaque ville ; certainement, dans quelques localités, les Romains étaient en trop petit nombre pour qu’il fût à propos de former un collège. Mais à quel critérium reconnaître l’existence d’un véritable conventus ? Ou bien le mot même est employé (ou son équivalent en grec), ou bien le document mentionne les Romains comme agissant en corps ; en dehors de ces cas, pas de conventus. En Asie d’ailleurs, je l’ai déjà dit, il convient de ne pas s’attacher trop rigoureusement aux formules[217]. Voici la liste des villes où il me semble qu’on doit reconnaître l’existence de ces groupes importants de citoyens romains : Îles : Cos. — PATON and HICKS, p. 221. Mytilène. — CIL, III, 455, 7160. Méthymne. — ICI, II, 517, 518. Ionie : Éphèse. — LEB., 143 ; IBM, III, 2, p. 172 ; CICÉRON, pro Flacco, 71. Erythrée. — LEB., 50. Smyrne. — Mentions très fréquentes. Téos. — BCH, IV (1880), p. 179, n° 40. Priène. — CIG, 2906. Phrygie : Acmonia. — CIG, 3875. Apamée. — LEB., 746 ; CIL, III, 365 ; Rev. Et. gr., II (1889), p. 33 ; Ath. Mit., XVI (1891), p. 148 ; BCH, XVII (1893), p. 302, 305. Laodicée du Lycus. — Ramsay, Cities and Bishop., I, p. 72, n° 2 ; Ath. Mit., XVI (1891), p. 144 : οί έπί τής Άσίας ‘Ρωμαϊοι. Nais (?). — RAMSAY, Cities, II, p. 610, n° 511. Prymnessos. — CIL, III, 7043 = Ath. Mit., VII (1882), p. 127. Sébaste (?). — RAMSAY, Cities, II, p. 601, n° 474 (restitution). Trajanopolis (?). — CIG, 3874 (Waddington attribue l’inscription à Acmonia. — ad LEB., 1677). Carie : Cibyra. — BCH, II (1878), p. 599, n° 5 et 6 ; XIII (1889), p. 333 ; XV (1891), p. 554, n° 32 ; LEB., 1218 ; HEBERDEY-KALINKA, Wien. Denkschr., 1897, p. 2, n° 3, 4 et 5 ; p. 3, n° 7. Lagina. — BCH, XI (1887), p. 147-149, n° 47, 48, 51. Mysie : Assos. — Pap. Am. Sch., I, p. 32, 33, 45, 46, 50, 56 ; LEB., 1034a. Cyzique. — CIL, III, 7061 ; Ath. Mit., VI (1881), p. 41 (? restitution). Ilium. — LEB., 1743n ; CIG, 3614c. Lampsaque. — CICÉRON, Verrines, I, 69. Pergame. — Jahresb. d. kgt. pr. Kunstsammt., III (1882), p. 86 ; CICÉRON, pro Flacco, 29, 71 ; Ath. Mit., XXIV (1899), p. 173. Lydie : Thyatira. — BCH, X (1886), p. 422, l. 5 : τοΰ τών ‘Ρωμαίων κονβέντου. Tralles. — CIG, 2927, 2930 ; CIL, III, 444 ; Pap. Am. Sch., I, p. 408 ; Μουσεΐον, I, p. 126. On constatera que cette liste comprend beaucoup plus de villes côtières que de localités de l’intérieur, et parmi ces dernières celles de Phrygie prédominent ; le commerce y était en effet plus actif. Peut-être faut-il y joindre Chios[218], aux lois de laquelle les Romains furent invités par un sénatus-consulte à obéir. Les massacres ordonnés par Mithridate firent également des victimes à Caunus et à Adramyttium[219] ; mais les Romains y résidaient, semble-t-il, en moindre nombre. A Priène, quelques-uns habitaient dans le voisinage du temple d’Athéna[220], et d’autres à Stratonicée, auprès du sanctuaire de Zeus Panamaros[221], et auprès de celui d’Hécate de Lagina[222]. Il pouvait y avoir aussi des conventus en dehors des villes, dans les simples bourgs, peut-être même dans la campagne, là où le régime municipal n’avait pas encore absolument pénétré ; ainsi à Νάη (Naïs ou Ineï), à quelques kilomètres au Nord de Blaundos, une statue fut dédiée à Domitien par οί έν Νάει κατοικοΰντες ‘Ρωμαΐοι[223]. Mais forcément, en Asie, ces cas demeuraient exceptionnels. Nous sommes mal renseignés sur l’organisation intérieure de ces sociétés ; elles avaient évidemment leurs magistrats propres[224], comme toutes les associations : avant tout des curateurs, chargés de l’administration des affaires du conventus, de la gérance de la caisse, mais surtout intermédiaires conciliateurs entre la cité et le conventus ; le curateur était peut-être élu par les consistentes, suivant l’usage des collèges de l’Empire. Mais ils avaient soin de choisir un homme originaire de la ville et lui ayant rendu des services, et d’autre part pourvu de la cité romaine ; de la sorte, il avait des chances d’être agréable aux deux partis[225]. Et, toujours suivant l’usage des collèges, les conventus devaient se procurer, autant que possible, des patrons ; nous en avons un exemple à Mytilène[226]. Les Romains d’Asie, j’entends de la province entière, étaient-ils en outre réunis en un corps unique ? On serait tenté de le déduire, à première vue, d’une inscription de Laodicée, dédiée par οί έπί τής Άσίας ‘Ρωμαΐοι καί Έλληνες καί ό δήμος Λαοδικέων[227]. Mais l’expression est évidemment inexacte ; l’inscription fut rédigée avec beaucoup de négligence, comme l’indique le terme encore plus compréhensif de Έλληνες. Il ne s’agit sans doute que du conventus de Laodicée. Qu’auraient eu de commun tous les Romains d’Asie avec cette ville ? Et du reste la province était une personnalité non pas grecque, mais romaine ; donc les Romains domiciliés n’avaient pas à se coaliser contre elle. Le statut judiciaire des Romains en Asie varie avec les privilèges des villes où ils séjournent : dans les villes sujettes, ils ne sont justiciables que des magistrats romains seuls, à moins probablement qu’ils ne préfèrent se soumettre aux tribunaux locaux[228] ; à prendre ce dernier parti, ils pouvaient quelquefois trouver avantage. Dans les cités libres, ils étaient moins favorisés, et, théoriquement tout au moins, même leurs causes privées devaient être tranchées parles tribunaux municipaux[229]. A ceux-ci appartenait également la justice criminelle sur les Romains, qui n’avaient pas toujours à s’en plaindre ; les juges grecs étaient assez cléments en général, plus que les juges romains[230]. Mais il résulte de tout ce que nous avons dit au sujet des villes libres que le régime qui vient d’être décrit disparaît à la fin de la République. L’autonomie des cités, sous les Empereurs, devient un leurre ; en tout cas on ne tolère plus aucune rigueur des indigènes vis-à-vis des Romains. Sous Tibère, Cyzique perdit la liberté pour avoir mis des citoyens romains dans les fers[231], et Rhodes sous Claude, parce que, chez elle, des Romains avaient été crucifiés[232], sans que nous sachions dans quelle mesure il serait juste de voir dans ces faits des actes de pure violence et dépourvus de tout caractère proprement judiciaire[233]. Mais plus que toutes ces questions de droit, d’ailleurs douteuses : autorité des pouvoirs municipaux sur les Romains résidant en Asie, constitution intérieure des conventus c. R.[234], ce qui nous importe au fond, ce sont les questions de fait, les rapports réels entre la masse du peuple sujet et les particuliers faisant partie du peuple souverain. Or ces relations ont été généralement fort amicales : l’existence de sociétés fermées, composées des Romains résidants, ne constituait aucun obstacle à la bonne entente. Ces sociétés, du reste, n’étaient fermées qu’en un sens : il fallait avoir la cité romaine pour y appartenir ; rien ne nous dit qu’il fût nécessaire de l’avoir reçue de ses pères ni d’être originaire de l’Italie. Il est de fait que beaucoup de Grecs ont reçu le droit de cité romaine par concessions individuelles, en récompense de services rendus. Ce privilège n’était pas purement personnel : les enfants du bénéficiaire devenaient du même coup citoyens romains, et ainsi l’on voit sur des listes d’éphèbes de l’époque républicaine, bien antérieures à la constitution de Caracalla par conséquent, un bon cinquième des noms revêtant une forme latine[235]. Ces nouveaux citoyens romains, ou ces Romains nés en Asie, pénétraient dans les conventus c. R. et établissaient le contact entre les deux races, auxquelles ils appartenaient, d’un côté par la naissance, de l’autre par l’adoption. Y a-t-il dans une ville quelconque une statue à élever, un décret de louanges publiques à graver, en l’honneur de quelque personnage, romain ou même grec[236], il est très fréquent de voir les Romains résidant dans la cité s’associer à cette manifestation du conseil et du peuple. Les preuves de cet accord abondent[237] : généralement la présence d’un groupe important de Romains dans une localité de la province nous est affirmée par une inscription qui nous les montre agissant aux cotés des gens du pays et de concert avec eux ; une dédicace, œuvre des Romani consistentes seuls, est bien loin de représenter le cas le plus répandu. S’agit-il, par exemple, de saluer un nouvel Empereur et de lui prêter serment ; pouvoirs locaux, citoyens indigènes et Romains le font ensemble dans une communion presque fraternelle ; et c’est ce que l’on constate notamment à Assos[238] à l’avènement de Caligula. Les Romains tenaient seulement à être cités à part, pour mieux faire sentir à toute heure qu’ils étaient le peuple souverain, les maîtres ; mais ils ne poussent pas plus loin les exigences : dans des cas comme ceux que je rappelle, leur place dans l’inscription n’est pas invariable ; quelquefois ils figurent avant les corps constitués de la ville et le peuple ; d’autres fois ils ne viennent qu’ensuite. Ils se sont montrés simples, beaucoup plus souvent que hautains ; ce sont eux qui ont appris le grec, n’obligeant point les Asiatiques à étudier la langue latine. Les mœurs nationales se sont un peu modifiées dans ce commerce avec les peuples orientaux, et si les changements n’ont pas été plus complets, la chose est due sans doute à ces conventus, où l’esprit romain se maintenait plus aisément. De cet esprit, ils n’ont presque rien communiqué aux indigènes ; ces derniers, ceux du moins qui devenaient isolément citoyens romains, adoptaient volontiers quelque chose de très secondaire, comme une mode, l’habitude de porter plusieurs cognomina, très répandue en Italie au IIe siècle[239] ; ou encore l’usage, nullement hellénique, de marquer dans une épitaphe l’âge du défunt[240]. Les Hellènes intelligents avaient su apprécier les avantages que procurait à leurs patries la présence des Romains dans les villes ; les grands seigneurs italiens n’étaient pas toujours égoïstes, ou la vanité les poussait à la bienfaisance, car il leur arrivait de contribuer dans une large mesure aux travaux d’embellissement des cités. Éphèse, pour ne citer que la capitale, s’était luxueusement ornée au IIe siècle ; de grandes constructions y furent faites sous les Romains, et nous savons[241] la part importante qu’y avait prise la famille des Vedii établie dans celle ville. Les travaux publics exécutés en Asie à l’époque romaine n’étaient pas l’œuvre en effet des seules municipalités — qui firent très peu de chose — ni exclusivement des gouverneurs ou de leurs subordonnés ; les riches particuliers originaires d’Italie ne témoignaient pas toujours au pays une indifférence d’étrangers. Les Asiatiques éprouvaient comme les autres provinciaux un grand respect pour la ville de Rome, la ville reine[242]. Ce sentiment tenait en partie à ce que les Romains, tout en maintenant les distances dans l’intérêt de leur domination, savaient affecter aussi dans des vues identiques une certaine cordialité. |
[1] ULP., ad Edict., II. — Digeste, L, 1, ad municip. et de incol., l. 1, § 2.
[2] IBM, 477.
[3] Celle qu’a retrouvée Schliemann dans les fouilles de Troie en 1890 (Ch. MICHEL, Rec. d’inscr. gr., n° 667) est antérieure a l’époque romaine (IIIe siècle av. J.-C.).
[4] CIG, 3137, I. 53 (Smyrne). Pour Pergame, v. note 8, et pour Éphèse, ce qui est dit des magistrats d’ordre financier, chap. IV, § 1.
[5] Éphèse (LEB., 136a, l. 40) ; Nacolia (CIL, III, 6998). L’épigraphie d’Asie Mineure est particulièrement avare de renseignements sur les registres d’état civil. M. Wilhelm LEVISON (Die Beurkundung des Civilstandes im Alterthum, diss. in., Bonn, 1898 ; cf. p. 5) a recueilli les rares témoignages que nous possédons ; ils concernent les Iles et, peut-être exclusivement, une époque antérieure à celle qui nous occupe. A Cos, au IIe siècle de notre ère, Soranos, pour ses βίοι ίατρών, pouvait établir exactement la date (460 a. C.) — même le jour — de la naissance de Gallien (WESTERMANN, Biographi Graeci minores, p. 419-450). Il n’est pas attesté d’ailleurs que ces listes aient été continuées avec la même ponctualité. Dans le dème d’Halasarna, il y avait un registre où étaient inscrits les participants à un culte (COLLITZ-BECHTEL, Samml., XXI, 3706), comme on faisait à Kalymna, au milieu du IIe siècle av. J.-C., pour les adorateurs d’Apollon Delios (Ibid., 3593 ; cf. p. 324-5).
[6] Cf. par exemple le cas de l’acteur Myrismus Σμυρναΐον καί Μάγνητα (KERN, Inschr. v. Magn., 165). Add. BCH, XIX (1895), p. 555, décret en l’honneur d’un citoyen de Temenothyra et d’Amorium (l. 16 et 23) ; add. CIG, 3893, un citoyen d’Acmonia et d’Euménie. C’était vrai du reste de tous les Grecs, comme on le voit par Cicéron (pro Balbo, 12, 30) : In Graecis civitalibus videmus..... multarum eosdem esse homines civitatum.
[7] S’il ne profita pas seulement à ceux de la ville même de Pergame, mais à ceux du royaume entier, cela dut entraîner un bouleversement considérable en Asie.
[8] Ces détails nous sont fournis par une inscription, FRÄNKEL, 219 ; de nouveaux fragments de ce texte ont été depuis retrouvés (cf. H. v. PROTT et W. KOLBE, Ath. Mit., XXVII (1902), p. 106-125, n° 113-144).
[9] Ces listes supposent également, et à plus forte raison, l’existence de listes des citoyens de Pergame. La liste des métèques milésiens publiée par M. HAUSSOULLIER (Rev. de Philol., XXIII (1899), p. 80 87) appelle la même conclusion.
[10] V. S HUCHNARDT, Ath. Mit., XIII (1888), p. 1 sq.
[11] Beaucoup d’habitants de la Mysie orientale avaient, dans les premiers temps, pour métier de s’engager, surtout comme sagittaires, dans les années étrangères (POLYB., V, 76, 7 ; XXXI, 3, 3 ; TITE-LIVE, XXXVII, 40 ; APPIAN., Sur., 32 ; ils se réunissaient ensuite en colonies militaires (POLYB., V, 77, 7, parle de Μυσών κατοικίαι) particulièrement nombreuses dans la région de Thyatira (POLYB., loc. cit. ; STBAB., XIII, 4, 4, p. 625 C).
[12] Brigades de police, sans doute analogues entre elles.
[13] Le décret nous a été conservé (LEB., 136a) — v. l. 43 sq.
[14] En faut-il voir un dans les circonstances suivantes ? A Cyzique, pendant l’exécution des constructions dont Antonia Tryphaina fit présent à la ville, sous Tibère (Ath. Mit., XVI (1891), p. 143), il est donné mission aux archontes, stéphanéphores et agoranomes, par décret du conseil et du peuple, de veiller à ce que les prix des marchandises ne dépassent pas le tarif. Tout commerçant qui affiche des prétentions supérieures doit être maudit, comme coupable envers la cité, et (l. 24) έάν μέν πολείτης ή άποξενοΰσθαι έ[άν δέ ξέ]νος ή μέτοικος καί τής πόλεως εϊργεσθαι τό τε έργαστήριον αύτοΰ..... M. LIEBENAM (Stüdteverwaltung, p. 365) traduit : wenn sie Bürger sind, dieses Rechtes verlustig gehen. Il est exact qu’άποξενοΰν est parfois employé dans le sens de priver du droit de cité (cf. PLUT., Philopœmen, 13) ; d’autre part il signifie plus souvent bannir. Le cas est embarrassant : on ne saurait dire que la peine fût excessive dans la première hypothèse ; nous avons des exemples de semblable rigueur ; peut-être y a-t-il une opposition entre άποξενοΰσθαι et έΐργεσθαι, à moins que le rédacteur du décret n’ait voulu seulement varier les expressions.
[15] Il ne s’agit, bien entendu, que des dettes envers l’État ou les dieux, et non des dettes privées. MM. DARESTE, HAUSSOULLIER et REINACH qui reproduisent et commentent ce texte (Inscriptions juridiques grecques, n° 4), proposent, supposant une faute du lapicide, de corriger le mot έκγεγραμμένους ; de la ligne 28 en έγγεγραμμένους, c’est-à-dire inscrits comme débiteurs publics et frappés d’atimie ; ce qui correspondrait suffisamment aux mois de la ligne suivante : πά[λιν εΐ]ναι έντίμους. Que cette coutume athénienne se retrouve à Éphèse, au milieu du Ier siècle av. J.-C., cela n’a rien d’étonnant en effet ; nous la constatons bien à Ilium, i une date postérieure, tous Auguste (cf. SCHLIEMANN, Ilios, trad. Egger, p. 824, et Alfred BRUCKNER, Strafverzeichniss aus Ilion, Ath. Mit., XXIV (1899), p. 451).
[16] Cf. LEB., 643 (inscr. de Philadelphie). Et 648 (ibid.). — Cf. CIG, 2381, 2883.
[17] V. LEB., 1564bis ; CIG, 2715, l. 12 ; M. COLLIGNON, Quid de collegiis epheborum apud Graecos excepta Attica ex litulis epigraphicis commentari liceat, Lutet. Par., 1877, el Th. REINACH, Rev. Et. Gr., VI (1893). p. 163 sq. — Listes d’éphèbes à Pergame : FRÄNKEL, 562-565, 568-574 ; Ath. Mit., XXVII (1902), pp. 125-132, n° 145-158.
[18] Cf. MENADIER, op. laud., p. 18.
[19] Th. REINACH, art. cit., inscr. n° 25 et 26.
[20] Je reviendrai plus tard sur tous ces fonctionnaires en traitant des magistratures et des liturgies.
[21] CIG, 8214. — Cf. Halicarnasse : νικήσας έφήβους νεωτέρου[ς] μακρώι δρόμωι (Wien, Sitzungsb., CXXXII (1895), II, p. 291, n° 1).
[22] Une inscription (CIG, 3665) mentionne un éphèbe de deuxième année (l. 11).
[23] En tenant à jour les nomenclatures données par MM. MENADIER (p. 20, note 78), LIERMANN (Analecta agonistica (1889), p. 69) et Maxime COLLIGNON, Les collèges de νέοι dans les cités grecques (Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux, II (1890), p. 136).
[24] XIV, 1, 20, p. 640 C.
[25] Non pas cependant dans la même inscription, ce qui interdirait l’assimilation.
[26] Rien n’empêche d’ailleurs que cette influence se soit exercée avant la formation de la province d’Asie ; des νέοι existaient à Halicarnasse sous les Ptolémées (V. suprà).
[27] CIG, 2214.
[28] Ces noms collectifs sont parfois fort embarrassants, et ils ne paraissent pas garder partout le mime sens. Ainsi un décret fut voté à Magnésie du Méandre pour honorer un citoyen (KERN, Inschr., 153). Il faut donc croire que dans cette ville les πρεσβύτεροι formaient un collège (mais comment Ifs définir ?) — On n’en saurait dire autant, bien évidemment, des groupes de personnes cités dans des inscriptions des Branchides : LEB., 226 (= CIG, 2886).
[29] Ainsi à Pergame, FRÄNKEL, 486 B. — A Attuda, les νέοι honorent un citoyen de la proédrie ; il s’agit sans doute de la présidence de leurs assemblées (ANDERSON, JBSt, XVIII (1897), p. 399, n° 3).
[30] CIG, 2873 (Milet).
[31] LEB., 1602a, in fine.
[32] FRÄNKEL, 567.
[33] Ephem. epigr., III, p. 156 = CIL, III, 7060.
[34] LEB., 1602a.
[35] FRÄNKEL, 440, 468, 469.
[36] XIV, I, 44, p. 640 C.
[37] A Nysa : STRAB., XIV, I, 43, p. 649 C ; à Iasos, Rev. Et. gr., VI (1893), p. 161.
[38] Cf. LEB., 407, 1213, 1723a ; CIG, 2720, 2724.
[39] Publiée par M. Th. REINACH, Rev. Et. gr., VI (1893), p. 157 sq.
[40] Elle en avait antérieurement un peu davantage ; cf. HICKS, JHSt, VIII (1887), p. 83 sq., et JUDEICH, Ath. Mit., XV (1890), p. 137 sq.
[41] Il est vrai que le décret prévoit un excédent ; mais il admet aussi la possibilité d’un déficit.
[42] LEB., 1618, l. 16.
[43] Or. sacr., 5, 1, p. 541, Dind.
[44] STRAB., XIV, 1, 44, p. 650 C.
[45] Cf. V. PARIS, Quatenus feminae res publicas in Azia minore, Romanis imperantibus, attigerint, Parisiis, 1891.
[46] On le voit par une inscription d’Olymos (LEB. 323) qui nous a conservé un bail d’immeubles ; la veuve qui y est intéressée agit μετά κυρίου τοΰ νίοΰ. Dans un autre texte (LEB., 415, I. 16), les filles sont autorisées par leur père. Cf. BCH, V (1881), p. 39. Les formules rappelant le concours du tuteur à un acte ne sont pas toujours employées, mais peut-être faut-il le sous entendre, à moins que peu à peu, sous l’influence romaine, la rigueur de la loi ne soit tombée en désuétude.
[47] V. Cnide, NEWTON, Halic., II 2, p. 759, n° 45 ; Amorgos, BCH, VIII (1881), p. 444, n° 10 (Ier s. av. J.-C). Autres exemples dans BENNDORF-NIEMANN, Reisen in Karien..... n° 42, 44, 45, 79, 82. A Halicarnasse encore (DITTENBERGER, SIG, 2, 601, l. 5 sq.).
[48] BCH, V (1881), p. 96, l. 21-25.
[49] Une inscription de Sébaste du IIe siècle, donnant une liste de gérousiastes, mentionne parmi eux quelques femmes en très petit nombre. Elles avaient, dit avec raison M. Paris, exercé probablement la grande prêtrise, ce qui expliquerait celte faveur exceptionnelle, qui a pu être aussi purement formelle.
[50] C’est tout à fait par exception que des femmes, voulant élever et dédier une statue sur la place publique de Cyzique, y furent autorisées par le conseil et le peuple (CIG, 3657) : autorisation qui devait avoir surtout, sinon même exclusivement, un caractère administratif.
[51] CIG, 3148. — V. un exemple analogue à Julia Gordos : LEB., 678.
[52] Μουσεΐον, 1876-78, p. 40, n° 255.
[53] NEWTON, Halic., II, 2, p. 792, n° 97.
[54] BCH, XI (1887), p. 145, n° 46.
[55] BCH, XI (1887), p. 147, n° 48.
[56] LEB., 1663a.
[57] LEB., 348.
[58] LEB., 1603. — Cf. encore l’inscription de Tib. Flavius Aeneai au temple de Zeus Panamaros (G. DESCHAMPS et COUSIN, BCH, XI (1887), p. 376, l. 39 sq.)
[59] LEB., 225, 228.
[60] LEB., 1011.
[61] LEB., 1609a.
[62] Mylasa : BCH, V (1881), p. 39.
[63] Aphrodisias : CIG, 2817 ; Milet : CIG, 2886 ; Téos : CIG, 3094.
[64] Cnide : NEWTON, Halic., II, 2, p. 791 ; Lagina . — NEWTON, p. 792, n° 97 ; BCH, XI (1887), p. 145, n° 46 et p. 157, n° 63 ; Aphrodisias : LEB., 1602 Stratonicée : BCH, XI (1887), p. 375 ; n° 1 ; 379, n° 2 ; 383, n° 3 ; XII (1888), p. 101, n° 22 ; XV (1891), p. 186, n° 130 A ; 190, n° 135 ; 196, n° 138, l. 32 ; 198, n° 140, l. 32 ; 203, n° 144 ; 206, n° 146.
[65] Exemples de femmes gymnasiarques : Mytilène : IGI, II, 203, 211, 233 ; Trapezopolis : CIG, 3953c ; Héraclée du Salbacos : BCH, IX (1885), p. 333, n° 21 ; Mylasa (Labranda) : CIG, 2714 ; Nacrasa : LEB., 1661 ; Erythrée : Μουσεϊον, 1876-78, n° 228 ; Stratonicée : BCH, XI (1887), p. 375-6, 334 ; XV (1891), p. 186, 191, 198, 199, 203. De femmes agonothètes : Héraclée du Salbacos : loc. cit. ; Pergame : FRÄNKEL, 525 ; Thyatira : CIG, 3489 ; BCH, X (1886), p. 410, n° 14 ; XI (1887), p. 102, l. 14-18, p. 478 ; Phocée : CIG, 3415, 3508. Add. les qualifications plus générales, comme λειτουργοϋσα à Branchides (LEB. 225 ; cf. Acmonia : ibid., 756), et πανηγυριαρχίς à Cnide (CIG, 2653).
[66] LEB., 743-744.
[67] BCH, XI (1887), p. 148.
[68] BCH, XI (1887), p. 52.
[69] Stéphanéphores éponymes : Aphrodisias : CIG, 2837b, 2S29, 2835, 2840 ; LEB., 1592, 1602, 1612 ; Euromos : LEB., 314-318 ; Iasos : LEB., 311 ; Magnésie du Méandre : BCH, XII (1888), p. 206, 211 ; Smyrne : CIG, 3150, 3173, l. 24 ; Tralles : ibid., 2927. — Non éponymes : Héraclée du Salbacos : CIG, 3953d ; BCH, IX (1885), p. 338, n° 21 ; Lagina : BCH, XI (1887), p. 145 ; Phocée : CIG, 3415 ; Thyatira : BCH, XI (1887), p. 102, n° 24, l. 13, 15, 18, 20 ; Milet : LEB., 244, l. 11.
[70] Prytanes éponymes : Éphèse : IBM, 596b : BCH, X (1886), p. 404, l. 18 ; Pergame : HEAD, Hist. num., p. 464 : Berlin. Abhandl., 1872, p. 64 ; Thira : Μουσεϊον, 1876-78, p. 29, n° 236. — Non éponymes : Trapezopolis : CIG, 3663d ; BCH, IX (1885), p. 338, n° 21 ; Phocée : CIG, 3415 ; Thyatira : BCH, XI (1887). p. 102, n° 24, l. 15, 20 ; PARIS, op. laud., p. 72, note 6, l. 2 et 9.
[71] CIG, 3665 ; Ath. Mit., X (1885), p. 203, l. 18, 19, 20.
[72] Attuda : HEAD, Hist. num., p. 559 ; Eucarpia : p. 563 ; Pergame : p. 461 ; Prymnessos : p. 568 ; Smyrne : WADDINGTON, Fastes, p. 149 et 157.
[73] Cf. PARIS, op. laud., p. 96 sq.
[74] Et les statues de femmes finirent par se multiplier à tel point qu’on en élevait à des personnes qui ne s’étaient distinguées que par leurs vertus privées.
[75] La vanité féminine se montre encore en ceci qu’en Asie, quand on élève une statue à une femme, on a l’habitude de mentionner dans la dédicace les grandes fonctions remplies par des gens de sa famille ; v. par exemple une inscription de Tralles, du IIIe siècle (Ath. Mit., XXI (1896), p. 112).
[76] Cf. ce que DION CASSIUS dit de Marc Antoine (XLIV, 53).
[77] DION CASS., LV, 25.
[78] BCH, V (1881), p. 468.
[79] Inscription de Carie : CIG, 2822 ; Thyatira : 3194, add. BCH, VII (1883), p. 275, n° 17 et XVII (1893), p. 265, n° 49 (Temenothyra).
[80] Aphrodisias : CIG, 2782, 2783, 2792, 2793 ; Tralles : 2933 ; Nysa : 2944b ; Éphèse : 2979, 2995. Un athlète se fait gloire d’avoir des consulaires parmi ses cousins (BCH, XVII (1893), p. 265, n° 50) (Temerothyra). Un archonte de Julia Gordos mentionne sur une monnaie sa qualité de chevalier, parent de sénateurs — GrCBM, Lydia, p. 98, n° 45.
[81] De Tranquill. anim., 10.
[82] CIG, 2796 (Aphrodisias).
[83] V. LEIRMANN, Analecta, passim.
[84] CIG, 2766, inscription qui n’est même pas plus récente que les dernières années de la République.
[85] Cf. HIRSHFELD, Zeitschrift fur östetreich. Gymnasien ; XXXIII (1882), p. 164.
[86] À Cos, Annuaire de l’assoc. pour l’encour. des étud. gr., 1875, p. 324, n° 13.
[87] Cf. BENNDORF, NIEMANN, PETERSEN et VON LUSCHAN, Reiten..., et LIERMANN, p. 21.
[88] Cf. Stratonicée : LEB., 525. Téos (CIG, 3083).
[89] LEB., ad n. 53.
[90] V. Aphrodisias : CIG, 2782, l. 7.
[91] V. des exemples de ces qualifications dans LIERMANN, p. 41-42 ; l’usage était très répandu, puisqu’on le constate à Aphrodisias, Aezani, Panamara, Lagina, Sardes, Tralles, Erythrée, Cos, Assos, Thyatira, etc.
[92] Cf. à Thyatira les familles d’Ulpia Marcella et de Menogenes Caecilianus. CLERC, De rébus Thyat., p. 100.
[93] EUSEBE, H. E., V, 21, 6.
[94] Pour la restriction du droit d’association dès l’époque de la République, cf. JOSÈPHE, Ant. jud., XIV, 10, 8.
[95] Très nombreux à Rhodes, BCH, V (1881), p. 332.
[96] CIG, 3438.
[97] Cf. OEHLER, Genossenschaften in Kleinasien und Syrien, dans Eranos Vindobonensis, p. 876-282. Erich ZIEGARTH, Das griechische Vereinsweten, Lpz, Hirzel, 1896, et WALTZING, Étude historique sur les corporations professionnelles chez les Romains, dont le tome III forme un corpus des inscriptions relatives à ce sujet, Louvain, 1895-99.
[98] LEB., 741. — A moins qu’il ne faille adopter la correction de M. RAMSAY (Cities..., I, p. 106, n° 1).
[99] BCH, XI (1887), p. 100, n° 23 ; p. 101.
[100] Digeste, XXXVII, 1, De bonorum possessionibus, l. 3, § 4.
[101] Digeste, XXVII, 1, De Excusationibus, l. 17, § 1.
[102] LEB., 1687 (Hiérapolis). — Marc-Aurèle permit aux associations autorisées de recevoir des legs ; quant aux autres, il fallait que la disposition fût en faveur des membres du collège, nommément désignés. Digeste, XXXIV, 5, l. 20.
[103] Am. J. of Arch., I, p. 141 et Ath. Mit., VI (1881), p. 125, n° 8 (Smyrne).
[104] JUDEICH, Inschriften von Hiérapolis, 380.
[105] CIG, 3028.
[106] Iliade, IV, 141 sq. ; CLAUDIAN., Rapt. Proserp., I, 275 ; VAL. FLACC., IV, 889.
[107] PLINE, H. N., VII, 57, 596 : inficere lanas.
[108] STRABON, XIII, 4, 14, p. 630 C.
[109] STRABON, XIII, 4, 14, p. 630 C.
[110] M. ZIEBARTH (Griech. Vereinsw., p. 199) signale arec raison, notamment chez les Rhodiens, la passion de faire partie du plus grand nombre d’associations possible. Wer recht elwas sein wollte unter seinen Milbürgern..... der musste Mitglied oder Ehrenmitglied von möglichst vielen Vereinen sein.
[111] CIG, 3304.
[112] Digeste, XLV1I, 22, De collegiis et corporibus, l. 1, § 1 (Marcien).
[113] L’émeute soulevée à Éphèse par les argentiers contre Saint Paul témoigne de l’influence des corporations sur la masse du peuple. Dans certaines villes, les décisions des sociétés d’artisans devaient être ratifiées par l’ekklêsia ; mais cette précaution demeurait platonique, quand le collège comptait un très grand nombre de membres. (Cf. ZIEBARTH, Gr. Vereinswesen, p. 109).
[114] FONTRIER, BCH, VII (1883), p. 501, n° 10 (= KERN., Inschr., 114).
[115] Une inscription, non moins mutilée, de Pergame (Ath. Mit., XXIV (1899), p. 198, n° 62) nous fait deviner un événement analogue. Des travailleurs s’étaient révoltés, ne recevant pas leur paiement. Le gouverneur intervint, pardonna aux ouvriers retournés à leur tâche, se montra peu sévère pour les grévistes qui n’avaient pas fait de propagande active, mais condamna, semble-t-il, les émeutiers à une retenue sur leur salaire pour toute la durée du retard qu’ils auraient occasionné. Ce ne peut guère être une corporation qui se trouve ici en cause ; ce sont plutôt des manœuvres embauchés individuellement par des entrepreneurs, auxquels le proconsul donne également des instructions.
[116] Notamment à Tralles, LEB., 604, 610 ; Thyatira, CIG, 3495 ; BCH, X (1886), p. 482, n° 31.
[117] Ils apportent seulement leur contribution à Abydos (LEB., 1743 n).
[118] CIG, 3180.
[119] LEB., 1660.
[120] Ephem. epigr., VII, p. 437.
[121] Cf. à Mytilène (IGI, II, 271) : τών γναφέων όρ(ος).
[122] Philadelphie : CIG, 3422, 1. 25 et 28 ; LEB., 656 : tribus des ouvriers de la laine et des cordonniers. A moins que ces collèges, imitant, dans leur organisation, celle de la cité, n’aient en outre voulu se donner ce nom pompeux de φυλή, pour s’attribuer de l’importance. WAGENER ajoute une autre explication hypothétique (Rev. Instr. publ. Belg., 1868, p. 10-11) : Au temps de STRABON (XIII, 4, 10, p. 628 C) les tremblements de terre avaient fait fuir à la campagne la plupart des habitants de Philadelphie. Quelques-uns restaient, sans doute de pauvres ouvriers, qui se donnèrent peut-être une constitution démocratique en identifiant leurs collèges avec les tribus.
[123] Cf. la liste des villes pour lesquelles on en a fait la constatation, dressée par M. LIEBENAM, Städteverwallung, p. 220-223. Le travail de M. SZANTO, Die griechischen Phylen (Wien. Silzungsber., Ph. — h. Cl., CXLIV (1901), V) s’arrête avant la période des Diadoques.
[124] Exemple : LEB., 238.
[125] LEB., 404.
[126] LEB., 405.
[127] CIG, 3451.
[128] LEB., 103.
[129] LEB., 403, 418, 648, 656 ; CIG, 3078, 3415, 3615, 3618.
[130] CIG, 3409, 3599, 3663 B, 3664, 3775, 3776, 3841d, 3990b (προσ[τά]ται φυλών). — Rhodes : φυλαρχήσαντα (SCRINZI, Atti del R. Instituto Veneto, LVII (1898), p. 267.
[131] CIG, 3902 d.
[132] LEB., 404.
[133] LEB., 323-324.
[134] V. les Prolegomena placés par M. HICKS en tête du Corpus d’Éphèse, IBM, III, 2, p. 70. — A Milet également on trouve dix tribus (HAUSSOULLIER, Rev. de Philol., XXI (1897), p. 47).
[135] HICKS, ibid., p. 69. — MENADIER, op. laud., p. 24, note 104.
[136] HICKS, Manual of Greek Inscript., 135 ; CIG, 3641b, l. 2 (Lampsaque).
[137] Assos, CIG, 3596, l. 20 ; cf. LEB., 1724b ; Ilium, CIG, 3596.
[138] Milet, LEB., 238.
[139] Thyatira, CIG, 3188.
[140] Alabanda, BCH, X (1886), p. 309 sq.
[141] Téos, Ibid., IV (1880), p. 175 sq. ; Nysa, IX (1885), p. 127, l. 25.
[142] Téos, cité maritime, négligeait les travaux des champs pour l’adonner exclusivement au commerce, et, tenant à protéger ses magasins, elle s’était de bonne heure entourée de solides remparts garnis de tours (πύργοι). Ce qu’on appelle du même nom, ce sont, probablement, des quartiers de la ville se rattachant individuellement à telle ou telle tour des fortifications ; les citoyens demeurant dans la limite d’un de ces quartiers avaient mission sans doute de défendre, en cas d’attaque, la tour de leur circonscription. — Cf. K. SCHEFFLER, De rebus Teiorum, Lpz, 1882, p. 36. — Mais aucune cité ne connut autant de divisions de citoyens que Rhodes. Cf. VAN GELDER, op. laud., p. 222 sq.
[143] Notons une Σεβαστή à Dorytée (Ath. Mit., XIX (1894), p. 308), une Άδριανίς à Euménie (BCH, VIII (1884), p. 234 = RAMSAY, Cities, p. 522, n° 364).
[144] V. MENADIER, p. 23.
[145] IBM, 481.
[146] IBM, 578.
[147] CIG, 3663-6.
[148] Ath. Mit., VI (1881), p. 42 ; XXVI (1901), p. 121.
[149] Ath. Mit., XIII (1888), p. 304 sq. ; XXVI (1901), p. 121.
[150] PERROT, Rev. archéol., 1876, I, p. 283 ; RAMSAY, BCH, VII (1883), p. 269, n° 13 ; IX (1885), p. 127 ; CIG, 2947, 2918 ; Wien. Anz., 1893, p. 93.
[151] M. KEIL (Wochenschrift für klass. Philologie, 1896, p. 105) a montré que, contrairement à l’opinion des rédacteurs des Altertümer, la fabrication des vases était à Pergame l’objet d’un monopole de l’État.
[152] On fit exception seulement pour les esclaves achetés sous Attale II et Attale III (Cf. HAUSSOULLIER, Milet et le Didymeion, p. 251, note 1).
[153] Recueillis par M. Léon HALKIN, Les Esclaves publics chez les Romains, Ier vol. de la Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, 1897, p. 242.
[154] Des emplois analogues, tabularii, labellarii, commentarienses, étaient réservés aux esclaves et affranchis impériaux, qui ne faisaient pas défaut dans la province, surtout à Éphèse, et se réunissaient en collèges, comme l’atteste une inscription, CIL, III, 6077.
[155] LEB., 136 a.
[156] Bargylia : LEB., 495.
[157] Stratonicée : LEB., 519-20, l. 11-12 = CIG, 2715ab.
[158] Lampsaque : CIG, 3641b : καί έχέτω ό παΐς ίν τώ ταμείω (l. 49).
[159] LEB., 1212.
[160] MENADIER, p. 9.
[161] LEB., 26, 1527.
[162] PSEUD. HERACLIT., Epist., IX (HERCHER, Epistologr. Graeci, p. 286).
[163] FRÄNKEL, 249.
[164] Cf. RAMSAY, Cities and Bishoprics of Phrygia, I, p. 131-149, inscr. n° 37-40.
[165] Car l’opération s’appelait καταγράφειν.
[166] RAMSAY, Cities and Bishoprics of Phrygia, I, p. 131-149, inscr. 38.
[167] C’était donc un de ces θρέμματα ou θρεπτοί, au sujet desquels Pline le Jeune, en Bithynie, consulte Trajan (Epist. 65).
[168] Éphèse : LEB., 136a ; Aezani : CIG, 3842b ; Erythrée : BCH, IV (1880), p. 380 ; Mytilène : Ath. Mit., XI (1886), p. 270 ; Smyrne : CIG, 3152, 3391 ; LEB., 1522a ; Ath. Mit., VIII (1883), p. 131 ; Tralles (ou Héraclée du Salbacos) : Ath. Mit., X (1880), p. 278. — Cf. d’une façon générale : KÖHLER, Ath. Mit., VII (1884), p. 370 ; LOLLING, ibid., XI (1886), p. 271 ; MENADIER, p. 10, 11 ; HICKS, IBM, Prolegomena ; RAMSAY, op. cit., I, p. 118.
[169] Olymos : LEB., 333 ; Pergame : FRÄNKEL, 251 (esclaves sacrés et attachés à l’Asklepieion).
[170] Éphèse : CIG, 3005 : [τ]ε[θ]ραμμένοι [έν τ]ώ ίερώ ; ARISTIDE (I, p. 152 Dind.) entend le matin dans l’Asklepieion τούς παΐδας άδειν.
[171] A Andanie, en Péloponnèse, les hieroi étaient des ministres du culte de condition libre (DITTENBERGER, Sulloge2, 653).
[172] Il n’en pouvait pas moins arriver qu’un de ces affranchis gardât des obligations spéciales envers son libérateur, si celui-ci les avait stipulées, et c’est le cas que nous présente un telle de Smyrne (LEB., 1522a). Sans doute le hieros ne devait à son libérateur que le temps dont il disposait en dehors de ses heures de service dans le temple.
[173] Op. laud., p. 12.
[174] Ce mot signifiait surtout colonie militaire au temps des Diadoques (CIG, 3137 passim ; STRAB., XIII, 4, 4, p. 625 C) ; après la pacification du pays, le sens a changé : STRABON (XIII, p. 600, 604, 607, 620 C) semble appeler de ce nom, nous l’avons déjà vu, de toutes petites villes, des bourgs.
[175] Cf. LEB., 1178, l. 21 ; 1676.
[176] Digeste, L, 16, de Verburum significatione, l. 239.
[177] CIG, II, p. 410.
[178] BCH, VII (1883), p. 306.
[179] Je conviens cependant qu’il est bien difficile de retrouver le sens précis des trois mots κατοικεΰντες, ένεκτηένοι et γεωργεΰντες, qu’on lit dans une inscription de Cos de l’époque d’Auguste (BCH, XIV (1890), p. 297). Le premier terme ne désigne pas les métèques ; il ne serait pas placé en tête ; il ne faut pas en effet partir d’une idée arrêtée sur un mot, mais plutôt se laisser guider par le contexte.
[180] Cf. à ce sujet les articles de M. Michel CLERC dans la Revue des Universités du Midi, 1898, pp. 1 et 153. De la condition des étrangers domiciliés dans les différentes cités grecques.
[181] Notons cependant ce que l’inscription de Pergame (FRÄNKEL, 219) nous apprend : seront noies d’infamie (άτιμοι) tous ceux des κατοικοΰντες ; qui ont quitté la ville ou la campagne environnante, ou allaient la quitter au moment de la mort du roi Attale ; et leurs biens deviendront propriété de l’État.
[182] On en rapprochera les ξενοφύλακες de Chios (Ath. Mit., XIII (1888), p. 169, n° 10).
[183] ICI, I, 49, l. 50. — C’étaient (VAN GELDER, op. laud., p. 231-2) les protecteurs officiels des étrangers à Rhodes chargés de les représenter en justice.
[184] FOUCART, BCH, X, (1386), p. 306 sq.
[185] IGI, I, 383.
[186] Concession de l’έπιδαμία à un individu ματρός ξένας (SCRINZI, Atti del R. Istituto Veneto, LVII (1898), p. 267). Il y avait un collège de ‘Ροδιασταί έπιδαμιασταί (IGI, I, 157, l. 5 : add. 1031, l. 3). — Cf. une autre inscription qui montre l’État rliodicn préoccupé d’étendre le cercle de la population civique par l’adjonction de nouveaux éléments (MILLER V. GABTRINGER, Jahresh. d. öster, Instit., IV (1901), p. 162). Add. IGI, I, 383.
[187] BCH, XV (1891), p. 589, n° 11.
[188] CIG, 2906.
[189] BCH, XI (1887), p. 146, n° 47 ; je reconnais qu’ici les esclaves même prirent leur part des largesses (l. 7).
[190] BCH, XII (1888), p. 13, l. 9.
[191] Il faut remarquer le cas de cet Athénien résidant à Pergame (FRÄNKEL, 268), et assez considéré dans cette ville pour que les Pergaméniens, qui s’étaient entremis en vue d’un traité d’amitié entre Sardes et Éphèse, l’eussent chargé de faire les premières démarches.
[192] JOSÈPHE, Ant. jud., XII, 3, 1.
[193] PHILON, Leq. ad Gaium, 33 ; JOSÉPHE, Ant. jud., XVI, 2, 3.
[194] MÜLLER, Fragm. hist. Graec, III, p. 420.
[195] Sur les Juifs d’Asie, cf., outre les divers travaux de SCHÜRER (et notamment Geschichte des jüditch. Volkes, IIIte Auft. (1898), III, pp. 9-19, 39, 68-74, 78-82 ; les Abhandlungen Weiszäcker gewidmel, p. 39 sq.), Th. REINACH, Rev. des Études juives, VII (1883), p. 161 sq. ; XII (1886), p. 236 sq. ; et art. Judaei (Diction. des Antiquités) ; S. REINACH, BCH, X (1886), p. 327-335 ; RAMSAY, Cities and Bishoprics, II, p. 667-676. Add. ZIEBARTH, Griech. Vereinswesen, p. 127-130.
[196] A moins, j’imagine, qu’ils ne fussent citoyens romains.
[197] JUDEICH, Inschrift. v. Hierapolis, 69.
[198] JUDEICH, Inschrift. v. Hierapolis, 212.
[199] JOSÈPHE, Ant. jud., XIV, 10, 17.
[200] V. PHIL., leg. ad C., 23 ; CICÉRON, pro Flacco, 68.
[201] Ant. jud., XIV, 10, 8 à 21. — Cf. VIERECK, Sermo Graecus, p. 106 sq. ; et pour le commentaire critique d’une partie de ces textes : Walter JUDEICH : Caesar im Orient, kritische Uebersicht der Ereignisse vom 9. August 48 bis Oktober 47, Lpz, Brockhaus, 1885, p. 119-141.
[202] Th. REINACH, Textes relatifs au judaïsme, Paris, 1895, Introduction.
[203] JOSÈPHE, Ant. Jud., XIV, 7, 2.
[204] JOSÈPHE, Ant. Jud., XIV, 10, 15.
[205] Des monnaies frappées dans la ville au IIIe siècle reproduisent l’arche — avec la légende ΝΩΕ — flottant sur les eaux, auprès de laquelle figurent le corbeau et la colombe portant une branche d’olivier. Les graveurs en médailles ont dû s’inspirer de peintures analogues des places publiques, et les magistrats monétaires étaient probablement des Juifs. — Cf. RAMSAY, loc. cit., p. 667 sq.
[206] CIG, 3148, l. 30.
[207] CIG, 2502.
[208] JOSÈPHE, Ant. Jud., XVI, 2, 2.
[209] RAMSAY, p. 538, n° 399 bis.
[210] IBM, 676, 677.
[211] Cf. MITTEIS, op. laud., p. 143 sq. ; KORNEMANN, Decivibus Romanis in provindis imperii consistentibus, Berol., 1891, diss. in., précise et claire ; à ce titre, je la préfère à celle de M. Ad. SCHULTEN, De conventibus civium Romanorum, Berol., 1892, dont la doctrine exacte, je l’avoue, m’a un peu échappé.
[212] CICÉRON, de Imp. Pomp., 7, 17-18 : Nam et publicani, homines honestissimi atque ornatissimi, suas rationes et copias in illam provinciam contulerunt.... Deinde ex celeris ordinibus homines gnaui atque industrii partim in Asia negotiantur.... partim eorum in ea provincia pecunias magnas collectas habent.
[213] V. CICÉRON, pro Flacco, 29, 71.
[214] Cf. l’inscription de Puteoli, CIL, X, 1197 : ..... mercatores qui Alexandri(ai) Agiai Syriai negotiantur.
[215] ULPIEN, Digeste, L, I, l. 6.
[216] J’ai noté une observation de M. Schulten qui ne porte pas ; peu importe qu’à Thyatira il y ait eu un conventus c. R. avant le conventus juridicus. On n’a fait, relativement à ce dernier, qu’emprunter un nom déjà employé dans d’autres provinces pour des circonscriptions identiques.
[217] Je ne puis bien saisir les distinctions de M. Schulten (p. 16) : conventus habet vim absolutam, cives R. qui..... incolunt relatinam ; enfin conventus civium qui..... habitant désignerait un conventus vicanus. Tout cela me parait un peu artificiel.
[218] CIG, 2222, I. 17.
[219] APPIAN, Bell. Mithr., 23.
[220] CIG, 2906, l. 8.
[221] BCH, XII (1888), p. 255.
[222] BCH, XI (1887), p. 146 à 149, n° 47, 48 et 51.
[223] RAMSAY, JHSt, IV, p. 432 ; cf. BUHESCH-RIBBECK, p. 121, n° 60.
[224] Mentions isolées de γραμματεϊς des Romains à Tralles, Μουσεΐον, I, p. 126 ; Pap. Am. Sch., 1, p. 108, n° 10 ; Ath. Mit., VIII (1883), p. 328, I. 10-12. — Ces gens avaient rempli précédemment les mêmes fonctions dans la γερουσία et chez les νέοι ; c’étaient donc des citoyens de la ville.
[225] Cf. en effet Thyatira : BCH, X (1886), p. 422.
[226] CIL, III, 455.
[227] Ath. Mit., XVI (1891), p. 145.
[228] CICÉRON, pro Flacco, 29, 71.
[229] Témoignage formel pour Chios, CIG, 2222 ; je reconnais que le principe a pu fléchir et l’application se restreindre.
[230] V. ce que Cicéron dit à un Romain résidant à Apollonide, ville libre (loc. cit.) : Otium te delectat, lites, turbae, praetor odio est ; Graecorum libertate gaudes.
[231] SUÉTONE, Tibère, 37 ; TACITE, Ann., IV, 36 ; DION CASS., LIV, 1 ; LVII, 24.
[232] DION CASS., LX, 24.
[233] M. Mommsen croît reconnaître dans une inscription de Smyrne une décision des Empereurs Valérien et Gallien portant défense à tout magistrat municipal d’imposer une amende à un homme d’ordre sénatorial (CIL, III, 412). Je ne serais pas plus étonné que lui de celte mesure, mais peut-être surpris qu’elle n’ait pas été prise plus tôt.
[234] Ils ont dû disparaître après la constitution de Caracalla, qui étendit à la généralité des habitants de l’Empire les privilèges et le droit supérieur qui avaient donné naissance a ces associations.
[235] V. Branchides : IBM, 924 C.
[236] Ainsi Tralles : CIG, 2930.
[237] Cf. seulement d’une façon générale : CIL, III, supp., n°1 7240 sq. ; Pap. Am. Sch., I, p. 31 sq.
[238] Pap. Am. Sch., I, p. 50, n° 26 = DITTENBERGER, SIG, 2e éd., p. 566, n° 364.
[239] Exemple : LEB., 510.
[240] Exemples : ICI, 388-393.
[241] Hermès, VII (1873), p. 31-32.
[242] Aphrodisias : CIG, 2801 : έπί τής βασιλίδος ‘Ρώμης. — Nysa : BCH, IX (1885), p. 128, l. 36-37 : έν τή βασιλευούση ‘Ρωμαίων πόλει.