DEUXIÈME PARTIE — LES VILLES ET LA VIE MUNICIPALE
§ 1. — LES REGIONS DE SYLLA. De toutes les parties du monde romain, l’Asie est, avec la Grèce propre, celle où le peuple conquérant, quand il imposa sa domination, trouva le plus grand nombre de villes formées et dotées d’institutions très complètes. On sait que, depuis des siècles déjà, il existait, surtout sur la côte, des cités grecques parvenues à un très haut degré de civilisation. Les Romains se montraient partout favorables au régime municipal, qu’ils considéraient comme un auxiliaire utile de leur administration ; ils tâchèrent, cela est manifeste, de le développer encore en Asie. Or, au début de leur occupation, l’intérieur du pays comprenait encore un grand nombre de cantons où les populations n’étaient certainement pas établies dans des villes[1] ; mais, groupées sans doute en dans, comme dans la région voisine de Galatie, elles continuaient à mener dans une certaine mesure la vie nomade[2]. La question se pose de savoir quelles transformations les Romains ont fait subir à la carte politique et administrative du pays, quand ils se sont mis à cette tâche et dans quel espace de temps ils l’ont achevée. Ce problème est loin d’être simple, et nous allons nous trouver tout aussitôt en face d’une grave difficulté tenant au caractère vague de la nomenclature, telle que nous la connaissons par les auteurs et par les inscriptions. Il y a des termes que nous rencontrons constamment dans les documents relatifs à ce sujet : πόλις, civitas, ρεγεών, regio, διοίκησις diœcesis, et le sens exact de ces mots, en droit public, ne nous est malheureusement pas toujours connu, d’où la quasi-impossibilité d’édifier une doctrine sur des rapprochements de textes où ces mots ne figurent pas simultanément. Il est bien certain d’abord qu’en Asie comme ailleurs les Romains auront pris soin de dissoudre les unités politiques existantes, s’il y en avait, de briser, autant qu’ils le pouvaient sans se créer trop d’embarras pratiques, les liens noués autrefois entre les peuples, par une distribution nouvelle des services et un groupement arbitraire des localités. Ainsi, on distinguait primitivement dans ce pays des Cariens, des Lydiens, des Phrygiens, des Mysiens. Il n’est pas douteux que Rome a entrepris de supprimer ces catégories, fâcheux souvenirs ethnographiques, et j’ai précisément montré plus haut que le secret de leurs démarcations exactes s’était perdu. C’est ce qu’exprime Strabon dans un passage bien connu[3] nous apprenant qu’il y a eu, de la part des Romains, une confusion volontaire des anciennes tribus ; ils ont conçu suivant un tout autre principe la division en διοικήσεις, devenues les cadres de l’organisation des tribunaux. Chez cet auteur donc la διοίκησις est un canton judiciaire, mais le mot peut avoir un autre sens. On lit en effet dans une lettre de Cicéron[4] : Surtout je te recommande les affaires de (Curuus dans) l’Hellespont, primum ut obtineat id juris in agris, quod ei Pariana civitas decrevit, deinde si quid habebit cum aliquo Hellespontio controversiae, ut in iliam διοίκησις reiicias. Or, de convenius juridicus, il n’en existait pas à Parium, il s’agit là vraisemblablement d’une simple circonscription urbaine. Nous n’arriverons pas à des résultats pins satisfaisants pour les autres termes que j’ai signalés. Des divisions territoriales que les Romains ont pu créer tout au début de leur occupation, si tant est qu’ils en établirent, il ne nous est resté aucun souvenir ; et c’est à Sylla que remonte, dans l’état actuel de nos connaissances, la première œuvre administrative de ce genre. Il s’était montré généreux, on s’en souvient, à l’égard des villes qui avaient résisté à Mithridate, et avait concédé des territoires à plusieurs d’entre elles, notamment à Stratonicée. D’autre part, il imposa à l’Asie un tribut élevé et des contributions de guerre. Or il est certain que pour la perception de ces droits nouveaux, Sylla opéra une division du sol. Plusieurs témoignages nous en sont parvenus, attestant que cette division a subsisté après Sylla. La Chronique de Cassiodore la rapporte à l’année 670/84 en ces termes : His consulibus Asiam in XLIV regiones Stella distribuit. C’est le seul texte qui donne un chiffre ; mais d’autres font allusion au même fait : on lit dans Appien[5], prêtant une harangue au dictateur : διαιρήσω δέ ταΰθ̕ έκάστοις έγώ κατά πόλεις. Et voici des passages de Cicéron généralement cités en témoignage de la survivance de cette création de Sylla : decem enim naves jussu L. Murenæ populus Milesius ex pecunia vectigali populo Romano fecerat sicut pro sua quæque parte Asiæ ceteræ civitates[6], texte qui nous reporte à l’année 672/82, et duquel on rapproche le suivant[7] : descripsit autem pecuniam ad Pompei rationem, quae fuit accommodata L. Sullæ descriptioni : qui cum omnes Asiæ civitates pro portione in provincia descripsisset, iliam rationem in imperando sumptu et Pompeius et Flaccus secutus est. En comparant tous ces textes entre eux, avec le désir de les concilier, on est arrivé à cette conclusion que les πόλεις d’Appien, les civitates de Cicéi on et les regiones de Cassiodore ne diffèrent en rien et représentent les mêmes circonscriptions ; et on a dit : une regio n’est autre chose qu’une cité avec tous les bourgs ou les champs avoisinants qui en dépendent[8]. Nous voyons en effet, par un document déjà plusieurs fois cité, le sénatus-consulte de Lagina, que Sylla détermina les possessions de Stratonicée. Rien ne s’oppose à ce qu’il ait procédé de même dans d’autres villes. Il est peu probable en fait qu’il ait partout apporté des modifications ; l’Asie était un pays trop vaste ; une semblable opération lui aurait demandé plus de temps qu’il n’en pouvait consacrer à l’accomplir ; çà et là seulement il aurait étendu ou restreint le territoire des différentes villes selon les sentiments qu’il nourrissait à l’égard de chacune ; il aurait créé des cités dans des régions où il n’en existait pas, marquant du même coup leurs limites. Ailleurs encore, — cas ordinaire sans doute, — il se serait borné à ratifier leurs prétentions, ajoutant que leurs frontières étaient fixées une fois pour toutes et ne changeaient plus tant que Rome n’en reconnaîtrait pas la nécessité ; ces unités municipales devaient en effet servir de base à la répartition des taxes. Pompée et Flaccus auraient adopté ces cadres sans y rien changer. Et c’est encore ce que Pline désignerait par les expressions suivantes : Regio Apamena, Regio Eumenetica, Regio Milesia[9]. Mais, partant de ces prémisses, on en est forcément arrivé à dire : le texte d’Appien et celui de Cassiodore, tels qu’ils sont établis dans toutes les éditions, restent inconciliables. Ou les regiones de Cassiodore ne sont pas les πόλεις d’Appien, ce qui serait étrange, ou il y en a plus de 44. Et en effet, même à l’époque de Sylla, il est bien difficile d’admettre qu’il n’y eût en Asie, la πολύπτολιν αϊαν de Denys le Périégète, que 44 cités indépendantes les unes des autres. M. Monceaux a proposé une conjecture assurément fort ingénieuse[10], si Cassiodore ne s’est pas trompé (une erreur de sa part ne serait pas faite pour étonner, vu l’époque tardive à laquelle il écrivait), c’est le copiste, auteur du manuscrit, qui a commis un oubli ; devant le chiffre X il aurait oublié un C ; et alors, au lieu de 44, il faudrait lire 144. Ptolémée en effet[11] parle de 140 πόλεις, chiffre extrêmement voisin du nôtre ainsi modifié. La critique verbale demande à être maniée avec circonspection ; une lecture embarrassante n’est pas forcément erronée, et il faut se méfier des raisons tout externes qu’on peut avoir de la corriger. Si Ptolémée parle de 140 cités — non pas 141, — le Synecdème d’Hiéroclès évalue le nombre des villes d’Asie à 200 ; sa liste est postérieure, j’en conviens ; mais Pline, qui vivait au Ier siècle, parle de 282 populi[12]. Admettra-t-on que plusieurs peuples ont été attribués à chaque civitas ? Soit, mais alors, si l’intention des Romains, dressant la carte administrative de la province, était de faire disparaître les anciens groupements naturels, il faudra convenir qu’ils y ont fort mal réussi, puisque, plus d’un siècle après, ces groupements étaient encore reconnaissables au point qu’on en pût donner le nombre rigoureusement exact. Je ne mentionne même pas les 500 villes dont parle Agrippa, dans Josèphe[13], d’accord avec Philostrate[14], car ce nombre rond fait l’effet d’une évaluation en l’air, et de plus, comme le dit M. Brandis[15], il pourrait fort bien comprendre les simples bourgs et les petites localités rattachés à une ville-métropole ; on lit en effet dans une inscription[16] ; έν ταϊς τών διοικήσεων άφηγουμέναις πόλεσι. Il serait parfaitement dans le caractère de Philostrate d’avoir voulu proclamer un chiffre un peu élevé, pour rendre plus imposante la prospérité de l’Asie, et, dans cette intention, de n’avoir pas distingué les grandes cités des plus petits bourgs. A mes yeux, on s’est un peu pressé d’identifier regio avec πόλις ou civitas, dans les textes rapportés plus haut. Puisque cette identification ne peut s’admettre qu’avec une correction au chiffre de Cassiodore, il convient de voir s’il n’est absolument aucun moyen de s’en passer. La difficulté tient à ce que le mot regio se rencontre rarement dans nos sources. Il eût été précieux de le trouver plusieurs fois sous sa forme grecque : en effet le mot ρεγεών n’est pas grec ; les Hellènes ont adopté fort peu d’expressions latines, et surtout ils ne s’y sont mis qu’assez tard. Il s’ensuit qu’ils n’auraient fait emploi de celle-ci que pour traduire littéralement la terminologie administrative romaine, et sur ces indications on aurait pu raisonnablement discuter. Or, sauf erreur de ma part, il n’y a qu’un exemple actuellement connu ; une inscription porte : βοηθός έπιτρόπων ρεγεών Φιλαδελφηνής[17], en latin : adiutor procuratorum regionis Philadelphenæ. Il serait bien singulier qu’il y eût des procurateurs, fonctionnaires d’un ordre assez élevé, dans une petite circonscription financière comme le serait la 144e partie de l’Asie. L’adiutor seulement y était-il préposé ? C’est un correctif, si l’on veut ; il n’en reste pas moins un peu suspect que, si regio égale civitas, du moment que la civitas, comme nous le savons positivement, perçoit elle-même le tribut dû par les citoyens, elle ait chez elle un adiutor procuratorum. Supposons au contraire que la regio soit une division intermédiaire entre la civitas et la province procuratorienne, l’adiutor devient en même temps un agent intermédiaire entre le procurator et les δεκάπρωτοι de la cité, agents financiers à divers degrés. ‘Ρεγεών est peu employé ; regio l’est un peu plus. Pline connaît[18] : Regio Apamena, Regio Eumenetica, Regio Milesia. Or Apamée, Euménie, Milet, Philadelphie sont parmi les grandes villes de l’Asie ; je ne crois pas qu’on en puisse trouver plus de 44 de cette importance. De plus, elles sont fort éloignées les unes des autres ; Apamée et Euménie seules sont assez voisines, mais situées dans une région de Phrygie à population très dense. Il n’y a pas là de difficulté. Il y en a ailleurs, je le reconnais volontiers[19] : Cassiodore, écrivain du VIe siècle, ne mérite pas une confiance absolue, parlant de choses bien antérieures à son époque ; son témoignage, en outre, est isolé ; les inscriptions sont muettes sur la question, à une exception près ; mais on comprend que cette circonscription financière ait peu intéressé les indigènes. J’ajoute que Sylla, dans Appien, annonçant aux Asiatiques qu’il allait répartir entre eux les contributions κατά πόλεις, se préoccupe avant tout de ce qu’on appelle, dans la langue financière moderne, la péréquation de l’impôt. C’est une manière de leur dire qu’aucune cité ne paiera relativement plus que sa voisine ; et cela avait un intérêt capital pour les populations, bien plus que l’existence, au-dessus d’elles, d’une circonscription territoriale, qui, si elle existait réellement, concernait avant tout les agents de Rome. Les deux passages de Cicéron s’expliqueraient aussi : il était bien libre de ne faire allusion qu’a la répartition au premier degré. S’il parle de la Sullæ descriptio des villes, c’est peut-être que Sylla s’est occupé à la fois de la perception du tribut dans les villes, puis de la façon dont ces sommes seraient centralisées entre les mains du receveur d’une regio plus vaste[20]. Je serais donc porté à croire que Sylla a fait deux choses : organisation de la rentrée des taxes à l’intérieur des cités, délimitées d’une façon bien moins immuable qu’on ne l’a dit ; établissement d’une circonscription financière supérieure, d’autant plus concevable qu’il en fut établi d’analogues dans d’autres provinces de l’Empire. Ce n’est évidemment qu’une hypothèse, qui demande confirmation, et j’ai montré suffisamment que je ne méprisais pas les doctrines opposées, en plaçant ici même cette discussion, an lieu de renvoyer la question des régions de Sylla au chapitre des impôts[21]. § 2. — CITÉS ET SIMPLES BOURGS. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, une chose demeure indubitable ; c’est que tous les groupements urbains n’avaient pas la même importance ni les mêmes droits vis-à-vis les uns des autres ; les uns, dans une certaine mesure, faisaient la loi aux autres. Celte dépendance de telle localité à l’égard de sa voisine ne nous est malheureusement connue que dans un très petit nombre de cas. On sait que la langue juridique des Grecs n’avait pas cette netteté qu’il faut reconnaître à celle des Romains et qu’ils mettaient moins de scrupule h. l’employer avec rigueur. Or ce sont surtout des témoignages d’origine hellénique qui pourraient nous éclairer sur ce point. Le mot πόλις, pratiquement, sert aussi bien à désigner la cité maîtresse seule que celle-ci accrue des territoires auxquels elle commande ; et le nom particulier de la ville ne l’individualise pas moins isolément qu’unie au district géographique qui en dépend. On trouve des formules comme : τήν έν Μιλήτω Άβυδον[22], ou : έστι καί έν Κυζίκω κώμη Μέλισσα[23]. Des dépendances de la cité ne sont quelquefois indiquées que par une épithète ajoutée à celle-ci[24] ; une inscription débute ainsi : Suivant les décisions du conseil et du peuple de la très brillante ville métropole de Téménothyra τής Μοκαδηνής[25], et l’on a reconnu que celle formule indiquait souveraineté de Téménothyra sur les παρά τήν Βιθυνίαν Μοκκαδηνοί, δήμος de Grande Phrygie cité par Ptolémée[26]. Il semble bien établi que ces communes, rurales ou urbaines, placées sous l’autorité d’une autre, n’ont pas d’existence à l’égard de Rome, qui ne les considère et ne veut avoir de rapports avec elles qu’à travers la cité maîtresse et par son intermédiaire. Comment sont-elles généralement qualifiées ? Le terme le plus fréquent est celui de κώμη, assez analogue au latin vicus. On rencontre souvent aussi le mot κατοικία. M. Foucart a montré[27] que c’était un synonyme de κώμη[28]. Pourtant il est susceptible de significations variables ; Strabon l’a même employé pour de véritables villes[29]. Le sens un peu flottant du mot κατοικεϊν est révélé suffisamment par des formules comme : αί έν υή Άσία κατοικοΰσαι πόλεις[30] ou οί κατοικοΰντες ‘Ρωμαϊοι, qu’on lit très fréquemment. Il semble pourtant qu’en général, sous l’Empire, κατοικία ait servi surtout à désigner les communautés, très nombreuses et florissantes en Asie-Mineure, urbaines sauf qu’elles n’avaient pas le droit de villes, pour lesquelles le mot κώμη paraissait moins convenir[31]. En fait, la κώμη a généralement, par la tolérance, non pas de Rome, mais de la cité dont elle relève, une sorte de constitution indépendante, calquée sur celles des πόλεις[32] ; une inscription, copiée par Buresch en Lydie, près d’Hyrcanis[33], porte à la ligne 5 : έκ τώ]ν τής κώμης προσ[ό]δων, ce qui indique l’existence d’un patrimoine commun de la κώμη. Elle a également parfois ses assemblées[34] qui statuent sur l’érection des monuments[35] et élisent les magistrats du bourg ; dans l’inscription de Buresch on en voit qui s’appellent βραβευταί (l. 13) ; ailleurs nous trouvons des archontes, des prytanes, même une gérousie[36]. Un genre de magistrats spéciaux à ces communautés, ce sont les κωμάρχαι, en général au nombre de deux[37]. Mais, malgré cette apparence d’autonomie, les κώμαι paient un impôt à la ville et relèvent éventuellement de ses tribunaux. Ce ne sont pas toujours des agglomérations sans importance ; il arrive qu’elles représentent des bourgs ayant eu rang de villes, mais qui ont perdu leur autonomie en raison de la dépopulation[38] ou à la suite d’événements politiques[39]. Quelquefois au contraire ces bourgs, devenus prospères et populeux, étaient élevés par les Romains au rang de cité, ou bien on réunissait plusieurs localités voisines en une commune. Certaines d’entre elles ont changé de condition plusieurs fois : Orcistus, dans la Phrygie Salutaire, avait été d’abord une ville assez importante[40] ; elle perdit son droit de cité après Marc-Aurèle et devint une simple κώμη dépendant de la ville voisine de Nacoleia, à qui ses propriétaires fonciers durent payer l’impôt désormais. Et en 331 seulement, Constantin lui rendit son rang de ville[41]. Les Romains étaient-ils favorables à la multiplicité des bourgs, ou préféraient-ils les cités indépendantes ? Il nous est assez malaisé de le dire positivement. Cependant on croit remarquer qu’ils tenaient à ce qu’il y eût en Asie un grand nombre de villes moyennes, et en effet elles firent la prospérité du pays. Des cités trop puissantes auraient été peut-être pour eux une gêne ; ils n’ont pas dû accorder souvent à des villes des territoires voisins ; nous avons des exemples de ces libéralités, mais elles servent à récompenser des services signalés rendus à Rome dans ses guerres. Ce qu’ils ont voulu supprimer surtout, je crois, ce sont les associations de bourgs. Une inscription des environs de Tralles, du IIIe siècle av. J.-C., mentionne un κοινόν Ταρμιανών[42]. Il est possible que Ταρμιανοί désigne les habitants d’un certain nombre de bourgades formant un Koinon. Une autre inscription en effet indique les magistrats du Koinon[43] ; ils ont été pris pour une dédicace dans les différents bourgs. Cinq de ceux-ci sont indiqués ; parmi eux, des noms nouveaux ; mais le premier des magistrats est qualifié de Ταβηνός. Il se peut qu’il s’agisse ici de Tabæ, la ville de Carie, qui aurait d’abord fait partie de ce Koinon et s’en serait détachée ensuite. On lui aurait peut-être attribué une partie des autres κώμαι de noms inconnus, le restant ayant été donné à d’autres villes, afin de rompre le groupement primitif. Les Romains ont fondé peut-être un certain nombre de villes en Asie ; j’entends qu’ils auraient créé des agglomérations sur des points de leur choix ; mais surtout ils firent naître de nouvelles municipalités, et, sans fixer des familles dans une région déterminée, ils donnèrent à celles qui n’y trouvaient déjà une organisation de type hellénique, ou ils élevèrent au rang de cités de modestes groupements de population. C’est ainsi que devint une ville, au commencement du IIe siècle, sous le nom d’Hadrianopolis, la simple κώμη de Lydie qui s’appelait Stratonicée[44]. Si Hiérakomé, après l’an 17, prit le nom de Hiérocésarée, ce n’est pas seulement parce qu’Auguste la releva de ses ruines ; à cette date commence son monnayage[45], elle devint donc une πόλις. La même hypothèse est permise pour Bagis qui, dénommée Caesarea, frappa des pièces à partir de Néron. L’officine de Daldis n’entre en activité qu’au temps des Flaviens, par le bienfait desquels elle fut sans doute élevée au rang de cité, en même temps qu’ils lui donnaient le nom de Flaviopolis ou Flavia Caesarea. Quant à Dioshicron, dont aucune monnaie n’est anlérieure à Auguste, ce devait être primitivement une simple citadelle ; un ancien πύργιον est encore reconnaissable dans le nom du village moderne de Birghi[46]. On en dira autant, pour le même motif, de Clannuda, qui semble, dès le début de l’Empire, avoir été rendue indépendante de Blaundus, sa voisine. Sala devint un jour Domitianopolis ; or justement on n’a d’elle aucune monnaie antérieure au IIe siècle. Tmolus n’était sans doute qu’un lieu-haut avant de passer ville sous le nom d’Aureliopolis, par la faveur de Marc-Aurèle[47]. Au Nord-Est de Pergame, suivant Strabon, et jusqu’à la Phrygie Épictète s’étendait le district des Mysiens Abbaïtæ. Ils ont émis bon nombre de monnaies, tontes antérieures à l’Empire, qui portent : ΜΥΣΩΝ ΑΒΒΑΙΤΩΝ ; leurs voisins, les Phrygiens Épictètes, ont, également à la même époque, frappé des pièces qui présentent la légende : ΕΠΙΚΤΗΤΕΩΝ. Il semble donc qu’au Ier s. av. J.-C., ces deux peuplades étaient organisées en communautés régulières et jouissaient d’un des principaux privilèges appartenant à la véritable πόλις, le droit de monnayage. Waddington a justement remarqué[48] que sous les Empereurs, peut-être déjà au temps de la République romaine, leur condition paraît avoir été modifiée. Leurs noms ne se rencontrent plus sur les monnaies, mais à leur place on trouve ceux des villes qui s’élevèrent sur leur territoire, Ancyre, Synaus, Cadi, etc., villes dont on ne connaît pas de monnaies antérieures à Claude, alors que celles des Abbaïtae et des Épictètes, toutes plus anciennes qu’Auguste, pourraient même bien remonter au IIe siècle avant notre ère. On peut conclure que quelques-unes des petites agglomérations locales qui formaient les deux groupes nommés ci-dessus prirent plus d’importance au début de l’Empire et lurent constituées en communautés indépendantes, alors que, primitivement, simples bourgs ou villages, elles faisaient partie d’un même district, dont le mode de gouvernement n’est pas connu[49], et dont le centre principal devait être Ancyre, à en juger par son nom[50]. Toute cette région montagneuse des environs des Abbaïtae, s’étendant entre l’Ida et l’Olympe, est restée longtemps, jusque sous Hadrien, sous l’hégémonie de gens d’allures douteuses, moitié princes, moitié chefs de bandits. Les Césars ont tâché d’établir là des municipalités à organisation régulière ; ils ont fondé, ou plus probablement élevé au rang de villes Tiberiopolis, Hadriani et Hadriani Therae ; il est à remarquer que ces noms dérivent de noms d’Empereurs. Dans les régions d’accès un peu difficile, la civilisation hellénique n’a pas pénétré aussi complètement, ni surtout aussi vile que le souhaitaient les Romains. Ils avaient donné à l’Asie un gouvernement sénatorial, c’est-à-dire trop dépourvu d’initiative. Des centres nouveaux se formèrent cependant et en assez grand nombre ; mais alors on croit reconnaître l’intervention personnelle d’un César[51], qui apparaît avec une grande netteté en ce qui concerne Sébaste de Phrygie. Nous avons conservé des fragments d’un poème mutilé[52], dont la fin contenait une narration, non pas mythique, mais historique, de la naissance de cette ville. Son nom même, sa numismatique[53] montrent qu’elle avait été fondée ou au moins agrandie par Auguste ; l’inscription, déchiffrable à partir de la ligne 1J, laisse voir dans quelles circonstances et à quelle époque. Au début on distingue la mention d’une assemblée des dieux, dans laquelle une prophétie fut faite par Dionysos touchant la future Sébaste. Aux lignes 15 et suivantes, on peut restituer le récit en ces termes : Pendant son séjour en Asie, après Actium, Octave, voulant connaître les desseins d’Apollon, envoya consulter l’oracle phrygien ; il en reçut sans doute une prédiction encourageante, que les événements confirmèrent, car le triumvir, devenu empereur à Rome, voulant prouver sa reconnaissance et exécuter la prophétie de Dionysos, fit rassembler les populations avoisinantes[54] et les établit dans la plaine, au pied du temple qui se dressait sur la hauteur. Et la ville fut appelée de son propre nom, Sébaste[55]. Buresch est d’avis qu’il y eut là, en réalité, une reconstruction. Sous Auguste s’accomplirent plusieurs deductiones coloniarum ; beaucoup de villes d’Orient se nommèrent en son honneur Καισάρεια, Σεβαστόπολις et Σεβαστή (ainsi dans le Pont, la Cilicie, la Judée). Hiérocésarée, antérieurement appelée Hiérakomé, avait été restaurée par Auguste. Sébastopolis se nommait primitivement Myrina[56] ; sous Auguste, ce devint ό δήμος ό Καισαρέων Μυριναίων[57]. Tralles avait été détruite en 26 avant J.-C., par un tremblement de terre ; Auguste la reconstruisit[58] en y envoyant une colonie (άποικία). La ville nouvelle, par reconnaissance, s’appela, durant de longues années, Καισάρεια ; et nombre d’inscriptions mentionnent les Romains qui habitaient Tralles. Buresch conclut : Si l’on considère ces divers exemples et le fait du voisinage des villes secourues par Auguste après les tremblements de terre, ou n’hésitera pas à ranger Sébaste dans la même catégorie. Et cette solution ne contredit nullement le témoignage cité plus haut. Auguste nous apparaît ainsi comme ayant été en Asie un très actif constructeur et réparateur de villes ; il est probable que son initiative se montra surtout avant l’attribution de la province au Sénat. L’intervention romaine est moins facile à surprendre dans les cas où le nom de la ville n’a rien de latin[59]. Il est visible que certaines contrées de l’intérieur, en Carie notamment, doivent aux Romains les bienfaits du régime municipal ; on n’y trouve pas d’inscriptions ni de monnaies antérieures à leur occupation ; néanmoins ce n’est pas une preuve absolue qu’avant eux l’hellénisme n’y avait aucunement pénétré. Stèles gravées et monnaies se sont multipliées sous l’Empire, grâce à la vanité municipale, qui n’a jamais obtenu aussi libre cours que sous les Césars. Pour résumer tout ce qui précède, nous dirons que Sylla a probablement fait une première délimitation provisoire des cités ; celles-ci, ou beaucoup d’entre elles, ont possédé des bourgs ou villages éparpillés dans les alentours. De ceux-ci, les Romains ont tâché de réduire le nombre en élevant quelques κώμαι au rang de cités, afin de multiplier les centres de vie locale el d’éviter le péril des trop grandes métropoles. Enfin, ils ont eux-mêmes fondé des villes. Quelle situation ont-ils faite aux diverses municipalités ? C’est ce qu’il nous faut maintenant lâcher d’éclaircir. § 3. — VILLES LIBRES ET VILLES SUJETTES. On se laisserait facilement induire en erreur par cette qualification de libre qu’on voit donnée abusivement ou à des villes ou à des pays entiers en réalité tributaires. Tite Live dit de l’Asie[60] : Aristonicus Eumenis regis filius Asiam occupavit, cum testamento Attali regis legata populo Romano libera esse deberet. Ici, comme l’a noté avec raison Marquardt[61], la liberté de l’Asie consiste en ce qu’elle ne doit pas être soumise à un roi. Théoriquement, le sujet est, sous l’antique royauté, un esclave, tandis que dans l’Empire romain c’est un homme libre[62]. Mais cette question est tout à fait indépendante de celle de savoir quelles villes sont libres et quelles villes ne le sont pas. Or, il y avait en Asie des unes et des autres. Le fait s’explique très facilement : Les cités des régions occidentales de l’Empire furent souvent créées par Rome elle-même, ou bien, lorsqu’elles tombèrent sous sa loi, elles n’avaient atteint qu’à un degré de civilisation encore assez faible ; une lu telle étroite leur convenait. Au contraire, dans les pays de langue grecque, les nouveaux maîtres trouvèrent un régime municipal très développé. La simple prudence leur conseillait de le maintenir, afin de rendre leur domination beaucoup plus légère, plus supportable ; et, du reste, l’existence de pouvoirs locaux déjà bien ordonnés allait faciliter, loin de l’entraver, le fonctionnement des rouages de leur administration provinciale, activer son œuvre. En Orient, ils devaient surtout consolider le passé et, pendant les deux premiers siècles au moins de l’ère chrétienne, les relations des villes avec Rome sont bien loin de présenter le caractère d’uniformité qu’elles eurent plus tard[63] ; mais surtout il importe de ne pas s’en tenir à la lettre de leur qualification officielle ; il y a des villes officiellement libres dont la liberté est fort limitée, des villes sujettes qui ont une grande liberté de fait, sans aucune garantie, par simple tolérance. Les privilèges des municipalités pouvaient avoir deux origines : un acte unilatéral des Romains, loi ou sénatus-consulte, ou bien un traité (fœdus) entre Rome et la ville. D’où deux genres de villes : civitates fœderatae et civitates sine fœdere immunes et liberae, et si l’on ajoute les villes non libres ou stipendiariae, soumises au tribut (stipendium), on arrive à une terminologie tripartite, parfaitement signalée par Servius[64] et par Appien[65]. M. Mommsen déclare[66] qu’elle ne s’applique pas à l’Orient. Je n’ai pas à examiner la question pour l’Orient tout entier ; je m’en tiens à la province d’Asie. D’après M. Mommsen lui-même, ce qui donnait toute sa force au lien du fœdus, le mettait à l’abri d’une révocation soudaine en vertu du bon plaisir de Rome, c’était l’échange de serments qui accompagnait celui des paroles. Y eut-il des traités d’alliance conclus entre des peuples d’Asie selon cette forme solennelle ? Il y a tout lieu de croire que cette garantie dut s’ajouter à toutes les conventions de cet ordre passées avant la constitution de la province. Les deux parties traitaient alors, en théorie tout au moins, d’égale à égale. Polybe, signalant l’habileté des Rhodiens, qui avaient su participer longtemps aux succès militaires des Romains sans conclure avec eux aucune alliance, ajoute qu’ils ne voulaient pas προκαταλαμβάνειν σφάς αύτούς όρκοις καί συνθήκαις[67]. Ils finirent cependant par en comprendre les avantages et les solliciter. D’abords éconduits[68], ils arrivèrent à leurs fins un an plus tard, en 164 av. J.-C.[69] La συμμαχία fut encore renouvelée ultérieurement, et plusieurs fois[70] il nous est parlé des serments prononcés à celle occasion. Rhodes a ainsi, parmi les cités d’Asie, une place à part[71] : seule, antérieurement au legs d’Attale, elle avait lié ses intérêts à ceux de Rome par un traité juré. El il semble bien que la métropole ait respecté ses engagements pendant toute la durée du régime républicain ; mais les choses changèrent dans la suite. Quand elle eut annexé les territoires composant l’héritage du roi de Pergame, les alliances conclues par Rome sous serment changèrent forcément de nature. C’était une marque de bienveillance et de faveur qu’elle accordait en fait à des sujets méritants. Astypalée, si nos informations ne sont pas incomplètes, fut la première à en profiter. Elle devint l’alliée de Rome en 649/105[72], et Méthymne signa une convention analogue vers la même époque ; nous le savons par une double série de témoignages épigraphiques, entre lesquels on a signalé une concordance littérale[73]. Mais, on l’oublie trop, les inscriptions en question sont à ce point mutilées que les restitutions proposées gardent un caractère encore assez hypothétique, en dépit de ce rapprochement des deux traités ; et même avec ces restitutions peut-être aventureuses, on n’arrive qu’à des clauses très sommaires qu’on peut résumer ainsi : Amitié et alliance entre Rome et Astypalée (ou Méthymne) ; pas de guerre entre elles ; aucune des deux ne laissera passer sur son territoire les ennemis de l’autre ou ne les aidera de quelque façon que ce soit. Au contraire, chacune secourra son alliée. Il n’est pas fait mention de l’autonomie d’Astypalée ; mais le rôle que la ville joue le suppose forcément. Pourquoi Rome a-t-elle conclu un pacte avec ces deux villes plutôt qu’avec d’autres ? Ce n’est point clair ; on croit deviner seulement, d’après les termes mêmes des inscriptions, que les navires d’Astypalée et de Méthymne, places maritimes, pouvaient être appelées à rendre de grands services à leur soi-disant alliée, la métropole. La prestation de serments est exprimée dans les deux textes[74]. Le cas d’Aphrodisias (unie à Plarasa) est plus singulier. Nous avons à son sujet une lettre du triumvir Marc-Antoine[75], qui envoie aux habitants copie de nos bonnes grâces pour vous. — En toute justice, dit le texte, libre et autonome sera la cité de Plarasa-Aphrodisias. Les honneurs accordés par les triumvirs sont ratifiés ; le sénat et le peuple de Plarasa-Aphrodisias acceptent la liberté et l’immunité, comme toute ville jouissant de la condition la meilleure, au point de vue des droits et des devoirs ; la cité devient amie et alliée du peuple romain. La lettre de Marc-Antoine rappelle qu’un serment fut prêté[76] : il y eut donc des engagements réciproques ; quels étaient ceux d’Aphrodisias ? Nous l’ignorons. Rien de pareil en la forme à ce que nous avons vu dans les traités d’Astypalée et de Méthymne. La liberté semble avoir été donnée à la ville pour la première fois par César, sans doute en récompense de sa fidélité envers Rome au cours des différentes guerres que celle-ci soutint en Asie ; car la Carie montra peu de complaisance pour Mithridate. Et cet avantage fut octroyé à Aphrodisias à une époque où elle faisait déjà partie de la province. Dans quelle intention les Romains en firent-ils une ville fœderata ? Il nous semble impossible de l’apercevoir ; très probablement ces mots : ami et allié, ne représentent qu’un titre honorifique ; le serment qui donna plus de solennité à ce contrat de parade était une concession aux vieilles formes. Je ne suis pas moins convaincu du caractère véritable des conventions conclues avec Rome par la ville de Cnide. L’éditeur du texte qui les rappelle, M. Matzas, le date avec beaucoup de vraisemblance de l’an 29 avant J.-C.[77] La victoire avait donné à Auguste, et définitivement, l’empire du monde. Une alliance conclue et jurée avec cette petite ville ne pouvait être pour celle-ci qu’une récompense de services rendus que nous ne connaissons pas. Il n’eu est pas moins vrai qu’on entrevoit les stipulations ordinaires des traités à travers les lambeaux de phrases déchiffrés sur ce monument très mutilé. Que penser maintenant de la situation de Mytilène ? Elle avait perdu sa liberté en raison de son attitude favorable à Mithridate, Pompée la lui restitua, nous dit Velleius Paterculus[78] ; et vers le moment où un hasard, l’amitié de Pompée pour un Lesbien, lui vaut cette faveur, elle peut conclure un traité avec Rome, traité qui paraît avoir été renouvelé, on ne sait pourquoi, sous Auguste[79]. La deuxième partie de ce document, restituée d’une façon un peu hypothétique, porterait les mêmes clauses que le traité d’Astypalée. Resterait pourtant cette différence qu’aucun serment ne fut prononcé. Sur un point de l’Italie, on a trouvé deux inscriptions à côté l’une de l’autre ; la première faisait mention du roi Mithridate Philadelphe et Philopator, la seconde portait : ό δήμος Ταβηνών φίλος καί σύμμαχος Ρωμαίων[80]. M. Mommsen a montré[81] qu’il y avait là une série de statues élevées à Jupiter Capitolin par des rois et des villes d’Asie Mineure. Les deux fragments ci-dessus rappelés ont seuls été conservés. Or si l’on comprend une alliance de Rome avec le roi de Pont, celle où entre le peuple de Tabæ ne saurait être prise que pour une récompense, supposée conclue à la même date. D’après le sénatus-consulte de Lamina, plusieurs fois cité, le sénat concéda aux habitants de Stratonicée (l. 41 et 82) δικαίοις καί νόμοις καί έθισμοΐς τοΐς ίδίοις οΐς πρότερον έχρώντο, όπως χρώνται, ce qui revient à la formule latine : ut legibus antiquis uterentur permissum (ou eique legibus sueis utunto), aux termes de laquelle les Romains avaient coutume de conférer à une ville αύτονομία et qualité de civitas sine fœdere libera et immunis[82]. Or nous voyons pourtant dans le même document que le sénat renouvelle la συμμαχία avec les Stratonicéens. Le cas d’Alabanda est encore plus énigmatique. Après la défaite d’Antiochus, en 189, elle demanda aide et protection au consul Manlius[83]. En 170, elle envoya des ambassadeurs qui sollicitèrent du Sénat la permission d’offrir une couronne d’or à Jupiter Capitolin, et elle consacra un temple à la déesse Rome, célébrant en son honneur des jeux annuels[84]. En 168, quand le Sénat déclara libres la Carie et la Lycie, antérieurement attribuées à Rhodes, elle s’empressa de soutenir les sujets révoltés de cette île[85]. Elle fut battue avec Mylasa, son alliée, mais il ne lui fut pas inutile d’avoir servi la politique romaine. Une inscription gravée peu après la première guerre contre Mithridate[86] mentionne notamment l’envoi d’une délégation auprès du Sénat romain pour renouveler et confirmer les relations d’amitié avec Rome. Les premiers éditeurs[87] ajoutaient : et conclure avec elle une alliance effective ; la ville se serait aussi élevée, dans ses rapports avec Rome, à un niveau supérieur et plus honorable. Mais M. Holleaux a pu contester les chances d’exactitude de cette dernière conclusion[88]. En dehors des monuments épigraphiques, peut-on tirer quelque éclaircissement des textes littéraires pour la solution de cette question ? M. Henze l’a essayé[89] sans aboutir à un résultat satisfaisant. Il constate l’abus qui a été fait du mot ένσπονδος (fœderatus), non moins que de celui d’έλεύθερος ; la terminologie exacte n’est pas respectée par les auteurs. Mytilène, d’après les inscriptions, paraît bien être fœderata ; or, Pline l’Ancien l’appelle simplement libera[90] ; bien mieux, il passe sous silence l’autonomie de Méthymne, pourtant fœderata ex jurejurando. Il y a plus : le fœdus indique alliance ; mais une grande incertitude persiste sur la valeur des mots societas ou socitis, συμμαχία ou σύμμαχος. Cicéron[91] et Tite Live[92] opposent socii à hostes ; les Grecs auraient alors traduit par σύμμαχοι ; mais, en ce sens, ce n’est plus la même chose que fœderati. Il se peut bien que des σύμμαχοι, sans traité, aient suivi, par intérêt ou autrement, la cause des Romains. Il est de fait aussi que Cicéron, — imitant en cela un usage peut-être courant, — finit par appeler socii tous les provinciaux. Il qualifie de la sorte les habitants de Lampsaque[93] ; or, il n’est pas certain que ce fût une ville libre[94]. Ajoutons que le Sénat romain, qui devait employer à bon escient les formules juridiques, appelle ainsi des peuples non libres[95]. Ici donc nous allons encore plus loin : amis et alliés n’impliquerait même aucune idée de liberté. Que conclure de tout ceci ? Je constaterai en somme qu’il n’y a que trois cas de συμμαχία ou de fœdus assez caractérisés : celui de Rhodes et ceux d’Astypalée et de Méthymne. L’un est antérieur à la formation de la province d’Asie ; les deux autres datent d’une époque où la ville intéressée pouvait bien n’y être pas encore entrée. Une fois la province constituée, je crois certain, avec M. Mommsen, qu’en Asie la notion du fœdus, telle qu’elle resta comprise ailleurs, s’est perdue, et que ces chutâtes fœderatae s’opposent simplement aux civitates stipendiariae. Les Grecs aimaient beaucoup les formules sonores, quoique vides, et à cela peut-être se réduit le mystère du titre glorieux dont l’explication nous a quelque temps retenus. Nous voilà donc en présence d’une double division seulement : villes libres et villes sujettes[96]. La liberté comprenait théoriquement : une administration autonome, avec des assemblées politiques, des magistrats particuliers et une juridiction propre, le droit de percevoir des impôts sur le territoire de la ville, l’exemption de tout tribut à payer à Rome (l’immunité), la dispense de recevoir des garnisons romaines (d’où le nom d’άφρούρητος), le jus exilii ou droit de recevoir des exilés et celui de battre monnaie, dans la mesure tolérée par Rome. Nous verrons tout à l’heure ce qu’il advint, au cours des temps, de ces divers privilèges. Demandons-nous d’abord suivant quel principe de choix Rome les attribua a certaines villes et non à d’autres. En général, elle se montra conservatrice en Orient ; il n’est donc pas sans intérêt, à ce point de vue encore, de connaître la situation antérieure à sa domination[97]. Sous les Attalides, toutes les villes d’Asie n’étaient pas placées sur le même rang : il y en avait de libres et autonomes ; d’autres étaient soumises au tribut. Ville libre depuis 188[98], Milet devait l’être encore vers 140 av. J.-C., puisque le Sénat romain, entre 146 et 135, donna aux habitants l’arbitrage du conflit entre Lacédémone et Messène[99]. En 135, il en était de même de Priène et de Samos, puisque c’est Rome, et non pas le roi Attale, qui trancha le différend entre elles[100]. En 139, le consul L. Calpurnius Piso avait adressé une décision favorable aux Juifs[101] à certaines villes que Josèphe appelle αύτονομουμένας πόλεις[102]. On trouve dans le nombre des villes de Carie : Myndos, Halicarnasse, Cnide. A côté de ces villes, on regardait encore comme autonomes, à l’arrivée des Romains : Lampsaque, Rhodes, Gos, Héraclée du Latmos, Abydos, Chios, Clazomène, Alabanda, Cymé, Cyzique, Dardanos, Erythrée, Ilium, Magnésie du Méandre, Mytilène, Mylasa, Phocée, Smyrne, Ténédos[103]. Quelle fut, à leur égard, l’attitude de M’. Aquilius et de la commission sénatoriale des Dix, qui opérait avec lui ? Nous l’ignorons, mais nous ne sommes pas sans renseignements sur la situation de ces villes dans les années qui suivirent ; et cela permet quelques aperçus. Liberté et autonomie entraînaient alors, comme principal avantage pratique, immunité, dispense du tribut ; or les Romains s’étaient jetés sur l’Asie avec une ardeur qui avait des fins toutes pécuniaires ; cette dispense ne dut pas leur agréer, et nous voyons bien que devant leur avidité la liberté de beaucoup de villes a succombé. D’abord, on devine qu’il en fut ainsi pour toutes les cités de Carie ; aucune d’elles n’est plus nommée comme libre depuis l’annexion (à part Cnide, qui le redevint plus tard)[104]. Sous Sylla, Milet et Clazomène ne sont plus libres, car un sénatus-consulte oppose leurs tribunaux à ceux des έλεύθεραι πόλεις[105]. Abydos, Dardanos, Cymé, Phocée se virent restituer, pour peu de temps, la liberté par Pompée ; c’est donc qu’elles l’avaient perdue dans l’intervalle[106]. Pour Lampsaque, Priène, Erythrée, nous n’entendrons plus parler désormais de leur autonomie. Quant à Cos, Auguste, le premier, semble lui avoir accordé à nouveau quelque faveur[107]. Ténédos perdit ses avantages un peu plus tardivement[108]. En somme, qu’il en faille faire remonter la responsabilité à M’. Aquilius ou à d’autres, les Romains, au début de l’occupation, semblent n’avoir plus voulu connaître de villes libres et surtout de villes dotées de l’immunité. Les idées reçues, l’intérêt fiscal y mettaient obstacle. Il n’est plus question de privilèges à cette époque, ou pas encore. Astypalée reçoit la liberté en 105, mais elle ne l’obtient que d’un traité spécial avec Rome[109] ; Apollonide de Mysie est également libre au temps de Cicéron[110]. Et on ne connaît pas d’autres exceptions. Les Romains de la fin du IIe siècle n’entendaient donc pas se dépouiller des avantages du tribut. L’Asie, en passant sous leur domination, commença par être moins heureuse que sous les Attales. Faut-il en conclure à un ressentiment qui aurait poussé les Grecs à ouvrir leurs portes à Mithridate ? Ce serait une déduction naturelle, mais un peu hâtive. Si l’on regarde la liste, dressée plus haut, des cités autonomes avant l’époque romaine, on verra que ce sont presque exclusivement des villes de la côte ou des îles. Or nous avons constaté précisément que ce sont celles qui résistèrent le plus longtemps au roi de Pont ; et on en peut dire autant des villes de Carie, brutalement dépouillées. Les Grecs étaient-ils donc taillables à merci ? On pouvait le croire. Pourtant Sylla paraît avoir changé de lactique après la guerre de Mithridate ; il confirma leur liberté à Chios, Ilium, Magnésie du Méandre, Rhodes, qui l’avaient alors peut-être virtuellement gardée[111], et il la donna à Stratonicée de Carie, qui ne l’avait jamais eue[112] ainsi qu’à une petite fédération carienne[113]. Son idée était de récompenser les cités qui avaient montré quelque dévouement à la cause romaine. La récompense n’avait rien de platonique, d’illusoire ; la liberté entraînait immunité, car nous voyons les gens de Stratonicée se plaindre, parce qu’entre les décrets de Sylla et la ratification de ses actes par le Sénat, les dispositions prises en leur faveur n’ont pas été respectées, et qu’ils ont dû payer le tribut comme les habitants d’une simple ville stipendiaire. Privilège violé : donc privilège. Nous devons penser aussi que les taxes exceptionnelles dont Sylla frappa l’Asie, sous le nom de contributions de guerre, n’atteignirent pas les cités qu’il avait déclarées libres. Peu lui importait du reste ; il avait fixé la somme qui lui serait remise ; il savait que la province pourrait, quoique avec peine, la lui fournir, quand même il y aurait quelques participants de moins. La différence de traitement qu’il établissait entre les villes, suivant leur attitude, servait à montrer que Rome savait faire la distinction entre ses loyaux sujets et les déserteurs ou les traîtres. La satisfaction que pouvaient en ressentir les premiers provoquerait sans doute entre les localités d’Asie une certaine émulation, une rivalité de zèle et de fidélité à l’égard de la métropole, celle-ci ayant en outre en main un moyen de coercition efficace et immédiat, dont elle userait le cas échéant, du jour au lendemain, le retrait de la liberté. Un exemple éclatant fut fait précisément alors : Mytilène, longtemps rebelle, perdit son autonomie, surcroît de punition pour la cité déjà partiellement détruite[114]. L’extrême fragilité de cette liberté est facile à constater pendant tout le début de l’Empire, et aussi la futilité ou le caractère strictement personnel des mobiles qui poussèrent certains généraux ou certains Empereurs à favoriser telle ou telle ville. C’est Mytilène qui se voit réintégrer dans ses anciens privilèges par Pompée, en témoignage d’amitié pour un de ses habitants ; c’est Cnide qu’affranchit César pour plaire à un des notables[115] ; c’est Samos, qui est gratifiée de même par Auguste, sou hôte pendant quelques mois[116] ; nous avons constaté qu’elle avait eu autrefois l’autonomie ; elle l’avait donc perdue dans l’intervalle. Pline l’Ancien nous donne[117] la liste des villes libres à l’époque d’Auguste : Caunus, Termera, Mylasa, Alabanda, puis Cnide et Aphrodisias, redevables à César de cette faveur[118], Stratonicée, Rhodes, Ilium, Chios, encore en possession des privilèges qu’elles tenaient de Sylla, Samos déjà nommée ; et il faut y joindre Méthymne et Astypalée, dont la situation un peu spéciale a été examinée plus haut. Que l’on compare cette liste avec les précédentes, on verra que le mouvement inauguré par Sylla ne s’est guère prolongé ; très peu de cités, après lui, ont été pourvues d’une autonomie qu’elles n’avaient pas alors, et quelques-unes, qui l’avaient eue, ne l’ont pas conservée ; la nomenclature de Pline ne comprend plus Magnésie, ni Apollonide, ni Méthymne ; elle ne parle pas non plus de Cyzique dont la liberté a subi de singulières vicissitudes : cette ville changeait d’état de quinze ans en quinze ans ou à peu près. Passé le règne de Vespasien, il faudra encore retrancher peut-être de cette liste Rhodes et Samos[119], et dès le premier siècle de l’ère chrétienne il n’est fait mention d’aucune concession d’autonomie. Il me semble à propos de donner ici un tableau des villes d’Asie qui, à notre connaissance, ont eu la liberté à un moment quelconque de la domination romaine, ou même un peu avant. Il est impossible d’en essayer un classement méthodique ; l’ordre alphabétique me paraît donc indiqué. Abydos. — Fut libre avant la domination romaine, et grâce aux Romains (TITE-LIVE, XXXIII, 30). Alabanda. — Indépendante des Rhodiens, au temps où ceux-ci étaient maîtres de la Carie (TITE-LIVE, XLIII, 6 ; XLV, 25). Une inscription du début du IIe siècle (BCH, X (1886), p. 299) indique la conclusion d’une συμμαχία entre cette ville et Rome. Depuis lors, citée par Pline (H. N., V, 190). Aphrodisias (et Plarasa). — Amie et alliée de Rome (VIERECK, V = CIG, 2737), en vertu d’une déclaration de César ratifiée par Marc-Antoine et de serments échangés. Elle est citée par Pline simplement comme ville libre (V, 109). Apollonide. — Libre sous L. Valerius Flaccus, au temps de Cicéron (Pro Flacco, 29, 70). Astypalée. — Libre et fœderata depuis 105 av. J.-C. (VIERECK, XXI), mais pour une durée inconnue à partir d’Auguste (PLINE, H. N., IV, 71). Caunus. — Sylla l’avait donnée à Rhodes (CICÉRON, ad Q. fr., I, 1, 33), à qui elle paya un tribut ; mais les Cauniens se plaignirent des Rhodiens auprès des Romains, qu’ils auraient préférés comme maîtres (STRAB., XIV, 2, 3, p. 652 C). Il paraît que les Romains ne consentirent pas à cette cession amiable, et pourtant nous entendons dire que la ville subit la juridiction de Rome (CIC., ad Fam., XIII, 56, 3). Pline, dans sa liste, la mentionne (V, 104), mais au temps de Dion Chrysostome (Or. XXXI, p. 633 R) elle n’était déjà plus autonome. Chios. — Une des villes dont la liberté semble avoir été le plus complètement ininterrompue ; elle commence peut-être dès avant la guerre de Mithridate (TITE-LIVE, XXXVIII, 39), en tout cas, attestée à partir de Sylla, par Appien (Mithr., 25, 46) et, sous Auguste, par Pline (V, 136) et par une inscription (CIG, 2222). Clazomène. — Elle était libre avant qu’il n’y eût une province d’Asie (TITE-LIVE, XXXVIII, 39), mais sujette après la guerre contre Mithridate, car le sénatus-consulte de Asclepiade (KAIBEL, 163, 951 = BRUNS, Fontes juris antiq., p. 158) la représente comme soumise à la juridiction des magistrats romains. Cnide. — Libre sous les Attales, elle le redevient grâce à César (PLUT., Caes., 48) et demeure telle sous Auguste (PLIN., V, 104) mais dans des conditions meilleures, ayant fait un traité et échangé des serments avec Rome, peu après la bataille d’Actium (Άθηνά, XI (1899), p. 283-288). Cos. — Reçut quelques-uns des éléments de la liberté ; Auguste lui avait donné le jus exilii (DION CASS., LVI, 27) ; Claude demanda pour elle au Sénat l’immunité (TAC., Ann., XII, 61 : retutit de immunitate Cois tribuenda), cédant à l’influence de son médecin Xénophon, natif de Cos (cf. PATON and HICKS, Inscript. of Cos, n° 84-94). M. Hicks la suppose pleinement libéra depuis Pompée, mais simple hypothèse. Au temps d’Auguste, elle eut un tyran, Nicias (STRAB., XIV, 2, 19, p. 658 C ; ÆLIAN., H. Var., 1, 29) ; mais il dut prendre avantage de la confusion qui précède Actium, on n’en peut rien déduire pour notre point de vue ; et une inscription, contemporaine d’on ne sait quel Empereur, la suppose libre alors (BCH, V (1881) n° 23, p. 237 = PATON and HICKS, 26). Cyme. — Avait eu la liberté et l’immunité avant la formation delà province (POLYBE, XXII, 27 ; TITE-LIVE, XXXVIII, 39) et ne paraît pas l’avoir conservée. Cyzique. — Sa situation et les hasards de la guerre, peut-être aussi l’humeur un peu altière de ses habitants, la firent fréquemment passer d’une situation à l’autre. Elle était libre sous les Attalides (POLYBE, XXVI, 6, 13) ; elle ne montra pas une obéissance absolue à Mithridate dans la première guerre, et lui résista franchement dans la seconde (APPIAN., Mithr., 73-76). On lui fut indulgent et elle garda sous la République (STRAB., XII, 8, 11, p. 575 C) une liberté qu’Auguste suspendit pendant cinq ans (20-15 av. J.-C). Dion Cassius nous en donne (LIV, 7 et 23) les motifs, qui révèlent une sorte d’injures que les Romains ne pouvaient tolérer. Une inscription, publiée par M. André Joubin (Rev. Et gr., VI (1893), p. 8) honore une femme établie à Cyzique, qui y fit de grandes entreprises de travaux publics. Le décret dit (l. 6-7) qu’elle n’a pas considéré les Cyzicéniens comme une antique fondation de Cyzikos, mais comme un récent bénéfice d’Agrippa (νέαν Άγρίππα χάριν). Agrippa avait fait en l’an 15 un voyage en Orient ; c’est l’année où Auguste rendit la liberté à Cyzique ; peut-être Agrippa visita-t-il la ville et celle-ci dut-elle à son instigation ce retour de faveur. Elle fut dépouillée une fois de plus en 25 de notre ère, pour un nouveau manque d’égards (DION CASS., LVII, 24). Peut-être faut-il soupçonner là l’effet de quelque malveillance particulière, car Tacite dit à propos des délations qui avaient eu lieu sous Tibère (Ann., IV, 36) : On reprocha aux habitants de Cyzique de négliger les cérémonies du culte d’Auguste et de commettre des violences contre les citoyens romains ; et ils perdirent la liberté qu’ils avaient bien méritée dans la guerre contre Mithridate, qui les avait assiégés et qu’ils repoussèrent non moins par leur propre constance que par le secours de Lucullus (cf. aussi SUÉT., Tib., 37). Pourtant ils se servaient encore d’un calendrier spécial au IIe siècle (CIG, 3664), ce qui, d’après M. Mommsen (Dr. publ. rom., trad. fr., VI, 2, p. 340), est un signe certain d’autonomie. Dardanos. — Libre, grâce à l’intervention romaine, avant la formation de la province (TITE-LIVE, XXXVIII, 39). Éphèse. — Reçut peut-être la liberté sous la République, à en croire l’inscription suivante (CIL, I, 588) : Populus Ephesiu[s populum Romanum] salutis ergo quod o[ptinuit majorum] souom (= sui) libertatem. M. Mommsen (Dr. publ. rom., trad. fr., VI, 2, p. 362) interprète autrement cette dédicace : après la guerre de Mithridate, les Éphésiens remercient les Romains de leur avoir rendu la qualité d’hommes libres qu’ils avaient comme sujets romains, alors que, sujets du roi du Pont, ils seraient restés esclaves. Les mots salutis ergo rendent l’explication très vraisemblable. Seulement elle ne se concilie guère avec la doctrine du même auteur sur les calendriers municipaux. Il est établi que le calendrier solaire fut de bonne heure introduit à Éphèse, mais que les anciens noms de mois ioniques restèrent encore en usage jusqu’au H» siècle de notre ère (HICKS, IBM, III, 2, Prolegomena, p. 78). La ville aurait donc joui de la liberté à cette époque. Il faut choisir entre les deux hypothèses : l’argument tiré de l’emploi du calendrier spécial ne me parait pas décisif. Erythrée. — Libre seulement avant la formation de la province (POLYBE, XXII, 27 ; TITE-LIVE, XXXVIII, 39). Héraclée du Latmos. — Avait été tributaire d’Antiochus ; elle fut néanmoins peut-être quelque temps libre et immunis pour s’être rangée à la cause romaine (Rev. de philol., XXIII (1899), p. 275 sq.). Ilium. — Quand les Romains firent à Attale des concessions de terrain comprenant la Troade, ils en détachèrent Ilium, déclarée libre (TITE-LIVE, XXXVIII, 39, 10). Suspendue lors de la constitution de la province, cette liberté lui fut rendue par Sylla après la guerre de Mithridate (APPIAN., Mithr., 61). César la lui confirma avec l’immunité (STRAB., XIII, 1, 27, p. 595 C in.). Pourtant, ou bien cette immunité était incomplète, ou bien elle avait été violée et demandait à être proclamée à nouveau, car nous savons que Claude, sur la requête de Néron, alors âgé de seize ans, tint une harangue en grec, sur les origines troyennes de Rome, en l’an 53, et que les Iliens, sous ce règne, furent déclarés dispensés de toute charge publique (TAC., Ann., XII, 58 ; SUÉT., Claud., 25 ; Nero, 7 ; cf. HAUBOLD, De rébus Iliensium, p. 51). Antonin le Pieux conféra encore à cette ville des privilèges que nous étudierons plus loin. Lampsaque. — Les habitants furent soustraits à la puissance des rois de Pergame par les Romains, qu’ils en avaient sollicités (TITE-LIVE, XLIII, 6, 8-10 ; I Maccab., XV, 23). Aucune indication postérieure, hormis le passage où Cicéron qualifie ainsi les Lampsacéniens : condicione sorti, fortuna servi (Verr., II, 1, 32, 81). M. Mommsen interprète ces mots comme une définition — juste malgré l’enflure oratoire — de la συμμαχία, qui impliquait à la fois un assujettissement limité vis-à-vis de Rome et une indépendance politique également limitée. Magnésie du Méandre. — Cette ville avait, au début du IIe siècle, en 190, noué des alliances avec Rome (TITE-LIVE, XXXVIII, 39). Qu’advint-il d’elle plus tard ? A propos de la discussion sur les titres des cités au droit d’asile, Tacite écrit (Ann., III, 62) : ... Magnetes L. Scipionis et L. Sullae constitutis nitebantur, quorum ille Antiocho, hic Mithridate pulsis fidem atque virtutem Magnetum decoravere, uti Dianae Leucophrynae perfugium inviolabile foret[120]. Vu la mention de ce temple, et attendu que Tacite paraît donner plutôt leur nom complet (Magnetes a Sipylo, Ann., II, 47) aux habitants de la ville voisine, quasi-homonyme, il me semble que M. Vaglieri a eu tort de regarder le texte de Tacite comme concernant Magnésie du Sipyle. Il ne nous est pas dit comment Scipion et Sylla fidem atque virtutem Magnetum decoravere, mais il est clair que les avantages concédés à la ville ne durent pas se borner au droit d’asile, et il est bien permis de songer alors à la liberté. Magnésie du Sipyle. — Peut-être les Romains lui donnèrent-ils l’autonomie pour avoir résisté à Archélaos, général de Mithridate (PAUSAN., I, 20, 5) ou en souvenir de la victoire remportée tout auprès sur Antiochus ; en tout cas elle la possédait au début de l’Empire (STRAB., XIII, 3, 5, p. 621 G). Méthymne. — Liée par un traité avec Rome vers 105 (IGI, II, 510) ; les serments échangés devaient-ils assurer la perpétuité de ses droits ? Il est de fait que Pline ne la cite pas comme libre (V, 139). Milet[121]. — Libre avant la formation de la province, vu l’arbitrage dont elle fut chargée (DITTENBERGER, SIG, 2e éd., 314) entre 146 et 135. Mais elle avait perdu cette autonomie dans la suite puisqu’en 78 un Milésien, capitaine de vaisseau, recevait du Sénat l’immunité (CIL, I, 203 = VIERECK, S. G., XVII = IGS, 951). Sa déchéance daterait de la guerre de Mithridate, d’après Gelzer (De Branchidis, 1869, p. 23), suivi par G. Hirschfeld (IBM, 921). M. Haussoullier montre que, dans le silence d’Appien à son sujet, il n’y a pas lieu de supposer qu’elle prit alors parti contre Rome, et pas moyen de préciser. Peu après, vers le milieu du Ier s., une inscription de Didymes mentionne la reprise des délibérations de l’assemblée du peuple, comme auparavant : ses privilèges antérieurs lui sont rendus (IBM, loc. cit.). Mylasa. — Libre au moins sous Auguste (PLIN., V, 108 ; add. CIG, 2695b). Mytilène. — Perdit la liberté comme complice de Mithridate, puis la reçut à nouveau de Pompée (PLUT., Pomp., 42 ; VELL. PAT., II, 18) ; grandement favorisée par son heureuse situation, elle vit beaucoup d’illustres Romains dans ses murs : après P. Rutilius, la victime des publicains (VAL. MAX., II, 10, 5), M. Agrippa, qui avait quitté Rome pour fuir la rivalité de Marcellus et vécut deux ans à Mytilène (731-733 = 23-21), quoique gouverneur de la Syrie qu’il administra par ses légats (JOSEPH., Ant. jud., XV, 10, 2 ; TAC., Ann., XIV, 53.— Cf. CICHORIUS, Rom und Mytilene, p. 46-7). En 18 ap. J.-C., Germanicus s’y retira à son tour, et c’est là que Julie lui naquit d’Agrippine ; il nous en reste plusieurs témoignages épigraphiques. Tout cela valut les faveurs de Rome à Mytilène : la liberté, confirmée par Auguste (PLIN., V, 139), peut-être lui fut enlevée par Vespasien (PHILOSTR., Apoll., V, 41), et alors Hadrien qui visita la ville en automne 124, et que les inscriptions nomment bienfaiteur et fondateur de la cité, la lui aurait rendue (cf. D. CHRYS., Or., XXXI, p. 621-2 R). — Cette autonomie aurait reposé quelque temps au moins sur un fœdus, vers la fin du Ier s. av. J.-C.[122] Phocée. — Avait eu l’autonomie avant la formation de la -province (TITE-LIVE, XXXVII, 32) ; après l’avoir perdue, elle la recouvra, grâce à Cn. Pompée, en 49 ou 48 (DION GASS., XLI, 25 ; LUCAN., Phars., V, 53). Priène. — Libre sous les Attalides, comme Samos, puisque le roi de Pergame ne trancha pas leur contestation. Une inscription, qui semble être d’époque romaine, indique l’emploi à Priène d’un calendrier spécial (CIG, 2906, l. 8). Rhodes. — Reconnue vers 164 av. J.-C. (POLYBE, XXXI, 7, 20), la liberté lui aurait été confirmée par Sylla (APPIAN., Mithr., 61), puis en 51 (CIC., Ep. ad Fam., XII, 15, 2), plus tard encore par César (APPIAN., Bel. civ., IV, 70). Supprimée par Claude en 43[123], elle lui fut restituée dix ans plus tard[124] (TAC, Ann., XII, 38 ; SUÉT., Claud., 25 ; Ner., 7 ; Anth. Palat., II, p. 159, éd. Jacobs) pour lui être enlevée une fois de plus par Vespasien. Le passage de Suétone (Vesp., 8) qui nous en informe a été donné pour altéré ou apocryphe, car Dion Chrysostome (Or., XXXI, p. 620-1 R.) représente encore Rhodes comme autonome (Cf. HENZE, De civitatibus liberis, p. 59-61). Pourtant Suétone est suivi par Eutrope (Breu., VII, 19). Il dut donc y avoir défaveur sous Vespasien, puis rentrée en grâce, probablement sous Titus ou Nerua (cf. VAN GELDER, Gesch. d. alt. Rhod., p. 175). Enfin dans le discours adressé aux Rhodiens vers 155 par Aristide, la ville apparaît à nouveau comme une simple cité provinciale ordinaire[125] (I, p. 831 Dind. = II, p. 75 Keil). Samos. — Situation semblable à celle de Priène sous les Attalides ; depuis elle fut favorisée par Auguste (PLIN., V, 135 ; DION CASS., LIV, 9), mais sans doute redevint sujette sous Vespasien (SUÉT., Vesp., 8 ; EUTROP., Breu., VII, 19). Sardes. — L’attribution de l’immunité à cette ville, depuis Septime-Sévère ou Caracalla, repose sur la restitution assez hasardée d’une inscription (CICHORIUS, Sitzungsber. der Berlin. Akad., 1889, p. 371). Smyrne. — Libre avant la guerre d’Antiochus (POLYB., XXI, 11, 2), elle le fut encore après (POLYB., XXII, 27, 6 ; TITE-LIVE, XXXVIII, 39) ; son jus exilii fut respecté d’abord par Rome, car elle en fit profiter plusieurs personnages romains (CIC., pro Balbo, 11, 28), peut-être même jusqu’en 692/62, date de la mort à Smyrne de P. Rutilius Rufus, que Sylla exhortait vainement à rentrer dans sa patrie. Cette dernière circonstance, il est vrai, laisse croire que Rufus n’était plus un véritable exilé, et il semble de plus qu’il avait quitté Rome volontairement (DION CASS., fragm. 97, 2). Dans le cas contraire, Smyrne aurait perdu la liberté entre 62 et 59, car le procès de Flaccus, plaidé en cette dernière année, nous montre qu’elle ne l’avait déjà plus (CIC., pro Flac., 29, 71). Sous Hadrien, l’άτέλεις lui fut donnée (CIG, 3148). Stratonicée. — Une des villes dont la liberté paraît avoir été le plus durable ; un sénatus-consulte l’arracha à la puissance des Rhodiens en 167 (POLYB., XXX, 19, 3 ; XXXI, 7, 6) ; son autonomie lui fut confirmée par Sylla (cf. le se. de Lagina) ; et elle l’avait encore sous Auguste (PLIN., V, 109) ; sa résistance à Labienus lui fut sûrement comptée. Ténédos. — Sa liberté, d’origine inconnue, eut un terme en 54 av. J.-C. (CIC., ad Q. fr., II, 11, 2). Termera. — Aucune mention avant la liste de Pline (V, 107). D’après l’interprétation de M. Mommsen, qui me semble exacte, le σύστημα Χρυσαορικόν reçut tout entier l’autonomie, en récompense de son attitude durant la guerre contre Mithridate[126]. Seulement je suis convaincu qu’alors cette confédération était bien loin de comprendre la plupart des villes de Carie ; les participants devaient être en petit nombre, ou alors il faudrait croire à l’existence en Carie d’une foule de cités autonomes, ce que rien ne nous fait supposer. C’était sûrement, en réalité, un koinon de villages. Faut-il y joindre Téos ? Elle avait été stipendiaria à l’égard d’Eumène. Un sénatus-consulte de 193 (CIG, 3045) avait déclaré Téos άφορολόγητον άπό τοΰ δήμου τοΰ ‘Ρωμαίων. Mais ces mots n’ont aucune importance : à une pareille date, la ville n’appartenait pas aux Romains. A supposer que cette dispense fût considérée comme devant avoir une longue durée, la guerre d’Antiochus, à qui Téos fut favorable (TITE-LIVE, XXXVII, 27 et 28), aura changé les dispositions de Rome ; pour les époques suivantes, on n’a aucun texte probant (cf. SCHEFFLER, De rebus Tejorum, Lpz, 1882, p. 33). A quiconque parcourra cette liste, il ne saurait échapper que la presque totalité des villes qui y figurent, à part trois ou quatre de Carie et de Lydie, sont situées sur le bord de la mer ou très voisines du littoral ; cités anciennes le plus souvent, d’origine hellénique ou hellénisées de bonne heure, et auxquelles l’expérience de la liberté, par là même, devait être moins nouvelle, par suite moins dangereuse. D’autre part, non seulement ces villes sont en petit nombre, mais encore la majorité d’entre elles étaient déjà autonomes avant la formation de la province ; et parmi celles qui reçurent la liberté pour la première fois grâce à Rome, il en est plus d’une qui l’obtint avant l’année 133, c’est-à-dire à une époque où Rome pouvait donner volontiers ce qui ne lui appartenait pas. Les Romains ont donc surtout conservé des institutions antérieures. Enfin on remarquera que les villes les plus importantes de l’Asie n’eurent pas ce privilège ou le perdirent vite. La capitale, Éphèse, n’en était peut-être pas dépourvue, mais la surveillance de ses actes était facile au gouverneur qui y résidait. Pas une seule des cités prospères de Phrygie ne s’en prévaut à nos yeux ; la vallée du Méandre et ses prolongements étaient couverts de riches localités ; or, à l’époque d’Auguste, aucune d’entre elles n’est dite autonome, à l’exception d’Aphrodisias, située à peu de distance. Les finances de ces villes devaient être importantes ; le gouvernement romain aura craint un excès d’indépendance dans leur gestion. Pergame, ancienne capitale, semble avoir été particulièrement écartée de tout privilège ; Sardes, glorieuse résidence des rois de Lydie, ne reçut un avantage, d’ailleurs insuffisamment établi, qu’à une époque très tardive. Les maîtres du pays ne tenaient pas à réveiller de vieux souvenirs de grandeur, qui n’auraient pas sûrement gardé un caractère tout platonique. Cyzique n’a eu qu’une autonomie très fugitive et jalousement surveillée. Les Romains n’aimaient décidément pas les municipalités trop indépendantes ; mais l’essentiel à noter, c’est qu’en outre, cette liberté si rarement accordée, ils se sont appliqués à la restreindre, parfois à l’annihiler dans la pratique. En fait, la différence entre les cités libres et les villes sujettes se réduisit souvent à peu de chose. Ces dernières étaient désignées généralement par une des expressions suivantes : οί ύπήκοοι[127], τό άρχόμενον[128], οί ύποτεταγμένοι ‘Ρωμαίοις[129], et plus communément encore, de la part des Romains, stipendiarii. Théoriquement leur territoire est terre d’Empire ; l’État romain y prélève le cens foncier, et comme elles sont in dicione populi Romani, le gouverneur de province a sur elles juridiction pleine et exclusive. Dans la réalité des choses, on eut des égards pour les mœurs locales particulières. Les Romains préférèrent ordinairement, — ne fût-ce que pour s’éviter des embarras, — laisser leurs institutions municipales aux villes que le sort des armes, comme le legs d’Attale, avait mises eu leur pouvoir. Avant même la formation de la province, ils étaient décidés à les changer le moins possible. Quand Héraclée du Latmos se vit accorder la liberté, au commencement du IIe siècle, par le chef romain, qui était probablement Cn. Manlius Vulso, celui-ci s’exprima ainsi[130] : Συγχωροΰμεν δέ ύμϊν τήν έλευθερίαγ καθότι καί ταΐς άλλαις πόλεσιν, όσαι ήμΐν τήν έπιτροπήν έδωκαν (ce qui est une traduction approchée de la formule latine de la deditio) έχουσιν τά πράγματα τά αύτώμ πολιτεύεσθαι κατά τούς ύμετέρους νόμους. Il est vrai que c’était une concession indépendante de toute loi ; le bon plaisir du gouverneur pouvait la supprimer ou la modifier ; mais les proconsuls ne paraissent avoir gardé en général qu’un droit de contrôle. Voici une ville qui n’a jamais été, légalement, autonome : c’est Pergame. Elle remercie, dans une inscription[131], le proconsul P. Servilius Isauricus άποδεδωκότα τήι πόλει τούς πατρίους νόμους[132] καί τήν δημοκ[ρα]τίαν άδούλωτον. Quelle marque plus éclatante de cette tolérance de fait dont je parlais ? J’ai donné plus haut la nomenclature des privilèges que supposait l’autonomie ; il en est plus d’un qui n’a pas été refusé aux villes sujettes. Presque toujours elles ont dû garder leur administration indépendante : leurs assemblées sont constamment mentionnées sur les monuments épigraphiques, et, dans les décisions qu’elles prennent, on aurait peine à trouver quelque trait par où se trahisse la sujétion ou la liberté ; de même pour les corps de magistrats, simples copies des modèles de la Grèce d’Europe ; il suffi sait à Rome de surveiller le recrutement de ces fonctionnaires, de façon à n’en avoir rien à redouter ; et c’est ainsi qu’elle put peu à peu favoriser la domination exclusive de la classe riche. On ne voit pas non plus pourquoi elle aurait interdit à ces villes de percevoir des impôts sur les habitants, au profit d’une caisse municipale ; il suffisait qu’elles fussent en état de payer régulièrement le tribut dû à la métropole. Quant aux privilèges monétaires, ils débordèrent le cadre de l’autonomie, au point de ne plus permettre de distinguer les villes libres des autres. Le droit de recevoir des exilés devint bientôt complètement indépendant de la question de l’autonomie ; on sait qu’Auguste l’attribua exclusivement à quelques îles, sans autre considération que son bon plaisir[133]. A l’égard du logement des gens de guerre, la question n’a pas toujours eu beaucoup d’intérêt ; il faut supposer le cas d’une expédition militaire, puisque normalement la province proconsulaire était dépourvue de troupes. Sous l’Empire, cette éventualité est extrêmement rare ; il n’en allait pas de même sous la République, mais je crois qu’alors les villes libres, en fait, n’ont pas dû être ménagées plus que les autres. Un des points les plus curieux à étudier dans le détail, parce qu’il nous montre bien qu’on s’arrêta perpétuellement à un compromis entre les deux catégories de villes, est relatif aux juridictions locales. En droit les villes sujettes n’en devaient pas posséder, mais cette rigueur était inapplicable strictement. Comme le dit M. Mitteis[134], on ne voit pas deux citoyens d’une petite ville, en différend pour deux drachmes, obligés d’attendre, peut-être plus d’un an, la tenue du conventus juridicus. Toutes les menues contestations devaient être tranchées par des autorités locales, au moins en première instance, et peut-être sous le contrôle du conventus. Il faut convenir cependant que les textes et les inscriptions font à peu près le silence sur ces tribunaux : les noms des magistrats urbains régulièrement chargés de la justice et des cours judiciaires nous sont inconnus. Y avait-il dans les cités quelque chose comme les éphètes ou les héliastes de cette ville d’Athènes, à laquelle les municipalités d’Asie ont beaucoup emprunté ? Nous l’ignorons. Mais voici un exemple de juridiction locale simplement tolérée par les Romains. Dans le sénatus-consulte de Asclepiade, on voit trois capitaines de navires, natifs de Carystos, Clazomène et Milet, recevant le droit d’être jugés d’après les lois de leur patrie[135]. Or Carystos a toujours été une ville sujette ; il en devait être de même de Clazomène et de Milet après la guerre de Mithridate ; en tout cas, en droit strict, les deux juridictions ne se comprenaient pas dans une seule et même ville. Les Romains ont même admis l’existence de juridictions particulières pour certaines classes de la population ; je veux parler des quartiers juifs, il en existait dans la plupart des grandes villes ; ces communautés rendaient la justice à leurs membres. Il nous apparaît enfin que pour tout ce qui rentre dans le pur droit privé, ne touchant en rien à l’ordre politique, les Romains se sont montrés très libéraux ; ils ont même plutôt sanctionné que supprimé ou modifié[136]. Donc, à l’égard des villes sujettes, les Romains n’ont pas abusé de leur droit de juridiction ; il y avait un minimum de liberté qui ne les effarouchait pas. En revanche, ils n’aimaient pas à le laisser dépasser, et les villes libres elles-mêmes l’éprouvèrent. Théoriquement, elles avaient une juridiction civile indépendante, bien plus une juridiction criminelle, et nous voyons que les Romains eux-mêmes pouvaient y être soumis, s’il faut généraliser le cas de Chios[137]. En fait, ce privilège fut fréquemment battu en brèche, et souvent par le simple arbitraire du gouverneur. A cet égard encore, l’inscription de Chios nous éclaire ; le sénatus-consulte de 80 avait décidé que les gens de Chios seraient autonomes, garderaient leurs lois et les imposeraient à toute personne habitant dans leurs murs. Des inconnus avaient obtenu depuis lors d’un proconsul, Antistius Vêtus, une sentence contraire aux lois de Chios, mais conforme sans doute aux lois romaines ; c’était, semble-t-il, un procès portant sur des propriétés particulières. Les Chiotes furent mécontents à juste titre et envoyèrent des députés au gouverneur, qui n’était déjà plus le même. Le nouveau proconsul, voyant la teneur du sénatus-consulte et une lettre d’Auguste, animée du même esprit, qu’on lui présentait également, abrogea la sentence de son prédécesseur et accéda aux demandes des ambassadeurs. Dans cette circonstance donc, les droits de la ville autonome furent respectés ; mais pour les faire valoir, elle ne s’appuyait pas seulement sur l’acte officiel qui les avait reconnus ; elle profita de la bonne humeur fort naturelle d’un prince qui était le premier Empereur romain, au comble de la gloire et de la puissance. Il n’en fut pas toujours ainsi. Cette juridiction indépendante finit par être soumise, pièce à pièce, à la surveillance du gouvernement. Il n’est pas étonnant que les Romains eussent quelque répugnance à accepter la compétence criminelle des villes d’Asie à l’égard des délits commis par eux ; ces tribunaux leur inspiraient une certaine méfiance : lumières et impartialité ne leur semblaient pas garanties[138]. Les indigènes, au contraire, tenaient à leurs droits, quelque raillerie qu’on en fit. Cicéron, pendant son proconsulat de Cilicie, écrivait : Les Grecs sont au comble de la joie, parce qu’ils ont conservé leurs juges nationaux ; plaisants juges ! diras-tu ; mais qu’importe ! Ils croient avoir l’autonomia[139]. On les empêcha plus d’une fois de le croire, témoin, par exemple, le procès suivant, assez original ; à défaut de la procédure suivie, l’espèce nous est clairement exposée par une inscription[140]. Un individu était allé trois nuits de suite insulter deux bourgeois de Cnide devant leur maison. Ceux-ci, exaspérés, ordonnèrent à leur esclave de lui verser, à la prochaine agression, des ordures sur la tête. L’esclave laissa tomber le vase, qui atteignit et tua, non pas le visiteur ordinaire, mais son frère qu’il avait cette fois amené avec lui. Les deux propriétaires de la maison, mari et femme, furent accusés de meurtre par les autorités de Cnide ; l’opinion publique leur était nettement défavorable. Sans doute, ils redoutèrent l’arrêt du tribunal de leur ville et obtinrent d’être jugés par l’Empereur Auguste. Celui-ci fit faire une enquête par un commissaire, acquitta les prévenus et signifia sa sentence à la ville de Cnide, en reprochant aux habitants leur partialité et en leur ordonnant de se conformer à son arrêt[141], Il est vrai que M. Viereck explique les choses autrement, se fondant sur le contexte : il est dit, dans la lettre de l’Empereur, que l’accusé est mort, et sa femme présente ici (à Rome sans doute). C’est donc que tous deux, effrayés, s’étaient sauvés à Rome[142], ils échappaient ainsi à la juridiction de Cnide ; alors des ambassadeurs cnidiens allèrent informer l’Empereur de l’affaire. Mais, si cette interprétation est la vraie, il y aura peut-être lieu de s’étonner que l’Empereur lui-même intervienne, tandis que les accusés devraient avoir affaire aux tribunaux ordinaires, qui sont alors les quaestiones perpetuae, car, au début du principat, les officiers impériaux n’ont pas encore pris l’habitude d’accaparer le jugement des procès. Au contraire, cela s’expliquerait facilement dans l’hypothèse d’un arrêt sollicité directement d’Auguste, ou encore d’un appel interjeté, après sentence des juges de Cnide. Il est vrai que le texte ne parle pas d’appel ; mais encore on pourrait y voir une allusion lointaine dans les derniers mots : Vous me sembleriez bien agir, de tenir compte de ma sentence sur cette affaire et de mettre vos actes publics d’accord avec elle. Si les deux inculpés ont dans l’Empereur un juge naturel, il n’est pas besoin que sa sentence soit consignée dans les actes publics de Cnide. Je ne prétends pas en somme que les formes du procès soient claires ; mais j’y crois bien relever une mainmise, volontaire ou sollicitée, du pouvoir central sur les droits de juridiction de la cité[143]. En tout cas, l’appel au gouverneur ou à l’Empereur vint sûrement en usage peu à peu, et au criminel el au civil. La malchance a fait que tous les documents épigraphiques de caractère juridique dont nous avons à nous servir présentent de graves difficultés d’exégèse[144]. Voici une inscription extrêmement mutilée[145], dont M. Mommsen a essayé le commentaire[146]. C’est, semble-t-il, un fragment d’une lettre d’un proconsul d’Asie inconnu à la libera civitas de Cos ; il se réfère apparemment à un appel que le proconsul désapprouve, et il est rapporté à ce propos que l’édit du gouverneur renferme des dispositions concernant les appels purement vexatoires (l. 10-11), ce qui indique que les appels de jugements des tribunaux locaux n’étaient pas une chose exceptionnelle. Nous ne voyons pas clairement si l’appel fut interjeté devant l’Empereur ou devant le proconsul ; mais qu’on adopte les restitutions de M. Mommsen ou celles de M. Hicks[147], on n’en arrive pas moins à cette conclusion que, dans tous les cas, le proconsul doit connaître de l’affaire ; pour la juger, si l’appel est porté seulement devant lui, et, s’il concerne l’Empereur, pour décider si cet appel mérite d’arriver jusqu’à Rome. Il lui appartient de l’arrêter en chemin ; il n’est pas obligé d’y donner effet. Et c’est encore une analogie de situation entre les villes libres et les villes sujettes. Il n’est même pas sur que les conventus juridici ne se soient jamais tenus dans des villes libres. Telle était en effet la qualité d’Alabanda, chef-lieu en même temps d’un conventus. Peut-être, comme le suppose M. Brandis[148], ne lui donna-t-elle que son nom, sans jamais recevoir réellement chez elle d’assises judiciaires ; car celles-ci ne se tenaient pas toujours au chef-lieu. Mais peut-être, aussi bien, la ville préféra-t-elle, en ce cas, faire abstraction de sa liberté. A recevoir chez soi le conventus, il y avait pour une cité évidemment grand profit, avantage matériel et satisfaction d’amour-propre. Je ne serais pas étonné qu’on se fût dit à Alabanda qu’à user jusqu’au bout des prérogatives de l’autonomie il n’y aurait que vanité. Ainsi, dans le domaine judiciaire, on entrevoit — plutôt, il est vrai, qu’on ne constate — une pénétration continue de la justice impériale dans les causes particulières des villes libres et, de la part de celles-ci, une certaine abdication de leurs privilèges de juridiction[149]. Mais il se trouvait compris dans l’autonomie, au moins à l’origine, une prérogative bien plus enviable encore, si importante qu’on la citait souvent à côté de la liberté, par pléonasme : c’est l’immunité. Sous la République, les villes libres ne payaient pas de tribut aux Romains ; seulement cela encore changea sous l’Empire, et dès le commencement de l’Empire. Nous savons par Pline que Chios était libre sous Auguste ; or elle payait des contributions, tout comme les villes sujettes, et même le poids en était trop lourd pour elle, qui cependant passait pour riche. Le roi Hérode, en voyage dans l’île, la trouva endettée envers le procurateur impérial, qui remplaçait les publicains de jadis, et elle n’aurait pu ni s’acquitter ni relever ses monuments abattus par Zenobios, lieutenant de Mithridate, si le roi des Juifs ne fût venu à son secours[150] et n’eût obtenu la libération de la ville. Ce n’est pas un cas isolé : on peut rapprocher celui de Magnésie du Sipyle, ville libre, et d’Apollonide, — qui l’était peut-être aussi, — dispensées toutes deux du tribut en raison d’un tremblement de terre qui les avait éprouvées[151]. Nous avons en outre un fragment de lettre d’Hadrien aux magistrats, au sénat et au peuple d’Astypalée, qui commence ainsi : Ayant appris par votre décret que vous vous dites dans l’indigence et incapables de payer vos contributions[152].........., et les derniers mots indiquent qu’il ne s’agit pas d’une taxe extraordinaire, mais d’un impôt régulier et vraisemblablement annuel, qui devait être le stipendium. Nous ignorons la décision d’Hadrien, mais puisque sa lettre fut gravée et exposée dans la ville, c’est sans doute qu’elle portait consentement à une remise, à un dégrèvement tout au moins. Et les honneurs rendus à cette lettre indiquent un bienfait peu commun, dont il y avait lieu de se faire gloire. En même temps s’établit l’usage de conférer exceptionnellement aux villes, non pas l’autonomie de jadis, mais l’immunité. En 53, Cos la reçut du Sénat, sur la demande de l’Empereur Claude[153] ; Smyrne, qui avait perdu la liberté sous la République, fut gratifiée simplement de l’άτέλεια sous Hadrien, on ne sait pour combien de temps[154], et enfin il est possible que Sardes ait dû une faveur semblable à Septime-Sévère[155]. Il n’y a guère, à notre connaissance, qu’Ilium, que les Empereurs avaient des raisons toutes spéciales de combler de faveurs, qui ait gardé longtemps liberté et immunité, au moins jusqu’à Antonin le Pieux[156]. Les Romains ont enfin donné le coup de grâce aux autonomies municipales par l’institution de la correctura. Laissons les controverses élevées à son sujet, eu vue de la définir exactement. Il est fort possible qu’elle ne soit pas restée toujours identique, immuable, dans les diverses parties de l’Empire. Pour l’Asie, nous avons un exemple de corrector : c’est le célèbre Hérode Atticus[157]. La formule employée par Philostrate pour désigner sa magistrature[158] montre bien que son autorité s’étendait exclusivement sur les villes libres. Sa mission ne pouvait consister[159] qu’à réformer la constitution des villes privilégiées, de manière à effacer les dissemblances qui les séparaient encore de l’autre classe de cités. Nous ne savons pas exactement comment il s’acquitta de ses fonctions ; mais son biographe nous dit quelles furent à cette occasion ses générosités. Il voyait la Troade souffrir du manque d’eau ; les habitants étaient obligés de retirer le liquide fangeux des puits et de creuser des trous pour recueillir la pluie. Il écrivit à Hadrien qu’une ville aussi antique, avantageusement située au bord de la mer, ne devait pas périr de sécheresse ; il fallait donner à Troas trois millions (de deniers ?) pour qu’elle pût se procurer de l’eau et des bains. L’Empereur l’approuva et le chargea de cette cura aquarum. Mais les frais ayant dépassé sept millions, le proconsul se plaignit à l’Empereur que le tribut de cinq cents villes ne servît qu’aux fontaines d’une seule. Hadrien s’en ouvrit à Atticus qui s’engagea à fournir lui-même l’excédent des trois millions. Le gouvernement romain, en le désignant, avait eu la main heureuse : celui-là même qui venait dépouiller les villes libres de leurs privilèges, ménageait une transition moins pénible et atténuait la rigueur de sa mission par de grandes libéralités personnelles. Ainsi sous l’Empire, et de très bonne heure, le caractère de la liberté municipale s’altéra profondément. Trois intérêts surtout étaient en jeu : administration autonome, justice locale, dispense de tribut. Or, sur le premier chef, toutes les villes furent mises, dans la pratique, à peu près sur le même pied ; les juridictions particulières, peu à peu, cédèrent le pas à la justice impériale, ce dont les habitants semblent avoir pris leur parti, car sans doute les justiciables y trouvaient des garanties supérieures ; quant à l’immunité, elle disparut complètement, en dehors de quelques cas isolés, où elle faisait l’objet d’une concession spéciale et expresse, et probablement temporaire. Tout ceci nous explique comment le nombre des villes libres est allé toujours se restreignant et pourquoi, après Auguste, il ne s’en crée plus de nouvelles. D’une part, les cités elles-mêmes voyaient que ces privilèges étaient presque de pure forme, sans réalité précise ; elles renoncèrent à les solliciter. D’autre part, les Romains, reconnaissant dans cette qualification d’autonome, donnée à une ville, une source de réclamations éventuelles et d’embarras, se décidèrent à n’en plus faire l’octroi. Et l’autonomie municipale mourut ainsi de sa belle mort, ou plutôt elle s’évanouit lentement. On pourrait cependant s’étonner que les Asiatiques ne se soient pas attachés à cette distinction honorifique, quoiqu’elle fût devenue vide ; nous allons voir en effet que, suivant l’expression très juste de M. Mommsen, l’Asie Mineure était là terre classique de la vanité municipale, mais la mode était alors à des formules nouvelles, peut-être grâce aux Romains eux-mêmes qui surent en imaginer d’autres, n’élevant en rien la situation du peuple sujet et donnant un surcroît de force au peuple souverain. § 4. — PRIVILÈGES HONORIFIQUES DES VILLES. Il importe de se rendre compte de ce qu’il y avait au fond sous ce mot d’autonomie, au moins dans la conception primitive : c’était en somme une idée de méfiance, l’expression adoucie d’un désir d’indépendance vis-à-vis de Rome, qui, sans avoir rien de haineux, laissait percer quelque chose d’une hostilité contenue. Les Romains, et les Grecs à leur suite, préférèrent d’autres qualifications moins malsonnantes. Du reste nous avons vu qu’au temps où la liberté n’était pas un vain mot, les maîtres du pays avaient pris soin de ne pas l’accorder aux cités les plus populeuses et les plus prospères ; sans doute, quand les choses changèrent, la même prudence ne s’imposa plus, mais ces grandes et glorieuses cités, anciennes capitales, allaient-elles solliciter ou recevoir un titre qui s’était avili eu décorant de préférence de petites localités, méprisables agglomérations de quelques habitants ? La chose était inadmissible ; on trouva du nouveau. Mais d’abord, remontons un peu plus haut dans l’histoire, et voyons où les Asiatiques avaient mis leur orgueil, au temps même où la liberté comportait de réels avantages, mais ne suffisait pas à le satisfaire. Avant même que la province d’Asie n’eût été constituée, les Romains étaient déjà maîtres du pays par le prestige qu’ils exerçaient, le souvenir de leurs éclatantes conquêtes et du succès invariable de leurs armes. Les Hellènes éprouvèrent l’envie de fraterniser avec eux ; les plus petites bourgades surtout croyaient s’élever en se procurant par traité des liens étroits avec cette race illustre. Nulle gloire n’était égale parmi les Grecs à celle que donnait alors le titre d’ami, d’allié, d’affranchi du peuple romain ; tous les Grecs s’y laissaient prendre ; car autant le Grec déteste par instinct l’étranger puissant, autant il l’aime par vanité[160]. L’oligarchie surtout, avec un sens très avisé, s’appliqua à sauver le plus de liberté possible par la docilité, à éviter le nom de sujette à force de soumission. Et telle est certainement, dans la plupart des cas, l’origine et la portée de cette appellation : φίλος καί σύμμαχος τών ‘Ρωμαίων. Mais bientôt on ne se contenta même pas de cette bienveillance générale du peuple romain tout entier : on voulut avoir auprès de lui des garants spéciaux, des avoués en quelque sorte. On y fut conduit tout naturellement par le système des proxénies. Je n’ai pas à rappeler ce qu’était cette institution bien connue. Il y avait en Asie beaucoup de cités d’origine ionienne ; or dans les cités ioniennes, qui furent presque constamment soumises à un protectorat étranger, la proxénie eut moins qu’ailleurs un caractère d’utilité commerciale ou diplomatique ; elle revêtit plutôt la forme du patronat. Le proxène y devint une sorte de protecteur pour la cité où il avait ses droits de proxénie, plutôt qu’un véritable représentant de ses intérêts matériels. Ces privilèges commerciaux, les Ioniens les accordèrent sans parcimonie, d’autant plus volontiers qu’ils étaient sollicités par de puissants personnages capables d’élever la voix en leur faveur. Et ainsi ils furent très prompts à adopter l’institution romaine du patronat[161], mais elle ne resta pas cantonnée chez eux et nous en trouvons des exemples nombreux dans les autres régions de l’Asie. De l’ancienne proxénie il ne subsista plus rien, dans le patronat, que le principe de la protection ; mais celle-ci ne s’appliquait plus au négoce proprement dit ; elle lui était devenue inutile, grâce aux progrès de l’administration romaine, à la sécurité de plus en plus grande dont jouissait tout l’Empire, à la création d’auberges innombrables qui faisaient que l’hospitalité publique n’avait plus de raison d’être au sens littéral, mais seulement désormais au sens moral du mot. Il y a des monuments sur lesquels nous retrouvons le titre de proxène, pris sans conteste avec l’acception de patron, bien que ce mot n’y figure pas[162]. Nous savons par Tite-Live[163] que Rhodes, grande cité commerçante et fidèle alliée de Rome, se nomma à la fois des patrons et des hôtes parmi les notables de la métropole, et une inscription rhodienne déjà citée[164] rappelle en effet deux proxènes et bienfaiteurs du peuple, tous deux, de grande famille : L. Licinius Murena et A. Terentius Varro[165]. En réalité, ce patronat était souvent décerné au chef immédiat, au gouverneur de la province ; tel est le cas pour Sextus Appuleius à Assos[166] et L. Calpurnius Piso à Stratonicée[167]. Mais il arriva aussi qu’il fût de tradition, dans une gens illustre, de conserver le patronat sur telle ou telle ville : ainsi, à Thyatira, le peuple honore L. Com..... f. Lentulus, bienfaiteur et patron du peuple à la suite de ses ancêtres[168]. A Stratonicée, une couronne d’or est offerte, et une statue de marbre élevée à Calpurnius Pison, patron et bienfaiteur διά προγόνων de la ville[169] ; et c’est ainsi probablement que P. Licinius Crassus, parent par adoption du premier gouverneur d’Asie, eut les honneurs du patronat de Nysa[170]. L. Licinius Lucullus, resté plusieurs années dans la province comme proquesteur, fut reconnu pour patron par Synnada[171]. La même cité pouvait avoir plusieurs protecteurs de cette nature : ainsi Ilium, à l’époque même où elle nommait Auguste proxène, déclarait M. Agrippa parent (συνγενής) et patron de la ville[172]. Auguste avait permis cette double protection, bien qu’un esprit jaloux y eût pu voir une méconnaissance de la hiérarchie ; c’est sans doute qu’à rencontre des Grecs, il la regardait comme parfaitement frivole. On éprouve également l’impression d’une raillerie à voir, vers le temps de Sylla, le Sénat romain conclure lui-même un traité d’hospitalité avec un Grec d’Asie[173]. Le vote d’une assemblée municipale, qui octroyait le patronat à quelque personnage, constituait plutôt sans doute un acte de reconnaissance et un remercîment[174] qu’une sollicitation en vue d’un appui pour l’avenir ; c’est dans cet esprit, je pense, que Chios entra dans la clientèle de César[175] et Mytilène dans celle de Pompée[176]. De même l’Artémision d’Éphèse renfermait une statue élevée par la ville à une patronne[177] ; cette femme était évidemment une bienfaitrice du temple. Il ne faut pas exagérer cependant, et ce lien du patronat n’a pas dû être toujours purement platonique et nominal ; des Romains haut placés, ne fût-ce que pour s’entendre glorifier dans une ville d’Asie — car la vanité leur était permise à eux aussi — intercédèrent pour elle dans certaines circonstances. Nous voyons que Téos fit agir utilement ses protecteurs à Rome en faveur de la ville d’Abdère, dont elle était la métropole[178]. Ainsi, la première forme de la vanité asiatique, et cela surtout avant qu’il y eût une province d’Asie, c’avait été le titre d’ami et allié du peuple romain ; la deuxième, en pleine floraison sous la République, consistait principalement dans l’illusion de la liberté et le droit de se prévaloir en haut lieu d’un patronage romain ; la troisième, qu’il nous reste à voir, est par certains côtés assez plaisante[179]. Peuple oriental, ami de l’emphase et de la rhétorique, les Grecs d’Asie ont toujours eu, mais gardèrent plus encore sous la domination étrangère, comme pour déguiser la perte de leur indépendance, un goût prononcé pour les formules honorifiques redondantes et superlatives. Les Romains n’avaient aucune raison de les interdire en principe ; mais ils en réglèrent et en limitèrent l’emploi, se réservant d’autoriser la revendication des qualités les plus pompeuses dans les actes publics, de façon à pouvoir faire des heureux à très bon marché. Il y a donc deux catégories de titres honorifiques : ceux qui peuvent être arborés à volonté, et ceux pour lesquels une approbation préalable de l’autorité est nécessaire. Il est singulier que les premiers ne soient pas tombés d’eux-mêmes en désuétude, comme accessibles à tout le monde ; nous en constatons l’usage presque universel en Asie. Inutile de les passer en revue tous et dans chaque cité. Voici un échantillon suffisant : M. Michel Clerc a fait ce travail pour Thyatira[180], une des villes les moins favorisées, puisque aucune des qualifications officielles ne lui avait été accordée. La municipalité, dans les inscriptions, est dite λαμροτάτη, μεγίστη, διασημοτάτη ; en dehors d’elle, on distingue au besoin le δήμος qui, en sus de ces mêmes qualificatifs, s’appelle encore ίερώτατος, σεμνότατος ; et son sénat, sa boulé, composée sans doute en grande partie de petits artisans, devient sur les stèles κρατίστη, εύδοκιμωτάτη, φιλοσέβαστος καί πάντα άρίστη. Si telle est la vogue des formules courantes, des dignités ad libitum, quelles n’ont pas dû être les compétitions à l’égard des titres officiels, accordés par l’autorité romaine ? Celle-ci paraît avoir distingué en Asie trois catégories de cités, si l’on s’en rapporte au jurisconsulte Modestin[181]. Ce texte appelle quelques observations : Il est fort singulier de constater qu’Antonin le Pieux désigne les plus grandes villes par ces mots : les métropoles des peuples, des races. Nous étions accoutumés à voir l’administration impériale, non moins que celle de la Rome républicaine, hostile aux vieilles dénominations ethniques ; et ici elle a l’air de les sanctionner en basant sur elles le classement des cités ; il ne semble pas d’ailleurs qu’on puisse donner du passage rapporté une autre interprétation que celle-là. Une autre bizarrerie, c’est la façon dont l’Empereur Antonin le Pieux distingue les trois catégories : les unes peuvent avoir cinq médecins immunes, d’autres sept, les plus grandes dix. Il paraît donc que le goût du charlatanisme était assez ancré dans le pays pour amener les habitants à recevoir chez eux un nombre tel de médecins, qu’en les dispensant d’impôt ils fissent un tort sérieux à la situation financière de leurs villes. J’ajouterai enfin que le titre de métropole se trouve quelquefois donné ou pris abusivement. Ainsi, d’après Ptolémée[182], Thyatira était Lydiae metropolis ; or de ce titre, il ne reste aucun souvenir épigraphique, et nous avons vu que la ville s’attribuait tous ceux auxquels elle pouvait songer ; elle n’aurait pas dissimulé un aussi notable privilège ; Ptolémée n’emploie pas ici un langage exact. De même, dans une inscription déjà citée[183], Temenothyra s’intitule métropole ; mais le terme est à rapprocher du mot qui suit : τής Μοκαδηνής ; et alors métropole est synonyme d’άφηγουμένη πόλις et veut dire simplement : ville ayant autorité sur des bourgs et peuples voisins. C’est naturellement l’épigraphie qui nous fait connaître à quelles cités appartenait cette appellation honorifique de métropole, avec le privilège — assez modeste — qui y était attaché. En voici la liste : Éphèse avant toute autre ; il ne pouvait y avoir de difficulté pour elle, puisqu’elle était capitale de la province ; elle devait même apparaître en quelque sorte comme la métropole de la proconsulaire tout entière. Son titre date déjà du premier siècle de notre ère. Sa qualité de capitale doit être encore plus ancienne : c’est là, on s’en souvient, que les publicains, avant le régime du principal, avaient leur siège social[184]. Dolabella écrivait aux magistrats de cette ville de transmettre eux-mêmes aux autres cités de la province ce qu’il portait à leur connaissance au sujet des Juifs[185]. Éphèse avait le tabularium ou bureau central[186] et la caisse (arca) de la province[187] ; elle était la résidence de toute l’administration supérieure : aussi y trouvait-on un grand nombre d’esclaves et d’affranchis des Empereurs, une population extrêmement bariolée et mobile. Pour la même raison, le proconsul, à son arrivée en Asie, devait se rendre avant tout dans cette ville, y descendre de son navire ; c’est un Empereur du IIIe siècle, Caracalla, qui l’édicta[188], mais l’usage devait s’être établi antérieurement, et il n’est pas douteux que le gouverneur résidât à Éphèse tant qu’il n’était pas en tournée dans les différentes régions de la province[189]. Quelles raisons donnèrent la prééminence à Éphèse[190] ? Évidemment sa situation favorable, près des embouchures à la fois du Caystre et du Méandre, deux fleuves fournissant un accès commode vers les contrées de l’intérieur, par leurs vallées. Les alluvions du Caystre, très anciennement, étaient appelés άσιος λείμων, et Asia devint le nom de toute la presqu’île[191]. De bonne heure les Phéniciens s’y étaient établis ; la ville eut toujours le renom d’un marché très fréquenté, le premier au temps des Romains[192]. Le temple de Diane comptait parmi les plus fameux du monde entier. Tous les voyageurs se rendant d’Occident en Asie débarquaient dans ce port, même Pline, gouverneur de Bithynie[193] ; le gouverneur de Cilicie fit de même quelque temps, en raison des pirates qui rendaient dangereux les rivages du sud[194]. Après la bataille de Philippes, Éphèse fut la première ville d’Asie où entra Marc-Antoine[195], et c’est là que s’embarqua M. Agrippa quittant la province[196]. Le titre de métropole apparaît pour Éphèse dans les documents suivants : LEB., 158a, CIL, III, 6076 ; CIG, 2972, 2988, 2990b, 2992 ; WOOD, Inscr. fr. the gr. th., 6 ; Hermès, IV, (1873), p. 187[197]. Smyrne ne put être regardée que comme la métropole de l’Ionie ; elle en était la ville la plus considérable après Éphèse. — Cf. CIG, 3191, 3197, 3202, 3206[198]. Pergame, l’ancienne capitale du royaume des Attalides, passa sans doute pour la métropole de Mysio. — Cf. CIG, 3538 ; ECKHEL, II, p. 472 ; MIONNET, V, p. 459[199]. Cyzique devait être la métropole de l’Hellespont. — V. CIG, 3497, 3665 ; DUMONT, Inscriptions de Thrace, 430[200]. Sardes, ancienne capitale du royaume de Lydie, fut considérée fatalement comme métropole de cette région[201]. Cf. CIG, 3467 ; MIONNET, IV, 128,138. Tralles ne pouvait être que la métropole de la Carie. Cf. Ath. Mit., VIII (1883), p. 333 ; XIX (1894), p. 118 ; LEB., 1652d (texte de la fin du IVe siècle)[202]. Magnésie du Méandre, ville d’Ionie, est donnée comme métropole sur une monnaie unique du temps d’Antonin le Pieux[203], en dépit du voisinage d’Éphèse. Je ne vois pas à quel ancien έθνος on pourrait la rattacher. Serait-ce une usurpation exceptionnelle ? Et de même Hiérocles[204] appelle métropole de Carie la ville d’Aphrodisias ; ce doit être une nouveauté de l’époque byzantine ; aucune monnaie ne lui donne ce titre, aucune inscription, et il nous en est beaucoup parvenu. Laodicée peut passer pour métropole de la Phrygie, dont elle était une des cités les plus importantes, quoique bien excentrique. Cf. pour l’indication de son titre : BCH, XI (1887), p. 351. Ce fut d’abord une petite ville[205] ; sa prospérité ne date que du temps έφ ήμών καί τών ήμετέρων πατέρων, selon Strabon[206], ce qui nous reporte aux dernières années de la République. Elle subit un siège à l’époque de Mithridate, mais se releva, grâce aux faveurs des Romains, des dommages qu’elle en avait éprouvés. Auparavant, c’était sa voisine Tripolis qui drainait tout le commerce delà région ; quand la direction du trafic eut changé, Laodicée la supplanta. Elle disait fièrement : Je suis riche et j’ai gagné des trésors et ne connais nul besoin[207]. Elle ne reçut en effet aucun secours impérial après le tremblement de terre qu’elle subit et se rétablit avec ses propres ressources. Sa position centrale, sur la grande route vers l’Orient, en faisait un centre d’affaires ; c’est chez elle que Cicéron encaissait ses lettres de change[208], c’était la manufacture principale de l’Asie, où se travaillaient en grand la laine et les draps[209]. Elle possédait de vastes et somptueux monuments, dus partie au sophiste Polémon, partie à un Romain établi dans le pays, Q. Pomponius Flaccus[210]. Seul, Septime-Sévère lui montra quelque défaveur, peut-être parce qu’elle se déclara pour Pescennius Niger ; Caracalla en effaça les traces, et les monnaies frappées dès lors dans cette ville portent : Εύτυχεΐς καιροί Λαοδικέων, ou période heureuse de Laodicée[211]. Synnada enfin était métropole, d’après un témoignage unique[212] ; de quel έθνος ? il est assez difficile de le dire ; elle aussi se trouvait située en Phrygie, dans la partie nord et au voisinage de la Phrygie Paroreios ; peut-être lui fut-il tenu compte de ce qu’elle était au centre du commerce très actif des marbres phrygiens, et logeait les chefs des carrières[213], avec le personnel du bureau principal ; le choix n’en est pas moins fait pour étonner. Faut-il y joindre Lampsaque ? Oui, si l’on se fiait à une monnaie de Caracalla[214]. Mais M. Buchner[215] croit à une faute de copie ; la vérification n’est pas aisée. En tout cas, on ne voit pas quel peuple cette ville représenterait ; peut-être simplement l’ancienne Troade. Le même auteur verrait volontiers dans Philadelphie une métropole, sous prétexte qu’il y fut tenu des κοινά ; le rapprochement ne paraît pas s’imposer absolument, bien qu’en fait les autres néocores connues, à l’exception pourtant d’Hiérapolis, aient été en même temps métropoles ; une monnaie unique, du temps d’Élagabale[216], donne en effet ce titre à la ville, qui ne le porte pas dans les inscriptions ; peut-être était-ce une usurpation, qui ne fut pas plus longtemps tolérée. Mais il est un cas beaucoup plus extraordinaire, c’est celui de Milet. Alors que les autres villes sont appelées métropoles tout court, ou métropoles d’Asie, une inscription du temps d’Hadrien[217] l’appelle métropole d’Ionie, voir le texte singulier qui figure au recueil de Le Bas, au n° 212. Métropole d’Ionie pourrait à la rigueur s’admettre ; l’inscription première est du début du IIe siècle ; or c’est seulement à cette époque que commence à apparaître la désignation honorifique de métropole. Mais on comprend moins qu’une cité d’Asie soit métropole de villes situées dans d’autres provinces, dans le Pont et en Egypte, et surtout sous Septime-Sévère, à une époque où cette institution est certainement fixée. Il faut sans doute reconnaître un abus de langage ; le mot doit faire allusion à l’ancien rôle commercial, si glorieux, de Milet, qui fut en effet la mère de beaucoup d’autres colonies situées au loin. Les diverses obscurités que j’ai relevées m’empêchent de donner une conclusion ferme touchant la nature réelle du titre de métropole. Les auteurs qui en ont traité se sont efforcés de rattacher cette institution à quelque autre ; j’ai déjà dit que M. Büchner tendait à confondre métropoles et cités néocores, et qu’il n’y avait là qu’une conjecture. M. Menadier[218] remarque que le nombre des métropoles s’écarte peu de celui des conventus juridici ; supposant sans doute une erreur dans le passage de Modeslin, ou un défaut de précision, il assimilerait volontiers les métropoles aux chefs-lieux de conventus. D’une part, cependant, il y a des chefs-lieux de conventus qui ne nous sont pas encore connus comme métropoles : Apamée, Alabanda, Adramyttion, Thyatira. En outre, s’il est parfaitement vrai que Laodicée, Synnada, Sardes, Smyrne, Éphèse, Pergame réunissent les deux qualités, il n’en faut rien conclure. La phrase de Modestin pourrait être ainsi développée, avec restitution d’un sous-entendu : sont cités de deuxième rang celles où se tiennent des conventus juridici, à l’exception de celles qui, déjà métropoles, ont un rang supérieur. En effet, en établissant ce régime judiciaire, on avait pris volontiers pour sièges des assises les grandes villes. Enfin, si chaque conventus a un chef-lieu, il se réunit très fréquemment en dehors de ce chef-lieu, et les autres villes où on le trouvait pouvaient bien être les villes de deuxième rang de Modestin[219]. Quant à celles du troisième ordre, nous ne les connaîtrons vraisemblablement jamais par leurs actes propres, par les inscriptions ; un titre comme celui-là ne méritait pas d’y être gravé, car il n’avait rien qui pût flatter. On a proposé comme indication à leur sujet un texte d’Aristide[220]. Ce troisième ordre aurait donc compris les petites villes dépendantes, dont les citoyens étaient soumis à la juridiction municipale d’une grande ville voisine. Simple hypothèse, on le voit, et qui repose sur ce postulat, à savoir que μικρά πόλις est pris par l’auteur dans un sens technique rigoureux, ce qui n’est rien moins que prouvé. Je devais essayer le commentaire du passage de Modestin, mais dans l’état actuel de nos moyens d’information, il me semble radicalement impossible d’en préciser le sens. Deux faits seulement demeurent acquis : il y a, à partir du deuxième siècle, des villes d’Asie, en petit nombre, appelées métropoles, qui toutes sont de grandes villes, et réparties assez également sur les diverses parties du territoire de la province[221]. D’autre part, la comparaison des sources démontre qu’à ce titre toutes en ont joint un autre : c’est généralement celui de néocore. On appelait néocore, dans les pays grecs, le gardien d’un temple ; personnage bien secondaire, remplissant un emploi inférieur, qui comportait même quelquefois le balayage. Les villes se sont ainsi dénommées gardiennes de temples, et elles ont pris cette qualification assez humble par déférence, on pourrait dire par bassesse à l’égard des Romains, car les temples en question, qu’elles étaient chargées de garder, étaient élevés aux Empereurs. Mais ce titre porté par certaines villes diffère trop des autres par son caractère sacré pour que je n’en renvoie pas l’étude aux chapitres sur la religion. En revanche, il nous appartient d’examiner dès maintenant une dernière qualification, plus ridicule et plus vide que toutes les autres et qui, par là même, nous donnera une idée plus saisissante de la puérile vanité des Grecs d’Asie à l’époque romaine. Il y avait, et nous le verrous plus loin, des jeux panasiatiques dits κοινά Άσίας, qui se célébraient à tour de rôle dans une ville différente. Les cités de la province y envoyaient des délégués, les populations ne pouvant elles-mêmes y assister en totalité. La question était de savoir dans quel ordre ces délégués assisteraient aux jeux proprement dits ou feraient partie du cortège solennel d’ouverture. Il dut y avoir évidemment des contestations de préséance ; une ville, Magnésie du Méandre, est très fière d’avoir obtenu le septième rang et se dit έβδόμη τής Άσίας[222]. On devine si le premier fut envié ; il n’aurait peut-être pas dû être disputé. Éphèse était reconnue pour capitale de la province ; il semble que la priorité absolue eut dû lui revenir en conséquence. En réalité, il y eut lutte entre elle et deux autres villes, Smyrne et Pergame[223]. Avec Pergame, il est vrai, la discussion prit bientôt fin ; ce n’était pas une localité méprisable ; au milieu du IIe siècle, elle avait, paraît-il, 120.000 habitants[224] ; mais elle ne pouvait soutenir la compétition. Entre les deux autres, la concurrence fut vive et de longue durée ; pendant presque tout l’Empire, la dispute continue sur le point de savoir laquelle des deux pouvait se dire πρώτη τής Άσίας. Le décret de Caracalla paraît bien avoir tranché le différend et non sans ingéniosité : au lieu d’une ville, il y en eut trois qui purent prétendre au premier rang : entre elles pourtant on observe une certaine hiérarchie. Pergame ne fut pas absolument sacrifiée ; on la reconnut πρώτη, mais elle fut πρώτη tout court[225] ou πρώτη μητρόπολις simplement[226]. Des deux dernières concurrentes, Éphèse, reconnue définitivement capitale, l’emportait ; et désormais son titre de métropole fut toujours précédé de qualificatifs étincelants : ή πρώτη καί μεγίστη μητρόπολις τής Άσίας[227] ; elle était au moins la plus grande métropole d’Asie ; même en un jour d’orgueil intransigeant, les habitants se qualifièrent de seuls premiers[228]. Les Smyrniotes répondirent avec dignité ; leur ville ne fut plus simplement : πρώτη τής Άσίας[229] ; elle devint : première de l’Asie par la beauté et la grandeur, et très brillante, et ornement de l’Ionie[230]. Il faut probablement conclure enfin de ces querelles, étant donné l’origine du débat, que dans le cortège des κοινά les Éphésiens venaient en tête, suivis des Smyrniotes, qui précédaient les Pergaméniens[231] ; après sans doute venaient les représentants de la δευτέρα πόλις, restée inconnue. Et de tout ceci les rhéteurs s’indignaient ou s’amusaient[232] ; la lutte pour les πρωτεΐα égayait fort les proconsuls[233]. Les Éphésiens s’étaient plaints à Antonin le Pieux de l’insolence et de l’irrévérence des gens de Smyrne qui, dans quelques actes publics, avaient omis les titres d’Éphèse. L’Empereur répond avec le sérieux d’un philosophe : il loue les Pergaméniens, qui se renferment sagement dans leurs droits ; il blâme les habitants de Smyrne, mais déclare que néanmoins ceux d’Éphèse doivent leur rendre tous les honneurs qu’il a décrétés[234]. C’est en effet jusqu’au Sénat, jusqu’à la chancellerie impériale qu’arrivait l’écho de ces solennelles contestations ; et l’arbitrage partait de Rome. Infirmités grecques ! disait-on. Έλληνικά άμαρτήματα. Oui, mais infirmités grecques où les Romains avaient leur large part de responsabilité. Ils avaient tué l’indépendance municipale, supprimé l’initiative des populations, donné pour idéal à ces Asiatiques un gouvernement d’hommes riches, ayant pour toutes visées d’orner leurs villes d’un luxe superflu et tapageur. L’amour des frivolités était évidemment inné chez ces gens-là ; mais au temps jadis il n’était pas du moins aiguillonné à toute heure ; les Romains, qui s’en riaient, le trouvaient pourtant fort utile ; c’était un instrument de domination pacifique, qu’ils n’avaient pas créé de toutes pièces, mais qui s’est, entre leurs mains, singulièrement perfectionné. Pourtant il leur importait de ne pas dépasser le but ; ces rivalités ne devaient pas dégénérer en véritables querelles. L’autorité romaine s’est appliquée à faire naître tout à la fois l’émulation et la bonne entente entre les villes ; elle a présidé avec empressement à la conclusion de ces όμόνοιαι de cité à cité, que les monnaies rappellent, et qui impliquaient d’ordinaire une sorte de communion religieuse, une coopération dans les mêmes cérémonies ou les mêmes sacrifices. Nous avons un exemple de ces traités d’amitié par les fragments d’une inscription de Pergame[235]. Les deux contractants sont Éphèse et Sardes. Pour supprimer des difficultés qui les divisaient, elles ont eu recours à l’entremise des Pergaméniens, qui avaient offert leurs bons offices. Une lettre mutilée du proconsul Q. Mucius Scaevola donne à penser que le gouverneur n’était pas resté étranger à la conclusion de l’accord ; elle sert en même temps à attribuer au document une date et le reporte au début du premier siècle avant notre ère. Que le proconsul soit intervenu, on le comprend de reste : la convention est surtout d’ordre judiciaire. Quand un Éphésien se trouvera lésé par un habitant de Sardes, ou réciproquement, il pourra se faire rendre rigoureuse justice par les tribunaux de la patrie du coupable (fragments DE, l. 3 à 8). Mais le traité prévoit particulièrement les conflits entre les deux peuples (l. 18 à 29) : si l’un d’eux croit avoir contre l’autre un légitime sujet de plainte, il lui communiquera par une ambassade l’exposé de ses griefs ; puis les deux villes enverront des députés aux gens de Pergame, intermédiaires permanents, chez qui sera tiré au sort une cité arbitre, qui tranchera le différend, mais dont le rôle se bornera, si l’un des deux peuples fait défaut, à le condamner, les dires de l’autre étant alors présumés véridiques. Et la procédure à suivre est minutieusement décrite. Il est permis de penser que le gouverneur, le cas échéant, ne se serait pas cru lié par ce contrat. II flattait les deux parties, et c’était l’essentiel ; on aurait tort d’attacher aux clauses adoptées une importance exagérée. L’une d’elles (l. 11-18) nous montre bien qu’au fond l’accord dont il s’agit n’était qu’une manifestation de plus de la vanité municipale. Nul habitant d’Éphèse, est-il dit, n’ira en guerre contre ceux de Sardes, ne livrera un passage, des mercenaires, des armes, des fournitures quelconques, un lieu de recel à leurs ennemis, et de même pour Sardes à l’égard des Éphésiens. Comment, se demande M. Fränkel, deux villes de la province d’Asie pouvaient-elles se faire la guerre ? Simple formule de style, incontestablement. Cette solennelle convention donnait aux signataires l’illusion de leur importance ; ils se croyaient libres. En réalité, pour prévenir les conflits de ville à ville, il y avait mieux que ces puériles précautions : le veto de Rome et la vigilance de ses agents. Le jour où le proconsul présidait avec un calme magnifique et une apparence voulue de neutralité à ces débats entre Sardes et Éphèse, à leur résolution exprimée de ne point s’entredéchirer, il se donnait le luxe d’une nouvelle et superbe ironie. |
[1] Cf. notamment, pour la Carie : Th. SCHREIBER, Bemerkungen zur Gauverfassung Kariens (Festschrift zum deutschen Historikertage, Leipzig, 1894, pp. 37-55.)
[2] Pour la colonisation de l’Asie avant les Romains, v. la bibliographie réunie par M. LIEBENAM (Stüdteverwaltung, p. 4-16, note 2).
[3] XIII, 4, 12, p. 629 C.
[4] Ep. ad famil., XIII, 53.
[5] Mithridate, 62.
[6] Verrines, II, 1, 35, 89.
[7] Pro Flacco, 14, 32.
[8] Ainsi, pour Aphrodisias (CIG, 2737 = VIERECK, V), la ville proprement dite et ses κώμαι, χωρία, όχυρώματα, όρη.
[9] Hist. nat., V, 113 ; XI, 95.
[10] De Communi Asiæ provinciæ, p. 88 sq.
[11] Géographie, II, 7-9.
[12] Hist. nat., V, 43, §150.
[13] Bell. jud., II, 16, 4 (éd. Didot, p. 118, l. 37).
[14] Vies des Sophistes, II, 3, 3.
[15] PAULY-WISSOWA, Realencycl., art. Asia.
[16] CIG, 3902 b.
[17] CIG, 3436.
[18] PLINE, H. N., V, 113 ; XI, 95.
[19] Il faudrait admettre en effet que les régions de Sylla ont duré longtemps, car l’inscription relative à l’adiutor, mentionnant un Aurelius, doit dater des Antonins ; ce n’est pas impossible. — Pline, dira-t-on, emploie souvent le mot regio dans un sens vague. — D’habitude, c’est par opposition à oppidum, mais pour les villes nommées ici, ce dernier terme convenait. Il s’en sert également pour les régions de l’Italie, division officielle ; eu ce qui concerne l’Asie, son expression peut avoir de même, par exception, un sens technique. — M. Otto HIRSCHFELD interprète ρεγεών, dans l’inscription citée, comme Domänendistrikt (Ver Grundbesitz der römischen Kaiser in den ersten drei Jahrhunderien, II. — Beiträge zur alten Geschichte, II, 2 (1903), p. 302). Il y aurait eu, près de Philadelphie, un ensemble de saltus ou domaines impériaux, administrés, selon l’usage, par des procurateurs. C’est une opinion qui peut également se défendre ; mais elle aussi donne à ρεγεών un sens technique sans autre exemple de moi connu.
[20] Du reste, ne doit-on pas reconnaître qu’à l’époque de Sylla, et même plus tard, certaines parties montagneuses de l’Asie n’étaient pas encore organisées en cités, mais simplement en petites souverainetés, temporelles ou sacerdotales, parvenues seulement à une date ultérieure à l’état de municipalités ? Ou sinon, comment s’expliqueraient des formules comme celles-ci, qui figure dans une inscription contemporaine de Jules César (CIG, 2957 = LEB., 142) : αί πόλες έν τή Άσία κατο[ικοΰσαι] καί τά έθνη ? Et enfin ne savons-nous pas qu’il y eut des villes fondées sous l’Empire ? ce qui aurait fait éclater les cadres municipaux créés ainsi ne varientur par Sylla.
[21] Je dois en toute conscience exposer en deux mots le système proposé à ce sujet par M. Otto Coati (Agrippa und Augustin als Quellen-schriftsteller des Plinius in den geographischen Büchern der Naturalis Historia, dans les Neue Jahrbücher fur Philologie und Pädagogik, XVIIe Supplement-band, Lpz, 1890 ; V, Asien, p. 490-504). La liste des villes faisant partie, d’après Pline l’Ancien, des divers conventus juridici, est empruntée, dit-il, aux commentaires d’Agrippa complétés par Auguste. Les statistiques que donnaient ces derniers avaient pour objet le cens ; donc point de vue financier, comme à l’égard des régions de Sylla ; elles présentaient la liste des cités relevant de chaque conventus, groupées par régions, et dans chaque région par ordre alphabétique. Pline emprunte à cette nomenclature un certain nombre de noms de villes particulièrement connues. Donc, pour retrouver les régions de Sylla et leur contenu, il faut décomposer la liste de Pline en une série de petites listes ; dès qu’on passe d’une lettre initiale telle que l’M a une autre placée plus en tête de l’alphabet, comme le C, on a affaire à une nouvelle région. En faisant cette opération, M. Cuntz est arrivé à un total de 35 régions, au lieu de 44. La différence peut, d’après lui, s’expliquer de deux façons : peut-être certaines régions n’avaient-elles que des cités sans importance, inhonoræ ; Pline n’en aura cité aucune ; et d’autre part deux villes, quoique se suivant dans l’ordre alphabétique, pourraient appartenir à des régions différentes. — Cette construction fait honneur à l’ingéniosité de l’auteur, mais quand il dit : meiner, wie ich glaube, an sich wahrscheinlichen Vermutung, il en donne la mesure exacte ; elle n’est que vraisemblable.
[22] STEPHAN. BYZ., p. 10, éd. Mein.
[23] STEPHAN. BYZ., p. 442.
[24] Une forme elliptique analogue employée dans une inscription parait désigner un bourg dépendant de Mylasa (FRÄNKEL, CIPel, I (1902), 955, l. 2).
[25] V. BÉRARD, BCH, XIX (1895), p. 557, n° 2.
[26] PTOLÉMÉE, V, 2, 27.
[27] BCH, IX (1885), p 395.
[28] On trouve les deux expressions employées dans la même inscription : Μουσεϊον, 1886, p. 88 : έδωκεν ύπέρ κωμαρχίας έαυτοΰ τή..... κατοικία ; cf. Μουσεϊον, 1878, p.97.
[29] V, 4, 11, p. 249 C ; XIV, 1, 47, p. 650 C.
[30] LEB., 142.
[31] Voici encore une expression exceptionnelle dans une inscription copiée par M. ANDERSON à Apollonia Sozopolis (A Summer in Phrygia, JHSt, 1898, p. 95) et qui date de Septime Sévère : Ό δήμος Άπολλωνιατών Λυκίων Θρακών Κολωνών. Apollonie était une fondation de Séleucus Nicator (STERRETT, Wolfe Expédition, n° 589) ; des Thraces s’y étaient établis, ainsi que des Lyciens, et les deux classes de colons se maintinrent longtemps (cf. JHSt, 1898, p. 99, n° 40) comme on le voit. Ils paraissent avoir formé une sorte de communauté à part.
[32] V. MARQUARDT, t. VIII de la trad. fr., p. 21.
[33] BURESCH-RIBBECK, Aus Lydien, n° 23, p. 37 sq.
[34] BURESCH-RIBBECK, Aus Lydien, n° 23, p. 37 sq., l. 11-12 : έν ταΐς άλλαις συνόδοις [κ]ωμητικαϊς [π]άσαις.
[35] Cf. les exemples cités par MARQUARDT, ibid., p. 22, note 3.
[36] V. les exemples donnés par BURESCH-RIBBECK, p. 2.
[37] Ainsi, dans la κώμη Μυλειτών, près de Philadelphie, sur le chemin de Sardes (LEB., 1669) et dans la κατοικία Τατικωμητών, à Kassaba, entre Magnésie du Sipyle et Sardes (BURESCH-RIBBECK, p. 1).
[38] Exemple : STRABON, XIV, 1, 10, p. 636 C.
[39] Cf. les acquisitions de Stratonicée, approuvées par le sénatus-consulte dit de Lagina.
[40] CIC, 3822 B 2.
[41] CIL, III, 352.
[42] COUSIN et DESCHAMPS, BCH, X (1886), p. 486 sq.
[43] COUSIN et DESCHAMPS, BCH, X (1886), p. 488, n° 2.
[44] Cf. G. RADET, BCH, XI (1887), p. 122.
[45] IMHOOF-BLUMER, Lydische Stadtmünzen, p. 5.
[46] Cf. G. RADET, Rev. des Étud. anc., V (1903), p. 10 sq.
[47] BARCLAY HEAD, GrCBM, Lydia, pp. XXXIX (Bagis), XLIX (Daldis), L (Dioshieron), XLVIII (Clannuda), XCIV (Sala), CXXXVI (Tmolus).
[48] LEB., ad n. 1001.
[49] Il y avait là peut-être un gouvernement de forme sacerdotale, comme dans deux autres provinces de la Mysie primitive, l’Abrettène et la Morène (STRAB., XII, 8, 9, p. 574 C).
[50] Il faut sans doute rapprocher le cas — moins clair cependant — des Καϋστριανοί ou habitants de la basse vallée du Caystre, qui, avant l’ère chrétienne, lançaient des monnaies remplacées depuis par celles d’Hypaepa (GrCBM, Lydia, p. xliii). Mais plus curieux est celui de Κιλβιανοί, habitants d’une large plaine traversée par ce fleuve, à l’est des précédents. A l’époque impériale, cette communauté et coupée en deux, groupées chacune autour d’un rentre : ce rentre demeure inconnu pour les Κιλβιανοί οί άνω ; l’autre branche s’appela οί Κιλβιανοί οί περί Νείκεαν (Cf. IMHOOF-BLUMER, Die Münzen der Kilbianer in Lydien, Numismatische Zeitschrift, XX (1888), p. 1-18).
[51] Il va sans dire néanmoins qu’on aurait tort d’attacher trop d’importance au fait qu’une ville porte le nom d’un Empereur, comme Aureliopolis de Lydie, Hadrianopolis dans la Phrygie Paroreios, Trajanopolis de Phrygie, ou un nom plus vaguement impérial, comme Sebastopolis et Keratapa-Diocesarée de Carie, Hiérocesarée et Julia Gordos de Lydie. Tout ceci s’expliquerait très bien à la rigueur par une simple intention de flatterie, et nous n’avons guère là qu’un moyen de datation approximatif.
[52] Cf. LEGRAND et CHAMONARD, BCH, XVII (1893), p. 269, n° 57 ; BURESCH, Wochenschrift fur klassische Philologie, 1891, p. 108 : FRANZ CUMONT, Rev. archéol., IIIe série, t. XXVIII (1896), p. 173 ; RAMSAY, Cities and Bish., II, n° 475. p. 600.
[53] Cf. HEAD, Historia numorum, p. 568.
[54] L. 16 : πτολίεθρα περικτιόνων άνθρ(ώπων).
[55] Une inscription trouvée à Euménie (CIG, 3884) mentionne des honneurs rendus à Marc-Aurèle par les gens de Sébaste ; il est peu probable que cette formule rappelle un qualificatif donné à Euménie ; c’est plutôt la ville infime de Sébaste, située à peu de distance, et d’où la pierre aura été transportée pour un motif quelconque, comme il est arrivé souvent.
[56] PLINE, H. N., V, 121.
[57] Μουσεϊον, 1876, p. 16, n° 108.
[58] AGATH., Hist., II, 17.
[59] Par exemple Tymandus. — V. LEGRAND et CHAMONARD, BCH, XVII (1893), p. 258, n° 40.
[60] Epitomé, LIX.
[61] Trad. fr., VIII, p. 109, note 4.
[62] V. ce que JOSÈPHE (Ant. jud., XVI, 2, 4) dit des Juifs d’Asie, devenus, grâce aux Romains, à la fois autonomes et libres : S’ils comparaient l’ancienne royauté et le gouvernement d’aujourd’hui, en dehors de beaucoup d’avantages que ce dernier leur a donnés, ils trouveraient encore suffisant de n’être plus esclaves, mais libres. (Éd. Didot, p. 619, l. 23).
[63] Cf. MITTEIS, Reichsrecht und Volksrecht....., p. 85 sq., 90 sq.
[64] Ad Æneid., III, 20.
[65] Bel. civ., I, 102.
[66] Rom. Staatsrecht, III, 1, p. 657, note 3 ; Für den Orient besteht diese terminologische Dreitheilung nicht.
[67] XXX, 5 (ad a. 587 u. c).
[68] POLYBE, XXXI, 1.
[69] XXXI, 7 : τήν πρός Ρωμαίους συμμαχίαν.
[70] APPIAN, Bel. civ., IV, 68. — CICÉRON, Ep. fam., XII, 15.
[71] Cf. HOLLEAUX, Mélanges Perrot, 1903, p. 183 sq.
[72] VIEBECK, S. G., XXI = ICI, III, 173.
[73] Conrad CICHORIUS, Ein Bündnisvectrag zwischen Rom und Methymne (Rhein. Mus., N. F., XLIV (1889), p. 440) ; il reproduit, p. 446, le texte d’Astypalée, corrigé d’après l’autre, qui a été publié à nouveau dans IGI, II, 510.
[74] Pour Astypalée, fragm. B., l. 43 ; pour Méthymne, l. 15.
[75] CIG, 2737 = VIERECK, S. G., V.
[76] A, l. 28. — Cf. une inscription récemment découverte (PATON, JHSt, XX (1900), p. 77).
[77] Άθηνά, XI (1869). p. 283-288. — L. 1 : Όρκ. πρός ‘Ρωμαίους, cf. l. 5. — Cette formule interdit toute confusion avec le serment prêté à la personne d’un Empereur au moment de son avènement (cf. le serment des habitants d’Assos (STERRETT, Pap. Am. Sch., l. p. 50 ; MOMMSEN, Ephem. epigr., V (1884), p. 15-4-8).
[78] II, 18, 1.
[79] IGI, II, 35 d.
[80] Publiées plus correctement qu’auparavant par MM. GATTI (Bull. dell. comm. arch. comun. di Roma, 1888, p. 138 sq.) et BARNAMKI (Notizie degli scavi, 1888, p. 134, 189), M. BABELON avait déjà trouvé la restitution [Τ]αβηνών (Rev. des Et. gr., (1888). p. 93).
[81] Zeitschrift für Numimtatik, XV, p. 207-219.
[82] TITE-LIVE, XXXVIII, 39, 12 ; cf. POLYBE, VIII, 29.
[83] TITE-LIVE, XXXVIII, 13.
[84] TITE-LIVE, XLIII, 6.
[85] POLYBE, XXX, V ; TITE-LIVE, XLV, 25.
[86] C’est M. Hugo WILLRICH (Hermès, XXXIV (1899), p. 305-311) qui a découvert la date exacte de ce texte, qu’on faisait remonter avant lui à une centaine d’années plus haut dans l’histoire.
[87] BCH, X (1886), p. 304.
[88] Rev. des Et. gr., XI (1898), p. 258 sq.
[89] De civitatibus tiberis quae fuerunt in provinciis populi Romani, diss. inaug., Berlin, 1892, p. 1-6.
[90] H. N., V, 139.
[91] Pro Sext., 26, 57.
[92] XLV, 25.
[93] Verrines, II, 1, 30, 76.
[94] Verrines, 24, 63.
[95] VIERECK, XII, p. 17, 1. 17-18.
[96] Une place à part pourtant est à réserver, parmi les villes d’Asie, aux colonies. On n’en trouve qu’un très petit nombre, dont l’histoire et l’organisation nous sont inconnues ; et on ne voit pas les raisons qui ont dicté le choix des Romains. Parium, petite localité de Mysie sur l’Hellespont, fut élevée au rang de colonie par César, d’où son nom de colonia Julia Parium (LEB., 1731) ; ses monnaies portent : C. G(emella d’après ECKHEL) I. P. Depuis Hadrien, cette légende fut modifiée en C. G. I. H(adriana) P. La ville avait reçu de ce prince des bienfaits qui valurent à ce dernier le titre de (deuxième) fondateur (LEB., 1747 : conditori col.). — Alexandrie Troas devint colonie après l’an 27 av. J.-C., sous Auguste (ECKHEL, II, 479 : colonia Augusta) ; les inscriptions nous montrent qu’elle était divisée en dix vici, agissant tantôt de concert, tantôt séparément (CIL, III, 380 sq.). — Faut-il y joindre Samos ? Une inscription de cette localité porte en effet : έτους κολωνίας (Rhein. Mus., N. F., XXII, p. 325). Nous savons qu’Auguste lui donna la liberté, mais cela n’est pus contradictoire, car Troas et Parium l’avaient aussi et la figuraient sur leurs monnaies par un Silène debout. Cependant elle n’est pas citée dans le texte suivant du Digeste (L, XV, De Censibus, 8, § 9) : In provincia Asia duae sunt juris Italici (coloniae) Troas et Parium. Ce droit italique affranchissait les habitants de la contribution personnelle ou foncière et rendait les terres susceptibles de propriété ex jure Quiritium. — Tralles a été jointe abusivement à la liste ; après un tremblement de terre sous Auguste, elle prit le nom de Caesarea et fut peuplée de Romains, mais en partie seulement (LEB., 600a ; ECKHEL, III, p. 126 ; AGATHIAS, Hist., II, 17).
[97] C’est la méthode suivie avec raison par M. BRANDIS dans son savant article Asia de la Realencyclopädie de PAULY-WISSOWA.
[98] POLYBE, XXII, 27.
[99] DITTENBERGER, SIG, 2e éd., n° 314.
[100] IBM, 401, 405 = VIERECK, XIII, XIV.
[101] I MACCAB., XV, 23.
[102] Ant. jud., XIV, 8, 5.
[103] Cf. HENZE, op. laud., p. 38 sq.
[104] L’inscription 792, IBM, parle d’un prince καταστησαμένου [ήμών έλευ]θερίαν.
[105] Sc. de Asclepiade, CIL, I, 203, l. 19 sq.
[106] DION CASS., XLI, 25 ; LUCAIN, Pharsale, V, 53.
[107] DION CASS., LVI, 27.
[108] CICÉRON, ad Q. fr., II, 11, 2.
[109] CIG, 2485 = ICI, III, 173 ; CICHORIUS, Rhein. Mus., XLIV, p. 440.
[110] Pro Flacco, 29, 70.
[111] CIG, 2222 ; TACITE, Ann., III, 62 ; APPIAN., Mithr., 61.
[112] Sc. de Lagina, VIEREK, XXIX.
[113] Sc. de Tabæ, Hermès, XXVI (1891), p. 145 sq.
[114] CICHORIUS, Rom und Mytilene, p. 6.
[115] La ville dut beaucoup à un certain C. Julius Théopompos, fils d’Artémidore, que STBABON (XIV, 2,15, p. 656 C) appelle : ό Καίσαρος τοΰ θεοΰ φίλος, τών μεγάλα δυναμένων. Allusion expliquée par PLUTARQUE, Caes., 62 : Après Pharsale, Καϊσαρ..... άψάμενος δέ τής Άσίας, Κνιδίους τε Θεοπόμπω τώ συναγαγόντι τούς μύθους χαριζόμενος ήλευθέρωσε. Théopompe reçut de grands honneurs, et même de villes étrangères (IBM, Knidos, 801).
[116] DION CASS., LIV, 9.
[117] H. N., V, 103 sq.
[118] VIERECK, S. G., V.
[119] SUÉTONE, Vespasien, 8 ; EUTPOPE, VII, 19.
[120] [..... les Magnésiens firent valoir des ordonnances de L. Scipio et de L. Sylla, qui, vainqueurs l'un d'Antiochus l'autre de Mithridate, honorèrent le dévouement et le courage de ce peuple en déclarant le temple de Diane Leucophryne un asile inviolable.]
[121] Sa condition est examinée par M. B. HAUSSOULLIER, Études sur l’histoire de Milet et du Didymeion, Paris, 1902, p. 246 sq.
[122] Une remarque de détail, mais curieuse, est à faire à propos de cette ville : les Grecs, comme on le voit par les monnaies, écriraient toujours : Μυτιλήνη, et les Romains au contraire : Mitylene. Leur orthographe s’imposa-t-elle dans quelque mesure ? On le constate du moins dans un texte, non pas romain, mais grec et municipal, d’Aphrosidias (LEB., 1620b, I. 17 : Μιτυλήνην).
[123] DION CASS., LX, 24 : ‘Ρωμαίους τινάς άνεσκολόπισαν. D’après la théorie de M. MOMMSEN (Dr. publ. rom., trad. fr., VI, 2, p. 395-6), les Rhodiens, comme les Cyzicéniens, se mirent dans leur tort en traduisant devant leurs tribunaux des citoyens romains, qu’ils n’avaient pas le droit de juger. Est-ce pour exécuter une sentence qu’ils les mirent en croix ? A la vérité, il n’est pas fait mention de procès, et rien n’oblige à en supposer un. Les expressions de Tacite, parlant des habitants de Cyzique (violentius quaedam ausis publice) ne sont pas absolument claires ; celle de Dion Cassius : έδησαν, relativement aux mêmes faits, n’indique pas forcément une détention préventive, et lorsque cet auteur nous parle de Romains fouettés et mis à mort έν στάσει, dans une émeute, il n’y a plus de doute. Il s’agit de violences commises à la faveur de quelque désordre, et non de l’usurpation par les pouvoirs locaux d’une juridiction qui ne leur appartenait pas. Nous connaissons des cas de violences exercées même contre des magistrats romains ou contre leurs agents : Tu, si te legatum ita Lampsaci tractatum esse, senatum docuisses, ut tui comites vulnerarentur, lictor occideretur, ipse circumsessus pêne incendere... (CICÉRON, Verrines, II, 1, 33, 85).
[124] Cf. l’inscription en l’honneur des ambassadeurs qui obtinrent cette faveur pour leur cité (IGI, 1, 2).
[125] Ces changements fréquents de situation, l’obscurité des textes font qu’on ait fort mal renseigné sur Rhodes ; et malheureusement l’épigraphie ne peut guère nous secourir ; comme l’a montré M. HOLLIAUX (Rev. de Philol., XVII (1893), p. 171-185), presque toutes les inscriptions rhodiennes que nous possédons se placent dans une courte période de cinquante ans (fin du IIe siècle, commencement du Ier av. J.-C).
[126] Hermès, XXVI (1891), p. 145 sq.
[127] DION CASS., passim.
[128] ARISTID., I, p. 316 Dind.
[129] JOSÈPHE, Ant. jud., XII, 10, 6.
[130] LEB., 588 = CIG, 3800 = Rev. de Phil., XXIII (1899), p. 275 sq.
[131] FRÄNKEL, 413.
[132] En effet, la question qui se pose ici ne concerne pas seulement l’organisation administrative, mais aussi le droit civil ; malheureusement, si la première nous est incomplètement connue, nous sommes plus ignorants encore du second. Il est très certain que la moitié orientale de l’Empire n’a subi que dans une faible mesure l’influence du droit romain. La langue même était un obstacle à la fusion des institutions. Il est surtout malaisé de distinguer entre les diverses régions de l’Orient hellénique : Gaius seulement spécifie quelquefois qu’un usage qu’il mentionne avait cours en Bithynie, ou chez les Galates, etc. (Instit., I, 55, 193, etc.). M. MOMMSEN a noté quelques différences de coutumes ; elles affectent surtout le droit des personnes (Römisches Strafrecht, Leipzig, 1899, p. 116-117 ; mais cf. surtout MITTEIS, op. laud.).
[133] DION CASS., LVI, 27, 2. Il ne fut pas tenu compte des droits des cités libres ; à beaucoup d’entre elles, non situées dans les îles, Auguste enleva le droit d’exil ; à d’autres villes non libres, mais insulaires, il le donna.
[134] Heichirecht und Volksrecht..., p. 92, note. Ce livre est utile à consulter sur la question du statut des villes ; p. 85, 90 sq.
[135] BRUNS, Fontes, p. 158, 1. 19 sq. = KAIBEL, IGS, 951.
[136] Un exemple entre beaucoup : il y avait un ancien genre de procès local, étranger aux usages italiens, l’έγκλημα τυμβωρυχίας (la plainte pour violation de sépulture) ; des constitutions impériales ont dû être rendues à son sujet, car dans une inscription de Tralles (BCH, V (1881), p. 344, n° 5) il est dit du coupable : ύπεύθυνος έστω τοϊς διατάγμασι καί τοϊς πατρίοις νόμοις. Aux lois du pays s’opposent dans le texte et s’ajoutaient donc en justice les actes du pouvoir souverain (διατάγματα).
[137] Cf. le sénatus-consulte rendu, probablement en 80 av. J.-C., en faveur de la ville maltraitée par le général de Mithridate (APPIAN., Mithr., 47 — CIG, 2222 = VIERECK, XXVII).
[138] Sur ces juridictions locales, cf. MOMMSEN, Römisches Strafrecht, Lpz, 1899, p. 239. Leurs défauts ordinaires étaient ou la faiblesse, ou la dureté. Quelques Hellènes en comprenaient l’insuffisance. Le rhéteur Polémon engageait les habitants de Smyrne à ne retenir que les procès pouvant conduire à une condamnation à l’amende, et à abandonner les causes de meurtre, sacrilège ou adultère, à un juge pourvu du droit de vie et de mort (PHILOSTR., V. Soph., I, 25, 3).
[139] Ep. ad Atticum, VI, I, 15.
[140] Publiée par M. Marcel DUBOIS, BCH, VII (1883), p. 62, et à nouveau par. M. VIERECK, S. G., IX.
[141] Telle est l’interprétation de M. MOMMSEN, Hist. rom., trad. fr., X, p. 131, note 1.
[142] Hypothèse superflue, ont déjà reconnu MM. MITTEIS (Reichsrecht, p. 88) et LIEBENAM (Städteverwaltung, p. 485, note 4).
[143] Je dis mainmise, mais non empiétement, car il faut écarter l’idée d’un abus de pouvoir. L’Empereur, en vertu de son jus gladii, et le proconsul — auquel ce droit était délégué — avaient juridiction criminelle (s’ils voulaient l’exercer, mais c’était au début chose rare) sur tous les habitants de la province. Il leur appartenait donc toujours de soustraire au tribunal d’une ville la connaissance d’un fait d’ordre pénal. M. MOMMSEN (V. son Droit public romain, trad. fr., III, p. 309) revenant sur le procès de Cnide, admet qu’Auguste, usant de ses prérogatives de souveraineté, évoque l’affaire devant lui : Ebenso zicht Augustus eine in der freien Stadt Knidos begangene Mordthat an sich (Röm. Strafrecht, p. 106, note 1) ; et comme il n’était pas sur les lieux, il délégua l’instruction au proconsul : und spricht die Beschuldigten frei nach einer durch den damaligen Proconsul von Atien Asinius Gallus in alter Form mit Sklavenfolterung angestalten Untersuchung (add. p. 270, note 5).
[144] M. Michel CLERC a publié (BCH, X (1886), p. 399 sq.) diverses inscriptions de Thyatira, qui font allusion à des actes juridiques, et dont l’obscurité est décevante. Voici (p. 399, n° 8) une lettre du proconsul Cornélius Scipio à la ville, dont le sens général parait être, suivant M. Clerc : Je trouve juste et équitable que vous vous conformiez aux sentences que les juges ont prononcées au sujet des sommes appartenant au temple, et que vous n’écoutiez plus les réclamations ou accusations qui pourraient se produire à ce sujet. Il ne nous est pas dit s’il s’agit ici d’un appel ; mais c’est peu probable ; ce texte ne nous fait pas descendre plus bas que l’époque d’Auguste ; à cette date l’appel ne s’est pas encore très généralisé. Du reste, il semble bien que le proconsul ait pris l’initiative d’un avertissement aux autorités de Thyatira. — Puis (ibid., p. 400 = VIERECK, VIII) une autre inscription, suivant laquelle, il en croire M. Viereck, des publicains, après avoir déposé un gage, avaient cité à comparaître devant le proconsul les Thyatiréniens, qui n’avaient pris aucun mûri des jugements intervenus entre eux-mêmes et les publicains. Il s’agissait de biens religieux qui semblent avoir été loués trop cher. M. MITTEIS (op. laud., p. 90) se demande si les publicains ne se seraient pas tournis d’abord a la juridiction de la ville, puis seulement après, sur déni de justice, adressés au gouverneur. Je ne vois rien à tirer de ces lambeaux de textes.
[145] Publiée par MM. DUBOIS et HAUVETTE, BCH, V (1881), p. 237, n° 23.
[146] Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, 1890, p. 34-37.
[147] Dans les Inscriptions of Cos, p. 41 sq., n° 26.
[148] Dans son article de la Realencyclopädie auquel j’ai fait plus d’un emprunt.
[149] Vraisemblablement, dit M. MOMMSEN (Röm. Strafr., p. 211), les juridictions indépendantes se seront bornées d’assez bonne heure aux délits que frappaient les peines peu élevées. — Il est clair qu’on ne peut rien affirmer de plus.
[150] JOSÈPHE, Ant. jud., XVI, 2, 3, 2. Le mot καί indique une action différente ; Hérode paraît avoir obtenu que Chios désormais fût dispensée du tribut.
[151] TACITE, Ann., II, 47.
[152] BCH, XV (1891), p. 630 ; cf. VII (1883), p. 405.
[153] TACITE, Ann., XII, 61.
[154] CIG, 3148.
[155] Je rappelle que cette supposition est basée sur la restitution suivante d’une inscription par M. CICHOHIUS : άφ[ο]ρο[λογήτου] (Sitzungsber. der Berlin. Akad., 1889, p. 371).
[156] TACITE, Ann., XII, 58, et CALLISTRAT., de Cognitionibus, Dig., XXVII, 1, 17, § 1 : Iliensibus et propter inclutam nobilitatem civitatis et propter conjunctionem originis Romanae, iam antiquitus et sénatusconsultis et constitutionibus principum plenissima immunitas tributa est.......... idque divus Pius rescripsit. M. HAUBOLD (De rebus Iliensium, p. 51 sq.) croit que ces prérogatives disparurent après Gallien, car les dernières monnaies frappées à Ilium l’ont été sous ce règne. Mais je me borne à répéter qu’un très grand nombre de villes sujettes avaient leurs monnaies de bronze particulières.
[157] V. KLEBS, Prosopographia imperii Romani, I, p. 357.
[158] Vies des Sophistes, II, 1, 4 sq.
[159] Je me rallie à l’hypothèse de Waddington ; v. dans BORGHESI, Œuvres, V, p. 413.
[160] FUSTEL DE COULANGES, Mémoire sur l’île de Chio, 1857, p. 74.
[161] Paul MONCEAUX, Les Proxénies grecques, Paris, 1885, p. 221 ; cf. aussi p. 315.
[162] Mais d’autres fois c’est le seul employé : ainsi le consul L. Domitius Cn. f. Ahenobarbus fut patron de Milet (2e moitié du 1er siècle av. J.-C). — WIEGAND, Sitzungsb. d. Berlin. Akad., 1901, p. 906.
[163] TITE-LIVE, XLII, 14.
[164] MOMMSEN, Sitzungsb. der Berlin. Akad., 1892, p. 846 = IGI, I, 48.
[165] Une inscription d’Ilium, mal restituée par SCHLIEMANN (Ath. Mit., XV (1890), p. 217) laissait croire que cette dignité surannée avait persisté sous l’Empire et qu’Auguste fut proxène de cette ville. Les corrections de MM. GARDTHAUSEN (Rhein. Mus., XLVI, p. 619) et BRUCKNER (dans DÖRPFELD, Troja und Mon, II, p. 471, n° 65) montrent qu’il n’en est rien ; Auguste fut appelé seulement πάτρων d’Ilium (LEB., 1743 f).
[166] LEB., 134 = CIG, 3571.
[167] HAUVETTE et DUBOIS, BCH, V (1881), p. 183.
[168] RADET, BCH, XI (1887), p. 457, n° 19.
[169] Loc. citat.
[170] G. RADET, BCH, XIV (1890), p. 232, n° 3.
[171] RAMSAY, BCH, VII (1883), p. 297, n° 22.
[172] CIG, 3609.
[173] Cf. le sénatus-consulte de Asclepiade, plusieurs fois mentionné (CIL, I, 803).
[174] Nous en avons comme la preuve dans le cas d’Ilium. On lit dans la vie de Nicolas Damascène (MÜLLER, Fragm. hist. gr., III, p. 350) que Julie, se rendant dans cette ville, éprouva, au passage du Scamandre grossi par les averses, des difficultés telles qu’elle faillit y périr avec son escorte. Agrippa, irrité de ce que les autorités, non averties pourtant, n’étaient pas venues au secours de sa femme, frappa les habitants d’Ilium d’une amende de 100.000 drachmes d’argent. Ceux-ci, atterrés, chargèrent Nicolas de solliciter l’intervention d’Hérode. Grâce à celui-ci, la peine fut levée ; et c’est alors sans doute que la ville manifesta sa gratitude de la façon que je viens d’indiquer.
[175] CIG, 2215.
[176] IBM, 210, 211.
[177] IBM, 562.
[178] BCH, IV (1880), p. 51, l. 21 sq.
[179] Un honneur particulier, d’une autre sorte encore, fut-il dévolu à la ville de Tralles, ίεράς τοΰ Διός κατά τά δόγματα τής συνκλήτου (CIG, 2926 = LEB., 604), consacrée à Zens en vertu d’un décret du Sénat ? Waddington traduit : du Sénat de Rome, σύνκλητος pris absolute ne servant jamais à désigner un sénat local (ad LEB., 519). C’est trop dire, et cette règle, juste en principe, comporte des exceptions. Les monnaies offrent des représentations de la θεός σύνκλητος (évidemment c’est le Sénat romain) et de la ίερά σύνκλητος, la même assemblée sans doute, car le type est alors différent de celui de la ίερά βουλή. Mais des légendes comme ίερά σύνκλητος Άλιην(ών) sur la même face de la pièce (IMHOOF-BLUMER, Kleinasiatische Münzen, I, p. 196, n° 8 ; BABELON, Collection Waddington, 5592) conduiraient à une autre interprétation. Enfin nous avons, de Tralles précisément, une inscription qui porte (l. 13 sq.) : τής ίερωτά[της συγκλή]του Καισα[ρέων Τραλλια]νών πόλ[εως] (Ath. Mit., XIX (1891). p. 112), et les restitutions ne Font pas de doute. Je crois donc que le passage du document ci-dessus doit se traduire de même ; on arrive ainsi à une donnée plus acceptable.
[180] De rebus Thyatirenorum, comment. epigr., thèse, Lutet. Paris, 1893, p. 43 sq.
[181] Digeste, XXVII, 1, De excusationibus, l. 6, § 2.
[182] Géographie, V, 2, 16 ; il écrirait précisément au temps des Antonins ; mais il faut noter que les manuscrits ne sont pas tous d’accord sur ce passage.
[183] V. BÉRARD, BCH, XIX (1895), p. 557, n° 8.
[184] CICÉRON, ad Fam., V, 20, 9 ; ad Attic., XI, 10.
[185] JOSÈPHE, Ant. jud., XIV, 10, 12 et ibid., 11.
[186] CIL, III, 6075, 6081, 6082.
[187] CIL, III, 6077.
[188] ULPIAN, Digeste, I, 16, De offic. procons. et leg., 4, § 5.
[189] Aussi est-ce probablement lui que Cicéron (Ep. ad Attic., V, 13, 1) désigne par ces mots : Ephesio praetori.
[190] Cf. MENADIER, Qua condicione Ephesii usi sint,... p. 1 sq.
[191] CURTIUS, Ephesus, Studien, Berlin, 187i, p. 5 ; Beitrage zur Gesch. und Topogr. Kleinasiens, p. 7.
[192] POLYB., XVIII, 32 ; STRAB., XII, 2, 10, p. 510 ; 8, 15, p. 577 C ; XIV, 1, 24, p. 641 C.
[193] Ad Trajan., 15.
[194] CICÉRON, ad Attic., V, 13 ; VI, 8.
[195] APPIAN., Bel. civ., V, 4.
[196] JOSÈPHE, Ant. jud., XVI, 2, 2 ; cf. PLUT., Sull., 26.
[197] Sur cette ville, v. encore : Ern. GUHL, Ephesiaca, Berolini, 1843 ; ZIMMERMANN, Ephesos im ersten christlichen Jahrhundert, diss. in., 1874 ; BARCLAY HEAD, History of the coinage of Ephesus, London, 1880 (Extrait du Numismatic Chronicle, 1880, pp. 85-180 ; 1881, pp. 13-23).
[198] V. sur Smyrne, à défaut d’un bon travail d’ensemble et récent : LANE, Smyrnaeorum res gestae el antiquitates, diss., Götting., 1851 ; Constantin ICOKOMOS, Étude sur Smyrne, trad. du grec par Bonaventure F. SLAARS, Smyrne, 1868 (cf. surtout les notes du traducteur) ; André CHERBULIEZ, La ville de Smyrne et son orateur Aristide, Genève, 1863-65.
[199] Tout ce qui concerne Pergame se trouve rassemblé dans la splendide publication de Berlin ; Altertümer von Pergamon. Le livre de vulgarisation du savant danois J.-L. USSING, Pergamos, dens Historie og Monumenter, Kjopenhavn, 1897, (pour l’époque romaine : pp. 70-81), a paru en allemand dans une nouvelle édition : Pergamos, seine Geschichte und Monumente, Berlin, Spemann, 1899, f° (sous les Romains : pp. 55 sq.) Enfin PONTREMOLI el COLLIGNON, Pergame, restauration et description de l’Acropole, Paris, 1900.
[200] Cf. MARQUARDT, Cyzicus und sein Gebiet. 1836, et KERSTEN, De Cyzico nonnullisque urbibus vicinis quaestiones epigraphicae, diss. in., Halle, 1886 ; mais ce dernier travail traite fort peu de l’époque romaine.
[201] Elle porte ainsi sous Élagabale les titres ambitieux de Άσίας, Λυδίας, Έλλάδος α μητρόπολις, que la dernière mention fasse allusion à l’immigration des Grecs d’Europe à Sardes (STRAB., XV, p. 735 C), ou des Grecs de Sardes en Grèce propre (TAC., Ann., IV, 55). Cf. GrCBM, Lydia, p. CIX, note 1.
[202] V. sur cette ville certaines pages du livre d’Olivier RAVET, Milet et le golfe latmique, Paris. 1877, pp. 33-116. et Mich. PAPPAKONSTANTINOU, Αί Τράλλεις ήτοι συλλογή Τραλλιανών έπιγραφών, έν Άθήναις, 1895.
[203] GrCBM, Ionia, Magnesia, 56.
[204] Synecdem., 688 Wess.
[205] Elle est aujourd’hui bien connue, grâce à M. RAMSAY, Cities and Bishop., I, p. 32 sq.
[206] STRAB., XII, 8, 16, p. 578 C.
[207] Apocalypse de saint Jean, III, 17.
[208] Ad Fam., II, 17, 4 ; III, 6, 2.
[209] Cf. l’édit de Dioclétien sur le maximum, XVI, 52.
[210] PHILOSTR., V. Soph., I, 25, 4 et 5 et Ath. Mit. XVI (1891), p. 145.
[211] E. BABELON, Revue numismatique, 1891, p. 31.
[212] Revue archéologique, 1876, I, p. 195.
[213] Cf. RAMSAY, Mélanges d’archéologie et d’histoire publiés par l’École française de Rome, 1882, p. 290 sq., et BCH, VII (1883), p. 305-306.
[214] ECKHEL, II, 458 ; MIONNET, II, p. 566, n° 334.
[215] De Neocoria, p. 41.
[216] GrCBM, Lydia, p. 204, n° 92 ; la légende se lit très nettement (v. pl. XXII, 14).
[217] Corpus inscriptionum alticarum, III, 180.
[218] Op. laud., p. 4-5.
[219] L’institution des métropoles a-t-elle duré au-delà du Haut-Empire ? Il semble bien que oui ; nous avons vu plus haut que Tralles portait encore ce titre à la fin du IVe siècle. Peut-être sont-elles à confondre avec les urbes magnifico statu praeditae que mentionne le code Théodosien (XII, 5, 3). Il en vrai que le même code dit ailleurs (XII, 1, 12) : Si quis ex majore vel ex minore civitate originem ducit, paraissant distinguer deux catégories de villes seulement. Mais la phrase peut n’avoir qu’un sens très général.
[220] I, p. 137 Dind.
[221] La thèse de M. Monceaux, à savoir qu’en général il n’y eut pas plus d’une métropole à la fois (De Communi Asiae, p. 99) me semble insoutenable ; et surtout le classement chronologique qu’il propose est suspect.
[222] Cf. ECKHEL, II, p. 527.
[223] ARISTID., I, p. 171 Dind.
[224] GALEN., V, p. 49 Kühn.
[225] CIG, 3538 ; LEB., 1721 ; MIONNET, suppl., V, p. 459, n° 1100 et 1101.
[226] MIONNET, ibid. ; FRÄNKEL, Inschr. v. Perg., 525. La qualification de πρώτη τών Σεβαστών me parait marquer, non un surcroît d’honneur, mais simplement l’approbation impériale (GrCBM, Mysia, p. 153, n° 318).
[227] Locit citatis suprà.
[228] Έφεσίοι μόνοι πρώτοι Άσίας (ECKHEL, II, p. 521 ; VAILLANT, Num. pop. et urb., p. 121).
[229] CIL, III, 471 ; CIG, 3179d, 3851 ; ECKHEL, II, p. 559 ; MIONNET, III, p. 242, n° 1367 ; p. 249, n° 1408.
[230] Πρώτη τής Άσίας κάλλει καί μεγέθει καί λαμπροτάτη καί κοσμός τής Ίωνίας (CIG, 3802, 3204, 3405, 3106 ; cf. LEB., ad n. 30).
[231] Mytilène, qui ne pouvait rivaliser avec les grandes cités, montra un esprit inventif ; elle borna ses ambitions et obtint de pouvoir se dire πρώτη Λέσβων (GrCBM, Mytilène, n° 185, 231, sous Valérien et Gallien). Une monnaie de Samos, fait plus étrange, porte : Πρώτων Ίωνίας (MACDONALD, Hunterian Collection, II, p. 413).
[232] Aristide conseille à Smyrne, Pergame et Éphèse de ne plus se disputer la prééminence dans la province, mais de se souvenir plutôt de toutes les grandes choses qu’elles ont en commun : des conseils, temples et jeux (Πανηγυρικός έν Κυζίκω περί τοΰ ναοΰ, I, p. 399 Dind. = II, p. 137 Keil). Add. deux autres discours du même orateur : Περί όμονοίας ταΐς πόλεσιν (I, p. 768-796 Dind. = II, p. 38-54 Keil) et ‘Ροδίοις περί όμονοίας (I, p. 824-814 Dind. = II, p. 54-71 Keil). PHILOSTR., V. Soph., I, 25, 19 ; HERODIAN., III, 2, 8.
[233] DION CHRYS., II, p. 148 R.
[234] IBM, 487. — Cf. PSEUDO-HERACLIT., Epist., IX, 7 (HERCHER, Epistologr. Graeci, p. 288) : Έφέσιοι τήν έαυτών πόλιν ύπερκόσμιον οΐονται.
[235] FRÄNKEL, 268. — Des relations d’amitié du même ordre nous sont attestées, pour une époque bien postérieure, par des monnaies frappées sous Commode et sous Gallien, et dont les légendes mentionnent un Koinon de Pergame et d’Éphèse (MACDONALD, Hunterian Collection, II, p. 285-6).