LA FRONTIÈRE DE L'EUPHRATE DE POMPÉE À LA CONQUÊTE ARABE

TROISIÈME PARTIE — L’OCCUPATION TERRITORIALE

 

CHAPITRE V — LA SYRIE ET SES RESSOURCES DÉFENSIVES DE DEUXIÈME LIGNE.

 

 

Dans les pages qui précèdent, nous avons étudié les postes byzantins de frontière et les ouvrages avancés par rapport à l’ancien limes, latéral à l’Euphrate. Reste à voir ceux de l’arrière-pays et comment les uns se reliaient aux autres. Les ambitions perses touchant les régions au-delà du Tigre avaient moins pour objet la possession de ces terrains, en grande partie stériles, que la suppression d’une zone intermédiaire qui embarrassait, retardait toute entreprise contre une région infiniment plus convoitée, la Syrie proprement dite ; les plans de campagne des Sassanides visaient surtout Antioche et sa banlieue, et, par delà, les contrées prospères — ou heureusement situées— du Liban et de l’ancienne Phénicie.

La Syrie s’est volontiers reposée sur la Mésopotamie, plus voisine de la Perse, du soin de sa sécurité. A l’origine, quand l’Osrhoène était encore pleinement étrangère à l’empire, les troupes traversaient plus souvent la province de la mer à l’Euphrate, et y stationnaient en plus grand nombre[1]. En Syrie, les chefs eux-mêmes s’amollissaient, surtout dans la ville des délices, Antioche. Quand toute une nouvelle marche eut été annexée à l’est, ce fut pire encore ; les garnisons peu à peu fondirent. Au temps de la Notitia, il y a encore dans la Syrie propre deux légions, mais l’une est presque en Osrhoène, à Sura, l’autre à Oresa, en plein désert, près de Palmyre. Au nord, les temps de guerre exceptés, plus rien que quelques escadrons de cavaliers, généralement indigènes[2]. Et la tradition se conserva[3]. Il semble que les villes de la Cœlé-Syrie n’aient point mission d’entraver la marche de l’ennemi ; il suffit qu’elles soient bien closes, pour éviter d’être mises à sac par les brigands.

Pour étudier méthodiquement la carte militaire de cette région, le mieux est de suivre les routes qui passaient par les différentes localités.

La communication la plus directe entre l’Osrhoène et, d’autre part, l’Arabie et la Palestine, s’opérait par une route passant à Palmyre[4] et dont les deux points terminus étaient Damas et Sura[5]. Nos sources énumèrent la série des postes qui la jalonnaient ; un des plus importants était Resapha. Ce nom, en arabe, signifie chaussée, route pavée ou dallée[6] ; il est étrange qu’on l’ait donné à une ville ; néanmoins cette étymologie ne doit pas être perdue de vue, puisqu’un des milliaires recueillis par Sterrett[7] porte : D. n. Constantino nob. C(ae)s(ari), Strata Diocletiana, a Palmyra Aracha VIII. Strata, en effet, a exactement le même sens, et enfin Procope[8] parle d’une χώρα dite Στράτα située dans cette région. Tout concorde à faire croire qu’il existait une chaussée des mieux construites entre Palmyre et Sura, et qu’elle fut inaugurée sur l’ordre de Dioclétien[9]. Il est étrange qu’aucune trace n’en soit plus visible ; le pays est si peu parcouru, si abandonné, qu’on ne peut penser à une destruction systématique et complète ; de fait, aucun voyageur n’a aperçu les moindres restes de cette voie ; personnellement, je n’ai rien distingué entre Hammam et Resafa : alors que le temps a respecté à peu près cette dernière ville, on ne conçoit pas que les pierres de pavement aient pu disparaître en totalité[10].

Quoi qu’il en soit, cette roule à travers le désert, via Palmyre, est certainement de création romaine[11] ; la première mention en parait remonter à 41 avant Jésus-Christ[12], sinon à 51[13]. Le poste initial, au départ de Palmyre, était Aracha, cité par le milliaire ci-dessus et très reconnaissable dans l’Érek d’aujourd’hui[14]. Moritz n’y a relevé que des vestiges d’habitation, qui ne sont point sûrement antiques. — Venait ensuite Oruba[15] de la Table de Peutinger, maintenant Taijibé : il y avait là des ruines étendues au temps des explorateurs anglais de Palmyre[16] ; et cette station était celle du préfet de la leg. IV Scythica, au commencement du Ve siècle. De plus, à deux ou trois heures au sud-est, il y avait, d’après le voyageur P. de la Valle[17], deux constructions rectangulaires mesurant respectivement 100 et 200 pas de long, formées de murailles de 3m,80 d’épaisseur et hautes de 12. L’une avait 12 tours, l’autre 24. Peut-être la garnison dont il s’agit laissait-elle en cet endroit deux vexillationes[18]. Sur la route même, entre Érek et Tayibé, on n’a observé que les ruines d’une tour de guet[19]. — Quant à Cholle, placée par la Table de Peutinger à 22 milles d’Oruba et 20 de Risapa (sic), elle est extrêmement difficile à situer[20]. Quelque approximatives que soient les données de la Table, on ne peut songer à Souchné, proposé par Ritter[21].

Enfin, avant Sura, restait Resapha-Sergiopolis. Un temple vénéré, consacré à saint Serge, attirait en foule les pèlerins ; pour en protéger les trésors, déposés comme offrandes, Justinien l’entoura de solides murailles. Une cité véritable y prit dès lors naissance ; elle s’abreuvait aux réservoirs creusés à la même époque et une garnison veillait à sa sécurité[22]. De simples raisons de chronologie font que l’endroit s’appelle Resafa dans Ptolémée et dans la Notitia[23]. Il ne faudrait donc pas interpréter Procope peu explicite, en ce sens que Sergiopolis aurait été, comme lieu habité, une création de Justinien, pourvue par lui pour la première fois de moyens de défense, en hommes et en remparts. Les murs sont encore debout, et j’en ai pu relever la figure et l’étendue[24] : Quadrilatère parfait, la ville mesurait en longueur plus de 500 mètres et plus de 300 dans l’autre sens[25] ; le mur d’enceinte avait près de 3 mètres d’épaisseur, y compris le portique intérieur, large de 1 mètre, qui y était creusé sur tout le pourtour[26]. Des tours, rondes ou carrées, se succédaient tous les 28 mètres environ. D’après l’état des ruines, là population semble avoir été peu considérable et limitée à la garnison, avec une ou plusieurs communautés religieuses. Pas de blocage dans la maçonnerie ; il n’y entrait qu’une pierre très blanche et brillante, empruntée à une carrière voisine, à peu près à mi-chemin dans la direction de Hammam. C’est là que devait se trouver un castellum intermédiaire, Tetrapyrgia (= quatre tours), poste sans doute très peu considérable, rappelé seulement dans les Acta SS. Sergii et Bacchi[27] ; il était à 9 milles de Sura et autant de Reaapha ; ce total de 18 milles entre les deux points extrêmes concorde mieux que les 21 milles de la Table de Peutinger avec les 126 stades de Procope[28] et mes propres observations.

Fig. 10. — Resapha-Sergiopolis.

Palmyre[29] était à un carrefour d’où partaient plusieurs voies vers l’ouest. La plus méridionale, qui paraît avoir encore porté le nom de Strata Diocletiana[30] et dont Cyril Graham a retrouvé des tronçons[31], s’allongeait vers Bostra, franchissant d’abord le désert, puis suivant à peu près la lisière du plateau volcanique du Safa. Après un trajet d’une centaine de milles, dont nous ignorons les relais, elle atteignait le Djebel Sès[32], devant lequel se trouvait le camp minuscule relevé par le marquis de Vogué[33], poursuivait au sud vers Saltatha (placé par une inscription à Nemara), où étaient les Equites promoti indigenae (scrib. Illyriciani) de Phénicie[34], et entrait aussitôt, on ne sait suivant quel tracé, dans la province d’Arabie.

Une deuxième route conduisait à Damas[35] ; elle sert encore aux caravanes. On y rencontre aujourd’hui : la grande tour romaine de Kasr-el-Bar[36] puis Kariéteïn[37]. Là, elle bifurquait : l’embranchement direct, privé d’eau, passait par Geroda (Djeroud[38]), et Thelseae (Kutaïfeh[39] ?), à quelque distance des ruines, d’âge indistinct, de la tour de Khan-el-Maloubiyé ; le plus long, moins désertique, déviait vers le nord-ouest, du côté de Haouarin, où sont les restes du castel que gardaient les Equites scutarii Illyriciani d’Euhari[40], puis de Sadad (Danaba), où était la préfecture de la leg. III Gallica[41] : son camp démantelé est au sud-est du village, qui conserve encore une tour carrée haute de 20 mètres et forte de 8 ; tournant ensuite vers le sud, le chemin passait[42] à Nebk, où l’on reconnaît Galamona[43], et longtemps après il atteignait Damas, où l’élément gréco-romain a été entièrement englouti sous le flot arabe. C’était une très importante position[44], ayant aussi des satellites, surtout l’imposant castel dit Khirbet-il-Maksoura, à l’est, près de Domeir, qui semble avoir eu un rôle sous le Haut-Empire[45], comme Phaene (Mousmiyé), au sud, dont le prétoire — où siégeait le chef de détachements légionnaires[46] — fut bientôt transformé en basilique byzantine[47].

De Palmyre encore, défendue, elle, par le désert, s’éloignaient deux autres routes presque parallèles : la première[48], de 80 milles[49], conduisait à Émèse (Homs) ; peu parcourue, vu son aridité, elle ne semble pas avoir été pavée ; vers les trois quarts du trajet, Forklous, où l’on a voulu reconnaître Belproclis[50] ; mais ni ruines, ni inscriptions.

La seconde voie, ouverte par Antonin le Pieux, continuée ou refaite sous Septime Sévère[51], avait pour objectif Apamée (Kalaat-el-Moudik[52]). C’est au commencement de son parcours qu’il faut placer les Centum putea de la Table de Peutinger[53], à Aboul-Faouaris ou Kottar[54] ; ensuite Occarib (Occariba)[55], Theleda[56] avec quelques ruines ; après avoir dépassé la route de Cyrrhus à Émèse, elle s’engageait dans un défilé, où on a trouvé des restes de pavement en basalte[57], et arrivait à Apamée, forteresse formidable, dans une splendide position[58], mais complètement détruite par Chosroes II, ravagée même encore depuis parles tremblements de terre. J’annexe ici le plan de Sachau, qui évalue la longueur à un peu moins d’un mille anglais (fig. 17)[59].

Les voies plus rapprochées de la mer avaient une moindre importance stratégique et servaient principalement au négoce ; cela est particulièrement vrai des chemins de traverse, comme celui qui conduisait de Béryte à Damas par Héliopolis (Baalbek)[60] ; un autre allait d’Antaradus (Tortose) à Raphanée et à Émèse ou Epiphania, on ne sait exactement laquelle des deux ; en effet, l’emplacement précis de Raphanée n’est pas connu ; on la met communément au sud de Masiad, entre les deux villes litigieuses, du côté de l’ouest.

Vers cet endroit, à Mariamin[61], d’où l’on domine la vallée de l’Oronte, il y eut sans doute une garnison, car Dussaud y a découvert des stèles représentant en bas-reliefs des soldats romains ; l’une d’elles porte : An[ti]ochanus... Maximus speculator[62] : mais peut-être n’y avait-il là qu’un petit détachement avancé de la leg. III Gallica.

Au contraire, la vallée de l’Oronte était un chemin d’invasion, vers Antioche pour ceux qui venaient de Damas, et plus encore en sens inverse. C’est par elle que l’armée perse répandit dans toute la Syrie la dévastation, avant la revanche d’Héraclios ; cet événement même est cause de la disparition quasi totale des vestiges de l’occupation militaire romaine. Ajoutons que cette ligne est aujourd’hui assez fréquentée, circonstance fâcheuse pour la conservation des antiquités. De la voie seule des traces son encore très visibles, notamment au nord d’Apamée[63].

Une autre route[64], quittant la vallée, piquait plus directement vers Beroea (Alep) et de là vers Cyrrhus. Celle-là parcourt un district couvert de ruines, mais qui n’ont guère permis que d’étudier l’architecture religieuse. Du moins les villages présentent un nombre énorme de tours de guet, plus ou moins effondrées, les unes basses, à deux étages, comme celle de Khirbet-Hass[65], d’autres bien plus élevées, comme celle de Djeradeh, notée par l’expédition américaine[66]. En dehors de ces spécimens, citons un castel qui passe pour romain, à Arra, à 20 milles au sud de Chalcis (Kinnesrin)[67]. En outre, dans le voisinage de la bifurcation, vers Hama, plusieurs castella de basse époque, en briques, ont été constatés par Oppenheim[68]. Cette voie passait notamment à Seriane, station d’Equites scutarii Illyriciani[69] ; Cahun[70] suppose que Seriane était à Kasr-ibn-Ouardan ; rien ne l’indique.

Enfin la grande voie côtière venant d’Egypte se prolongeait, au-delà de Césarée de Palestine, par Ptolémaïs Acé, Tyr, Sidon, Béryte, Byblos, Botrys, Tripoli, Orthosia, Antaradus, Balnea, Laodicée, Séleucie de Piérie, Rhosos[71] et Alexandrie ad Issum[72]. Je m’en tiens à cette énumération ; parmi les villes maritimes, il n’est guère que Séleucie qui, à l’époque romaine, ait eu un rôle appréciable de quelque durée dans l’organisation militaire ; encore, quand les Perses envahirent la Syrie, était-elle complètement déchue[73]. Pourtant il y eut bien quelques travaux d’accomplis dans ces diverses stations, même à la basse époque ; une inscription très mutilée de Byblos fait allusion à une restauration du port au temps d’Hadrien[74]. Béryte surtout et Antaradus semblent avoir éclipsé leurs voisines. Cette dernière fut rebâtie sous Constantin, de qui elle tint le nom de Constantina[75]. L’autre, restaurée d’abord sous Auguste[76], reçut peut-être au VIe siècle des fortifications supplémentaires[77]. Tyr resta quelque temps au moins un nom réputé[78].

Mais les souvenirs romains sur cette côte sont presque tous en très menus débris, en raison des tremblements de terre qui l’ont ébranlée sous Justinien.

Nous aurons relativement un peu plus à glaner en abordant l’extrême nord de la Syrie : cette région était fort peuplée dans l’antiquité[79] et constamment traversée, même pour le service de guerre.

Outre la grande voie qui suivait l’Euphrate, de Samosate à Barbalissos et à Sura, la Table de Peutinger indique un tronçon supplémentaire, qui au lieu de longer partout les sinuosités du fleuve, allait en droite ligne de Zeugma à Eragiza, en passant par Hierapolis[80]. Cette ville eut souvent, durant le Haut-Empire, le rôle que nous avons signalé[81] ; elle servit de point de concentration aux armées, avant leur entrée en campagne. Pendant les dernières guerres persiques, le général romain s’y tenait encore, mais cette fois faisait valoir, en vue de l’abandon de la place, la faiblesse de ses murs et le manque d’approvisionnements[82]. Au milieu des remparts s’ouvrait même un grand espace vide : l’enceinte de la cité était trop vaste ; Justinien la réduisit, mais la renforça. Pour procurer l’eau nécessaire en cas de guerre, il fit creuser un grand puits, que les habitants imprévoyants négligèrent d’entretenir[83].

Les anciens murs, dit Sachau[84], sont encore en majeur partie conservés[85] ; le parement extérieur était en gros blocs carrés de calcaire, et le reste en pierres plus petites mêlées d’argile ; un fossé les entourait. Il subsiste quelques tours, très fortes, et percées de meurtrières ; leur forme ferait croire qu’elles sont antérieures à l’époque byzantine, si nous ne savions que Justinien dut rebâtir l’enceinte, pour en diminuer le périmètre. Elle est oblongue, et il faut une heure pour en faire le tour[86].

Telle était l’importance d’Hiérapolis comme centre de mobilisation, qu’il était utile de pouvoir, de là, gagner Édesse par le plus court, c’est-à-dire sans passer par Zeugma. L’Itinéraire d’Antonin mentionne en effet par deux fois, en route directe, p. 191,8-192,3 : Hierapoli — 10 — Thilaticomum — 15 — Bathnas — 15 — Edissa ; p. 192,4-193,1 : Carris — 30 — Bathnas — 22 — Thilaticomum — 31 — Hierapoli[87]. La deuxième nomenclature seule indique exactement les distances, étant donné qu’il n’y a pas de doute sur l’identité de chaque point terminus. On en vient donc à penser avec Regling que le fleuve était franchi à Caeciliana, et que Thilaticomum[88] serait à chercher près de la rive orientale du fleuve, un peu au delà.

La voie principale de l’extrême nord syrien était à peu près rectiligne d’Antioche à Zeugma. Entre Killis et Nisibis[89], j’en ai observé les vestiges sur un parcours de plusieurs kilomètres : elle était large de 4 à 5 mètres ; aucun pavage, mais une accumulation de gros cailloux, et sur chaque rebord des pierres plus volumineuses[90]. C’est peut-être cette route que desservait un pont jeté sur le Nahr Afrin, à 1 heure ½ - 2 heures au sud-est de Cyrrhus — à peu de distance du village de Zeitanak —, que j’ai aperçu de loin sans pouvoir en approcher, pour divers motifs, notamment l’heure avancée de la journée et l’impossibilité de relayer près de lui. J’en ai du moins croqué sans peine le profil (fig. 18) : une assez forte rampe des deux parts mène du sommet, qui est entre les 2e et 3e arcades. Toutes trois sont en plein cintre ; leurs dimensions respectives vont croissant d’ouest en est[91].

La route latérale à l’Euphrate du côté de Samosate envoyait un embranchement vers le sud-ouest, qui passait à Doliche, Cyrrhus, Gindarus et Gephyra (Djisr-el-Afrin), pour aboutir à Antioche, puis à Séleucie. La première de ces stations, à Tell-Duluk (vers l’Aïntab d’aujourd’hui), n’était qu’un toute petite ville[92]. Cyrrhus[93], dont nous avons appris l’importance militaire au Ier siècle, avait été depuis complètement abandonnée ; le chiffre de sa population était tombé très bas[94], ses murs croulaient. S’il faut croire à un motif aussi frivole, Justinien les releva par piété pour les saints Côme et Damien, dont les corps reposaient à Cyrrhus[95]. Il y plaça une forte garnison et assura l’approvisionnement d’eau, en amenant une source voisine par un aqueduc couvert[96].

Fig. 19. — Cyrrhus.

J’ai été moi-même à Cyrrhus (aujourd’hui Herup-Pchimber), et si diverses circonstances, une température torride, le caractère très accidenté de la topographie, ne m’ont pas permis de lever un plan véritable des vestiges de la ville, j’ai pu cependant noter quelques observations que je résume ; je ne garantis aucune des mesures rapportées ici à tout hasard[97]. Du moins le temps que j’ai passé dans les ruines m’a laissé soupçonner l’étendue considérable que couvrait l’ancienne cité. Il y avait une ville haute et une ville basse ; celle-ci[98] comprenait l’agora, superbe place de 150 mètres de long et 100 de large environ, entourée de boutiques dont quelques-unes sont encore visibles et de majestueux bancs de pierre à dossier ; le dallage est intact. La ville haute, à l’ouest, avait son enceinte particulière, épaisse de plus de 2 mètres en moyenne, qu’on franchissait par une porte au nord, et dont le front en arc de cercle sur la ville basse (long de près de 400 mètres) offrait une rangée de cinq tours carrées. A l’extrémité la plus occidentale, à un niveau un peu supérieur, se profilait la citadelle proprement dite, carrée, de près de 50 mètres de côté, garnie de quatre tours saillantes, dont une ronde au sud-ouest.

Ce qui m’a particulièrement frappé, c’est, malgré cet appareil de défense, les conditions très médiocres où se trouvait Cyrrhus comme place de guerre : au sud, une colline dominait, bien de 50 mètres la citadelle elle-même, où l’on descendait en pente douce.

De Gindarus il nous est parlé seulement par Strabon[99] comme de la clef de la Cyrrhestique, et d’un repaire tout préparé pour les brigands. C’est sous Théodose le Grand qu’elle fut pour la première fois entourée de murailles[100]. De là, une autre voie conduisait à l’Euphrate, à Caeciliana, par Batnae[101] — deuxième ville de ce nom[102] — et Hiérapollis.

On allait encore de Batnae à Antioche par une autre voie, indirecte, qui desservait Beroea et Chalcis. Beroea (Alep)[103] était aussi une toute petite ville au Ier siècle[104] ; sur son refus de payer la somme qu’exigeait d’elle Chosroes, elle fut prise et détruite[105] ; son importance ne date que de la domination musulmane.

Près de Chalcis, l’expédition américaine[106] a retrouvé des tronçons de cette voie, sans doute du IIe siècle, large de plus de 6 mètres et chargée de gros blocs massifs. Très peu au sud de Beroea on atteignait Chalcis — la moderne Kinnesrin — qui avait une petite garnison et où campa Bélisaire[107] ; ses murs étaient devenus insuffisants au VIe siècle, Justinien les renforça en les enveloppant d’un avant-mur. Elle se racheta une première fois du pillage, mais fut saccagée plus tard. Ses ruines informes ne comprennent plus que des débris de murailles et les restes d’une tour carrée ; tout près, un château ruiné sur une colline[108].

A partir de là, marchant vers l’ouest, on traversait une région accidentée où les ruines pullulent aujourd’hui ; l’une d’elles, imposante, commandait la passe étroite dans laquelle s’engage la roule, au sortir de la plaine où est le village actuel de Dana. C’était le couvent que les indigènes appellent Deir-el-Benat, quelquefois aussi Kasr-el-Benat (castrum puellarum), en raison de l’aspect de château fort que lui donne une grande tour rectangulaire, à 6 étages, de plus de 30 mètres de haut[109]. Nous ne saurons jamais si la communauté pourvoyait elle-même à sa protection, ou si cette tour avait été juxtaposée au monastère par l’administration impériale et pourvue de troupes. Presque à côté, au point le plus étranglé du défilé, j’ai aussi constaté la présence de décombres couvrant une étendue assez vaste ; ils proviennent sans doute, non pas d’une chapelle comme celles qui couronnent les hauteurs des alentours, mais plutôt d’un corps de garde. Était-ce un castellum byzantin ou arabe ? L’état actuel est tellement délabré qu’on ne peut rien conjecturer. A quelques minutes de là, le chemin antique, très étroit, a été creusé dans le roc même ; à quelle date ? De bonne heure sans doute ; deux cartouches, au flanc du rocher, portent des inscriptions d’époque tardive, mais qui ne se réfèrent qu’à une délimitation de territoires[110].

Près d’Antioche même était le camp d’Imma[111] ; j’y verrais ces χειμάδια Άντιοχικά décrits dans une lettre très mutilée de l’empereur Julien[112] ; il ressort de la description que les murs étaient bâtis de pierres brutes liées par un mortier[113].

La Table de Peutinger n’indique aucune route de Chalcis ou de Boroea vers Barbalissos et Sura, et pourtant il en existait une, car on en a trouvé les postes principaux ; d’abord Gabbula, où Cavad, suivi de ses Saracènes, avait établi son camp, et que Procope place à 100 stades de Chalcis, soit 12 ou 13 milles[114] ; puis une ville antique, aux fortes murailles de basalte, ayant sa citadelle[115], et aujourd’hui appelée Khinnasdra, enfin deux castella très voisins : à Resm-Errouamm et Zebed[116]. Cette route que nous supposons aurait donc eu une direction est-ouest.

Si serré était ce réseau routier qu’alors qu’Antioche se trouvait directement en communication avec Samosate, une autre voie, portée a la Table de Peutinger, arrivait à cette dernière ville, partant d’Alexandrie ad Issum (vers Alexandrette) et passant ensuite à Pagaris, autrement dit Pagrae, qui, d’après Strabon[117], était un lieu très fortifié, voisin de Gindarus, situé au débouché du col de l’Amanus (donc peu après Beïlan), et qui dominait toute la plaine d’Antioche.

Antioche était, d’autre part, reliée avec la Cilicie et la Cappadoce par une voie nord-sud, qui empruntait la vallée du Melas (aujourd’hui le Kara-Sou = fleuve noir) : la principale ville qu’elle traversait dans son parcours méridional était Nicopolis (Islahiyé)[118]. Cette chaussée longeait le pied de l’Amanus et j’en ai suivi les vestiges, par endroits très accusés, pendant près d’une heure, à mi-chemin environ entre Checkhlé et Kara-Moughara[119].

Fig. 20. — Camp romain entre Nicopolis et Cyrrhus.

La protection de la route se trouvait notamment assurée par un camp permanent, dont l’enceinte était très visible à mon passage, et dont le P. Philippe m’a très obligeamment aidé à lever le plan (fig. 20). Sa forme irrégulière est un peu déconcertante ; les diverses portes sont bizarrement placées. Le mur, dont il demeure au sud-est quelques pans misérables, avait 2 mètres d’épaisseur ; nulle part ce qui en subsiste ne dépasse 4 mètres de haut ; le corps, en blocage, était enfermé entre deux parements de basalte, par blocs taillés irrégulièrement et de faibles dimensions. Ce camp servait aussi à préserver le personnel employé à l’exploitation d’une carrière de basalte toute voisine[120]. Il était établi de l’autre côté du Mêlas que la route, à 2 kilomètres environ de la rive gauche, au pied de la montée du Meïdan. Une petite source jaillit actuellement près de l’angle sud-est ; peut-être en tirait-on parti dès l’antiquité ; au centre de l’enceinte s’élève un monticule qui permettait d’observer les alentours ; de divers côtés, surtout à l’ouest, on distingue vaguement quelques-unes des chambres intérieures. Le corps d’occupation devait être emprunté à la garnison de Cyrrhus, distante de quelques heures seulement.

La route latérale au Mêlas unissait sans doute Nicopolis et Germanicia. Où était cette dernière ? On a voulu la placer à Marach ; les indications des diverses sources[121] sont tellement discordantes qu’il n’y a rien à en tirer ; d’autre part, il n’y a à Marach que des ruines arabes[122]. En tout cas, Nicopolis ou Germanicia n’étaient pas très voisines l’une de l’autre, puisque l’Itinéraire d’Antonin (184 à 191) fait de chacune des deux une tête de ligne séparée dans la direction d’Édesse.

On le voit à l’examen d’une carte : dans ce système de défense, tout converge vers Antioche. Dans cette ville aussi furent accomplis des travaux de fortification considérables, à plusieurs reprises, sous Tibère, les deux Théodose, et enfin, après les ravages des Perses, par Justinien qui réduisit le périmètre. Je crois préférable de ne rien dire de plus de cette si importante métropole qui, à elle seule, exigerait d’énormes développements, et a donné lieu à des publications récentes auxquelles il me suffit de renvoyer[123].

 

 

 



[1] Cyrrhus servait de garnison pour l’hiver à la X Fretensis sous Tibère, soit plusieurs milliers d’hommes ; on en détachait seulement quelques cohortes pour des services momentanés : CIL, III, 6697 (Byblos) ; Waddington, 2717 (Séleucie) ; C. R. Acad. d. Inscr., 1894, p. 261 (Samarie).

[2] Les campements que leurs attribue la Notitia sont, nous le savons déjà, très souvent impossibles à identifier.

[3] Le Saracène Alamoundar put dire à Chosroes : Au-delà de l’Euphrate et en Syrie, ni villes fortifiées ni troupes nombreuses ; Antioche n’est pas protégée ; elle n’a pas de garnison. (Procope, B. P., I, 17,22).

[4] Des inscriptions de Palmyre rappellent des συνοδίαι ou caravanes qui prenaient ce chemin (Dittenberger, OrGrIS, II (1905), p. 341, n° 633, et n° 632 : συνοδιάρχην ; cf. note 2 ; add. p. 345, n° 638 ; p. 352, n° 646).

[5] Aujourd’hui ce n’est plus que pour partie l’itinéraire des caravanes ; à deux journées de Tadmour (Palmyre), elles continuent vers l’est-nord-est, pour aboutir à Deir ; tel est le chemin suivi par Oppenheim (Vom Mittelmeer..., I, p. 279 sq.) ; or il ne mentionne pas de ruines. Horitz avait fait de même (op. cit., p. 35-40), et voici tout ce qu’il a relevé : vers le milieu de la route, à Kabâkib, une fontaine antique, en briques, et à 1 kil. de là, vers l’ouest, à Chabra (ce qui signifie couvent), les débris d’une conduite d’eau, qu’il jugea romaine, réunissant les eaux de pluie dans un grand bassin. Un monastère perdu dans les solitudes, c’est tout ce qui a pu exister sur ce chemin.

[6] Cf. Clermont-Ganneau, La voie romaine de Palmyre à Resapha (Rec. d’arch. orient., IV (1901), p. 69-74) ; Resapha et la Strata Diocletiana (ibid., p. 112-113).

[7] CIL, III, 6719 ; cf. 6717 à 6721.

[8] B. P., II, 1,6.

[9] Cf. Not. Or., XXXII, 43 : Cohors II Aegyptiorum Valle Diocletiana (Phénicie). Cette localité se trouvait peut-être sur un point de la route en question, qui, dans sa partie méridionale, dépendait de la Phénicie du Liban.

[10] Il n’y en a marne plus aujourd’hui dans cette plaine : le voyageur ne trouverait pas le moindre caillou pour enfoncer les piquets de sa tente.

[11] Cf. Bevan, The House of Seleucus, London, 1902, I, p. 55, note 2.

[12] Appien, Bell. civ., V, 9.

[13] Cicéron, ad fam., XV, l, 2 : Pacorum Orodi regis Parthorum filium cum permagno equitatu Parthico transisse Euphratem et casira possuisse Tybae, magnumque tumultum esse in provincia Syria exercitatum. Il n’est pas interdit de supposer que ce Tyba correspond à Tayibé (v. infra), mais le fait reste très problématique.

[14] Harae (= Harao) dans la Table de Peutinger ; Άδαχά (à corriger en Άραχά) dans Ptolémée, V, 14, 19 ; mais est-ce bien, comme l’admet Moritz, l’Anatha de la Notitia (XXXIII, 11, 20) ?

[15] Il faut lire sans doute Oruda ou Oruza, car on trouve Όρίζα dans Ptolémée, V, 14, 19 ; Oresa dans la Notitia (XXXIII, 23) ; Orissa chez le Géogr. de Rav. — Dans Et. de Byz. : Hadrianopolis.

[16] Cf. Waddington, 2631 ; add. une dédicace religieuse du temps d’Hadrien, 4501 = Dittenberger, OrGrIS, II, p. 339, n° 631.

[17] V. Ritter, Erdk., X, p. 1103 sq. ; add. Journ. of. the R. Geogr. Soc., XXX (1860), p. 207.

[18] Peut-être aussi, comme le suggère Moritz, était-ce l’Άδαδα de Ptolémée, V, 14, 19. Le nom actuel, Aheir, qui signifie retranchement, ne conduit à aucune identification.

[19] Lady Blunt, Bediun tribes of the Euphrates, London, 1879, II, p. 37.

[20] Cf. Clermont-Ganneau (ibid., p. 73), qui résume les complications.

[21] Cf. Clermont-Ganneau, p. 1441.

[22] Procope, Aed., II, 9, p. 235. Chosroes en fit le siège, mais ne s’y opiniâtre pas ; il fit remise de 1200 captifs contre 200 livres d’or (Id., B. P., II, 5, 29).

[23] Ptolémée, V, 15 ; Not. Or., XXXIII. 5, 27. Formes diverses : ‘Ρησάφα, ‘Ρόσαφα, Rosapha, Rosafa, Risapha, Risapa (Gelzer, p. 151). Georg. Cypr., 883. La ville dut donc recevoir les faveurs d’Anastase (491-518) ; il est singulier qu’elle les ait oubliées, ainsi que l’éclat qu’elle devait à la mémoire de Serge, pour revenir à son ancien nom. Toutefois, s’il n’y a pas d’inexactitude dans Georges de Chypre, le changement était récent lorsqu’il écrivait, car il y eut un Abraamius sp. Sergiopoleos en 553 (Mansi, Concil., IX, 390).

[24] Je réduis à l’essentiel la description que j’ai donnée (BCH, XXVII (1903) p. 280-91) et répète (fig. 16) mon plan (p. 283) ; je profite de l’occasion pour compléter ma bibliographie : L. Cahun (Excursion) avait visité Resapha, dont il donna un aperçu très sommaire (p. 239 sq. ; p. 240, il signale un petit fortin avancé, à trois étages) ; il prétend avoir trouvé la carrière de spath fluor et mica, entre Rakka et Hammam (p. 241) et pris des photographies (p. 255) qui n’ont sûrement pas été publiées. X. Sidéridès a publié dans Ό έν Κονσταντινουπόλει Έλληνικός Σύλλογος ..., 1896 [1899], p. 138-9, deux courtes inscriptions grecques, copiées par Albert Long, qui m’avaient échappé ; l’une d’elles est interprétée d’autre sorte par J. Pargoire (Échos d’Orient, III (1899-1900), p. 238-9) ; elle serait de 781. Malgré l’invasion arabe, une communauté grecque aurait subsisté là assez longtemps.

[25] L’enceinte n’a pas moins de 2 kil. de tour, dit Cahun qui l’exagère.

[26] C’est la disposition qu’affectait l’enceinte d’Aurélien à Rome ; Homo, qui l’a étudiée, n’en connaît (Op. laud., p. 289) qu’un seul autre exemple, à Cilurnum (Bretagne), en une partie du mur d’Hadrien. Ce type de construction a peut-être une origine orientale : Hadrien et Aurélien ont été tous deux en Syrie.

[27] Analecta Bollandiana, XIV (1895), p. 373 sq. ; cf. p. 391, 10, et 393, 25.

[28] B. P., loc. cit.

[29] On a tant écrit sur Palmyre qu’il est superflu d’esquisser une description de la ville, qui serait d’ailleurs en grande partie un hors d’œuvre, et même de donner la bibliographie du sujet, qui se trouve partout. Je me borne à signaler les travaux les plus récents : P. Perdrizet, Les dossiers de Mariette sur Baalbek et Palmyre (Rev. des étud. anciennes, III (1901), p. 225-264) ; un bon résumé de la topographie a été présenté dans une conférence d’O. Puchstein à la Société archéologique de Berlin (Jahrb. d. Instit., XXI (1906), Arch. Anz., p. 42-45). C’est l’extrémité ouest qui fut transformée en camp de légion par Dioclétien. Procope (Aed., II, 11, p. 243) n’en dit presque rien.

[30] CIL, III, 6726 ; on croit bien y lire ces deux mots.

[31] Journ. of the R. Geogr. Soc., XXVIII (1858), p. 239.

[32] Nom ancien inconnu ; peut-être Anutha (Not. Or., XXXII, 7, 22).

[33] Syrie centrale, Architecture civile et relig. du Ier au VIIe s., Paris, 1865-77, p. 71, fig. 26-27 : carré très régulier de 34m,20 de côté ; une tour ronde à chaque angle et une au milieu de chaque coté ; une seule porte. Tout auprès, les thermes de la petite garnison (fig. 28). Oppenheim (Von Mittelmeer, I, p, 245 sq.) est venu à Sès a son tour ; il est d’accord avec Vogué pour la description, mais non, à beaucoup près, pour les mesures. Les ruines du Djebel sont assez nombreuses, d’après son récit. Add., Dussaud, Les Arabes en Syrie avant l’Islam, p. 29 sq.

[34] Not., XXXII, 5, 20.

[35] Moritz, op. cit., p. 12-25.

[36] Moritz, op. cit., p. 12, note 3 ; Sachau, p. 49.

[37] D’après les distances, = Nazala (Equites promoti indigenae : Not., XXXII, 23) ; Peutinger : Nezala ; Ptolémée, V, 14, 15 : Νάζαμα. V. le tableau comparatif de Müller, p. 983.

[38] Itinéraire d’Antonin, 196, 1.

[39] Equites Saraceni Thelseae (Not., XXXII, 28 ; cf. 13).

[40] Not., XXXII, 19 ; cf. 4 : Euhara ; Itinéraire d’Antonin, 195, 9 : Eumari ; Ptolémée, V, 4, 19 : Αύερία ; Not. episc., I, 991 : Εύαρίος.

[41] Not., XXXII, 31 ; cf. 16 ; Ptolémée, V, 14, 19 : Δάναβα ; Peutinger : Danoua ; Le Quien, Or. chr., II, p. 847 : castri Danabeni ; CIL, III, 755 : Danauae.

[42] D’abord, selon Müller, à Deir-Aliyé ; pour des raisons de latitude, il y met l’Άτήρα de Ptolémée, V, 14, 19, auquel la consonance lui fait assimiler l’Adarin de Peutinger et l’Otthara de la Notitia (XXXII, 3, 18). C’est beaucoup de liberté.

[43] Equites sagittarii indigenae (Not., XXXII, 26 ; cf. 11).

[44] Τόν τής έψας άπάσης όφθαλμόν, disait l’empereur Julien (Epist., 24).

[45] Cf. Waddington, ad n. 2562 d.

[46] Vexillationes de la III Gallica et de la XVI Flavia Firma, sous Marc-Aurèle et Commode (Waddington, 2524-2537).

[47] De Vogué, op. cit., pl. 7, p. 45 sq.

[48] Tardive, dit Moritz (ibid., p. 9 sq.), puisque la Table de Peutinger l’ignore ; néanmoins, à 5 h. ½ de Palmyre fut trouvé un milliaire (CIL, III, 6727) au nom de Dioclétien.

[49] Le Ouien, Or. chr., II, p. 810 (Palladios, de vit. Ioan. Chrys).

[50] Not., XXXII, 27 : Equites Saraceni indigenae ; cf. 12.

[51] CIL, III, 6722, 6723.

[52] Moritz, p. 5 sq.

[53] Ptolémée, V, 14, 19 : Πούτεα.

[54] Waddington, 2032 : il y avait là un corps de garde et des réservoirs.

[55] Not., XXXIII, 8, 17 : Equites promoti Illyriciani ; Peutinger : Occaraba ; Ptolémée, V, 14, 13 : Άκοράβα.

[56] Pline, H. N., V, 80 : Telendena regio. Müller veut corriger le Θέμα de Ptolémée, V, 11, 13, en Θέλδα ; un autre rapprochement est également possible : Ala I Orientalis Thama (Not., XXXII, 44, Phénicie).

[57] Le Kalaat-Sedjar, en cet endroit, est en l’état actuel du temps des khalifes ; mais à l’intérieur on y trouve des restes d’architecture classique (Ritter, XVII, 2, p. 1089-90).

[58] Strabon la résume à merveille (XVI, 2, 10, p. 752 C) : Apamée est parfaitement close ; c’est une colline émergeant d’une plaine basse, et qu’entoure l’Oronte de manière à en former comme une presqu’île... Une banlieue étendue permet de loger beaucoup de troupes et d’approvisionnements.

[59] Op. laud., p. 76. Pour ce qui eu reste, je renvoie à la description plus récente due à l’expédition américaine : Butler, Part II of the public..., Architecture..., 1904, p. 52 sq. La grandeur passée de cette cité se révèle dans une inscription (CIL, III, 6687) mentionnant un personnage qui jussu legati censum egit Apamenae civitatis millium hominum civium CXVII. Il s’agit probablement du dénombrement opéré sous Quirinius. En ajoutant la population servile, on entrevoit un chiffre très élevé.

[60] Près d’Abila de Lysanias, on a retrouvé des milliaires aux noms d’Hadrien, de Marc-Aurèle et L. Verus (Waddington, 1874-75). Sous ces derniers eut lieu une réfection, qui emprunta un nouveau tracé : l’ancienne voie avait été coupée par un débordement de rivière (Clermont-Ganneau, Rec. d’arch. orient., II (1898), p. 35 sq.).

[61] Nom rappelé dans les Mariammitani de Pline (H. N., V, 81). Dans la Notitia (XXXIII, 34) : Ala tertia Valeria Marmantarum. Bœcking voudrait corriger le dernier mot en Mariammarum.

[62] Voyage en Syrie (Rev. Archéolog., 1897, I, p. 314).

[63] Cf. Waddington, ad n. 2643. Elle dut être réparée sous Dioclétien ; la tétrarchie figure dans le protocole d’un milliaire copié entre Émèse et Héliopolis par Perdrizet et Fossey (CIL, III, 14397).

[64] Itinéraire d’Antonin, 193-194.

[65] De Vogué, ibid., pl. 58, 1 : 4m,20 de côté, 7 mètres de haut ; au sommet, un mâchicoulis au-dessus de la porte.

[66] Butier, op. laud., p. 129 : six étages, env. 28 mètres d’élévation.

[67] Ritter, Erdk., XVII, 2, p. 1067.

[68] Byzantin. Zeitschr., 1905, p. 5 : Kar-ibn-Ouardan, Kasr-Andarin (Androna, Itinéraire d’Antonin). Je crois voir simplement ce qu’il appelle Kastell, ce sont en réalité des couvents fortifiés ; il y est d’ailleurs autorisé par la langue même du temps ; v. l’inscription 52, p. 42, année 557. — Pour Kar-ibn-Ouardan, cf. Strzygowski, Kleinasien, Leipzig, 1903, p. 121 sq., fig. 91 sq. Oestrup ne voyait là que des ruines conventuelles ; Hartmann (Zeitschr. d. d. Paläst.-Ver., XXIII (1901), p. 97 sq.) signale avec raison la fusion des éléments ecclésiastiques et militaires au VIe siècle.

[69] Not., XXXIII, 7, 16.

[70] Excursions, p. 213.

[71] Cf. Théodoret, Relig. Mit., X, p. 1388 Migne.

[72] Cette voie fut réparée par Septime Sévère et Caracalla (Waddington, 1838, 1844) et encore sous Aurélien ou Claude II (Id., p. 604).

[73] V. mon mémoire déjà cité sur cette ville. Plutôt que d’en utiliser le port, les troupes de Byzance traversaient l’Asie Mineure.

[74] CIL, III, 6696.

[75] Theophan., Chron., 38, 8. — Sur cette ville, cf. Renan, Mission en Phénicie, p. 33 sq.

[76] Strabon, XVI, 2, 19, p. 756 C.

[77] V. Colonna Ceccaldi, Rev. archéolog., 1872, I, p. 255. Cf. CIL, III, 6687 : in castris divi Aug(usti).

[78] V. une curieuse inscription d’Éphèse, F. Cumont, Bull. de l’Acad. r. de Belgique, cl. des lettr., 1905, p. 204, note 1.

[79] Um tich nur annähernd einen Begriff von Einst und Jetzt in den nofd-syrischen Gebieten zu machen, dürfte es wohl genügen, wenn man erwahut, dass neuere statistische Untersuchungen eine Bevölkerungsdichtigkeit erenben, die sich genau mit einem Menschen für eine antike Trümmerstadt beziffert. A cette réflexion de Czernik (loc. cit., p. 26) j’ajouterai celle que j’ai déjà exprimée ailleurs : dans la vallée du Mêlas, il m’est arrivé de croiser plus de cimetières que de passants ; mais j’entends des cimetières musulmans. Cette dépopulation ne remonte donc pas extrêmement haut.

[80] Bambyce dans Pline, H. N., V, 81 ; Strabon, XVI, 1, 27, p. 748 C, connaît les deux noms.

[81] Civitas capacissima (Ammien Marcellin, XXIII, 2, 6) ce fut le quartier général de Constance II en 361 (Id.. XXI, 13, 8), du maître de la milice sous Justinien (Procope, B. P., II, 6, 2 ; Malalas, p. 441 Bonn) et sous Maurice (Theoph. Simoc, IV, 12, 8).

[82] Procope, B. P., II, 6, 4-6.

[83] De aed., II, 9, p. 236.

[84] Op. laud., p. 147.

[85] Ainsworth (Narrative, I, p. 238) estime qu’il y a des preuves nombreuses et évidentes de réparations de la part des Saracènes.

[86] Pour les observations anciennes, plus complètes (Maundrell, 1699 ; Pococke, 1737), cf. Ritter, X, p. 1041 sq. — Le second évalue à deux milles anglais (3220 m.) la longueur du pourtour ; il a constaté des murailles épaisses de 9 pieds, surmontées d’un promenoir. Les tours se succédaient par intervalles de 15 pas ; il y en avait deux en demi-cercle, de part et d’autre de chacune des quatre portes de la ville. Un des caractères remarquables d’Hiérapolis était la merveilleuse organisation des aqueducs.

[87] Cité par Regling, p. 472.

[88] Ce nom est sans doute à identifier avec le Thillacama de la Not. dign. (Or., XXXV, 27).

[89] Pour préciser davantage, entre les villages minuscules de Beglerbeg et Bab-Limoun.

[90] Impossible de reconnaître aujourd’hui si, comme beaucoup de vieilles voies syriennes, elle était à double pente.

[91] Les indigènes m’ont dit qu’il y avait dans la région trois ponts semblables — dont un assez ruiné, — sans pouvoir mieux s’expliquer. Je tiens d’autre part du P. Etienne, prieur de la Trappe de Checkhlé, les renseignements suivants : Sur le Sabouri-Sou ou Safi-Sou, en un point appelé Cheikh Khoros (le nom de Kyrrhos — ou Cyrrhus — n’est pas difficile à reconnaître), il existe un pont antique à 6 arches, dont les piliers sont assez rapprochés et, à contre-courant, forment éperon jusqu’à la hauteur de l’arceau. La 3e arcade depuis l’ouest est doublée d’un autre arceau intérieur. Le pont n’est pas horizontal, mais dessine une légère courbe continue, dont le sommet est en son milieu. Le pavement est entièrement fait de pierres de taille ; le blocage reste invisible. La voie qui franchit le pont était pavée en larges dalles.

[92] Δολίχε... πολίχνη σμικρά, écrit Théodoret au Ve siècle (H. ecclés., V, 4, p. 1204 Migne) ; Theophan., 422, 12 : Δουλίχία ; Peutinger : Dolica ; l’Itinéraire d’Anton. (184, 4) la place à 30 m. p. de Germanicia. — Cf. Humann et Puchstein, p. 168, fig. 20, et Benzinger, Pauly-W., s. u. : Plus rien que des ruines arabes.

[93] Sur les diverses orthographes du mot en grec : Κύρος, Κύρρος, Κΰρος, cf. H. Gelzer, adnot. in Georg. Cypr., p. 148.

[94] Théodoret, Epist., 32.

[95] D’où vient son deuxième nom depuis le VIe siècle : Hagiopolis (Mansi, Concil., V, 912 ; Le Quien, Or. christ., II, 930).

[96] Procope, Aed., II, 11, p. 242.

[97] D’où le plan provisoire que donne la fig. 19.

[98] Également en pente du reste, mais séparée de l’autre par un ressaut très marqué.

[99] XVI, 2, 8, p. 751 C.

[100] Malalas, XIII, p. 346-7, Bonn. Ce n’était plus, dans les temps qui suivirent, qu’un gros bourg dépendant d’Antioche (Théodoret, Relig. hist., II, p. 1313, Migne).

[101] Aujourd’hui Bab, d’après les indications de distances.

[102] Celle que Julien (Epist., 27) décrit comme un lieu de plaisance ressemblant à Daphné.

[103] Nicet. Choniat., in Ioan. Comm., 7 ; Niceph. Callist., XIV, 39. Julien (Epist., 27) mentionne son acropole, qu’a certainement remplacée la citadelle musulmane.

[104] Strabon, XVI, 2, 7, p. 751 C.

[105] Procope, B. P., II, 7, 10-11.

[106] Butler, loc. cit., p. 57-59.

[107] Procope, B. P., I, 18, 8.

[108] D’où vient probablement le nom de Kinnesrin (= nid d’aigle). Cf. la photographie d’Oppenheim, Zeitschr. für Erdk., 1901, p. 78.

[109] V. les clichés que j’en ai donnés dans le Tour du Monde, 1905, pp. 133 et 144.

[110] Chapot, BCH, XXVI (1902), p. 173-4 ; cf. 289-90 ; Ouspensky, Bull. de l’instit. archéol. russe de Constantinople, VII (1902), p. 201 et pl. 45. Le texte est sûrement du VIe siècle, mais on ne saurait préciser davantage, l’ère restant incertaine.

[111] Cf. l’inscription, de lecture un peu douteuse, il est vrai, que j’ai copiée à Yéni-Cheir, à 7 heures d’Antioche (BCH, ibid., p. 171). Ces 7 h. ne concordent pas très exactement avec les 33 milles de la Table de Peutinger, qui indique 20 milles d’Emma à Berœa, chiffre très insuffisant. Pourtant l’identification me parait plausible. Sur le point de savoir si réellement Aurélien vainquit près de là Zénobie, v. L. Homo (Essai sur Aurélien, p. 93, note 1), qui croit à une confusion entre Immae et Emesa, et Groag (Pauly-W., V, 1, p. 1383), qui admet qu’Aurélien, probablement pour couper aux Palmyréniens la ligne de retraite le long de l’Oronte, fil avec sa cavalerie une démonstration vers l’est. Ainsworth (Narrative, I, p. 23-35) croyait que le nom de la plaine d’Antioche, el-Oumk, vient d’Imma, corrompu. Tout cela pour une lettre commune ! J’ai entendu prononcer également Amk et Amouk. Ainsworth, en dehors de ses conjectures hardies, a commis des erreurs, comme par exemple, en confondant le Cheikh-Barakat avec le Mont Saint-Syméon (p. 31).

[112] Epist., 27.

[113] Sur Imma, v. encore Ptolémée, V, 14, 11 ; Sex. Ruf., Brev., 24 ; Prosper Aquitan., Chron., ad a. 272.

[114] B. P., II, 18, 8 ; Malalas, XVIII, p. 461, Bonn.

[115] Sachau, op. laud., p. 116 ; cf. le plan dressé p. 117.

[116] Sachau, op. laud., p. 123-126. Le premier nom signifierait ruines des Romains ou ruines de soldats ; on remarque encore un soubassement quadrangulaire et une partie des murailles.

[117] XVI, 2, 8, p. 751 C.

[118] Cf. Gelzer, adn. ad Georg. Cypr., p. 150. Une inscription de 19 p. C. (CIL, III, 6703) mentionne une adduction d’eau par les soins du gouverneur et prouve que la ville était alors en Syrie. Ptolémée (V, 7, 7) la met en Cilicie, avec les portes de l’Amanus ; de même Malalas, p. 297 Bonn.

[119] La carte de Blanckenhorn en mentionne un autre tronçon immédiatement au sud d’Islahiyé. Le P. Philippe, de la Trappe de Checkhlé, m’a dit qu’à ses yeux il y avait erreur et qu’on avait été abusé par un fossé, creusé il y a une vingtaine d’années, puis comblé ; le rejet de la terre avait produit un dos d’âne prêtant à l’illusion. — Quoi qu’il en soit, la route devait passer près de là.

[120] J’en ai parlé au BCH, XXVI (1902), p. 188, note 2.

[121] Müller les a réunies et étudiées dans son édition de Ptolémée, p. 965-6.

[122] Cf. le plan de la ville et le profil de la citadelle dans Humann et Puchstein, op. laud., p. 198-9, fig. 32-33.

[123] R. Fœrster, Antiochia am Orontes (Jahrbuch d. d. Instit., XII (1897), p. 103-149) ; Partsch, ibid., XIII (1898), Arch. Anzeig., p. 223 sq.). Les plans et élévations sont reproduits dans l’article Antiochia de dom H. Leclercq (Dictionn. d’arch. chrit. et de liturg,, fasc. VIII (1905), col-2359 sq.).