ROME ET LA JUDÉE

AU TEMPS DE LA CHUTE DE NÉRON (ANS 66-72 APRÈS JÉSUS-CHRIST)

APPENDICE

DU CALENDRIER DE JOSÈPHE.

 

 

Josèphe donne aux mois de l'année les noms que lui fournit le calendrier syro-macédonien, introduit en Syrie par les rois séleucides, et généralement suivi dans la partie orientale de l'empire romain. Mais il ne me semble pas douteux qu'il se sert de ces désignations uniquement pour remplacer, par des expressions plus familières à ses lecteurs grecs, les noms des mois hébraïques, et que, sauf cette différence de termes, il suit le calendrier de sa nation.

En effet, nous voyons d'abord qu'il identifie formellement : 1° le mois de xanthicus au mois hébraïque nisan (Ant., III, 10 (10, 5) ; XI (4, 8)) ; 2° le mois de dyster à celui d'adar (Ibid., XI, 4 (4, 7) ; XII, 17 (10, 5)) ; 5° le mois de lotis au mois ab (Ibid., IV, 4 (7)) ; 4° hyperbérétéus au septième mois (Ibid., III, 10 (10, 11)), c'est-à-dire tischri ; 5° apellœus à kisleu (Ibid., XII, 7 (5, 3)). De plus, le rapprochement de certaines dates témoigne encore de cette coïncidence. Ainsi, — la mort de Marie, sœur de Moïse, est indiquée par Josèphe au premier jour de xanthicus ; la mort d'Aaron au 1er loüs (Ant., IV, 4 (6, 7)). Or c'est en effet le 1er nisan et le 1er ab que les Juifs célèbrent ces deux événements. — Le 14 xanthicus de l'année 70 est marqué comme coïncidant avec le jour anniversaire de la délivrance des Juifs (de B., V, 11 (3, 1)), qui en effet est, comme on sait, le 14 nisan. — Le sacrifice perpétuel cessa, dit Josèphe (de B., VI, 8 (2, 1)), le 17 panémus, et c'est en effet le 17 thammouz que les Juifs célèbrent aujourd'hui l'anniversaire de ce malheur. — L'incendie du temple par Titus eut lieu, dit-il encore, le dixième jour de loüs, jour anniversaire de l'incendie du premier temple par Nabuchodonosor, qui eut lieu le dixième jour du cinquième mois (ab). (Voyez de B., VI, 26, 27 (4, 5, 8.)) Que les Juifs célèbrent aujourd'hui cet anniversaire le 9, c'est un dissentiment de fait entre eux et Josèphe. Il n'en est pas moins certain que le mois de lotis et le cinquième mois judaïque étaient identiques dans l'esprit de celui-ci.

Il est vrai que dans un autre passage (de B., VI, 31 (5, 5)), Josèphe, racontant les prodiges qui, en l'an 65, ont annoncé la ruine de Jérusalem, parle d'un premier fait qui a eu lieu lorsque le peuple était rassemblé le 8 de xanthicus, pour la fête des Azymes. Or on sait que cette fête avait toujours lieu, non le huit, mais le 15 de nisan et les jours suivants. Mais il faut remarquer que Josèphe ne dit pas le jour même des Azymes, mais au temps des Azymes, ou en préparation de la fête des Azymes (πρός τήν τών Άζύμων έορτήν). Le 8 de nisan était juste une semaine avant la fête des Azymes. Remarquez que Josèphe passe ensuite à un second fait qui a eu lieu, celui-là le jour même de la fête, (καί κατά τήν αύτήν έορτήν), et enfin à un troisième qui a eu lieu peu de jours après la fête, le vingt et unième jour du mois suivant, artémisius. (Μετά δέ τήν έορτήν ήμέραις ϋστερον όυ πολλαΐς.) Si la fête avait eu lieu le 8 xanthicus, l'intervalle de temps serait de quarante-trois ou de quarante-quatre jours.

En résumé, les coïncidences entre les deux calendriers sont trop nombreuses et trop rapprochées de dates pour pouvoir être purement accidentelles. Elles supposent nécessairement l'identité de ces deux calendriers, au moins pour Josèphe, et nous forcent d'admettre que pour lui les noms des mois macédoniens ne sont qu'une traduction grecque des noms des mois hébraïques.

Le calendrier de Josèphe se trouve donc ainsi identifié au calendrier juif de son temps ; mais ce dernier calendrier, quel était-il ?

Le calendrier juif moderne, régulier comme on le sait, et dont la concordance avec le nôtre est bien connue, date seulement du quatrième siècle après notre ère. Quant au calendrier ancien des Juifs, ce qu'on en sait, c'est qu'il était lunaire, chaque mois commençant avec la nouvelle lune ; seulement il fallait que le jour de l'immolation de l'agneau pascal (14 nisan) tombât toujours après l'équinoxe du printemps. On arrivait à ce résultat par des intercalations laites après le mois d'adar (dernier mois de l'année), et qui donnaient quelquefois lieu à un treizième mois appelé véadar (nouvel adar).

Il est probable que dans le principe ces intercalations se firent d'une manière fort peu régulière. Les Juifs étaient de médiocres observateurs ; ils n'étaient même pas bien sûrs du jour de la nouvelle lune, et, pour ne pas s'y tromper, ils célébraient la néoménie (fête de la nouvelle lune), et certaines autres fêtes, pendant deux jours. Mais il est à croire que, sous l'empire romain, qui posséda pendant le premier siècle après César, un calendrier solaire parfaitement régulier, les Juifs durent se rapprocher davantage de ce calendrier et faire plus régulièrement leurs intercalations.

Ce qui me paraît donc le moyen le plus probablement exact pour traduire les dates du calendrier de Josèphe, c'est de mettre le premier jour de chaque mois au jour de la nouvelle lune, tel que l'astronomie le fait connaître pour la latitude de Jérusalem, et cela, tout en faisant coïncider le 1er nisan avec la nouvelle lune la plus voisine de l'équinoxe du printemps.

On aura ainsi le tableau suivant, pour les années qu'embrasse notre travail. Je place les mois dans l'ordre de l'année ecclésiastique juive, qui est celui que suit Josèphe.