ROME ET LA JUDÉE

AU TEMPS DE LA CHUTE DE NÉRON (ANS 66-72 APRÈS JÉSUS-CHRIST)

CINQUIÈME PARTIE. — FIN DE LA GUERRE JUDAÏQUE

CHAPITRE XVII. — SITUATION FINALE DU PEUPLE JUIF.

 

 

La guerre était donc finie. Ceux qui l'avaient provoquée, soutenue ou terminée, étaient partagés entre le tombeau, la prison et le palais. Cestius Gallus était mort de chagrin de sa défaite. L'Eléazar de Jérusalem avait probablement succombé dans les derniers combats du temple. L'Éléazar de Massada était tombé au milieu d'un multiple suicide. Simon, fils de Gioras, avait orné de sa mort la fête triomphale de Titus. Jean de Giscala, traité plus miséricordieusement, je ne sais pourquoi, achevait ses jours en prison. Vespasien trônait bourgeoisement au mont Palatin. Titus, sans moucheron dans la tête, avait enfin retrouvé Rome, sa gloire, ses plaisirs. Bérénice l'avait suivi à Rome et habitait le palais des Césars d'où la fierté jalouse du peuple romain devait un jour l'expulser. Agrippa à son tour avait suivi Bérénice, sa sœur ou sa nièce, et préférait à sa royauté de Trachonite le séjour de Rome et la faveur du prince. Les autres rois auxiliaires étaient retournés à leurs trônes modestes, Sohême à Émèse, Malch à ses déserts ; Antiochus, le roi de Commagène, et ses fils, qui s'étaient distingués dans la guerre par une téméraire ardeur, étaient revenus à leur palais de Samosate d'où la disgrâce de Vespasien devait bientôt les faire sortir[1].

Mais que devenait ce grand et immortel vaincu, le peuple juif ?

Son sanctuaire, le temple, était détruit ; son centre, Jérusalem, était rasé ; son territoire, la Terre-Sainte, ne lui appartenait plus. Titus avait d'abord laissé en paix les cultivateurs juifs ; mais Vespasien, plus dur, deux ans après le siège, ordonna la confiscation de toutes les terres de Palestine appartenant à des Israélites. La nation se trouva ainsi, sinon expulsée, du moins dépossédée.

Le sol même demeura inculte. Vespasien était avare ; sauf huit cents vétérans auxquels il donna des terres auprès d'Emmaüs, sur cette vaste confiscation il ne fit de largesses à personne ; et, comme il ne se trouvait guère d'acheteurs pour cette terre maudite, elle demeura aux mains de l'État et fut cultivée comme l'État sait cultiver[2].

Dès lors commença cette dévastation du sol judaïque à laquelle le mahométisme, ce grand destructeur, s'est chargé depuis de mettre la dernière main. Dans un tel pays où la chaleur est extrême et où les eaux doivent être ménagées avec un soin excessif, quand la main de l'homme s'éloigne ou devient négligente, la solitude et la stérilité sont complètes. Le Kisson et le Cédron tarirent ; les sources minérales disparurent. Les villages se dépeuplèrent ; la vie et la fécondité quittèrent promptement cette terre sans eau. Dans bien des vallées jadis peuplées et fertiles, le chacal se glissa sur les pas de l'homme, et la panthère vint prendre possession de son héritage. Les tigres habitent aujourd'hui le Thabor ; les cèdres du Liban disparaissent d'année en année. La riche Jéricho n'est plus qu'un petit village ; il y a quelques années, une seule barque naviguait sur le lac de Génésareth. Et les voyageurs qui viendront de loin se diront en voyant les souffrances de cette terre et les fléaux dont l'a affligée le Seigneur : Pourquoi le Seigneur a-t-il ainsi traité ce pays et quelle est la cause de cette immense colère ?[3]

Quant à la race juive répandue dans l'empire romain, il est juste de dire qu'elle garda une certaine liberté. A Antioche où le sénat et le peuple avaient réclamé l'expulsion des Juifs : Où iront ces malheureux, avait répondu Titus ? Ils n'ont plus de patrie, et nulle part on ne veut les recevoir. Titus avait maintenu leur droit de cité, et la colonne de bronze sur lequel il était inscrit était restée debout[4].

Beaucoup de Juifs vendus comme esclaves furent rachetés par leurs frères, surtout par les Juifs opulents d'Ionie. Beaucoup de Juifs de Palestine trouvèrent un refuge dans le royaume judaïque d'Agrippa au delà du Jourdain ou dans les villes païennes du littoral. En Palestine même, la race, quoique dépossédée, ne disparut pas ; il y eut des exceptions au principe de la confiscation, et les biens de Josèphe lui furent restitués. Une école rabbinique s'éleva et fleurit à Jamnia sur le bord de la mer, à quelques lieues de Jérusalem. La race juive ne laissa pas que de retrouver un peu d'unité par le rabbinisme, et beaucoup d'opulence par le trafic.

Mais, quelle que fût sa liberté ou son opulence, la perte irréparable était celle de sa religion. Il n'y avait plus au monde un sanctuaire où l'on sacrifiât selon la loi de Moïse. Le temple de Garizim, en Samarie, impur et anathématisé, devenu même tout à fait païen, avait été détruit deux cents ans auparavant par les Juifs eux-mêmes. Le temple d'Onias en Égypte, construit trois cent quarante ans avant cette époque à l'imitation du temple de Jérusalem, avait été, au moment des derniers troubles, d'abord fermé, puis dépouillé de ses richesses, enfin détruit par ordre de César. Le temple de Jérusalem enfin n'était plus, je l'ai assez dit, qu'un amas de décombres. Et ce qui était une humiliation de plus, les Juifs payaient encore l'impôt du double drachme au nom de ce temple détruit : seulement cette joyeuse et volontaire contribution avait été convertie en une taxe honteuse et sacrilège, payée au trésor de Jupiter Capitolin pour reconstruire le temple de cette idole. Cet impôt se proportionnait au nombre des têtes ; le Juif était taxé pour la fécondité de sa race qui avait fait sa force, et pour la persévérance religieuse qui avait fait sa gloire[5].

Avec le temple, toute la force de la religion et de la nation s'en allait. Plus de Saint des saints, plus de grand prêtre, et le paysan Phannias, élu par les zélateurs, fut le dernier successeur d'Aaron. Plus de temple, plus de sacrifice, plus de prêtre. Plus de culte, plus de lévite. Cette race de Lévi et cette maison d'Aaron, mises à part pour Dieu et pour le service du temple, comme il est dit tant de fois dans les saints Livres, n'eurent plus aucune raison de demeurer distinctes. Ces généalogies sacerdotales si précieusement conservées et que, du fond même de la Babylonie, tout prêtre, avant de se marier, faisait consulter à Jérusalem, furent dorénavant inutiles[6]. Comment eussent pu vivre, et le sacerdoce et la tribu de Lévi auxquels il était interdit de posséder la terre, que les dîmes et les prémices seules devaient nourrir ; depuis que Juda, dépouillé de la terre, n'avait plus de dîmes ni de prémices à lui payer ? Pourtant, on rencontre encore de loin en loin dans les livres talmudiques les mots de lévites et de prêtres d'Israël, de dîmes, d'offrandes envers les prêtres. Même chez les Juifs modernes, il y a de prétendus descendants d'Aaron qui se font encore ou se faisaient payer le droit de rachat des premiers nés ; mais cette descendance au moins douteuse et déchue de tous ses honneurs ne constitue plus un sacerdoce[7].

Or sans grand prêtre ; sans sacerdoce ; sans le Sanhédrin qui, selon le Talmud, était depuis quarante ans effacé ; sans la distinction des tribus laïques qui disparaissaient à plus forte raison lorsque disparaissait la tribu sacerdotale ; sans docteurs vraiment authentiques de la loi, puisque, selon le Talmud, l'imposition des mains avait cessé, et que seul le Messie devait la rétablir[8] : Juda était un peuple décapité. Il n'avait plus de puissance temporelle, si ce n'est infime, humiliée, subordonnée à la puissance victorieuse et vengeresse de Rome ; il n'eut plus de pouvoir spirituel, nulle autorité, interprète légitime de la loi de Moïse, nul ministre obligé du culte et de la prière[9]. Juda fut une église sans prêtre, une nation sans gouvernement, une société sans chef, une famille dont le père est mort, dont la maison est détruite et dont les titres sont dispersés.

Et il ne s'agissait pas ici, comme au temps de la captivité de Babylone, d'une simple suspension de la vie judaïque. Pendant la captivité, et la distinction des tribus, et les généalogies des familles, et l'existence séparée des races lévitiques et sacerdotales, et l'exercice même du grand pontificat avaient subsisté. Par-dessus tout avait subsisté l'espérance assurée et prochaine du retour[10]. Mais aujourd'hui rien de tout cela ne subsistait, et l'espérance moins que tout le reste. Les promesses de l'avenir manquaient comme les traditions du passé. En résumé, la religion de Moise avait été la religion d'un seul peuple, et ce peuple était dispersé ; d'un seul pays, et ce pays ne lui appartenait plus ; d'une seule ville, et cette ville était rasée ; d'un temple unique, et ce temple était anéanti ; d'un sacerdoce, et ce sacerdoce avait disparu ; d'un grand prêtre unique, et il n'y avait plus de grand prêtre. C'était le temps prédit par le prophète : Bien des jours passeront pour Israël sans le vrai Dieu, sans prêtre, sans docteur et sans loi[11].

Le vrai Dieu, la loi véritable, le sacerdoce légitime, l'hérédité des promesses, où était-elle ? Où se continuait la tradition du Sinaï ? Quels étaient les vrais disciples de Moise, le véritable Israël, les descendants spirituels d'Abraham dont les Juifs n'étaient plus les enfants que par la chair ? Le peuple élu, le peuple d'adoption ? Le fils puîné qui venait d'être préféré au fils aîné, comme Isaac l'avait été à Ismaël, Jacob à Ésaü, Joseph à ses frères, Éphraïm à Manassé, Saül aux autres enfants de Cis ? Où se continuait et sous quelle forme se continuait tout ce qui venait de périr à Jérusalem, la loi, le temple, le sacerdoce, le sacrifice ? C'est ce que nous dirons ailleurs.

Toujours est-il qu'Israël se sentit lui-même hors de sa religion, et abdiqua cette loi qui défaillait entre ses mains. Il ne songea ni à continuer ni à transporter ailleurs son culte et son sacerdoce ; il n'essaya pas de se rebâtir un temple, de se faire des prêtres, de nommer un grand pontife ; il dédaigna (et il faut lui en faire honneur) cette contrefaçon hérérodoxe du mosaïsme aboli. Il se contenta du peu qui lui restait, et du seul débris de son existence religieuse et sociale qui lui était laissé. Il s'en tint à la synagogue au lieu du temple, au rabbin au lieu du prêtre, au culte secondaire au lieu du culte solennel. H chercha un peu d'unité dans la suprématie, non d'un pontificat, mais d'une école. L'école, fondée à Jamnia, par la famille de ce rabbin Gamaliel, célèbre dans le Talmud, cher à l'Évangile, fut, sous la protection romaine, une sorte de centre pour le peuple juif. On y jugea les cas de conscience du judaïsme, c'est-à-dire les questions de viandes pures ou impures, de souillures contractées ou lavées, de sabbats, de fêtes de calendrier ; questions vétilleuses qui formaient plus que jamais, depuis que sa vraie religion était tombée, la conscience et la religion du peuple juif.

De cette école de Jamnia, remplacée depuis par celle de Tibériade, devait partir la tendance qui réforma ou pour mieux dire re-forma le judaïsme. Le chef d'école (Naci) auquel les Juifs modernes ont donné le nom ambitieux de patriarche fut comme le grand prêtre de cette religion amoindrie. Son conseil fut un simulacre du Sanhédrin. La tradition rabbinique, condensée dans la Mischna et dans les deux Talmuds, fut comme un supplément à la loi de Moïse que l'on ne pouvait plus observer, que l'on avait peine à entendre, que l'on ne pouvait plus lire sans comprendre qu'elle était abolie. Ce ne fut plus ni la religion ancienne ni une religion nouvelle ; ce fut un débris recueilli tant bien que mal de la religion antique, mais un débris accessoire et secondaire ; un reste inutile du mosaïsme décapité. La religion de la synagogue et des rabbins, après la religion du temple et du sacerdoce, est une servante, demeurée, après la mort de sa maîtresse, seule habitante du logis.

Et en toute chose, en effet, on sent que, pour le Juif, sa religion présente n'est que le débris, et, on peut le dire, le deuil de sa religion passée. Ses glorieuses cérémonies sont remplacées par de simples formules ; ses rites, par des prières qui en déplorent l'absence. Au lieu du sacrifice quotidien qui était la vie du culte mosaïque et l'image du sacrifice chrétien, Juda se borne à la lecture du chapitre du Pentateuque qui prescrit ce sacrifice, et à une prière de regret de ne pouvoir plus, faute de temple, l'accomplit. Il ne fait l'offrande qu'en paroles et en demandant à voix basse la restauration du temple. Comme l'agneau pascal ne pouvait être immolé que dans le temple, il ne mange plus l'agneau pascal, renonçant à ce qui est le symbole du Christ, en même temps qu'il rejette le Christ lui-même[12].

Aussi le judaïsme, prend-il dès cette époque un caractère triste et morose que les siècles, et même des siècles d'opulence et de liberté, n'effaceront pas. Cette religion sans espérance, qui pleure comme Rachel et ne veut pas être consolée, n'est plus la religion de Moise, pleine de lumière, d'espérance et de joie. Tu compteras sept semaines, disait le Pentateuque, et tu célébreras la fête des semaines, et tu feras un festin devant le Seigneur ton Dieu, toi, ton fils, ta tille, ton esclave, ta servante, le lévite qui est dans ta ville, l'étranger, l'orphelin et la veuve qui habitent avec toi.... Tu célébreras la fête des Tabernacles, et tu feras un festin au jour de la fête, toi, ton fils, ta fille, etc. Tu célébreras pendant sept jours la fête du Seigneur ton Dieu, et le Seigneur te bénira et tu seras dans la joie[13]. Telles étaient les fêtes de l'ancienne loi.

Mais, dans le judaïsme moderne, ces joies sont remplacées par des regrets. Les années se comptent par l'ère de la désolation. Sois triste au matin, est-il dit au fidèle, en pensant à la destruction du temple. Si tu te lèves la nuit, pleure la chute du temple, et Dieu t'en récompensera. Quand tu sors de ta chambre, sors la tête basse en pleurant la ruine de Jérusalem. Les jours de fêtes sont pour la plupart des anniversaires de douleur ; la plupart des jours consacrés sont des jours de jeûne[14]. Il arrive ainsi à Juda, égaré et châtié, le contraire de ce que le prophète avait annoncé à Juda fidèle et récompensé : Le jeûne du quatrième mois et le jeune du cinquième et le jeûne du dixième, seront pour la maison de Juda des jours de joie et d'allégresse, et des solennités magnifiques. Aimez seulement la vérité et la justice[15].

Dieu nous garde d'insulter cette douleur ! Quelque méritée, et, en un sens, quelque volontaire qu'elle puisse être, qui lui refuserait des larmes de compassion, surtout parmi ceux qui savent, par expérience, de quel prix est pour l'âme humaine la possession du vrai Dieu, de la loi véritable et du légitime sacerdoce ? Mais ce qu'il y a de plus triste encore pour l'homme qui a le sens des choses religieuses, c'est de voir de quelle façon aujourd'hui la nation d'Israël ou une partie de cette nation croit pouvoir secouer ce manteau de deuil. Affranchie, et nous ne le regrettons pas, par la libéralité des législations modernes ; devenue la citoyenne simultanée de presque tous les États chrétiens ; initiée à la vie commune de toutes les cités ; y portant et toutes les qualités natives de l'esprit judaïque et l'originalité d'une nation séquestrée depuis dix-huit siècles ; douée en particulier du génie des affaires, et arrivant aux splendeurs de la fortune plus encore par la dextérité de l'intelligence que parle labeur de la main ; s'assimilant aux chrétiens, je veux dire aux non juifs, jusqu'à la négligence de ses propres rites ; interprète fort large du Pentateuque ; à plus forte raison, dégagée des pratiques et des préjugés talmudiques : cette partie du judaïsme se figure ou n'est pas loin de se figurer qu'Israël est maintenant délivré, qu'il a son messie, que l'ère de la rédemption approche, si elle n'est déjà commencée. La Jérusalem nouvelle serait la Jérusalem de l'argent avec un banquier pour messie, la cote des fonds publics au lieu du sepher thora, la bourse au lieu du temple, et la corbeille des agents de change figurant le Saint des saints. Si Akiba, Moise Maimonide et les vieux rabbins du moyen âge étaient témoins d'une telle rédemption, ils pleureraient sur cette prétendue délivrance des larmes plus amères qu'ils n'en versèrent jamais sur la désolation de Jérusalem.

Mais, pour en revenir au temps qui nous occupe, la défaillance de la loi religieuse, malgré le reste de vie qu'on pouvait chercher dans le rabbinisme, entraînait pour le peuple juif l'anéantissement de tout le reste. Cette nation n'était rien que par sa loi religieuse ; privée d'elle, elle défaillait. Aux premiers temps surtout après son désastre, Israël semble avoir été dans la stupeur. Ce ne fut plus cette nation intelligente, active, féconde, que nous contemplions naguère. Elle sembla avoir perdu et le souvenir de son passé, et la conscience de sa propre vie, telle qu'un homme à qui une violente secousse a fait perdre et la mémoire de la veille et la connaissance du présent. Dans les villes grecques, les communautés judaïques cessèrent même pendant quelque temps de célébrer le sabbat[16].

C'est une chose curieuse, en effet, que d'observer combien, sous le coup de son désastre, le génie judaïque devint différent de lui-même. Avant sa chute, nous avons vu la synagogue partagée en des sectes nombreuses et célèbres. Après la chute, la synagogue n'est pas plus une, mais la trace des sectes anciennes s'est effacée. Il n'est plus question d'Esséniens, d'Hérodiens ; tout cela a disparu. Le sadducéisme, ennemi de la révolte, a péri dans la révolte. Le nom de Pharisien ne subsiste plus. Toutes les écoles s'étaient unies dans le déicide, et toutes se sont perdues par le déicide.

Nous avons vu également le peuple juif lisant, commentant, méditant les prophéties jusqu'à l'excès. Après sa chute, il semble qu'il ne les connaisse plus. Josèphe lui-même est loin de rappeler, en face de ses ennemis les zélateurs, toutes les prophéties qui les condamnent ; il ne cite pas une seule fois celle de Moïse, si frappante et si décisive ; on dirait qu'il ne l'a point lue[17]. Il semble que le peuple juif, après avoir demandé aux prophètes des espérances qu'ils ne pouvaient lui donner, ait jeté le livre de désespoir ; qu'il ait renié les prophéties anciennes et authentiques pour écouter plus à son aise des prophéties apocryphes et nouvelles ; que les talmudistes, les kabbalistes, les illuminés, les faux messies, aient détrôné, ou peu s'en faut, Moïse et Isaïe. Bientôt il circulera dans les écoles mille fables injurieuses aux prophètes. Ézéchiel passera pour un valet de Jérémie, qu'on avait surnommé le Méprisé. Daniel, parce que sa vie s'est écoulée hors de la terre sainte, et parce que, dira-t-on, il a fait le commerce impie des pourceaux, se verra disputer le titre de prophète. David sera un bâtard aux cheveux roux, comme Ésaü, incestueux, idolâtre, donnant la lèpre par son regard. On racontera que, ayant voulu cueillir des pommes un jour de sabbat, il est mort parce que le diable lui a retiré son échelle, et que son corps est demeuré sans sépulture[18]. Ces rêveries prouvent jusqu'à quel point la synagogue perdait le culte de son passé.

Enfin, nous avons vu les Juifs se fatiguer à calculer le temps du Messie. Ces calculs, sans doute, se renouvelleront encore. Après avoir attendu le Messie au bout des soixante-dix semaines sous Auguste ; après avoir reculé ce terme et l'avoir attendu en l'an 45 avec l'imposteur Theudas ; on recommencera la computation. En comptant des jubilés de cinquante ans au lieu de quarante-neuf, on se donnera quatre-vingt cinq ans de répit[19]. On imaginera un autre moyen, on abrégera l'histoire, et, en resserrant les siècles passés, on se donnera plus d'espace pour les espérances de l'avenir[20]. De siècle en siècle, on refera les comptes et on fixera une époque nouvelle pour cet espoir toujours déçu. Barcochébas, en 138 ; un autre en 331 ; d'autres même en des temps plus modernes, abuseront ainsi de la crédulité de quelques Juifs. Mais d'autres au contraire seront frappés de la vanité de ces calculs toujours recommencés : ne pouvant méconnaître que le Messie avait dû naître en effet vers le temps marqué par les premiers comptes, ils diront qu'il est déjà né ; qu'il est né à Bethléem, le jour de la destruction du temple ; mais qu'il reste caché, enchaîné selon les uns dans le Paradis, selon d'autres habitant aux portes de Rome et y exerçant la charité, jusqu'à ce que le jour de sa manifestation arrive et qu'Élie vienne le couronner[21] : ce temps d'obscurité et de silence sera, disent-ils de quarante, quarante-cinq, quatre-vingts ans. Mais enfin le moment viendra où l'on jettera là tous les calculs, où le Talmud prononcera cet aveu résigné que tous les temps sont passés, où l'on priera solennellement contre ceux qui calculent les temps du Messie, pour que leur ventre crève et que leurs os soient brisés[22].

Et enfin, nous avons vu jusqu'ici Israël fidèle à la foi et au culte des saintes Écritures. Mais peu à peu cette vénération va diminuer. Cela est tout simple, puisque les saintes Écritures ne l'instruisent pas selon son bon plaisir, et lui montrent, au lieu d'encouragement pour ses espérances, la prophétie et la justification de son châtiment. Des maîtres nouveaux, des écoles nouvelles, des livres nouveaux, ou qui du moins altéreront par bien des mélanges la tradition du passé, surgiront au milieu de Juda dispersé et exilé, et prendront le pas sur Moïse. Lorsque l'École de Tibériade aura rédigé sa Mischna (189), explication et supplément du Pentateuque, la Mischna sera préférée au Pentateuque. Lorsque plus tard auront été rédigées les deux Ghémares de Jérusalem et de Babylone (422 et 505), commentaires d'un commentaire ; la Ghémare, à son tour, sera préférée à la Mischna. Pour un grand nombre, les obscurités de la Kabbale seront préférables à tout le reste. Cette prétendue infériorité de la lettre biblique est plusieurs fois rappelée : La Bible est l'eau, la Mischna est le vin, la Ghémare l'hypocras. — Ou bien : La Bible est le sel, la Mischna le poivre, la Ghémare les aromates. Qui pèche contre Moise peut être absous ; qui pèche contre les docteurs mérite de mourir in stercore bullienti. Qui s'occupe de l'Écriture fait quelque chose d'indifférent : qui s'occupe de la Mischna mérite récompense ; qui s'occupe de la Ghémare fait de toutes les actions la plus méritoire[23].

Ainsi le Juif, bien différent de ses ancêtres, ne garda plus ni le respect de son livre sacré, ni le culte de ses prophètes, ni la confiance en son Messie. Ce ne fut ni le peuple de Dieu ni le peuple de Moïse et de la Bible ; ce fut le peuple du Talmud.

Les conditions de sa vie politique s'abaissèrent avec les conditions de vie religieuse. Dépouillé de son culte et de son sacerdoce, indifférent à ses souvenirs du passé, déçu dans ses espérances de l'avenir, Juda put encore être libre ; il put être riche ; il n'était encore ni proscrit ni persécuté. Mais, pour des siècles du moins, il demeura disséminé, affaissé, inquiet, humilié. Sa liberté était triste. Ces Juifs de Rome dont le crédit jadis effrayait Cicéron et qui venaient au nombre de huit mille faire entendre leurs demandes au tribunal d'Auguste commencent alors à n'être plus qu'un peuple de mendiants, habitant le quartier malsain du Vatican, ou couchant sur du foin dans la vallée d'Égérie, vendant des allumettes, vendant ou expliquant des rêves pour deux oboles, gens de toute industrie et de toute intrigue. Leurs habitudes se dégradent. De plus en plus étrangers à la milice, lorsqu'ils ne s'arment pas pour la révolte ; éloignés de plus en plus de la charrue, depuis que le sol de la Palestine leur est interdit ; éloignés des sciences et des lettres humaines par l'influence talmudique qui n'admet d'autre étude que celle de la loi, c'est-à-dire des subtilités rabbiniques ; condamnant la navigation ; n'aimant pas le travail manuel : le commerce, c'est à-dire le petit commerce, avec son âpre cupidité, ses gains misérables, ses fraudes, est leur occupation, leur richesse, leur force, leur vengeance. Ils sont brocanteurs plus que marchands, usuriers plus que banquiers ; ils agissent en proscrits là même où leur reste le droit de citoyen. Ils s'entassent de plus en plus dans quelque recoin de chaque ville ; ils y vivent sans air, sans liberté, sans plaisir, quoique non pas sans opulence ; mais voisins, resserrés, se coudoyant, prenant l'habitude et le goût de ces ghetto, dont aujourd'hui même on a peine à les retirer.

Les légendes mêmes qu'ils content de leurs rabbins, seule poésie de cette nation appauvrie, témoignent assez de la désolation de leurs âmes. Ils ont beau faire de ces docteurs des hommes vénérés, riches, en crédit même auprès des païens et auprès des empereurs, comptant des milliers de disciples et possédant des centaines de villes ; ni leur richesse, ni leur science, ni leur gloire, ne leur apportent de consolation. Le Talmud est plein de leurs contradictions, de leurs querelles, de leurs excommunications mutuelles. Le rabbin Éliézer meurt excommunié par le R. Josué ; aussi ses disciples n'osent-ils pas entrer dans sa chambre, et, assis à la porte, conversent de loin avec lui. Leur tristesse et leur défiance mutuelle apparaît dans leurs paroles : Réchauffe-toi, dit le R. Éliézer, aux rayons des sages, mais prends garde au feu de leur charbon. Ils sont cruels comme la bête féroce, ils piquent comme le scorpion et mordent comme le serpent. N'habite jamais, dit à son fils le R Akiba, accablé par les nouveaux malheurs de sa nation, n'habite jamais un lieu où dominent les disciples des sages.... Associe-toi à ceux à qui le destin sourit. Telles étaient les paroles que l'imagination populaire prêtait à ces docteurs, et ainsi était faite l'imagination populaire dans le judaïsme.

Mais il y a, ce me semble, une preuve meilleure encore de l'accablement et de la stupeur dans laquelle ont vécu ces premières générations judaïques après la ruine du temple. C'est le peu de souvenir qu'elles ont laissé à leurs descendants. La période de plus d'un siècle qui s'écoule entre les écrits de Josèphe et la rédaction de la Mischna ne nous présente aucune œuvre du génie hébraïque. Et cependant cette période

comprend la ruine du temple par Titus ; une nouvelle révolte et une nouvelle extermination sous Trajan ; sous Hadrien, une guerre d'extermination où le nom même de Jérusalem périt, de nouvelles agitations sous Antonin, sous Marc-Aurèle, sous Septime-Sévère : de tout cela, rien ne nous est connu un peu historiquement que par les païens. Le Talmud, rédigé dans les deux siècles qui suivirent, ne conserve de ces grands événements que les plus vagues, les plus puérils, les moins historiques souvenirs.

Toute cette lacune de son histoire s'est remplie pour Israël par les noms de quelques rabbins, leurs œuvres surnaturelles, leur science universelle quoique puérile, leurs richesses incalculables quoiqu'ils aient vécu persécutés, leurs relations impossibles avec des empereurs qui ne connurent jamais leurs noms. C'est le R. Josué, à la prière duquel Dieu fait entendre sa voix à Rome et à César ; César tombe de dessus son trône ; les femmes grosses avortent, et tous les Romains perdent leurs dents molaires. C'est le R. Éliézer qui possède mille villes sur la terre et mille vaisseaux sur la mer. C'est le R. Akiba, plus saint que Moïse, et dont l'écuyer était plus riche que le roi de Perse, quoique lui-même ait fini par être écorché sous Hadrien. C'est un autre rabbin qui est écouté et protégé par Imrah, fille de Trajan, quoique Trajan n'ait jamais eu d'enfants.

Quant à la ruine de Jérusalem, elle est due à une rancune du R. Kamsa. Irrité d'avoir été exclu d'un festin, il a mutilé le veau que l'empereur romain envoyait au temple pour y être immolé. Les prêtres ont été obligés de refuser cette victime imparfaite. César, irrité de ce refus, a envoyé Néron contre Jérusalem. Néron a lancé des flèches vers les quatre points cardinaux, et toutes sont revenues contre la ville sainte. Néanmoins, persuadé que celui qui frapperait Jérusalem serait lui-même frappé, Néron, au lieu d'attaquer les Juifs, s'est fait Juif, et est devenu l'aïeul du R. Méiir[24]. A la place de Néron, César a envoyé Vespasien qui a assiégé Jérusalem pendant trois ans. Pendant le siège, et au moment où il était occupé à se chausser, Vespasien a reçu la nouvelle que les grands de Rome l'ont fait empereur. Chose étrange ! dès ce moment il ne peut plus ni chausser son pied nu, ni déchausser l'autre, tant la joie a fait enfler ses pieds. Heureusement, un rabbin célèbre qui s'est enfui de Jérusalem caché dans un cercueil conseille au nouvel empereur de faire appeler un homme qui lui déplaisait ; le désagrément opère dans le sens opposé à la joie, et Vespasien peut achever de se chausser. Selon d'autres, c'est Auguste qui, pour punir les Juifs, auteurs du mariage d'Antoine avec Cléopâtre, aurait pris deux fois et détruit Jérusalem[25].

Je ne crois pas que jamais peuple au inonde ait chanté avec une puérilité aussi niaise l'épopée de ses malheurs. Tout cela est bien loin de Jérémie, et de ses lamentations sublimes sur la première chute de Jérusalem. Et c'est un peuple intelligent, instruit ; civilisé, libre même (car sous l'empire romain, sauf ces jours de grands désastres, il n'était point proscrit), qui ne retrouve dans sa mémoire, au sujet de sa ville détruite, de son temple ruiné, de ses aïeux massacrés, de ses filles conduites en esclavage, autre chose que ces sottes fables, que ces tours de force en fait d'ignorance, que ces grossiers rêves d'argent accrochés toujours à ceux qu'il appelle ses savants et ses saints. Tant le génie de ce peuple s'était rapetissé, sa science éteinte, son imagination racornie ! Israël ne semble-t-il pas, pendant ces cent ou cent cinquante ans, avoir été comme un homme frappé de stupeur qui, sortant de son cauchemar, ne garde de tout ce qui s'est passé pendant cette nuit de son intelligence qu'une mémoire maladive et pleine de rêves !

N'est-ce pas là cette stupeur et cette épouvante que nous avons lue dans la prophétie de Moïse : Ceux d'entre vous qui resteront, je mettrai la peur dans leurs cœurs tandis qu'ils habiteront le pays de leur ennemi ; le bruit d'une feuille qui vole les épouvantera, et ils la fuiront comme le glaive... Le Seigneur te frappera de démence et d'aveuglement et de fureur, et tu iras à tâtons en plein midi, comme fait un aveugle dans ses ténèbres... et tu demeureras stupéfait de terreur au spectacle de ce qu'auront vu tes yeux... Le Seigneur te donnera un cœur tremblant, et des yeux prêts à défaillir, et une âme anéantie par la douleur. Et ta vie sera comme pendante devant tes yeux ; tu craindras nuit et jour, et tu ne croiras pas à ta propre vie. Tu diras le matin : Qui me donnera le soir ? Et le soir : Qui me donnera le matin ? à cause de l'épouvante de ton cœur[26].

Cette décadence religieuse, et par suite morale et intellectuelle, du peuple juif nous explique le changement de langage des païens à son égard. Ce n'est plus ce peuple et ce culte qu'ont respecté César, Antoine, Auguste, Livie, Tibère, Titus ; devant lequel Varron, Sénèque et Strabon s'inclinaient ; dont l'ami d'Horace observait pieusement les sabbats ; dont Cicéron, plaidant pour son oppresseur, ne parle cependant pas sans un certain ménagement. Non-seulement Domitien les dépouille : mais Pline ne voit en eux qu'une nation célèbre par son mépris pour les dieux ; Plutarque, des superstitieux ; Juvénal, des mendiants, des adorateurs des nuages et des diseurs de bonne aventure ; Martial n'a pour leurs jeûnes, leurs serments et leurs sabbats que de grossières railleries[27]. Tandis que Trogue-Pompée racontait sur les Juifs beaucoup de fables, mais nulle calomnie, Tacite débite sur leur compte les plus injurieuses sottises ; Tacite (le premier, si je ne me trompe, parmi les auteurs qui nous sont restés) leur impute l'adoration d'un âne, conte absurde et qui devenait populaire chez les païens[28]. Tacite avait vu le ghetto de quelque ville grecque, où la cupidité, souvent la richesse, se cachait sous les apparences d'une misère infecte ; il avait entendu le chant lamentable et vu les physionomies sinistres de quelque synagogue, quand il disait : C'est à tort que l'on veut faire remonter à Bacchus la religion des Juifs. Le culte de Bacchus est brillant et joyeux. Celui des Juifs est absurde et immonde[29]. Ceci encore avait été prédit par Moïse : Tu seras la fable et la risée de tous les peuples chez qui t'aura amené le Seigneur[30].

Cette triste situation du peuple juif ne devait plus désormais que s'aggraver. Les synagogues de la terre sainte s'étaient les premières laissé entraîner à la révolte ; et elles y avaient péri. Les synagogues du dehors, plus résignées ou plus indifférentes, s'étaient mieux préservées de l'esprit de faction. Mais il allait bientôt en être tout autrement. Tandis que l'école de Jamnia dans la Palestine, protégée par les Romains, prêchait désormais l'obéissance et la soumission. c'étaient au contraire les synagogues de la dispersion qui à leur tour nourrissaient cet esprit d'indépendance et de révolte par lequel leurs sœurs de la terre sainte avaient péri. Elles avaient recueilli des sicaires fugitifs, missionnaires et martyrs de cet illuminisme factieux qui avait perdu la Judée. On racontait leur héroïsme dans les combats ; on était témoin de leur courage dans les supplices ; parmi eux, tous jusqu'aux enfants enduraient les plus cruelles tortures, plutôt que d'articuler ce seul mot : César maître (Καίσαρα δεσπότην)[31] ; fidèles ainsi à cette doctrine de leur secte que Dieu était pour Juda le seul Seigneur, et qu'à lui seul il était permis d'obéir ; courageux, sans doute, de ce courage qui, joint à la vérité et à la patience, fait les martyrs, mais qui, joint à l'erreur et à la révolte, fait les sectaires.

Or ces synagogues asservies auxquelles ils parlaient d'indépendance, ce peuple humilié auquel ils parlaient de gloire, déjà enivré de prophéties qu'il ne comprenait plus, de calculs toujours déçus et toujours recommencés, d'enseignements rabbiniques plus obscurs et plus multipliés chaque jour, recueillait avec, avidité ces paroles et ces exemples. Les Juifs de la dispersion se préparaient ainsi à suivre l'exemple des Juifs de Palestine et à perdre dans leurs chimères d'indépendance et de gloire ce qui leur restait de liberté, d'aisance et de paix. C'est ce que devaient voir les générations suivantes ; car la ruine de Jérusalem n'est que la première étape de la nation juive dans sa carrière de calamités.

 

 

 



[1] Josèphe, VII, 28 (7, 1-3).

[2] Josèphe, VII, 27 (6,6).

[3] Deutéronome, XXIX, 22-24.

[4] Josèphe, de B., VII, 14 (5, 2).

[5] Voir Dion, apud Xiphilin, LXVI, 7. — Josèphe, de B., VII, 27 (6, 6). — C'est le tribut d'un demi-sicle (Exode, XXX, 15), et que N.-S. paya au moyen d'un stater (4 drachmes), pour lui et saint Pierre (Matthieu, XXVII). Libertas vecligalis, dit Tertullien, Apolog., 18. — Φόρος τώ σώματων. Appien, in Syriac., 50.— Fiscus Judaicus. Suétone, in Dom., 12. — Lactance, de Morte persecutor, 25, et les monnaies de Nerva.

[6] Josèphe, in Apion, 1, 7.

[7] Ceux qui se prétendent aaronites le sont par des généalogies incertaines, et n'oseraient manger les bestiaux que la loi leur assigne. M. Drach, de l'Harmonie de l'Église et de la Synagogue.

[8] Traité sanhédrin, 13, 2 ; 14, 1. — Avoda Zara, 8, 2.

[9] Il n'y a pas d'autorité pour déterminer ce qui est ou non obligatoire (chez les Juifs). — Silvestre de Sacy, Lettre à un Conseiller du roi de France, Paris, 1817 : Nos rabbins ne sont pas, comme les curés, les ministres nécessaires du culte ; l'office des prières ne s'effectue. pas par leur organe. Ils ne sont pas les confidents de nos consciences ; leur pouvoir ne peut rien pour le salut de nos âmes. Des Consistoires israélites, par M. Singer, membre d'un consistoire. Paris, 1829, cités par M. Drach, Harmonie, etc., t. I, p. 121, n. 27.

[10] Voir IV Reg., cap ult. — Joseph., Antiq., X. — Eusèbe, Demonstr. évang., III.

[11] II Paralip., XV, 5.

[12] Buxtorf, de Synag. JudϾr., 10, 18.

[13] Deutéronome, XVI, 9-15.

[14] Drach, loc. cit. — Buxtorf, Syn. jud., ch. VIII, 18. — On compte dans le calendrier judaïque trente anniversaires douloureux et célébrés par des jeûnes. Huit fêtes seulement rappellent les souvenirs heureux de l'ancienne loi.

[15] Zacharie, VIII, 19.

[16] Josèphe, VII, 9 (3, 5).

[17] Les citations des prophètes sont rares dans Josèphe. J'ai indiqué l'application qu'il fait à Vespasien de la prophétie de Michée, de Bello, VI, 51 (5, 4). — Ailleurs, se rappelant sans aucun doute Daniel, il dit : La destruction de Jérusalem a été prédite par les anciens prophètes pour le temps où l'exemple aura été donné du meurtre d'un compatriote. (Il devrait dire du meurtre du Christ), de Bello, VI, 8, 21. Voyez Daniel, IX, 26 : Occidetur Christus et non erit ejus populus qui eum negaturus est. Et civitatem et sanctuarium dissipabit populus cum duce venturo. Et finis ejus vastitas. — De même, dans ce passage : C'était la parole des hommes inspirés d'autrefois que la ville serait prise et le lieu saint incendié en vertu du droit de la guerre, quand il y aurait eu une sédition, et que des mains israélites auraient souillé le sanctuaire de Dieu. IV, 22 (6, 3). Et erit templum in abominationem desolationis. (Daniel, IX, 27.) — Dans ce passage : Il était prédit que la ville et le temple seraient détruits quand le temple aurait pris une forme carrée, VI, 31 (5, 4), y aurait-il une allusion aux quatre bêtes de la vision de Daniel (VII) ou au char à quatre roues d'Ézéchiel (X) ?

[18] Bartolocci, Biblioth. rabbin. — Moses Maim., More Nevoch., p. 2, ch. XLV, apud Basnage, Histoire des Juifs, VI, 19.

[19] D'après la prophétie d'Élie que j'ai citée plus haut. Voir Talmud, Traité sanhédrin, f° 97, 2. — Le docteur Sepp, Vie de N. S. J. C., 3e part., ch. XV.

[20] En 358, une décision du sanhédrin de Tibériade abrège les temps qui ont précédé la venue de Jésus-Christ, place sa naissance en l'an 3762 du monde, et se donne ainsi soixante-six ans de marge pour attendre le Messie. (Sepp, ibid.)

[21] S. Justin, Dial. cum Tryph., 8. — Commentaire juif sur Daniel, XII, 11 . — Midrasch., Ruth rabba, f° 41. — Bammidbar rabba, sect. 2, f° 211. — Sanhédrin ch. Chelek, f° 98, cités par le docteur Sepp, ch. XVI.

[22] Sanhédrin, f° 97, 2. — Maïmonide, Iggereth ' atteman., f° 125, 4, et d'autres rabbins cités par le même auteur.

[23] Traité Bava-Mazia, apud Sepp, Vie de N. S. J. C. — Voir de plus Basnage, t. IX, 3. — Voyez encore un article, du reste très-favorable aux Juifs, dans la Revue des Deux Mondes, 15 octobre 1856.— Les Pères de l'Église font plusieurs allusions à cette Deutérose ou tradition secondaire des Juifs, qu'on désigne dans son ensemble sous le nom de Talmud. — Voyez, entre autres, saint Justin, in Tryphon, saint Jérôme, saint Augustin.

[24] Gittin, p. 56.

[25] Saloum Ben virgæ tribus Juda, p. 1, 2. — Apud Basnage, II, 5.

[26] Lévitique, XXVI, 36. — Deutéronome, XXVIII, 28, 29, 34, 65-67.

[27] Jura, verpe, per Anchialum, dit-il à un Juif qui est prêt à jurer par tous les dieux sans se faire scrupule de trahir son serment. Anchialus serait une formule de serment véritablement hébraïque, Ana-chi-El (sic vivit Deus).

[28] Du reste Tacite se contredit singulièrement ; car il parle un peu plus loin de cette ville et de ce temple sans idoles, parce que, dit-il, les Juifs n'admettent qu'un seul Dieu et le conçoivent par la seule intelligence.

[29] Tacite, Hist., V, 5.

[30] Deutéronome, XXVIII, 37.

[31] Josèphe, VII, 37 (10, 1).