La paix cependant se maintenait encore. Les deux partis révolutionnaires, celui des bandits et celui des sicaires, par leurs folles prédications, par leurs prétendus inspirés, plus encore par leurs brigandages et l'état d'inquiétude qu'ils maintenaient, poussaient de leur mieux à la révolte. Le procurateur Florus y poussait aussi, sciemment et volontairement, selon Josèphe, parce que, coupable de déprédations et accusé auprès de César, la révolte seule pouvait le sauver ; il suscitait dans les villes syriennes la haine des païens contre les Juifs ; et, payé par les Juifs pour les défendre, il ne tenait pas ce honteux marché. Il allait, s'il faut en croire Josèphe, jusqu'à proclamer à son de trompe liberté et impunité pour les brigands. Il menaçait même le trésor sacré et voulait enlever dix-sept talents (cent deux mille francs) de l'or du temple. Cependant le pontificat, la haute bourgeoisie de Jérusalem, à force de supplications et de prières, maintenaient encore le peuple dans la soumission[1]. C'est alors qu'au printemps de l'année 66 (16 Artémisius, 27 avril), Florus vint à Jérusalem, décidé sans doute à provoquer l'explosion populaire. Le peuple, selon l'usage, marche en ordre au-devant du procurateur et de ses soldats ; mais les soldats répondent au salut officiel du peuple par des injures ; les cavaliers poussent leurs chevaux sur la foule. Le lendemain, Florus, installé sur son tribunal, demande compte au Sanhédrin d'une moquerie populaire : par allusion à son avarice, on avait colporté une boite destinée à recevoir les aumônes pour le mendiant Florus. Comme le Sanhédrin ne peut immédiatement le satisfaire, il pousse ses soldats sur le peuple, fait piller et massacrer, condamne au fouet et même à la croix des Juifs, chevaliers romains, méprise les pleurs de la reine Bérénice, sœur d'Agrippa, qui, après une nuit d'angoisses, vient à lui le matin, nu-pieds, au péril de sa vie, le supplier d'épargner Jérusalem. Le jour suivant (17, 28), nouvelle épreuve. Florus annonce que deux cohortes de plus vont entrer dans Jérusalem, et que le peuple doit aller à leur rencontre. Il fallut cette fois que les lévites et les prêtres portassent par la ville les vases du temple, suppliassent, montrassent au peuple leur poitrine nue et leur tête couverte de cendre. Le peuple se soumit, mais sa soumission fut encore payée par des outrages. Sous lés pieds des chevaux, sous les coups de bâton de ces soldats syriens et idolâtres, la patience des Juifs n'y tint plus. Le peuple, rentré en hâte dans la ville, et comprenant bien que c'est au temple et au trésor du temple qu'on en veut, gagne le temple, démolit la galerie qui l'unit à la tour Antonia, occupée par les Romains, l'isole ainsi, barre les rues, jette du haut des toits des pierres sur les soldats de Florus. Mais Florus est satisfait ; il a son émeute. Il convoque le Sanhédrin, lui déclare qu'il ne peut plus tenir à Jérusalem, qu'il l'abandonne à l'esprit de révolte. Le Sanhédrin tremble de rompre avec César, supplie Florus de rester et obtient seulement qu'il laisse après lui une cohorte. Tel est du moins le récit de Josèphe, intéressé, il est vrai, à exagérer la patience des Juifs et la tyrannie du procurateur[2] Jérusalem demeure effrayée de son triomphe. Elle députe au proconsul de Syrie pour se justifier ; Bérénice députe à son frère Agrippa pour le supplier d'intervenir. Agrippa et un tribun, envoyé par le proconsul, arrivent en même temps aux portes de la ville sainte. Le tribun trouve Jérusalem soumise, respectueuse, lui montrant seulement les traces du combat, son marché pillé, ses maisons détruites et se plaignant de Florus. Il va au temple, et, dans l'enceinte ouverte aux gentils, offre, selon l'usage fréquent des Romains, son hommage au Dieu des Juifs. Agrippa, de son côté, assemble le peuple, et, en présence de Bérénice assise sur un trône, le supplie, au nom des choses saintes, au nom du temple, au nom des anges de Dieu, de ne pas livrer le Saint des saints aux chances fatales de la guerre. Le peuple, ému de ces paroles d'un roi, des larmes d'une reine, répond qu'il en veut à Florus, non pas à Rome. Agrippa lui demande l'impôt qui avait cessé d'être payé, et quarante talents (deux cent quarante mille francs) sont réunis à l'instant pour acquitter l'impôt. Agrippa lui reproche la démolition du portique qui joignait la tour Antonia au temple ; le peuple commence à le relever. Agrippa accomplissait ici un office héréditaire ; comme Hérode le Grand, son bisaïeul, comme Agrippa, son père, à force d'adresse et de popularité d'un côté, d'adulation et de dévouement de l'autre, il était l'entremetteur de la soumission judaïque et de la domination romaine, le lien entre son peuple et son empereur. Mais à la fin Agrippa parle de Florus. Il savait qu'une fois l'émeute ayant éclaté ni le proconsul de Syrie ni César ne donneraient tort au procurateur. Il fallait donc accepter Florus ou désespérer de la protection de César. Cette fois le peuple ne veut plus entendre Agrippa. A la première parole il est insulté, les pierres volent contre lui ; il est obligé de quitter Jérusalem ; son œuvre de conciliation est anéantie[3]. Le parti de la paix qui triomphait tout à l'heure, est vaincu ; le parti de la guerre est maure de la cité. Ce parti ne faisait qu'une minorité dans la nation ; on peut l'admettre sans croire à une majorité pacifique aussi compacte et aussi absolue que la peint Josèphe. Mais ce parti, plus révolutionnaire que national, parce qu'il n'avait pas les vertus qui seules auraient pu légitimer et ennoblir l'insurrection, ce parti était ce que les partis révolutionnaires sont toujours. Faibles par le nombre, forts par l'audace, résolus comme tous les partis extrêmes, despotiques comme tous les partis populaires ; quand une fois ils se sont saisis d'une nation, ils se hâtent de la compromettre avec eux pour qu'elle ne puisse plus renier la solidarité de la révolte. Dans la campagne, le parti révolutionnaire, c'étaient les sicaires, héritiers directs de Judas le Gaulonite, et conduits par son fils Manahem, dernier reste, après deux frères crucifiés, de cette famille de révoltés et de prophètes. Eux, pour dominer le pays, avaient eu besoin d'une place forte et par un coup de main hardi ils venaient de s'emparer du rocher inexpugnable de Massada sur le bord de la mer Morte, citadelle et arsenal des Hérodes, devenu le centre de leurs brigandages. A Jérusalem, les révolutionnaires s'appelaient zélateurs, et là aussi il leur fallait une place forte, une situation altière et dominante pour maintenir le peuple et le garder contre le repentir. Un des leurs, Eléazar, fils du pontife Ananias, nommé chef militaire du temple (στρατηγος), fit déclarer, malgré les supplications du haut sacerdoce et des chefs même du pharisaïsme, que désormais nulle victime ne serait reçue que de la part d'un Juif. Rien n'était plus opposé à la loi de Moïse, nationale par son rite, mais universelle par son dogme et libérale dans sa pratique, qui faisait prier pour les gentils et leur avait constamment ouvert la première enceinte de son temple. Mais, en rejetant l'offrande de tous les gentils, on rejetait celle de l'empereur ; on refusait les sacrifices qui jusque-là étaient offerts tous les jours en son nom et par lui ; Jérusalem abdiquait ce signe d'alliance avec Rome qui était en même temps un signe du respect de Rome envers elle. Elle mettait César hors de son temple, hors de sa prière, hors de sa loi. Le temple et la religion de Moïse devinrent alors la citadelle des zélateurs comme Massada était celle des sicaires[4]. Bientôt la plaie s'élargit encore. Le parti de la paix fit un effort désespéré ; après avoir demandé secours à Florus qui demeura dans son inaction calculée, il demanda secours à Agrippa, qui lui envoya trois mille hommes (7 Loös, 16 juillet). Ces trois mille hommes, la cohorte romaine qui était demeurée à Jérusalem, les Juifs, amis des Romains, soutinrent pendant sept jours la lutte contre les zélateurs. Il fallut que le parti révolutionnaire réunit toutes ses forces et que de Massada les sicaires vinssent à l'aide (14 Loös, 23 juillet). La révolution triompha par ce secours. Le palais d'Agrippa et celui de Bérénice furent brûlés. On eut soin surtout de brûler les archives où étaient contenus les actes de créance et les registres des hypothèques (15-17) ; on rangeait ainsi tous les débiteurs dans le parti de l'insurrection[5], et l'on faisait, comme nous dirions aujourd'hui, une révolution, non pas seulement démocratique, mais sociale. L'ancien grand-prêtre Ananias, celui qui avait fait frapper saint Paul et à qui saint Paul avait prédit que Dieu le frapperait[6], poursuivi comme partisan de la paix, se cacha dans un égout et y fut tué (7 Gorpiéos, 14 août.) Les soldats romains, retirés dans une tour imprenable, se rendirent à la condition qu'ils auraient la vie sauve ; à peine désarmés, On les égorgea sans provocation, sans prétexte, et, ce qui aggravait le crime aux yeux de la loi juive, un jour de sabbat (6 Gorpiéos, 13 août)[7]. C'est par cette puissance du crime que les partis révolutionnaires font des nations leurs complices et leurs esclaves. Abusant de son légitime courroux contre Florus, les zélateurs avaient bien vite mené Jérusalem au delà de sa colère. Ils l'avaient fait rompre par l'émeute avec Florus, par leurs insultes avec Agrippa, seul médiateur possible entre elle et Rome, par le sang d'un grand-prêtre avec le sacerdoce et la religion de Moise, par le sang d'une cohorte avec Rome et César. Comme il arrive toujours en pareilles luttes, la majorité, faible de cœur, n'ayant pas le courage de sa prudence, ne sachant pas se révolter contre la révolte, se trouvait avoir déclaré une guerre qu'elle n'avait jamais voulue. Qu'étaient-ce cependant que les zélateurs, que Jérusalem, que le peuple juif de la Palestine ? Israël, implanté depuis quinze siècles dans la Palestine, y était encore à certains égards comme un étranger et avait toujours eu à s'y défendre : le flot des peuples idolâtres, repoussés ou envahissants, avait toujours grondé contre lui. Depuis la captivité de Babylone surtout, la tribu de Juda, seule revenue et revenue en petit nombre, s'était trouvée, au milieu des races hostiles qui peuplaient la Syrie, isolée et dans un perpétuel état de siège. Les Macchabées, en soumettant la Galilée et l'Idumée, l'avaient mise un peu plus à l'aise. Mais cependant les étrangers la pressaient encore de toutes parts. Vers la mer, Sidon, Tyr, Ptolémaïs s'étaient agrandies aux dépens de la tribu captive d'Aser ; au Carmel, un dieu des gentils avait son autel et son prêtre. Dora, Césarée, Antipatris, Ascalon, Gaza, ces noms romains, grecs ou philistins, attestaient la prépondérance des races païennes, et le littoral, à peine distant de dix lieues de Jérusalem, appartenait à peu près en entier aux idolâtres. A neuf lieues au nord de Jérusalem, la séparant de la Galilée, commençait le territoire de sa sœur infidèle, Samarie, qui protestait éternellement contre son pouvoir, contre son temple, contre son sacerdoce, contre ses mœurs. Ainsi les races hostiles serraient de toutes parts la race juive et se mêlaient à elle sans se confondre. Sur cette terre de Syrie, destinée jusqu'à nos jours à héberger les nations les plus diverses, les Syriens habitaient les villes judaïques ; les juifs habitaient les villes syriennes ; les deux races, les deux religions, la synagogue et le temple des idoles, la communauté israélite et la cité païenne, étaient partout l'une auprès de l'autre et se disputaient partout. Jusque dans l'intérieur de la Galilée, la ville judaïque de Bethan était devenue, sous le nom de Scythopolis, une cité mixte, mais dans laquelle dominaient les gentils. Et encore, si tout ce qui était juif eût pu au moins se réunir ! Si, du haut des portiques sacrés, le grand prêtre eût pu appeler ces trois millions de Juifs qui, six mois auparavant, étaient venus des bouts du monde célébrer la Pâque dans le sanctuaire de Salomon ! Mais ils étaient maintenant retournés dans leurs demeures, en Asie, en Grèce, en Italie, dans la Médie, dans la Perse. Dispersés au milieu des infidèles, faiblement sympathiques aux Juifs de la Palestine, dont ils ne parlaient plus la langue et qui les traitaient volontiers d'hétérodoxes, n'ayant pour sauvegarde que le sceptre romain et se souciant peu de le voir se briser sur leurs tètes, les Juifs de l'empire ne devaient pas venir en aide à la révolte de Jérusalem. Au delà de l'Euphrate, l'Adiabène, où le judaïsme avait été prêché récemment, envoya quelques-uns de ses princes au secours de la ville sainte ; mais pour la plupart, les Juifs trans-euphratiques restèrent paisibles. ils étaient sujets du roi des Parthes, et ce prince, récemment vaincu par les Romains, ne se fût pas soucié de donner à Rome un nouveau sujet de guerre. Ils étaient entourés de populations idolâtres et persécutrices, et la moindre agitation de la part des Israélites pouvait provoquer un renouvellement de ces massacres qui dataient de trente ans à peine. L'insurrection en était donc réduite à la Judée et la Galilée, c'est-à-dire à un pays d'environ deux cents lieues carrées et à une population d'environ trois millions d'hommes. Et si encore dans la Judée et la Galilée, où la race de Jacob étouffait serrée entre les infidèles, tous les cœurs eussent été d'accord ! Mais Séphoris, capitale romaine de la Galilée ; mais Tibériade, ville bâtie par les Hérodes, penchèrent toujours l'une vers Rome, l'autre vers Agrippa. La Galilée en général se montra froide pour la cause de la révolte. Les juifs de Scythopolis prirent même les armes contre leurs frères. Si seulement enfin Jérusalem eût marché de cœur et tout entière dans cette lutte ! Mais dans Jérusalem, comme il arrive toujours en pareil cas, la majorité était contrainte plus que persuadée ; la bourgeoisie subissait le joug de la populace ; le haut sacerdoce, celui du sacerdoce inférieur ; les hommes mûrs celui de la jeunesse ; le peuple de la ville celui des brigands de la campagne. Il y a plus, et la faction qui dominait le peuple juif était elle-même divisée. A l'encontre des zélateurs s'élevaient les sicaires, les montagnards de cette Gironde. Manahem disputait à Éléazar, fils de Simon[8], chef des zélateurs, la royauté de l'insurrection. Cet ennemi des rois ne se gênait point pour prendre les allures de la royauté. Il marchait en habit royal, suivi d'un cortège armé. Cet orgueil révoltait les zélateurs. Ils n'avaient pas revendiqué leur liberté contre les Romains pour se donner un roi juif ! ils ne voulaient pas d'un despote même démocrate ! et autres paroles, extraites, ce semble, du discours de Tallien contre Robespierre. Un jour donc que Manahem entrait au temple avec cet appareil, les zélateurs l'assaillirent ; le peuple même, ce qui veut dire dans Josèphe le parti pacifique, croyant tuer la sédition en tuant Manahem, lui jetait des pierres de loin. En face de cette attaque multiple, Manahem résista peu ; il alla se cacher et périt misérablement[9]. Mais plusieurs de ses partisans échappèrent et gagnèrent leur nid d'aigle de Massada, asile invincible de leur parti. La révolte eut donc alors deux armées, deux drapeaux, deux capitales. Et c'était une faction ainsi divisée, au milieu d'une ville plutôt subjuguée que soulevée, au sein d'un petit peuple, non-seulement entouré, mais mêlé d'ennemis, sans une espérance sérieuse de secours, sans une issue pour la fuite, sans un passage vers la mer, sans un port, qui osait, avec une sorte d'héroïsme insensé, défier la grande épée romaine, victorieuse du monde. Sans doute, les Macchabées avaient osé davantage, mais les Macchabées défendaient Dieu et la loi. Pour ce peuple, au contraire, sur qui le crime du Calvaire pesait, quel secours attendre d'un Dieu qu'il avait outragé et d'une loi dont il avait méconnu l'accomplissement ? Aux yeux mêmes du pharisaïsme, les pontifes dont ils méprisaient les conseils, un grand prêtre qu'ils avaient égorgé, le temple qu'ils avaient souillé de sang, la cohorte romaine qu'ils avaient massacrée d'une manière impie, s'élevaient contre eux pour les condamner. Loin que le sentiment religieux fût avec eux, c'étaient leurs adversaires, qui, sans être plus religieux peut-être, leur opposaient le sentiment religieux ; c'était en promenant les vases sacrés, en parlant au peuple du temple et du sanctuaire, que les prêtres d'abord, Agrippa ensuite, avaient combattu les zélateurs. Les zélateurs, en rejetant les offrandes des étrangers, avaient rapetissé la foi de Moise à la proportion d'une foi exclusivement nationale, subordonné le dogme à la politique, la loi du Seigneur à celle du pays, Dieu à la nation. Aussi, hors du peuple juif, la confiance fut-elle universelle que Dieu avait abandonné Israël. Sans attendre le signal de la révolte d'un côté, le signal de la répression de l'autre, tous les idolâtres de la Syrie, longtemps contenus par la fierté des Juifs et par l'autorité de Rome, commencèrent à se ruer sur eux. Ce fut sur toute cette frontière et dans toutes les villes mixtes un cri de guerre ou plutôt un cri de mort. Le même jour du sabbat, à la même heure où la cohorte romaine périssait à Jérusalem, les Juifs de Césarée furent attaqués par leurs concitoyens idolâtres ; vingt mille périrent ou furent réduits en captivité[10]. A Damas, la faveur des femmes, presque toutes attachées à la loi de Moïse, protégea longtemps les Juifs ; mais enfin ils furent refoulés dans le gymnase ; on en ferma l'entrée et dix mille furent tués en une heure[11]. A Antioche, que Josèphe compte cependant avec Sidon et Apamée parmi les villes qui épargnèrent les Juifs, plusieurs Israélites, accusés de complot incendiaire, furent brûlés sur-le-champ à la vue du peuple rassemblé au théâtre. Les Juifs, à leur tour, usèrent de représailles, et chaque ville devint un champ de bataille ; les rues étaient semées de cadavres nus et abandonnés. Dans la ville métis de Bethsan, les Juifs s'armèrent avec les païens contre leurs frères, les Juifs du dehors, et défendirent vaillamment la cité. Mais telle était la haine qu'on portait à ce malheureux peuple, que cette trahison ne les fit point absoudre. On exigea d'eux qu'ils sortissent de la ville, et, quand ils eurent campé dans les bois voisins, confiants et endormis, on les attaqua à coups de flèches, et tous périrent au nombre de treize mille. L'un d'eux, Simon, fils de Saül, dont le courage et la force redoutables s'étaient signalés pour la défense de la ville, tout à coup réveillé par cette grêle de traits qui tuait auprès de lui ses compagnons, se mit à crier aux Syriens que, traître envers son peuple, il périssait justement, mais qu'il ne leur laisserait pas l'honneur de lui donner la mort. Son père était auprès de lui ; il le saisit par les cheveux et le tue ; il frappe également sa mère, joyeuse de mourir ainsi ; sa femme et ses enfants lui présentent la gorge pour échapper au glaive de l'ennemi. Resté le dernier, il monte sur ce monceau de cadavres, et, levant le bras bien haut pour être aperçu de loin, il se frappe d'un grand coup d'épée. Épouvantable scène qui n'était que le prélude de bien d'autres et indiquait à l'avance le caractère de cette guerre impie[12] ! Enfin, le cri de fureur contre les Juifs retentit en Égypte. Alexandrie se repentit de les avoir laissés paisibles pendant vingt-sept ans. Dans une assemblée populaire où ils prétendaient user de leur droit de cité, on les repoussa, on saisit quelques-uns d'entre eux qu'on, voulut brûler vifs. La communauté juive s'arma tout entière, courut vers l'amphithéâtre où le peuple était réuni, et allait y mettre le feu. Ni les exhortations du préfet romain, Tibère Alexandre, lui-même Juif d'origine, ni les conseils de leurs propres magistrats ne les purent arrêter. Il fallut que deux légions et cinq mille soldats libyens marchassent contre eux. Le quartier des Juifs, appelé le Delta, fut envahi, non sans une résistance opiniâtre ; tout fut détruit ; les enfants et les vieillards ne furent pas plus respectés que les hommes armés., Les Alexandrins se mêlèrent à cette boucherie ; et, après que les soldats, sur l'ordre du préfet, eurent cessé le carnage, eux continuèrent à s'acharner, même sur les cadavres. S'il en faut croire Josèphe,-cinquante mille Juifs périrent ce jour-là, soit à Alexandrie, soit hors de ses murs. Ainsi, dès le premier pas fait pour sortir de la tutelle romaine, Israël rencontrait devant lui la haine invétérée de tous les peuples[13]. Cependant, contre toute attente, en dépit de tous les vœux formés contre les Juifs, en dépit de leurs propres divisions et de leurs propres folies, leur première lutte contre Rome devait amener un triomphe pour eux. Cestius Gallus, proconsul de Syrie, marcha contre Jérusalem. Il avait environ treize mille hommes de troupes romaines, à peu près autant d'auxiliaires. Antiochus, roi de Commagène, Sohème d'Émèse, Agrippa de Trachonite, lui avaient amené des renforts. Toutes les villes syriennes, ennemies des Juifs, lui avaient joyeusement fourni des volontaires. Jérusalem avait à lui opposer une multitude, mais une multitude indisciplinée. La fête des Tabernacles (15-22 tisri, 28 septembre au 5 octobre) avait attiré à elle des milliers ou de croyants ou de conjurés, force irrégulière, désordonnée, sans tactique, presque sans armes, surtout sans chefs. Cestius marchait lentement, comptant sur les divisions de Jérusalem, sur l'influence du parti de la paix, sur l'inconsistance des multitudes, enthousiastes un jour, tremblantes le . lendemain. Il parlementait, il envoyait Agrippa, il faisait offrir une amnistie ; ses parlementaires étaient reçus à coups d'épée. Cependant, une fois sous les murs de Jérusalem, la supériorité des armes romaines se fit sentir. L'enceinte de la ville fut forcée (30 hyperberetœos, 6 octobre) ; les révoltés rejetés dans le temple et dans la ville haute (Sion). Les Romains les y assiégèrent, et, grâce à cette redoutable tortue qu'ils formaient avec leurs boucliers, approchaient des murs et en minaient les fondements. Après cinq jours d'assaut, le temple semblait prêt à céder ; les Romains se préparaient à en incendier les portes : on y parlait de soumission, bien qu'Éléazar fit jeter du haut des murs quelques Juifs qu'il soupçonnait de traiter avec les Romains ; les chefs de la révolte étaient déjà consternés ; les partisans de la paix espéraient déjà, grâce à la brièveté de la lutte, amnistie, réconciliation, salut pour la ville et le sanctuaire : lorsque tout à coup, soit qu'il craignit les masses de Juifs campés hors de la ville, soit qu'il ignorât ce qui se passait dans le temple, soit qu'il voulût, lui aussi, comme Florus, prolonger la guerre et y faire entrer, bon gré mal gré, la nation juive tout entière, en un mot, par une résolution difficilement explicable, Cestius Gallus donna le signal de la retraite (4 dios, 9 octobre). Cette retraite fut désastreuse pour lui. Les factieux s'élancèrent hors du temple, pleins de joie et de surprise. Les multitudes qui occupaient les hauteurs fondirent de toutes parts sur les cohortes romaines. Légèrement armés, connaissant les détours des montagnes, se tenant en arrière lorsque les Romains étaient dans la plaine, se jetant sur eux lorsqu'ils défilaient péniblement à travers les gorges, ils assaillaient de leurs flèches cette pesante infanterie qui n'osait plus tourner la tête, persuadée qu'une armée immense était à sa poursuite. Dans ces vallons pierreux 'de la Judée, le légionnaire, chargé de son lourd bagage, le cavalier, dont le cheval glissait sur les rochers, se retiraient épouvantés devant ces ennemis qui se jouaient et poussaient des cris de joie sur les hauteurs. A la première étape, Gabaon (5-7 dios, 10-12 octobre), il fallut abandonner les mulets, les ânes, les équipages. A la seconde, Béthoron, (8 dios, 13 octobre), il fallut abandonner les machines de guerre, dont les Juifs s'emparèrent et dont ils surent plus tard se servir. Cestius n'osa même sortir de Béthoron qu'en sacrifiant quatre cents hommes qui, répandus sur les toits, allumaient des feux, montaient la garde, s'appelaient comme des sentinelles, faisaient croire, en un mot, à la présence de toute l'armée, pendant que l'armée, partie avant le jour, marchait rapidement vers l'Occident. Cestius fut encore poursuivi jusqu'à Antipatris, sur les bords de la Méditerranée, et il y arriva, ayant perdu plus de cinq mille hommes et l'aigle de la douzième légion[14] ; il y arriva abattu, tremblant de la colère de son maitre, tâchant de rejeter la faute sur Florus, miné par un désespoir qui le tua bientôt[15]. Mais ce succès devait être funeste surtout au vainqueur. Jérusalem était maintenant enlacée dans les filets de la révolte et complice, malgré elle, de tous ses crimes. Il ne lui restait plus de salut que par la révolte elle-même. Il ne lui restait plus qu'à la soutenir avec l'énergie, mais aussi avec l'accablante conviction du désespoir. On le sentait. Il y eut un moment où il sembla que, sous l'empire du commun péril, la distinction des partis disparût. Déjà l'aristocratie sacerdotale ou bourgeoise s'était rapprochée d'Eléazar, grâce à la violence de Manahem ; en temps de révolution, on s'attache au plus modéré d'entre les factieux. Elle travaillait maintenant à effacer Éléazar lui-même et les zélateurs, toujours suspects de violence et de despotisme, et à donner aux conseils de la révolution plus d'entente, de gravité, d'intelligence. Il ne s'agissait plus de sus citer une émeute, mais de soutenir une longue guerre. On chercha, là où ils étaient, c'est-à-dire dans les rangs de la hiérarchie régulière, les hommes qui avaient les habitudes du pouvoir. On appela à gouverner les plus démocrates de l'aristocratie, des prêtres cependant et des pontifes. Le pontife démocrate Ananus, ancien grand-prêtre, eut le commandement de Jérusalem. D'autres hommes, de famille pontificale, furent envoyés dans les provinces. L'historien Josèphe lui-même, prêtre et opposé jusque-là à la révolte, eut le commandement de la Galilée. Sous eux, la Judée s'apprêta à une guerre nationale, appela sa jeunesse sous les drapeaux, fortifia ses villes, forgea des armes, fabriqua des machines de guerre. Les murailles de Jérusalem furent achevées, une mission fut envoyée aux Juifs d'au delà de l'Euphrate pour leur demander secours[16] A la fois plus habiles et moins passionnés, ces hommes se sentaient plus capables, et de soutenir la guerre, si la guerre était inévitable, et de renouer la paix, si la paix, dont ils nourrissaient encore l'arrière-pensée, était possible. Mais, malgré cette modération, l'inévitable désordre et l'inévitable tyrannie des situations révolutionnaires se produisaient. Josèphe, qui nous raconte longuement son administration en Galilée, nous peint très-bien ces positions extrêmes où la lutte et la défiance sont à chaque pas. Le pays est divisé. Séphoris, à l'Occident, appelle les Romains à son aide. Tibériade, à l'Orient, flotte entre la démagogie, qui pousse à la révolte, et l'aristocratie, fidèle au roi Agrippa. A Giscala, Jean, longtemps chef de voleurs, veut se faire proclamer roi de Galilée. La contrée est sillonnée par des bandes de brigands : ici, on les paye pour combattre et assassiner ; là, pour être épargné par eux. Les villes leur offrent un tribut, s'ils jurent de ne plus piller. Josèphe en prend quelques milliers à sa solde. Entouré de dangers, de complots, d'accusations — le besoin de soupçonner et de dénoncer est un des plus habituels symptômes des révolutions, et en est peut-être l'auxiliaire le plus efficace —, Josèphe n'échappe qu'à force d'adresse, de présence d'esprit, de perfidie quelquefois. Il soumet Tibériade parce qu'il arrive devant elle à la tête de deux cents barques vides, qu'on suppose porter des gens armés et qui emmènent captif tout le sénat de cette ville. Une autre fois, des centaines de factieux entourent sa maison et vont y mettre le feu ; il demande qu'un d'eux vienne s'expliquer avec lui ; quand le député est entré chez lui, il le fait saisir par ses serviteurs et le renvoie fustigé jusqu'au sang, sa main coupée attachée sur la poitrine, cette audacieuse cruauté fait croire que la maison a de nombreux défenseurs, et l'émeute se retire effrayée. Tout, cela se passait dans le répit de quatre ou cinq mois qui sépara la retraite de Cestius de l'invasion de Vespasien, entre quatre ennemis limitrophes, les Samaritains, les Syriens, Rome et Agrippa. Aussi les hommes de sens jugeaient-ils la cause judaïque ruinée par son propre triomphe. Les riches cherchaient à s'enfuir de Jérusalem comme on quitte un vaisseau qui va faire naufrage. Les ambitieux même se décourageaient. Les deux frères, parents des Hérodes, Costobare et Saül, qui avaient eu des prétentions de royauté, se réfugiaient auprès de Cestius Gallus. Le pontife Ananus, but en préparant la guerre avec zèle et avec tristesse, tâchait en même temps de renouer secrètement des négociations pacifiques. Ce n'étaient pas seulement les riches qui quittaient Jérusalem, mais les plus pauvres de tous ; des hommes qui, après avoir vendu leurs biens et mis le prix en commun pour le soulagement des délaissés, s'étaient vus dépouillés par la persécution de ce modique et commun patrimoine ; les chrétiens aussi quittaient Jérusalem. Ils avaient commencé à voir se réaliser la prophétie du Sauveur : Une armée avait entouré Jérusalem, et l'abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel était apparue dans le lieu où elle ne doit pas être, c'est-à-dire que les insignes idolâtriques des légions romaines avaient souillé la terre sainte de la Judée, où jusque-là ils n'entraient pas. Ils avaient lu et compris. Ils avaient su que la perte de Jérusalem était proche[17]. Et à ces prophéties encore gravées dans la mémoire de la génération qui les avait entendues, une révélation s'était jointe. Quelques-uns des plus saints parmi eux, et sans doute l'apôtre Simon qui avait succédé à saint Jacques, leur premier évêque, avaient reçu un avertissement du Sauveur[18]. Ils ne perdirent point de temps. pour la retraite. Celui qui était aux champs ne revint pas pour prendre sa tunique. Celui qui était sur le toit ne descendit pas pour rien prendre dans l'intérieur de sa maison. Ceux qui étaient dans Jérusalem la quittèrent, ceux qui étaient dans la Judée s'enfuirent vers les montagnes. La ville de Pella, située au delà du Jourdain et dans le royaume pacifié d'Agrippa, fut leur refuge. Juifs et étrangers à la révolte, ils étaient là au milieu d'une population juive demeurée soumise aux Romains[19]. Cette silencieuse retraite était un adieu qui séparait l'Église chrétienne du peuple juif. Les chrétiens s'en allaient de Jérusalem comme Loth s'en était allé de Sodome, qui eût été sauvée par sa présence. Comme autrefois le prophète, en rompant la verge qu'il tenait à la main, avait brisé le lien de fraternité entre Israël et Juda[20] de même aussi la fraternité était rompue entre Israël baptisé et Israël incrédule, entre l'Église, la véritable synagogue, et la synagogue infidèle même à Moise. Les temps de propitiation étaient passés, le jour de salut était fini. Jusque-là, les Juif baptisés et les Juifs incrédules avaient vécu ensemble, habité la même cité, le même temple, les mêmes synagogues, comme le bon grain avec l'ivraie. Aujourd'hui c'était le jour de la moisson. Les moissonneurs mettaient déjà à part les gerbes de blé, afin de jeter plus tard l'ivraie au feu. Et, pour confirmer encore cet arrêt, cette année-là même,
saint Pierre et saint Paul furent jetés dans les prisons de Rome ; l'année
suivante, ils souffrirent la mort. Cette mort leur avait été prédite et avait
été révélée par eux. Dans les deux épîtres qui peuvent être considérées comme
leurs adieux, l'un et l'autre annoncent leur fin prochaine. Bientôt, dit saint Paul, écrivant à son bien-aimé
Timothée, je vais être offert en libation, et le
temps de ma délivrance est imminent. J'ai combattu le bon combat ; j'ai
achevé ma course ; j'ai gardé ma foi. Il ne me reste plus qu'à recueillir la
couronne de justice qui m'est réservée et qu'en ce jour me rendra le Seigneur,
le juge équitable... Hâte-toi de venir...
Viens avant l'hiver[21]. Quant à saint
Pierre, nous lisons qu'il lui avait été dit : En
vérité, en vérité, je te le dis : lorsque tu étais plus jeune, tu te ceignais
et tu allais où tu voulais ; mais, quand tu auras vieilli, tu étendras les
mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudras pas. Et
l'évangéliste ajoute : Jésus parlant ainsi indiquait
par quelle mort il devait glorifier Dieu[22]. Ce que sachant,
saint Pierre adresse ainsi ses adieux aux fidèles : Je
sais avec certitude que ma tente sera bientôt repliée, selon que me l'a fait
connaître Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais je ferai en sorte que vous ayez
souvent occasion de vous rappeler ces choses après ma mort[23]. Quelle fut la cause immédiate de leur martyre ? Est-ce la
chute de l'imposteur Simon, dont ils combattirent les prestiges devant Néron
? Ou la conversion d'un échanson ou d'une concubine du prince[24] ? Ou la colère
du peuple de Rome à la nouvelle de la défaite de Cestius, et qui se porta sur
tous les Juifs de la ville, même sur les Juifs chrétiens ? Ce qui est
certain, c'est que le danger se fit pressentir à l'avance. Les chrétiens
tremblèrent pour leur chef et supplièrent Pierre de s'éloigner. Il céda un
moment à leurs instances ; il avait déjà passé la porte Capène et il
cheminait hors de là ville sur le pavé de la voie Appia, quand Jésus-Christ
lui apparut, marchant en sens opposé. Où allez-vous,
Seigneur ? dit l'apôtre. — Je vais à Rome
pour être une seconde fois crucifié. L'apôtre comprit cette parole et
rentra dans Rome[25]. Nous ne savons qu'incomplètement l'histoire de son martyre. Les chrétiens des premiers siècles ont peu écrit, et la plupart de leurs livres ont péri dans la grande persécution de Dioclétien. Mais une tradition digne de tous nos respects supplée à beaucoup d'égards au défaut des monuments écrits. Les apôtres furent enfermés tous deux dans la prison Mamertine, au pied du Capitole, près des terribles Gémonies, au fond de ce terrible Tullianum, où Jugurtha était mort de faim et de froid, où les complices de Catilina avaient été étranglés. Les vieillies murailles d'Ancus Martius furent illuminées par la lumière de la foi chrétienne, et deux de leurs gardes, Processus et Martinianus, y reçurent le baptême[26]. Après neuf mois, dit-on, de captivité, le 29 juin[27], les apôtres sortirent pour leur dernière et glorieuse délivrance[28]. Selon la tradition la plus répandue dans l'Église chrétienne, ils furent conduits d'abord sur la route d'Ostie, et là séparés. Paul fut mené un peu plus loin, au troisième mille, au lieu appelé les eaux Salviæ, et là, conformément à son droit de cité romaine, sa tête fut avec l'épée détachée de son corps[29]. Pierre, qui n'avait pas de titre pour réclamer le même privilège, fut traité comme le Christ le lui avait prédit. Il fut lié, flagellé, couché sur la croix, les bras étendus. Il demanda seulement et il obtint, pour s'humilier plus encore devant celui qui avait été crucifié avant lui, d'être placé la tête en bas sur la croix[30]. Selon les uns, un marais voisin du Tibre et de la route d'Ostie fut le théâtre de son martyre. Selon d'autres, on mena ce Juif dans le quartier des juifs au delà du Tibre, et ce fut de là, non loin de ces jardins, où avaient déjà souffert tant de martyrs, qu'il put s'envoler vers Dieu[31]. Et c'est ainsi que, glorifiant Jésus-Christ, l'un par la croix, l'autre par l'épée, ils consacrèrent par leur sang l'Église romaine et l'élevèrent au-dessus de toutes les villes du monde[32]. Mais avant de mourir les deux apôtres dénoncèrent une dernière fois l'anathème contre le peuple juif. C'est à Rome et probablement dans leur prison, que, selon un des plus graves écrivains de l'antiquité ecclésiastique[33], ils annoncèrent que bientôt Dieu ferait marcher contre les Juifs un prince qui triompherait d'eux, raserait leur ville, les contraindrait par la longueur du siège à périr de faim et de soif ; qu'ils mangeraient la chair des uns et des autres ; que, tombés captifs aux mains de leurs ennemis, ils verraient leurs femmes torturées, leurs filles déshonorées, leurs fils arrachés de leurs bras, les petits enfants écrasés contre la pierre ; tout leur pays livré au fer et au feu ; leur race, captive à jamais, expulsée de la Judée, parce qu'ils avaient méconnu le Fils bien-aimé du Seigneur. Il était donc clair que les jours de la vengeance étaient proches et que tout ce qui avait été écrit allait s'accomplir[34]. Il était clair que le vœu homicide prononcé par Israël à la génération précédente allait être satisfait sur la présente génération : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! |
[1] Josèphe, de B., II, 25 (14).
[2] Josèphe, II, 25, 27 (14-15).
[3] Josèphe, de B., II, 28 (16).
[4] Josèphe, de B., II, 29-30 (17).
[5] Josèphe, de B., II, 31 (17, 6). Voir aussi De Vita sua, 5.
[6] Actes apost., XXIII, 2-3.
[7] Josèphe, de B., II, 32 (17, 8, 9). Il doit y avoir erreur ou dans Josèphe ou dans nos calculs. Le 13 août 66 était un mercredi.
[8] Josèphe dit simplement Éléazar, II, 32 (17, 9). Serait-ce Éléazar, fils d'Ananias, dont il a parlé plus haut ? L'ensemble de son récit me parait bien plutôt désigner ici Éléazar, fils de Simon. V. ibid., (17,10), 42 (20, 3).
[9] Josèphe, II, 32 (17, 9).
[10] Deux mille cinq cents périrent à Ascalon, deux mille à Ptolémaïs, un grand nombre à Tyr, à Hippos, à Gadara. Josèphe, de B., II, 33-36 (18). De vita sua, 6.
[11] Josèphe, de B., ibid. Il dit ailleurs huit mille seulement, VII, 34 (8-7).
[12] Voir sur tout cela Josèphe, de Bel., II, 33, 35, 41 (18, 1-5) ; — VII, 8 (5, 4) ; 34 (8, 7).
[13] Josèphe, de B., II, 36 (18, 6-8). Soixante mille Juifs ont péri dans toute l'Égypte, fait-il dire ailleurs à Éléazar, VII, 34 (8, 7).
[14] Suétone, in Vespas., 4.
[15] Josèphe, de B., II, 40 (19, 7-9.). — Tacite, Hist., V, 10.
[16] Josèphe, de B., VI, 54 (6, 2).
[17] Daniel, IX, 26-27. — Luc, XXI, 20. — Matthieu, XXIV, 15. — Marc, XIII, 14. — Qui legit., intelligat, Ibid.
[18] Eusèbe, III, 5. — Épiphane, XXIX, 7.
[19] Marc, XIII, 15-16. — Matthieu, XXIV, 17-18. — Luc, XXI, 21. — Marc, XIII, 14. — Matthieu, XXIV, 16. — Eusèbe, Épiph., ibid.
[20] Et præcidi virgam meam secundam, quæ appellabatur funiculus, ut dissolverem germanitatem inter Judam et Israel. Zacharie, XI, 14.
[21] II Timoth., IV, 6-8, 21.
[22] Jean, XXI, 18-19.
[23] II Petr., I, 14-15.
[24] Chrysost., Adv. oppugnatores
vitæ monast., I, 3. In II Timoth., homil., III, 1 ; X, 2. In Act.,
homil., XLVI, 3.— S. Aster Amasian., in Apost. principes. —
Theophilact., in II Timoth., IV.
[25] Ambros., sermo, 08. — Hégésippe, III, 2.— Saint Athanase dit également que saint Pierre et saint Paul prirent souvent la fuite dans les persécutions, mais qu'ils allèrent courageusement au-devant de la mort, quand ils furent avertis par une lumière supérieure que le moment de leur martyre était arrivé. Apol. pro fuga.
[26] Sur les saints martyrs, Processus et Martinianus, voir Grég. Nazian, homil. 32 ; Surius, 2 juillet, et tous les martyrologes. Prædestinatus sive anonymus, De hæresib. (à Sirmondo editus), c. 86.
[27] Sur cette date voir Bucherius, de Cyclo. anonym. apud Æcumenium. — Paulin., Ép., 16. — Chrysostome, in II Corinth., homel. 26. — Calend. Liberii.
[28]
Leur martyre eut lieu le même jour, selon Denys de Corinthe apud Eusèbe,
Hist., II, 25, et Chron. Epiph., Hær., 27. Hieronym., v. ill., I, 5, 12. Aster
Amas., hom. 8. Bucher., de Cyclo. Prud., de Martyr., 12.
[29] S. Petrus Alex., Canon., 9.—
Eusèbe, Hist., II, 25.— Hieronym., in II Timoth., IV, 16, homil.
10. — Chrysostome, Orat. 30. — Prudent., loco citato. — Gregor.
Magnus, Ép. XII, 9. — Gregor. Nyssus, Beat., 8. — Clem., ad
Cor., I, 5.— Tertullien, de Præscript., 56. — Ambr., in Auxent.
[30]
Lactance, de Mort. persecut., 2. — Greg. Nyss., Beat., 8. — Origène apud
Eusèbe, III, 1. — Eusèbe, Opuscul., IV, 11. — Aster. Amas., Oratio in
Stephan. — Chrysostome, in Genes., hom., 66. — Ambros., in Job,
I, 1. — Théodoret, de Caritate. — Augustin, Sermo 203, 253. —
Tertullien, Scorpiace, 15. — Clem., I ad Cor., 5.
[31] Calendarii veteres apud Schelest,
[32] Prudent., loc. cit.
Saint Clément, pape (Ép., 1, 5), contemporain des apôtres, dit qu'ils ont souffert sous les magistrats de l'empereur. Comme la date de leur mort est incontestablement le 29 juin, il faut la fixer au 29 juin 67, époque où Néron était absent pour son voyage de Grèce et où Rome était gouvernée à sa place par les deux préfets du prétoire, Tigellin et Nymphidius, et par l'affranchi Hélius.
[33] Lactance, Div. Instit., IV, 21.
[34] Quia dies ultionis hi sunt ut impleantur ea quæ scripta sunt. Luc, XXI, 22.