Cependant le progrès même de Juda faisait son péril. Ni le
germe de la révolte n'était étouffé chez les Juifs, ni le germe de la
méfiance chez les païens. Les populations idolâtres au milieu desquelles
vivait la race israélite, portaient envie à sa richesse et à sa puissance,
insolente parfois. Dans les grandes villes de l'Égypte, de la Cyrénaïque, de
la Syrie, entre la communauté juive et le peuple païen, la rivalité était
continuelle, l'insulte fréquente, la lutte parfois ensanglantée. Les
écrivains païens, à partir du temps de Néron, affectent une certaine peur du
progrès de la race et de la secte judaïque. Cette
nation tant de fois réprimée, disent-ils, finira
donc toujours par s'accroître ! Elle s'arroge la liberté de faire des lois !
Elle s'enrichit des aumônes qu'elle prélève sur toutes les âmes faibles et
dépravées ! Nation scélérate qui a tellement propagé ses rites, qu'elle est
reçue maintenant par toute la terre, et, vaincue, donne des lois à ses
vainqueurs ![1] Le pouvoir lui-même, moins passionné que les peuples et moins emphatique que les écrivains, s'inquiétait cependant parfois. Tibère, Claude après lui, alarmés du prosélytisme juif et du bruit que faisaient les Juifs à Rome où il n'y avait pourtant plus d'assemblées populaires, chassèrent de Rome tous les Juifs. Il est vrai qu'ils ne tardèrent pas à y revenir. Claude, nous venons de le dire, arrêta la reconstruction des murs de Jérusalem, de peur que le sanctuaire du judaïsme ne devint une forteresse imprenable. Mais ni cette hostilité inévitable des peuples païens, ni ces terreurs exagérées des écrivains, ni ces méfiances du pouvoir, n'étaient encore bien redoutables. Juda était bien plus à craindre pour lui-même. L'esprit de révolte avait été semé dans son sein ; il y existait, au milieu de la soumission générale, obscur, mais fécond. Au temps d'Auguste, la Judée, après avoir été (an 7 après Jésus-Christ) déclarée province romaine, fut soumise au recensement. Le peuple était paisible, peut-être même satisfait d'être délivré de la tyrannie des Hérodes. Un homme protesta. Judas le Gaulonite proclama qu'à nul il n'appartenait d'exercer le cens, de lever le tribut, de tenir la souveraineté sur Israël ; qu'à Dieu seul était dû le titre de seigneur et de roi. Ce fanatisme d'indépendance politique était nouveau dans Israël, qui avait porté en paix le joug des Chaldéens, celui des Macédoniens, celui de Rome. Judas mena la vie d'aventurier et eut avec lui quelques compagnons, moitié fanatiques, moitié brigands ; moitié martyrs, moitié bandits ; invincibles dans les tourments, et très-redoutables sur les grands chemins. C'étaient des pharisiens démocrates et exaltés, qui souffraient toutes les tortures possibles plutôt que de donner à un homme le nom de maitre, et qui en même temps protestaient sur les routes à coups de poignard de l'imprescriptible liberté du peuple de Dieu. Germe obscur, mais dangereux qui couvait pour l'avenir ; pépinière de ces révolutionnaires mystiques qui devaient finir un jour, sinon par remplir Israël, du moins par le dominer[2]. Néanmoins trente ans et plus se passèrent, le germe déposé demeura toujours dans l'ombre ; il fallut un long temps pour qu'il achevât d'éclore ; il fallut plus que du temps, il fallut le crime du Calvaire, et c'est de cette redoutable cause qu'humainement et divinement, selon la politique et selon la loi de la Providence, il faut faire dater le malheur de la nation juive. A cette époque, en effet, toutes les portions du judaïsme, prêtres et rabbins, temple et synagogue, sadducéens et pharisiens, aristocrates et démocrates, juifs de la Palestine et juifs de la dispersion, s'unirent dans un même crime. Il fut provoqué par les conciliabules des docteurs de la loi (νομίμοι), des scribes (copistes de la loi ?), des pharisiens, les types officiels de la vertu rabbinique : l'école et la synagogue en prirent ainsi leur grande part. De leur côté, le grand prêtre et les chefs du sacerdoce (princes des prêtres), sadducéens pour la plupart[3], le conseillèrent et l'approuvèrent. Caïphe, prophétisant en sa qualité de grand-prêtre, dit qu'il était bon qu'un homme mourût pour tout le peuple, imprimant ainsi la tache du déicide et à la race d'Aaron qui était la sienne, et au sadducéisme qui était sa doctrine, et au sacerdoce dont il était le chef, et au temple dont il était le ministre. De plus, l'arrêt fut rendu par le grand prêtre à la tête du Sanhédrin. Or le Sanhédrin était composé de trois chambres. Dans l'une siégeaient vingt-trois pontifes, les chefs des familles sacerdotales. Dans une autre, celle des docteurs, siégeait un nombre égal de rabbins, présidés par le chef d'école, le nâci. Dans la troisième, les anciens, les chefs de la haute bourgeoisie d'Israël. Le Sanhédrin était ainsi le centre et du sacerdoce et de l'école et de la nation ; les sadducéens y avaient place comme les pharisiens[4]. Et ni pharisiens, ni sadducéens, ni pontifes, ni rabbins, ni chefs du peuple, ne rejetèrent leur part du crime. Le tétrarque Hérode, au nom du judaïsme semi-païen de sa famille, apporta son tribut d'aveuglement et d'insolence. Enfin, pour que nulle portion de Juda ne demeurât innocente, que le peuple ne fût pas plus pur que ses chefs, les ignorants plus que les docteurs, la démocratie plus que l'aristocratie, les Juifs du dehors plus que les Juifs de la Palestine ; ce fut cette multitude, ces deux ou trois millions d'hommes venus pour la Pâque, d'Antioche, de Smyrne, de Rome, d'Alexandrie, de Cyrène, de l'Assyrie, de la Perse, peut-être même de la Chine, qui poussèrent le cri d'anathème : Prenez-le et crucifiez-le. Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! Or une des pensées qui éclate à cette époque parmi ce peuple, est une pensée bien contraire à celle qui domina depuis la nation juive. Ce qui animait la multitude, ce que les chefs du peuple prenaient pour cause ou pour prétexte de leur crime, c'était la fidélité envers Rome, la crainte de ses vengeances, le fanatisme de la soumission. L'aristocratie redouta ou chercha à redouter en Jésus un ennemi de César. Si nous laissons cet homme libre, disait Caïphe dans les comités secrets du sacerdoce, tous croiront en lui ; et les Romains viendront et détruiront notre ville et notre peuple. »Nous l'avons trouvé, disent au pied du tribunal les affidés de Caïphe, soulevant le peuple et empêchant de payer l'impôt à César. Si tu le renvoies, crie-t-on à Pilate, tu n'es pas ami de César. Car quiconque se fait roi est ennemi de César. Nous n'avons de roi que César, crie ce peuple courtisan qui, avant un siècle, brisera les drapeaux de César et soulèvera contre lui une guerre atroce. C'était donc sous prétexte de soumission que l'on agitait le peuple ; c'était par respect pour César que l'on faisait violence à la conscience pusillanime du délégué de César. La courtisanerie devenait séditieuse, la servilité arrivait jusqu'à l'émeute. Par un tel crime, Jérusalem non-seulement méritait sa chute, mais la préparait. Le châtiment, divinement nécessaire selon les lois de la Providence, était, aux yeux même de la politique humaine, singulièrement facilité. Il était clair que le peuple juif, initié aux allures de la sédition, ne s'en tiendrait pas là, et marcherait de plus en plus dans ces voies tumultueuses et violentes qui devaient le perdre. Après s'être révolté pour César, il ne tarderait pas à se révolter contre César. A partir de ce jour en effet, l'attitude du peuple juif devient plus violente. La série des rébellions et la série des malheurs commencent pour lui. A peine le déicide accompli, saint Étienne est lapidé au mépris de la loi juive et au mépris de la police romaine (33). En même temps Saul est envoyé à Damas pour appeler sur les apôtres le glaive des Juifs auxquels la loi romaine interdit de tirer le glaive. Bientôt la colère des Juifs poursuit saint Paul converti, à Damas où il est menacé d'assassinat (38), à Lystres (45), à Philippes, à Thessalonique, à Bérée (52) à Éphèse (57), où ils suscitent contre lui des émeutes, au mépris de la paix romaine. Rome est troublée de ces querelles et Claude expulse les Juifs de Rome (49). Peu après, la présence de saint Paul à Jérusalem y amène des émeutes violentes, des querelles effroyables dans le sacerdoce, des tentatives d'assassinat encouragées par les prêtres et contre lesquelles l'épée romaine protège l'apôtre (58). Saint Jacques le mineur est jeté du haut de la terrasse du temple et achevé à coups de pierres par ordre du grand prêtre, au mépris de la loi romaine et du procurateur romain (62). En poursuivant les apôtres, Juda devient le perturbateur habituel des villes de l'empire ; en s'agitant contre les chrétiens, il s'habitue à s'agiter contre Rome. Son aristocratie l'a jeté dans les voies de l'émeute et il ira malgré elle jusqu'à la révolution. Et rappelons ici la cause plus profonde encore qui faisait sortir Juda de son sang-froid et de sa paix, qui jetait dans les âmes l'inquiétude et l'enthousiasme, l'ambition et le désappointement. La prophétie de Jacob avait été accomplie ; les septante semaines étaient épuisées ; les quatre-vingt-cinq jubilés d'Élie l'étaient probablement aussi ; le quatrième millénaire était fini ; la loi, à compter du temps d'Abraham, avait fait ses deux mille ans. Et le Messie manquait. A mesure que les années s'écoulaient, l'impatience précipitait Juda vers la révolte[5] Voilà pourquoi la différence est si grande entre la Jérusalem d'avant le temps du Sauveur et la Jérusalem des années suivantes. Celle-là est paisible et soumise ; elle se laisse conduire par la prudence cauteleuse de l'aristocratie sacerdotale ; la secte ou plutôt la bande de Judas le Gaulonite est peu nombreuse ; Jérusalem attend le Messie. L'autre au contraire devient d'année en année plus inquiète et plus turbulente ; son aristocratie n'est plus maîtresse ; les sectaires fanatiques se multiplient ; c'est qu'alors Jérusalem cherche le Messie. Elle n'a pas voulu du Fils de Dieu ; elle se donnera au premier escamoteur biblique qui se rencontrera sur son chemin. Elle n'a pas voulu de l'émancipation spirituelle qui lui était offerte ; elle se jette dans les folles espérances d'émancipation politique. Elle proteste religieusement contre l'Église ; elle proteste politiquement contre Rome ; plus elle se sépare de l'une, plus aussi elle se sépare de l'autre. Son Sanhédrin, qui a cru ne la brouiller qu'avec l'Église qu'il déteste, l'a compromise avec Rome qu'il redoutait. Et Juda ne s'agitait pas seulement contre Rome, il s'agitait contre lui-même. Cette rencontre qui avait eu lieu entre les différents éléments du judaïsme pour accomplir le déicide, ne pouvait constituer un accord durable ; comme les alliances qui se font pour le crime, le lendemain du crime elle devait se rompre. Les dissentiments devenaient des ruptures. Il se dessinait peu à peu un parti de l'insurrection contre le parti de la paix, un parti révolutionnaire contre le parti conservateur ; un parti des prophéties contre le parti des indifférents. Pour la paix et pour l'attente paisible de l'avenir, penchaient plutôt les Juifs de la dispersion : vivant plus loin du centre, plus en contact avec les infidèles, ils pouvaient être et plus patients et plus dociles. Dans le même sens, penchaient également les sadducéens et ceux qui inclinaient vers le paganisme, plus résignés à ne pas voir naître ce Messie qu'ils avaient moins désiré, ni se relever cette terre d'Israël pour laquelle leur patriotisme était plus calme. Dans le même sens également, les riches et les puissants de Juda, l'aristocratie sacerdotale, occupée des rites plus que des croyances, de gouverner Israël plus que de le glorifier ; tous ceux-là pouvaient maîtriser leur impatience, et songeaient surtout à ne pas livrer aux Romains par une révolte insensée Israël, Jérusalem et le temple. Vers le parti révolutionnaire et prophétique penchaient au contraire les Juifs de la Palestine plutôt que les Juifs de la dispersion ; les rabbins à l'encontre des prêtres ; le clergé des synagogues, si je puis l'appeler ainsi, en contraste avec le clergé du temple ; les pharisiens, par rivalité pour les sadducéens ; les pauvres et le peuple en haine des grands et des riches. Le rabbinisme pharisien, dominant la Palestine et dominant les classes populaires, avait fait (et je le dis en son honneur) du royaume de Dieu et de l'apparition du Messie le sujet de ses commentaires, la vie de son école, la préoccupation de sa foi. Ainsi Juda se scindait de plus en plus en insouciants et en impatients, en timides et en exaltés. Si hors de la Judée, dans les palais des rois, dans les écoles sadducéennes, on pouvait prendre en patience l'absence du Messie et la domination romaine dans les synagogues, dans les écoles pharisaïques, dans les cabanes de Juda, on ne se consolait pas. C'est là que l'on calculait les semaines de Daniel, que l'on discutait les prophéties, qu'on entassait les interprétations, qu'on ajoutait aux prophéties véritables des traditions mensongères[6] ; c'est là que germaient l'impatience, le désespoir, la révolte[7]. La source du mal ainsi reconnue, déroulons rapidement la série des premières fautes et des premières douleurs d'Israël. Le règne de Caligula fut le début des souffrances du peuple juif ; il lui donna un redoutable avant-goût de ses désastres futurs. J'ai raconté ailleurs cette persécution ; sortant, par suite de sa folle manie d'apothéose, des traditions tolérantes du pouvoir romain, Caligula veut imposer aux Juifs l'adoration de sa propre personne ; il donne à ses sujets païens l'exemple de la persécution (38-40'. Le prince a commencé, les peuples suivent. Les peuples comprennent que les Juifs, par leurs poursuites tumultueuses contre les chrétiens, ont démérité du pouvoir romain même raisonnable ; le prince et les peuples soupçonnent peut-être aussi que les Juifs ont démérité de Dieu par le meurtre du Calvaire. En Judée pourtant où Israël est menacé de la plus grande de toutes les douleurs, celle de voir une idole païenne dans le temple, l'aristocratie sacerdotale, encore puissante, maintient la soumission, empêche le sang de couler ; c'est à force de résignation et de douleur que Jérusalem désarme ses persécuteurs et épargne à son temple le dernier des outrages. Mais, à Alexandrie, la bride est lâchée aux païens ; ils se jettent sur la population juive, brûlent, massacrent, s'acharnent même sur les cadavres, et tous les oratoires du vrai Dieu sont changés en temples païens[8]. Hors même de l'empire, au delà de l'Euphrate, la puissance de ces deux frères juifs, Asinée et Anilée, qui avaient pendant quinze ans tenu à leur gré la Mésopotamie, amène à ce moment une réaction. Asinée étant mort empoisonné par la femme de son frère, Anilée, à son tour, est assassiné par les païens. Les Juifs de Babylone, que jusque-là le renom des deux frères défendait contre la haine invétérée des idolâtres, sont maintenant poursuivis. Séleucie leur sert d'abord de refuge ; mais, au bout de six années, la population grecque se soulève contre eux et en fait périr, dit-on, jusqu'à cinquante mille. Les débris de cette malheureuse race se retirent à Ctésiphon. Bientôt Ctésiphon n'est plus tenable et il faut chercher refuge à Néerda et à Nisibe[9]. Ce moment de crise et de douleur était un avertissement donné au peuple d'Israël. Il l'avertissait de ce qu'étaient et la haine des païens et la colère de Dieu ; il lui prédisait d'autres douleurs qui devaient un jour faire oublier celles-là. Le règne de Claude donna aux Juifs de l'empire quelques années de repos. Le prince était honnête ; les délégués qu'il envoyait en Judée, au moins pendant les premiers temps de son règne, ne furent point oppresseurs. Jérusalem aurait dû respirer. Mais l'inquiète recherche du Messie la tourmentait toujours. Dès avant la mort du Sauveur, quelques chefs d'aventuriers s'étaient donnés pour des inspirés. — Theudas (an 4 avant Jésus-Christ), selon l'expression des Écritures, s'était dit être quelqu'un et avait réuni autour de lui quatre cents hommes. — Judas le Gaulonite, dont nous avons parlé, avait mené après lui une foule plus grande encore[10]. Ils avaient péri cependant, l'épée romaine en avait promptement fait justice ; leur parti s'était dispersé ou se laissait oublier. Mais, après la mort du Sauveur, ces imposteurs se multiplient et exercent une puissance plus sérieuse. — Sous le gouvernement même de Pilate (37), ce ne sont plus les seuls Juifs, ce sont les Samaritains, leurs éternels adversaires, mais disciples de la même loi et entretenus dans les mêmes espérances, qui commencent à prêter l'oreille aux imposteurs. Un faux prophète parait qui leur révèle que des vases d'or ont été enfouis par Moise sur le mont Garizim ; des milliers d'hommes se rassemblent dans un bourg voisin pour aller de là gravir la sainte montagne. Mais la montagne est gardée par les troupes romaines qui taillent en pièces ces malheureux[11]. — Plus tard, sous le règne de Claude (an 45, c'est-à-dire la dernière année de la dernière semaine de Daniel, selon le calcul le plus favorable), apparaît chez les Juifs un prétendu prophète, un magicien, appelé aussi Theudas. Il persuade à une multitude d'hommes de partir avec tout ce qu'ils possèdent et de le suivre jusqu'au Jourdain, qu'il leur fera traverser à pied sec. La cavalerie romaine les poursuit, en tue un grand nombre et leur chef a la tête tranchée. Le fanatisme juif verse là son premier sang. — Bientôt deux tifs de Judas le Gaulonite reparaissent et sont mis en croix (46)[12]. — Peu après, une insulte grossière d'un soldat romain provoque une émeute et l'émeute une répression sanglante (48). Selon Josèphe, qu'il ne faut pas toujours croire en matière de chiffres, plus de dix mille hommes périssent[13]. Depuis ce moment, tout s'assombrit. La pensée révolutionnaire a surgi dans l'âme de ce peuple. Il y a ouvertement un parti de la liberté. En attendant qu'il domine sur la place publique, il se promène sur les grands chemins. La Judée est pleine de libérateurs qui la pillent[14]. A ces signes, avertis qu'Israël se perd, les païens s'agitent autour de lui, comme les oiseaux de proie autour d'un homme qui va mourir. Samaritains et Syriens se jettent sur les terres juives, profanent les synagogues, dénient aux Juifs leur droit de cité, et, repoussés par eux, livrent de véritables batailles. Le procurateur romain Cumanus intervient ; oppresseur et cupide, faisant souvent le brigandage pour son propre compte, payé par les Juifs, payé par les Samaritains, il se décide pourtant contre les Juifs, et lance sur eux ses cohortes, recrutées parmi les païens de la contrée, ennemis naturels des Israélites. Cette fois la révolte est près d'éclater, le mot de liberté est prononcé. Un chef de brigands célèbre, Éléazar, fils de Dinée, sort de ses montagnes et se met à la tête des insurgés qui l'appellent. Les supplications de l'aristocratie, les prières des prêtres qui parcourent Jérusalem, la tête couverte de cendre, la justice de l'empereur qui reconnaît le droit des Juifs et. punit leurs adversaires, apaisent pourtant la révolte (51). Jérusalem gagne à ce délai dix ans de vie, mais non de repos[15]. Sous l'empire de Claude, la paix s'était donc à peu près maintenue. Mais, sous Néron, la guerre couve de toutes parts. Le prince est à la fois cruel et insouciant ; il n'a rien ni de l'honnêteté de Claude ni de la rigidité administrative de Tibère. S'es procurateurs pillent, peu lui importe. Peut-être même à l'égard de la Judée, un calcul politique, la crainte qu'inspiraient la puissance et l'insubordination de la race juive, sert-elle de stimulant et de prétexte à leurs instincts cupides. Le pouvoir romain quitte ses traditions tutélaires ; il semble s'étudier à provoquer une révolte pour en finir d'un coup avec ces Juifs dont il s'inquiète. L'affranchi Félix (52-60), procurateur de Judée, mari de trois reines, gouverne avec le despotisme d'un roi et l'âme d'un valet[16]. Portius Festus (60-62), Albinus (62-64), Gessius Florus (64 ou 65), se succèdent ; tous oppresseurs, à l'exception du premier ; tour à tour recevant de l'or des Juifs, en recevant de leurs ennemis ; réprimant les brigands et entrant en marché avec eux ; punissant les assassins et se servant des assassins ; concourant avec tous ces aventuriers à maintenir dans le pays un état de misère armée qui désespère et exalte les âmes ; n'ayant pas souci de la guerre dont ils vont léguer le fardeau à leurs successeurs, pourvu qu'au bout de leur administration ils reviennent à Rome millionnaires. Aussi la Judée se perd-elle de plus en plus. La secte de Judas le Gaulonite, ce pharisaïsme des grands chemins, obscure pendant soixante ans, reparaît alors sur la scène. Le germe déposé dans l'ombre éclot en nombreux épis. Quand on réprime les brigands dans la campagne, ils rentrent dans la cité et de bandits deviennent sicaires (σικαριοι). Cachant sous leurs vêtements de courtes épées, ils viennent au temple, se mêlent à la foule, frappent leur ennemi, crient eux-mêmes à l'assassin et disparaissent au milieu du tumulte (52)[17]. Bandits et sicaires sont les deux partis politiques, les deux nuances de la révolution, les deux espérances d'Israël. Aux uns et aux autres se joignent encore les faux messies. Des magiciens et des imposteurs se montrent à la multitude, lui persuadant de les suivre au désert, où Dieu lui fera voir de grands prodiges ; politiques plus encore que fanatiques, ne rêvant que signes dans le ciel et révolutions sur la terre ; car ces prodiges que Dieu doit opérer au désert sont des signes de liberté[18]. — Un Égyptien, magicien et faux prophète (55 ou 57), entraîne ainsi jusqu'à trente mille hommes, les conduit au mont des Oliviers, persuadés qu'à leur aspect les murailles de Jérusalem tomberont et qu'ils pourront y entrer pour renverser la puissance romaine. Les soldats romains les attaquent ; quatre cents d'entre eux sont tués. Le magicien disparaît sans qu'on l'ait jamais revu ; ses adhérents dispersés vont grossir le nombre des bandits, et plus que jamais le cri de liberté, sanctionné par les faux prophètes, retentit dans toutes les cavernes de Juda[19]. Il faut bien le comprendre : ce qui se préparait, ce n'était pas seulement une révolte, c'était une guerre civile. Ce n'était pas seulement une guerre d'Israël contre Rome, c'était une guerre d'Israël contre lui-même. J'ai fait voir quelles oppositions existaient en Israël, et principalement, en Israël comme partout, l'opposition éternelle de l'aristocratie et de la démocratie, de la richesse et de la pauvreté. Les rabbins, et surtout leurs disciples pauvres, que leur pauvreté rendait parfaitement libres de rêver toutes les révolutions et toutes les émancipations possibles, étaient moins les ennemis de Rome que les ennemis de cette aristocratie des riches, des prêtres, des sadducéens, qui tenait pour la tradition de résignation et de patience ; ils étaient révolutionnaires (νεωτερίσται), plus que dévots, plus épris de convoitise pour la maison des riches que de zèle pour la maison de Dieu ; ils faisaient par leurs brigandages la guerre aux Romains, mais surtout aux Juifs amis des Romains. Ils dévastaient leurs biens, ils pillaient leurs maisons, ils brûlaient leurs villages, ils punissaient par le meurtre l'obéissance à Rome. Ils proclamaient (que de fois n'avons-nous pas nous-mêmes entendu un pareil langage !) que, la liberté étant pour tout le monde, il fallait l'imposer, même de force et sous peine de mort, à ceux qui ne la voulaient pas. Le parti de la liberté sera donc toujours le plus despotique de tous les partis ![20] Ceci nous explique du reste pourquoi au milieu de ces perturbations, le temple et les rites solennels du mosaïsme furent respectés des Romains plus même que des Juifs. La religion du temple était antirévolutionnaire, aussi Rome ménageait-elle le temple. Le profaner, outrager la loi, insulter directement la tradition mosaïque, c'eût été provoquer d'une manière par trop ouverte, non seulement les novateurs, les mystiques, les rabbins devenus prophètes, mais les plus calmes et les-plus patients d'entre les Juifs, les chefs de la bourgeoisie et du sacerdoce, la masse entière de la nation. Israël eût été en droit d'imiter alors, non la soumission de Jérémie, mais la résistance des Macchabées. Les habitudes romaines de tolérance religieuse persistaient donc, même sous les plus mauvais procurateurs. Au milieu de leurs excès, ni la loi ni le temple n'étaient attaqués. Des victimes étaient toujours amenées aux prêtres au nom de l'empereur. Nulle image idolâtrique ne souillait Jérusalem. La tutelle du temple, c'est-à-dire son administration temporelle, était remise au Juif Agrippa[21] ; le choix du grand prêtre lui était également laissé. La garde de l'habit pontifical, autrefois usurpée par les Hérodes, demeurait au grand-prêtre. Même le procurateur Ventidius Cumanus, qui avait donné les premiers exemples d'oppression, avait puni de mort un soldat romain coupable d'avoir déchiré la loi de Moise. César, respectant la conscience juive jusque dans ses scrupules, venait de faire abattre une galerie du haut de laquelle le roi Agrippa pouvait jeter un regard indiscret sur les cours intérieures du temple. Sauf une ou deux tentatives des procurateurs pour toucher au trésor sacré, tout ce qui tenait au sanctuaire était sauf. Rome avait pu se départir de sa justice envers le peuple, mais non de son respect envers le Dieu. Au contraire, puisque le temple était antirévolutionnaire, qu'il était le foyer du parti de la paix, le centre de l'esprit conservateur, les révolutionnaires, sans dépouiller le respect du temple et de la loi, étaient portés à les ménager moins. Ils avaient en dehors du temple leurs docteurs, leurs inspirés, leurs prophéties, et, pour ainsi dire, une religion toute entière. Aussi (et pour des disciples de Moïse le symptôme était redoutable) c'étaient plutôt des Juifs qui se chargeaient de profaner le temple de Dieu respecté par les Romains. Le sacerdoce était divisé contre lui-même ; par une politique fatale, les Hérodes et après eux les Césars avaient craint de laisser le pontificat se perpétuer dans les mêmes mains. Presque tous les ans, ils dépouillaient le grand prêtre de l'éphod pour le donner à un autre. Il y avait ainsi dix, quinze, vingt grands prêtres en souvenir ou en expectative, remplissant Jérusalem de leurs regrets ou de leur ambition, sadducéens ou pharisiens, aristocrates ou démocrates, conservateurs ou révolutionnaires, en lutte fréquente et dont les luttes allaient jusqu'à la violence et jusqu'aux armes. Les parvis furent rougis du sang des prêtres. Un autre genre d'anarchie troublait le temple. Le gardien légal de l'édifice sacré était, comme je viens de le dire, le roi de Chalcide Agrippa, de la race d'Hérode. Juif savant, mais d'une orthodoxie suspecte et qui dépensait l'argent de ses sujets israélites à faire aux villes païennes des cadeaux de statues, de temples et de gladiateurs, Agrippa jugeait pourtant de sa gloire de réformer le sanctuaire et il bouleversait à son gré les rites mosaïques. Or il avait été dit à Israël : Si tu ne veux pas écouter la voix du Seigneur ton Dieu, et observer les ordres et les cérémonies que je te prescris aujourd'hui, toutes les malédictions viendront sur toi et te saisiront[22]. On en était venu là (62) sous l'avant-dernier procurateur Albinus et sous l'avant-dernier grand prêtre Jésus, fils de Gamala, lorsque la restauration ou la reconstruction du temple commencée par Hérode le Grand s'acheva après plus de soixante ans de labeur. C'était ce temple qu'Esdras avait relevé de ses ruines, dont le prophète Aggée, dans ses élans inspirés, avait annoncé la gloire, dont les apôtres du Christ trente ans auparavant admiraient l'inébranlable structure. Son achèvement aurait dû être pour Jérusalem l'occasion d'une joie solennelle. Mais, ni pour ce sacerdoce armé contre lui-même, ni pour ces docteurs égarés à la recherche de leur Messie, ni pour ce peuple désespéré de l'attendre, ni pour ce pays dévoré par le brigandage et la tyrannie, n'étaient faites les joies d'Israël autour du tabernacle, celles de Salomon à l'aspect du premier temple, celles des exilés en revoyant le temple nouveau. Comme dans les pays dominés par les partis révolutionnaires, tout était triste dans le présent, sinistre dans l'avenir. Les révolutionnaires de tout genre sont peu riants, encore moins des révolutionnaires juifs et soi-disant inspirés. Ces hommes me représentent les Niveleurs et les Indépendants du temps de Cromwell, cruels pour autrui, tristes pour eux-mêmes, apprenant dans leur Bible à assombrir leur propre vie et à éteindre sans pitié celle d'autrui. Ce fanatisme biblique a dû être le même aux deux époques. Israël vit donc sans joie poser la dernière pierre de son temple. Dévoué à la destruction par la prophétie de Moïse comme par celle du Christ, profané avant d'être fini, le temple était souillé de sang, dit Josèphe ; il fallait qu'il fût purifié par le feu[23]. De plus, l'achèvement du temple laissait à Jérusalem un embarras, secondaire en apparence, mais qui cependant est un des avant-coureurs les plus fidèles des révolutions. Il laissait dix-huit mille ouvriers inoccupés. Agrippa, qui n'osait les renvoyer, les employa pendant quelque temps à paver toute la ville de pierres blanches[24]. Qu'en fit-il ensuite ? Nous ne le savons pas ; mais le moment où ils furent libres dut toucher à celui qui commença la guerre, et la révolte put s'emparer d'eux en les armant. Je ne remarquerais pas cette circonstance si l'expérience de notre siècle ne nous en eût appris la valeur. Les travaux développés avec excès et suspendus tout à coup par les craintes politiques ont donné en 1789, en 1830, en 1848, des milliers de bras à nos émeutes. Le terme approchait donc, le mal enfanté par le mal grandissait sans relâche. Dans les dernières années de Néron, le procurateur Albinus, partant pour Rome, fait ses adieux à la Judée en ouvrant les prisons et en lui rendant une foule de bandits (64). Les brigands marchent alors par bandes de trois ou quatre mille ; un fils de Judas le Gaulonite, frère de ceux qui ont été crucifiés, Manahem, est à leur tête. Cette famille, qui la première avait semé le fanatisme politique, devait en recueillir la dernière et abondante moisson. Ces mystiques du judaïsme restauré font la guerre au patrimoine des Juifs suspects avant de la faire à la puissance de César. Et, pour y aider, le procurateur Gessius, dénoncé à Néron pour ses déprédations, juge que le bruit de ces accusations ne se perdra que dans le bruit d'une guerre, qu'une révolte seule peut le sauver ; par ses violences il pousse de son mieux à la révolte. Stimulée par les uns, provoquée par les autres, la Judée, folle de souffrances et ivre de prophéties, se précipite de plus en plus dans la sédition. Ce qui garde encore quelque bon sens, quelque richesse, quelque ascendant, est au désespoir. A chaque crise populaire, le sacerdoce et les chefs du peuple vont, vêtus d'un sac, la cendre sur la tête, supplier le procurateur de s'adoucir, supplier le peuple de se modérer. Ils se sentent entraînés dans une révolution, écrasés, quoi qu'ils fassent, ou par les révoltés ou par les Romains. Cette aristocratie sacerdotale, la première coupable du crime du Calvaire, menacée maintenant par les partis populaires qui avaient été ses complices, se souvint-elle alors de ce forfait dont il y avait encore tant de témoins ? de cette prédication chrétienne qui avait tant de fois fatigué ses oreilles ? de ces apôtres dont elle avait versé le sang ? Il est permis d'en douter, tant l'homme est habile à oublier ce qui l'accuse. Ce qui est certain, c'est que la politique de leurs pères avait porté de tous autres fruits que ceux qu'elle avait souhaités. Ils avaient semé le fanatisme de la soumission et ils recueillaient le fanatisme de la révolte. Ils avaient versé le sang du Sauveur par crainte de Rome et de peur que les Romains ne vinssent détruire la ville et le peuple ; et voilà qu'à cause de ce sang versé Rome, vengeresse involontaire du Sauveur, allait venir détruire le peuple et la ville. Leur excès ou leur affectation de prudence politique avait été la plus fatale des imprudences. Voilà où était entraînée cette race juive qui, quarante ans auparavant, sous la tutelle romaine et dans la pieuse attente du Messie, était paisible, prospère, libre dans sa personne et surtout dans sa foi ! Cependant elle n'était pas perdue sans ressources. La main qui pouvait la sauver lui était encore tendue. Il avait été dit que la rédemption divine serait offerte aux Juifs d'abord, offerte à plusieurs reprises, offerte avec longanimité et avec patience. Notre-Seigneur était venu au milieu des Juifs ; il avait vécu parmi eux ; il n'avait eu de disciples que de leur nombre ; il n'avait pas abordé les païens. Il était venu sauver les brebis perdues du troupeau d'Israël. Ses apôtres, à son exemple, avaient prêché avant tout à Jérusalem et en Judée. C'était dans le temple, dans la galerie de Salomon, qu'ils s'étaient longtemps réunis eux et leurs disciples. Hors de la Palestine, c'est encore aux Juifs seuls qu'ils s'étaient d'abord adressés. C'était toujours dans la synagogue juive que leur prédication avait commencé. Saint Paul lui-même, l'apôtre des nations, n'avait pas agi autrement. Aux Juifs d'abord, dit-il, aux Grecs ensuite[25]. Un sentiment de tendre commisération régnait dans l'Église chrétienne en faveur de la synagogue. « Vous êtes, disait saint Pierre aux Juifs, les fils des prophètes et les enfants de l'alliance que Dieu a faite avec vos pères. C'est à vous les premiers que Dieu a envoyé son Fils unique. » Paul, que les Juifs haïssaient plus que les autres, se tourne vers eux, plus que les autres plein d'amertume et de douleur. Je dis la vérité dans le Christ et je ne mens pas, selon le témoignage que me rend ma conscience dans l'Esprit-Saint ; ma tristesse est grande et la douleur de mon cœur est continuelle. Je voudrais être moi-même anathème devant le Christ à la place de ceux qui sont mes frères dans la chair... La volonté de mon cœur et ma prière vers Dieu est tout entière pour leur salut... Que ne puis-je provoquer à m'imiter ceux qui sont ma chair et sauver quelques-uns d'entre eux ! Et il ne veut pas en perdre l'espérance : Si quelques-uns des Juifs ont cru au Sauveur, pourquoi tous ne croiraient-ils pas ? Si ces quelques grains prélevés sur la masse étaient bons, pourquoi la masse ne le serait-elle pas ? Puisque la racine était bonne, pourquoi les rameaux ne le seraient-ils point ?... Car je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez ce mystère..., que l'aveuglement est tombé sur une partie d'Israël pour que la plénitude des nations entrât dans l'Église, mais qu'ensuite Israël tout entier fût sauvé... A cause de l'Évangile, ils sont vos ennemis ; mais à cause de l'élection que Dieu a faite de leurs pères, ils doivent vous être très-chers[26]... Et saint Paul, confirmant ses paroles par ses actions, garde pour lui-même, comme un lien avec sa race, les pratiques judaïques dont il a fait affranchir les Gentils. Vers la fin de sa vie, lorsque l'heure de ses souffrances approche, il fait un vœu selon la loi de Moïse et va tout exprès, au temple de Jérusalem, témoigner de l'accomplissement de ce vœu. Si de telles invitations eussent été entendues, sans doute les procurateurs ne fussent pas pour cela immédiatement devenus des magistrat intègres et désintéressés ; les bandits et les sicaires ne fussent pas immédiatement rentrés dans l'ordre ; mais l'inquiétude dominante d'Israël eût cessé. Sûr d'avoir trouvé son Messie et ne le cherchant plus désormais, il eût cessé d'encourager les prophètes révolutionnaires. Le peuple juif aurait souffert, avec une patience égale à celle qu'il avait montrée sous Caligula, une tyrannie qui du moins ne s'attaquait pas comme celle de Caligula à sa loi et à ses autels. Il aurait souffert peut-être pendant la courte administration d'un ou deux procurateurs ; mais le premier magistrat à demi honnête lui eût rendu la paix. Israël n'eût pas alarmé la méfiance romaine ni converti un accès momentané de tyrannie administrative en une guerre politique et une guerre d'extermination contre des rebelles. La synagogue, s'associant à l'Église, lui eût peut-être donné quelque chose de sa propre liberté vis-à-vis du pouvoir ; elle eût pris certainement quelque chose de la sagesse et de la longanimité de l'Église. La race juive fût demeuré libre, la Judée paisible, Jérusalem debout. Le temple où le Sauveur avait prié, où les apôtres avaient longtemps réuni leurs disciples, auquel saint Paul lui-même venait de rendre un dernier hommage, le temple fût resté, pour un temps du moins, un lieu de prière et un sanctuaire national pour les juifs devenus chrétiens. Mais l'obstination de la race judaïque ne permit pas qu'il en fût ainsi. A chaque invitation chrétienne une persécution judaïque avait répondu ; à la première prédication de saint Pierre, la flagellation ordonnée par la synagogue ; au prosélytisme des apôtres, le sang de saint Étienne ; à la présence des Chrétiens dans le temple, la violence qui les en chassa et les dépouilla ; à la parole des apôtres dans les synagogues, la force qui les jeta hors des synagogues ; à leur prédication sur la place publique, les tempêtes excitées par les Juifs sur la place publique ; à l'apparition de saint Paul dans le temple pour y acquitter son vœu, l'homicide presque consommé sur sa personne ; aux paroles de paix, les dénonciations ; au langage de la charité fraternelle, les supplices. Les paroles de saint Paul, que nous venons de citer, sont, après trente années de gémissements et de supplications, le dernier cri de la poule qui veut réunir ses poussins sous son aile. Aussi l'avertissement et la prière amicale vont-ils se changer en anathème. Saint Paul, repoussé et injurié par les Juifs, a déjà été réduit à secouer ses vêtements et à prononcer ces terribles paroles : C'est à vous qu'il fallait d'abord annoncer la parole de Dieu ; mais, puisque vous la repoussez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle... que votre sang soit sur votre tête ; j'en suis pur ; je vais aux Gentils[27]... Après lui, saint Jacques, évêque de Jérusalem, écrivant aux fidèles des douze tribus dispersés dans le monde, a prononcé l'anathème contre cette aristocratie pharisaïque ou sacerdotale, contre ces riches de Jérusalem, qui ont fait périr le Sauveur, qui oppriment les saints et les livrent aux jugements, qui ont blasphémé le nom de salut, lequel a été prononcé sur les fidèles. Allez maintenant, riches, pleurez et hurlez dans les calamités qui vont tomber sur vous. Vos richesses se sont pourries, vos vêtements ont été dévorés. Votre or et votre argent se sont rouillés, et leur rouille sera un témoignage contre vous, et elle dévorera vos chairs comme le feu. Vous vous êtes thésaurisé la colère pour les derniers jours... Vous avez jugé le juste et vous l'avez mis à mort et il ne vous a point résisté. Et vous, soyez patients, mes frères, jusqu'à l'arrivée du Seigneur[28]. Les Chrétiens comprirent alors que se réalisaient les terribles symboles employés par les prophètes. Israël avait aveuglé ses yeux, fermé ses oreilles, épaissi son cœur[29]. Le vigneron divin s'était épuisé autour de sa vigne ingrate et n'en avait obtenu qu'un fruit amer. Il avait convoqué Israël, et Israël ne s'était pas réuni. Il avait appelé et personne n'était venu[30]. Le juge allait prononcer maintenant entre le vigneron et sa vigne, entre le laboureur et l'arbre stérile, entre l'époux outragé et l'épouse infidèle, entre le père et ses enfants ingrats[31]. La cognée était au pied de l'arbre ; le libelle de répudiation était écrit ; le créancier était prêt à recevoir les enfants vendus comme esclaves par leur père ; l'alliance méconnue allait être brisée comme la verge du prophète[32]. Ils ont tué, dit saint Paul, le Seigneur Jésus et ses prophètes ; ils nous ont persécutés ; ils déplaisent à Dieu et ils sont ennemis de tous les hommes ; ils nous empêchent de parler aux nations de peur que les nations ne soient sauvées ; ils veulent combler la mesure de leurs péchés. Car la colère de Dieu contre eux est arrivée à son terme[33]... Encore un peu de temps, celui qui doit venir viendra et ne tardera pas[34]. Des avertissements d'une autre nature, inutiles pour les chrétiens, plus sensibles pour les juifs qui n'avaient plus d'autres yeux et d'autres oreilles que ceux de la chair, sont rapportés, non par des écrivains ecclésiastiques, mais par le juif Josèphe et le païen Tacite. Selon le premier, au temps du procurateur Albinus, un paysan, Jésus, fils d'Ananus, venu à Jérusalem pour la fête des Tabernacles (septembre 62), fut inspiré de crier dans le langage des prophètes : Voix du côté de l'Orient ! voix du côté de l'Occident ! voix du côté des quatre vents ! voix contre les nouveaux époux et les nouvelles épouses ! voix contre le peuple ! Il parcourait les rues répétant jour et nuit les mêmes paroles. Les chefs du peuple le firent arrêter, on l'interrogea ; il ne répondit pas. On le fouetta de verges ; il continua de prononcer les mêmes anathèmes. On le mena au gouverneur, qui le fit flageller jusqu'à ce qu'il fût, comme le Sauveur, couvert de sang ; il ne se trahit ni par une larme, ni par une prière, et redit toujours : Malheur ! malheur sur Jérusalem ! Albinus le renvoya comme fou. Depuis ce temps jusqu'à celui du siège de Jérusalem, il ne cessa de parcourir la ville, ne parlant à personne, frappé chaque jour et ne se plaignant pas de ceux qui le frappaient, nourri par pitié et ne remerciant pas ceux qui le nourrissaient, répondant à tout par le même cri de douleur ; sans cesse le répétant, plus encore aux jours de fêtes, lorsque Jérusalem se remplissait de pèlerins ; redisant, sans que jamais sa voix s'enrouât ou s'affaiblit, cet anathème que l'autre Jésus avait déjà prononcé : Malheur sur la ville ! malheur sur le peuple ! malheur sur le temple ![35] Peu après, apparurent encore d'autres signes que Josèphe et Tacite nous rapportent tous deux, le premier d'après des témoins oculaires vivants au moment où il écrit. Une comète, qui avait la forme d'une épée suspendue au-dessus de la ville, se montra, dit-on, pendant une année entière. A l'époque où le peuple était rassemblé au temps des azymes, à la neuvième heure de la nuit (8 Xanth., 65, 19 mars)[36] une lumière soudaine, égale à celle du jour, éclaira pendant une demi-heure le temple et l'autel. Une autre fois, à minuit, la porte du sanctuaire qui regardait l'Orient, porte de bronze et que vingt hommes avaient peine à mouvoir, s'ouvrit d'elle-même ; on ne la referma qu'avec peine. Quelques jours après la fête (20e d'Artémisius, 29 avril), avant le lever du soleil, on vit dans toute l'étendue du ciel rouler des chars, des armées s'entrechoquer ; on vit tracer des circonvallations autour d'une ville assiégée, reluire les épées et les cuirasses ; on crut entendre le bruit des armes. Et enfin, à la Pentecôte, les prêtres entrés dans le temple pour y accomplir les sacrifices de la nuit, entendirent un bruit de pas comme celui d'une multitude qui s'éloigne, et des voix qui répétaient : Sortons d'ici[37]. En effet, les anges de Dieu avaient quitté le sanctuaire ; l'esprit du Seigneur, l'esprit de Moïse, l'esprit de résignation et de sagesse, abandonnait la synagogue. La meilleure preuve, c'est que ces présages, ces combats dans les airs, ces adieux des anges, étaient interprétés comme des augures d'émancipation et de gloire[38]. Ce n'était donc plus cette nation si soumise sous Auguste, servile jusqu'au déicide sous Pilate, si patiente sous Caligula. Sous ce dernier prince, qui menaçait dans sa démence l'inviolabilité du sanctuaire, Juda n'avait pas pris les armes et avait vaincu par sa seule résignation. Aujourd'hui, ni le temple ni la loi n'étaient atteints ; il n'y avait pas lieu à une insurrection religieuse, la seule dont ses traditions glorifiassent l'exemple. Si Juda se révoltait, c'était fanatisme d'indépendance et d'ambition. Or cette ambition de peuple conquérant ne se justifiait que par une interprétation inadmissible des prophéties, et, quant à son indépendance nationale, il n'en avait, je l'ai dit, ni appris le culte ni reçu la tradition. Disons mieux : les idées d'indépendance et de domination nationale pouvaient être depuis des siècles dans sa pensée, mais autrefois il les ajournait au temps du Messie. Maintenant que le temps du Messie se passait, Juda désespéré, plutôt que d'abandonner pour jamais ses rêves ambitieux, les ressaisissait avec rage, et, à tout hasard, voulait tenter de les accomplir[39]. |
[1] ...ὅσοι τὰ νόμιμα αὐτῶν, καίπερ ἀλλοεθνεῖς ὄντες, ζηλοῦσι. καὶ ἔστι καὶ παρὰ τοῖς Ῥωμαίοις τὸ γένος τοῦτο, κολουσθὲν μὲν πολλάκις, αὐξηθὲν δὲ ἐπὶ πλεῖστον, ὥστε καὶ ἐς παρρησίαν τῆς νομίσεως ἐκνικῆσαι. Dion, XXXVII, p. 37 B., éd. Leunclavii. — Nam pessimus quisque, spretis religionibus patriis, tributa et stipes iliuc congerebant. Unde auctæ Judæorum res. Tacite, Hist., V, 5. — Eo usque sceleratissimæ gentis consuetudo convaluit, ut per omnem terrant recepta sit, et victi victoribus leges dederint. Sénèque apud S. Augustin, de Civit. Dei, VI, II.
[2] Josèphe, Ant., XVIII, 1 (1, 6) ; De Bello, II, 12 (8, 1), 52 (17, 8) ; Actes, V, 37. On voit, par l'interrogation qu'adressent à Notre-Seigneur les Pharisiens et les Hérodiens au sujet du cens à payer à César, qu'une certaine popularité s'attachait à l'idée qui faisait du refus de l'impôt un devoir religieux. Matthieu, XXII, 15-21 ; Marc, XII, 13-17.
[3] Actes, V, 17 ; XXIII, 69. Josèphe, Antiq., XX, 8 (9, 1), qui nous montrent, à trois époques peu éloignées les unes des autres, la puissance des Sadducéens dans le sacerdoce.
[4] Actes, XXIII, 69.
[5] D'après le rabbin Ménassé (au dix-septième siècle), les anciens Juifs et ceux surtout qui prirent les armes contre les Romains attendaient la venue du Messie et espéraient de lui leur délivrance. De vitæ termino, apud Basnage, Hist. des Juifs, VI, 23.
[6] Voir quelques exemples de ces interprétations ou de ces prophéties dans Josèphe, IV, 22 (6, 3). VI, 7 (2, 1), 30 (5, 2), 31 (5, 4).
[7] Les puissants traitaient mal le peuple. le peuple médita la perte des puissants. Ceux-là étaient agités de l'esprit de domination, ceux-ci de l'esprit de violence et de pillage. Josèphe, de Bel., VII, 30 (8, 1).
[8] Josèphe, Ant., XVIII, 8 (6, 11), 10, Il (8). — De Bello, II, 16, 17 (9 et 10). — Philon, in Flaccum, de Legatione. — Dion Cassius, LIX, p. 660.
[9] Josèphe, Ant., XVIII, 12 (9, 5.9).
[10] Theudas ou Judas, fils d'Ézéchias, chef de voleurs. Actes, V, 36. — Josèphe, De Bel., II, 6 (4, 1).
[11] Josèphe, Antiq., XVIII, 5 (4, 2). Selon une chronique samaritaine manuscrite, citée par Reland (De numinis Samaritanis, diss. II), les vases sacrés du temple auraient été, après la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, cachés par le grand prêtre Osias. Il faudrait peut-être lire dans Josèphe Ώζέως au lieu de Μωϋσέως.
[12] Josèphe, Antiq., XX, 3 (5).
[13] Josèphe, De Bello, II, 20 (12, 1). Ailleurs il dit 20.000, Antiq., XX, 4 (5, 3).
[14] Antiq., XX, 4 (5, 4). De Bello, II, 20 (12, 9).
[15] Josèphe, Antiq., XX, 6 (8, 5). — De Bel., II, 21 (12, 3). — Tacite, Annal., XII, 54.
[16] Jus regium servili ingenio exercuit. (Tacite, Hist., V, 9.) — Voir, sur Félix, Tacite, ibid. — Josèphe, Antiq., XX, 5 (7, 2). — Suétone, in Claud., 28.
[17] Josèphe, De Bello, II, 23 (13, 3). — Antiq., XX, 7 (8, 10).
[18] Antiq., XX, 6 (8, 6). — De Bello, II, 23 (13, 14).
[19] Actes Apost., XXI, 38. — Josèphe, loco citat. — Sur cette union des bandits avec les adeptes des faux messies. Οἱ γὰρ γόητες καὶ λῃστρικοὶ συναχθέντες πολλοὺς εἰς ἀπόστασιν ἐνῆγον... Πάλιν δ' οἱ λῃσταὶ τὸν δῆμον εἰς τὸν πρὸς Ῥωμαίους πόλεμον ἠρέθιζον μηδὲν ὑπακούειν αὐτοῖς λέγοντες. Ibid. — Un peu plus tard, sous le procurateur Festus (60), un fait pareil. Antiq., XX, 7 (8-10).
[20] Josèphe avait entendu les révolutionnaires modernes : καὶ πρὸς βίαν ἀφαιρήσεσθαι λέγοντες τοὺς ἑκουσίως δουλεύειν προαιρουμένους. De Bel., II, 23 (13, 4). Voir aussi Antiq., XX, 6 (8, 6). — Sur tout ce qui précède, Antiq., XX, 8, 9 (9). — De B., II, 24 (4, 5). — De Vita sua, 14 (1, 3).
[21] Avant lui elle avait été confiée à son oncle Hérode, roi de Chalcide (an 45). Josèphe, Antiq., XX, 1 (1, 3). — Sur l'habit pontifical, voy. Ant., XVIII, 8 (6, 5, 4) ; XX, 1, 2. Sur Cumanus, Ant., XX, 4 (5, 4) ; de B., XX (12, 2). Sur la galerie d'Agrippa, Ant., XX, 7 (8, 11).
[22] Deutéronome, XXVIII, 15. — Lévitique, VIII, 35. — Josèphe, de B., VI, 5 (3). — Sur le semi-paganisme d'Agrippa, Antiq., XX, 7 (8, 11), 8 (9). Sa science judaïque est attestée par S. Paul (Actes, XXVI, 3) et par les rabbins.
[23] De Bello, VI, 8 (2, 1).
[24] Antiq., XX, 7, 8 (9-7).
[25] Saint Paul à Athènes (an 52), Actes, XVII, 16, 17. — A Corinthe (52), XVIII, 5, 7. — A Éphèse (54). — Nemini loquentes verbum, nisi solis Judæis. Actes, XI, 19. — Vobis oportebat primum loqui verbum Dei. Actes, XIII, 46, dit saint Paul à Antioche (an 45). — Judæo primum et Græco. — A Rome (an 59), saint Paul fait d'abord venir les principaux Juifs dans sa prison. Actes, XXVIII, 17.
[26] Rom., IX, 1-5. — X, 1. — XI, 14, 16, 26, 28.
[27] Actes, XVIII, 6-7. — XIX, 9. — XIX, 8-10. — XXVIII, 25-28.
[28] Jacques, II, 6-7. — V, 1-6. — Cette épître est de l'an 60 de Jésus-Christ environ.
[29] Isaïe, VI, 9. — Ps., LXVIII, 23. — Cité par saint Paul, Rom., XI, 8-10. — Actes, XXVIII, 25-27.
[30] In vacuum laboravi, sine causa, et vane fortitudinem meam consumpsi... Et nunc, dicit Dominus, formans me ex utero servum sibi, ut reducam Jacob ad eum, et Israel non congregabitur. Isaïe, XLIX, 1-5. — Quia veni : et non erat vir : vocavi, et non erat qui audiret. Ibid., L, 1-3. — Voir encore : L, 10. — LIII, 1. — LIX, 16. — LXVI, 4. — Et expectavi ut faceret uvas, et fecit labruscas. Ibid., V, 2. — Ego autem plantavi te vineam electam, omne semeu verum : quomodo ergo conversa es mihi in pravum, vines aliena ? Jérémie, II, 21. — Voir Matthieu, XXI, 33.
[31] Nunc ergo, habitatores Jerusalem, et viri Juda, judicate inter me et vineam meam. Isaïe, V, 3. — Ergo judicium meum cum Domino, et opus meum cum Deo meo. Id., XLIX, 4.
[32] Hæc dicit Dominus : quis est hic liber repudii matris vestræ, quo dimisi eam ? Aut quis est creditor meus, cui vendidi vos ? Isaïe, L, 1. — Et tuli virgam meam,... et abscidi eam, ut irritum facerem fœdus meum. Zachar., II, 10.
[33] Qui et Dominum occiderunt Jesum, et Prophetas, et nos persecuti sunt, et Deo non placent, et omnibus hommibus adversantur : prohibentes nos Gentibus loqui ut salvæ fiant, ut impleant peccata sua semper : pervenit enim ira Dei super illos usque in finem. I Thessalon., II, 15, 16.
[34] Hebr., X, 37.
[35] Josèphe, VI, 31 (5,3) — Væ autem prægnantibus, et nutrientibus in illis diebus. Luc, XXI, 25. — Beatæ steriles, et ventres qui non genuerunt, et ubera quæ non lactaverunt. Ibid., XXIII, 29. — Filiæ Jerusalem, nolite flere super me, sed super vos ipsas fiete, et super filios vestros. Ibid., 28.
[36] Voyez, à la fin du volume, l'appendice sur le calendrier de Josèphe.
[37] Josèphe, De Bel., VI, 31 (5, 3). — Tacite, Hist., V, 16. — Les portes du temple s'ouvrirent d'elles-mêmes, si bien que Jochanam (Jean), fils de Zaccaï, les réprimanda en disant : Arrêtez-vous ! et il ajouta : Temple ! Temple ! pourquoi te détruis-tu toi-même, car je sais que tu dois finir par l'embrasement, ainsi qu'a prophétisé Zacharie (XI) : Liban, ouvre tes portes et que le feu dévore tes cèdres. Talmuds de Jérusalem et de Babylone, dans Galatin, De Arcan. cathol. verit., IV, 8, p. 209. Dialogue de Pierre Alphonse et du juif Moïse : Le temple intérieur fit entendre ce cri : Sortez d'ici ! Mas perachim pers., 4. Jost, VI, n. 44. Faut-il identifier ces prodiges avec, ceux dont parle Josèphe ou les placer selon l'indication toujours un peu vague des rabbins, quarante ans avant la destruction du temple ?
[38] Josèphe, et Tacite, loco citato.
[39] Un homme a allumé une lumière pendant la nuit : elle s'est éteinte ; il l'a rallumée : elle s'est éteinte encore. Il dit alors : Pourquoi me fatiguerai-je ainsi ? Attendons le jour. Il en est de même des Israélites. Quand ils étaient esclaves en Égypte, Moïse et Aaron les ont sauvés ; mais ils sont retombés dans la servitude. Captifs à Babylone, ils ont été délivrés par Ananias, Mizraël et Azarias ; mais ils sont retombés sous le joug des Perses. De ceux-ci Mathathias l'Asmonéen les a sauvés ; mais depuis les Romains sont venus. Aussi disent-ils maintenant : Voilà que nous nous lassons d'être rachetés pour toujours retomber en servitude. Nous ne voulons plus être éclairés sur la terre par un homme. Nous voulons que Dieu nous éclaire. Car il est écrit (Ps. CXVIII, 27) : Que Dieu Jehova nous éclaire ! — Midrasch Thephillim, sur le Psaume 36.