ROME ET LA JUDÉE

AU TEMPS DE LA CHUTE DE NÉRON (ANS 66-72 APRÈS JÉSUS-CHRIST)

PREMIÈRE PARTIE. — LES PROPHÉTIES ET LEUR PREMIER ACCOMPLISSEMENT

CHAPITRE PREMIER. — LES PROPHÉTIES.

 

 

J'ai écrit l'histoire de l'Empire romain jusqu'à la mort de Néron. Mais, après cette mort, s'ouvre une épique qui mérite d'être traitée à part, et, bien qu'elle remplisse à peine trois années, exige quelques développements. Cette époque a cela de particulier, qu'elle n'a pas seulement appelé l'attention des générations qui suivirent, mais les pressentiments de la génération qui vint avant elle. Elle a été non-seulement célébrée, mais attendue. Tacite en commence le récit presque avec les formes solennelles de l'épopée ; mais, avant Tacite, avant même les événements qu'il raconte, le résumé prophétique s'en trouvait dans la pensée des peuples.

Cette attente se manifestait d'abord chez les Chrétiens. Tout le monde connaît les prophéties de l'Évangile, qu'il faut cependant citer ici, pour en faire comme le frontispice de ce livre et les placer en regard de leur accomplissement.

Nul événement n'a été plus clairement annoncé au monde que la chute de Jérusalem. Une première fois, en voyant la ville sainte, Jésus jette ce cri d'une douleur vraiment maternelle : Jérusalem ! Jérusalem ! qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, que de fois j'ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu ! Voici que votre maison vous sera laissée déserte[1]. Une seconde fois, cette chute prévue de Jérusalem attire les larmes dans les paupières divines. A son dernier retour de Galilée, d'où il arrive pour mourir, comme le Sauveur descendait la montagne des Oliviers, étant venu près de Jérusalem et regardant la ville, il pleura sur elle en disant : Oh ! si tu savais du moins, en ce jour qui est encore à toi, ce qui peut te donner la paix ! mais, maintenant, tout ceci est caché à tes yeux ; car des jours viendront sur toi, et tes ennemis t'environneront d'un rempart, et ils t'enfermeront, et ils te serreront de tous côtés. Et ils t'extermineront, toi et tes fils qui sont au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps de ta visitation ![2]

Une dernière fois enfin, lorsque l'heure de la passion approche, la prophétie et l'avertissement, qu'il faut encore citer ici en leur entier, si connus qu'ils soient, sont plus précis encore. Comme Jésus sort du temple, ses disciples viennent à lui pour lui faire admirer la grandeur de l'édifice : Regardez, Maître, disent-ils, quelles pierres et quelle structure ! Mais Jésus leur dit : Tout ce que vous voyez là, il viendra un jour où il n'en demeurera pas pierre sur pierre. Et, s'étant alors assis sur la montagne des Oliviers en face du temple, Pierre, Jacques, Jean et André s'approchent de lui et lui demandent : Maitre, dites-nous quand ces choses arriveront, et quel sera le signe qu'elles commenceront à se faire ? Jésus commence alors à prophétiser une double époque d'angoisses et de douleur : l'une plus éloignée, plus universelle, plus surhumaine, plus confusément et plus mystérieusement indiquée ; l'autre plus proche, plus précise, plus humaine dans sa marche sans être moins divine dans sa cause : le châtiment du monde et le châtiment de Jérusalem, prophétie complexe que l'événement allait bientôt démêler. Pour nous en tenir aux événements que la terre a vus s'accomplir et qui entrent dans notre récit, Jésus annonce d'abord que la vertu de ses disciples serait mise à la double épreuve de la séduction et de la souffrance : Prenez garde, dit-il, que personne ne vous séduise ; car plusieurs viendront en mon nom qui diront : Je suis le Christ, et ils séduiront un grand nombre... Vous entendrez des combats et des rumeurs de combats, des guerres et des séditions... Le peuple se soulèvera contre le peuple, et le royaume contre le royaume. Et il y aura en divers lieux de grands tremblements de terre, des pestes, des famines, des signes d'épouvante dans le ciel et de grands présages. Mais, avant même ces souffrances communes du genre humain, d'autres souffrances auront commencé pour vous. On mettra la main sur vous, on vous poursuivra, on vous traînera dans les synagogues et dans les prisons... On vous livrera à la torture et on vous fera périr, et vous serez en haine à toutes les nations à cause de mon nom. En ce temps-là, plusieurs seront scandalisés, et on vous fera mourir ; on se livrera, on se haïra les uns les autres[3].

Mais ces épreuves de la foi, ces convulsions de la nature et des empires, ces persécutions exercées contre les saints, ce n'est encore que le commencement des douleurs[4]. La grande douleur sera la chute de la ville sainte, la réprobation enfin accomplie de Jérusalem.

Lorsque vous verrez Jérusalem entourée par les armées, sachez que sa désolation approche ; et lorsque vous verrez l'abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, établie dans le lieu saintdans le lieu où elle ne doit pas être[5] —, que celui qui lit entende, ce sera alors le moment de fuir ; que ceux qui sont dans la Judée s'enfuient dans les montagnes ; que celui qui est sur le toit ne descende pas dans la maison pour y rien prendre, et que celui qui est dans le champ ne retourne pas en arrière pour prendre son vêtement ; que ceux qui sont dans Jérusalem en sortent, et que ceux qui sont dehors n'y rentrent pas, parce que ce sont ici les jours de vengeance pour accomplir tout ce qui a été écrit. Priez que votre fuite n'ait pas lieu en hiver ; car la rigueur de la saison retarderait votre course : ni au temps du sabbat, où il n'est permis de faire que peu de chemin dans la journée.

Bientôt, en effet, il ne sera plus temps de fuir, et alors : Malheur à celles qui seront enceintes ou qui nourriront en ces jours-là ! car il y aura une immense douleur pour ce pays et une grande colère sur ce peuple ! Et ils tomberont dévorés par l'épée, et ils seront conduits captifs chez tous les peuples, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis.

Mais ce ne seront pas seulement des jours de tribulation ; ce seront de plus des jours de tentation effroyable. Il s'élèvera de faux christs et de faux prophètes, et ils feront de grandes merveilles et des prodiges, au point de séduire, s'il se pouvait, même les élus... Prenez-y donc garde ; voilà que je vous ai tout prédit... Si quelqu'un vous dit : Voici ici le Christ, ou le voilà en tel lieu, ne le croyez pas... Si l'on vous dit : Le voici dans le désert, ne sortez pas pour le chercher : Le voici dans les lieux retirés de la maison, ne le croyez point. Ces jours seront, en effet, les jours d'une tribulation telle qu'il n'y en a pas eu depuis le commencement de la création que Dieu a faite jusqu'aujourd'hui, et telle qu'il n'y en aura jamais. Et, si le Seigneur n'eût abrégé ces jours, nulle chair n'eût été sauvée. Mais, à cause des élus qu'il a choisis, il a abrégé ces jours[6].

Et ce n'était pas encore assez de cette triple prophétie prononcée par le. Seigneur dans les derniers jours de son passage sur la terre. L'esprit prophétique redouble ses avertissements à mesure qu'approche l'heure qui doit tout consommer. En montant au Calvaire, sous le poids de la croix, comme il était suivi d'une grande multitude de peuple et de femmes qui se frappaient la poitrine et qui pleuraient, se retournant vers elles, il leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ; car le temps s'approche auquel l'on dira : Bienheureuses les stériles, et les entrailles qui n'ont pas enfanté, et les mamelles qui n'ont pas allaité. Alors ils commenceront à dire aux montagnes : Tombez sur nous ! Et aux collines : Couvrez-nous ! Car, si le bois vert est ainsi traité, que sera-ce du bois sec ?[7]

C'est donc pour un temps rapproché que ces douleurs, inouïes dans l'histoire du monde sont prédites. Ce temps-là est proche, dit le Seigneur dans saint Luc[8], cette génération ne se passera pas sans que toutes ces choses arrivent[9]. Je vous le dis en vérité, est-il répété dans saint Matthieu, toutes ces choses viendront sur la race qui est à présent[10].

Voici donc, en résumé, à quoi devaient s'attendre, et dans un temps rapproché, tous ceux qui étaient initiés à la connaissance de l'Évangile. La persécution d'abord comme premier symptôme, la séduction marchant de pair avec elle, les faux docteurs, les fausses prédications, les faux miracles ; peu après ou en même temps, les. calamités publiques, pestes, guerres, famines, tremblements de terre ; bientôt les agitations politiques, non-seulement pour la Judée, mais pour le monde romain tout entier, guerres de nation à nation et guerres des nations contre elles-mêmes ; en un mot, un état d'angoisses, de perturbation et de souffrance universelle : et, pour couronner ces douleurs, la grande douleur de Jérusalem, son investissement, sa défaite, le massacre de ses habitants, sa destruction, la captivité de ses fils, leur dispersion par toute la terre. Là s'arrêtait la prophétie avant de passer à un ordre de faits tout différent. Jérusalem châtiée, le monde devait se reposer ou, du moins, n'avait plus à attendre que son propre châtiment.

Voilà ce qui se lisait dans les assemblées chrétiennes, ce que les apôtres répétaient pour l'avoir entendu de la bouche même du Sauveur, ce qui était ainsi enseigné par une tradition immédiate et indubitable. Ces redoutables pressentiments étaient invoqués sans cesse pour tenir en éveil les âmes chrétiennes. La fin approche[11]... Il est temps que le jugement commence par la maison de Dieu[12] — c'est-à-dire par l'Église qui la première doit souffrir persécution — ; lorsqu'on dira paix et sécurité, la mort arrivera soudaine comme les douleurs pour une femme qui accouche. Ne dormons donc pas comme les autres ; mais veillons et soyons sobres[13]. Un peu plus tard, saint Paul écrit à Timothée : Le temps viendra où les hommes ne pourront plus porter la saine doctrine... Mais toi, veille, travaille en toutes choses... sois sobre[14]. Et dans les dernières lignes qui nous soient restées de sa main : Consolez-vous, dit-il aux Hébreux, c'est-à-dire aux chrétiens de la Palestine, et consolez-vous d'autant plus que vous verrez le jour approcher[15]. L'Église attendait ainsi d'année en année, de jour en jour, l'accomplissement des paroles divines.

Cette attente devenait même de l'impatience. Rappelons-nous, en effet, que la prophétie de l'Évangile était complexe ; elle annonçait parallèlement l'une à l'autre, et en des termes qui pouvaient souvent s'appliquer à toutes deux, et la ruine de Jérusalem et celle du monde. II était facile de les confondre et de croire que ces deux grands exemples se suivraient de prés. On s'attendait à être témoin de l'un comme de l'autre. Or la ruine du monde, c'était l'avènement glorieux du Sauveur, c'était le règne de Dieu sur le genre humain ressuscité, c'était la fin de la persécution et des angoisses, c'était la couronne des confesseurs et des martyrs, c'était le commencement de la récompense. Aussi y eut-il, dès le jour surtout où les persécutions commencèrent, une vive aspiration vers cette heure de la délivrance. Quels que fussent les souffrances et les épouvantements qui devaient la précéder, les âmes énergiques appelaient cette épreuve comme le soldat appelle la bataille, les âmes souffrantes l'invoquaient comme la fin de leurs maux. Ceux qui laissaient leur chair en lambeaux sur les chevalets aimaient à se dire que cette chair flétrie et mutilée ne tarderait pas à refleurir et à revivre. Ceux à qui la persécution enlevait leurs frères aimaient à penser qu'ils ne tarderaient pas à se retrouver tous dans les embrassements du Seigneur. Il y avait donc dans cette attente des derniers jours plus d'espérance encore que d'inquiétude, plus de hâte que de terreur ; et, comme il est dans la nature de l'homme, lorsque le péril attendu est fait pour frapper vivement les imaginations, la terreur elle-même anticipait le moment, et l'homme avait hâte de souffrir. On vivait ainsi sur le qui-vive, prêt à partir, touchant à peine du bout des pieds un monde qu'on croyait prêt à s'écrouler. Le jour approche, disait-on, auquel tout sera détruit avec l'esprit du mal. Le Seigneur approche et avec lui la récompense[16].

Il ne faut donc pas s'étonner si quelque impatience agitait les esprits. Les menaces divines, par cela même qu'elles avaient de redoutable, exerçaient une sorte d'attraction involontaire. C'était pour les Chrétiens l'enseignement de l'assemblée ; c'était aussi l'entretien du foyer domestique, le rêve de la solitude. On relisait les Écritures ; on trouvait dans les lettres des apôtres quelques expressions qui semblaient confirmer la pensée d'un dénouement imminent[17]. Les imaginations allaient au delà de la prophétie divine, et, dès cette époque, pouvaient, comme il se fit plus tard, commencer à l'embellir de leurs rêveries et à la grossir de leurs chimères. On défigurait, à force de la commenter, la parole sacrée ; on abusait de ses saintes obscurités. De faux docteurs survenaient avec de prétendues épîtres de saint Paul, lui faisant dire et disant avec lui que le jour du Seigneur allait arriver[18]. Puis on trouvait, au contraire, que ce jour tardait trop, que le monde durait trop longtemps ; on comptait les années et les jours, on disait que les temps s'écoulaient en pure perte. Pour avoir cru avec trop d'enthousiasme et d'impatience, quelques-uns se mettaient à ne plus croire. Où donc est la promesse, disaient-ils, et l'avènement annoncé du Christ ? Car, depuis que nos pères se sont endormis, tout demeure tel qu'il a été dès le commencement du monde[19].

Ceux qui parlaient ainsi avaient bien mal écouté les paroles divines. Tout dans l'Évangile était fait pour cacher sous un voile impénétrable l'époque du dernier avènement. Le royaume de Dieu, avait-il été dit, viendra sur la terre de manière à ne pouvoir être prévu des hommes[20]. Il ne vous appartient pas, avait répondu le Seigneur à ses apôtres qui lui demandaient quand il rétablirait le royaume d'Israël, il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a mis en sa puissance[21]. Et alors qu'il prophétisait à la fois la chute de Jérusalem et la fin du monde, il avait, quant à l'époque de leur venue, distingué entre ces deux événements. Pour la chute de Jérusalem la date était certaine. Cette génération ne se passera pas que toutes ces choses-ci (ταΰτα) ne soient accomplies. Mais, quant à la fin des siècles, le temps en est caché. Pour ce jour et cette heure-là (τής ήμέρας έκείνης καί ώρας[22]), ni les anges même qui sont dans le ciel, ni le Fils ne la savent, mais le Père seul. Le Fils ne le sait pas, c'est-à-dire n'a rien sur ce sujet à révéler aux hommes, rien à communiquer à ses apôtres, rien à confier à son Église. Le Fils de Dieu parle ainsi, dit Bossuet, pour transporter en lui-même le mystère 4Ie notre ignorance sans préjudice de la science qu'il avait d'ailleurs[23]. Le mystère est donc ici impénétrable en ce qui touche cette date redoutable. Rien à conclure des paroles de l'Évangile, rien à apprendre des apôtres et des livres inspirés, rien à savoir de l'Église infaillible. Rien, si ce n'est que, dans l'attente de cette journée toujours incertaine, il faut dans notre irrémédiable, mais salutaire ignorance, toujours veiller, toujours prier, toujours être sobre, parce qu'à toute heure le Seigneur peut venir et que nous ne saurons jamais à quelle heure il viendra[24].

Il fallut cependant que les apôtres répondissent à ces inquiétudes, et leur réponse prouve combien était puissant ce tourment de l'esprit qui pendant les siècles suivants agita encore tant d'âmes chrétiennes. Soyez patients, mes frères, disait saint Jacques, jusqu'à l'arrivée du Seigneur. Le laboureur confie une précieuse semence à la terre, et puis il attend avec patience, afin qu'elle ait le temps de recevoir la pluie du matin et celle du soir. Soyez donc, vous aussi, patients, et affermissez vos cœurs, parce que l'avènement du Seigneur approche[25]. Nous vous conjurons, mes frères, disait saint Paul, par le glorieux avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par le bonheur que nous aurons d'être assemblés auprès de lui, de ne pas vous laisser troubler dans votre sens, de ne vous laisser effrayer ni par une prétendue révélation, ni par aucun discours, ni par une épître qu'on sous apporterait comme venant de nous, pour vous faire croire que le jour du Seigneur approche ; que personne d'aucune façon ne vous séduise. Ce jour ne viendra pas avant que la grande apostasie se soit faite, avant que se révèle l'homme de péché, le fils de perdition, l'Antéchrist... Le mystère d'iniquité opère sans doute au milieu de nous. Mais vous savez ce qui l'empêche d'éclater jusqu'à ce que son temps soit venu[26]. Et ailleurs : Pour ce qui est des temps et des heures, mes frères, vous n'avez pas besoin que je vous en écrive ; car vous savez que le jour du Seigneur vient de nuit comme un voleur[27]. Et saint Pierre, reprenant de plus haut : Gardez-vous, mes très-chers, d'ignorer une chose, c'est qu'un seul jour devant le Seigneur est comme mille années et mille ans comme un seul jour. Dieu ne retarde pas l'effet de ses promesses, comme quelques-uns le pensent. Mais à cause de vous, il agit patiemment, ne voulant pas, que nul périsse, mais que tous reviennent à la pénitence. Soyez persuadés que la longanimité de Notre-Seigneur est pour nous le salut[28].

Ainsi ces Chrétiens qu'on avait vus impatients du retard étaient instruits au contraire à le bénir comme un bienfait de la miséricorde de Dieu, et comme un fruit des prières de son Église. Ils s'habituaient à demander à Dieu ce délai, et à prier, comme on dira plus tard, pour le, retardement de la fin (pro mora finis). Ils s'habituaient surtout à se tenir prêts, et à attendre chaque jour pour le lendemain ce coup de foudre que le lendemain, en effet, pouvait amener. Veillez, priez ; car vous ne savez pas le temps. Quand le père de famille saurait à quelle heure le voleur doit venir, il n'en veillerait pas moins et ne laisserait pas percer sa maison. Vous donc, à plus forte raison, soyez prêts, parce que le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous ne pensez pas[29].

Et il ne faut pas croire que les Chrétiens fussent seuls dans l'attente. Chacun sait quel contraste présentent les prophéties hébraïques. Depuis Moïse jusqu'à Malachie, elles s'accordent à mettre ensemble les menaces et les promesses, à annoncer en regard les unes des autres et des grandeurs magnifiques et des abaissements inouïs, une alliance éternelle avec le Seigneur et une sentence définitive de condamnation. Elles rappellent toutes cette journée solennelle où le peuple, partagé en deux camps, l'un sur le mont Hébal, l'autre sur le mont Garizim, faisait entendre tour à tour, sous la dictée de Moïse, ceux-ci des paroles de bénédiction, ceux-là des paroles d'anathème ; ceux-ci les promesses, ceux-là les menaces du Seigneur[30].

Qu'adviendra-t-il de Sion ? Sera-t-elle en définitive glorieuse ou anéantie, reine ou esclave ? Isaïe nous montre à vingt reprises différentes, après mille épreuves et mille souffrances, les restes d'Israël, comme il les appelle, réunis et multipliés par le Seigneur, ses ennemis vaincus, Babylone détruite, Jérusalem ressuscitée. La montagne de Sion s'élève alors au-dessus de toutes les montagnes de la terre. Elle est le rendez-vous de tous les peuples : Venez, disent-ils, montons sur la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob... parce que de Sion sortira la loi et la parole du Seigneur de Jérusalem. Ils arrivent apportant à Jérusalem leurs fils dans leurs bras et leurs filles sur leurs épaules. Et les rois seront les nourriciers de Jérusalem, et les reines ses nourrices ; et ils l'adoreront le visage incliné contre terre, et ils lécheront la poussière de ses pieds. Alors il n'y aura plus de guerre. Les épées seront forgées en socs de charrue ; on fera des faux avec les fers de lances. L'ami se reposera avec son ami sous son figuier et sous sa vigne. Les larmes seront essuyées de tous les visages. Et au sein de cette paix, au milieu de ce banquet de la vendange éternelle, Jérusalem trop étroite pour ses habitants, Jérusalem à qui ses fils diront : Donne-nous plus d'espace pour y habiter ; Jérusalem s'écriera dans son cœur : J'étais stérile et je n'enfantais plus. Qui a donc nourri ces enfants ? J'étais seule et abandonnée. D'où ces fils me sont-ils donc venus ?[31]

Mais, d'un autre côté, les signes de réprobation ne sont pas moins abondants que les promesses de liberté et de gloire. Ici, c'est le libelle de répudiation envoyé par le Seigneur à celle qui fut son épouse ; il la rejette maintenant loin de lui et il vend ses enfants à un créancier avare[32]. Là, c'est la vigne jadis bien-aimée, où le divin Ouvrier a épuisé ses forces et sa patience, et qui n'a pas répondu à son attente ; il la laissera maintenant à l'abandon, la livrera sans défense au pillage des malfaiteurs et à la dent des bêtes fauves ; elle se couvrira de ronces et d'épines. Ailleurs, c'est la verge brisée par le prophète en signe de rupture de l'alliance[33]. C'est Isaïe envoyé vers un peuple qui ferme ses yeux pour ne point voir et ses oreilles pour ne pas entendre ; et, se tournant vers Dieu, le prophète dit : Jusqu'à quand, Seigneur ?Jusqu'à ce que les cités soient désolées et demeurent sans habitants ; jusqu'à ce que la maison reste sans un seul homme, et que la terre demeure déserte[34]. Et, en termes plus ouverts encore, le Seigneur, après avoir patienté avec ce peuple incrédule qui le provoque éternellement à la colère, lui annonce enfin sa sentence : Voici ce qui est écrit devant moi : je ne me tairai point, mais je leur rendrai et j'entasserai dans leur sein toutes leurs iniquités, et celles de leurs pères... Je vous compterai à la pointe du glaive, et tous vous périrez dans un massacre, parce que j'ai appelé et que vous n'avez pas répondu ; j'ai parlé et vous n'avez pas entendu[35].

Ces deux parts de la prophétie tiennent étroitement l'une à l'autre. Daniel en marque l'accomplissement comme simultané. Il fixe une date et une date positive à l'une comme à l'autre. A la même époque et à une époque très-déterminée, il annonce l'abolition de l'iniquité, l'effacement de toute prévarication, le règne de la justice éternelle, l'accomplissement des visions et des prophéties, l'onction donnée au Saint des saints, au Messie ; et il annonce en même temps et pour la même époque la mort du Messie, la répudiation du peuple qui n'aura pas voulu le reconnaître, la cessation des victimes et des sacrifices, un chef qui doit venir de loin ravager la ville et le sanctuaire, l'abomination de la désolation dans le temple, une destruction pareille à un second déluge, et après cette guerre une désolation sans fin[36]. Eux-mêmes, les Juifs des derniers temps, quoi qu'ils pussent faire, avouaient cette coïncidence attendue entre la venue du Messie et la destruction du temple. Un juif, dit le Talmud, était à labourer la terre. Un de ses bœufs fit entendre un grand mugissement. Un Arabe qui passait lui dit : Dételle tes bœufs et ne tarde pas, parce que la fin de ton temple et de ton sanctuaire approche. Mais ensuite, l'autre bœuf ayant mugi, l'Arabe dit encore : Attelle de nouveau les bœufs à la charrue, et prépare toi ; car le roi Messie est né[37].

Or, ces deux parts de la prophétie étaient diversement interprétées dans l'Église et dans la synagogue. Les Chrétiens, qui entendaient dans un sens spirituel les prophéties de gloire et de souveraineté, en voyaient commencer l'accomplissement dans le temps présent et en faveur de la Jérusalem spirituelle, c'est-à-dire de l'Église, ce qu'ils attendaient dans l'avenir, et dans un prochain avenir, c'était l'accomplissement des prophéties de réprobation sur la Jérusalem terrestre. Ils résolvaient ainsi l'apparente contradiction des Livres saints. Les Juifs, au contraire, ne sachant comment la résoudre, prenaient, comme il arrive souvent, le parti d'en oublier un des termes ; les prophéties d'abaissement et de réprobation étaient ou réputées accomplies dans le passé, ou détournées de force en un autre sens, négligées en un mot ; les prophéties de gloire et de grandeur subsistaient seules. Il y avait donc attente de part et d'autre, quoique avec des pensées bien différentes ; d'un côté avec une ambitieuse et terrestre espérance ; de l'autre avec une certaine joie spirituelle sans doute, mais avec un mélange de crainte et de douleur. La synagogue ne rêvait que la royauté terrestre d'Israël ; l'Église n'attendait que la royauté céleste du Christ, mais elle savait par combien de douleurs terrestres ce règne divin devait être acheté.

Mais de part et d'autre on s'accordait pour attendre la crise comme imminente. Je viens de dire jusqu'à quel point la prophétie évangélique était précise à cet égard et tenait en éveil la foi du chrétien. La prophétie hébraïque ne l'était pas moins, et l'ambition des Juifs était aux écoutes. On connaît la prophétie de Jacob et celle de Daniel. Jacob avait dit : Le sceptre ne sortira point de Juda et le législateur (ou le scribe) d'entre ses pieds jusqu'à ce que vienne Siloh (le Messie), et les peuples s'assembleront autour de lui. Or, depuis soixante ans, à l'époque de la disgrâce d'Archélaüs, fils d'Hérode, exilé par l'empereur Auguste (an 7 de l'ère vulgaire), Juda avait cessé d'avoir des rois et des législateurs ; il était devenu province romaine. Vingt ans après environ, selon le Talmud, les juges d'Israël, le Sanhédrin, privés du droit de prononcer la peine de mort, avaient été chassés du consistoire Gazith, seul lieu où pussent être rendues les sentences capitales ; ils s'étaient couverts d'un cilice ; ils S'étaient arraché les cheveux ; ils avaient pleuré et ils avaient dit : Malheur à nous, parce que le sceptre est sorti de Juda, et cependant le Messie, fils de David, n'est pas encore venu ![38]

A Daniel, d'un autre côté, il avait été dit : Soixante-dix semaines (d'années) sont abrégées sur ton peuple et sur ta ville sainte, jusqu'à ce que la prévarication soit consommée, et que le péché prenne fin, et que l'iniquité soit détruite, et qu'arrive l'éternelle justice, et que la vision et les prophéties s'accomplissent, et que le Saint des saints reçoive l'onction. Sache donc et sois attentif : du jour où sera publiée la parole (le décret des rois de Perse) qui ordonnera de rebâtir Jérusalem jusqu'au Christ chef, il y aura sept semaines et soixante-deux semaines.... Or Daniel avait vécu plus de cinq siècles avant Auguste ; les édits successifs des rois de Perse en faveur des juifs avaient paru, le premier sous Cyrus, le dernier sous Artaxerxès Longue-Main, l'un cinq cent six ans, l'autre quatre cent quatorze ans avant la bataille d'Actium. Au temps de Tibère, quarante-cinq ans après cette bataille, il était donc bien difficile de ne pas admettre que les soixante-dix semaines (490 ans) étaient ou passées ou bien près de se passer.

Des traditions moins certaines sans doute, mais populaires, et que les rabbins nous ont conservées, ne fixaient pas à une autre date le temps du Messie. Élie, disent-ils, avait déclaré au rabbin Jehuda que le monde ne durerait pas moins de quatre-vingt-cinq jubilés (4.155 ans), et que, dans la quatre-vingt-sixième semaine jubilaire, paraîtrait le fils de David. Or, d'après la tradition commune, le quatrième millénaire et le quatre-vingt-quatrième jubilé étaient achevés. Selon un livre juif, le rabbin Abba avait entendu un jour une voix qui lui criait : Abba ! Abba !Quelle est cette voix ? demanda-t-il. — Je suis Élie, le prophète, et je viens t'annoncer ce que depuis longtemps tu désires savoir. Tu cherches les signes qui annonceront le Messie ; les voici : toute la terre obéira aux Romains ; l'ancienne religion tombera en ruines ; les peuples se soulèveront contre les rois, les ignorants contre les sages, les accusés contre leurs juges, les méchants contre les bons, et les enfants contre leurs parents. Le Messie sera d'abord méconnu, puis il souffrira beaucoup, et on le fera mourir. Or la domination universelle des Romains et même l'affaiblissement de la loi mosaïque étaient des signes faciles à reconnaître. Enfin, la tradition commune des rabbins donnait au monde six mille ans de durée, deux mille ans de vide (tohu), disaient-ils, deux mille ans de la loi, deux mille ans du Messie ; et il était difficile également de ne pas admettre que les deux mille ans de la loi, à compter depuis Abraham, avaient passé leur terme ou au moins le touchaient[39].

Depuis longtemps, du reste, le peuple de Juda sentait plus vivement l'attente de ce terme. Les écoles rabbiniques qui s'étaient formées dans son sein et le gouvernaient, depuis le siècle d'Esdras selon les uns, depuis les Macchabées selon d'autres, n'étaient guère autre chose pour lui que des sentinelles destinées à l'avertir de l'approche du Messie. Si elles avaient multiplié les pratiques religieuses, rendu la loi vétilleuse à l'excès, exagéré la rigueur de l'observance sabbatique au point de compter trente-neuf infractions dignes de la peine capitale ; si, en un mot, pour me servir de leur expression, qui caractérise bien et la rigueur des peines et la minutie des préceptes, elles avaient suspendu des montagnes par un cheveu : c'était pour tenir les esprits en éveil, et pour que l'âme, ayant toujours la loi présente devant les yeux, fût préparée à recevoir celui qui devait accomplir la loi. A cette nation aux aguets, la religion des anciens jours ne suffisait phis. Outre le temple, où se célébraient les fêtes solennelles et les rites de Moise, des synagogues s'étaient élevées jusque dans les villages : il y en avait quatre cents ou quatre cent quatre-vingts ; dit-on, dans la seule Jérusalem. Dix chefs de famille, hommes de loisir, suffisaient pour constituer une synagogue, Là se célébrait un culte moins solennel, mais quotidien, et plus que quotidien. Chaque sabbat, chaque jour, plusieurs fois le jour, on chantait, on priait ; la loi était lue, traduite, expliquée au peuple ; il était averti d'attendre et de se tenir prêt. La prière par laquelle s'ouvraient et se terminaient, comme il se fait encore aujourd'hui, le culte de la synagogue et tous les actes de la dévotion judaïque, la prière Kaddisch, portait : son grand nom soit sanctifié... qu'il fasse régner son règne ; qu'on voie sa rédemption fleurir ; que son Messie paraisse bientôt pour délivrer son peuple ; qu'il paraisse pendant notre vie... qu'il paraisse au plus tôt[40].

On peut suivre d'âge en âge le progrès de cette attente. A l'époque où naquit l'école ou la synagogue, on savait déjà que les temps n'étaient pas loin ; on se préparait. A l'époque de la naissance de Jésus-Christ, on savait le terme tout près de s'accomplir, on attendait avec confiance et avec espoir. Siméon attend la consolation d'Israël, et il a reçu la réponse qu'il ne mourra point sans avoir vu le Christ du Seigneur[41]. Anne parle à tous ceux qui attendent la rédemption d'Israël. On demande à Jean s'il n'est point le Messie[42]. La Samaritaine dit : Je sais que le Messie vient[43]. — Car les Samaritains, eux aussi, étaient dans l'attente[44]. — Un peu plus tard, le terme commence à se passer ; l'attente devient inquiète et sinistre. C'est cette fatale époque, tant de fois rappelée par les talmudistes, de la quarantième année avant la destruction du temple.

Alors, nous parlons toujours selon les rabbins, les signes fâcheux se multiplient. Les juges d'Israël sont chassés du sanctuaire ; les dix merveilles[45], qui, dans l'enceinte de Jérusalem, témoignaient de la faveur de Dieu sur son peuple, cessent de s'accomplir, selon la parole du psaume : Nous n'avons plus vu nos merveilles. La lampe de splendeur — la laine rouge attachée aux cornes d'un chevreau — rougit au lieu de blanchir ; la lampe du chandelier qui regardait l'Occident s'éteint avant l'heure[46]. Quoi qu'os puisse penser de la véracité des talmudistes et de l'authenticité de ces prodiges, il n'est pas moins remarquable qu'ils les placent tous à la même époque de quarante ans avant la destruction du temple, c'est à-dire au temps de la prédication et de la passion du Sauveur.

Mais, vers la fin de Néron, c'était bien pis encore. De toute manière, il était temps et plus que temps. Si quelques chrétiens osaient s'impatienter des lenteurs de la Providence, qui tardait à punir Jérusalem, les Juifs qui, selon certains calculs, pouvaient compter jusqu'à soixante années de retard pour le Messie, étaient d'une bien autre impatience. Ils relisaient les prophéties, ils calculaient les siècles, ils comptaient avec désespoir chaque année de plus qui s'écoulait. Comme le prophète, eux aussi disaient : Jusqu'à quand ?

Sans doute, le plus longtemps qu'ils purent, ils se figurèrent que le terme n'était pas accompli. Ils se donnèrent la satisfaction de compter d'abord des années lunaires, qui sont plus courtes, puis des années solaires, qui sont plus longues ; mais le compte même des années solaires, celui que nous 'suivons, finit par s'épuiser. Après avoir donné aux quatre-vingt-cinq jubilés d'Élie quarante-neuf ans chacun, ils purent leur en donner cinquante, comme le font aujourd'hui les rabbins ; mais ce dernier compte, dans les dernières années de Néron, approchait de son terme. Ils comptèrent les septante semaines de Daniel, d'abord à partir de l'édit de Cyrus (537 ans avant l'ère vulgaire), puis à partir de l'édit de Darius un peu postérieur (520), puis à partir de celui d'Artaxerxès en faveur d'Esdras (450), puis à partir de l'édit rendu en faveur de Néhémie (445) ; chacune de ces hypothèses leur donna quelques années de répit. Mais ces années se passaient inutilement, et, au, temps de Claude, on était à bout de tous les calculs. Le Messie était venu pourtant', mais autre qu'ils ne l'avaient rêvé, humble, dégagé des sens, tout spirituel et tout céleste. Ils n'en avaient pas voulu ; il leur restait à le chercher ailleurs, et à le chercher tel qu'ils s'obstinaient à le comprendre, superbe, puissant ; extérieur, terrestre, politique, national ; le Rédempteur non du monde, mais du peuple de Juda ; le règne d'Israël, non le règne dé Dieu. Nous dirons le fruit de cette impatience, et comme enfin elle amena l'accomplissement non des bénédictions, mais des menaces.

Enfin, hors du christianisme, hors du judaïsme même, ou par suite de traditions particulières, ou grâce à la seule contagion de l'enthousiasme judaïque, les peuples s'associaient à l'attente d'Israël. Dans les dernières années de Néron, on était partout en éveil. En Espagne, lorsque Galba aspire à l'empire du monde, il est confirmé dans ses espérances par un double oracle : une vierge fatidique l'encourage, et, il se trouve que deux cents ans auparavant une autre prophétesse, dont l'oracle, caché dans le sanctuaire, est révélé au prêtre de Jupiter par un songe, chantait déjà la même chose ; toutes deux disaient que d'Espagne sortirait le prince et le dominateur de la terre[47]. Mais c'est surtout l'Orient qui se berce de telles espérances. Néron, abandonné des siens, prêt à périr, trouve de faux prophètes qui lui promettent la domination de l'Orient et en particulier la royauté de Jérusalem[48]. Enfin, selon Tacite, selon Suétone, selon le Juif Josèphe, c'était une opinion ancienne et constante qui prévalait dans tout l'Orient, que, d'après l'arrêt des destins et les oracles contenus dans les Livres sacrés, le temps était venu où la puissance appartiendrait à l'Orient et où des conquérants, partis de la Judée, seraient les maîtres du monde[49].

Ainsi, dans le paganisme même, on se préparait à être témoin d'une grande révolution. On s'y préparait peut-être avec un certain orgueil, mais probablement avec cette terreur qu'inspire l'inconnu. Dans la synagogue, on s'y préparait avec une ambitieuse espérance ; dans l'Église avec une résignation pleine de douleur, mais cependant pleine d'espoir. On l'attendait, les uns comme un triomphe , les autres comme une épreuve, impatients du triomphe, impatients même de l'épreuve.

Les pages qui vont suivre n'ont d'autre but que d'indiquer le dénouement de ces craintes et de ces espérances, de ces menaces et de ces illusions. Elles le montreront dans l'ordre même que les Chrétiens, dès ce moment, pouvaient prévoir, et qui était tracé par les prophéties évangéliques : les persécutions et les souffrances de l'Église d'abord ; en même temps les hérésies, les schismes, les séductions, les scandales ; puis les bruits de guerre commençant partout, la guerre éclatant partout et bouleversant toutes les nations, et, pour couronner l'œuvre, la lutte suprême de Jérusalem et le châtiment ineffable et ineffaçable d'Israël. Cette histoire a cela d'unique, qu'un chrétien eût pu l'écrire trente ans avant qu'elle se fit, dans lé même ordre où un chrétien l'écrit mille sept cent quatre-vingt-neuf ans après qu'elle s'est passée.

 

 

 



[1] Luc, XIII, 54,55. — Matth., XXIII, 37, 38.

[2] Luc, XIX, 37-41, 44.

[3] Matth., XXIV, 1-7, 9-11. — Marc, XIII, 1-9-13. — Luc, XXI, 5-12.

[4] Matth., XXIV, 8.

[5] Marc, XIII, 14.

[6] Matth., XXIV, 15-26. — Marc, XIII, 14-23. — Luc, XXI, 5, 24.

[7] Luc, XXIII, 28, 31.

[8] Luc, XXI, 8.

[9] Luc, XXI, 32.

[10] Matth., XXIII, 36.

[11] I Thess., I, 8.

[12] I Petr., IV, 7-17.

[13] I Thess., V, 1-8. (An 52.)

[14] II Tim., IX, 3-5.

[15] Hebr., X, 25.

[16] Épître attribuée à saint Barnabé, 21.

[17] I Thess., IV, 14-16. — I Cor., I, 7-8. X, 11. — I Petr., IV, 7.

[18] II Thess., II, 2. — I Petr., III, 15.16.

[19] II Petr., III, 4.

[20] Luc, XVII, 20.

[21] Act., I, 7.

[22] Matth., XXIV, 54-56. — Marc, XIII, 50-52. Bossuet (dans ses Méditations) fait ressortir l'opposition de ces deux mots.

[23] Voir les Méditations sur les Évangiles, 5e partie, 76-79e jours.

[24] Matth., XXIV, 42-44, 50.

[25] Jac., V, 7-8.

[26] II Thess., II, 1-11.

[27] I Thess., V, 1.

[28] II Petr., III en entier.

[29] Matth., XXIV, 42-45. — Marc, XIII, 33-37. — Luc, XII, 35-40.

[30] Deuter., XXVII, XXVIII.

[31] Voir entre autres Isaïe, II, 1-5 ; III, 2-6 ; XXV, XXVI, XXX, 19-35 ; XXXV, 1-21. XLIX. — Michée, IV, V.

[32] Isaïe, L, 1-3.

[33] Isaïe, V, 1-7. — Jérémie, XI, 21. — Zacharie, X, 11.

[34] Isaïe, XVI, 8-11.

[35] Isaïe, LXV, 1-12.

[36] Dan., IX, 24-27.

[37] Talmud de Jérusalem, traité Berachot, dans Jérôme de Sainte-Foi, 1, 2, Bérésith Rabba dans Galat., p. 219 et 220. De arcanis cathol. verit.

[38] Quarante ans avant la destruction du Temple, ou bien an 30 de l'ère vulgaire ; mais on sait que les talmudistes comptent volontiers par nombres ronds. Voyez Talmud de Jérusalem, apud Galatin., De arcanis catholicæ veritatis, p. 205, 206 ; Sabbath, 15 ; Rosch-Haschana, 51 ; Avoda Zara, 8, cités par Jost, Histoire des Israélites depuis les Macchabées (Berlin, 1820), liv. VI, n. 13. Voyez à l'appui ce que rapporte Joseph, Ant., XX, 8 (9,1), de la mort de saint Jacques. Les talmudistes déclarent même irrégulière la sentence rendue par le Sanhédrin contre Notre-Seigneur, parce que dès cette époque, disent-ils, le Sanhédrin avait renoncé aux jugements criminels ; et c'est en punition de cette usurpation de pouvoir que les soixante-dix juges d'Israël furent, selon le Talmud, expulsés du consistoire Gazith, situé dans le temple, pour se retirer au lieu appelé Canioth (Hanith), hors de l'enceinte sacrée. Plus tard même les Romains les firent tous périr. Apud Sigonium, De rep. Hebræor., VI, 11. J'emprunte, en général, les citations rabbiniques aux ouvrages de Jost (V. ci-dessus), du docteur Sepp (Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, trad., Paris, 1854) ; du chevalier Drach (Harmonie de l'Église et de la Synagogue) ; Molitor (Philosophie de la tradition) ; Basnage (Histoire des Juifs) ; Buxtorf (Synagoga Judæorum, Bâle, 1680).

[39] Talmud, Traité Sanhédrin, f° 97, 2. — Beresith R. Abba, cités par le docteur Sepp, 3e partie, ch. II et XV. — Talmud, Traité Sanhédrin, chapitre dernier, et Avoda Zara, apud Galatin., ibid., 259-261. Buxtorf, ch. XXXVI.

[40] Sur l'antiquité de cette prière et l'attente du Messie considérée comme base fondamentale du culte des synagogues, voir Jost., XI, 10.

[41] Luc, II, 25, 26, 38.

[42] Luc, III, 15. — Joan., I, 19-20.

[43] Joan., IV, 25.

[44] Joseph d'Arimathie était de ceux qui attendaient le royaume de Dieu. Luc, XXIII, 51. Voir sur cette attente, en général, Luc, XIX, 11. — XII, 54, 56. — Matth., XVI, 1-4.

[45] Ces dix merveilles sont ainsi énumérées par les rabbins : Les chairs immolées ne répandirent aucune mauvaise odeur dans le temple. Jamais mouche ne parut dans le marché où l'on achetait les victimes. Jamais accident n'arriva au grand prêtre le jour de la propitiation. Jamais la gerbe ou les pains qu'on offrait au Seigneur ne se corrompirent. Jamais la place ne manqua pour se prosterner dans le temple, quoique debout on y fût à l'étroit Jamais la place ne manqua pour habiter dans Jérusalem. Jamais la pluie n'éteignit le feu de la préparation. Jamais le vent n'empêcha la colonne de fumée de monter droit.

[46] Voyez les deux Talmuds, celui de Babylone, apud Galatin, IV, 8, p. 209. Dialogue de Pierre Alphonse avec le juif Moïse, tit. II. Talmud de Babylone, traité Avoda Zara, 1.

[47] Suet., in Galba, 9.

[48] Suet., in Nerone, 40.

[49] Pluribus persuasio inerat, autiquis sacerdotum litteris contineri, eo ipso tempore fore ut valesceret Oriens profectique Judæa rerum potirentur. Taciti histor., V, 13. — Percrebuerat Oriente toto vetus et constans opinio esse in fatis ut eo tempore Judæa profecti rerum potirentur. Suet., in Vespas., 4. — Ce qui les avait le plus excités à la guerre (les Juifs), c'était un oracle équivoque trouvé dans les Livres saints, que vers ce temps un homme parti de leur pays serait maitre de toute la terre. Joseph, de Bello, VI, 31 (5, 4). L'oracle est rapporté dans les mêmes termes par Hégésippe, apud Euseb., Histor., III, 8. — Remarquez l'identité de langage entre ces quatre écrivains.