Il y eut peut-être alors pour l'Empire un instant de paix, un instant de répit pour son infatigable prince. Il l'employa à réformer à sa façon cette société romaine vieillie, que le soldat danubien ne pouvait guère comprendre et qu'il avait le droit de ne pas aimer. Personne moins que cet empereur ne ressemblait à Gallien. La simplicité de ses mœurs allait au besoin jusqu'à la rudesse, et sa sévérité devenait parfois brutale. Il n'eut jamais un vêtement de soie ; à sa femme qui lui en demandait un, un seul : Veux-tu donc, disait-il, porter sur toi des fils qui valent leur pesant d'or ? (La livre de soie valait une livre d'or.) Sur sa table, il n'eut jamais vase d'argent du poids de plus de trente livres. Ses esclaves n'étaient pas autrement vêtus que d'autres ; sa femme et sa fille, comme dans les maisons privées, portaient sur elles le sceau sous lequel toutes les provisions étaient renfermées. Point de médecin ; malade, il se traitait par la diète ; dans l'état ordinaire (quoique sa santé fût toujours faible), par l'exercice du cheval. Point de mets recherchés ; du rôti et du vin roux (vinum rufum), c'était tout ce qu'il lui fallait. C'est ce régime d'économie et d'hygiène qu'il eût voulu rendre commun à tous et il avait raison. Mais il ignorait que les peuples ne se réforment point par la force. Dur, cruel même, aimant à faire fustiger ses esclaves devant lui, condamnant à mort une femme esclave coupable d'adultère, il eût volontiers enjoint sous les mêmes peines l'épargne et les bonnes mœurs au peuple romain. Il réglait la chaussure des hommes ; il fixait aux sénateurs le nombre d'eunuques qu'il leur était permis d'avoir (luxe très-répandu alors, ruineux et abominable) ; il interdisait l'or tissé, ou le mélange de l'or et de l'argent, permettant cependant la vaisselle d'or et les voitures argentées par suite d'idées singulières sur la production de l'or, qu'il prétendait plus abondant que l'argent, mais sujet, disait-il, à se perdre à force d'être manipulé[1]. Le paysan du Danube n'en savait bien long ni en fait d'industrie, ni en fait d'économie politique. Mais ce qui éclatait surtout avec une sincérité brutale et inintelligente, c'était son aversion pour le Sénat et pour les riches, son désir de capter la faveur des pauvres, du peuple, du soldat. Il croyait humilier les uns en réprimant leur luxe et en se faisant surnommer le pédagogue du Sénat ; il pensait se faire aimer des autres en flattant leurs appétits. JI y avait en lui une certaine brutalité d'éducation dont les plus grands hommes n'ont pas toujours su se défaire. Lui n'était pas de ceux qui avaient la passion des spectacles et des cirques ; il n'aimait que les mimes et les bouffons ; et ses délices furent surtout un saltimbanque mangeur (Phago) qui en un jour dévorait un sanglier, cents pains ; un mouton, un petit cochon, plus un pot de vin qu'il avalait au moyen d'un entonnoir. Cette grossièreté dans les goûts rendait Aurélien courtisan du peuple et du soldat, moins parce qu'il l'estimait que parce qu'il se sentait plus en état de le gagner. Aux soldats, malgré son horreur du luxe, il accordait des agrafes en or pour leurs manteaux (jusque-là elles n'étaient que d'argent) ; il donnait de ses mains des vêtements ornés d'une, trois, cinq boucles d'or. Au peuple de Rome, non-seulement il accordait amnistie pour les délits passés, remise des vieilles dettes envers le trésor, poursuites sévères contre les délateurs, les concussionnaires et les dilapidateurs des deniers publics (c'est ce qu'avaient fait tous les bons princes) ; mais en outre il marchait plus qu'aucun de ses prédécesseurs dans cette voie impolitique des distributions gratuites qui s'ouvrait tous les jours plus large devant les Césars. Vopiscus, en citoyen romain qui avait pu prendre sa part des largesses impériales de son temps, nous donne des détails circonstanciés sur celles d'Aurélien. Comme tous ses prédécesseurs, dans les grandes occasions, Aurélien distribuait de l'argent ; et trois fois dans ses cinq années de règne, il y eut de ces largesses extraordinaires (congiaria) auxquelles le peuple de Rome n'était que trop habitué. Comme tous ses prédécesseurs, il distribuait du pain ; et lorsque l'Égypte eut été reconquise, lorsqu'il eut remis sur pied la flotte marchande qui naviguait d'Alexandrie à Ostie et d'Ostie à Rome, lorsqu'il eut relevé les berges et creusé le lit du -Tibre, il augmenta les distributions ordinaires d'une once par chaque pain. On crut même un instant qu'au lieu de pain, il donnerait de l'or ; à son départ pour l'Orient, il avait promis, s'il revenait vainqueur, une couronne de deux livres à chaque citoyen : une couronne d'or, avait compris le peuple ; une couronne de pain, selon ce qu'expliqua Aurélien à son retour. L'or fut donc changé en pain, et, chaque jour qu'Aurélien vécut, tout citoyen inscrit sur les registres en reçut deux livres, faites du plus pur froment, en forme de couronne. — Mais ce que ses prédécesseurs ne faisaient pas et ce que ses successeurs furent obligés de faire à son exemple, Aurélien distribuait de l'huile ; il distribuait de la viande de porc : Rien n'est si gai, disait-il, que le peuple romain quand il a mangé à son gré. — Si ce n'est, pensa-t-il plus tard, le peuple romain quand il a bu. Et il conçut le projet de distribuer du vin gratuitement comme tout le reste. Cependant le vin était rare dans l'Empire, il eût fallu planter des vignes en Italie, acheter des terres, appeler des colons. On dressa les comptes, dont le chiffre devait être fort élevé ; Aurélien eut peur de trop allécher le peuple et de provoquer de nouvelles demandes. Il se contenta, en attendant mieux, d'étaler sous les portiques de son temple de la Santé d'innombrables tonneaux dont le vin se donna à prix réduit. — Ce que ses prédécesseurs n'avaient pas fait non plus, Aurélien distribua des tuniques de lin venues d'Égypte ou d'Afrique ; il distribua des mouchoirs qu'on allait déployer et agiter dans les courses du cirque, afin de témoigner sa faveur aux cochers qu'on aimait[2]. Puérilités vulgaires, mais puérilités funestes ! Ces largesses ne relevaient pas la condition du peuple, pas plus que les lois somptuaires ne remédiaient au luxe des riches ; elles appauvrissaient l'Empire au profit des fainéants de Rome ; ce qu'on donne aux uns, on le prend à d'autres. Mais que voulez-vous, Aurélien était peuple ; il n'aimait que le peuple, le peuple de Rome et le peuple de l'armée s'entend ; et comme il n'en savait pas plus long que le peuple, il l'aimait mal. Encore si cette popularité si triviale eût préservé Rome de toute agitation ! Mais non, il y eut sous Aurélien une révolte d'une nature étrange, dont le laconisme des historiens ne nous permet pas de pénétrer le mystère. Les ouvriers de la monnaie se révoltèrent, et cette révolte devint une guerre civile. Nous savons que, dans l'antiquité romaine, le travail des monnaies, moins perfectionné qu'il n'est aujourd'hui, exigeait un bien plus grand nombre de bras. Nous savons que ce travail était confié à une corporation traitant avec l'État et responsable des monnaies qu'elle livrait. Nous savons que depuis quelques années ce travail, en tant qu'il se faisait au nom et sous les ordres de l'Empereur, avait dû s'augmenter, puisque sous l'influence de la centralisation croissante, les villes de l'Empire, sauf Alexandrie, paraissent avoir cessé de battre monnaie. Nous savons enfin que le commerce avec l'Orient, commerce tout de luxe, et dans lequel l'Empire romain avait peu à donner en échange des soies et des parfums qu'il recevait, faisait écouler les métaux précieux vers l'Inde et la Perse ; que l'argent surtout manquait dans le monde romain, que les monnaies d'argent, à force d'être altérées, avaient cessé même d'être de l'argent. Ces complications amenèrent-elles la révolte des ateliers ? La probité d'Aurélien le conduisit-elle à exiger des monétaires une exactitude de titre qui leur sembla ruineuse ? Toujours est-il que le sang coula. Un comptable appelé Félicissime se mit à la tête de l'insurrection qui ne se borna pas sans doute aux ouvriers monétaires. S'il faut en croire une lettre d'Aurélien, cette guerre dans l'enceinte des murs de Rome lui coûta sept mille soldats, et ces soldats, chose remarquable, c'étaient des Daces, des Ibères, et d'autres barbares ; il n'y avait plus de Romains dans les armées romaines[3]. Ainsi les dieux, dit-il avec amertume, ne m'accorderont jamais une victoire facile. Il y a un destin fatal par suite duquel, quelque chose que je fasse, l'agitation publique devient plus grande[4]. C'est le cri d'un homme déçu dans sa course chimérique après une popularité qui lui échappe. Mais il n'était pas donné à Aurélien de se venger ni de punir à demi. Si la sédition avait été redoutable, la répression fut horrible. Il fallut qu'on y mêlât encore le Sénat ; on imagina une conspiration de nobles et de sénateurs ; un neveu d'Aurélien, un fils de sa sœur, ne fut pas épargné. A côté de cette douleur se plaça pour le prince guerrier une humiliation qui dut lui être amère. Il avait combattu avec gloire ; il avait vaincu, repoussé, refoulé les Goths, les Marcomans, les Sarmates ; mais ces peuples revenaient toujours. La Dacie, cette province romaine que Trajan avait conquise au delà du Danube, ne les arrêtait pas, et il ne semble même pas qu'aux jours d'invasions on songeât à la défendre. C'est dans l'Illyrie et la Mésie que l'on combattait ; et l'Illyrie et la Mésie étaient sans cesse dévastées. Aurélien se résigna à un de ces sacrifices qui n'évitent pas la ruine, mais qui la retardent ; il se résigna à jeter un os à ces loups dévorants. Croyant pouvoir mieux défendre une frontière moins éloignée, il renonça officiellement et pour jamais à la province de Dacie. La limite de l'Empire fut mise tout entière sous la protection du dieu Ister (le Danube). Les colons romains de la Dacie, leurs troupeaux, tout ce qui voulut suivre la fortune de l'Empire fut transporté sur la rive droite du fleuve, où les terres à défricher ne manquaient pas, grâce aux invasions ; et entre les deux Mésies on forma une province nouvelle qu'on appela la Dacie d'Aurélien. Vaine illusion de l'orgueil romain pour conserver sur les registres officiels le nom de la province qu'il abandonnait ! Le sacrifice dut être amer pour Aurélien. Né à une douzaine de lieues seulement à la droite du Danube, c'était presque son propre pays qu'il abandonnait. Il mettait les barbares aux portes de sa ville natale. Le Dieu Terme, ce dieu protecteur de Rome, ce dieu qui ne devait jamais reculer, reculait, sinon pour la première fois, au moins, plus ouvertement qu'il ne l'avait encore fait. Hadrien avait bien renoncé à des conquêtes, mais à des conquêtes à peine terminées par Trajan, et que plus tard l'Empire devait recouvrer. Aujourd'hui la Dacie conquise par Trajan, et romaine depuis cent soixante-dix ans, était abandonnée pour jamais. Il est vrai, Aurélien avait mis fin au démembrement de l'Empire ; il avait rétabli l'unité romaine, il avait étouffé l'indépendance des provinces : c'était sa gloire, c'était au moins son triomphe, mais son unique triomphe. Les Goths et les Sarmates fussent-ils demeurés quelque temps satisfaits de l'abandon de la Dacie, la paix avec eux ne pouvait être de longue durée ; et sans eux, il restait encore à Aurélien bien d'autres ennemis : Alemans sur les Alpes, Francs sur le Rhin, Marcomans sur le haut Danube, Perses sur l'Euphrate. Ces derniers surtout dont l'Empire touchait sur tous les points la frontière orientale de l'Empire romain, qui avaient fait de Valérien leur captif, qui avaient secouru Zénobie, qui étaient maîtres des communications par l'Asie entre Rome et les Indes, ces Perses, puissants, belliqueux, anciens ennemis du nom romain, étaient la préoccupation d'Aurélien. Les autres guerres terminées, il fallait un grand coup vers l'Orient ; son repos et sa sécurité étaient à ce prix. L'Empire romain, dit un
Allemand enthousiaste des Teutons ses aïeux, était
désormais pareil à ce géant fabuleux dont les membres sont brisés, qui dans
sa faiblesse peut encore porter des coups redoutables, mais qui n'est plus
maitre ni des résolutions de son âme, ni des mouvements de son corps. Les
peuples teutons formaient dès lors de puissantes ligues, tout le pays des bouches
du Rhin au Palus-Méotide leur appartenait ; la guerre leur avait enseigné la
guerre. Les armes que Rome avait forgées pour sa propre défense étaient entre
les mains des fils de la Germanie. Ils touchaient aux anciennes limites de
l'Empire et regardaient avec orgueil ces terres ouvertes de tous côtés qui
n'étaient plus défendues que par leur solitude[5]. Mais Aurélien avait encore un autre ennemi, un ennemi puisqu'il le jugeait tel, un ennemi qu'il rencontrait partout, un ennemi désarmé, utile auxiliaire à qui eût su le respecter, redoutable à qui voulait le combattre : l'Église chrétienne. Et la lutte d'Aurélien contre l'Église bien plus que sa lutte contre la Perse, allait remplir les derniers jours de son règne. Depuis la persécution de Valérien, l'Église n'avait cessé de grandir[6]. Quelques actes de violence sous l'usurpateur Macrien en Orient ou sous l'empereur Claude à Rome n'avaient point arrêté son progrès. La crise des trente tyrans l'avait probablement servi ; ces princes d'un jour, défenseurs improvisés que se donnaient les nations, avaient autre chose à faire que de persécuter, par respect pour les dieux romains et pour la légalité romaine, ceux qui étaient les meilleurs soldats contre les barbares, les meilleurs auxiliaires contre la peste, les 'meilleurs médecins de tous les maux de l'Empire. Aussi les Églises chrétiennes avaient tellement grandi qu'elles avaient grandi, hélas ! même en prospérité et en richesses temporelles ; et la grandeur temporelle, comme il n'arrive que trop souvent, amenait après elle quelques germes de corruption. Au temps où Aurélien guerroyait en Orient contre Zénobie, Paul de Samosate était évêque d'Antioche, et donnait un étrange exemple de ce que peut être la corruption des institutions les plus saintes. Jadis, il était païen ; il n'avait alors ni patrimoine, ni industrie. Devenu évêque, il était arrivé à une incroyable opulence. Dès ce temps et dans cette société encore païenne, c'était déjà un grand personnage qu'un évêque, et, en vendant son crédit, l'infâme Paul avait pu étonnamment s'enrichir. De plus, l'éloquence, l'enthousiasme, la séduction ne lui manquaient pas. Une pompe royale l'environnait ; revêtu par la faveur de Zénobie d'une magistrature civile (ducenarius), il aimait à se parer de ce titre profane. Il ne sortait pas sans un cortège magnifique, serviteurs qui le précédaient, serviteurs qui le suivaient, et à ses côtés des secrétaires auxquels il dictait des lettres en marchant ou assis dans sa litière. Dans son église il avait un trône comme celui des rois ou un tribunal comme celui des proconsuls ; comme ceux-ci, un rideau derrière lequel il se dérobait avant de rendre ses sentences. Sa parole était ardente et animée ; hommes et femmes réunis pêle-mêle pour l'entendre l'applaudissaient, bondissaient d'admiration et agitaient leurs mouchoirs comme au théâtre ; les gens calmes étaient mal notés. Le sujet de ses harangues, c'était sa propre glorification, la critique des anciens docteurs de l'Église. Le jour de Pâque, les femmes chantaient à l'église, au lieu des psaumes, un hymne de Paul en l'honneur de Paul. Il avait su façonner son clergé à son image ; l'évêché d'Antioche avait une suprématie traditionnelle sur une grande partie de l'Orient, et Paul en profitait pour tenir auprès de lui des évêques et des prêtres qui prêchaient au peuple la gloire de Paul. Dans ces hymnes et ces panégyriques il était appelé un ange descendu du ciel. Un scandale plus grand encore, s'il se peut, s'introduisait, grâce à lui, dans le clergé d'Antioche. Peut-être l'exaltation d'une vertu trop confiante en elle-même, peut-être aussi un déguisement du vice, peut-être enfin l'exemple de ces hommes mariés qui, admis au sacerdoce, à la condition de garder la continence, vivaient chastement avec celles qu'ils avaient épousées ; tout cela avait fait naître dans quelques églises un abus, au moins téméraire, quand il n'était pas criminel. Des femmes, de jeunes femmes non mariées, habitaient chastement, disait-on, sous le toit de certains clercs trop sûrs et trop orgueilleux de leur vertu[7]. Saint Cyprien s'était déjà élevé contre cet abus, et l'Église le condamna toujours. Mais, dans l'église pervertie de Paul de Samosate, il ne trouva ni condamnation ni barrière. Le chef lui-même de cette église eut ainsi une sœur auprès de lui ; il en eut plus tard deux, jeunes et belles, qui le suivirent partout. Les Pères du concile qui lui font ce reproche veulent bien croire qu'il n'y avait chez lui que scandale et non désordre ; mais chez d'autres que de désordres bien souvent ! et en tout cas quel scandale ! Enfin, au milieu de tels vices, la foi pouvait-elle rester intacte ? C'était impossible. Ou pour faciliter à Zénobie le passage du platonisme au christianisme, ou simplement parce que les mystères de la vie divine pesaient trop lourdement sur l'âme de Paul enfoncée dans les bassesses de l'orgueil, il avait abaissé le dogme de la Trinité jusqu'au déisme de Platon, il avait abaissé l'Homme-Dieu à la condition d'un être purement humain. A l'exemple de Théodote et d'Artémon au commencement du siècle, il voulait que le Christ fût né de la terre, tandis que lui, Paul, était venu du milieu des anges. Aussi la vigilance de l'Église ne tarda-t-elle pas à s'é veiller. Paul n'était pas évêque depuis plus de quatre ans qu'un concile se réunit à Antioche même (264), pour juger, sa conduite. Denys d'Alexandrie, infirme, âgé et touchant au terme de sa vie, ne put y venir ; il écrivit, non à Paul qu'il ne jugeait pas digne de la salutation chrétienne, mais à l'Église d'Antioche, pour condamner les erreurs de son chef. Lui excepté, les plus illustres évêques de l'Orient, Firmilianus de Cappadoce, Grégoire le Thaumaturge, Athénodore son frère, se trouvèrent là. Paul démasqué, combattu, s'humilia et promit de professer désormais une foi plus pure. Dans cette espérance, Firmilianus, qui présidait le concile, crut pouvoir ne pas prononcer de condamnation[8]. Cinq ans après (269), Paul était redevenu le même, et Firmilianus mourut à Tarse, comme il se rendait à Antioche, désabusé de sa confiante indulgence. Soixante-dix évêques réunis dans cette dernière ville n'eurent qu'à confirmer la sentence qu'avaient prononcée par avance ces deux illustres morts, Denys et Firmilianus. Ils déposèrent Paul, et mirent à sa place Domnus fils du dernier évêque d'Antioche, Démétrianus. Une lettre solennelle écrite à Denys évêque de Rome, à Maxime évêque d'Alexandrie, à tous les évêques et diacres, et à toute l'Église catholique qui est sous le ciel annonça ce jugement[9]. C'est ici qu'Aurélien intervient comme nul prince païen n'était encore intervenu. Domnus était devenu évêque ; les chrétiens fidèles se ralliaient autour de lui. Mais l'église même, le lieu d'assemblée, était entre les mains de Paul, et il ne voulait pas le céder. Zénobie, qui n'avait sans doute connu le christianisme que par la bouche de Paul, avait dû soutenir de son pouvoir celui qu'elle appelait son apôtre. Mais, quand Aurélien vainqueur fut devenu maître d'Antioche, les chrétiens ne craignirent pas de s'adresser à lui ; tant il leur semblait qu'aux yeux de tout homme de bon sens, l'existence légale de l'Église avait été conquise par le sang des martyrs Aurélien, si dévot païen qu'il pût être, n'osa dans cette question toute de justice invoquer les édits de persécution qui n'admettaient pour l'Église aucun droit. Comme avaient fait Alexandre Sévère et Gallien, il reconnut et l'existence légale du christianisme, et son droit de propriété, et le signe auquel la vraie Église chrétienne doit être distinguée de toute autre : L'édifice contesté appartiendra, dit-il, à ceux qui sont en correspondance avec le clergé d'Italie et l'évêque de Rome. Le bon sens de ce païen lui faisait mettre le doigt sur la solution décisive de toutes les questions d'orthodoxie. Paul fut expulsé par la force publique de l'Église d'Antioche[10]. L'Église d'Antioche retrouva donc la paix ; et c'est après avoir rétabli cette paix que Grégoire le Thaumaturge, retourné dans sa patrie, reçut enfin la récompense de ses labeurs : sentant sa fin approcher, il voulut se rendre compte de l'état de son Église ; il reconnut qu'ayant trouvé dans Néocésarée dix-sept chrétiens seulement, il n'y laissait plus que dix-sept païens. Il pria pour la conversion de ces derniers restes de l'infidélité, pour la sanctification des chrétiens fidèles, recommanda qu'on l'ensevelît dans le terrain d'autrui pour ne pas posséder un coin de terre même après sa mort[11]. Mais ce tombeau qu'il voulait si pauvre devait malgré lui être glorieux ; l'église où il fut placé était debout bien des siècles plus tard, après que des tremblements de terre eurent renversé la cité tout entière[12]. Lorsqu'il rendait ainsi justice à l'Église d'Antioche, Aurélien reconnaissait un droit dans le présent ; mais il ne prétendait pas engager sa politique pour l'avenir. Le prince, homme de bon sens, ne pouvait contester à. l'Église chrétienne la liberté dont ses luttes pendant deux siècles et dix années de paisible progrès l'avaient mise en possession ; mais s'engageait-il à la respecter à jamais ? Le politique sage et prudent, à peine vainqueur de Zénobie, ne voulait pas se jeter à la hâte dans la carrière des persécutions si funestes à ses devanciers ; mais le païen fervent ne gardait-il pas, pour les temps où son pouvoir serait assuré, l'espérance d'un dédommagement ? Il est permis de le croire, quand on voit Aurélien, arrivé au comble de la fortune, devenir fanatique, non-seulement des dieux de l'Olympe, mais de sa propre divinité, et permettre qu'on inscrive sur ses monnaies : A notre seigneur et notre dieu, Aurélien Auguste, restaurateur du monde[13]. Il paraît cependant que nul édit de persécution ne fut signé par Aurélien si ce n'est aux derniers jours de son règne. Mais le prince, absolu comme il l'était, n'avait pas besoin, s'il voulait persécuter de s'y autoriser lui-même par un édit formel. On cite quelques martyrs à Rome à une époque indéterminée de son règne, entre autres le jeune Sabas, Goth de nation, remarquable par la beauté de son visage et l'or de sa chevelure, déjà parvenu, comme il arrivait à tant de barbares, aux grades élevés de l'armée romaine, et qui, traduit devant l'Empereur, jeta à terre son baudrier et se déclara chrétien. Soixante-dix de ses soldats périrent avec leur chef[14]. On cite des martyrs principalement dans la Gaule. Peu après la défaite de Tetricus et son triomphe à Rome, Aurélien dut repasser les Alpes. La Gaule n'était encore qu'à moitié soumise. La ville de Lyon, ardente pour l'indépendance, durement traitée par Aurélien, murmurait contre lui ; les barbares étaient menaçants. Tandis que Probus, envoyé par Aurélien dans le Nord, battait les Francs vers les bouches du Rhin ; tandis que, dans la contrée où naît ce fleuve, un autre général, Flavius Constantius, petit-neveu de l'empereur Claude, triomphait dans la bataille de Vindonisse[15] d'une irruption alémanique, le jour même où lui naquit ce fils qui fut depuis Constantin le Grand ; l'empereur Aurélien qui commençait à vieillir était dans le centre de la Gaule, et le fortifiait ou contre l'ennemi du dedans ou contre l'ennemi du dehors. Il faisait de l'ancien Genabum (ou peut-être de quelque bourg situé non loin delà) une ville forte destinée à garder le point le plus septentrional du cours de la Loire, et se rattachant par des routes à Bourges, Tours et Lyon[16] ; il l'appelait de son nom Aurelianum. Il fondait ou fortifiait Dijon[17], car il fallait maintenant des points fortifiés dans l'intérieur même de la Gaule ; ni au dedans ni au dehors, rien désormais n'était sûr. Or, dans ce centre de la Gaule, si peu soumis encore et bien moins romain que le Midi, Aurélien rencontrait le christianisme en voie de progrès, ardent et vivace. Aurélien ne fut pas ici ce qu'il avait été en Orient ; étourdi par l'orgueil de ses victoires, les chrétiens ne furent pour lui qu'une autre espèce d'insoumis. Plusieurs des apôtres de ces contrées et plusieurs de leurs disciples payèrent de leur vie l'honneur qu'ils avaient eu les uns d'apporter, les autres de recevoir des premiers la semence évangélique ; tels Marcel et Anastase, chez les Bituriges ; à Sens ou près de Sens, Savinien, Potentien, Sanctus, la vierge Columba ; à Auxerre, Pérégrin ; à Troyes, Patrocle, Sabinianus et Sabina, la plupart jetés de Rome dans les Gaules par les persécutions de Valérien quelque quinze ans auparavant. C'est ainsi que la persécution enfantait l'apostolat, et que l'apostolat à son tour enfantait le martyre[18]. Mais les dangers de l'Empire laissaient peu de loisir au prince, même pour persécuter les chrétiens. Une invasion de barbares en Vindélicie l'appela promptement des bords de la Seine sur ceux du Danube ; de là il fallut passer en Illyrie, et c'est d'Illyrie que, libre enfin de toute irruption de barbares et de toute guerre intérieure, il se dirigea vers le Bosphore, appelant à lui de nombreuses légions et s'apprêtant à infliger au petit-fils de Sapor une honte égale à celle qu'avait subie Valérien. Néanmoins (comme si les Perses et les chrétiens eussent fait cause commune), dans sa folie et pour son malheur, il s'apprêtait à frapper un nouveau coup sur l'Église chrétienne à laquelle il n'avait pourtant à reprocher ni une attaque ni un outrage. Il avait jusque-là, au gré de son caprice, semé la persécution sur ses pas et laissé sur sa route quelques gouttes du sang des martyrs. Mais il s'agissait maintenant par un édit solennel de convier l'univers entier à la persécution et de renouveler les fureurs administratives que Dieu avait si promptement châtiées dans la personne de Dèce et de Valérien. Il s'agissait de ravir au christianisme, officiellement et dans tout l'Empire, une liberté qui depuis quatorze ans ne lui avait plus guère été disputée. L'édit était prêt, Aurélien allait y ajouter son approbation quand la foudre éclata près de lui et lui paralysa au moins pour un moment le bras droit. Il fut effrayé de cet avertissement de Dieu[19], et la persécution demeura suspendue. Mais quelque temps après, la passion idolâtrique le ressaisit, il oublia Dieu et sa foudre ; l'édit lui fut présenté de nouveau et cette fois fut approuvé[20]. Mais, pendant que ces lettres sanglantes, ainsi que les appelle un Père de l'Église, parcouraient l'Empire en semant autour d'elles la terreur et le meurtre, avant même qu'elles ne fussent parvenues aux provinces éloignées, Aurélien lui-même était allé comparaître devant un autre Juge. Il avait un secrétaire sténographe (notarius) appelée Mnesthée, son affranchi, et qui avait reçu bien des confidences de son maître. Mnesthée en abusa ; Aurélien eut des soupçons, fit entendre des menaces ; Mnesthée savait assez que son maître ne menaçait pas en vain, et, une fois irrité, ne pardonnait jamais. Il eut recours à une ruse plus d'une fois employée à la cour des Empereurs et qui réussissait toujours : il fabriqua une fausse liste de proscription, y inscrivit les noms des principaux officiers de l'armée, et la fit parvenir aux intéressés. En pareil cas, une liste de proscrits est une liste de conspirateurs toute faite, et on se laissa d'autant plus aisément tromper par cette fraude qu'on connaissait la dureté d'Aurélien. Avant peu de jours, Aurélien était couché sur le sol, à Cœnophrourion (Château neuf), obscure station loin de la mer, entre Héraclée et Byzance. Un des chefs de l'armée nommé Mucapor, seul ou assisté de ses complices (car on ne sait même pas les circonstances du meurtre), venait de ravir au monde romain un des plus vaillants guerriers et un des souverains les plus énergiques qu'il eut possédés. Le meurtre ne fut pas plutôt connu que les complices s'en repentirent, et que les autres en eurent horreur. La ruse de Mnesthée fut bientôt découverte, il fut livré aux bêtes ; l'armée fit à Aurélien de magnifiques obsèques, lui dressa même un temple et le proclama dieu. Les plus ardents à le déifier furent ceux qui avaient conspiré contre lui, afin de couvrir ou au moins d'excuser leur complicité. Pendant ce temps les lettres sanglantes continuaient leur voyage, et, par ordre du prince mort, le sang chrétien coulait déjà dans la Thrace et l'Asie-Mineure. Ces régions qui avaient reçu les premières l'édit de persécution virent des martyres s'accomplir à Byzance, à Éphèse, à Césarée de Cappadoce et ailleurs. A Icone, le vieillard Conon qui, depuis des années, vivait de la vie des anachorètes et étonnait le monde par ses miracles, fut traduit devant le préfet Domitien avec son jeune fils, sous-diacre. Il ne demanda d'autre grâce que celle de souffrir de longues tortures avant de mourir, afin, disait-il, de sentir la joie du supplice. PC« le satisfaire, on coucha les deux saints sur un lit de fer rougi, on leur scia les mains avec une scie de bois. Ils se raillaient de la faiblesse de leurs bourreaux : Ainsi, des manchots, disait Conon, des manchots vous tiennent en échec. Au dernier moment, ils firent avec leurs bras mutilés, comme ils purent, le signe de la croix, et, une voix du ciel ayant applaudi à leur mort, le préfet s'enfuit épouvanté. C'était la dernière défaite d'Aurélien[21]. Pourquoi cet homme qui a fait de si grandes choses n'a-t-il pas laissé un plus grand renom ? Un puissant génie, une volonté forte, un grand pouvoir, des batailles gagnées, du sang versé, des peuples soumis, un Empire relevé ou fondé, pour quelques années ou même pour quelques jours : voilà ce qui a fait la gloire d'un Alexandre, d'un César, d'un Frédéric ; voilà même ce qui, pour le vulgaire, fait toute la gloire d'un Charlemagne ou d'un Napoléon. Rien de tout cela n'a manqué à Aurélien. Les peuples chez qui le culte de la force est si profondément enraciné auraient bien pu le mettre sur ces mêmes autels où, depuis Jupiter, ils ont adoré tant de faux dieux. Pourquoi ne l'ont-il pas fait ? Il serait difficile de le dire. La populace, contemporaine ou posthume, a ses caprices. De telles adorations sont trop peu raisonnables dans leur principe pour ne pas être inconséquentes dans leurs choix. Qu'importe du reste ! Les adorations de la postérité sont une récompense assez creuse pour pouvoir être distribuée an hasard. Ceux qui les ont le plus ambitionnées pendant leur vie, certainement ne s'en soucient guère après leur mort ; et, s'ils reçoivent, là où ils habitent, cette vaine rémunération de leur vanité (mercedem suam receperunt vani, vanam), ils la reçoivent probablement avec plus d'amertume que de joie. Mais ce qui importe, et ce qui sera la tâche de l'histoire, quand elle cessera d'être le courtisan (ou plutôt la courtisane), de tout ce qui a eu la force entre les mains, c'est de montrer combien est faux, pernicieux, insensé, ce culte que le monde et l'histoire elle-même ont voué jusqu'à présent à la force aux dépens de la vertu. Cette force, je le sais bien, s'appelle grandeur, s'appelle énergie, s'appelle génie. Mais peu importe. Ce ne sont jamais que des dons, et non des mérites : ce sont des instruments que Dieu a remis à un être humain pour qu'il fit un plus grand bien et accrût la gloire de Dieu en ce monde. D'autant plus coupable sera-t-il, si au lieu de faire le bien, il fait le mal ; s'il travaille, non à la gloire de Dieu, mais uniquement à sa propre grandeur. Le plus grand homme n'est pas dispensé d'être honnête homme ; il y est même obligé plus que tout autre. Apprenons donc, s'il se peut, à bien placer nos admirations ; apprenons-le, non pour ceux que nous admirons, et à qui nos admirations importent peu, mais pour nous-mêmes. Quoi qu'il en soit, grâce au génie et aux victoires d'Aurélien, c'en était fait de cette espérance de liberté qui avait lui pour les populations de l'Europe romaine sous le règne de ces hommes que les idiomes antiques appelaient des tyrans. Ce système de prépondérance militaire qui avait fait de Septime Sévère à Gallien le malheur et la ruine de l'Empire ; qui, un instant, à cause de l'affinité existant entre l'armée et les populations, avait semblé prêt à aboutir à des révolutions nationales ; cette prépondérance militaire reprenait son cours. Elle allait continuer à faire des empereurs, chefs absolus du monde romain tout entier. Sous la pression du danger extérieur, elle allait même en choisir quelques-uns auxquels le courage et la dignité ne devait pas manquer ; mais, ne les choisissant que pour les renverser le lendemain, elle défaisait promptement le bien qu'elle avait voulu faire. Malheureux Empire qui, n'ayant ni patriotisme ni religion, ne pouvait avoir ni la stabilité d'une monarchie ni la liberté d'une république ! |
[1] Plus auri esse in rerum natura quam argenti, sed aurum per varios bractearum, filorum et liquationum usus perire, argentum autem in suo usu manere. Vopiscus in Aureliano, 48.
[2] Vopiscus, 35, 47, 48.
[3] Hiberorum,
Riparensium (a
[4] Quasi fatale quiddam incessit, ut, omnia quæcumque gessero, omnes motus ingrareseant. Aurel. apud Vopiscum (?), 38.
[5] Luden, Histoire du peuple allemand, l. IV, ch. 5.
[6] Une preuve curieuse du progrès du christianisme depuis le commencement du troisième siècle, ce sont les signes de christianisme, intelligibles sans doute, aux seuls fidèles, qui nous apparaissent sur les monnaies de quelques empereurs, introduits là probablement par des graveurs chrétiens. Ainsi des monnaies de Septime Sévère, de Macrin et de Philippe, portent au revers l'arche de Noé où apparaissent un homme et une femme vus à mi-corps ; au-dessus, deux oiseaux, dont un tient une branche d'arbre ; en dehors de l'arche, un homme et une femme levant la main comme pour adorer, et le mot ΝΩΕ. Ce sont des monnaies de la ville d'Apamée en Syrie, qu'une ancienne tradition avait fait surnommer κιβωτός (arche, coffre). L'arche de Noé figure souvent dans les catacombes chrétiennes.
Une monnaie de Mania en Lydie, avec la tête de l'empereur Dèce, porte au revers le triomphe de Bacchus, entouré de la légende ΕΠΙ ΑΥΡ. ΑΦΦΙΑΝΟΥ Β ΑΡΧ Α... (sous Aurelius Apphianus, deux fois archonte, agonotohète, etc...) Mais il est à remarquer que les dernières lettres ΑΡΧΑ sont disposées de manière à reproduire le monogramme du Christ entre deux Α, et à le placer au sommet de la médaille. (V. M. Lenormant, Trésor de numismatique ; M. de Witte, dans les Mélanges d'archéologie du P. Martin, t. III).
Enfin plusieurs monnaies de Tetricus, toutes païennes d'ailleurs, portent des croix, l'une sur un autel, d'autres dans le champ, une autre en sautoir, peut-être pour rappeler le χ grec initial du mot χριστος. — Une autre pièce porte un homme nu et une femme, avec un arbre entre eux deux (Adam et Ève ? ou la dispute de Minerve et de Neptune ?) M. de Witte, Les empereurs romains de la Gaule, Monnaies de Tetricus le père, 248, 250, el, 270.
[7] Sur ces Agapètes, ainsi qu'on les appelait, V. S. Cyprien ; S. Jérôme, Ép. 18, ad Eustochium.
[8] Eusèbe, VII, 27, 30.
[9] Epistola synodalis apud Eusèbe, VII, 20.
Cette condamnation est mentionnée dans les inscriptions des conciles à Bethléem : Le saint synode d'Antioche de Syrie, composé de 33 évêques, antérieur au concile œcuménique de Nicée, a eu lieu contre Paul de Samosate, qui enseignait que le Christ est un simple homme. Le saint synode l'a anathématisé, comme auteur d'une fausse doctrine. Corpus inscript. grœcorum, 8956. Sur l'emploi du mot ομοουσιος par le concile d'Antioche, V. le P. de Smedt, Dissertatio VI.
[10] Eusèbe, Hist. E., VII, 30.
[11] Gregorius Nyssenus in vita
Gregorii.
[12] V. Théodore Lect., Collectio,
II ; Cedrenus in annum XII Anastasii. Suidas in Histor. Nicéphore
Calliste, VI, 17.
[13] Monnaie : DEO ET DOMINO NATO (nostro ?) AVRELIANO AVG. Tête radiée ; au revers : RESTITVTORI ORBIS.
[14] Martyrs à Rome :
Saint Sabas et 70 soldats (24 avril), — saint Félix, pape, 30 mai (29 décembre), — 165 soldats, (10 août).
A Interamnes (Terni) : Saint Apollonius et ses compagnons, 14 avril. —A Sora, sainte Restitute vierge et Cyrille prêtre, 27 mai. — A Sutri, saint Félix prêtre, 23 juin. — A Cluse en Étrurie, SS. Irénée, Mustiola et d'autres, 3 juillet. — A Porto Romano, SS. Eutrope, Zosime, Bonosa et 50 soldats, 15 juillet. — A Préneste, saint Attale ou Anastase, 21 août.
[15] Windisch, dans le canton d'Argovie, an confluent de l'Aar et de la Linmat.
[16] L'opinion générale identifiait Genabum avec la ville d'Aurélien ou l'Orléans actuel. Cependant quelques savants inclinent à reconnaître Genabum dans Gien.
[17]
Gregor. Turon., Hist.
Francor., III, 19.
[18] Martyrs dans les Gaules sous Aurélien : — A Autun, SS. Reverianus, évêque, Paul prêtre, et dix autres, 1er juin. — A Sens, SS. Sanctianus, Augustinus, Félix, Enbertus, septembre ; Beata, sœur de Sanctianus, 27 juin ; Savinien, Potentien, Altinus, Columba vierge, 31 décembre (29 octobre) ; Sidronius, 8 septembre. — A Auxerre, SS. Peregrinus, premier évêque, 16 mai ; Marsus prêtre, 4 octobre ; Jovien sous-diacre, Jovinien lecteur, 5 mai.— A Toussy près d'Auxerre, saints Priscus (Prix), Collas et leurs compagnons, 26 mai. — A Argenton, en Berry, SS. Marcel et Anastase, 29 juin. — A Troyes, SS. Patrocle, 21 janvier, Sabinianus, Sabine vierge et beaucoup d'autres, 29 janvier (2 juin, 29 août, 5 septembre) ; Vénérand, 14 novembre : Julie vierge ; Claude, chef barbare, et beaucoup d'autres, 21 juillet. — Tous ces martyrs sont indiqués dans leurs actes comme ayant souffert sous Aurélien, et, selon ce qu'on ajoute quelquefois, à l'époque de la guerre contre les barbares. Aurélien y est qualifié d'imperator ; faut-il entendre par ce mot général d'armée et faire remonter ces martyrs à l'époque où Aurélien fut envoyé dans les Gaules par Valérien, les rattachant ainsi à la persécution de Valérien ? C'est ce que fait M. Thierry, Histoire de la Gaule sous la domination romaine. Nous suivons les actes dans leur sens le plus littéral, tout eu reconnaissant que l'une et l'autre interprétation est acceptable.
[19] Eusèbe, Hist. E., VII, 30, et Chronic.
[20] Lactance, De mortib. persecut., 6.
[21] Martyrs sous Aurélien en Orient : à Byzance, Lucilianus vieillard, trois enfants et la vierge Paula, 3 juin. — A Éphèse, saint Porphyre, 4 novembre. — A Césarée de Cappadoce, SS. Magnus, 19 août ; Marnai on M'animés, 17 août. (Sur ce dernier, voy. D. Ruinart, Acta sincera, saint Grégoire de Nazianze, Oratio, 43). — A Icone, SS. Conon et son fils, 29 mai ; Cariton, (28 septembre), confesseur et non martyr, parce qu'ayant souffert sous Aurélien, il fut délivré par l'empereur Tacite. — A Ancyre, saint Philomenus, 22 novembre. — En Phrygie, saint Quintin, dit le thaumaturge, confesseur, délivré miraculeusement, 2 juillet (2 mars, 2 et 13 mai). — En Asie (sans autre désignation de lieu), saint Héliodore et ses compagnons (21 avril).