LES CÉSARS DU TROISIÈME SIÈCLE

TOME TROISIÈME

LIVRE VII. — L'ÉPOQUE DITE DES TRENTE TYRANS - 260-275

CHAPITRE III. — VICTORINA ET ZÉNOBIE - 267-268.

 

 

Gallien, toujours appuyé sur Auréolus, était donc entre un empire d'Orient aux mains d'Odénath qu'il lui avait bien fallu reconnaître, et un empire d'Occident gouverné par Postume contre lequel il luttait toujours ; lorsque deux catastrophes simultanées changèrent, non la situation de ces deux empires, mais la personne de ceux qui les gouvernaient. Et, chose étrange 1 ce furent deux femmes qui, l'une à l'Orient, l'autre à l'Occident, eurent plus ou moins ouvertement le pouvoir entre leurs mains, et représentèrent en face de Rome et de Gallien l'indépendance des nations.

De ces deux événements qui, après tant de péripéties, vinrent encore émouvoir le monde, le premier fut la chute de Postume. Il avait vigoureusement lutté jusque-là, et an nord contre les barbares et au midi contre les soldats d'Auréolus et de Gallien. Plusieurs fois vaincu, il n'avait jamais cédé ; Auréolus qui voyait en lui une sauvegarde contre Gallien ne l'avait peut-être poursuivi que mollement ; et, en dernier lieu, une flèche lancée des remparts d'une ville assiégée avait blessé Gallien, fait lever le siège et sauvé Postume. En un mot Postume s'était affermi ; il avait constitué, à l'encontre des Francs et des Césars de Rome, une Gaule nationale, en même temps que romaine c'est-à-dire civilisée. Mais les Gaulois, dit l'historien ancien, ont toujours du goût aux révolutions[1] ; Postume fut bientôt jugé un César trop sévère. Un certain Lollianus ou Elianus[2] se souleva dans Mayence. Cette ville allait être prise par les soldats de Postume, lorsque entre eux et leur empereur une querelle s'éleva ; les soldats voulaient piller Mayence, l'Empereur ne voulait pas la leur livrer. Dans cette querelle, comme on pouvait s'y attendre, les soldats eurent le dessus ; Postume, le héros de la Gaule, son défenseur contre les barbares, Postume fut tué par ses soldats, et avec lui son fils qu'il avait associé à l'Empire (267).

La liberté des Gaules eut alors pour sauvegarde le courage et l'énergie d'une femme. Cette femme s'appelait Victorina[3] ; elle était riche ; elle avait passé une grande partie de sa vie dans les camps, à la suite sans doute de son mari ; les légions l'appelaient leur mère, la mère des armées ; ses monnaies la représentent le casque en tête. Comme une autre femme le faisait à la même heure en Orient, elle eût pu se faire proclamer chef de l'Empire ; mais sa passion était, on peut le croire, l'ambition moins que le patriotisme. Un soldat seul pouvait affermir la liberté de la Gaule ; et elle fit l'un après l'autre empereurs trois soldats.

Le premier fut son fils, Victorinus, qu'elle avait déjà décidé Postume à s'associer comme troisième Auguste. La Gaule se partagea un instant entre Victorinus et Lollianus : l'un et l'autre étaient braves (car tous ces tyrans, l'histoire leur rend cette justice, furent de courageux soldats) ; Lollianus, tout en combattant en deçà du Rhin contre Victorinus, combattait au delà du Rhin contre les Germains, et relevait sept châteaux forts que Postume avaient construits sur l'autre rive et que les barbares avaient déjà repris. Mais l'un et l'autre devaient bientôt finir. L'indiscipline des soldats était le mal radical de cette époque ; plus d'empereurs furent tués par leurs soldats que par leurs ennemis. Lollianus imposait aux siens, disait-on, de trop rudes travaux ; ils l'assassinèrent. Quant à Victorinus, il était jeune ; il avait des qualités éminentes ; un écrivain de son siècle le compare à la fois à Trajan, à Antonin, à Nerva, à Pertinax, à Sévère. Mais, ajoute-t-il, l'amour des femmes le perdit ; et l'on ose parler des grandes qualités de cet homme, quand on songe que, de l'aveu de tous, il a été justement mis à mort[4]. Un greffier dont il avait séduit la femme, ourdit un complot contre lui, et il fut tué à Cologne[5].

La malheureuse Victorina, frappée comme citoyenne et comme mère, ne désespéra pourtant pas. Elle avait un petit-fils, un enfant. Elle l'offrit et au prince mourant et aux légions, pensant que son âge et les derniers vœux d'un César seraient au moins respectés. Les soldats furieux ne respectèrent rien, pas plus l'innocence du fils que les services du père. L'enfant périt sous leurs coups ; et plus tard, on voyait près de Cologne, deux dalles de marbre, étroites, sans ornements, l'une muette, l'autre portant cette inscription : Ici gisent les deux Victorins tyrans[6].

Après cette nouvelle douleur, Victorina ne désespéra pas encore. Son ascendant sur les soldats qui n'avait pu sauver son fils et son petit-fils se réveilla pourtant, et ils voulurent encore avoir un empereur de sa main. Le forgeron Marius fut, grâce à elle, élu empereur des Gaules pour quelques jours. Il avait cette force de corps qui est un mérite auprès des esprits grossiers, et qui avait fait jadis la fortune de l'empereur goth Maximin. Il avait un autre mérite encore, si, comme on peut le croire d'après les écrivains du sixième siècle, c'était lui qui, arrivé par son courage aux premiers grades de l'armée, avait vaincu auprès d'Arles le roi aleman Chrocus, dévastateur de la Gaule. Il avait le don d'une certaine éloquence énergique et soldatesque, si nous en jugeons par la harangue qui inaugura son règne de quelques jours : Je sais, camarades, qu'on peut me reprocher le premier métier que tous vous m'avez vu exercer ; mais fassent les dieux que je ne manie jamais que le fer, que je ne m'abrutisse pas avec le vin, les fleurs, les femmes, les tavernes, comme le fait ce Gallien, indigne de son père et de la noblesse de sa race. Qu'on me reproche d'être forgeron, pourvu que les peuples étrangers reconnaissent à leurs défaites un homme habitué à tenir le fer.... Je dis cela, parce que je sais que ce misérable débauché, fléau du genre humain, ne saurait rien me reprocher si ce n'est d'avoir forgé des épées. Dans ces rudes paroles qu'on ne peut guère supposer inventées par un rhéteur du quatrième siècle, il y a le double sentiment qui à cette heure, à tous les bouts de l'Empire, soulevait les légions et les peuples ; le besoin de repousser les barbares et l'indignation contre Gallien. Mais l'indiscipline soldatesque ne laissait pas vivre longtemps les princes qu'elle avait faits. Dès le troisième jour de son règne, s'il faut en croire Pollion, un camarade de forge et de caserne qui se crut méprisé par Marius le perça de son épée en lui disant : C'est toi qui l'as forgée[7].

Après lui, à ce qu'il semble, ce fut Victorina elle-même que les soldats voulurent mettre à leur tête ; il faut qu'une sorte d'adoration superstitieuse se soit unie au respect qu'inspiraient l'ardeur patriotique et l'énergie de cette femme. Victorina refusa pourtant ce fardeau que pouvaient seules, disait-elle, porter des épaules viriles. Son parent Tetricus, Gaulois d'origine, mais sénateur de Rome, et qui avait successivement gouverné les différentes parties de la Gaule, fut celui qu'elle choisit, qu'elle décida à accepter la pourpre, qu'elle proposa aux soldats et fit agréer par eux. Ce ne fat pas sans quelque peine ; on remarque que l'or de Victorina prépara ou récompensa cette élection. Il avait fallu en effet de là hardiesse pour choisir Tetricus. C'était un magistrat pacifique mis à la tête d'un Empire qui jusque-là avait ét6 surtout une insurrection de soldats. Victorina voulait que la souveraineté sortît enfin du joug des casernes. Ce fut loin des légions dont les campements étaient vers le bord du Rhin, ce fut à Bordeaux où il résidait comme gouverneur d'Aquitaine, ce fut dans une province et dans une cité toute pacifique que Tetricus et son jeune fils prirent la pourpre[8]. Quant aux légions, elles avaient Victorina au milieu d'elles ; elles lui décernaient solennellement le titre de Mère (Mère des camps ou Mère des armées), elles l'appelaient solennellement l'Empereur Victorina. Ayant ainsi tous les titres et toute la dignité du souverain, mère[9] et aïeule d'empereurs soldats, portant le casque au moins sur ses monnaies, aimée du soldat et libérale envers lui, Victorina, autant qu'il se pouvait faire en pareil temps, répondait à Tetricus de la fidélité de l'armée. Et, grâce à cette harmonie entre le sénateur devenu César et l'héroïne des légions du Rhin, il se fondait pour les trois contrées de l'Occident, un gouvernement moins exclusivement militaire, par conséquent plus stable, plus réellement national, plus sincèrement civilisé que n'était alors aucun des gouvernements du monde romain.

Victorina, avant de mourir, put donc croire avoir fondé l'indépendance de sa chère nation gauloise, et (chose merveilleuse en ce siècle) les deux Tetricus, quoique souvent inquiétés par l'indiscipliné des légions, n'en furent point victimes ; ils eurent six années entières de règne et ne furent ni assassinés, ni détrônés par leurs soldats.

En Orient, un crime pareil à celui qui avait renversé Posthume amenait un résultat pareil, et même affermissait plutôt qu'il n'ébranlait le trône qu'Odénath avait fondé. Odénath périssait l'année même où venait d'être frappé Posthume ; et ce qui apparaissait après lui, c'était, plus manifestement encore que dans les Gaules, la suprématie d'une femme. Une femme, plus heureuse que Victorina, devait donner aux peuples de l'Orient le bienfait inouï de six années sans révolution ; et cette femme devait mourir vaincue, il est vrai, mais chose bien rare, mourir dans son lit.

Voici en effet ce qui se passa. Odénath avait été le vrai chasseur du désert, accoutumé dès son enfance à poursuivre à travers les sables les lions et les panthères. C'est ainsi qu'il s'était préparé à poursuivre Sapor à travers les montagnes et sous le soleil de la Perse. Son fils, le jeune Hérode[10] n'était ni un Sarrasin, ni un Arabe ; mais c'était un Asiatique, un Grec dégénéré, aimant les pavillons, les tentes ornées, toutes les délicatesses chères aux Persans ; et la faiblesse paternelle, comme pour encourager ces tristes penchants, lui avait livré, après la victoire sur Sapor, toutes les richesses de ce prince, ses pierreries, ses femmes, choses dont Odénath n'eût pas voulu pour lui-même. Ces vices ne furent point pardonnés à Hérode par un homme qui pourtant les avait aussi. Dans un festin solennel, Hérode et Odénath furent assassinés par leur parent Méonius — il fallait toujours que père et fils régnassent et mourussent ensemble. Méonius fut même proclamé un instant ; mais les soldats virent bientôt qu'ils s'étaient trompés, et le tuèrent[11].

Heureusement, il restait pour gouverner l'Asie romaine un plus grand homme qu'Hérode ou même qu'Odénath, Zénobie, belle-mère de l'un et veuve de l'autre[12]. Elle aimait à se dire descendante de ces trois illustres reines orientales, Didon, Sémiramis et Cléopâtre. Elle avait, on pouvait le croire, toute leur beauté. Mais bien différente d'elles, elle était chaste, même plus qu'il n'est demandé à une épouse de l'être. L'annaliste dont nous nous servons décrit son extérieur comme bien rarement les anciens s'arrêtent à décrire la beauté d'une femme : Elle était brune ; son visage avait quelque chose de l'aigle (vultu subaquilo) ; il y avait dans ses yeux noirs une énergie extraordinaire, une sorte d'inspiration divine, et en même temps une grâce inexprimable ; ses dents étaient si blanches qu'elle avait, disait-on, non des dents, mais des perles ; sa voix était claire et forte comme celle d'un homme. Sauf cette beauté de la femme et cette chasteté de la mère de famille, Zénobie n'avait rien de son sexe. Voyageant à cheval plus souvent qu'en char ou en litière faisant quelquefois plusieurs milles à pied avec les soldats, buvant au besoin avec les Arméniens et les Perses, mais ne s'enivrant pas comme eux, elle avait chassé et guerroyé comme Odénath et avec Odénath ; on titi attribuait la grandeur politique et même les succès militaires de son mari. Sur le trône et sûr le champ de bataille, comme dans la demeure conjugale, son ascendant avait su dompter l'énergie de ce soldat du désert. Au milieu des magnificences et des largesses d'une reine, elle savait garder une économie intelligente qu'on n'eût pas attendue de la part d'une femme : Elle était femme et elle pouvait conserver un trésor ; elle était au besoin sévère comme un tyran, clémente comme les meilleurs princes[13]. Elle avait rêvé avec Odénath la restauration d'une Asie indépendante avec la civilisation grecque et romaine ; et l'Asie renaissait en effet sous l'influence de celle que l'on proclamait la plus illustre et en même temps la plus belle des filles de l'Orient[14].

Quand son mari fut mort et vengé, Zénobie, au nom do ses jeunes fils proclamés Augustes, régna ouvertement. De la Méditerranée à l'Euphrate, tout le pays lui obéissait ; une partie au moins de l'Asie-Mineure lui était soumise ; l'Égypte avait été conquise par ses généraux, au nom de l'Empire[15]. Elle se fit Empereur plus ouvertement que n'osait le faire Victorina. Reine de Palmyre, et proclamée Auguste peut-être par Gallien lui-même, elle porta la pourpre romaine avec le diadème oriental ; elle se fit adorer à la façon des rois de Perse, et servir à ses repas comme les empereurs romains. Elle parut devant ses soldats, avec les jeunes Augustes, Athénodore (Ouahallath), Hérennianus (Hairan) et Timolaüs (Thaïmi), le casque en tête, avec une bordure de pourpre d'où pendaient des pierres précieuses, sa tunique grecque frangée de pourpre rattachée sur l'épaule, un de ses bras nu. Après avoir vu et avoir subi de la part de la toute puissante Rome les Néron, les Caracalla, les Élagabale, l'Asie à son tour était fière de se donner pour reine cette fille de Sémiramis, si belle, si courageuse, si chaste, si éloquente.

Nul éloge n'est plus remarquable que celui que faisait d'elle, quelques années plus tard, le prince qui finit par la vaincre : On ne sait pas, dira un jour Aurélien, ce qu'est cette femme, sa prudence dans les conseils, sa constance dans ses desseins, sa dignité en face des soldats, sa libéralité quand il faut être libérale, sa sévérité quand la sévérité est nécessaire. de puis affirmer que c'est à elle qu'Odénath a dû de vaincre les Perses et de poursuivre Sapor jusque dans Ctésiphon. Elle a inspiré une telle crainte à l'Orient et à l'Égypte que ni Arabes, ni Sarrasins, ni Arméniens n'osaient bouger... Et je sais apprécier le service qu'elle a rendu à la république romaine, quand elle a, pour elle ou pour ses enfants, gardé contre les Perses l'empire d'Orient[16]. C'est ce qu'un vainqueur pourra dire ; mais à l'époque dont nous parlons, Zénobie n'avait encore été vaincue par personne.

Aussi était-ce le comble de la honte pour le pauvre Gallien, dénoncé par toutes les provinces et par toutes les armées comme indolent et débauché, que le spectacle de cette énergie et de cette vertu féminine. L'Augusta de Palmyre faisait un contraste trop parfait avec l'Auguste de Rome. Gallien oublia donc les services qu'Odénath avait rendus à l'Empire et à lui-même, les efforts que, seul au monde, Odénath avait faits pour délivrer l'Empereur captif, la docilité modeste avec laquelle il n'avait rien voulu tenter contre la suprématie romaine et n'était devenu empereur que par un décret de Gallien. Gallien craignit sans doute que Zénobie, livrée à elle-même, ne se montrât moins modeste que ne l'avait été son mari. Aussi, sous prétexte de délivrer son père, auquel il pensait pour la première fois au bout de sept ans, mais en réalité pour détrôner Zénobie, Gallien envoya une armée en Orient. Pour la première fois depuis ces temps de révolutions, les soldats de Rome et les soldats de Palmyre qui avaient toujours combattu ensemble se rencontrèrent en face les uns des autres. Les armées de Zénobie, heureuses jusque-là en combattant pour Rome, ne le furent pas moins en combattant contre elle. Héraclianus, le général de Gallien, fut vaincu ; l'Asie triompha, et la chaîne qui la rattachait à Rome était brisée.

Et l'Asie qui allait revivre, ce n'était pas l'Asie barbare, inintelligente, débauchée, superstitieuse des Nabuchodonosor on des Cambyse. Zénobie connaissait trop bien les grandeurs et les beautés de l'Occident pour n'en savoir pas garder sa part. Quoique sa première éducation eût été celle d'une Syrienne, elle parlait la langue égyptienne ; elle lisait la langue grecque ; elle s'essayait à la langue de Rome ; elle voulut que ses fils la parlassent avant toute autre. Elle savait l'histoire de l'Orient, celle d'Alexandre, celle des Romains. Longin, l'illustre rhéteur, l'auteur, a-t-on dit, du Traité du Sublime, était son secrétaire.

L'élévation de son esprit et la pureté de ses mœurs devaient la mener plus loin encore.

Le sol qui lui avait donné naissance n'était pas sans contenir quelques germes de vérité. Une colonie juive y habitait depuis longtemps[17] ; elle s'y retrouvait encore au douzième siècle après notre ère[18]. Les inscriptions païennes de Palmyre s'adressent quelquefois sans doute au soleil et à la lune sous des noms divins ; mais souvent aussi elles emploient une formule d'une pureté remarquable : Le Bon, le Miséricordieux, Celui dont le nom est béni dans l'éternité[19]. On croit même y rencontrer une épitaphe chrétienne au second siècle, qui serait la plus ancienne des inscriptions chrétiennes de l'Orient[20].

Il était impassible qu'une telle femme, en un tel temps, s'arrêtât aux superstitions accréditées du paganisme oriental ; et il était non moins impossible qu'une telle âme fût sans Ohm, qu'elle demeurât dans ces régions avilissantes du doute et du néant, qui sont au-dessous même du paganisme. Obéissant à un entraînement qui était alors celui de bien des âmes et que nous a décrit Clément d'Alexandrie, la philosophie green que, la philosophie de Pythagore et de Platon l'avait prise comme par la main, et l'avait menée dans une région supérieure aux aberrations païennes. Là, elle avait trouvé un autre guide, un guide divin : les livres hébraïques, si répandus dans le monde païen depuis qu'ils avaient commencé à parler la langue de Platon, lui avaient apporté une lumière nouvelle, plus sûre et plus resplendissante ; elle avait trouvé dans la synagogue la vérité dont la synagogue avait en effet le dépôt, et elle s'était faite disciple de Moïse. Mais elle ne pouvait ignorer, et elle ne put voir d'un œil indifférent l'existence d'un judaïsme plus parfait ; Moïse n'eut pas de peine à lui faire soupçonner Jésus-Christ. A qui elle s'adressa pour franchir ce dernier pas, et Gomment un enseignement hétérodoxe put tromper la sincérité de son cœur, c'est ce que nous dirons un peu plus tard.

Telle était donc cette femme qui, à l'Orient, comme Victorina à l'Occident, relevait l'indépendance des na, lions et protestait contre le joug de l'absolutisme romain. Ces deux femmes, séparées par l'Empire de Gallien, placées si loin l'une de l'autre, mais dignes l'une de l'autre, purent-elles s'entendre du Rhin à l'Euphrate par-dessus la tête de ce César trop orgueilleux pour s'allier à elles, mais impuissant à les vaincre ? Nous pouvons le croire ; et nous savons quel témoignage la reine de Palmyre rendait de la fière Gauloise qui, comme elle, mettait le casque sur sa tête et s'appelait la Mère des camps. Nous l'entendrons dire à Aurélien : Gallien et Auréolus n'étaient pas des empereurs. Mais Victorina, elle, me paraissait faite comme moi, et, si la distance ne nous eût séparées, je lui eusse proposé de régner ensemble[21].

A Gallien cependant, vaincu par Zénobie, impuissant contre l'Empire de Victorina, humilié par ces deux femmes, il fallait, pensait-il, un dédommagement. Il aurait pu se le donner en combattant les barbares. Dès avant la mort d'Odénath, une invasion de Goths dans l'Asie-Mineure avait été funeste à sa gloire. Au lieu de marcher en hâte au secours de ses provinces ravagées, Gallien, à ce moment épris d'Athènes et de la Grèce, se faisait inscrire comme citoyen d'Athènes, exerçait cette année-là même les fonctions d'archonte, sollicitait l'honneur d'entrer dans l'Aréopage. Les Goths avaient donc pu piller tout à leur aise, et dans le sein des légions indignées s'étaient ourdis contre Gallien des complots qui, découverts, furent cruellement punis. L'Empire n'avait été délivré que par un mouvement de l'armée d'Odénath qui, instruit de ces ravages et ayant achevé sa campagne de Perse, avait ordonné de marcher sur l'Asie-Mineure. A cette nouvelle les Goths se rembarquèrent et disparurent.

Mais bientôt, quand ils surent Odénath mort, ils revinrent, et Gallien (il faut lui rendre cette justice) sut faire cette fois son métier d'Empereur. Déjà vaincus sous Byzance, repoussés énergiquement par les volontaires athéniens que commandait l'historien Dexippus, non sans avoir brûlé Athènes, Sparte et Corinthe, les Goths (et avec eux les Hérules) s'étaient retirés nombreux dans l'Épire, l'Illyrie, la Thrace, la Mésie, et, se concertant avec les peuples du haut Danube, ils devenaient menaçants pour l'Asie. Gallien venu par les Alpes les rencontra et les défit. Ces bandits vaincus surent se faire accorder les honneurs de la guerre. Gallien prit des Hérules à son service et leur duc ou leur chef Nauboalt reçut les insignes du Consulat[22].

Il n'eût pas été impossible à ce moment que Tetricus ou Victorina dans les Gaules, Zénobie en Orient, Gallien en Italie, tous également défenseurs d'un Empire qui pouvait être uni, mais qui ne pouvait plus être un, se concédassent mutuellement le droit de régner, c'est-à-dire de combattre, et par cette alliance patriotique sauvassent l'Empire. Mais il restait en dehors d'eux un quatrième César, Auréolus, jusqu'ici allié de Gallien, maître d'un seul point, l'Illyrie, mais d'un point important ; car c'était la pépinière des soldats et la caserne de l'Empire. Auréolus craignit-il qu'on ne s'entendît pour l'exclure, et que Gallien, qui s'était servi de lui pour combattre les Gaulois, ne se dédommageât à ses dépens de l'affranchissement de la Gaule ? ou bien, conduit par la seule ambition, Auréolus prétendit-il être l'Empereur de Rome et le centre de cette confédération qu'on désirait voir s'accomplir ? Ce qui est certain, c'est qu'il entra en Italie, et que Gallien fut obligé d'y revenir en toute hâte pour le combattre.

Quelques mois après, Gallien, sinon actif, du moins heureux et bien secondé, tenait Auréolus enfermé dans Milan. Gallien avait dans son camp Aurélien qui fut depuis empereur, Martianus qui venait de remporter sur les Goths une nouvelle victoire, Héraclianus qui avait combattu :contre Zénobie, un Cécropius ou Céronius qui s'était distingué en Dalmatie.

En face de tant de généraux habiles, Auréolus était perdu. Faut-il admettre l'anecdote un peu puérile de fausses lettres fabriquées par lui, qu'il aurait jetées du haut des murailles, et qui, remises entre les mains des généraux de Gallien, leur aurait fait craindre un Mn, tat du prince coutre leur vie ? Cela n'est guère nécessaire ; entre empereurs et généraux, la méfiance existait toujours. Ce qui est certain, c'est que, ou menacés par la perfidie de Gallien ou indignés de ses vices, ou tout simplement avides d'être les maîtres, les généraux qui servaient Gallien complotèrent de l'assassiner, Ils feignirent une alerte : Gallien sortit de sa tente seul et pendant la nuit ; il fut frappé sans qu'on pût savoir qui avait porté le coup. Les légions furent d'abord révoltées de ce meurtre, puis elles acceptèrent le fait accompli, et l'acceptèrent même avec enthousiasme, lorsque Martianus, entre les mains de qui était le trésor, eut l'idée (qui n'était pas nouvelle) de distribuer aux soldats vingt pièces d'or par tête. Le Sénat de lime, qui n'aimait pas Gallien, accepta, lui aussi, le fait accompli et avec moins de peine encore. Il l'accepta de deux façons, d'un côté mettant Gallien au rang des dieux[23], de l'autre faisant jeter du haut des gémonies ses proches, ses amis et les agents de son pouvoir. L'apothéose avait eu lieu, à ce qu'il paraît, sur les premières nouvelles de sa mort ; mais quand le Sénat sut que Gallien avait été assassiné et que l'armée ratifiait cet assassinat, le Sénat se rappela qu'il avait une vengeance à satisfaire, et il la satisfit cruellement.

L'homme qui venait de mourir n'était pourtant pas le pire des empereurs romains. On en avait supporté et déifié bien d'autres. Le peuple de Rome lui reproduit d'aimer trop le cirque, les gladiateurs, les spectacles, le jeu, la débauche, c'est-à-dire tout a que le peuple aimait. L'armée lui reprochait de n'être point à sa tête ; mais pouvait-il être à la tête de vingt armées à la fois ? Et sa vie d'empereur nous parait-elle si compléteraient inerte, lorsque nous le voyons pendant le règne de son père combattre sur le Rhin ; après la captivité de Valérien, battre Ingénuus en Illyrie, puis combattre Postume dans les Gaules, puis tomber sur Byzance révoltée, puis revenir contre Postume et se faire blesser en l'assiégeant ; après la mort de Postume, guerroyer contre Lollianus, puis, da fond des taules où campe Lollianus, aller dans la Mésie que dévaste le roi des Goths ; revenir de là enfin contre Auréolas, et mourir en l'assiégeant ? Entre ces campagnes plus souvent contre des compétiteurs que contre des barbares, il y a eu sans doute de longs intervalles de repos, et ce temps a été tristement rempli. Mais ne doit-on pas croire que le besoin, universel à cette époque, de rompre avec l'unité romaine, a fait exagérer les vices de l'homme qui représentait en sa personne l'unité romaine ?

Au contraire, ceux qui représentaient l'indépendance des nations ont été jugés aven une sympathie, je ne di= rai pas excessive, mais bien remarquable quand on pense que ces hommes n'ont duré qu'un jour : on est généralement si dur pour les tombés, et l'on fait si facilement aux hommes un crime de leur malheur ! Au contraire, nous trouvons un sentiment de regret et pour ces hommes et pour leur entreprise dans le langage du froid et sec annaliste qui nous est resté et qui écrit à cinquante ans de distance : Il en est parmi eux, nous dit-il, qui eurent plus qu'une vertu médiocre, et qui ont rendu di grands services à la chose publique[24].... Il est remarquable, dit-il encore au sujet de Valérien, que tous les généraux qu'il avait choisis sont devenus empereurs par le choix des soldats.... Et plût aux dieux que ceux qui se sont ainsi emparés de la pourpre eussent pu régner et que le fils de Valérien fût tombé plus tôt ! Notre république fût demeuré libre et debout[25]. Le monde rentré sous le joug ne se consolait pas au souvenir de cette lueur d'indépendance qu'il n'avait fait qu'entrevoir.

Mais cette indépendance aurait-elle pu se fonder ? Le vice capital de l'Empire romain se trouve encore là. Dans l'Empire, surtout depuis Septime Sévère, le soldat seul dominait, le soldat seul se révoltait : une armée faisait un César, une autre armée le défaisait. De l'indiscipline qui avait créé un empereur, ou de l'indiscipline qui prétendait le renverser, quelque chose de stable, de digne, de vraiment libre, pouvait-il sortir ?

Pour en finir avec Gallien, il laissait dans Rome un monument, ou plutôt l'ébauche d'un monument étrange. Ne pouvant faire rien de plus beau ni d'aussi beau que les chefs-d'œuvre du passé, il avait voulu faire quelque chose de plus grand. Il avait eu un règne des moins heureux, mais il prétendait avoir une statue des plus hautes. Le mont Esquilin était son séjour favori. Il avait là une villa qui était l'objet de ses prodigalités et le théâtre de ses orgies. Un de ses serviteurs, tout dévoué à sa divinité, y avait érigé de son chef à l'invaincu Gallien, qui n'avait guère triomphé, et à Salonine sa très-sainte épouse que Gallien ne respectait guère, un arc de triomphe médiocre comme l'architecture de ce temps, mais qui est encore debout aujourd'hui[26]. Non loin de ce monument, modeste hommage que lui rendait son humble sujet, Gallien prétendait se rendre à lui-même un gigantesque hommage ; sur le sommet de l'Esquilin, près du lieu qu'occupe aujourd'hui Sainte-Marie Majeure, il se faisait bâtir une statue d'une hauteur double de celle du colosse de Néron. Il voulait y apparaître revêtu des attributs du soleil, et la haste placée dans sa main devait contenir un escalier par lequel un enfant aurait pu monter. Déjà un piédestal immense était dressé, et, sur le haut de ce piédestal, un char attelé de quatre chevaux allait être posé sur lequel se serait placé le dieu du jour, Gallien. Les successeurs de Gallien eurent le bon goût de ne pas continuer cette belle œuvre et de ne pas s'installer sur le char du soleil à la place de leur fastueux prédécesseur. Pauvre grandeur qui n'est ni celle de la pensée ni celle de l'art, et qui ne se mesure qu'à la toise !

Non, la vraie grandeur, la seule grandeur de ce temps-là se trouvait chez ces chrétiens que Gallien, au milieu de tous ses torts, avait eu le mérite, sinon de comprendre, au moins d'amnistier. Les peuples pouvaient lutter pour l'indépendance ; et qui eût voulu les en blâmer ? Mais plus grand encore était ce peuple chrétien, incontestablement le plus nombreux de l'Empire qui, n'ayant, lui, que l'Église pour patrie, n'aspirait à nulle autre liberté que celle de l'Église, et la conquérait, non par les armes mais par les vertus, non par le sang d'autrui mais par son propre sang. Les chefs d'armée par leurs victoires sur les barbares pouvaient rendre service à la paix si compromise et la civilisation si dégénérée du monde romain ; mais bien plus grands étaient ces soldats chrétiens, qui même au sein des armées n'avaient que le droit de combattre et de mourir et n'avaient jamais le droit de commander ; qui, soldats d'une double milice, pouvaient d'un jour à l'autre avoir, comme Marinus, à opter entre l'épée et l'Évangile, et recevoir la mort par l'ordre du prince pour lequel ils combattaient. L'ambition politique était interdite au chrétien ; la cité terrestre recevait de lui des services, mais n'avait à lui accorder ni récompense, ni honneur. Les chrétiens ne sauraient donc figurer parmi les héros, souvent bien contestables, des camps et des palais ; mais, dans cette sphère modeste qu'ils eussent choisie s'ils avaient eu à choisir, quelles vertus cite-t-on que celles des chrétiens ? Quand Alexandrie est affligée par la peste, quels médecins et quels infirmiers a-t-elle pour ses malades, quels consolateurs pour ses mourants, quels ensevelisseurs pour ses morts, si ce n'est des chrétiens ? Quand Alexandrie est divisée en deux camps ennemis, quels conciliateurs trouve-t-elle entre ses citoyens, quels tuteurs pour les vaincus, quels amis pour les infirmes, les pauvres, les délaissés, si ce n'est des chrétiens ? Lorsque les Goths, après avoir longtemps ravagé la Grèce et la Cappadoce, se rembarquent emmenant leur butin et leurs captifs, qui s'occupe de racheter les captifs, si ce n'est les chrétiens ? Qui fait passer à Césarée pleurant ses concitoyens captifs, non-seulement des paroles de consolation, mais de l'or pour racheter ses prisonniers, qui donc si ce n'est le père de tous les chrétiens, Denys l'évêque de Rome ?

Cependant ces captifs ne revinrent pas tous, parce que Dieu dans sa miséricorde voulait que cette heure fût celle où le peuple des Goths devait commencer à s'éclairer. Dans le butin que rapportaient ces pirates, sans le savoir, ils rapportaient l'Évangile ; des fidèles, des prêtres emmenés et demeurés sous leurs tentes, furent les missionnaires qui vainquirent leur farouche vainqueur et lui rendirent ses violences par des bienfaits. Dans leur captivité, ils guérirent les malades au nom de Jésus-Christ, ils consolèrent les affligés, ils touchèrent les âmes, ils éclairèrent les intelligences. Ils eurent des disciples parmi leurs ennemis ; et Ulphilas, qui fut depuis l'apôtre des nations gothiques, descendait de quelqu'un de ces chrétiens captifs qui, enlevés par force du sol romain, étaient allés porter au nord du Dniester l'exemple de leurs vertus et les leçons de leur foi[27]. Ainsi Dieu préparait ses voies et commentait à toucher de sa grâce ceux qui devaient être un jour les compagnons d'Alaric. Ainsi tout était en décadence dans l'Empire et tout grandissait dans l'Église. Mais l'Église grandissante préparait le salut, sinon de l'Empire, au moins du monde.

 

 

 



[1] Trebellius Pollio, XXX tyrann., 2.

[2] Lœlianus dans Eutrope et Victor. — Ailleurs : L. Ælianus. — Une monnaie (suspecte) VLP. COR. LAELIANVS. —Une autre qui parait meilleure : LOLLIANVS, au revers Ara pacis. Une monnaie avec les emblèmes de l'Espagne, ce qui semble peu admissible. V. Trébellius Pollio, XXX tyrann., 4.

[3] V. Trebellius Pollio, XXX tyrann., 30. Voyez plus bas ses monnaies. Cette inscription lui est-elle applicable ? D. M. L. VICTORINI VICTORIA PIISSIMA VICTORINI VXOR (près de Langres. Orelli, 1017).

[4] Julius Aterianus, apud Trebellius Pollio, XXX tyr., 5.

[5] M. Piavonius Victorinus, fils de Victorina (et de C. Victotinus ?) dans les Gaules, associé à l'empire par Postume vers 265, règne seul après Postume et Lollianus (267), tué peu après à Cologne. — Ses monnaies indiquent un triple consulat et une troisième année tribunitienne, laquelle serait en 267 ou 268. — Monnaies portant : R (estituor) GALLIARVM VOTIS PVBLICIS. (La Gaule à genoux que l'empereur relève : la Victoire et la Félicité). ROMAE AETERNAM (Rome représentée, à ce que l'on croit, sous les traits de Victorina, mère de l'empereur). DEFENSOR ORBIS (Postume et Victorin vis à vis de trois femmes, l'une debout, les autres prosternées, les trois Gaules). — Autres, portant les noms et les emblèmes de neuf légions. — Types ordinaires : fides militum, indulgentia Aug., lœtitia aug., oriens aug., pax aug., seculi felicitas, salus Aug. (Hygie et un serpent.) Securitas Aug., spes publica, ubertas, etc.

Monnaies de son apothéose : divo Victorino, consecratio, etc.

[6] V. Trébellius Pollio, XXX tyr., 5 et 6.

Quelques monnaies douteuses du jeune Victorinus, associé par son père à l'Empire.

[7] XXX tyr., 7. Il y a cependant de lui un certain nombre de monnaies qui l'intitulent : IMP. C. AVG. MARIVS P. F. AVG., avec les légendes concordia militum, felicitas Aug., fides militum (!), seculi felicitas, et même pacator orbis !

[8] C. Pesuvius (ou Esuvius) Tetricus, né dans les Gaules, sénateur romain, successivement gouverneur de différentes parties de la Gaule, et en dernier lieu de l'Aquitaine. — Empereur en 267, plus tard reconnu par les empereurs de Rome, — finit par se soumettre à Aurélien (278). Ses monnaies n'indiquent pas de date tribunitienne ou consulaire postérieure à celle-ci : TR. P. III. COS II ; mais l'une d'elles, qui porte VOTIS DECENNALIBVS avec la Victoire inscrivant sur un bouclier le chiffre X, doit se référer à la cinquième année de Tetricus (272). Les légendes les plus remarquables des autres monnaies de Tetricus sont : (paca) T (o) R ORBIS, PAX AETERNA, (G) ALLIA REST (ituta) ROMAE AETERNAE, SECVLI FELICITAS ; VICT (o) RIA GERM. FELICITAS, etc. —Beaucoup sont incorrectes ou sont devenues tout à fait inscriptions illisibles. — Inscriptions en Angleterre (Henzen, 5549) ; une autre à Dijon.

Tetricus est réuni dans ses monnaies soit à Postume ou à Victorinus ses prédécesseurs, soit à l'empereur Claude, soit à son propre fils.

Monnaies d'apothéose de Tetricus et même de son fils, avec le mot consecratio. Elles sont suspectes, et l'on ne voit guère par qui ces princes auraient été déifiés.

V. sur Tetricus, Pollio, XXX tyr., 23. De Bose, Mémoires de l'Acad. des Inscript., XXVI, p. 504.

Tetricus le fils, (C. Pesuvius, Esuvius ou Pivesius, Tetricus) fait d'abord César, puis Auguste, — se soumet à Aurélien avec son père, et vit en paix à Rome. Inscription milliaire de Rouen (Orelli, 1019). Monnaies où il figure soit seul, soit avec son père.

Sur les variantes du nom Pesuvius ou Esuvius, V. une dissertation de M. d'Arbaumont (Revue Archéologique, juillet 1867), décrivant une borne milliaire nouvellement trouvée près de Dijon, et qui porte : GAIO ESVVIO TETRICO PIO FELICI INVICTO AVG.TR. P. M. TR. P. P. P. L'inscription ci-dessus citée d'après Henzen porte IMP CC POESVIO TETRICO.

[9] IMP. VICTORINA (ou VICTORIA) AVG (sa tête casquée) ; au revers une aigle aux ailes déployées ; autre revers : MATER EXERCIT. Trois enseignes et cet exergue : LEG. VI. — Inscription de Saintes ALMA MATER EXERCITVM. Les savants lisent, ici comme ailleurs, l'abréviation IMP. imperator. En effet, le mot imperatrix, peu usité dans la langue latine, n'a jamais été appliqué, que je sache, à une femme ou mère de Césars. Dans tous les cas, le titre donné à Victorina est un titre tout à fait inaccoutumé pour une femme.

[10] Septimius Herodes (Ourodes, Ouorodes, ou plutôt, d'après les inscriptions sémitiques, Ouorod). — V. Trebellius Polio, XXX tyrann., 15. — Est-il le même qu'un Septimius Ouorod, qui figure dans les inscriptions comme procurateur ducénaire de César, et argabed (αργαπετης) ? Vogüé, 24-26. Monnaies, etc.

[11] Mæonius (Mannaï), fils, à ce que l'on pense, de Septimius Hairan, frère d'Odénath. Il y a une monnaie avec une tête radiée et IMP. C. MAEONIVS. Mais elle est suspecte. V. Trébellius Pollio, XXX tyr., 14-16 ; il parle comme d'une rumeur de la complicité de Zénobie dans le meurtre de son beau-fils et de son mari ; supposition bien peu d'accord avec les éloges que le même historien donne à Zénobie.

[12] Septimia Batzebinah (fille du marchand), qui changea ce nom trop vulgaire pour le nom grec de Ζηνοβέα (force de Jupiter), seconde femme d'Odénath, gouverne après lui, au nom de son fils aîné Ouahballath d'abord, et ensuite de ses deux autres fils (271) ; qualifiée dans les inscriptions et les monnaies : souveraine (δέσποινα) ; pieuse et juste reine (Inscriptions de l'an 271) ; mère de l'empereur et stratège Ouahballath ; Auguste (Σεβαστή), (monnaies grecques et latines, avec les légendes abundantia, pietas Augg). Règne pendant quelque temps d'accord avec Aurélien (monnaies où ils sont réunis) ; — entre en guerre avec Aurélien, vaincue par lui (272-273), — meurt longtemps après à Tibur.

Il y a des monnaies alexandrines de la 4° et de la 5° année de son règne, années 271 et 272.

Voyez sur elle : Procope, de Bello persico, 11, 15. Trebellius Pollio, XXX tyrann., 29. Vopiscus, Aurelian., XXII, 34, 38.

Ses enfants : 1° Ouahballath, appelé en grec Athénodore ; ses monnaies indiquent jusqu'à la septième année de règne (ce qui ferait supposer qu'il aurait été associé au trône par Odénath). — Les monnaies le réunissent à Aurélien et l'appellent grand roi, empereur, César, Auguste. — 2° Hairan (Herennianus). — 3° Thaimi (Timolaüs). Son nom oriental veut dire : (Mon Dieu). Voyez Trebellius Pollio, ibid., 26, 27.

[13] Trébellius Pollio, in XXX tyr., 29.

[14] Trebellius Pollio, XXX tyr., 14.

[15] Sur cette guerre des généraux palmyréniens, Septimius Sabas (Zabdas) et Timogène en Égypte, et la possession de l'Égypte par Zénobie, comparez Trebellius Pollio in Claudio II, in Zenobia (lettres d'Aurélien) ; Vopiscus in Aureliano, 35, in Firmo.

[16] XXX tyrann., 29.

[17] Tombeaux de Marthe, fille d'Iada, fille de Onaballath, fils de Simon (en 179) : — de Kohéida et de Samuel, fils de Lévi, fils de Jacob, fils de Samuel (en 212).

[18] Benjamin de Tudèle.

[19] Inscriptions 75, 76, 78, etc. (des années 125, 129, 156, etc.)

[20] Inscr. 76, d'avril 135, où, après la formule citée dans le texte, on lit ces mots : Par Salomon, fils de Nésa, fils de Tsaida, fils de Barag pour son salut et celui de ses enfants. La date (nisan 447) est entre deux Χ grecs, initiales du mot Χριστος, ce qui peut la faire croire chrétienne.

[21] Trébellius Pollio, In XXX tyr., 29.

[22] V. Pollio, De Gallienis duobus, 13 : George Syncelle, d'après Dexippe lui-même ; Zosime, I, 39. Il est difficile de distinguer ces différentes irruptions de barbares. Nos documents sont d'une pauvreté et d'une confusion désespérante.

Sur le rhéteur, historien et guerrier athénien, P. Herennius Dexippus, fils de Ptolémée, voyez Suidas hoc verbo ; Évagre, Hist., V, 24 ; Eunape, Vita Porphyrii in fine ; et une inscription (Spon., t. III, p. 2), où il est qualifié de roi parmi les Thesmothètes, archonte éponyme, etc. Son discours, adressé aux soldats au moment du combat ci-dessus indiqué, est rapporté dans Mai, Veter. scriptorum, nova coll., t. II, p. 327 et s.

[23] Monnaies : DIVO GALLIENO AVG., et au revers CONSECRATIO.

[24] Trébellius Pollio, in Salonino, 3.

[25] Trébellius Pollio, XXX tyr., 9.

[26] GALLIENO CLEMENTISSIMO PRINCIPI CVIVS INVICTA VIRTVS SOLA PIETATE SVPERATA EST ET SALONINAE SANCTISSIMAE AVG. — M. AVRELIVS VICTOR DEDICATISSIMVS NVMINI MAIESTATIQVE EORVM. Orelli, 1007.

[27] Philostorge, II, 5. Sozomène, II, 6. Saint Basile, Ép. 220 et 338.