Sévère cependant continuait sa marche[1]. Ce fut à Interamme (Terni), à une vingtaine de lieues de Rome, qu'une députation de cent sénateurs vint lui apporter le décret qui l'avait fait empereur et avait condamné à mort Julianus. Cette députation suivait d'une quinzaine de jours celle qui était venue lui dénoncer sa propre condamnation par le Sénat sur la demande de Julianus. Sévère ne se montra pas autrement reconnaissant de cette tardive résipiscence. li reçut les sénateurs sous sa tente au milieu de son camp (car il marchait comme en pays ennemi) ; et, avant de les admettre en sa présence, il les fit fouiller pour s'assurer que leurs robes prétextes ne cachaient pas des poignards. Le Sénat méritait bien cela. Le lendemain, les fidèles officiers du palais, qui avaient aidé au meurtre de Pertinax, vinrent à leur tour déposer aux pieds du nouveau César l'assurance de leur fidélité inviolable à côté de l'inviolable fidélité du Sénat. Ils y déposèrent aussi, à ce qu'il paraît, le trésor de Julianus, et Sévère put remettre (à titre de gratification ou d'indemnité) 720 pièces d'or à la députation sénatoriale, laissant les députés libres ou de le précéder à Rome, ou, s'ils aimaient mieux, de rester dans son camp pour rentrer dans Rome avec lui. Mais, après le Sénat et le Palais, il y avait à s'entendre avec le camp du prétoire. C'était une troisième puissance et des trois la plus sérieuse. Les soldats du prétoire avaient abandonné Julianus ; mais quelles conditions allaient-ils proposer à Sévère ? Quelles largesses ne leur faudrait-il pas faire pour s'assurer quelques jours de règne, après que Pertinax et Julianus avaient payé si cher et régné si peu de temps ? Fallait-il subir le joug de cette milice insolente, avide, indisciplinée, qui avait d'autant plus de goût pour les révolutions, qu'elle en avait moins pour la guerre ? Sévère ne le voulut pas. Mais le perfide Africain ne crut pouvoir mieux faire que d'employer la fourberie. Comme il approchait de Rome, il fit inviter les prétoriens à venir en attirail pacifique lui présenter leurs hommages et recevoir l'annonce de ses largesses. Sans armes, sans cuirasses, en habits de fête, couronnés de lauriers, et portant à la droite de leur ceinture la courte épée qui ne les quittait pas, ils vinrent donc aux portes du camp. Là, Sévère leur fit dire de l'attendre et qu'il viendrait leur parler. Bientôt il parut sur son tribunal, où les acclamations joyeuses et solennelles l'accueillirent. Mais son discours les fit bientôt cesser. Son visage était dur, sa parole violente et irritée. Il leur reprocha leur trahison envers Pertinax, l'empire vendu à Julianus, leur dernière trahison envers Julianus : Je vous fais pourtant grâce de la vie, leur dit-il, mais vous allez être dépouillés du vêtement militaire. Vous vous retirerez, et, sous peine de mort, vous n'approcherez pas de Rome à une distance moindre de cent milles. Les prétoriens, pendant qu'il leur parlait, avaient pu s'apercevoir que, peu à peu, les soldats de Sévère armés les entouraient et s'approchaient d'eux. Contre le nombre et les armes, il était impossible de résister. Ils subirent, sans trop de murmures, l'arrêt qui venait d'être prononcé. On leur ôta leurs poignards ornés d'argent et d'or, leurs ceintures et les autres insignes de la milice ; aux cavaliers, leur chevaux. On les renvoya dépouillés et comprenant assez qu'ils n'avaient pas le droit de se plaindre. Un seul mouvement de susceptibilité militaire se fit remarquer : ce fut de la part d'un cheval qui, malgré tout ce qu'on put faire, s'obstina violemment à suivre son maître. Le prétorien touché tua le cheval et puis se tua ; il semblait, à ce que Dion prétend, que ce noble animal montrait quelque joie de mourir avec son maître. Ainsi fut brisée pour la première fois cette milice du prétoire qui datait de Tibère, qui avait fait régner Claude, Néron, Galba, Othon, Pertinax, et en dernier lieu Julianus ; à qui tous les Césars avaient payé leur avènement ; auxiliaire redoutée, quand elle n'était pas l'arrogante dominatrice de la puissance impériale. Rome put se réjouir de n'avoir plus cette garnison détestée, mais elle dut s'effrayer d'avoir un Empereur aussi perfide. Sévère fit ensuite son entrée dans Rome. Sur cette entrée, les impressions diffèrent. Dion, pour sa part, déclare que jamais il ne vit un si beau jour. L'Empereur fut modeste. Il vint jusqu'aux portes de Rome, à cheval et en tenue militaire ; mais là, il prit la toge et entra dans la ville à pied, en simple citoyen, comme avait fait Trajan. Il est vrai que toute son armée le suivait avec armes, chevaux, drapeaux et les enseignes des prétoriens que l'on portait renversées. Toute la ville était ornée de fleurs ; toutes les têtes chargées de lauriers ; partout des parfums, des lumières, des acclamations ; le peuple était joyeusement vêtu de mille couleurs. Nous étions là, dit-il, en habit sénatorial, au milieu de cette multitude qui s'empressait pour voir Sévère et pour l'entendre, se hissant les uns sur les autres, pour apercevoir ce visage pourtant bien connu, mais qu'il semblait que la fortune avait embelli. Le lendemain, Sévère vint au Sénat. Il annonça qu'il venait rétablir le gouvernement de l'aristocratie, c'est-à-dire du Sénat ; que nul ne serait mis à mort ni même emprisonné sans jugement ; que les délateurs ne seraient plus soufferts. Il prononça avec respect les noms de Marc-Aurèle et de Pertinax, se déclarant par une fiction rétroactive fils adoptif de l'un, se déclarant vengeur de l'autre, dont il voulut même ajouter le nom au sien, les prenant tous deux pour ses modèles : et enfin, à la grande joie du Sénat, il répéta cette promesse que tous les empereurs avaient faite, et que tant d'empereurs avaient violée, de ne faire mourir aucun sénateur. Il ne se contenta pas de l'appuyer par un serment ; il fit ajouter dans le sénatus-consulte cette clause, qui eût semblé trop révolutionnaire à toutes les chartes modernes, que dans le cas où le prince ordonnerait la mort d'un sénateur, le prince lui-même et ses enfants, l'auteur du meurtre et ses enfants, seraient réputés ennemis de la République. Évidemment Sévère était le plus libéral et le plus constitutionnel de tous les Césars ; et, revenu de ses frayeurs sous Commode et sous Julianus, délivré des prétoriens, le bon Dion ne se tenait pas de joie. Quel heureux avènement que celui de cet empereur qui arrivait au trône du fond de l'Illyrie, sans une goutte de sang, sans même un grain de poussière ![2] Tel est le récit du sénateur enfin rassuré. Au contraire, selon Spartien, qui n'était pas contemporain, mais qui avait lu Marius Maximus et d'autres contemporains, l'entrée de Sévère dans Rome fut odieuse et terrible. Il ne faut pas oublier que les légions romaines se recrutaient en général dans la province où elles tenaient garnison. Ces soldats romains des légions, comparés aux Romains de l'Italie, étaient des barbares[3] ; c'étaient donc l'Illyrie et la Pannonie, qui, à la suite de Sévère, triomphaient de Rome captive, comme jadis avait triomphé la Germanie, amenant Vitellus après elle. Ces paysans du Danube, émerveillés des splendeurs de la cité reine, et irrités d'en avoir été si longtemps les gardiens pauvres et mal payés, allaient, venaient, s'établissaient sous les portiques, dans les temples, dans le palais, comme dans leurs bivouacs des bords de la Save, prenaient sans payer, menaçaient de pillage. Il faut que Dion lui-même en convienne : Jusque-là, dit-il, la garde du prince était composée ou d'Italiens ou au moins d'Espagnols, de Macédoniens, d'habitants du Norique, gens que nous connaissions, qui avaient bonne façon et bon visage ; mais ces sauvages de toute nation et de toute langue, ces visages farouches, ces voix rauques, ces manières brutales nous effrayaient. C'en était fait : à partir de ce jour, l'empire de Rome était destiné à recevoir la plupart de ses maîtres de l'autre côté des Alpes ; à partir de ce jour, l'Italie devait s'habituer à être gouvernée, ou au moins occupée par les barbares. Qu'ils vinssent, comme sous les Césars, des Alpes Carniennes et du Danube, ou comme après l'empire, de la Gothie et de la Scandinavie, ou comme dans les siècles modernes, de l'Espagne, de la France et de l'Allemagne, ou comme aujourd'hui des Alpes piémontaises peu importait ; l'Italie devait toujours crier : Hors d'ici les barbares ! et le crier inutilement. De plus, Dion est même obligé de l'avouer, il se passait bien des choses qui ne plaisaient pas aux sénateurs. Les vieillards du Sénat qui avaient vu Sévère grandir à côté d'eux (et Sévère lui-même n'était plus jeune), les vieillards hochaient la tête et engageaient les jeunes gens à ne pas trop se fier aux promesses de ce rusé Africain. Je sais que la malhonnêteté politique est chose sur laquelle bien des consciences passent facilement ; je sais que, dans les derniers temps surtout, sous le nom jadis décrié de machiavélisme, cette malhonnêteté politique a reçu de nombreux hommages. Oui, on la loue et ou l'admire, mais on se défie d'elle ; et, lorsque Cartouche deviendra roi, tout en le portant en triomphe, on prendra garde à ses poches. Sévère cependant croyait trouver beaucoup de dupes. Car, avant de quitter Rome où il ne resta que peu de temps, il crut à propos de décerner une belle apothéose à cet honnête Pertinax qu'il prenait, non sans quelque restriction mentale, pour son modèle. Sur le Forum, en face des Rostres, fut construit un édifice en bois soutenu par des colonnes ornées d'or et d'ivoire. Un lit funèbre y fut déposé, couvert d'une housse de pourpre et d'or, et, sur ce lit, la statue en cire de Pertinax, en habit de triomphateur. Auprès de lui, un beau jeune homme, tenant un éventail en plumes de paon, chassait les mouches de son visage, comme s'il eût été vivant et endormi. Sévère et les sénateurs, en habit de deuil, s'assirent à l'entour, les femmes des sénateurs sous les portiques voisins. Alors passèrent successivement devant le corps, d'abord les statues des illustres romains ; ensuite des chœurs d'hommes et d'enfants, chantant les louanges du mort ; puis les statues de toutes les nations sujettes de l'Empire, chacune dans le costume qui lui est propre ; puis les licteurs, scribes, hérauts et autres ministres inférieurs, classe par classe ; l'armée après eux ; après l'armée les chevaux du cirque ; puis les offrandes pour le sacrifice funèbre, envoyées par l'Empereur, par les sénateurs, par leurs femmes, par les plus riches d'entre les chevaliers, par les nations de l'Empire, par les corporations de citoyens. En dernier lieu on portait un autel doré, orné d'ivoire et incrusté de pierres précieuses. Sévère alors, du haut des Rostres, fit l'éloge de son devancier. Il le fit au milieu des acclamations, parfois même des sanglots du Sénat (le Sénat savait trop bien ce qu'il avait perdu). Mais surtout, au moment où il fallut enlever le lit funèbre, les cris de douleur et les larmes redoublèrent. Le lit funèbre, enlevé par les pontifes et les magistrats, fut remis par eux à un certain nombre de chevaliers, et l'on se mit en route pour le Champ de Mars. Une partie des sénateurs marchaient en avant du lugubre simulacre, les uns brisés par la douleur, les autres chantant un hymne funèbre qu'accompagnaient les flûtes, compagnes habituelles de toutes les obsèques ; Sévère marchait le dernier. Au Champ de Mars, sur un bûcher en forme de tour carrée, ornée d'or, d'ivoire et de statues, le char doré dont se servait jadis Pertinax avait été placé ; on déposa sur le bûcher, d'abord les offrandes, puis le lit funèbre. Sévère et les parents de Pertinax donnèrent à la statue qui représentait le mort, un dernier baiser : des cavaliers et d'autres soldats firent autour du bûcher des évolutions pyrrhiques qui rappelaient les jeux de l'amphithéâtre ; les consuls y mirent le feu ; un aigle, captif sur le bûcher, s'envola vers le ciel ; et ainsi, selon l'expression de Dion, Pertinax devint immortel[4]. Mais la grande question de l'Empire n'était pas à Rome ; et, de plus, Sévère n'ignorait pas que, même dans Rome, on murmurait d'autres noms que le sien. Avant sa venue, le peuple révolté avait un instant proclamé Niger, et le Sénat parlait tout bas d'Albinus. Albinus et Niger, l'Occident et l'Orient, l'armée de Bretagne et l'armée de Syrie, c'étaient, pour Sévère et pour l'armée d'Illyrie, les deux rivaux qu'il fallait vaincre ou se concilier. Ce n'était plus dans Rome que le sort de l'Empire romain se décidait ; les provinces représentées par leurs légions pesaient plus dans le choix des empereurs que Rome dominée par les prétoriens. Or, Sévère était décidé, s'il se pouvait, à éliminer l'un comme l'autre ces deux rivaux. Mais il ne voulait pas avoir à les combattre tous deux à la fois. Dès le jour où il s'était soulevé, il avait écrit amicalement à Albinus ; proclamé dans Rome, il lui adressait de nouveaux éloges, lui conférait le titre de César et une sorte d'adoption par suite de laquelle Albinus et lui se traitèrent de frères[5] Mais en même temps il envoyait, officiellement ou non, Héraclitus, un de ses affidés, pour commander en Bretagne ; en honorant Albinus, il se préparait à le supplanter un jour. Mais, vis-à-vis de Niger, sa politique était différente. En même temps qu'Héraclitus était parti du camp d'Interamme pour aller commander en Bretagne, un autre serviteur de Sévère, Plautianus, était parti pour Rome et y avait devancé son général afin de s'emparer pour lui des fils de Niger et de les lui réserver comme otages. Les mêmes précautions étaient prises contre les personnages les plus importants de l'Orient dont les familles étaient à Rome. On saisissait les correspondances et les proclamations de Niger ; on ne permettait ni qu'elles fussent lues au Sénat ni qu'elles fussent affichées dans Rome. De ce côté-là, Sévère était donc décidé à une guerre ouverte et immédiate ; et, lorsqu'un peu plus tard Niger lui proposa le partage de l'Empire, un refus absolu fut la seule réponse. Aussi Sévère ne voulut-il pas perdre un moment. Il savait que Niger soulevait l'Orient ; que le roi d'Arménie, sollicité par lui, s'était contenté de se retrancher dans une prudente neutralité ; que le roi des Parthes, au contraire, avait fait appel aux satrapes, c'est-à-dire à ses grands feudataires, pour qu'ils envoyassent au delà de l'Euphrate leurs guerriers prêter assistance à Niger ; que déjà un Barsémius, roi ou émir d'Hatra (cette ville devant laquelle Trajan s'était brisé), avait envoyé ses archers au camp de Niger ; que des levées se faisaient en Syrie, à Antioche surtout, avec l'enthousiasme habituel de ces populations mobiles ; qu'on fortifiait les passages du Taurus ; que Byzance était en armes et servait à l'armée orientale de tête de pont au delà du Bosphore. Sévère savait tout cela et avait hâte de partir. Pendant qu'un de ses généraux courait en Afrique, pour empêcher Niger d'envahir cette province et d'affamer Rome ; lui-même, donnant une heure aux soins de son empire naissant, payait les dettes de sa vie privée, dotait et mariait ses deux filles, faisait ses gendres consuls[6] tous deux à la fois et tous deux riches aux dépens du trésor public, assurait les approvisionnements de Rome que Julianus avait laissés fort insuffisants, faisait mettre à mort quelques amis de Julianus — ce qui n'était encore qu'un modeste début dans la voie de la proscription —, et quittait Rome (1er ou 2 juillet 193) sans y avoir séjourné plus de trente jours. Plusieurs de ses généraux étaient déjà en marche vers la Thrace, et, quelle que fût son activité personnelle, cette guerre se fit plus par ses lieutenants que par lui-même. Elle fut courte : l'Orient — car, encore une fois, c'étaient, dans la personne des légions, les nations qui combattaient —, l'Orient était amolli par des siècles de civilisation ; la force des légions s'y énervait. L'Occident, au contraire, était voisin encore de son temps de barbarie ; le soldat y naissait plus robuste, et y demeurait plus brave. La première rencontre eut lieu dans le voisinage de Périnthe (appelée depuis Héraclée), sur les bords de la Propontide (mer de Marmara). Niger s'était de sa personne avancé jusque-là. Mais, un aigle s'étant arrêté sur le sommet d'un de ses étendards et des abeilles ayant fait leur miel sur sa statue, ces signes, qui étaient, à ce qu'il paraît, de mauvais présages, l'avaient effrayé, et il avait de sa personne rétrogradé jusqu'à Byzance. Ce fut son lieutenant Æmilianus qui, dans un combat contre un lieutenant de Sévère, fit le premier couler le sang romain. A la nouvelle de ce premier sang versé, le Sénat déclara Æmilianus et Niger ennemis publics. Cependant Sévère, arrivé depuis le combat, juge la position de Byzance trop forte pour l'attaquer immédiatement, fait passer l'Hellespont à ses troupes et transporte la guerre en Asie (194). On se rencontre de nouveau, cette fois devant Cyzique. Æmilianus y est vaincu ; on le soupçonna d'avoir trahi son Empereur, ou par orgueil et parce qu'il ne pardonnait pas à Niger d'être au dessus de lui, ou par faiblesse et parce que ses enfants, restés à Rome, étaient, eux aussi, entre les mains de Sévère. Les généraux sévériens ne semblent pas cependant l'avoir jugé traître envers son parti ; l'ayant pris, ils lui firent trancher la tête comme s'il eût servi loyalement son prince. Cette première défaite ébranle la fidélité de l'Orient envers Niger. La légèreté asiatique n'était pas faite pour soutenir longtemps un empereur vaincu. D'ailleurs les villes grecques de l'Asie, avant tout rivales les unes des autres, ne pouvaient demeurer longtemps unies dans une même cause. Laodicée était sévérienne parce que Niger était l'élu d'Antioche, Tyr détestait Niger parce qu'il était aimé à Béryte. Dans la province même qui avait été le théâtre du combat, Nicée restant fidèle au César oriental, Nicomédie, sa rivale, s'était hâtée de reconnaître le César de l'Occident. Pendant que l'une accueillait les soldats fugitifs du combat de Cyzique, l'autre ouvrait ses portes au vainqueur et lui servait de quartier général. Bientôt, non loin de ces deux villes, près de Céos, à l'autre extrémité du lac qui baigne Nicée, Niger, commandant ses troupes en personne, se rencontra avec Candidus, général sévérien. Les Occidentaux occupaient les hauteurs ; les Orientaux étaient dans la plaine et sur le lac. Le combat fut acharné ; mais la, fortune se déclara encore cette fois contre Niger, et, abandonnant l'Asie Mineure presque tout entière, il dut se retirer au sud du Taurus. Les forces de son armée s'épuisaient. Il lui fallut laisser à ses généraux la garde des défilés du Taurus, et regagner Antioche, sa capitale, pour, de là, lever des hommes et de l'argent. A Antioche, il apprit que Tyr et Laodicée étaient en révolte ; irrité par les revers, Niger, qui d'ordinaire était plus humain, livra ces deux malheureuses cités à une cohorte d'archers maures, et ces Africains mirent tout à feu et à sang. Il apprit encore que les passages du Taurus avaient été franchis par l'ennemi : les soldats sévériens cependant s'étaient arrêtés quelque temps, las et découragés, devant cette muraille naturelle dont les rares lacunes étaient remplies par des murailles élevées de main d'homme ; du haut de ce rempart, les Orientaux leur lançaient en riant leurs javelots et leurs injures. Mais la crue subite d'un torrent vint tout à coup faire une brèche dans ces fortifications que les catapultes n'avaient pu entamer ; leurs défenseurs effrayés les désertèrent, et la Cilicie, le dernier coin de l'Asie Mineure demeuré fidèle à Niger, fut ouverte aux troupes sévériennes. Il ne restait plus à Niger qu'une ressource, engager une dernière lutte dans les passages de montagnes appelées Portes ciliciennes qui séparent la Cilicie de la Syrie. C'était là que, cinq cents ans auparavant, Alexandre ayant, lui aussi, traversé en conquérant l'Asie Mineure, avait rencontré les soldats de l'Orient, et par sa victoire d'Issus, s'était ouvert la Syrie. La ville d'Alexandrie en Asie était encore debout sur les bords de la mer, comme un trophée de cette victoire, et la statue colossale du conquérant macédonien allait être témoin de nouveaux combats. Cette fois encore, la victoire fut :pour l'envahisseur contre le défenseur de l'Asie, pour l'Occident contre l'Orient. Cependant Niger avait une armée nombreuse ; toute la jeunesse d'Antioche, cette Rome de l'Orient, l'avait suivi avec ardeur : mais cette milice inexpérimentée ne devait pas tenir contre les vétérans de l'armée illyrienne. Un orage qui vint frapper en face les soldats de Niger avait commencé à les ébranler ; l'apparition de la cavalerie sévérienne à travers des forêts qu'on avait crues impénétrables acheva de les mettre en déroute. Ils allèrent ou se noyer dans la mer ou se disperser dans les montagnes. Vingt mille, dit-on, périrent, et leur Empereur ne put que se réfugier dans sa chère et malheureuse Antioche. Antioche elle-même fut bientôt menacée. Niger voulut s'enfuir chez les Parthes ; il fut poursuivi, découvert à peu de distance d'Antioche ; et, comme, en pareil cas, on n'hésitait jamais à tuer, on rapporta aux lieutenants de Sévère la tête de cet homme que le peuple de Rome combattant et mourant avait proclamé son Empereur et que les peuples de l'Asie avaient appelé le Juste[7]. Qu'aurait-il été, s'il eût régné ? Il est malaisé de le dire ; mais il eût facilement valu mieux que Sévère. Il avait quelque chose de l'esprit de l'ancienne Rome, et il s'élevait au dessus des petitesses de la vanité impériale. Il avait vécu au milieu des grands souvenirs de l'antiquité. Soldat, il admirait, parmi tous les autres généraux, Marius, Annibal, Camille, Coriolan ; et, un jour qu'en vertu de son titre de César, un rhéteur voulut lui faire entendre son propre panégyrique : Écris, lui dit-il, les louanges d'Annibal ou de quelque autre grand général... C'est une dérision que de louer les vivants, et surtout de louer les Empereurs qui peuvent faire notre fortune ou notre malheur. — Citoyen, il avait peu de goût pour la mémoire des Césars ; il exceptait Auguste, Vespasien, Titus, Trajan, Antonin, Marc-Aurèle ; le reste, dit-il, n'est que foin ou n'est que poison (reliquos fœneos aut venenatos). Il n'admirait que médiocrement les Scipions plus heureux que braves, dont la jeunesse et la vie privée avaient été entachées de licence et de luxe. S'il eût régné, dit l'historien, il aurait réformé bien des abus que Sévère ne put ou ne voulut pas réformer ; il l'aurait fait sans cruauté, il l'aurait fait même avec douceur, mais avec une douceur toute militaire, sans faiblesse, sans niaiserie, sans prêter à la risée[8]. Rome garda le souvenir de ce César républicain qui avait été son espérance dans l'extrême péril. Sa maison subsista et dans sa maison son buste avec une inscription à sa louange. Sévère eut le bon goût de ne pas la faire effacer : On saura, dit-il, quel est l'homme que j'ai vaincu. Antioche, la capitale en deuil de Niger, vit donc arriver dans ses murs Sévère, son vainqueur, que ses lieutenants avaient précédé. Les passages du Taurus avaient été forcés par Candidus, la victoire des Portes ciliciennes était due à Valérianus et à Anulinus. L'Empereur, venant derrière eux, n'avait plus qu'à compléter leur victoire par la soumission de l'Asie, par la ruine de Byzance qui tenait encore, mais surtout par la punition des vaincus. Cette punition fut rigoureuse. La femme et les fils de
Niger cependant furent simplement bannis ; rare clémence, mais qui ne devait
pas être de longue durée. Les soldats de Niger réfugiés au-delà de l'Euphrate
furent rappelés par une amnistie dont la plupart craignirent de profiter, et
les Parthes gardèrent chez eux une colonie de déserteurs romains, auxiliaires
utiles contre les Césars. Mais, s'il y eut quelque indulgence pour les
soldats de Niger, il n'y en eut point pour ses amis politiques ni pour les
chefs de son armée. Ils n'étaient coupables cependant que d'avoir obéi à un
général commandant au même titre que Sévère et proclamé César comme Sévère.
Un sénateur, Cassius Clemens, sut bien le lui dire : Avant
ces événements, dit-il hardiment à Sévère, je
ne connaissais ni toi, ni ton rival Niger. Quand je me suis levé pour sa
cause, je me suis levé contre Julianus, contre lequel tu te révoltais
pareillement. Je n'ai pas abandonné Niger pour passer sous tes drapeaux ;
eusses-tu aimé que quelqu'un des tiens t'abandonnât ? Si tu me condamnes, tu
te condamnes toi-même, tu condamnes tes amis. Sévère fut touché de
cette franchise, le laissa vivre et ne lui prit qu'une moitié de ses biens.
Mais s'il se rappela, ce jour-là, son serment de ne faire périr aucun
sénateur, en d'autres occasions, il l'oublia. Les sénateurs qui avaient eu un
commandement dans l'armée de Niger furent jugés militairement et décapités ni
plus ni moins que de simples tribuns. Les autres sénateurs amis de Niger
furent exilés et privés de leurs biens. Il en fut un, le consulaire Lucius Clarus,
dont Sévère aurait voulu faire un dénonciateur contre les partisans de Niger
; promesses, menaces, tortures, il n'épargna rien ; il ne put obtenir de lui
une parole, et fut obligé de le laisser libre[9]. Les villes furent punies comme les hommes. Pendant qu'on relevait à grands frais celles que la colère de Niger avait livrées au pillage, Antioche, cette reine de l'Orient contre laquelle Sévère avait de vieilles rancunes, devenait l'humble servante de sa rivale Laodicée. Pendant que les Juifs ennemis de Niger étaient traités avec une certaine amitié[10], la samaritaine Néapolis (Naplouse) perdait ses droits de colonie romaine. Sévère était un financier implacable et effronté : quiconque, peuple, ville, ou particulier, avait de gré ou de force donné de l'argent à Niger, dut en payer quatre fois autant à son vainqueur[11]. Mais il fallait que la répression passât la frontière romaine, cette fois moins contre les alliés de Niger que contre ses ennemis. Bien des émirs asiatiques, sous prétexte de se révolter contre Niger, s'étaient révoltés contre Rome, avaient pris les forteresses et les garnisons romaines, proposaient de rendre les garnisons en gardant les forteresses, et attendaient de Sévère, non amnistie, mais remerciements. Pour faire de ces amis trop ardents des sujets dociles, il fallut passer l'Euphrate (195), souffrir bien des journées de chaleur pendant lesquelles les soldats ne savaient plus que prononcer cette seule parole : De l'eau ! Il fallut combattre à la fois tous les bandits du désert ; la hardiesse du brigandage était telle qu'un chef de bande, Claudius, signalé et poursuivi par les troupes romaines dans toute la Syrie, ne craignit pas d'entrer avec des cavaliers et sous le costume de tribun dans le camp romain, de saluer Sévère sous sa tente, de recevoir le baiser impérial, tout cela sans être ni arrêté ni même reconnu. L'activité de Sévère vint à bout de toutes ces difficultés. L'Osrhoène (royaume d'Édesse) fut obligée de se soumettre. Une autre province de la Mésopotamie ayant Nisibe (Nézib) pour capitale fut ajoutée à l'Empire, coûteux et embarrassant cadeau que Trajan lui avait déjà fait une première fois. L'Adiabène fut vaincue. Les Arabes (ou certaines tribus arabes) furent assez rudement traités. Les Scythes (qui faut-il entendre par ce mot ?), voulant attaquer le camp romain, en furent détournés par un orage pendant lequel la foudre tua trois de leurs chefs. La paix se fit ou la trêve se maintint avec les Parthes. Le Sénat décerna à Sévère, avec les honneurs du triomphe, les surnoms d'Arabique, de Parthique, d'Adiabénien. Sévère, qui n'avait pas les petites vanités de l'ambition, ne voulut, ni du surnom de Parthique pour ne pas offenser inutilement son voisin le roi des Parthes, ni des honneurs du triomphe pour ne pas paraître faire trophée d'une guerre où il avait combattu contre des Romains. Sa victoire, d'ailleurs, n'était pas complète. Byzance résistait toujours. Cette grande cité rêvait peut-être déjà la royauté de l'Orient. Entre la Thrace riche par la culture et l'Asie manufacturière, entre le Pont Euxin et la Méditerranée, son admirable position lui assurait depuis bien des années les triples avantages de l'agriculture, de la navigation et du commerce. Elle s'était dévouée à Niger comme à l'homme qui devait mettre le comble à sa gloire, croissante chaque jour. Dès le commencement de la guerre, Niger en avait fait sa place d'armes contre l'Occident. Byzance avait alors, du côté de la terre, une admirable enceinte de murailles, extérieurement revêtues d'airain, et dont les blocs de pierre milésienne, étroitement unis, semblaient ne former qu'une seule pierre ; le haut de ce rempart était une large plateforme d'où l'on combattait à couvert ; des tours voisines l'une de l'autre, fortement saillantes, garnies de meurtrières à droite et à gauche, tenaient en respect, sous leur terrible menace, quiconque eût osé s'approcher des portes. Du côté de la mer, la muraille, moins forte, était comme doublée d'un autre rempart et d'un rempart imprenable par les rochers du rivage ; les deux ports qui s'ouvraient sur le Bosphore étaient défendus par des tours et fermés au besoin par des chaînes de fer. A ces moyens de défense, la prévoyance de Niger et le zèle des Byzantins en avaient ajouté d'autres : une flotte de cinq cents bâtiments dont quelques-uns, ayant à chacune de leurs extrémités, gouvernail, éperon, pilotes, rameurs, pouvaient, sans virer de bord, revenir sur leurs pas ; et faire face en tous sens à l'ennemi : une artillerie formidable qui pouvait, ou écraser sous des madriers et des quartiers de roche les assaillants parvenus au pied de la muraille, ou même les atteindre au loin à coups de pierres et de javelots, ou enfin lancer aux ennemis une sorte de harpon au moyen duquel on les ramenait vivants aux mains des assiégés. Machines et navires étaient dus en grande partie à l'ingénieur nicéen, Priscus. Plus heureux qu'Archimède, son talent devait le sauver, et, plus tard, quand la ville fut prise, Sévère, le voyant au pied de soli tribunal, l'épargna comme un utile auxiliaire dans ses guerres futures. Ce siège dura trois ans. Les Byzantins trouvaient pour résister des ressources inattendues. Tantôt de hardis plongeurs venaient sous l'eau enfoncer un clou dans le flanc des trirèmes sévériennes, y attacher un cordage, couper le câble qui les rattachait aux ancres ; et tout à coup le navire, sans l'aide de la voile ni des rames, se détachait de son mouillage, et venait s'échouer au courant du Bosphore sur les quais de Byzance. Tantôt de légers pirates allaient sur la Propontide et sur le Pont Euxin capturer des vaisseaux marchands qui étaient souvent leurs complices, les emmenaient à Byzance et y vendaient à bas prix leur cargaison. Quand le bois, les cordages, le pain vinrent à manquer, Byzance construisit des vaisseaux avec le bois de ses maisons démolies, tressa des câbles avec les cheveux de ses femmes, jeta sur la tête des assaillants le marbre de ses théâtres ruinés et les statues de bronze arrachées de ses monuments, se nourrit de peaux d'animaux bouillies et macérées. On en vint jusqu'à vivre de chair humaine, et à s'égorger les uns les autres. Quelques-uns, pour échapper à cette affreuse extrémité, s'embarquèrent à la dérobée et purent aller se jeter sur quelque rive voisine où ils vécurent en maraudeurs. Mais d'autres, dont les navires étaient trop chargés, furent ou brisés par la mer ou saisis et coulés par l'ennemi. Leurs compagnons restés à Byzance voyaient du rivage cette-lutte suprême, 'imploraient les dieux, gémissaient, et pendant toute une nuit les hurlements de la douleur retentirent au sein de la malheureuse ville. Le lendemain, la mer était encore toute couverte de débris, de cadavres, de sang, et la côte d'Asie, ainsi que les îles de la Propontide, recueillaient les douloureuses épaves de la ruine de Byzance. Alors seulement et en face de ces épouvantables désastres, la cité prit le parti de se rendre (196), et abandonna, je ne dirai pas la cause de Niger, mais son souvenir. Car longtemps auparavant Sévère lui avait envoyé et avait fait promener sous ses yeux la tête de l'Empereur pour lequel elle combattait. Sévère, lorsqu'il reçut en Mésopotamie la nouvelle de ce succès, jeta un cri de joie : Enfin, dit-il, enfin nous avons pris Byzance. Cette joie de la victoire n'alla pas jusqu'à la générosité envers les vaincus ; dans Byzance, sauf le nicéen Priscus, tous les gens armés, tous les magistrats furent mis à mort. Les théâtres, les bains, les monuments furent détruits ; Byzance fut destituée de sa qualité de ville libre et même de ville ; on en fit une bourgade dépendante de Périnthe comme Antioche de Laodicée. Mais surtout sa glorieuse muraille fut détruite, et longtemps on put en admirer les gigantesques décombres. Folle vengeance ! Dion le remarque avec justesse : on ôtait ainsi à l'Europe un boulevard contre les barbares de l'Asie[12]. La cause de l'Orient était donc perdue ; Sévère régnait jusque sur les bords du : Tigre. Mais Sévère dans son triomphe ne pouvait oublier qu'un dernier coin de l'Empire, la Bretagne, était soumis à un autre César que lui, et qu'il avait là un rival qu'il appelait soli frère. Albinus, d'ailleurs, était fait pour l'inquiéter. Il avait tout ce qui manquait à Sévère. Il était admis que sa famille, bien que devenue africaine, était originairement romaine et le rattachait à Lucius Verus, collègue de Marc-Aurèle. Sa tenue, son port, l'élégance de sa chevelure, la blancheur éclatante de sa peau à laquelle il devait son surnom[13], son courage personnel confirmaient ce qu'on disait de sa haute naissance et laissaient bien loin derrière lui le rhéteur basané de Leptis, général actif et habile plutôt que brave soldat. Il était lettré comme Sévère, mais littérateur, dirions-nous, de meilleure compagnie ; agriculteur, il avait fait des Géorgiques ; homme du monde, il avait écrit des Milésiennes, c'est-à-dire des romans. Enfin, dès le temps de Commode et lorsqu'il y avait danger à le faire, Albinus s'était proclamé l'homme du Sénat ; tandis que Sévère, par ses cruautés après la défaite de Niger, ne laissait déjà pas que d'alarmer les honnêtes gens et le Sénat. Le Sénat votait des honneurs à Albinus, ainsi qu'à un frère d'Albinus resté à Rome, tandis que le Sénat, au gré de Sévère, votait de trop maigres éloges pour les victoires de Sévère en Orient. Albinus, dit Capitolin, fut ami du Sénat comme jamais prince ne l'avait été ; on espérait de lui un Trajan, on pressentait en l'autre un Tibère. Il n'y avait cependant pas cette fois de prétexte de guerre, a Sévère, qui ne se faisait scrupule que des crimes inutiles, ne recula pas devant l'assassinat. Il écrivit d'abord à Albinus une épître toute familière et tout aimable : J'ai vaincu Pescennius (Niger) et j'ai écrit à Rome une lettre que le Sénat qui t'aime tant, a lue avec plaisir. Je t'en prie, porte dans les affaires publiques ce cœur qui m'est si cher, frère de mon âme, frère de mon empire. Bassianus et Geta (les fils de Sévère encore enfants) te saluent ; notre Julie vous salue, ma sœur (la femme d'Albinus) et toi. J'enverrai à ton jeune enfant Pescennius Prineus des cadeaux dignes de son rang et du tien. Conserve ton armée pour la République et pour nous, très-bon, très-cher, très-intime ami[14]. Cette lettre était portée en Bretagne par cinq des messagers confidentiels de l'Empereur (cinq, c'était beaucoup) ; lorsqu'Albinus eut achevé de lire, les envoyés ajoutèrent qu'ils avaient à faire au César une communication plus intime et demandèrent à lui parler sans témoins. Albinus les mena au bout d'une longue galerie ; là, ils ne se trouvèrent pas encore assez seuls. Ils le dirent, et ils éveillèrent la défiance ; Albinus était déjà prémuni contre ce frère bien-aimé, et depuis longtemps il ne recevait pas un envoyé de lui sans faire tâter ses vêtements, chose du reste fort ordinaire à cette époque. Les messagers furent donc arrêtés ; on trouva sur eux des poignards ; ils furent mis à la torture ; ils avouèrent un projet d'assassinat. La guerre entre l'Auguste et le César, entre Sévère et son frère chéri, fut inévitable. Mais, cette fois encore, Sévère sut mettre de son côté les avantages de la promptitude. Les troupes qui occupaient l'Illyrie ou la Pannonie eurent l'ordre de s'emparer des passages des Alpes Noriques afin d'assurer la rentrée de Sévère en Italie. L'armée qui avait assiégé Byzance se porta à marches forcées vers le Danube. Sévère, de sa personne, ne tarda pas à la rejoindre, et se mit à sa tête, ne lui laissant prendre et ne prenant lui-même aucun repos, ne s'arrêtant pas même les jours de fête, marchant à pied, tête nue, par le soleil, la pluie, le vent, le froid des montagnes. A Viminiac (Semendria), ville de la Mésie supérieure sur le Danube, il proclama César son fils aîné Bassianus, âgé au plus de neuf ans, et l'appela Marco Aurelius Antoninus, soit parce qu'il lui avait été prédit en songe qu'un Antonin lui succéderait, soit par suite de la fiction intéressée par laquelle il prétendait se rattacher à la famille des Antonins. Mettre ainsi sur les épaules d'un enfant la pourpre qu'il avait donnée à Albinus, c'était une déclaration de guerre. Aussi, ce jour-là ou à peu près, il haranguait ses troupes, faisait proclamer par elles Albinus ennemi public, et les récompensait de leur zèle par une largesse distribuée au nom du nouveau César. Albinus cependant avait passé le détroit et traversait la Gaule. Il avait écrit aux armées de Germanie, aux chefs des nations gauloises, demandant des secours en hommes et en argent. Les sympathies ne manquaient pas en Occident pour ce chef des armées occidentales qui promettait aux nations gauloises un peu plus de liberté qu'on ne pouvait en attendre de Sévère. Il y eut sans doute à sa demande plus d'une réponse évasive et prudente ; mais il y eut aussi adhésion, acclamation, assistance, de bien des côtés, même du fond de l'Espagne[15]. Que pensait-on à Rome ? Le Sénat avait peur. Ses vœux
secrets étaient pour Albinus ; mais l'armée de Sévère, maîtresse des Alpes,
était bien plus proche que celle d'Albinus ; niais Sévère, de son camp,
écrivait des lettres menaçantes et ironiques pour reprocher au Sénat son
penchant vers Albinus : J'ai approvisionné Rome de
blé ; je l'ai approvisionnée, je dirais presque de plus d'huile qu'il n'y en
a au monde ; j'ai combattu pour elle. J'ai tué Pescennius Niger et je vous ai
délivrés de la tyrannie. Vous m'avez grandement payé de ces services ! Vous
m'en avez rendu de belles actions de grâces ! Un Africain, un homme d'Adrumète,
un prétendu parent de Ceionius est celui que vous prétendez faire prince,
quand je suis prince et quand j'ai un fils !..... Vous me préférez cet imposteur qui a tout falsifié, même
sa prétendue noblesse ! Puis il ajoutait avec la jalousie de l'homme
de lettres : Ce qui me peine encore plus, c'est que
vous le considérez et le louez comme homme de lettres ; un homme occupé à des
contes de vieille femme, qui a vieilli sur une littérature d'enfant et sur
les romans africains de son Apulée ! Le Sénat avait donc peur. Nous nous tenions cois, dit le sénateur Dion, ceux du moins d'entre nous qui ne s'étant ouvertement prononcés ni pour l'un ni pour l'autre des compétiteurs, pouvaient mettre en commun leurs craintes et leurs espérances[16]. Quant au peuple, depuis qu'il avait perdu dans la personne
de Niger son Empereur de prédilection, il n'espérait plus rien et il ne
pouvait se consoler. Il n'y avait pas moyen,
dit encore Dion, de le faire taire et de l'empêcher
de se plaindre tout haut. C'était le dernier jour des jeux du cirque (17 novembre 196)
avant les Saturnales, et ils avaient attiré un grand concours de spectateurs.
J'y étais présent par amitié pour le consul qui donnait les jeux, et j'ai pu
recueillir exactement tout ce qui se disait. La foule était immense pour voir
la course de six chars à la fois comme elle s'était faite au temps de
Cléandre : mais pas une des acclamations usitées ne se faisait entendre. Et,
quand la course fut terminée, et que les cochers se disposaient à en
commencer une antre, il y eut un moment de silence, après lequel toutes les
mains applaudirent à la fois, toutes les voix s'élevèrent ensemble pour prier
les dieux de sauver le peuple romain : Sauvez Rome, cette reine
immortelle. Jusques à quand souffrirons-nous ces calamités ? Jusques à quand
la guerre durera-t-elle ? Et après quelques acclamations semblables, ils
s'écrièrent : Ainsi en est-il, et la course commença. Il semblait,
ajoute Dion, que ce fût une inspiration divine qui suggérait à tant de
milliers d'hommes les mêmes acclamations en même temps, comme si t'eût été le
chœur le mieux discipliné. Ce qui accrut encore notre émotion, ce fut de
voir, quand la nuit fut venue, une lumière se produire tout à coup dans le
ciel, du côté du Nord, à tel point que la ville semblait tout en feu, et que
l'incendie semblait gagner le ciel même. L'étonnement fut plus grand encore,
lorsque le matin, par un jour sans nuage, des gouttes de pluie ayant les apparences
d'argent tombèrent dans le Forum d'Auguste. Je ne les ai pas vues tomber ; mais
je les ai vues sur le sol, et j'ai pu, après les avoir recueillies, m'en
servir pour argenter quelques pièces de monnaie de cuivre. La couleur
d'argent est restée pendant trois jours. Le quatrième jour, elle a disparu. Ni ce gémissement inspiré du peuple romain, ni cette aurore boréale, si c'en était une, ni cette pluie d'argent, aucun de ces présages n'avait tort. On touchait à une époque fatale, où la tyrannie, jadis fondée par Tibère, mais tempérée par la longue série des princes adoptifs, allait être rétablie sur des bases nouvelles, et assurer l'irrémédiable décadence du monde romain. Le pouvoir de Sévère, précaire et disputé jusque-là, par suite modéré et presque libéral, allait avant peu de jours être débarrassé de tonte rivalité et de toute contrainte, par suite dispensé de toute modération. Achevons donc le récit de cette guerre. Entre Albinus et Sévère, la question était de savoir qui des deux, partant l'un de la Bretagne, l'autre de Byzance, pourrait le premier mettre Rome derrière lui. Si Albinus eût pu arriver à temps dans la haute Italie, y attendre Sévère, se fortifier pendant cette attente de l'infaillible adhésion du Sénat, de la sympathie du peuple, des forces de tout l'Occident ralliées à ce centre commun, il eût vaincu. Mais Sévère, d'abord, s'était assuré les passages des Alpes Orientales afin de pouvoir au besoin fermer les Alpes Occidentales à son adversaire, et de plus il s'était occupé de ralentir, sinon d'arrêter, la marche de celui-ci à travers la Gaule en jetant quelques bandes d'aventuriers sous ses pas. Ainsi, un grammairien de Rome, Numérianus, avait soudain quitté ses écoliers, parcouru les Gaules, s'y était donné pour sénateur et pour délégué de Sévère, y avait rassemblé quelques soldats, battu quelques détachements de cavalerie albinienne, s'était fait presque une armée, et, grâce au pillage des provinces, avait envoyé à Sévère 7.500.000 deniers. Plus tard, la guerre finie, il se présenta à Sévère qui l'avait traité comme général et comme sénateur, lui avoua qu'il n'était l'un que tout récemment et l'autre pas du tout, ne demanda même pas à être véritablement sénateur, et acheva sa vie à la campagne, content d'une pension modique que l'Empereur lui fit, et des quelques mois de distraction qu'après les ennuis de l'école la guerre lui avait procurés[17]. Grâce à ces enfants perdus du parti sévérien, Albinus n'était encore qu'auprès de Lyon, lorsque les légions de Sévère se rencontrèrent face à face avec lui, arrivées sans doute à travers les plaines de la Lombardie. Sévère s'était détourné pour aller de sa personne à Rome, mais n'y était pas resté au delà de quelques jours[18]. Une première rencontre eut lieu entre les troupes d'Albinus et Lupus, lieutenant de Sévère ; ce dernier fut battu et perdit beaucoup de soldats. Mais bientôt, l'armée sévérienne tout entière engagea le combat, et dans la plaine de Trévoux se rencontrèrent au nombre de 150.000 soldats, les deux armées d'Illyrie et de Bretagne, les plus aguerries de l'Empire romain (19 février 197). Selon Hérodien, Albinus ne parut pas sur le champ de bataille et resta dans Lyon. Selon tous les historiens, Sévère, qui depuis qu'il était empereur n'avait livré bataille que par ses lieutenants, paya de sa personne. Un instant, néanmoins, il put se croire perdu. L'aile droite des Albi-nions qui était en face de lui avait employé une ruse qu'elle avait pu apprendre, dans ses longues années de séjour en Bretagne, des montagnards calédoniens. Elle avait creusé entre elle et l'ennemi des fossés profonds qu'elle avait recouverts de branchages et d'un peu de terre. Attirés par une feinte retraite, les soldats de Sévère se précipitèrent dans ce piège ; hommes et chevaux roulèrent pêle-mêle, et les Albiniens revenant à la charge mirent la gauche sévérienne en pleine déroute. Sévère lui-même fut atteint, dit-on, d'une balle lancée par une fronde, renversé à bas de son cheval, et, pour ne pas être reconnu, il déchira son manteau de pourpre, le jeta loin de lui et se cacha. On le crut mort et c'est ce qui amena sa victoire. Dans ces guerres, la trahison était partout. Un corps de l'armée sévérienne était resté en arrière, ou pour servir de réserve, ou par une coupable inaction de son chef. Tous les historiens accusent Julius Létus qui le commandait d'avoir voulu se ménager une chance d'arriver lui-même à la pourpre ; il comptait, lorsque Albinus et Sévère seraient, l'un défait, l'autre très-affaibli, intervenir avec une armée nouvelle et de se faire proclamer sur le champ de bataille entre les deux partis épuisés. A l'annonce de la mort de Sévère, il crut le moment venu. Ses troupes s'ébranlent donc, tombent sur les Albiniens triomphants et en désordre : la fortune d'Albinus fléchit. Mais au moment même, et cela sans doute au grand désespoir d'Albinus et de Létus, Sévère reparaît ; il a retrouvé un cheval et un manteau de pourpre. Dès lors, comme l'aile gauche d'Albinus, moins heureuse que son aile droite, a eu le dessous dès le premier moment, c'en est fait ; les soldats de Bretagne sont vaincus partout ; l'Empire n'aura désormais plus qu'un seul maître. Dans ces guerres impitoyables, le sort d'Albinus ne pouvait être douteux. On avait, disent les historiens, prédit à Sévère, pour Albinus comme aussi pour Niger, que ses ennemis ne tomberaient pas en sa puissance, mais n'échapperaient pas non plus à la mort, et qu'ils périraient près des eaux. Comme il fallait toujours que ces prédictions se réalisassent, on crut voir l'accomplissement de celle-ci dans ce fait qu'Albinos, caché dans une maison sur les bords du Rhône, n'y aurait pas attendu les meurtriers, mais se serait donné la mort. Son cadavre, ou, selon d'autres, son corps animé d'un reste de vie, fut présenté à Sévère. Le vainqueur prit une cruelle joie à le voir et à l'insulter ; il lui fit couper la tête ; il fit passer son cheval sur ces malheureux restes, et comme l'animal, plus humain que l'homme, répugnait à fouler aux pieds l'œuvre de Dieu, il l'encouragea hautement du geste et de la voix ; il fit partager en morceaux cette pauvre dépouille, la fit exposer devant sa porte et puis jeter au Rhône, sauf la tête qu'il réservait pour Rome et pour le Sénat. La guerre civile était donc finie. En moins de quatre ans, Sévère avait balayé trois empereurs, Didius Julianus à Rome, Pescennius Niger en Orient, Clodius Albinus en Occident, l'un qui était l'élu des prétoriens, l'autre le favori du peuple, le troisième ami du Sénat. Sévère, à vrai dire, était l'élu de sa propre épée. Sa royauté était le terme définitif de ces quatre années d'anarchie militaire qui avaient suivi la mort de Commode, comme l'anarchie militaire qui, pendant dix-huit mois, avait suivi la mort de Néron. On rentrait dans la voie d'une politique stable et d'un gouvernement régulier. Oui, sans doute, d'un gouvernement régulier ! On pouvait s'en assurer en parcourant les plaines de Trévoux couvertes de morts, dont beaucoup ne portaient aucune trace de blessure, mais avaient péri écrasés sous une pile de cadavres, en contemplant ces sillons semés d'armures brisées et d'aigles sanglantes, ces deux fleuves entre lesquels la bataille s'était donnée, rougis du sang de l'Europe et de l'Asie. Ce spectacle sur lequel les vainqueurs eux-mêmes ne pouvaient s'empêcher de pleurer attestait assez que les légions romaines ne sauraient plus tenter contre Sévère un nouvel effort, et que, s'il y avait encore une armée d'Illyrie pour le défendre, il n'y aurait plus d'armée de Bretagne pour élever contre lui un rival. Oui, d'un gouvernement régulier ! Et l'on pouvait déjà reconnaître ce gouvernement à ses œuvres. Avec la tête d'Albinus, message assez intelligible, était partie une lettre sardonique et triomphante de Sévère au Sénat. Après Albinus, sa femme et ses enfants, un instant pardonnés, avaient été jetés dans le Rhône ; les proscriptions commençaient dans la Gaule et dans l'armée, en attendant qu'elles se continuassent dans Rome et dans l'Empire. Tout cela sans doute témoignait d'un gouvernement fort et régulier, parce que tout cela était voulu, commandé, dirigé par une seule tête, par la bonne tête de Sévère. On n'allait donc pas avoir un Néron, un Commode, c'est-à-dire une tyrannie jeune, voluptueuse, insensée. On allait avoir une tyrannie réfléchie, mais une tyrannie maintenant sûre de son fait, et qui n'avait plus à craindre de rivaux. On allait avoir, au lieu d'un Néron, un Tibère, et l'on se rappelait que Tibère, vieilli dans la pourpre, avait duré vingt-deux ans. Voilà à quel prix et clans quelles conditions on avait acquis ce grand bien, la stabilité du pouvoir. N'eût-on pas préféré revenir à ce moment où l'on voyait légion contre légion, César contre César, crainte d'un côté, mais du moins espérance de l'autre ? Avaient-ils été si coupables ces soldats indisciplinés de Syrie ou de Bretagne[19] qui, voyant leurs camarades d'Illyrie faire un tyran, avaient prétendu faire un moindre tyran ? L'instabilité du pouvoir est un mal sans doute, mais un moindre mal que la stabilité de la tyrannie. |
[1] L. Septimius Severus, né à Leptis en Libye, le 11 avril 145 ou 146, fils de M. Septimius Geta et de Fulvia Pia (deux frères de son père furent consuls). — Questeur en Espagne et en Sardaigne. — Légat du proconsul d'Afrique, préteur en 176 ou 177, gouverneur de la Gaule Lyonnaise vers 186. — Proconsul en Pannonie, puis en Sicile, consul en 189, commandant en Illyrie, 190 ou 191. — Proclamé empereur en Pannonie, puis reconnu à Rome, 193, et surnommé Pertinax. Ses titres : Arabicus Adiabenicus, Parthicus, Pius en 195 ; Invictus en 201, Britanicus Maximus en 209. — Consul en 194 et 202. — Mort à York le 4 février 211.
Il épousa 1° Martia, morte avant son avènement et plus tard déifiée par lui ; 2° (avant 175) Julia Domna, native d'Émèse, en Syrie. Celle-ci porte les titres de mater castrorum, mater senatus, mater patria, mater Augustorum, (à cause de ses deux fils). Ses monnaies reproduisent ces différents titres. Inscriptions : Orelli 910, 923-925, Henzen 5505, 5507, 5508. — Morte en 217. — Déifiée, peut-être par Élagabale (Monnaies avec le mot Consecratio).
Historiens de Septime-Sévère : Xiphilin d'après Dion, LXXIII, LXXVII ; Hérodien, II et III ; Ælius Spartianus, in Severo.
[2] Hérodien, II.
[3] J'ai expliqué cela dans mon ouvrage Rome et la Judée, 1re partie chapitre VIII.
[4] Dion, LXXIV, 6. La déification de Pertinax est rappelée par plusieurs inscriptions DIVO PERTINACI (Cirta, Renier 1825.) Il y eut des jeux annuels au cirque pour le jour de sa naissance et pour celui de son avènement ; ces derniers depuis supprimés par Sévère. Des sodales (Confrérie pieuse) Helviani, qui se confondirent avec les Marciani, en l'honneur de Marc-Aurèle, avec les Commodiani en l'honneur de Commode, et plus tard avec les Severiani en l'honneur de Sévère. Capitolin, in Pertinace, 15. Insc. de Rome (Orelli 2379).
[5] Voyez plus bas la lettre de Sévère à Albinus et la monnaie d'Albinus où il s'intitule D. CLOD. SEPT. ALB. CAESAR. Il ajoutait ainsi à son nom le nom de son collègue.
[6] Elles devaient être nées du premier mariage de Sévère avec Marcia ; elles épousèrent Probus et Aetius, qui furent, à ce qu'on suppose, les consuls substitués (suffecti) du 1er juillet 193.
[7] Cinq monnaies de Niger [frappées en Asie, portent le surnom de I (ustus) P (ius), Δ (ίκαίος)]. De même un jaspe gravé avec un buste de Niger couronné de lauriers, un autel et le serpent d'Esculape.
[8] Ælius Spartien, In Nigro.
[9] Neque quemquam senatorum qui cum Nigro fuerant, præter unum supplicio affecit.... Eos senatores occidit qui cum Nigro militaverant ducum vel tribunorum nomine (Spartianus in Severo)... Dion (apud Valesium, p. 731) dit cependant sans indiquer d'exception que Sévère ne fit mourir aucun des sénateurs romains, mais confisqua leurs biens et les relégua dans des îles.
[10] Niger avait été l'ennemi des Juifs. Car c'est d'eux probablement qu'il faut entendre ce passage de Spartien : il répondit aux habitats de la Palestine qui demandaient une diminution d'impôts : Vous voulez que je dégrève vos terres ; si je le pouvais, je taxerais l'argent que vous accaparez. Par contre, les Juifs furent, dans le commencement, bien traités par Sévère et ses fils. Sur cette parole de Daniel : (XI, 34) Lorsqu'ils tomberont, ils seront relevés par l'aide d'un enfant, saint Jérôme remarque que les Juifs l'appliquèrent à Sévère et à Antonin (Caracalla) son fils qui eurent pour eux beaucoup d'affection. (Hieronym., in Daniel., loco cit.) Abulpharage parle d'une guerre entre les Samaritains et les Juifs dans la première année de Sévère. Cela s'accorderait assez avec cette faveur de Sévère pour les Juifs et sa sévérité contre Naplouse.
[11] Dion apud Vales.
[12] Dion avait vu Byzance debout et en vit les ruines. On y remarquait, dit-il, sept tours qui allaient de la porte de Thrace jusqu'à la mer ; le son émis dans la première se répercutait successivement sur les six autres ; au contraire, frappées directement par le son, les six dernières étaient muettes.
[13] Capillo renodi et crispo, fronte lata, candore mirabili. Capitolin, in Albino.
[14] Capitolin.
[15] Ici se place l'inscription que j'aimerais à croire authentique. I. O. M. CL. ALBINO C. F. V. C. P. GALLIARVM. AVGVSTO. ET LVGDVNENSIVM. LIBERTATIS ADV. S-E VERVM ACERRIMO VERDICT ; trouvée près de Lyon, Orelli 900.
[16] Dion, LXXV.
[17] Dion, LXXV, 5.
[18] Monnaie : ADVENTVI AVGVSTI FELICISSIMO. T. P. IIII IMP. VIII : avec Sévère à cheval suivi d'un drapeau.
[19] Adhuc Syri cadaverum odoribus spirant, adhuc Galliæ Rhodano suo non lavant, écrit Tertullien en Afrique quelques années après. Apologétique, 25.