§ I. — CONSTITUTION PRIMITIVE DE Je suppose qu'après une journée brillante, au moment du crépuscule, lorsque l'air commence à se rafraîchir, un étranger, perdu dans Rome, ait par hasard porté ses pas vers la porte Capène. Là, il aura vu les oisifs et les heureux de la grande cité, après avoir partagé le jour entre le bain, le repas et la sieste, sortant de cette demeure où la chaleur les avait tenus enfermés, et venant comme s'épanouir à la fraîche atmosphère du soir. A ce rendez-vous de la fainéantise et de l'opulence romaines, il aura entendu les chevaux hennir, il aura vu se croiser les brillants équipages, et les piétons agiles se mêler sans crainte à ce cortège élégant et confus, qui roule ou qui galope jusqu'aux premiers tombeaux de la voie Appia. Le Champ de Mars s'ouvre le matin aux joies et aux exercices du sexe viril ; à la porte Capène, se rencontrent le soir les prétentions, les grâces, les coquetteries, les intrigues féminines. La porte Capène est le Forum des femmes. Là l'esclave impudente et hardie, suivant à pied sa jeune maîtresse, cherche du regard un regard qui lui promette la richesse et la liberté. La lourde rheda, attelée de mules, revêtue de lames d'or où sont enchâssées des pierres précieuses, trame la matrone avec son voile et sa longue robe, sur laquelle une noire Africaine agite doucement l'éventail. A l'encontre, vient étourdiment le léger cisium où la courtisane grecque, vêtue de soie et parée d'or, conduit elle-même ses riches amants ; tandis que l'affranchie en robe brune, perdue au milieu de la foule, regarde avec mépris la matrone dégradée, que l'arrêt du préteur a dépouillée de sa stole et condamne à porter la toge. Ce premier coup d'œil nous révèle dès l'abord tous les degrés de l'existence féminine. Parmi les femmes, en effet, comme parmi les hommes : — l'esclave vient d'abord ; — ensuite l'affranchi, et à peu près au même rang, le client, le prolétaire, la courtisane ; — puis enfin l'homme ou la femme qui a sa dignité civique tout entière, qui possède le bien (res) et la condition (ingenuitas), qui paie le cens et qui est né libre ; en un mot, le patron ou la matrone (remarquez que ces deux mots se répondent). Voilà, dans les deux sexes, les degrés divers de l'échelle sociale. Par la condition de l'homme, nous venons d'expliquer la société ; par la condition de la femme, nous expliquerons la famille. Montrons d'abord à son antique point de départ, à son principe si original et si robuste, ce qu'avait été la famille, cet élément fondamental de la république romaine. La famille, en effet, c'est l'unité première qui en se multipliant a formé la gens, la curie, la cité ; c'est l'unité civile et en même temps l'unité religieuse. Car la famille a son culte, ses rites, les sacrifices qui lui sont propres, et qui, pour le salut de la république, doivent se perpétuer sans interruption. Il lui faut toujours un prêtre pour ses dieux lares, un père pour ses sacrifices domestiques, un gardien pour le foyer, l'atrium[1]. Que ces devoirs reposent sur une seule tête, et que cette tête soit celle d'un enfant, peu importe ; la famille ne cesse pas d'exister. Quoiqu'il ait encore besoin d'un tuteur, et que de longtemps il ne doive prendre la toge virile ; en d'autres termes, quoiqu'il ne soit initié encore ni à la vie civile, ni à la vie politique ; du jour où il n'a plus de père, le Romain devient père de famille. Il devient le quirite, l'homme appelé à manier la lance (cur, quir) ; il devient le patron, l'homme qui protégera devant le juge le client auquel la parole est interdite (elinguis) ; il devient le maitre (dominus), l'homme appelé au commandement de la maison et au gouvernement des esclaves. En effet, le client ou l'affranchi, l'esclave lui-même (familiaris) sont compris dans la famille. La famille, dans le sens latin, c'est la maison : père de famille (paterfamilias) veut dire maitre de maison. Mais la famille jusqu'ici ne comprend que des esclaves ou des inférieurs ; par le mariage, elle comprendra des libres (liberi, il faut garder dans toute leur force ces termes intraduisibles de la phraséologie romaine). Ces libres, ce sont les membres de la famille qui, égaux au père par la naissance, lui sont assujettis par la loi. C'est la femme d'abord, à moins que la famille où elle est née n'ait conservé ses droits sur elle (plus tard je m'expliquerai sur ce point) ; ce sont les fils et les filles ; et parmi les petits-enfants, les enfants du fils, ceux qui appartiennent au père de famille par le nœud sacré de la parenté virile. Tous ceux-là, fils ou filles, enfants ou petits-enfants, filles vierges ou filles mariées, enfants par la naissance ou par l'adoption, quels que soient leur sexe, leur âge, leur dignité, sont sur la même ligne et obéissent au même rang. Rien ne leur appartient, rien ne leur est acquis pour leur propre compte, tout revient au père[2]. Le père peut les châtier ; si leur crime est grave, il peut les juger et les mettre à mort[3]. Il peut les vendre[4] ; s'ils ont causé un dommage, les céder à titre d'indemnité[5]. S'il les vend à un Romain, il transporte à ce Romain un droit analogue à celui de la puissance paternelle (jus mancipii) ; s'il les vend à un étranger, il les rend esclaves. La seule différence qui existe entre eux est au désavantage du fils : la fille ou le petit-fils vendu par le père et affranchi par l'acquéreur demeure émancipé ; le fils vendu et affranchi retombe sous la puissance paternelle, et ne deviendra libre qu'après la troisième vente et le troisième affranchissement[6]. En un mot, — des esclaves à qui aucun droit n'est reconnu, — des clients à qui la parole (la vie publique et légale) est interdite, — des enfants et souvent une femme à qui rien ne peut appartenir en propre, voilà ce qui compose, sous le pouvoir despotique du père de famille, cette communauté austère qu'on appelle la famille romaine, voilà le cercle étroitement formé autour de la table domestique, et dans lequel tout est mis en commun sous l'administration d'un chef absolu ; voilà ceux que le père nourrit, gouverne, défend, pour lesquels il veut, il possède, il agit. Le père est tout-puissant pour faire et défaire la famille, garder, admettre, exclure qui il veut. Il émancipera son fils, et dès lors son fils ne sera plus que son affranchi ; il émancipera son petit-fils, dont il gardera le père sous sa loi ; il affranchira le père en gardant le fils. Il donnera un de ses descendants en adoption, et celui-ci, membre d'une famille étrangère, aura rompu tout lien avec celle ou il est né. ll adoptera un fils, et le fils adopté sera l'égal en tout de ceux que lui a donnés la nature. En mariant sa fille, il pourra, s'il le veut, la garder sous sa puissance ; il pourra aussi la vendre à son époux et transporter à celui-ci tous les droits de la puissance paternelle. Enfin, au jour même de sa mort, il disposera encore librement de tout ce qui compose sa famille ; appellera, déshéritera qui il veut, exclura de l'héritage par son seul silence, nommera un tuteur au fils, affranchira l'esclave. Le testament se fait au Forum ; c'est un acte de la puissance publique, c'est la loi du père de famille : comme il aura disposé de la tutelle ou de la propriété DE SA CHOSE, ainsi soit le droit[7]. La famille ainsi constituée avait son signe, le nom. Le fils portait le nom de son père, l'affranchi le nom de son maitre, le client le nom de son patron ; seuls parmi les nations de l'antiquité, les Romains, ou les peuples italiques leurs devanciers, connurent l'usage du nom de famille, cet indicateur si sûr de la parenté, ce lien si faible en apparence, en réalité si énergique. Ce fut un des privilèges et une des marques de la cité romaine. Porter trois noms[8] — c'est-à-dire le prénom qui désignait la personne, le nom qui désignait la race, le surnom qui désignait la branche —, cela voulait dire être Romain ; l'étranger qui devenait citoyen devait prendre un nom de famille, et portait, à titre de client ou d'affranchi, le nom du proconsul ou du césar qui l'avait élevé au droit de cité. De cette constitution de la famille procède toute puissance domestique, toute parenté, tout droit d'héritage : trois choses qui se tiennent intimement, car la soumission est la condition de l'hérédité. L'enfant qui, par l'émancipation, par l'adoption au dehors, par les conditions de son mariage (si c'est une fille), a cessé d'être la chose du père, l'enfant, en un mot, qui est sorti de la famille et de la puissance paternelle, n'a pas un sesterce à réclamer dans la succession paternelle. Les héritiers du Romain, quand il n'a pas disposé de son bien, c'est donc au premier rang la famille, c'est-à-dire la descendance à lui appartenant (hæredes sui), conservée ou acquise ; — à défaut, de la famille, la maison (domus), c'est-à-dire la parenté male la plus proche (consanguinei, agnati[9]) ; — à défaut de la maison, la gens, parenté éloignée, souvent fictive, qui comprend même les affranchis, mais qui, par la similitude du nom, se rattache à la parenté virile[10]. La parenté par les femmes (cognatio) qui ne se manifeste point par la similitude du nom, qui ne donne entrée ni dans la famille, ni dans la maison, ni dans la gens, ne forme qu'un lien d'affection et d'honneur[11] et demeure exclue de l'hérédité. Ainsi la loi des héritages confirmait la loi de famille ; et, par l'exclusion presque entière des femmes, par l'exclusion complète des parents maternels, l'aristocratie romaine arrivait au but que, par les substitutions et le droit d'aînesse, les aristocraties modernes ont essayé d'atteindre. En effet, ce droit de la famille, si singulièrement impérieux et dur, était, ajoutons-le, singulièrement exclusif et aristocratique. Les liens de parenté, étant traités comme des liens purement légaux, formés et rompus par la loi seule, ne pouvaient concerner que les seules familles légales ; et la famille légale, dans le principe, c'était la seule famille patricienne. Dans le principe, le patricien seul était le vrai père de famille ; seul il offrait pour la gens des sacrifices légitimes ; seul il possédait la terre romaine, le vote dans la curie, la parole au Forum ; il était le seul protecteur de ses clients incapables et muets (inopes, elingues[12]). Aussi quand plus tard les clients, plus nombreux, plus riches, appuyés surtout par ces familles d'origine étrangère et souvent illustre, que la victoire de Rome confondait avec la plebs, commencèrent à se soulever contre le patricial ; quand le peuple se retira sur le mont Sacré, il y eut alors combat, et contre les privilèges de droit politique, et contre les privilèges de droit civil qui appartenaient exclusivement aux patriciens. Ce ne fut pas seulement le consulat et les honneurs publics, ce fut auparavant le droit de mariage (jus connubii), c'est-à-dire le droit de s'allier légitimement aux races patriciennes que réclamèrent à la tête de la plebs les puissantes familles adversaires du patricial. Ce droit de mariage emportait nécessairement la participation à tout le droit civil des patriciens. Aussi leur colère était-elle violente : Le plébéien, s'écriaient-ils, allait donc épouser la patricienne ! le profane se mêler au sacré ! l'ordre des familles s'altérer comme le culte des dieux ![13] Néanmoins, la cause plébéienne triompha au Forum ; elle obtint le droit de mariage, et, grâce seulement au droit de mariage, le consulat[14]. Elle triompha aussi au tribunal du préteur par l'introduction subreptice, mais visible, de l'équité dans le droit civil, par ces fictions légales et ces ventes simulées qui tâchaient de mettre la loi d'accord avec le bon sens public, et qui faisaient du droit privilégié d'une aristocratie le droit commun de tout un peuple. Mais en même temps que le peuple romain combattait l'aristocratie dans ses murs, lui-même à son tour devenait aristocratie. Le monde vaincu se modelait à l'image de Rome ; la plebs, élevée dans Rome au niveau du patriciat, elle-même au dehors était un patriciat ; les alliés de Rome étaient pour elle les plébéiens et les clients ; les tributaires et les sujets de Rome étaient les esclaves. Dans une sphère plus vaste, et par rapport, non à la cité, mais au monde, le droit civil demeurait donc aristocratique ; les exclusions et les incapacités, au lieu de frapper le plébéien, frappaient l'étranger sujet de Rome. Et ce qui avait été le droit privilégié des trois cents familles sénatoriales devenait le droit privilégié des cent mille familles romaines. Ainsi, mariage légitime, famille, puissance paternelle, hérédité, ces choses qui semblent de tous les temps et de tous les lieux, restaient aux yeux du Romain privilège national, institution de la loi. Non-seulement l'esclave à qui tout droit était refusé, mais l'étranger, mais le Latin même, mais l'affranchi à certains égards, mais le Romain captif, dégradé par son malheur (capitis minor), et devenu étranger tout le temps que durait sa captivité, restaient en dehors du droit de famille. Entre Latins ou étrangers, il pouvait y avoir des unions licites, mais rien comme le mariage légal et solennel (justæ nuptiæ), par lequel le citoyen romain s'unit à la vierge romaine pour donner des fils à la république (liberorum quærendorum causa) : il pouvait y avoir des liens et des devoirs de parents (cognatio, affinitas), mais rien comme la consanguinité romaine, comme l'agnation, cette parenté virile, institution légale par laquelle le sang romain se propage, le culte des lares est assuré, la famille, la maison, la gens, la république, se maintiennent : il pouvait y avoir enfin une certaine autorité morale dans les mains du père, un certain abaissement et une juste déférence des enfants vis-à-vis du chef de la famille ; mais la puissance paternelle demeurait une institution toute romaine que le peuple de Romulus se vantait de posséder lui seul au monde[15]. A plus forte raison, entre le Romain et l'étranger, point de parenté légale, par conséquent point d'héritage ; entre le Romain et l'étranger, le Latin, l'affranchi même[16], point de mariage légal. Si l'affranchie ou l'étrangère inspirait au cœur du Romain une affection sérieuse, que pouvait-il faire pour l'élever jusqu'à lui ? Tout au plus il la prenait pour concubina (j'emploie ce terme dans le sens à moitié honorable que lui donnent les jurisconsultes). Il contractait avec elle une alliance constante et régulière plutôt que légale, tolérée plutôt que permise ; exempte des peines de la loi, mais flétrie par la note du censeur ; interdite à la femme romaine par l'honneur, quand elle ne le fut plus par la loi : lien illégal dont la rupture ne constituait pas un adultère[17], et par lequel on renonçait à ce qui faisait la gloire du citoyen romain, le mariage et la paternité légitimes (justum matrimonium, justus pater, justi liberi[18]). En face de ce droit primitif, si rigide au dedans, si exclusif au dehors, quelle pouvait âtre la condition de la femme ? Dans un ordre de choses qui donnait tout au pouvoir du père de famille, qui mettait la parenté virile si fort au-dessus de la parenté maternelle, la place légale de la femme était nécessairement bien étroite. Sa vie était une soumission perpétuelle. — Lorsque, en se mariant, elle était demeurée sous la puissance paternelle, le père, maitre des actions de sa fille, pouvait à son gré rompre le mariage. — Lorsque, au contraire, son époux l'achetait de son père ou l'acquérait par prescription (in manum coemptio, trinoctium usurpatio), le droit paternel passait à l'époux ; la femme, sortie de la famille, c'est-à-dire de la puissance de son père, entrait dans la famille et sous la puissance ou, comme on disait, dans la main (in manu) de son mari ; elle était, selon le droit[19], fille de son époux, sœur de ses propres enfants, soumise comme eux aux rigueurs du tribunal domestique, comme eux elle prenait une part égale dans l'héritage. — Mais en tout cas, veuve, elle retombait sous la puissance paternelle. Son père mort, il fallait qu'elle demandât un tuteur[20], sans l'assistance duquel elle ne pouvait même pas faire son testament[21]. Elle n'avait jamais de famille qui lui appartint ; en d'autres termes, jamais un enfant sous sa puissance, jamais un héritier qui dépendit d'elle. Elle n'était jamais héritière, si ce n'est de son père ou de son frère, quand elle était restée dans sa famille ; de son mari ou de ses enfants, en qualité de fille ou de sœur quand elle était entrée dans la famille maritale. Il y a plus, son époux ne pouvait rien lui donner de son vivant[22] ; et on finit par défendre au testateur dont la fortune excédait 100.000 sesterces (21.740 fr.) d'instituer une femme son héritière[23]. La loi redoutait pour la sûreté des patrimoines la puissance des séductions féminines. En écartant la femme, elle prétendait empêcher que les biens ne passassent à un nom étranger et dans une gens nouvelle. Et cependant la femme romaine, légalement si abaissée, si perpétuellement soumise, occupait dans Rome, occupe dans l'histoire de Rome une grande place. Pourquoi ? C'est ce que nous allons dire. Bien différentes de la femme romaine, l'affranchie et l'étrangère étaient à la fois singulièrement libres et singulièrement méprisées ; elles n'avaient, en effet, selon la loi, ni une famille, ni un nom, ni une religion domestique à compromettre : qu'importaient à la république leurs égarements ? La loi les émancipait par dédain. Ni l'austère soumission de la matrone, ni sa dignité grave n'était leur fait ; elles étaient en dehors de la morale comme en dehors de la loi civile. La femme esclave n'avait point le droit de rougir, quelque flétrissure que le caprice de son maître lui eût infligée. La femme affranchie, si elle était pauvre, était presque de nécessité courtisane : rendue libre par une fantaisie amoureuse de son maître, la débauche lui avait le plus souvent valu la liberté ; il fallait que la débauche l'aidât à soutenir sa liberté[24]. L'orgueil aristocratique du sang romain dédaignait de les punir : mais aussi il dédaignait de les protéger. Avec les femmes qui tiennent une boutique ou qui font trafic des marchandises, (presque toutes esclaves ou affranchies) il n'y a point d'adultère[25] ; en d'autres termes, le libertinage avec une personne de cet ordre demeure impuni[26]. Les lois rendues contre les débauches les plus honteuses ne protègent ni l'esclave ni même l'affranchi[27] ; et du reste, quant aux esclaves, j'ai assez fait voir combien leur débauche était libre et combien leur chasteté l'était peu. La femme d'un rang inférieur était donc livrée comme un jouet à tous les caprices du libertinage. La morale la plus sévère ne trouvait nul reproche à faire ni à celui qui la corrompait, ni à celui qui se laissait séduire par elle. Interdire à la jeunesse de telles voluptés, dit Cicéron, c'est dépasser de beaucoup et la morale indulgente de notre siècle, et même la morale sévère de nos aïeux. Quand s'est-on abstenu de pareils plaisirs ? quand les a-t-on blâmés ? quand les a-t-on interdits ? en quel siècle fut jamais défendu ce qui à cet égard est permis dans le nôtre ?[28] Mais ni à la matrone, ni à la vierge romaine n'appartient cette injurieuse liberté. La loi l'asservit, mais aussi la loi la protège et l'honore. Elle vit dans le secret de la maison ; elle file humblement la laine auprès du foyer domestique ; elle ne sort guère que pour suivre en char, le voile baissé et la robe traînante, les solennelles processions du Capitole[29]. Mais aussi n'est-ce pas elle à qui appartient de conserver pur l'honneur du sang romain ? elle qui a des lares domestiques à honorer, des citoyens à élever pour la république, une famille à perpétuer ? elle enfin que sa naissance appelle à la plénitude des droits et des devoirs comme fille, comme femme et comme mère ? Que la séduction se garde donc d'approcher d'elle ! Le déshonneur imprimé à la matrone, à la vierge, au fils de famille, n'est pas seulement une honte pour le toit domestique ; c'est une honte et un dommage pour l'État. Si le tribunal domestique du mari ou du père est trop long à venger cette injure, l'édile ira devant le peuple accuser la matrone coupable : le séducteur sera dégradé par le censeur, si toutefois il n'est condamné par le juge. L'amende, l'exil, la mort même seront les peines de la débauche[30]. La femme trouvera-t-elle cette loi trop austère, cette protection trop exigeante ? Qu'elle s'abaisse et elle sera libre ! Si elle est assez corrompue pour repousser ce joug salutaire, qu'elle abdique sa dignité de matrone, qu'elle se place au niveau de l'étrangère ; qu'elle descende du char sacré ; qu'elle dépouille sa robe blanche pour la toge de la prostituée[31], qu'elle donne son nom à l'édile, et elle ira, auprès de la courtisane grecque ou de l'affranchie latine, prendre sa place sous les arceaux de l'amphithéâtre. La loi la méprise au point de l'épargner, et ne veut pour elle d'autre châtiment que son infamie[32]. Mais la véritable matrone, celle qui en épousant un citoyen romain a pris le titre de mère de famille[33] et en a su garder toute la dignité, reçoit en respect et en honneur ce que la loi exige d'elle en gravité et en vertu. Dans l'austérité primitive des mœurs patriciennes, son mariage était de fait, peut-être même de droit, indissoluble[34]. Le voile de la vierge, la bulle d'or et la prétexte de l'enfant, la pourpre et le long manteau de la matrone, imposent à la foule le devoir d'une respectueuse modestie. On lui fait place, c'est l'ordre exprès du sénat[35] ; le licteur qui repousse le peuple n'ose porter la main sur elle ; le magistrat qui passe ne la fait pas écarter de son chemin. Il est défendu, sous des peines graves, d'offenser ses oreilles par des paroles licencieuses, ses yeux par un spectacle obscène[36]. Son mari, assis en char à côté d'elle, n'est pas obligé d'en descendre pour saluer un consul[37]. La république s'incline devant les matrones. Aux jours du
danger le sénat réclame leurs prières, comme le plus pur encens qu'il puisse
offrir aux immortels[38]. Et les
matrones, de leur côté, profondément associées au sentiment de la patrie,
offrent pour lever des soldats leur or et leurs pierreries à la république,
qui s'interdit d'exiger un denier de leur bourse[39]. Lorsqu'à la
mort d'un grand homme elles prennent le deuil, cet hommage est compté au
nombre des plus glorieux. Des temples s'élèvent à Ainsi la femme, si rabaissée par le droit, se relève par les mœurs ; elle est abaissée comme femme, elle se relève comme Romaine. Elle se relève par sa fidélité d'épouse et sa piété de mère de famille, en d'autres termes par ses vertus de Romaine : car des vertus qui ne sont ailleurs que des vertus privées, la chasteté, la vigilance domestique, le soin des enfants, l'économie de la maison, sont à Rome des vertus publiques. La chasteté est un privilège national, je pourrais dire aristocratique. Libre à l'étrangère de couvrir de honte un nom qui n'est pas inscrit sur les tables du censeur ! La femme romaine sait que son honneur importe à la patrie. Elle consent à moins de liberté ; elle attend plus de respect. Sa jeunesse sera grave, son âge mûr digne et vénéré, sa vieillesse sainte et glorieuse, son tombeau portera ce seul mot : A la femme d'un seul époux (univiræ)[42]. La vestale n'est après tout que le type plus parfait de la vierge et de la femme romaines. La vestale coupable est enterrée vivante : la vestale restée pure protège la république, est honorée par le sénat et les consuls, obtient du ciel des prodiges, et sa présence est le salut d'un condamné. En un mot, nulle part dans l'antiquité autant qu'à Rome,
la chose publique n'accepta et ne glorifia la vertu féminine. Nulle part la
femme ne fut plus citoyenne, plus associée aux dangers, aux triomphes, aux
intérêts, à la gloire commune. Nulle part aussi, l'influence des femmes,
cette influence noble et légitime qui augmente quand les mœurs sont plus
pures, qui diminue quand elles s'altèrent, n'a été visible comme dans
l'ancienne Rome. L'histoire ou la tradition en porte partout les traces. Ce
n'est pas ici l'illégitime influence des passions impures ; c'est la douce
puissance de la vierge et de la mère de famille, forte par ses vertus et ses
pieuses affections. Ce n'est pas l'hétaire
athénienne, l'impudique Aspasie, qui, pour deux courtisanes enlevées de sa
maison de débauche, allume la guerre du Péloponnèse. C'est Hersilie, qui se
jette au milieu des armes pour réconcilier son père et son époux ; c'est
Clélie, dont le courage épouvante Porsenna. Le sang de Lucrèce outragée fait
chasser de Rome les Tarquins ; le sang de Virginie renverse les décemvirs. La
prière d'une femme fléchit Coriolan : les instances d'une femme, aidées par
l'amour paternel et la tendresse conjugale, conquièrent pour les plébéiens
les faisceaux consulaires[43]. Comme fille,
comme épouse, comme citoyenne, voilà ce que peut la matrone romaine. Comme
mère, elle est plus glorieuse et plus puissante encore, et les hommes les
plus illustres ont été ceux qui ont dû le plus à leur mère : les Gracques à
Cornélie, César à Aurélie, Auguste à Atia[44]. Car, même dans
les derniers temps de A ces grandeurs de la femme romaine, que seule la femme chrétienne a pu dépasser, quelle cause assigner ? — Une seule : la sévérité de la loi à laquelle elle était soumise ; sévérité analogue en quelque chose à celle de la loi chrétienne, subordonnant la femme sans la dégrader, la faisant sujette, non pas esclave. Le principe de sa force était dans son abaissement, sa puissance dans sa soumission. Quoi qu'on dise, la gloire pas plus que la vertu de la femme ne peut être dans sa liberté. Par cette sagesse et cette vertu féminines, par cette force
puissante de la famille, les générations romaines s'élevèrent longtemps
pareilles les unes aux autres. L'esprit de la famille, il est vrai, était
souvent vide d'affections tendres. Cicéron, qui n'est pas le plus méchant
homme de son époque, annonce ainsi la mort de son père à son ami intime
Atticus : Pomponia est à Arpinum avec Turranius. Mon
père est mort le 8 des kalendes de décembre. Voilà à peu près ce que j'avais
à te dire. Cherche-moi quelques ornements convenables pour un gymnase[46], etc. Le lien légal
emportait tout ; la puissance diminuait l'affection. Mais aussi cette loi de
la famille, rigide comme le fer, était pénétrante comme lui. Ce despotisme de
la génération adulte sur la génération naissante fut le grand instrument de
la perpétuité de l'esprit romain. Ainsi, dans la famille et dans la force de la famille, fut, je n'en doute pas, la force de la république romaine et la cause fondamentale de ses triomphes. Chaque famille entrait dans la république comme chaque homme entrait dans la famille, étroitement, fortement, intimement. Ces vertus intérieures, qu'aujourd'hui la politique dédaigne, furent la grande base de la politique de Rome, si digne de reproches à d'autres égards ; et selon la belle pensée de saint Augustin, Dieu accorda aux Romains l'empire du monde, pour que les vertus de ce peuple idolâtre, indignes des récompenses du ciel, ne restassent pourtant pas sans récompense. Tel était cet esprit de famille de l'ancienne république ;
et plus tard, malgré la décadence des mœurs romaines, si rapide une fois
qu'elle fut commencée, malgré les exemples de En ce siècle d'une dépravation étrange, mais où les
principes anciens gardaient encore une certaine force, Cicéron plaide pour un
libertin auquel on reproche ses débauches. Il n'affectera pas sans doute une
morale trop sévère : Il n'y a plus, dit-il, de Fabricius ni de Camille ; ces antiques vertus ne sont
plus que dans des livres, et dans des livres surannés. On lit et on pratique
Épicure plus que le vieux Caton, et si de tels sages revenaient au inonde, à
voir leur vie austère, nous les plaindrions comme des malheureux maudits du
ciel[48]....
La jeunesse a besoin de beaucoup d'excuses et de
beaucoup de liberté... Mais, ajoute-t-il, faisant la part de la morale
antique et ne voulant pas la sacrifier tout à fait, que
l'éducation soit vigilante et sévère ; que, selon l'usage de nos pères, une
année de modestie, de réserve, de bonne renommée, signale les débuts du jeune
homme dans la vie[49].... Qu'ensuite ses désordres n'aillent pas jusqu'au crime, qu'il
ne menace et ne tue point[50]... (La débauche devenait si facilement sanguinaire !)
Qu'il ménage son patrimoine[51], qu'il soit
rangé, comme dit chez nous la morale vulgaire ; qu'il
ne s'engourdisse pas dans le plaisir au point que le temps et la force lui
manquent pour le service de la patrie et les devoirs de la vie politique Mais surtout qu'il respecte la paix des
familles et l'honneur du sang romain[52] ; qu'il ne fasse pas descendre au rang de l'esclave ou de
la courtisane ceux qui sont en possession de la vertu romaine, la vierge,
l'adolescent, la matrone[53]. Cicéron concède
à son époque le luxe asiatique, la philosophie grecque, des voluptés sans
nombre ; mais cette sévérité d'éducation, cette économie dans les affaires,
ce dévouement aux devoirs publics, enfin ce respect pour la famille, qui
appartiennent à l'ancienne discipline des aïeux, il ne se sent pas le courage
de les sacrifier, et il vénère encore ces lares domestiques aux pieds
desquels l'antique morale, battue partout ailleurs, s'est retranchée. L'esprit que nous indiquons dans ce plaidoyer de l'orateur, nous allons le retrouver dans les lois d'Auguste. Auguste, depuis le temps où parlait Cicéron, avait vu la corruption faire de nouveaux progrès. Auguste, cependant, déplacera-t-il les bornes qu'a posées l'indulgente morale de Cicéron ? Veillera-t-il moins sur la famille, que l'exemple de César, le sien propre, celui de tant d'autres ont appris à moins respecter ? Traitera-t-il l'adultère avec la mollesse indulgente des législateurs modernes ? Écoutez quelles sont les lois d'Auguste. Vis-à-vis de l'esclave et de l'étrangère, elles sont tout aussi indulgentes et tout aussi dédaigneuses que la loi antique. Mais, entre ceux que protège la vertu romaine, le libertinage, même lorsqu'il n'offense pas la foi jurée[54] ; la seule séduction (stuprum)[55] ; le consentement coupable, la honteuse assistance donnée à la débauche (lenocinium), sont des crimes devant la loi[56]. Enfin s'il s'agit d'un adultère, c'est-à-dire de la corruption d'une matrone, ce crime qui entache la maison et la gens, qui rompt le lien solennel du mariage romain, n'est pas seulement un crime contre la famille, c'est un crime contre l'État[57]. Dans le silence du mari et du père, tout citoyen a droit d'accuser, et si le mari a souffert trop patiemment son déshonneur, il est lui-même accusable[58]. La procédure est redoutable : l'esclave, contre les règles ordinaires, peut être mis à la question pour déposer contre son maitre, quand même son maitre l'aurait affranchi. Le châtiment est rigoureux : pour les deux coupables, c'est la relégation dans une Ile ; pour le séducteur, la perte d'une moitié de son bien ; pour la femme adultère, la perte d'un tiers de son patrimoine et d'une moitié de sa dot[59], et une flétrissure éternelle, qui ferait punir comme complice de sa faute l'homme qui oserait l'épouser[60]. Auprès d'Auguste, nous trouvons Horace, fidèle reflet de son maitre. Il y avait de son temps dans la morale publique deux écoles différentes : celle de César, de Salluste, d'Octave même, qui ne respectait rien ; celle d'Auguste vieux et empereur, qui respectait au moins les droits de la famille et la dignité romaine. L'une, au mépris des lois, courait les chances dangereuses de l'adultère ; l'autre se tenait dans les turpitudes permises[61]. Ovide, qui ressemble aux poètes galants des siècles modernes, était de l'école la plus hardie[62]. Horace, il est bon de le savoir, Horace si corrompu et si obscène, appartient à l'école la plus sévère. Une de ses satires, qui par l'impureté de son texte échappe à la citation, était pour son siècle un sermon véritable. Horace, plein de colère contre l'adultère, de respect pour la vierge et pour la matrone, déplore la corruption de son époque et la profanation du mariage, source première de toutes les calamités publiques[63]. Il prêche les plaisirs permis et les infamies légales pour détourner des voluptés illicites[64], comme le vieux Caton qui applaudissait en voyant un jeune homme entrer dans un lieu de débauche, pensant qu'au moins l'honneur des familles n'aurait pas à souffrir de son libertinage. Aussi Ovide est-il exilé, pour ses écrits ou pour ses mœurs, peu importe, tandis qu'Hora ce est l'ami de César. L'Art d'aimer, cette fade théorie de l'art de séduire, dans le genre des poètes musqués du XVIIIe siècle, l'Art d'aimer est exclu des bibliothèques publiques où sont entassées toutes les monstruosités de la poésie grecque. A cette cour où le pieux Horace chante Bathylle et le chaste Virgile Alexis, un affranchi de l'empereur est contraint de se donner la mort pour avoir séduit une matrone[65] ; les deux Julie sont exilées ; Auguste, leur aïeul et leur père, songe à les faire mourir ; leurs amants sont bannis ou mis à mort. Enfin, bien des années après, au milieu d'un monde qui avait été l'impassible témoin de bien des turpitudes, Tacite compte encore parmi les malheurs publics et les présages sinistres les adultères qui souillèrent les grandes familles[66]. Elle est bien dépravée sans doute cette morale qui garde le seuil de la famille, mais qui ouvre la porte du lupanar, comme si, dit saint Jérôme, c'était la dignité méconnue et non la conscience pervertie qui faisait toute la faute[67]. Il y avait pourtant encore, dans cette dépravation, la trace d'une juste appréciation des fautes humaines. A la honte des derniers âges, la sainteté du mariage et de la famille était tenue en plus haute estime par la morale païenne qu'elle ne l'est par cette morale vulgaire qui s'est furtivement introduite parmi les hommes, à mesure que s'est retirée de leurs cœurs la morale du christianisme. La fidélité due à un engagement solennel, le sérieux du lien de famille, la gravité des fautes qui tendent à l'affaiblir, le respect auquel a droit l'innocence qu'on ne fait point faillir sans un double crime ; tout cela était mieux compris, tout cela était traité moins légèrement dans Rome idolâtre et pervertie, qu'il ne l'est depuis un siècle dans les sociétés européennes. Rome, en un mot, si elle ne comprenait pas quel malheur c'est d'être corrompu, comprenait au moins quel crime c'est d'être corrupteur. En tout ceci, il est vrai, la pensée politique dominait la pensée morale ; la famille était respectée surtout comme un élément de l'État, la femme comme la mère d'un citoyen. Le christianisme, qui juge les fautes humaines, non par rapport à la patrie, mais par rapport à Dieu, seul en a donné la juste et la véritable mesure ; seul en condamnant tous les désordres, il a su flétrir davantage ceux dans lesquels au libertinage s'ajoute le parjure, au vice la séduction, au crime envers soi-même le crime envers autrui. Seul, tout en protégeant la famille et le mariage, il a su tenir la porte fermée à toutes les fautes et fortifier l'homme d'une manière absolue contre la tyrannie de ses passions : nous le savons. Mais du moins le principe imparfait et la morale politique du paganisme avaient-ils quelques salutaires conséquences ; et nous devrions rougir en pensant que certains écrits et certaines idées, tout à fait admises aujourd'hui par ceux qui n'ont plus la foi chrétienne, scandaliseraient un Horace. |
[1] Scito dominum pro tota familia rem divinam facere. (Caton, de Re rust., 143.)
[2] Ulpien, XIX, 18 ; XX, 10. Gaius, II, 86, 87, 93 ; III, 163. Dionys., VIII, 79.
[3] Dionys. Halic., II, 15, 26, 27 ; VIII, 79. Plutarque, in Publicola, 6. Dion Cass., XXXVIII, 36. Festus, v° Sororium. Gellius, V, 19 ; Collatio leg. mosaic., IV, 8 ; 10 G., de Patria potestate, (VIII, 47). Le père pouvait enlever son fils aux tribunaux ordinaires (Tite-Live, I, 26 ; II, 41) et le juger avec l'assistance d'un conseil de parents et d'amis (Valère Max., V, 8, § 2 et 3 ; IX, 11. Senec., de Clem., I, 15) ou même à lui seul (Valère Max., ibid.). L'abus de ce pouvoir n'entraînait d'autre répression que la note du censeur. Dionys., Fragm., éd. Maï.
[4]
L'enfant vendu à un Romain était in mancipio.
Servorum loco
erant. (V. Gaius,
I, 123, 138 ; II, 114, 116, 160.)
[5] Gaius, I, 141 ; IV, 75-79.
Tite-Live, VIII, 28.
[6] SEI PATER FIDIOM TER VENOM DUIT FIDIOS AF PATRE LEIBER ESTOD. (V. Ulpien, X, 1 ; Gaius, Instit., I, 132 ; IV, 79 ; Dionys., ibid.)
[7] UTEI LEGASIT SUPER PECUNIAI TUTELAIVE SOVAI REI ITA IOUS ESTOD. (V. Ulpien, Regul., XI, § 14 ; Gaius, Instit., II, § 224 ; Justin., Instit., de Lege Falcidia ; Pomponius, loi 120, D., de Verb. signif. ; Cicéron, de Inventione rhetor., II, 50 ; Rhetor. ad Herenn., I, 13 ; Novell. Justin., XXII, 2.)
[8] Tria nomina ferre. (Juvénal, V, 126.)
[9] SEI INTESTATO MORITOR QUOI SOVOS HERES NEC ESCIT ADCNATOS PROCSUMOS FAMILIAM HABETOD. (Cicéron, de Invent., II, 50 ; Rhetor. ad Herenn., I, 13. Ulpien, Reg., XXVI, § 1, Collabo leg. mosaic. et roman., tit. XVI, § 4. Paul., Sent., VII, in Collat. leg. mosaic., tit. XVI, § 3. Gaius, Instit., I, 155-157 ; III, 9. Justin., Instit., § 1, de Heredit. qua ab intest.) On désigne sous le nom d'agnats tous les parents par mâles qui peuvent remonter à un auteur commun. Gaius, I, 156 ; III, 10. — Les frères et sœurs étaient consanguinei. Ulpien, XXVI, 1, 7. — Mais la sœur était la seule femme qui pût succéder comme agnate. Gaius, III, 14, 22. Ulpien, XXVI, 6,
[10]
SEI ADCNATOS NEC ESCIT GENTILIS FAMILIAM NANCITOR.
(Cicéron, loc. laud. ; Collat. leg. mosaic., tit. XVI, à 4 ; ex
Ulpiano, de Legit. hereditat. Gaius, Instit., III, 17. Paul., Sent., VII, in Collat.
leg. mosaic.)
[11] Ainsi les Charisties, fêtes célébrées entre cognats et affines (alliés). Ovide, Fastes, II, 617. Valère Max., II, 1. Le jugement de la femme et de l'enfant par un conseil de cognats. Pline, Hist. nat., XIV, 14. Suet., in Tiber., 35. Tacite, Annal., II, 50 ; XIII, 32. Valère Max., VI, 3, 8. Tite-Live, XXXIX, 18, Ép. 48. — Les cognats avaient le jus osculi. Plutarque, Quæst. rom., 6 ; de Virtut. mulier. Polybe, apud Athæn., X, 56. Pline, Hist. nat., XIV. Suet., in Claud., 26. — Cicéron, de Rep., apud Nonium, IV, 193. — Ils portaient le deuil. La cognation s'étendait jusqu'au sixième degré. Cicéron, pro Cluentio, 60.
[12] V., entre autres, un remarquable aperçu de la constitution du patriciat romain dans l'Orphée de M. Ballanche.
[13] Tite-Live, IV, 2.
[14] V. Tite-Live, VI, 34, 35.
[15] Ce droit est propre aux citoyens romains ; car il n'y a presque pas de peuple au monde qui exerce sur les enfants un pouvoir pareil au nôtre, et Hadrien le déclare dans son édit... Je sais cependant que la nation des Galates considère les enfants comme soumis à la puissance de leur père. Gaius, I, 55.
[16] Tite-Live, XXXIX, 19.
[17] Digeste, 41, § 1, de Ritu nuptiar (XXIII, 2) ; 13 pro., ad Legem Juliam de adult. (XLVIII, 5) ; 144, de Verbor. signif. (L, 16).
[18] Digeste, 16, § 1 ; de His quæ ut indign.
[19] Gaius, Instit., I, 111, 114,
115, 126 ; III, 159 ; III, 3.
[20] Gaius, I, 144, 145. Veteres enim voluerunt feminas, etiam si perfectæ ætatis sint, in tu tela esse propter animi levitatem. (V. aussi Tite-Live, IV, 9.)
[21] Gaius, II, 118.
[22] Plutarque, Conjugiala præcept., Quæst. rom. Ulpien, VII, 1. Paul, Sent., II, 23.
[23] Loi Voconia sur les hérédités testamentaires (an de Rome 585). V. Gaius, Instit., II, 274 ; Dion Cass., LVI, 10 ; Cicéron, in Verr., I, 41, 42 ; de Republ., III, 10 ; Asconius, in Verr., act. II, 1, 41 ; Gellius, VII, 13 ; XX, 20 ; Augustin, de Civit. Dei, 20, III ; Cicéron, de Senectute, 5 ; pro Balbo, 8.
[24] Hispala Fecennia, non digna quæstu cui ancillula assueverat ; etiam postquam manumissa erat eodem se genere tuebatur. (Tite-Live, XXXIX, 9.)
[25] Paul., Sent., II, 26, § 11.
[26] Digeste, 13, § 2, ad Leg. Juliam de adult. (XXV, 7) ; 1, § 1, 3 ; Concub., Cod., 29, hoc tit. Justin., Instit., IV, tit. XVIII, 4.
[27] Loi Scantinia.
[28] Pro Cælio, 20.
[29] Carpentis matres in mollibus... (VIRGILE.)
[30]
V. Valère Max., VI, 1, 3, 6, 8. — La loi Scantinia de nefanda Venere
prononçait la peine de mort. Valère Max., VI, 1, 7, 9, 10, 11. — Plusieurs
matrones condamnées par le peuple et punies par l'amende. Tite-Live, X, 31. —
D'autres exilées. XXV, 2. — Un homme accusé devant le peuple pour avoir séduit
une matrone. VIII, 22.
[31] Acron., ad Horat., I ; Sat., II, 61. Martial, II, 39 ; VI, 61. Mais dans les temps postérieurs, ces différences s'effacèrent. Tertullien, de Cultu, II, 12. — Sur cet usage de la toge, V. Juvénal, II, 69.
[32] Tacite, Annal., II, 85. Suet., in Tiber., 35.
[33] Dionys., II, 25. Cicéron, Topic., 3. Aulu-Gelle, XVIII, 6, remarque l'analogie des trois mots : mater, matrona, matrimonium.
[34] Selon plusieurs auteurs, le premier divorce fut celui de Carvilius Ruga au VIe siècle, et il encourut l'animadversion publique. Il motivait cependant son divorce par le désir d'être fidèle au serment prêté par lui qu'il se mariait pour avoir des enfants. Valère Max., II, 1, 4. Dionys., II, 25. Gellius, IV, 3 ; XVII, 21. Plutarque, Quæstt. rom., 14, 59. — On trouve cependant un divorce antérieur, en 446 ; il encourut la note du censeur. Val. Max., II, 9, 2.
Le mariage par confaréatiron,
qui était le mariage religieux, solennel et patricien, ne pouvait être dissous
que par la mort ; Dionys., II, 25. Gellius, XV, 15. Festus, v° Flamen.
Plutarque, in Romulo, 82 ; Quæst. rom., 50. Servius, ad. Æneid.,
IV, 29.
[35] V. Dion, LVIII.
[36] Valère Maxime, V, 2, 1.
[37] Plutarque, in Romulo. Pline, XXXVI, 9. Valerius Flaccus. Paulus, in Festo.
[38] V., sur les fonctions religieuses des matrones, Tite-Live, X, 23 ; Dionys., VIII, 56.
[39] Sur le soulèvement qu'excita dans le peuple et parmi les femmes une taxe imposée sur les plus riches d'entre elles, P. Appien, de Bell. civ., IV, 5.
[40] Plutarque, in Coriol., 37. Denys d'Halicarnasse, VIII, 55. Ce temple était situé à quatre milles de Rome sur la voie Latine. Ampère, Histoire romaine à Rome, t. II, p. 404.
[41] Matronarum sanctitas. (Cicéron, pro Cælio, 13...) Majestas.... sanctitudo. Afranius apud Nonium Marcellum. (V° Sanctitudo.) V. aussi Tite-Live, IV, L, 41.
[42]
Plutarque, Quæst. rom., 105 ; in Tib. Graccho., 1. Inscript.,
Orelli 2742, 4530. La femme du flamine, la pronuba
qui assistait la nouvelle mariée le jour de ses noces, devaient être univiræ. (Tertullien, de Monogam., 13.)
Dans le temple de
[43] V. Tite-Live, VI, 34, 35. V. l'Appendice B à la fin du volume.
[44] Tacite, de Orator., 28.
[45] Voyez ce que Plutarque dit de Numa qui est, selon la tradition romaine, le fondateur de la religion et de la morale nationale :
Numa conserva aux matrones la dignité vis-à-vis des hommes et les honneurs qui, sous Romulus, leur avaient été accordés pour les calmer après l'enlèvement ; de plus, il leur imposa une sévère bienséance, leur interdit les empressements frivoles, leur enseigna la sobriété, les accoutuma au silence, leur interdit le vin, ne leur permit pas, si ce n'est en présence de leur époux, de parler même des affaires indispensables. Une femme ayant plaidé sa cause au Forum, on dit que le sénat consulta les dieux pour savoir ce qu'annonçait un tel prodige. Spurius Carvilius, en l'an 330 de la fondation de Rome ; fut le premier qui divorça. Une Thalæa, sous Tarquin le Superbe, fut la première qui se querella avec sa belle-mère. Parallèle de Lycurgue et de Numa.
[46] Cicéron, ad Attic., I, 16.
[47] Le père était un Aulus Fulvius. Valère Max., V, 8, § 5 ; VI, § 1. Salluste, in Catil., 40. — Il y eut encore sous les empereurs des traces de ces jugements domestiques. Suet., in Tiber., 35. Tacite, Annal., XIII, 32. — Voyez dans Sénèque deux exemples remarquables, l'un d'un abus du pouvoir paternel puni par la colère du peuple l'autre d'un jugement contre un fils coupable de parricide, prononcé par le tribunal domestique, et tempéré à la fois par la tendresse du père et par la modération d'Auguste appelé à siéger à ce tribunal.
En cette occasion, Auguste ne voulut pas que le jugement eût lieu dans son palais ; mais lui-même se transporta dans cette maison privée, parce que, sans cela, la sentence eût paru émaner de la justice du prince, non de la justice paternelle. Auguste demanda que l'on votât chacun par écrit et à part, dans la crainte que son opinion, une fois connue, n'entrainât les autres. Il déclara même solennellement, avant de se prononcer, que jamais il n'accepterait, si elle lui était léguée, la succession de T. Arrius. Il voulait par là éviter tout soupçon d'intérêt personnel. De Clem., I, 14, 15.
[48] Cicéron, pro Cælio, 17.
[49] Nobis olim quidem annus unus erat constitutus... Sed qui prima illa imperia (initia ?) ætatis integra et inviolata præstitisset, de ejus fama et pudicitia, cum jam se corroboravisset et vir inter viros esset, nemo loquebatur. (Cicéron, pro Cælio, 5.)
[50] Nullius vitam labefactet. 12... Neminem vi terreat, ne intersit insidiis, scelere careat. 18.
[51] Ne effundat patrimonium, ne fenore trucidetur. 18.
[52] Nullius domum evertat. 15.
[53] Parcat juventus pudicitiæ suæ, ne spoliet alienam... ne probrum cadis, labem integris, infamiam bonis inferat. IX.
[54] Qui voluntate sua stuprum flagitiumve impurum patitur, dimidia parte bonorum muletatur. (Paul, II, Sent., XXVI 13.)
[55] Inst., de Publicis judicits. Toujours s'il s'agit d'une personne honorable (honeste vivens).
[56] Lois 8, 9, 10 pr. et § 1, D., ad Leg. Juliam, de Adult. (XLVIII, 5) ; Inst., 4, de Publ. judic.
[57] Macer., Digeste, I, de Publ. judic. (XLVIII, 1). Justin., Instit., IV, 18, § 4. Paul., II, 26, § 12. Modest., Digeste, 34, ad Leg Jul., de Adult.
[58] Il était sujet à l'accusation lenocinii. Paul., II, Sent., XXVI, § 8 ; lois 2, 44, 49, D., ad leg. Jul., de Adult.
[59] Paul, II, ibid., Tacite, Annal., II, 85. Pline, Ép. VI, 31.
[60] Paul., ibid., 1-9, 14. Digeste, ad Leg. Jul., de Adult. (XLVIII, 5) Cod. Just., ibid. (IX, 9). Sueton., in Octav., 34.
[61] Cicéron aussi distingue adulter et amator. (Pro Cælio, 20.)
[62] Et encore Ovide, après sa condamnation, se défend-il d'avoir écrit son Art d'aimer pour celles qui portent la stole et les bandelettes, c'est-à-dire pour les matrones et les vierges :
Ite procul, vittæ tenues, insigne pudoris,
Quæque tegis medios
instita longa pedes ;
Nil nisi legitimum concessaque farta canemus
Inque meo nullum carmine crimen erit.
Tristes, II, 1, vers 240 et s. Ailleurs il condamne cet écrit. Tristes, I, 1 ; III, 6.
[63] Odes, III, 6 ; IV, 5.
[64] V. aussi les conseils que donne le père d'Horace à son fils :
Si sequerer mœchas, concessa cum venere uti
Possem ; Deprensi non bella est fama Treboni.
Épictète, le plus austère des stoïques, ne parle pas autrement : Reste pur, s'il se peut, des voluptés corporelles avant le mariage mais si tu les goûtes, que ce soit de la manière qui est permise par les lois. (Enrichid.)
[65] Suet., in Aug., 67.
[66] Pollutæ ceremoniæ... magna adulteria. (Tacite, Hist., I, 2.) Suétone s'étonne de l'indulgence de Claude qui se contente d'adresser un simple avertissement à un chevalier romain coupable de liaisons adultères. (in Claud., 16.)
[67] Quasi culpam dignitas faciat, non voluntas. — Hieronym., Ép. 84, ad Oceanum, de morte Fabiolæ.