LES CÉSARS JUSQU'À NÉRON

TABLEAU DU MONDE ROMAIN SOUS LES PREMIERS EMPEREURS

COUP D'ŒIL GÉOGRAPHIQUE.

 

 

§ III. — LA GRÈCE ET L'ITALIE.

Mais à la Grèce européenne n'appartenaient ni tant de richesse, ni tant de joie. Chose singulière, la Grèce et l'Italie, ces deux métropoles de la civilisation, l'une pour l'Orient, l'autre pour l'Occident, avaient été toutes deux grandes, conquérantes, peuplées. La Grèce était devenue opulente par le trafic comme l'Italie par la guerre. Et toutes deux, au milieu de ce double monde qu'elles avaient civilisé et enrichi, toutes deux étaient maintenant pauvres, dépeuplées, impuissantes par elles-mêmes aux grands efforts et aux grandes choses.

Toutes deux surtout, condamnées par leur gloire même et leur puissance à être le perpétuel théâtre des guerres internationales ou des guerres civiles, portaient d'ineffaçables traces de ces luttes bien plus inhumaines que ne le sont les guerres modernes. C'est à peine si dans l'Europe actuelle nous pouvons compter huit ou dix villes dont le nom, connu il y a quatre siècles, ne se retrouve plus aujourd'hui ; tandis que Pline et Strabon vont nous montrer l'Italie, la Grèce, la Sicile, pleines de villes ruinées : et ces villes seulement dataient de trois à quatre siècles pour la Grèce, de deux siècles peut-être pour l'Italie et la Sicile, en un mot, de l'âge qui avait été pour chacune de ces contrées l'âge de la splendeur et de la force.

Les peuples antiques n'avaient qu'un temps : j'ai dit pourquoi. La décadence de la Grèce était déjà ancienne ; sous les premiers empereurs, son anéantissement était chose consommée ; sans poids dans les balances de l'empire, sans importance dans le commerce, sans habitudes et sans population militaires, elle ne tient plus de place dans l'histoire que par les déprédations artistiques des Césars et le voyage fastueux de Néron.

Et quand, sous le règne de Tibère, Strabon, ce Grec d'Asie, décrit la péninsule hellénique, c'est le passé qu'il décrit, au lieu du présent. Le présent n'a rien qui puisse consoler son zèle filial ; les villes sont détruites, les populations dispersées, les plaines désertes, le commerce, sauf celui de Corinthe, anéanti : les cantons qui fournissaient tant d'hommes à la flotte d'Agamemnon sont habités par quelques pâtres et par le publicain romain qui exige la dime de leurs troupeaux. Les amphictyonies, les fêtes nationales ont cessé ; les oracles se sont éteints ; ce n'est pas seulement la liberté ou la foi, c'est le peuple qui leur manque[1].

Aussi, c'est la vieille Grèce que Strabon cherche à travers la Grèce nouvelle. Ce sont les cités homériques dont il tache de retrouver les ruines. Quelques-unes ne sont plus que des bourgades ; de quelques autres on dit : Elles étaient là ; la place des autres est ignorée. Les divisions des contrées sont devenues incertaines ; à quoi bon délimiter le désert ? Strabon parcourt ces ruines ; un vers de l'Iliade le conduit à travers ces solitudes, et lui fait reconnaître la place de quelqu'une des grandes cités qui figurent au dénombrement de la flotte. Strabon n'est que le géographe d'Homère ; c'est un Danville d'il y a dix-huit siècles, cherchant avec son compas et ses livres sur quel point d'une plaine déserte il y eut jadis quelque chose de grand[2].

La Grèce sera désormais le pays des ruines ; son sol épuisé ne rendra plus rien à la charrue ; ses villes inactives ne seront que les custodes des monuments et des chefs-d'œuvre qu'auront bien voulu lui laisser ou les Césars, ou les Turcs, ou les Anglais. L'industrie et la civilisation remuante ne siéent plus à un horizon si triste, à une terre si dépeuplée, à des ruines si belles. Le légionnaire romain ou le janissaire turc seront désormais les meilleurs gardiens de ces admirables décombres.

La Grèce pourtant demeurait vivante par sa gloire et par son culte du passé. C'était déjà cette Grèce, triste débris d'une gloire éteinte, immortelle quoique anéantie, grande quoique tombée[3]. Germanicus s'incline devant elle, et, par respect pour Athènes, se fait suivre dans ses murs par un seul licteur[4]. En Grèce plus qu'ailleurs, sauf peut-être dans la débauchée Corinthe, devenue elle, du reste, romaine plus que grecque[5], les dieux sont demeurés purs du matérialisme oriental et du panthéisme égyptien. Les Hellènes n'ont pas voulu échanger contre les dieux monstrueux de l'Égypte les dieux de Phidias et de Praxitèle. La Grèce se soulève pour le droit d'asile de ses temples ; elle envoie ses députés le faire valoir au sénat ; elle serait prête à combattre pour lui. Messène et Lacédémone, ces antiques rivales, se disputent encore la possession d'un temple pour lequel leurs orateurs plaident devant le sénat, armés de vers d'Homère et de traditions mythologiques. Le temple d'Olympie, celui de Delphes quia été pillé dix fois, conservent encore près de trois mille statues de bronze, autant qu'Athènes, presque autant que Rhodes[6]. La Grèce, en un mot, est demeurée la grande prêtresse du paganisme, et trouve dans sa religion le peu qui lui reste de dignité et de liberté.

Si maintenant, partis pour l'Italie, nous côtoyons ce rivage méridional de la Sicile, où la Grèce avait jeté de si belles colonies et semé tant de chefs-d'œuvre ; cette île que Cicéron, il n'y a pas cent quarante ans, nous peignait si fertile, si opulente, si laborieuse[7], nous apparaît aussi toute désolée. Les guerres civiles de Rome ont achevé l'œuvre de destruction qu'avaient commencée les guerres Puniques, et qu'avaient poussée si loin les combats effroyables contre les esclaves révoltés. Enna est presque déserte ; Syracuse, qui renfermait cinq villes, est réduite à une seule[8] ; des côtes dépeuplées, des rivages solitaires, des temples en ruines se présentent partout[9] ; la Sicile a cessé de nourrir l'Italie. Entre la Grèce et l'Italie, plus proche parente de l'une, plus proche voisine de l'autre, la Sicile a subi leur sort commun et leur commune décadence.

Et néanmoins, quel magnifique vestibule va nous donner entrée dans l'Italie ! C'est dans la riche et commerçante Pouzzoles, intermédiaire de Rome avec Alexandrie et Carthage, que nous mettons le pied sur la terre italique ; autour de nous est l'admirable pourtour du golfe de Naples qui semble (tant les cités et les villas se touchent de près !) être le quai d'une ville immense ; autour de nous Baia, rendez-vous des voluptés romaines, avec les innombrables palais des Lucullus, des Hortensius, des César ; Naples, cité grecque, ville d'oisiveté et de délices ; Herculanum et Pompéi, mêlées de l'élégance hellénique, de la mollesse campanienne et de la corruption romaine[10]. Mais ce coin de l'Italie n'est guère que la maison de campagne des sénateurs et des affranchis de César, gardée pendant l'hiver par leurs clients. Partout ailleurs dans la péninsule, sauf peut-être dans les villes du nord, Côme, Milan, Crémone, cités gauloises devenues colonies romaines et qui semblent avoir part à la prospérité de la Gaule, partout vous sentez cette misère que cache en vain la magnificence romaine.

Mais ce sont les vertes croupes de l'Apennin, ces montagnes et ces vallées autrefois si riches en hommes et en soldats ; c'est la Sabine, le Samnium, l'Étrurie, le Latium, cet ombilic de l'Italie, patrie des nations les plus robustes et les plus braves ; c'est la terre même de Romulus, qui offre surtout le spectacle de la désolation et de la nudité. Là on retrouve les vestiges à peine apparents de villes détruites ; là de vastes cités il ne reste plus que des temples en ruines ; là on recherche la place des villes samnites ; là enfin Pline indique dans le seul Latium, la patrie de cinquante-trois peuples disparus ! Les villes, rapetissées peu à peu, ne remplissent souvent qu'une faible partie de leur enceinte démantelée. Les antiques démarcations des peuples sont perdues, parce que les peuples eux-mêmes sont détruits. La richesse, le luxe, l'esclavage, l'abandon de la culture, la malaria, ont fait leur œuvre. L'opulence a tué la population. Le midi surtout de la péninsule, la Grande-Grèce, si riche autrefois et si féconde, porte les traces d'une dévastation irréparable. Les deux plus grandes cités grecques, Canusium et Arigryppa, n'existent plus. Des treize villes Iapyges, Tarente et Brindes restent seules debout, les autres ne sont que des bourgades : l'isthme de Tarente est presque en entier désert ; la ville même, ainsi que celle d'Antium, a été en vain repeuplée par Néron[11]. A leur tour, Vespasien, Titus, Trajan, Hadrien, renouvelleront les colonies fondées avant eux, et enverront leurs vétérans remplacer la race éteinte des vétérans d'Auguste et de Néron[12].

J'ai ailleurs longuement développé le principe de cet appauvrissement de l'Italie. Les guerres civiles l'avaient aggravé encore, et une cause toujours subsistante devait accroître chaque jour les progrès du mal.

A la suite des conquêtes romaines, les proconsuls et les publicains qui revenaient d'Asie, après avoir pillé les trésors séculaires des rois macédoniens, n'enrichissaient pas l'Italie ; ils enrichissaient tout au plus leur propre famille. Il y a plus, cet accroissement de' quelques fortunes de sénateurs ou de maltôtiers était bien plutôt une diminution réelle de la fortune de tous. Le goût du luxe rendait tributaire des pays étrangers un peuple que ses habitudes, son éducation, ses lois, tout détournait de l'industrie. Et non-seulement, comme nous l'avons vu ailleurs, la conquête amenait la multitude des esclaves — cette plaie de la vieillesse des nations antiques, qui devait toujours finir par les tuer —, mais encore, par cela même que beaucoup d'or circulait, les denrées utiles étaient plus chères, et comme le pays produisait peu, il en restait d'autant plus pauvre. A ce pays, sur qui pesaient encore des lois de douanes conçues dans un esprit tout fiscal, que pouvait donner son commerce avec l'étranger ? Pour les pauvres, rien qui pût améliorer leur sort, si ce n'est ces importations de blé, si funestes sous un, autre rapport. Pour les riches, mille produits inutiles, dont les barbares qui les vendaient ignoraient eux-mêmes l'usage, et contre lesquels l'Italie n'avait pas d'échanges à donner, si ce n'est ses vins et un peu de corail. Aussi les écrivains se plaignent-ils de l'inégalité de ce trafic. Selon Pline, le commerce avec l'Inde, l'Arabie et le pays des Sères coûtait pour le moins 100 millions de sesterces chaque année[13]. En un mot, pour parler le langage moderne, l'Italie romaine était un grand consommateur qui ne produisait pas.

Disons-le donc : si l'abondance du numéraire constitue la richesse, si les belles villas, les édifices fastueux, les jouissances monstrueusement recherchées de quelques centaines de parvenus sont le bien-être et la fortune d'un pays, l'Italie était riche ; jamais magnificence plus stérile, luxe plus profondément dévastateur ne donna à une contrée désolée un embellissement trompeur, comparable aux bas-reliefs d'un tombeau. Mais si le nombre et la verdeur des populations, si leur activité agricole, industrielle ou militaire, si la santé et la vertu constituent la véritable fortune d'une nation, l'Italie était pauvre. La population de Rome, celle même des autres villes, pouvait végéter, entre le théâtre et les portiques, se tenant au pied de la table du riche pour recueillir les miettes de son festin, et tendant la main, dans Rome à César, ailleurs aux décurions. Encore ces largesses de quelques citoyens, vaniteuses et intéressées, devaient-elles, sous le règne des empereurs, diminuer chaque jour. Mais la grande plaie, c'était, je ne dirai pas seulement l'affaiblissement et la pauvreté, mais l'absence de la race agricole. Cette partie de la population qui recrute les armées, qui monte les vaisseaux, cette hardie race campagnarde (bold peasantry) qui est la moelle des peuples modernes, celle-là, à proprement parler, n'existait pas. De rares cultivateurs, sans ressources et sans pain quand ils étaient libres, le plus souvent esclaves, étaient ceux sur lesquels retombait de tout son poids la misère de l'Italie, et cet immense appesantissement de la grandeur romaine.

Tel avait donc été, en dernière analyse, l'étrange résultat de la conquête romaine. Cet Occident, barbare deux siècles auparavant, la Gaule, l'Espagne, l'Afrique, étaient maintenant riches et polis ; la civilisation chaque jour y gagnait quelque chose : la conquête n'avait trouvé là que peu de chose à détruire, et elle avait beaucoup édifié. L'Orient, civilisé par la Grèce, restait à peu près le même que l'avait fait l'influence macédonienne, grec par la civilisation et les sciences, barbare encore, ou plutôt asiatique, par la religion. L'Occident était plus agricole, l'Orient plus commerçant ; la Gaule et l'Afrique s'enrichissaient par la culture, la province d'Asie par le trafic ; l'Égypte et l'Espagne étaient à la fois commerçantes et agricoles. Mais aucune de ces ressources n'appartenait à la Grèce ; aucune de ces ressources n'appartenait même à la victorieuse Italie. La conquête romaine s'était ainsi tournée contre Rome elle-même, et, plus que personne, Rome et l'Italie souffraient des guerres désastreuses qu'elle avait promenées par le monde.

Mais le monde, à son tour, devait s'en ressentir. La plaie qui avait attaqué le cœur devait corrompre les membres ; cet affaiblissement maladif de ce que je veux appeler les parties nobles de l'empire devait se répandre aux extrémités. Le chancre gagnait déjà ; le mal commençait à se propager dans les provinces. De là, pendant les siècles qui suivirent, cette grande atonie de l'empire, cette prostration de toutes les forces, de toutes les intelligences, de tous les courages.

Car la Grèce et l'Italie, si pauvres et si énervées, gouvernaient encore le monde, l'une par ses lumières, l'autre par son pouvoir. Comment l'univers se partageait-il entre cette double influence du génie grec et du génie romain ? C'est ce qui nous reste à dire.

H y a un signe presque matériel de l'influence qu'un peuple a exercée sur l'éducation d'un autre : c'est la langue, l'élément le plus positif, le signe le plus cons-. tant, le témoignage le plus irrécusable de la nationalité. Quand la langue a disparu, on peut dire que la nation n'est plus ; quand les langues se sont mêlées, il ne faut guère penser à distinguer les nations. La puissance de la conquête romaine nous est attestée par l'effacement des langues qui la précédèrent. Rome, dit Pline, a ramené à une langue commune les idiomes sauvages et distords des races humaines[14]. L'idiome celtique ne resta dominant que dans la Grande-Bretagne, cette tardive et lointaine conquête de Rome ; et il est probable que c'est de la Grande-Bretagne qu'il est revenu dans notre Bretagne moderne. L'idiome ibérique, qui avait été celui d'une grande partie de l'Espagne, refoulé dans quelques vallées des Pyrénées[15], parait se retrouver aujourd'hui dans la langue basque. La langue punique, qui se conserva longtemps obscure et ignorée, dans quelques villages africains[16], ne se retrouve aujourd'hui nulle part. Si quelques langues de l'Orient ont été plus vivaces, si le copte, le syriaque, l'arménien, sont restés comme types des anciens idiomes de l'Égypte et de la Syrie, quel savant retrouvera les deux langues lycienne et carienne, l'une déjà perdue au temps de Strabon, l'autre qui dès lors se dépravait par le mélange des mots grecs[17] ?

Sur ces débris des langues nationales s'élevait la suprématie des deux langues maîtresses, le latin et le grec. Le latin était la langue de l'Occident ; c'était, au temps de Strabon, celle de l'Espagne[18] ; c'était déjà, sous Auguste, celle de la Pannonie, soumise depuis dix-huit années seulement[19] ; l'indépendance germanique n'échappait pas entièrement à cette tyrannie de l'idiome, et le héros des Teutons, Arminius ou Armin, comme on l'appelle, savait parler la langue de Rome[20]. Le grec, au contraire, était la langue de l'Orient ; tout ce qui était savant, philosophe, homme instruit, en Égypte, en Syrie, en Asie, parlait grec. Disons mieux, ces deux langues étaient universelles, l'une comme idiome du pouvoir, l'autre comme idiome de la politesse et de l'éducation[21]. Les préteurs et les proconsuls parlaient latin à Corinthe, les rhéteurs et les philosophes parlaient grec à Cordoue. Les saintes Écritures, et particulièrement la triple inscription attachée à la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, attestent l'usage des trois langues, du latin comme langue officielle, du grec comme langue civilisée, de l'idiome national comme langue populaire.

Rome, en effet, prétendait maintenir la dignité officielle de sa langue ; sa langue seule pouvait figurer dans les actes solennels du droit (acta legitima), seule était parlée au tribunal des proconsuls ; et c'était une honte, presque un crime de lèse-majesté, si un magistrat romain en parlait officiellement une autre[22]. Mais hors du sénat et du tribunal, chez lui, dans l'intimité de l'entretien et du repas, le Romain tant soit peu bien élevé retourne au grec, cette seconde langue maternelle que dès son enfance il a su parler comme la sienne. Tu sais nos deux langues ? dit Claude à un barbare qui parlait le grec et le latin[23]. Tibère, qui raie un mot grec introduit par mégarde dans un sénatus-consulte[24], Tibère parle grec entre ses grammairiens et ses affranchis. Claude, qui ôte le droit de cité à un homme parce qu'il ne sait pas le latin[25], Claude écrit en grec ses histoires ; il répond en grec aux députés de l'Orient, et donne pour mot d'ordre un vers d'Homère[26]. Le grec est la langue de la science, de la société, de la famille même ; on écrit, on cause, on rit, on pleure, on aime en grec ; Ζωή καί ψυχή[27] est la chère et doucereuse parole des coquettes romaines. Et ainsi la suprématie intellectuelle de la langue grecque efface la suprématie légale de la langue latine.

D'autant mieux que le Grec conserve sa dignité et ne se compromet pas à parler latin. Cette langue barbare, qu'il faut savoir sans doute pour lire l'édit du proconsul ou le registre du cens, peut-elle être bonne à autre chose ? Quel Grec, quel Oriental l'a jamais écrite, l'a jamais tenue pour langue littéraire et intelligente[28] ? Le Grec veut bien donner des leçons de rhétorique à ses maîtres ; mais il faut d'abord que ses maîtres, devenus ses écoliers, apprennent sa langue. Le Grec veut bien être le bouffon, le parasite, le philosophe domestique du Romain ; mais ses bouffonneries, ses quolibets, à plus forte raison sa philosophie, parleront grec. De l'Espagne, des Gaules, de l'Afrique, viennent en foule les Mela, les Valerius Caton, les Sénèque, des rhéteurs et des grammairiens, tous latins et parlant la langue de leurs maîtres ; mais tout ce qui vient de l'Orient, poètes, artistes, déclamateurs, est Hellène et reste Hellène.

Eh bien ! ce qui est vrai de la langue est vrai de la civilisation, des idées, de la nation elle-même. Cicéron nous est témoin du mépris officiel des Romains pour la Grèce. Cicéron avoue qu'il a eu certain penchant pour les Grecs, alors qu'il avait le temps de s'occuper d'eux[29] ; mais les grandes affaires l'ont fait tout Romain. Qu'est-ce que ces Grecs, hommes sans foi, sans loyauté, sans gravité, sans religion[30] ? Des poètes élégants, de jolis rhéteurs, d'habiles sophistes ? cela peut être. D'admirables artisans en fait de tableaux, de temples et de statues ? il se peut encore. Cicéron, dans sa questure de Sicile ou en faisant l'inventaire de la galerie de Verrès, a vu quelques-uns de ces chefs-d'œuvre. Mais le nom des auteurs lui échappe, il est obligé de se le faire souffler[31] : en effet, un sénateur du peuple romain peut-il connaître, apprécier, se rappeler de pareilles choses ? Et Verrès n'est-il pas coupable pour les avoir aimées autant que pour les avoir volées ? Savez-vous un des grands crimes de Verrès ? Il a paru à Syracuse en manteau grec et en sandales ; un préteur du peuple romain a porté l'indécent costume des Grecs ! ô crime ! ignominies[32] !

Voilà comme parle Cicéron à la tribune : mais ensuite il descend, revient chez lui, rencontre le philosophe Diogène, son commensal, et lui parle grec. S'il veut lire, ce ne sera pas le rude Ennius, ce sera Simonide ou Homère. S'il connaît un digne emploi de ses loisirs, c'est de traduire la philosophie grecque et d'apprendre à ses Romains à balbutier la langue de l'abstraction dont les termes manquent à leur idiome. Son ami Pomponius n'est plus Romain, il est Athénien comme son surnom le dit : et c'est à lui que Cicéron s'adresse lorsqu'il veut curieusement orner sa galerie de ces bronzes et de ces sculptures grecques pour lesquelles il témoignait tout à l'heure tant de mépris. Enfin, pour achever de réhabiliter les Grecs, lorsque Quintus est envoyé comme préteur dans la province d'Asie, Cicéron, son frère, lui adresse ces belles paroles : Souviens-toi que ceux auxquels tu vas commander sont des Grecs, le Peuple qui a civilisé les nations, qui leur a enseigné l'humanité et la douceur, auquel enfin Rome doit ses lumières[33].

Ce mépris convenu, ce dénigrement officiel du Romain pour le Grec, démenti par sa Vie de chaque jour, ressemblait assez à celui de l'Anglais pour tout ce qui n'est pas lui, pour la France qu'il envie, et pour l'Italie qu'il ne cesse de parcourir. C'était un reste de la vieille discipline, très-affaiblie, du reste, sous les empereurs. Claude, dans le sénat, recommandait la Grèce comme lui étant chère par la communauté des études. Germanicus, en Égypte, ne craignait pas de renouveler le crime de Verrès, dont Scipion avait donné le premier exemple[34], et se promenait sur les bords du Nil en tunique, en manteau et les sandales aux pieds[35]. Le Romain se débarrassait volontiers des entraves officielles de la dignité romaine. Si Athènes était trop loin, en Italie même, à Naples, il trouvait la Grèce. Dans Naples l'oisive[36], sans honneurs à poursuivre, sans clients à recevoir, sans largesses à faire, il causait, il riait, il allait au gymnase. On est à Rome pour faire son chemin, à Naples pour se reposer du chemin qu'on a fait. En face de cette belle mer et sur ces côtes magnifiques, le qu'en-dira-t-on de Rome ne vous poursuit pas ; vous pouvez parler, vous chausser, vous vêtir comme il vous plaît. Le grec est la langue, le pallium est le costume, la fainéantise est le droit de tous ; tout à son aise, en face du Vésuve et de Caprée, on fait le grec (græcari)[37], on quitte sa toge de vainqueur, on vit heureux et libre comme un vaincu[38].

La Grèce, au contraire, gardait sa dignité intellectuelle. Ce n'est pas qu'elle ne sût être adulatrice, qu'elle n'eût de l'encens à faire linier sur tous les autels, de la gloire à dispenser à tous les vainqueurs. Elle avait besoin de Rome et la courtisait, mais sans avoir rien à lui envier, rien à apprendre d'elle. Le monde grec ignorait le monde romain, tandis que le monde romain faisait du monde grec l'objet de son admiration et de son étude, qu'un Homère et un Sophocle étaient classiques partout, que partout l'Iliade était la première admiration de l'enfance, que les géomètres grecs, les médecins grecs, les artistes grecs étaient partout les maîtres de la science. Horace et Virgile pouvaient écrire, s'il leur plaisait, pour les Africains et les Espagnols ; on les lisait à Utique, on les commentait à Lérida, on les expliquait dans les écoles d'Autun. Mais ils n'avaient pas la prétention d'écrire pour la Grèce ; l'Orient hellénique leur était fermé, l'Orient tenait cette littérature latine pour non avenue. Quel Grec a cité Virgile ? quel rhéteur du bas-empire eût voulu passer pour disciple de Cicéron ? Voyez comme Strabon fait peu de cas des géographes romains et comme il préfère les voyageurs grecs ! Cette prédilection des Grecs pour eux-mêmes impatiente Tacite : Ces Grecs, dit-il, n'admirent que ce qui vient d'eux[39]. Par ce triomphe au dehors, la Grèce se vengeait de sa misère au dedans. Recueillie dans le culte de ses souvenirs et de sa poésie, elle avait su le faire partager au monde. Elle recevait sans les rendre les tributs de l'admiration ; elle s'inclinait devant le bras du conquérant, mais le conquérant s'inclinait devant son intelligence. Elle reconnaissait dans les Romains ses vainqueurs, pourvu qu'ils se reconnussent ses écoliers.

Cette scission du monde romain en deux parts avait besoin d'être étudiée ; nous n'avons pas craint de la développer avec détail, parce qu'elle est un des points de départ de l'histoire moderne. Les pays qu'avait civilisés Alexandre ne ressemblèrent jamais aux pays civilisés par les fils de Romulus. Lorsque l'unité de l'empire fut brisée, il se rompit naturellement à l'endroit de cette grande soudure entre l'esprit romain et l'esprit grec. L'Afrique, l'Espagne, la Gaule, la Bretagne, l'Italie, les provinces Illyriennes demeurèrent ensemble ; le reste forma l'empire grec. Et, quoique plus tard l'empire grec, dans un moment de succès, put parvenir à s'établir dans quelques portions de l'Italie, sa domination n'y put être durable.

Mais ici un grand fait doit être observé. L'esprit grec, divers, indépendant, tout individuel, résistait naturellement à l'unité. Au moment où se rompait l'unité de l'empire, il allait briser celle de l'Église. Les églises grecques se séparèrent, les unes sous Eutychès, d'autres sous Nestorius ; et Photius, cinq siècles après le partage définitif de l'empire romain, consommait la grande déviation de l'Orient. Par ce fait, l'Orient, déchu de la civilisation chrétienne, fut livré au mahométisme, aux révolutions, aux barbares, et à des barbares qu'il ne pouvait plus civiliser : il resta donc méprisé, misérable, dégradé.

L'Occident, au contraire, quand l'unité de l'empire n'exista plus, garda l'unité de foi et l'unité de civilisation, la fédération romaine préparait humainement la grande fédération catholique. César et Auguste unissaient et civilisaient l'Occident pour le compte de cet humble pécheur de Bethsaïde, qui naquit inconnu sous leur empire. Cette unité romaine si forte et si active devait tomber au jour de sa chute en des mains plus dignes.

Ainsi l'association des peuples latins ne fut pas rompue. Rome demeura la ville souveraine du monde et la patronne de l'Occident ; Rome ne s'était pas en vain appelée la ville éternelle. Tandis que le schisme triomphait dans l'Orient, l'hérésie disparaissait de l'Occident sans qu'on entendit même parler de sa chute. L'Occident marchait sous le bâton pastoral du batelier galiléen, plus croyant et plus dévoué qu'il n'avait marché sous l'épée de ses Césars.

D'un autre côté, Rome et l'Italie, par leur position géographique, par leurs antiques relations avec la Grèce, par leurs rapports un instant renouvelés avec l'empire de Constantinople, demeuraient héritières de la civilisation hellénique. L'Italie, médiatrice admirable, qui sous les Césars avait fait lire Homère et Platon aux Celtes barbares la veille ; qui, à la naissance de la foi, avait reçu ses voyageurs de l'Orient, saint Pierre et saint Paul, et leur avait donné passage vers l'Espagne et la Gaule ; l'Italie, à cette époque de ruines, recueillait sur ses rivages les traditions de l'art byzantin, et s'en servait pour revêtir tout l'Occident du blanc vêtement de ses églises[40]. Puis, à la chute de Constantinople, elle ouvrait une station aux sciences de la Grèce dans leur route vers l'Europe. L'Italie, en un mot, cherchait et recevait un à un, pour les transmettre aux peuples de l'Occident, les débris de cette civilisation défaillante.

La Rome chrétienne achevait ainsi ce qui avait été la grande mission providentielle et la gloire véritable de la Rome païenne : la civilisation de l'Occident. Si la vieille Rome a été exaltée par des louanges trop emphatiques, n'y a-t-il pas aussi une justice à lui rendre ? qu'est notre civilisation, sinon la civilisation de Rome devenue chrétienne ? que sommes-nous, sinon des Romains baptisés ? Rome est la mère de cette famille des peuples latins, contre laquelle s'est brisée la férocité des barbares ; qui a usé ou adouci les institutions féodales du monde germanique, étouffé l'arianisme, vaincu l'invasion mahométane à Poitiers, à Ostie, à Grenade, à Lépante, qui a repoussé le schisme de Luther ; cette famille des peuples latins qui, malgré tout ce qu'on peut faire pour la rendre infidèle, restera, s'il plaît à Dieu, la grande dépositaire de la civilisation et de la foi.

Le supplice de l'Orient a-t-il assez duré ? Les douze siècles de l'hégire ont-ils été assez longs pour satisfaire à la justice de Dieu ? Les bruits d'affaissements et de ruines qui nous arrivent de ce côté doivent-ils nous faire éprouver quelque espérance ? Le manifeste déclin de deux grandes puissances musulmanes, la Grèce chrétienne redevenue libre, la croix replantée dans cette Afrique que, grâce, aux Vandales, l'Orient avait conquise sur l'Occident ; tout cela ne peut-il pas nous faire croire que l'anathème jeté sur l'Orient va être levé et que Dieu le rappelle à la vérité ?

Alors renaîtrait dans les mêmes lieux l'unité romaine, mais autrement grande, autrement profonde, autrement sainte. Rome, sans laquelle il n'y a pas d'unité, Rome, dont l'empire est sans fin (imperium sine fine dedi, disait Virgile, meilleur prophète qu'il ne croyait être), Rome retrouverait ses alliés de l'Orient qui, après avoir subi, le sceptre de Néron, ont pu se révolter contre le joug paternel du serviteur des serviteurs de Dieu. Le même monde lui obéirait, elle enverrait ses légats aux mêmes lieux, elle retrouverait ses mêmes diocèses (car l'Église a emprunté de la domination romaine jusqu'à son langage) ; elle réunirait sous son patronage les mêmes noms et les mêmes peuples qu'au siècle des Cicéron et des Césars, disons mieux, au siècle des Constantin, des Sylvestre, des Athanase et des Jérôme.

Qui sait ? qui peut prédire ? qui connaît et comprend quelque chose ? Qu'il nous suffise d'avoir montré, dans l'unité romaine, la bien imparfaite préparation et le bien terrestre symbole de l'unité catholique. Le monde, au reste, s'est agrandi. Rome païenne s'arrêtait devant des barrières que Rome chrétienne a su franchir. Ses voyageurs et ses soldats ne dépassèrent ni l'Elbe, ni le Tigre, ni l'Atlas ; où se sont arrêtés les soldats de la Rome chrétienne ? La croix a fait plus de chemin que l'épée, et les terres par delà l'Océan, que le vol de l'Aigle n'avait pu atteindre, ont été sanctifiées par le sang de l'Agneau.

 

 

 



[1] Plutarque, de Oracul. defectu. Strabon.

[2] V. Strabon, VIII, IX, X, et Pausanias, VIII, 33, 36 ; X, 32.

[3] Fair Greece sad relie of departed worth ;

Immortal though no more ; though fallen great.

(BYRON.)

[4] Tacite, Annal., II, 53. Datum id fœderi sociæ et vetustæ urbis.

[5] Inscriptions latines de Corinthe. Palais des empereurs à Corinthe. Pausanias, II, 8. Elle eut le titre de colonie romaine.

[6] Sur Olympie, V. Pausanias, V, 9-23.

[7] Pline, ex Muciano, Hist. nat., XXXIV, 7.

[8] V. entre autres, Cicéron, in Verr., I, 2 ; III, 14, 21.

[9] Temple de Vénus Erycine, relevé par Tibère, et plus tard par Claude. Tacite, Annal., IV, 43. Suet., in Claud., 25. Strabon, VI.

[10] Sur Baïa, V. Senec., Epist., 51 ; Strabon, V ; Horace, I, Ép. I, 15. Villæ de Lucullus, d'Hortensius, de Marius, de Pompée, de César, de Domitia, d'Agrippine, de Pison. Senec., Ép. 51. Tacite, Annal., XIII, 21 ; XIV, 4 ; XV, 52. Plutarque, in Mario. — Sur la grotte de Pausilippe, Strabon, V ; Senec., Ép. 57. — Sur Pouzzoles, Cicéron, pro Planco, 26. Strabon, V. — Sur Naples, Senec., Ép., 76. Strabon, Horace, etc. — Sur Pompéi, Herculanum, etc., Senec., Ép. 149. Natur. quæst., VI, 1, etc.

[11] Tacite, Annal., XIV, 27. De même pour Capoue et Nucérie, XIII, 31.

[12] Frontinus, de Coloniis.

[13] 25 millions de fr. Pline, Hist. nat., XII, 18. Dans ce compte, l'Inde entrait au moins pour moitié. Id., XI, 23. Et Tibère dans Tacite (Annal., III, 53) : Lapidum causa pecuniæ nostræ ad externas hostilesve gentes transferuntur.

[14] Hist. nat., III, 5.

[15] V. Strabon.

[16] V. Apulée (Apolog.) et saint Augustin.

[17] Strabon, XIII.

[18] Strabon, III.

[19] Velleius Paterculus, II, 110.

[20] Tacite, Annal., II, 10, 13. V. aussi Suet., in Claud., 1.

[21] Valère Maxime, II, 2, § 2.

[22] Quo scilicet latinæ vocis honor per omnes gentes venerabilior diffunderetur : nec illis deerant studia doctrinæ, sed nulla non in re pallium togæ subjici debere arbitrabantur, indignum esse existimantes illecebris et suavitate litterarum imperii pondus et auctoritatem domari. Valère Max., II, 2, § 2. V. aussi Cicéron.

[23] Suet., in Claud., 42.

[24] Suet., in Tiber., 71. Augustin, de Civit. Dei, XIX, 7. Pline, Hist. nat., III, 5.

[25] Suet., in Claud., 16. Sur la rigueur avec laquelle Claude et Tibère maintiennent l'usage officiel du latin. V. t. II, Claude, § II. La censure. — Dion, LVII p. 612. B.

[26] Suet., in Claud., 43. Il cite des vers d'Homère dans ses jugements, il recommande la Grèce comme lui étant chère par la communauté des études.

[27] Mon âme et ma vie. V. Juvénal, VI, 194.

[28] Plutarque ne savait pas parler le latin : Il avait cependant fait plusieurs voyages à Rome et en Italie ; mais, chargé de traiter des affaires publiques, et, de plus, donnant des leçons de philosophie, il n'eut pas le temps d'apprendre la langue. Il commença fort tard à lire les écrits des Romains, et, en les lisant. il comprenait les termes par les faits qu'il savait d'avance, plutôt que les termes ne servaient à lui expliquer les faits. C'est ce qu'il dit lui-même in Vita Demosth. V. dans Aulu-Gelle les railleries que font dans un festin quelques rhéteurs grecs d'un rhéteur latin et de la littérature latine.... Tanquam barbarum et agrestem.... lingua quæ nullas voluptates haberet. (N. A., XIX, 9.)

[29] Et magis etiam tum quum plus mihi erat otii. (Pro Flacco, 4.)

[30] Cicéron, pro Flacco, 4.

[31] Cicéron, in Verrem de Signis, 2.... On les appelait des Canéphores.... Mais qui donc en était l'auteur ?... Vous avez raison. C'est, disait-on, Polyclète. L'affectation est ici d'autant plus remarquable que ce discours n'a jamais été prononcé. Ailleurs : Des statues qui pourraient charmer, non seulement un connaisseur comme Verrès, mais même des ignorants, comme ils nous appellent ; un Cupidon de Praxitèle : car, tout en faisant mon enquête contre lui, j'ai fini par apprendre des noms des artistes. Ibid. — Je n'ai rien vu de plus beau, bien que, du reste, je n'entende rien à tout cela. Ibid., 43. — C'est étrange combien ces choses que nous méprisons ont du prix pour les Grecs. Aussi nos aïeux.... les leur ont-ils laissées comme consolation de leur servitude. Ibid., 60.

[32] V. Cicéron, in Verrem ; V. aussi Philippica, II, où il reproche à Antoine d'avoir paru indutus Gallicis ; et Suet., in Tiber., 13 (où il reproche à Tibère d'avoir quitté la toge pour le pallium) ; et Id., in Aug., 40, sur la suprématie de la toge sur la tunique. Dion fait le même reproche à Caligula, LIX.

[33] Ad Quint., I, 1. Pline en dit autant à son ami. Ép. VIII, 24.

[34] Tite-Live, XXXIX, 19.

[35] Pedibus intectis. (Tacite, Annal., II.) (Des crepidæ au lieu des calcei.)

[36] Otiosa Neapolis. (Horace.) — Urbs Græca. (Tacite, Annal., XV, 33.)

[37] . . . . . Seu quem Romana fatigat

Militia assuetum græcari. . . . .

(HORACE.)

[38] V. Strabon, V.

[39] Græci.... qui sua tantum mirantur. (Annal., II, in fine.) Et Pline : Græci genus hominum in laudes suas effusissimum. (Hist. nat., III, 5.)

[40] Tanquam mundus, sese excutiendo, rejecta vetustate, candidam ecclesiarum vestem indueret, dit Radulphus Glaber (Hist. Franc., III, 4), en peignant ce mouvement de joie que ressentit l'Europe, la France, surtout en Italie, quand on vit que l'an 1000 s'était passé sans amener avec lui la fin des temps.