Serment demandé et juré. — Ce fripon, ce coquin de Dubois ! — Il est fait conseiller d'État. — Mot de la Palatine sur les femmes politiques. — Réformes réclamées, obtenues. — Anti-constitutionnaires. — Les légitimés se recrutent dans le camp des dévots. — Établissement des conseils. — Le vertueux cardinal de Noailles. — Le duc d'Antin, sans honneur et sans humeur. — Villars, d'Estrées, Villeroi, Noailles neveu, d'Huxelles. — Les membres des conseils. — Personnel féminin. — Devises. — Hommes du nouveau et de l'ancien régime. — Le duc d'Orléans populaire. — Allégresse générale. — L'almanach de 1776. — Le Régent-Hercule. — Secrétaire d'État de l'Académie des sciences. — Brevets de retenue. — Établissement d'une chambre de justice. Laissons les Légitimés à l'écart ; nous retrouverons à Sceaux, quand il en sera temps, la petite-fille du grand Condé, trônant au milieu de sa cour à la fois poétique et galante, et recevant tour à tour les surnoms de divine Ludovise, de Naine, d'Empérière, de Bergère, de Nymphe de Chantilly, etc. Pour l'instant, il y a entr'acte de la comédie. M. du Maine était annihilé : on ne voulait pas mettre ses talents à profit. Madame de Maintenon pouvait le regarder
toujours comme un prodige ; mais la veuve, ne sortant plus de
Saint-Cyr, ne colportait plus son admiration. Suivons les événements par rapport au Régent, ce représentant de la galanterie réaliste. Peu de temps après l'arrêt qui cassait le testament de Louis XIV, la princesse Palatine vit le duc d'Orléans. — Mon fils, lui dit-elle, je ne désire que le bien de l'Etat et votre gloire ; je n'ai qu'une chose à vous demander pour votre honneur, et j'en exige votre parole. Le Régent, qui rendait justice au bon sens de sa mère, et qui ne se révoltait pas contre les conseilleurs, donna la parole demandée. — C'est, ajouta la Palatine, de ne jamais employer ce fripon d'abbé Dubois, le plus grand coquin qu'il y ait au monde, et qui sacrifierait l'Etat et vous au plus léger intérêt. En effet, la réputation de l'abbé était horrible, et le public répétait volontiers ce qu'on assurait avoir été dit par le grand roi, lorsque Dubois, alors obscur, reçut de lui un bénéfice peu important : Il ne s'attache point aux femmes qu'il aime ; s'il boit, il ne s'enivre pas, et s'il joue, il ne perd jamais. Pour le peuple, Dubois était le libertin, l'ivrogne et le joueur heureux quand même personnifiés. Malgré ce serment réclamé avec insistance par la Palatine, le duc d'Orléans créa son ancien précepteur Dubois conseiller d'Etat. Avec Dubois, la rouerie entrait aux affaires, la position des femmes galantes se dessinait ; les débauchés avaient l'oreille du Régent. Le conseil était scandalisé, sans doute, mais le vieil abbé libertin, malgré ses soixante ans et ses reliquats de débauches, semblait rajeuni par les ardeurs ambitieuses, et devait aller aussi loin que peut aller un homme inaccessible à la niaiserie des scrupules. D'après son caractère facile et ses habitudes voluptueuses, Philippe d'Orléans ne pouvait manquer de se livrer à un conseiller, c'est-à-dire à un maitre. Peut-titre eût-il subi l'influence de femmes haut placées ; mais l'indolente régente se soucia peu de politique ; la duchesse de Berri, fille de Philippe, préféra, comme on l'a dit avec raison, la célébrité des vices et la liberté des plaisirs. Quant à la princesse Palatine, elle ne prit pas le rôle de dominatrice, et, bien qu'on la tourmentât à cet égard, elle tint ferme ; elle disait qu'on ne lui avait point enseigné l'art de régner, et qu'elle s'en acquitterait fort mal. Elle ajoutait : — Ce royaume n'a malheureusement été que trop dirigé par des femmes jeunes et vieilles de toute espèce. Il est temps enfin qu'on laisse agir les hommes. Voilà ce qui assura la fortune de Dubois, providence des femmes galantes de son temps ; voilà ce qui enleva aux courtisanes de la Régence toute influence politique, et les relégua au rang de subalternes. Toutes prièrent le sceptre du plaisir ; aucune n'eut le pouvoir en main. On verra que l'élévation de Dubois explique le règne des élèves de la Fillon, dont nous parlerons plus tard. La France avait soif de réformes. On demandait à grands cris le retrait des gouvernants qui protégeaient les jésuites, et qui soutenaient la bulle Unigenitus. Le Régent marcha tout d'abord dans les voies indiquées. La maison du roi, les bâtiments et équipages de chasse furent restreints (5 septembre) : on revint, pour ces dépenses, au temps de la mort de Louis XIII. Les anti-constitutionnaires, à la tête desquels figurait le cardinal de Noailles, virent avec une joie éclatante le père Le Tellier cesser toutes fonctions. L'ex-confesseur de Louis XIV, le futur confesseur de Louis XV, nommé par codicille, ayant demandé au Régent quelles étaient ses obligations présentes, ce prince avait répondu : — Cela ne me regarde pas ; informez-vous à vos supérieurs. Un tollé général, poussé par le camp des dévots, accueillit ces paroles. La faction des Légitimés se recruta parmi ceux qui regrettaient l'ancien ordre de choses. Les courtisans de madame du Maine allèrent criant sur les toits que le défunt roi, en léguant la souveraineté à son fils légitimé, avait voulu mettre la France à couvert de la honte : — que rarement les rois trouvaient dans leurs enfants naturels les qualités que Louis avait reconnues dans le duc du Maine et le comte de Toulouse ; — que ces princes avaient été dévoués à son service et uniquement occupés à lui plaire ; — qu'ils étaient zélés pour le bien de l'Etat, — et que la France admirait leur capacité et leur vertu. Philippe d'Orléans laissa dire. Le 15 septembre, il établit six conseils de gouvernement. Le conseil de conscience ou des cultes, comme on l'appellerait aujourd'hui, eut pour président l'anti-constitutionnaire cardinal de Noailles, lequel eut aussi la feuille des bénéfices enlevée à Le Tellier, exilé successivement à Amiens ut à La Flèche, avec une pension de six mille francs. Etait-il possible de montrer plus d'esprit réactionnaire ? Peu auparavant, les jésuites avaient manqué faire perdre à Noailles et sa mitre et son chapeau de cardinal. Par l'élévation de Noailles, qui ne consentait pas à signer la bulle Unigenitus, qui avait gagné l'amitié des Parisiens pendant l'hiver de 1709, en faisant fondre son argenterie pour venir au secours des pauvres, le Régent montrait les dents aux jésuites. Il plaisait aussi par là aux roués, qui accolaient sans cesse au nom de l'archevêque l'épithète de vertueux. Ce fut le duc d'Antin, fils de M. et de madame de Montespan, et courtisan sans honneur et sans humeur, qui présida le conseil du dedans du royaume, c'est-à-dire de l'intérieur. Louis-Antoine de Pardaillan de Gondrin, marquis, puis duc d'Antin, offrait le type achevé du courtisan. On se rappelait qu'ayant revu (1707) Louis XIV dans son château de Petit-Bourg, il avait répondu à l'immortel, critiquant une grande allée d'arbres qui cachait la rivière, eu faisant abattre l'allée en une nuit. Il avait succédé à Mansart comme directeur général des bâtiments. Grand train chez liai, luxe éblouissant, bonne chère et comédie. Et pour le jeu, quel goût ! Saint-Simon raconte que le duc d'Antin fut pris la main dans le sac par le duc d'Orléans, père du Régent. A la tête du conseil de guerre fut placé le maréchal de Villars. Immense réputation de guerrier ; homme des gloires de Louis XIV. Ce choix récompensait le général qui sauva la France à Denain. Le maréchal Victor-Marie d'Estrées, vice-amiral, fut président du conseil de marine, sous l'autorité supérieure, mais purement nominale, du légitimé comte de Toulouse, amiral de France. Aux finances, le Régent fut ordonnateur, signant toutes les ordonnances relatives aux mouvements de fonds. Louis XIV avait fait de mène. Il fallait l'œil du maître pour les finances, depuis si longtemps mal administrées : prodigalité du roi, incurie des ministres, rapacité des intendants, désordre général caché par le manteau d'une grandeur factice. Sous le Régent, le maréchal ; de Villeroi resta chef des finances ; la présidence réelle de ce conseil échut au duc de Noailles, neveu du cardinal. Or, Villeroi, nul, glorieux et magnifique, n'avait qu'un titre, et le duc de Noailles était le type de la versatilité courtisanes que, un transfuge du camp des dévots dans celui des roués. Le premier, qu'on avait surnommé autrefois le Charmant, à cause de sa grâce, de sa parure et de ses manières, devait espionner le duc d'Orléans, après lui avoir vendu le secret du codicille de Louis XIV. Il était bafoué par la cour et la ville, surtout après son équipée de Crémone. Le second, versé dans les questions financières, qu'il avait étudiées avec Nicolas Desmaretz, ex-contrôleur général, possédait une excessive dose d'ambition. Les finances étaient la principale affaire du gouvernement ; régir les finances, c'était gouverner. Noailles ainsi pensait, et voulait se créer une personnalité, importante. Du reste, gentilhomme doux quand il lui plaisait, gracieux, affable, gaillard, amusant, musicien et bon convive. Enfin, le maréchal Nicolas de Blé, marquis d'Huxelles, présida le conseil des affaires étrangères. D'Huxelles ressemblait tout à fait, dit Saint-Simon, à ces gros brutaux de marchands de bœufs. Paresseux, voluptueux à l'excès en toutes sortes de commodités, de chère exquise grande, journalière ; en choix de compagnie, en débauches grecques dont il ne prenait pas la peine de se cacher, et accrochait de jeunes officiers qu'il adomestiquait, outre de jeunes valets très-bien faits, et cela sans voile, à l'armée et à Strasbourg. Pour terminer le portrait de ce maréchal, faut-il y ajouter des couleurs foncées, telles que la bassesse, la souplesse, l'envie, la fausseté, la corruption dans le cœur comme dans les mœurs ? Peu après (14 décembre), on organisa le conseil du commerce, sans présidence nommée. Le Régent n'avait oublié que le commerce ! Cette forme de gouvernement était toute à l'avantage du tiers-état : Trois espèces d'hommes, dit Lémontey, choisis par la convenance, par la faiblesse et par la nécessité, remplissaient les listes des conseils : d'abord de grands seigneurs, vieux dans les intrigues, novices dans les affaires, et moins utiles par leur crédit qu'embarrassants par leur morgue et leur petitesse ; ensuite, les amis du Régent, l'élite des roués, esprits frondeurs et pervers, ignorants et spirituels, hardis et paresseux, et bien mieux faits pour harceler que pour conduire un gouvernement ; enfin, au-dessous d'eux, étaient jetés pêle-mêle des conseillers d'Etat, des maîtres des requêtes, des membres du parlement, gens instruits et laborieux, destinés à réparer sans gloire et sans émulation les bévues qu'il fallait attendre de l'incapacité de leurs premiers collègues et de l'étourderie des seconds. Au total, les amis du plaisir y avaient la majorité. Aisément on se figure le personnel féminin gravitant autour de ces chefs d'emplois, et combien les faveurs accordées exigèrent une réciprocité complète. Ces rois aux petits pieds ne manquèrent pas de favorites, à l'imitation du Régent, président des présidents, maître des maîtres. Presque tous possédaient des hôtels, où les fêtes ne discontinuaient pas ; presque tous avaient la maison des champs, que venaient animer i les déesses d'Opéra. L'établissement des conseils ne contribua pas peu a propager les principes de galanterie réaliste, jusqu'à ce que le système de Law, en gestation à l'époque dont nous nous occupons, les oint généraliser, vulgariser. Saint-Simon était presque content : les gentilshommes gouvernaient la France. Que de merveilles on attendait de la formation de ces conseils ! On les croyait d'autant plus appelés à fournir une brillante carrière, que le défunt roi s'était plus vigoureusement prononcé contre un tel mode de gouvernement. Tant de ministres avaient été incapables, que l'on était ravi de n'avoir plus de ministres. La flatterie ne tarda pas à s'en mêler. Une médaille consacra la devise de chaque conseil. Celui qui dirigeait cumulativement et la régence et les finances — car nous n'oublions pas que le duc d'Orléans présidait là de fait —, fut personnifié par un lustre, avec ces mots : Lucet coram omnibus, — il brille en face de tous. Une chasuble, avec cette devise : Aris imponit honorem, — il fait rendre honneur aux autels, devint l'emblème du conseil de conscience. Pour les affaires étrangères, le symbole fut une ancre, avec cette phrase : Indè quies et indè motus, — de là le calme, et de là le mouvement. Le conseil de guerre était figuré par une main qui lance un javelot, avec cette sentence : Dirigit et pugnat, — il dirige et il combat. L'allégorie du conseil du dedans (affaires intérieures) consista dans une ruche : Labor intus, — travail au dedans. Un soleil se levant sur les flots, avec cette pensée : Sole nascente clarior unda, — l'onde est plus transparente au soleil levant, célébra poétiquement les mérites du conseil de marine. Et le commerce ! le commerce aussi eut son petit éloge blasonné par une médaille représentant un pont ; la légende était : littora jungit, — il joint les rivages[1]. Dans les nouveaux rouages de la haute administration, parmi les soixante-dix quinzièmes de ministre déguisés sous les noms de membres des conseils, on ne voyait que peu ou point de artisans de l'ancien régime. Ceux-ci eurent une compensation dans le conseil de Régence, où l'on compta presque tous les personnages inscrits au testament du feu roi, — le duc de Bourbon, qui fut chef du conseil sous le Régent ; le duc du Maine, le comte de Toulouse, légitimés ; le chancelier Voysin ; les maréchaux de Villeroi, d'Harcourt et de Besons, le prélat Cheverni, l'ex-ministre Toni, et le duc de Saint-Simon. Cheverni, Saint-Simon et Besons étaient les choix nouveaux. Le maréchal de Tallard, nommé par Louis XIV, et oublié d'abord par le Régent, fut ensuite admis dans le conseil. Un de plus ou de moins, peu importait. Les choses se faisaient d'ailleurs assez légèrement. Tous les anciens choix avaient été laissés là pour la montre. Un exemple de l'esprit qui présida à la nomination définitive des membres du conseil de régence ressort des motifs allégués par le duc d'Orléans, quand il donna seulement à La Vrillière, plein d'exactitude et de goût laborieux, les fonctions de secrétaire. La Vrillière était fort petit de taille, et le Régent dit à Saint-Simon : — On se moquera de moi, si je montre ce bilboquet. Mais à quoi servait un entourage officiel au duc d'Orléans, puisque celui-ci était bien décidé à régner personnellement sous le nom du roi mineur ? — Derrière lui, dans l'ombre encore, comme le Méphistophélès de ce Faust politique, passe et repasse en ricanant l'abbé Dubois. Donc, le Régent était maître, sauf le chapitre des influences. Il conquit promptement une certaine popularité, en redressant les torts du monarque défunt. De même que, par la restitution du droit de remontrances, il s'était ménagé le parlement, de même il se concilia les anti-constitutionnaires, en révisant (10 novembre) toutes les lettres de cachet, en rendant à la liberté ou à la patrie les gens embastillés ou exilés pour fait de jansénisme. Cet acte de haute intelligence inspira les dessinateurs et les poètes. Sur une gravure, on burina ce quatrain : L'on ne voit plus trembler la paisible Innocence, Ni la Vertu languir dans la captivité, Le Mensonge est détruit, et l'auguste Régence Fait triompher partout la sainte Vérité. Le Régent reçut certains prisonniers de valeur avec beaucoup de marques d'estime et de bonté. De plus, il ordonna d'élargir quelques gens détenus pour dettes ou pour des fautes légères. Mais le désir d'acquérir de la popularité l'avait conduit trop loin : plusieurs graciés, surtout de l'hôpital général, persévérèrent dans leur mauvaise conduite, et il fallut les réintégrer en prison. Aussitôt que le duc d'Orléans eut fermé l'assemblée du clergé et défendu de publier ses censures, une estampe allégorique représenta le Temps qui découvre la Vérité, laquelle, soutenue par l'Amour de la Vertu, confond et renverse la Calomnie, l'Envie et la Fourberie. Toutes ces mesures prises contre les constitutionnaires ou en faveur de leurs victimes, exaltèrent l'enthousiasme de la multitude. La pitié pour les persécutés et la haine contre les persécuteurs devinrent telles, qu'il appartint à la police d'empêcher les excès. Lancé sur ce terrain, le Régent ne s'arrêta pas tout à coup. Depuis la Fronde[2], le roi de France avait abandonné la résidence de la capitale. Les Parisiens surent gré au duc d'Orléans de quitter Versailles pour venir au Palais-Royal, et d'installer Louis XV dans le château des Tuileries (2 janvier 1716). Leurs vœux étaient comblés, en outre, par un arrêt rendu trois mois auparavant, et assurant au peuple que les monnaies ne subiraient plus de variations ; par une déclaration ordonnant la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume ; par la diminution des droits d'entrée sur les consommations de Paris ; enfin par des remises sur la taille, le dixième et la capitation de l'année 1716 ; etc. Il leur semblait que le poids des charges publiques devait diminuer, que les abus allaient disparaitre, que l'usure serait anéantie, que le commerce en détresse reprendrait une vie nouvelle. Le peuple français s'est toujours et se laissera toujours, peut-être, bercer si facilement par de trompeuses espérances ! Aussi lisons-nous dans un vaudeville publié par le Mercure galant, en janvier 1716 : Grâces à monsieur le Régent, Dans cet an mille sept cent seize, On ne verra plus d'indigent, Chacun sera fort à son aise. Ah ! qu'il est sûr, ah ! qu'il est beau, Mon almanach nouveau. Aussi, dans cette même année, un aumônier de la duchesse de Berri présenta-t-il à cette princesse un beau portrait du Régent, son père. Au bas était un Hercule avec sa massue, autour cette devise : nec mole gravatur — ce poids ne l'accable point —, et au-dessus ces deux vers latins : Mars fuit Hispanis, invictam stradit Herdam. Jupiter est Gallis, Phœbus et alma Ceres[3]. (Il fut Mars pour les Espagnols, prit l'invincible Lerida. Il est pour les Français, Jupiter, Phœbus et la fertile Cérès.) En vérité, les flatteurs de Louis XIV survivaient, et n'avaient pas perdu leur manie mythologique ! Voilà le duc d'Orléans devenu tout à la fois un Mars, un Jupiter, un soleil et une Cérès ! L'encens de la popularité enivre. Le duc d'Orléans, ami de Saint-Simon et de toute la noblesse, se rendait favorable aux masses en matière d'impôts ; il se montrait encore sympathique aux savants, ses confrères, en réglementant d'une façon aussi large que libérale l'Académie des sciences (3 janvier 1716). — Je compte même, dit-il, demander au roi, à sa majorité, d'être toujours secrétaire d'État de l'Académie. Ces actes, très-ostensibles, cachaient les tolérances ou les privilèges déplorables accordés à la noblesse exigeante, aux compagnons de débauche du duc d'Orléans. Les gentilshommes obtinrent exclusivement les emplois de l'administration des haras : et il multiplia les brevets de retenue, qui consacraient l'hérédité et la vénalité des gouvernements et des lieutenances. Il ne protégea pas les jésuites, sans pour cela perdre sa sévérité contre les protestants. Ainsi éclatait son caractère. faible, inconséquent et plein d'insouciance ; son manque de principes l'empêchait de réaliser des réformes complètes ; il ne corrigeait la fin du dernier règne que dans les choses qui gênaient ses mouvements personnels. Et puis la passion du plaisir l'entraînait, le besoin d'argent occupait sa pensée. Louis XIV avait laissé un déficit de 78 millions. On parlait tout haut de banqueroute, et quelques courtisans, Saint-Simon en tête, ne voyaient pas grand dommage à frustrer les créanciers de l'État, qui étaient en général des gens de bas lieu. La question des finances apparut comme étant la plus grave. Aux expédients du dernier règne succédèrent les théories. On diminua les impôts, et, par compensation, on réduisit les rentes, d'après les conseils du duc de Noailles, qui ne tarda pas à faire établir par un édit (mars 1716) une chambre de justice contre les traitants coupables d'exactions, contre les comptables et les munitionnaires coupables de concussions, et contre les usuriers coupables d'a soir agioté sur les papiers der Etat. |