HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA FRONDE

 

CHAPITRE XVI.

 

 

Condé dans Paris. — Tumulte. — Affaire de la rue de Tournon. — Situation malheureuse de la capitale et de ses environs. — Essais infructueux d'arrangements avec la Cour. — Prise et reprise de Saint-Denis. — Processions de châsses ; le dévot Condé. — Offres de Christine de Suède au parlement. — Mesures de bienfaisance ; œuvre. — Guerre des Menardeaux. — La paille. — Condé et Turenne, au faubourg Saint-Antoine. — Bataille. — Lâcheté de Gaston d'Orléans ; courage de sa fille. — Effet d'un coup de canon. — Condé est sauvé par Mademoiselle.

— Du 11 avril 1652 au 3 juillet 1652. —

 

Si bien peu de gens eussent voulu fermer les portes de Paris à Monsieur le Prince, malgré une lettre du roi à la Ville, pour qu'elle s'opposât à l'entrée de Condé, personne assurément ne lui eût accordé la puissance absolue. On connaissait son caractère, et on le redoutait. Sa réception fut telle d'abord, que Condé se crut perdu ; Chavigny n'avait pourtant pas manqué de répandre le bruit que le combat de Bléneau était une victoire décisive remportée sur le parti de la Cour. Le parlement et les gens de l'Hôtel-de-Ville refusaient, — scrupule honorable, — de s'unir à un prince qui s'était allié avec les Espagnols. Plusieurs magistrats influents s'opposaient à ses desseins, et la Compagnie rappela l'arrêt qui pesait sur sa tète. Mais les amis de Condé colportèrent des libelles, affichèrent des placards, multiplièrent les rassemblements tumultueux en sa faveur, commirent des violences, allèrent jusqu'aux menaces contre les maisons (premiers jours d'avril). Deux hommes furent pendus, en manière de représailles, par ordre du parlement. Les partisans du coadjuteur, qui était irréconciliable avec Monsieur le Prince, soutenaient habilement la guerre des pamphlets, sans pouvoir empêcher les émeutes, les cris, les coups, les vitres cassées, les attaques à main armée.

Le duc d'Orléans patronnait Condé, et un jour (30 avril), le prévôt des marchands et deux échevins, sortant du palais du Luxembourg, furent assaillis clans la rue de Tournon. On leur jeta des pierres, des formes de souliers, tout ce que l'on rencontrait. Le prévôt chercha bien vite asile chez un apothicaire dont la boutique subit quatre heures de siège, et il ne put se sauver que sous un déguisement. On avait fait courir le bruit que le prévôt des marchands avait fait sortir des Liés de Paris pendant la nuit. Monsieur le Prince était dans une situation critique, car rien ne se décidait nettement en sa faveur. Il méritait son sort. Pour lui procurer de l'argent, son factotum, Jean Hérault de Gourville, vola lui-même la caisse d'une recette, et alla prendre dans son logis un directeur des postes, auquel il fit payer rançon. Gourville avait auprès de Monsieur le Prince un rôle à peu près semblable à celui de Pierre Lenet.

Dans Paris, quelle misère ! Elle surpassait celle des années précédentes. Deux armées pillaient çà et là la capitale et ses alentours. Charles IV et ses Lorrains, notamment, traitaient l'Ile-de-France en pays conquis. Les récits contemporains sont navrants. Son camp ressemblait à une foire, où l'on vendait des habits, des meubles, des objets de toute espèce enlevés aux paysans ; les officiers y donnaient des fêtes aux dames, et celles-ci les ramenaient à Paris, où on les traitait magnifiquement, — bals, revues, festins, galas continuels. Pendant ce temps, le laboureur se désolait en voyant son champ dévasté, foulé aux pieds des chevaux, sa récolte anéantie ; les gens de la campagne fuyaient dans les villes, où leur présence augmentait la disette. Partout de pauvres diables errants, affamés et nus, couchant sur les places publiques. J'ai vu, dit La Porte dans ses Mémoires, j'ai vu, sur le pont de Melun, trois enfants sur leur mère morte, l'un desquels la tétait encore. Piller en arrivant, piller en s'en allant, telle était l'unique pensée du duc de Lorraine, d'abord allié des princes, puis vendu à Turenne, et faisant retraite deux jours après que le prévôt des marchands se fut plaint au parlement des désordres commis par les Lorrains.

Une sentence du prévôt, rendue conformément à un arrêt du parlement, déchargea les habitants du terme de Pâques (12 avril). Le 24, des désordres furent commis à la porte Saint-Antoine à l'occasion des octrois. Une sorte d'anarchie régnait partout. L'abbé Fouquet, frère du procureur général au parlement, de l'homme qui devint plus tard si célèbre par sa disgrâce, comme surintendant des finances, fut arrêté au moment où il se rendait à Corbeil, pour s'entendre avec les partisans de la Cour (23 avril). Le prévôt des marchands se plaignit aux magistrats de ce que les princes avaient ordonné la rupture des ponts, de ce que leurs troupes ravageaient tout, et de ce qu'on avait forcé les octrois (26 avril). Deux jours après, Condé envoyait le duc de Rohan, Chavigny et le sieur de Coulas à Saint-Germain, pour y traiter d'un accommodement avec le roi et Anne d'Autriche, qui s'étaient rendus de Corbeil dans cette ville en faisant le tour de Paris. Tentative sans résultat : les députés de Condé ne furent pas mieux reçus par la Cour que ceux du parlement ne l'avaient été, lorsque, le 13, ils avaient présenté au roi des remontrances contre Mazarin.

Ce qui semblait le plus certain, c'est que la Fronde était désormais une lutte guerrière entre les deux généraux par excellence, Turenne et Condé.

N'ayant plus ni travail ni pain, beaucoup d'ouvriers se décidèrent à faire le coup de mousquet, sous le commandement de Condé, qui les mena (11 mai) à Saint-Denis, pour s'emparer de la ville. Saint-Denis retomba le lendemain au pouvoir des troupes royales. C'était plus que de la guerre, c'était du désordre ensanglanté, qui menaçait de devenir horrible, car Turenne avait triomphé dans le combat d'Etampes (4 mai), d'Harcourt avait défait les révoltés de la Guienne, et la Ferté, après avoir chassé les Espagnols de la Champagne, reprenait le chemin de Paris.

La paix ! la paix ! soupiraient les âmes effrayées. D'autres ne rêvaient que troubles. Un jour, on fermait les boutiques dans les environs du Palais de Justice et l'on forçait les prisons de la Conciergerie ; un autre jour, une foule de femmes insultaient des membres du parlement. Le duc d'Orléans appelait cela égayer la Compagnie. Gondi se tenait toujours à l'écart ; Gaston d'Orléans s'emparait du commandement de la force armée dans Paris (14 mai). Des prières de quarante heures furent dites dans plusieurs églises, pour la cessation des troubles ; la châsse de sainte Geneviève fut portée en procession jusqu'à Notre-Dame (29 mai) ; pareille procession eut lieu, peu après, pour la châsse de saint Germain. Quand les châsses passèrent, assure madame de Motteville, Condé courut à toutes avec une humble et apparente dévotion, faisant baiser son chapelet, et faisant toutes les grimaces que les bonnes femmes ont accoutumé de faire. A la vue de celle de sainte Geneviève, il courut se jeter entre les prêtres, baisa le pieux objet, y fit baiser encore son chapelet, et se retira aux applaudissements du peuple, qui criait : Ah ! le bon prince ! qu'il est dévot ! Le duc de Beaufort renchérit sur Condé ; Gaston d'Orléans se contenta de regarder d'une fenêtre la procession qui passait.

Bien des gens maudissaient les instigateurs de luttes continuelles. La reine Christine de Suède écrivait au parlement, déplorait la malheureuse situation des Français, et offrait son intervention pour raccommoder les partis. L'illustre reine ne parvint point à son but. Nos magistrats, dédaignant ses offres, ordonnèrent seulement une assemblée générale de police dans la chambre de Saint-Louis pour le soulagement de la multitude des pauvres de Paris (12 mai). Peu après, un mandement de l'archevêque de Paris engagea les bonnes âmes à secourir, à assister les misères publiques. Une manière de potage, dont chaque portion ne revenait guère à plus d'un sou, était en usage depuis trois années. La distribution de ces potages se faisait par les soins d'une Œuvre à laquelle appartenaient quelques nobles personnes. Dans plusieurs paroisses étaient (labiles des mannite%, pour donner de la soupe aux quinze mille pauvres de Paris. On distribuait aussi des aumônes en argent, et sui tout en nature, — vêtements et médicaments. A Paris, les curés dirigeaient l'Œuvre ; dans la banlieue et dans les provinces voisines, c'étaient les communautés et congrégations religieuses qui répartissaient les secours. Une Exhortation aux Parisiens prouvait que l'aumosne en ce temps était de précepte et non pas de conseil. Ces moyens amenèrent-ils des résultats efficaces ? Impossible de le croire, car d'année en année le nombre des mendiants se multiplia.

Nous avons vu qu'il n'existait point d'accord véritable entre le parlement et les princes, ce qui portait ces derniers à faire égayer de temps en temps les magistrats par des émeutiers ; le peuple s'accoutumait à traiter cavalièrement les bonnets carrés. Parmi eux, François Menardeau-Champré, conseiller, colonel de la milice, avait été détaché de la Fronde par sa femme, au dire de Tallemant des Réaux. Le Parlement burlesque de Pontoise le pourctraitait ainsi :

Mainardeau, cocu volontaire,

Du parlement le vitupère,

Petit bout d'homme au front d'airain,

Autant maudit que Mazarin,

Cet homme de sac et de corde,

De qui l'âme à son corps s'accorde ;

Car si son corps est contrefait,

Le dedans est encor plus laid.

Dévoué à la Cour, Menardeau-Champré figurait en tète des magistrats suspects, et il faut dire que de nombreuses plaisanteries faites sur la légèreté de sa femme l'avaient ridiculisé, et çà et là des chansons ou vaudevilles couraient sur le Champré. Les princes étaient venus plusieurs jours de suite au parlement ; le peuple s'était fort préoccupe des séances, et, le 25 juin, sur les onze heures du matin, la compagnie du conseiller-colonel Menardeau s'empara de la rue Neuve-Saint-Louis, pour en garder les aboutissants, et par crainte de sédition. C'était aux environs du Palais de Justice. Des bourgeois, mécontents de cette manœuvre, sommèrent la milice de se retirer, en disant qu'ils se garderaient bien eux-mêmes. Mais le capitaine-enseigne répondit qu'il ne quitterait ce poste qu'avec la perte de la vie. A ces paroles, les bourgeois s'échauffèrent. Une lutte s'engagea, telle que de part et d'autre il s'en rencontra au nombre de vingt personnes tant morts que blessés. Quatre furent tués sur place, et parmi eux l'enseigne de Menardeau. Le drapeau de la compagnie demeura pour les gages.

Cette sédition, bientôt apaisée par l'intervention des princes, a reçu le nom de Guerre des Menardeaux. On en publia plusieurs récits ou relations, et particulièrement une sorte de poème burlesque, écrit par un disciple de M. Scarron, et intitulé : La guerre des Menardeaux, ou la fameuse bataille de la rue Neuve-Saint-Louis, donnée entre quelques brigades des compagnies de la milice de Paris, avec l'apologie des vainqueurs et l'oraison funèbre des morts. Le poète s'écriait :

Mais qui furent ces combattants ?

Non les Géants, non les Titans,

Non les escadrons de Cadmée,

Mais une plus vaillante armée.

On vit combattre en cet assaut

Le badaud contre le badaud, etc.

La chose n'était pas déjà si plaisante. On demanda plus que jamais la mise à prix de la tête de Mazarin, et le mot de république circula comme en 1649. Les grands ne sont grands, dirent les pamphlets, que parce que nous les portons sur nos épaules ; secouons-les, et nous en joncherons la terre. Ô malheureuse époque ! Les désordres des gens de guerre étaient si graves, la désolation était si générale, que toutes les maisons et fermes des environs de Paris allaient être ruinées, et hors d'état de se rétablir de plusieurs années. Les soldats, français ou étrangers, répétons-le, ne se contentaient pas des vivres : ils pillaient les meubles et les ustensiles, prenaient les bestiaux, dégradaient et démolissaient les maisons pour en avoir les matériaux. Et le parlement, ainsi que le constatent ses registres, ordonna en vain de courir sus aux pillards, défendit en vain à toutes personnes d'acheter les objets pillés.

Au parlement comme à l'Hôtel-de-Ville, Condé ne possédait qu'un petit nombre de partisans : il n'avait pas non plus tout le peuple pour lui. Sa conduite antinationale, sa liaison avec les étrangers était ainsi punie. Ajoutons que dix mille aventuriers que l'Espagnol lui envoya se laissèrent séduire par l'or de Mazarin, et que trois mille Lorrains vinrent renforcer l'armée de la Cour.

Cependant les frondeurs essayèrent de se compter, de se reconnaître au milieu d'un si épouvantable chaos. La guerre des menardeaux laissait prévoir de chaudes journées.

Les frondeurs s'avisèrent de porter de la paille sur leur chapeau ; ils forcèrent tout le monde d'en faire autant, si bien que, selon Conrart, les femmes, les enfants, les gueux et jusques aux chevaux et aux ânes, eurent la paille. Cela voulait dire qu'on n'était pas un mazarin. Les religieux même durent placer de la paille sous leur froc ; les gens qui allaient en carrosse en mirent aux portières ou à la tête de leurs chevaux :

Peur d'estre appelé mazarin,

Faut que l'on porte de la paille,

N'en aurait-on qu'un petit brin

Peur d'estre appelé mazarin ;

Celui qui n'en a, pour certain,

Faut qu'il s'asseure qu'on le raille ;

Peur d'estre appelé mazarin

Faut que l'on porte de la paille.

Monsieur de Mesgrigny, chanoine de Notre-Dame, prêchant en ce temps-là aux Bernardins, appliqua au parti de la paille ces paroles de Job : In stipulam versi sunt lapides fundœ — les pierres de la fronde se sont changées en paille. D'où venait ce signe de ralliement ? L'auteur d'un imprimé intitulé : l'Ordre de la paille, nous apprend que Monsieur le Prince, à Philisbourg et à Lens, avait ordonné aux soldats de tirer un peu de la chemise hors de chausses, afin de se reconnaitre dans la bataille ; que, dernièrement, dans un combat contre les soldats mazarins, il avait fait prendre de la paille à ses troupes. Son armée, victorieuse, ou se croyant telle, avait mis de la paille aux chapeaux, laquelle avait été changée en lauriers. La paille, ornant les têtes de Gaston, de Condé, de Beaufort, et de mademoiselle de Montpensier, devait être considérée comme semblable au lis, assurèrent bientôt les frondeurs. Les libellistes publièrent Les louanges de la paille, — Les Triolets sur la mode de la paille qui court, — et le Caquet de la paille.

Condé, espérant toujours que la capitale se prononcerait pour lui, au moins en haine de Mazarin, se dirigea vers Saint-Cloud ; Turenne, à Saint-Denis, se renforça des troupes amenées par La Ferté. Une grande bataille allait prochainement décider la question entre l'aristocratie et la royauté. Après divers mouvements stratégiques, les deux rivaux se trouvèrent face à face, dans le haut du faubourg Saint-Antoine (2 juillet), où les troupes royales avaient pénétré. La Cour se plaça sur le plateau de Belleville et de Charonne, pour être témoin du combat qui se livra dans des rues étroites, des jardins et marais, des enclos, des couvents, des maisons de plaisance, avec force barricades et retranchements improvisés. La lutte fut très vive. Condé et Turenne y déployèrent toutes les ressources de leur génie. Gaston d'Orléans vit la disposition des deux armées, puis il se retira prudemment dans son palais du Luxembourg, pour cause de maladie ; les bourgeois de Paris, en général, se promenèrent sur leurs remparts, et semblèrent assez indifférents à ce qui se passait. Vainement Condé avait fait haranguer le peuple dans les carrefours et les places publiques ;  il n'obtint qu'avec peine qu'on recevrait ses blessés, dont le passage finit par émouvoir la compassion des Parisiens.

La chaleur était accablante ; les heures s'envolaient, et les armées pliaient sous la fatigue. Condé se multipliait tellement que Turenne disait : Je n'ai pas vu un Condé, j'en ai vu plus de douze ! Quelques volontaires parisiens, amenés par Beaufort, n'avaient pas servi efficacement la cause des frondeurs, et déjà Turenne saisissait l'avantage. Le combat cessa pendant quelque temps. Les bourgeois de Paris restaient insensibles à la terrible querelle des deux plus grands capitaines de l'époque. Le parti de Condé, surpris par l'entrée de Turenne dans la rue principale de Charenton, faiblissait. L'armée de la Cour allait tenter une attaque nouvelle et décisive ; l'armée frondeuse semblait complètement perdue, si des renforts considérables n'apparaissaient, si quelque secours inattendu ne lui venait en aide.

Or, pendant l'action militaire, Paris s'agita davantage encore que les jours précédents. Le conseil de ville avait reçu du roi l'ordre de repousser les troupes de Condé, même par la force ; les masses populaires, tout ébranlées, sommèrent ce conseil d'ouvrir les portes. Monsieur le Prince, grâce à mademoiselle de Montpensier, qui avait commencé son rôle d'héroïne à Orléans, et qui était aussi téméraire que son père était lâche, se vit apporter ce secours inattendu, ce salut impossible à espérer. La Jeanne Darc frondeuse, — bien des gens lui décernèrent ce titre, que nous lui avons déjà donné, — vit passer les troupes sous ses fenêtres la veille du combat. J'avais, dit-elle, je ne sais quel instinct que je contribuerais à les tirer d'embarras, et même je dis à Préfontaine : Je ne prendrai pas demain médecine, car j'ai dans la tête que je ferai quelque trait imprévu aussi bien qu'à Orléans. Souffrante, elle secoua son indisposition et se substitua au duc d'Orléans, qui continua à faire le malade. Aussi un pamphlet reprocha plus tard à Gaston, non-seulement de n'avoir pas assisté en personne au combat du faubourg Saint-Antoine, mais de n'y avoir pas même envoyé ses officiers.

Mademoiselle obtint de son père la permission de laisser entrer les blessés condéens dans Paris ; puis, elle arracha du gouverneur de l'Hôtel-de-Ville l'ordre nécessaire au salut de l'armée frondeuse. Le conseil de ville, pressé par elle et par ses adhérents, dirigea deux mille hommes sur la porte Saint-Antoine. On vit l'héroïne traverser les rues à cheval, un bouquet de paille à la main, et crier : Que ceux qui ne sont pas mazarins prennent la paille, sinon ils seront saccagés ! Elle dit au maréchal de l'Hospital, gouverneur de Paris, qu'elle lui arracherait la barbe, qu'il ne mourrait jamais que de sa main. Et le peuple, admirant Condé couvert de sang et merveilleusement habile dans la retraite qui avait amené ses troupes à Paris, se prit de sympathie soudaine pour le hautain général ; le peuple s'élança sur les pas de Mademoiselle, qui harangua les milices, puis se jeta dans la Bastille dont l'artillerie lui obéit aussitôt. La tille du duc d'Orléans, dit-on, tira elle-même le canon contre les soldats de Turenne, déjà presque vainqueurs. L'armée royale, alors, battit en retraite sur Saint-Denis. Condé échappait à son rival Turenne, Condé qui, peu d'heures auparavant, pale et découragé, s'était écrié : J'ai perdu tous mes amis ; il ne me reste qu'à mourir. La Jeanne Darc frondeuse avait sauvé Monsieur le Prince !