Retour de Mars-jardinier à Paris. — Le Claquet de la Fronde. — Les belles frondeuses. — Le Trou fait à la nuit par Mazarin, et le Cardinal errant. — Mazarin est pendu en effigie. — Mort funeste de Mazarin. — Récit de Loret. — Credo de la Fronde. — Assemblées de la noblesse et du clergé. — Mazarin à Bruel. — Nouvelles exigences de Monsieur le Prince. — Conduite du coadjuteur ; ses griefs contre Condé. — Griefs de madame de Montbazon. — Condé est menacé ; il quitte Paris. — Conseils de Mazarin à Anne d'Autriche. — Les sous-ministres renvoyés. — Monsieur le Prince à Saint-Maur. — Placards divers. — Gondi pris entre les deux battants d'une porte. — Gondi bénissant Condé. — Historique du placard. — Majorité du roi. — Condé part pour la Guienne. Nouveaux ministres.— Du 6 avril 1651 au 8 septembre 1651. — Si quelque chose est comparable à la joie que les Parisiens ont manifestée lors de l'arrestation de Monsieur le Prince, c'est l'enthousiasme avec lequel ils reçoivent à son retour ce Mars captif mis en liberté par Thémis. Gondi l'a absous aux yeux des frondeurs. La mode s'en est mêlée. On a vu madame de Scuderi improviser, dans un pèlerinage à la chambre où Condé cultivait des œillets, ce quatrain qui a circulé partout avec succès : En voyant ces œillets qu'un illustre guerrier Arrosa de sa main qui gagnait des batailles, Souviens-toi qu'Apollon a bâti des murailles, Et ne t'étonne plus de voir Mars jardinier. La population parisienne en foule a visité la prison de Conde à Vincennes. Monsieur le Prince passe pour être un martyr, comme sa mère a passé pour être une victime. Parmi les écrivains nombreux qui traitent de sa délivrance, on remarque Adam Billant menuisier de Nevers, qui a composé le Claquet de la Fronde sur la liberté des princes, avec une élégie aux dames frondeuses. Adam Billant y place ces vers sur Mazarin : Le rouge cramoisi n'a plus rien qui nous flatte ; L'Eminence est au bas avec son escarlatte... Il déclare que Gaston d'Orléans, insigne génie... a rabattu les cornes de ce fat ; il conseille à Monsieur le Prince de chasser ce tyranneau de cardinal ; il assure même que les invincibles frondeurs sont l'honneur de nos provinces, les appuis du royaume et les soustiens de nos princes. Seulement, il termine sa mazarinade par cette épigramme galante aux frondeuses : Belles, la liberté plaist tant à nos humeurs, Qu'elle tient un empire absolu sur nos cœurs ; Son nom pourrait charmer les esprits plus farouches ; Mais nous sommes d'advis que c'est avec raison Qu'un esclave bénit ses fers et sa prison Lorsqu'il est prisonnier sous les ciels de vos couches. Ce n'est pas à cause de leur beauté que nous citons ces derniers vers, mais ils sont tellement empreints de la galanterie de l'époque et ils dépeignent si bien le côté féminin de la Fronde, qu'ils devaient trouver place ici. On dirait que Condé, le fier et dédaigneux gagneur de batailles, est maintenant devenu populaire par son glorieux retour dans Paris. Son hôtel, qui comprend le vaste triangle formé aujourd'hui par les rues de Condé, des Fossés-Monsieur-le-Prince et de Vaugirard, est encombré de visiteurs, parmi lesquels on distingue les prévôt des marchands, échevins, procureur du roy et greffier de la ville. Une déclaration du roi sur l'innocence de Condé, de Conti et de Longueville, est envoyée à tous les parlements. Pour voir l'imposante figure du vainqueur de Rocroi, on ferme bien des boutiques, dit le gazetier Loret ; les brindes et les santéz retentissent de tous côtez ; tout le monde est sorti en foule des cabarets et jeux de boule ; enfin, les fenêtres ont été remplies De maints vizages de renom, Les uns beaux et les autres non. Par contre, le bannissement de Mazarin a inspiré les habiles pamphlétaires connus déjà pendant la lutte des deux Frondes, — Gondi, Joly, Sarrazin, Patru, Caumartin, Portail. La verve des moqueurs ne tarit pas. Paris entier lit le Trou fait à la nuit par Mazarin, etc., et le Cardinal errant, qui se termine ainsi : ..... Que le poison ou le couteau, Le précipice ou le cordeau Luy manquant pour dernier remède, La mort lui refuse son ayde. A tous les coins de carrefour on pend en effigie le ministre italien. Son portrait moral est esquissé de la manière suivante, dans le Caresme de Mazarin, ou la suite des Triolets ; Maudit, maraut, malicieux, Sot, superbe, symoniaque, Avare, asnier, ambitieux, Maudit, maraut, malicieux ; Pendart, pelé, pernicieux, Plus dangereux qu'un maniaque, Maudit, maraut, malicieux, Sot, superbe, symoniaque. Infâme, impertinent, ingrat, Tygre, testu, tyran et traistre, Fourbe, faquin, fantasque, fat, Infâme, impertinent, ingrat, Ribaut, rodomont, renégat, Meschant enfin par toute lettre ! Infâme, impertinent, ingrat, Tygre, testa, tyran et traistre. L'auteur de la Mort funeste du cardinal Mazarin, avec son épitaphe, ne trouve, en 1651, rien d'assez fort pour le supplice que mérite le ministre : L'empalement des Turcs, les tenailles, le feu ; Mourir de faim, de soif, de rage, c'est trop peu. Les croix, les chevalets, l'huile, la poix résine, Lentement découlez par le feu sur son dos ; Brûlans jusques au vif de la mouëlle des os, Ou tout vif escorché par le ventre et l'eschine. Et l'on se réjouit de voir le cardinal hors de France. Loret, dans sa Gazette du samedi 11 février 1651, annonce ainsi son départ : Le cardinal, lundy, la nuit, Fit sa retraite à petit bruit Il sortit par l'huis de derrière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le lendemain, en toute place, Bourgeois, mestiers et populace, Montroient par des riz redoublez L'aize dont ils estoient comblés Car à moins de rien la nouvelle Fut par Paris universelle, Et l'on remarqua maint courtaut, Qui tournoit le visage en haut, Croyant qu'après cette sortie, L'aloüète toute rôtie, Sans rien faire et sortir d'illec, Luy tomberait dedans le bec. Magnifique triomphe, en effet, pour les princes, la
bourgeoisie et le peuple ! A la bonne heure ! Voilà le cardinal parti, séparé
d'avec la Suissesse — Anne d'Autriche
— ! Le haut du pavé appartient désormais aux frondeurs ! Quel mazarin oserait
se montrer ! Cette victoire complète remportée sur l'Italien aveugle les
Parisiens les plus perspicaces. A peine si quelques esprits-forts répètent le
Credo de la Fronde : Je crois en nostre Roy
tout-puissant, — et tellement quellement en
M. le duc d'Orléans, son oncle unique, — non
pas en Condé ny en Jules Mazarin, mais en nostre duc de Beaufort
incorruptible... — Je croy en Pierre de
Broussel et en M. le coadjuteur, — et en une
saincte orthodoxe, et en une Fronde bien fouettante, — qui est ressuscitée aujourd'hui selon nos espérances,
etc. Le président Charton s'écrie que sous Richelieu on avait eu un siècle de
fer, et sous Mazarin un siècle de fourberie. Dans l'assemblée de la noblesse, tenue aux Cordeliers, et qui a duré depuis le 6 février 1651 jusqu'au là' mars de la même année, il n'est pas uniquement question d'obtenir des Etats-Généraux. Les huit cents messieurs qui la composent se reportent avec complaisance à l'époque féodale ; ils s'indignent de voir le gouvernement aux mains des gens de chicane et émettent des propositions hostiles au parlement, celle-ci par exemple : La loi est au-dessus du roi, au-dessus de la loi les Etats-Généraux. La noblesse veut redevenir maitresse des destinées de la France. L'assemblée du clergé, tenue aux Augustins, se laisse volontiers entraîner par deux harangues, l'une de Fiesque, l'autre de Vitry, et adopte les idées de la noblesse. Aussitôt, grand émoi du parlement, qui informe sur les injures des gentilshommes, et fureur des gentilshommes, qui parlent de jeter tout simplement le parlement à l'eau. Une pomme da discorde a été jetée entre les partisans de l'ancienne et de la nouvelle Fronde. Mazarin a fait le coup ; c'est de la frontière qu'il a donné le mot d'ordre ; il sait que ses ennemis ne tarderont pas à s'entre-déchirer. L'union de la noblesse promet la désunion des frondeurs. Qu'ils chantent, pourvu qu'ils paient, a dit souvent le cardinal ; qu'ils se réjouissent de ne plus me voir, pourvu que je gouverne, malgré mon exil, ajoute-t-il ; qu'ils croient en la Fronde, pourvu que leur foi devienne illusoire, pense-t-il encore. De Bruel, Mazarin continue à diriger le conseil de la régente, avec laquelle il entretient une correspondance secrète et fort suivie. Il a quitté Paris, la France même ; mais il s'entend avec ses dévoués amis, avec ceux que Condé appelle les valets de l'Italien, les sous-ministres, avec Lyonne, Le Tellier et Servien, secrétaires d'Etat. Quoi qu'il arrive, et quoi qu'on fasse, malgré l'apparition de Turenne à la Cour (2 mai) et la remise du gouvernement de Guienne à Monsieur le Prince en échange du gouvernement de Bourgogne donné à d'Epernon (15 mai), la pensée de Mazarin domine toujours Anne d'Autriche. D'après ses avis, la reine se lie avec l'ancienne Fronde : il est bientôt question d'arrêter une seconde fois Condé, de le tuer, s'il y a lieu. Gondi, reparu sur la scène politique, brûle de diriger ses trames nouvelles contre Monsieur le Prince. Le motif de la conduite du coadjuteur ne peut échapper à personne : s'il est mécontent, c'est parce que Condé, en cela conseillé par Anne d'Autriche, refuse de marier Conti avec mademoiselle de Chevreuse, mariage regardé comme une sorte de rançon des princes. Le croirait-on ? mademoiselle de Chevreuse, belle amie du coadjuteur, a dû être épousée par un prince de Bourbon ! Quelles bassesses suggère parfois l'ambition ! On rompt brusquement et avec outrage avec les deux Lorraines, les Chevreuse, mère et tille. Les valets, les agents populaires du parti Condé, un savetier, Maillard, à la vue de ces deux infantes, crient dans les rues ce que Paris savait. La demoiselle s'évanouit presque. Du sang, il faut du sang, et le sang de Bourbon n'est pas trop pour laver l'affront de Lorraine. Il eût fallu que le coadjuteur pût faire assassiner Condé[1]. Pour réparation, les Chevreuse n'obtiennent que la punition du savetier Maillard, lequel reçoit une volée de coups de bâton. Mais ce n'est pas tout. Au mécontentement de Gondi vient se joindre celui de madame de Montbazon. Cette a étoile galante, n déjà vieille, est connue pour son avidité. Condé lui a promis cent mille écus ; délivré de prison, non-seulement il ne paie pas, mais il tourne l'affaire en plaisanterie et la dame en ridicule. Madame de Montbazon est une ennemie de plus pour Condé. Une nuit, on vint avertir celui-ci de faire bonne guette, que le régiment des gardes s'assemblait dans le faubourg Saint-Germain, que peut-être deux compagnies de ce régiment allaient investir son hôtel. Pour échapper à un second emprisonnement, il partit le 6 juillet entre une et deux heures du matin, et il se rendit à sa maison de Saint-Maur, où le rejoignirent Conti, Bouillon, Nemours, Richelieu, Marsillac, le maréchal de la Motte et la duchesse de Longueville. La situation était grave pour lui : il le vit bien, car il rencontra sur son passage quarante cavaliers marchant en bon ordre. Se croyant sans peine maitre du gouvernement par l'exil de Mazarin, Condé avait encore tout gâté ; on le voyait tyrannique avec Anne d'Autriche, hautain avec les magistrats, prompt à se brouiller avec chacun. A qui lui parlait de s'allier aux parlementaires, il répondait, assure Gondi : Je n'entends rien à la guerre des pots-de-chambre, et me sens même poltron pour les occasions de tumulte populaire et de sédition. Il prétendait à une sorte de royaume voisin de l'Espagne, en demandant la Guienne et le Languedoc pour lui, la Provence pour son frère, et pour ses amis toutes les faveurs imaginables. Beaucoup de gens se figurèrent, non sans apparence de raison, qu'il avait, de concert avec l'Espagne, le projet de renverser Louis XIV du trône ; c'était ce que lui conseillaient ses petits-maîtres survivants. Aussi Mazarin écrivit-il à la reine : Vous savez que le plus capital ennemi que j'ai au monde est le coadjuteur ; servez-vous-en, madame, faites-le cardinal, donnez-lui ma place, mettez-le dans mon appartement ; tout, plutôt que de tomber avec Monsieur le Prince aux conditions qu'il demande : s'il les obtenait, il n'y aurait plus qu'à le mener à Reims. L'exagération des craintes du ministre exilé échappait à la Cour, d'autant plus que, pour plaire à Condé, Anne d'Autriche avait renvoyé Lyonne, Le Tellier et Servien, dont la violence et l'humeur despotique étaient connues depuis le congrès de Munster, où le nonce du pape, Fabio Chigi, l'avait appelé l'Ange exterminateur de la paix. Les sous-ministres avaient été sommés dans une affiche apposée à Paris, le 19 juillet 1651, de quitter la capitale avant vingt-quatre heures, et le royaume avant huit jours. Condé ne sut aucun gré à la reine de ses déférences ; il s'exempta de tous devoirs envers Anne d'Autriche et Louis XIV ; il dénonça comme un forfait au parlement le mariage 'le Mercœur avec une nièce du cardinal. En un mot, il entra en rébellion ouverte, et il était facile de voir qu'il voulait se faire le chef de la noblesse française. Ses amis, pourtant, diminuaient en nombre : Longueville se tenait prudemment à l'écart, Bouillon et Turenne refusaient de seconder ses vues ambitieuses, de lui servir de lieutenants ; Beaufort seul se joignait à lui, sans doute pour ne point abdiquer sa royauté des Halles. Pendant sa maladie, que beaucoup de gens attribuaient à un empoisonnement, Beaufort, dans une affiche (30 juillet 1651), avait cautionné Monsieur le Prince auprès des Parisiens. Retiré en son magnifique château de Saint-Maur, qui dominait la rive gauche de la Marne, Condé se complut dans ses bouderies éclatantes et ne se départit en rien de ses exigences insatiables. Le reste de ses partisans l'encensait et le portait à s'inquiéter peu de la conduite de Longueville, de Bouillon et de Turenne, puisque madame de Longueville, Conti, le duc de Nemours et Marsillac se joignaient à lui. D'ailleurs, assure Montglat, les bals, la comédie, le jeu, la chasse et la bonne chère, attirèrent aussi à Saint-Maur bon nombre de courtisans : gens qui s'offrent toujours dans les commencements des partis, et qui les trahissent ou les abandonnent ensuite, selon leur crainte ou leur intérêt. Plus de visites au Palais-Royal ! mais Condé faisait parade de son intimité avec le duc d'Orléans, et visait à conquérir de la popularité en se montrant souvent dans les rues de Paris, selon le système de son nouvel ami le roi des Halles. Il fit placarder un Advis aux gens de bien, un second avertissement aux Parisiens (16 juillet), une troisième affiche (19 juillet), et le Prince de Condé aux bons bourgeois de Paris (24 juillet), affiche dans laquelle, selon la Bibliographie des Mazarinades, il promettait aux bourgeois de Paris de ne pas sortir de leur ville, pourvu qu'il pût compter sur eux. Il se posa en antagoniste déclaré du coadjuteur, si bien qu'à une séance du parlement (21 août), cette querelle personnelle faillit devenir un combat. Le parti de Gondi avait pour mot d'ordre Notre-Dame ; celui de Condé, Saint-Louis. Marsillac serra le coadjuteur entre les deux battants d'une porte, pour le livrer aux épées de ses amis, qui heureusement rentrèrent dans le fourreau, si bien qu'il n'y eut aucun sang répandu, et rien qu'un chapeau de perdu, dit Loret ; le parlement rendit, séance tenante, un arrêt contre ceux qui s'attroupaient en armes au palais. Le lendemain, — et c'est là un des côtés comiques de cette époque, — Condé rencontra dans Paris une procession à la tête de laquelle marchait le coadjuteur en rochet et en camail au milieu de son clergé, fit arrêter son carrosse, s'agenouilla, et reçut la bénédiction de Gondi, Donnant, de sa main, dans les rues, Des bénédictions fort drues. Gondi ôta son bonnet et fit à Condé les plus profondes révérences. Les placards de Monsieur le Prince ne lui ramenèrent point la bourgeoisie ; ils lui aliénèrent complètement la Cour, qui dressa des articles contre lui, et fit lire au parlement un discours, revu et corrigé par Molé, qui y trouva trop de vinaigre et y mit du sel, selon le cardinal de Retz. Condé répondit au parlement, attaqua les calomnies contenues dans le discours, fut justifié par une déclaration de Gaston d'Orléans, et travailla à grossir le nombre de ses amis. A cette époque, le placard ou l'affiche succédait au pamphlet, que le public ne se souciait plus d'acheter. Déjà, en 1649, pendant les négociations pour la paix de Saint-Germain, quelques placards avaient paru. De violentes affiches, en 1650, avaient attaqué Monsieur le Prince, et avaient peut-être motivé son arrestation. Sorti de prison, Condé se servit des affiches dans l'intérêt de ses prétentions ; ce fut alors que la police redoubla d'activité dans la guerre qu'elle déclarait aux placards, déchirés aussitôt qu'affichés, et donnant souvent lieu à des rixes déplorables ; les habitants de Paris, à ce propos, se faisaient parfois justice eux-mêmes, et les afficheurs durent employer toutes sortes de moyens adroits pour parvenir à coller sur les murs ces nombreux appels à l'insurrection. Bientôt, néanmoins, les affiches satiriques inondèrent tout Paris, et le parlement s'éleva contre elles comme il s'était naguère élevé contre les pamphlets. Un arrêt du 16 février 1652 porta qu'il serait informé contre les auteurs et afficheurs de placards tendant à sédition. Il fut ordonné aux officiers du Châtelet tenant la police, de condamner au fouet et au carcan ceux qui seront trouvés imprimant, affichant, criant, publiant ou débitant placards coutre l'autorité du roi. Le placard forme une catégorie à part dans les Mazarinades. C'est le pamphlet bref ou simplement l'extrait de pamphlet. Mais revenons aux événements qui suivirent la retraite de Condé à Saint-Maur. L'heure de la majorité du petit roi sonna (5 septembre), et, le surlendemain, un lit de justice fut tenu à cette occasion. Condé ne parut pas à la cérémonie ; il écrivit à Louis XIV sur le sujet de son absence ; puis, pendant que les Parisiens entonnaient le Chant royal sur la majorité du roi, pièce dont le refrain était : Cet illustre patron d'un triomphant navire, le mécontent, n'oubliant pas qu'Anne d'Autriche avait dit, à propos de lui : Il périra, on je périrai, partit pour Bordeaux avec Marsillac et Lenet. Monsieur le Prince était bien décidé à remettre le dernier l'épée dans le fourreau. La majorité du roi devenait une date sérieuse dans l'histoire de la Fronde. Fournier, président de l'élection de Paris, adressa à Louis XIV une harangue où il lui parlait de l'état misérable de ses sujets. Le Panégyrique du roi très chrétien supplia Sa Majesté de vouloir conserver Monsieur le Prince dans l'honneur de ses bonnes grâces ; La majorité du roy, ou le royal miroir présenté à Sa Majesté recommanda à Louis XIV de jetter l'œil de temps en temps sur la récepte et mise de ses deniers. Pour premier coup d'État, le roi majeur nomma de nouveaux ministres : Châteauneuf fut chef du conseil, et Matthieu Molé fut garde des sceaux, sans pour cela cesser de présider le parlement. Ensuite Louis XIV, par une déclaration, fit savoir à la France entière que tous les actes arbitraires et oppressifs commis pendant la régence d'Anne d'Autriche étaient dus à Mazarin, à ce méchant homme qui avait justement excité la haine et le mépris de trois ordres du royaume, et qui, non moins justement, était banni, ce qui ne l'empêchait pas de continuer ses pratiques ordinaires avec aucun de ses amis et affidés. Ce langage trompait les peuples ; Louis XIV ne régnait pas encore seul ; Anne d'Autriche, qui haïssait Châteauneuf, ne manquerait pas d'agir secrètement sous les inspirations du méchant homme Mazarin, et de pousser Condé jusque dans ses derniers retranchements. |