§ 1. — L’équipage. Après avoir examiné successivement la construction et le gréement de la trière, il nous reste à présenter le tableau de l’équipage. Nous avons déjà vu[1] que la trière avait à bord cent soixante-quatorze rameurs commandés par deux τοίχαρχοι sous les ordres d’un κελευστής, assisté dans ses fonctions par un τριηραύλες. Nous avons maintenant à nous occuper du reste de l’équipage, en commençant par l’état-major, pour passer ensuite aux matelots et aux épibates. On sait que les flottes d’Athènes étaient commandées par des stratèges, sur le rôle, les pouvoirs et les attributions desquels nous n’avons pas à nous étendre, puisque nous examinons ici chaque trière prise isolément et non point l’escadre à la mer ; mais il est intéressant de nous renseigner sur leurs rapports hiérarchiques avec les triérarques qui commandaient chacun un navire. Il est incontestable que le stratège, chef responsable de l’escadre, donnait pour la marche et pour la bataille les ordres que chaque triérarque était tenu d’exécuter, et qu’il prescrivait les manœuvres d’ensemble, de telle sorte que les mouvements de l’armée navale fussent sans cesse dirigés par une volonté unique. Il est également incontestable que chaque triérarque était maître à son bord et que, quand le stratège voulait y donner des ordres directs et particuliers, il pouvait se produire des conflits, dans lesquels l’autorité du stratège n’avait pas toujours le dessus. Nous en avons un exemple intéressant dans le discours de Démosthène contre Polyclès. La flotte athénienne étant en station à Thasos, le stratège Timomachos envoie au triérarque Apollodore l’ordre d’appareiller pour une destination inconnue ; il délègue, pour diriger cette expédition, un représentant de son autorité[2], Kallippos, fils de Philon, du dème d’Aixonée, qui monte à bord et ordonne au κυβερνήτης de se, diriger vers la Macédoine. Kallippos prend donc momentanément le commandement sans résistance de la part d’Apollodore et le κυβερνήτης obéit. Mais, en route, Apollodore apprend d’un de ses hommes, par suite d’une indiscrétion échappée à l’un des serviteurs de Kallippos, que sa trière va chercher à Méthone, pour l’amener près de Timomachos, Kallistratos, parent du stratège, condamné deux fois à mort par les Athéniens ; or il était formellement interdit de transporter les bannis sur les trières de la République. Il en résulte entre Apollodore et Kallippos une altercation, à la suite de laquelle Apollodore reprend le commandement de son navire : Je dis au κυβερνήτης de faire route vers Thasos ; Kallippos s’y oppose et donne l’ordre de se diriger vers la Macédoine, selon les instructions du stratège. Posidippos, le κυβερνήτης, lui répond que je suis triérarque du navire et responsable, que c’est de moi qu’il reçoit sa solde et qu’il s’en retournera à Thasos auprès du stratège. Ainsi, dans ce conflit entre les deux autorités, c’est celle du triérarque qui demeure prépondérante. De retour à Thasos, Apollodore est mandé par le stratège et n’ose pas se rendre auprès de lui, parce qu’il craint d’être jeté aux fers ; il n’est pas autrement inquiété. Il faut conclure de tous ces faits que le triérarque devait obéissance au stratège comme à son supérieur hiérarchique ; mais que, responsable devant le peuple de sa conduite et de ce qui se passait à bord de son navire, il pouvait, dans certains cas spéciaux, comme ici où il s’agit de violer la loi, et à ses risques et périls, refuser d’exécuter les ordres donnés. Nous voyons, dans la circonstance présente, que le stratège ne peut ou ne veut pas employer les moyens coercitifs qu’il avait à sa disposition pour contraindre Apollodore à l’obéissance. Dans tous les cas, il ne s’en prend pas aux officiers inférieurs qui, dans le conflit, s’étaient rangés du côté de leur triérarque. On voit, par ce texte de Démosthène, que le triérarque avait le commandement effectif de son navire. La triérarchie n’était donc pas uniquement un impôt établi sur la fortune des citoyens riches, auquel on satisfaisait en supportant la part de dépenses, qui, dans l’équipement d’un navire, n’incombait pas à l’État. D’autre part, le triérarque n’était pas à son bord un simple agent comptable, responsable du navire et des agrès qu’on lui confiait et qui représentaient une grande valeur, ainsi que des sommes qu’il recevait du stratège pour le paiement de la solde. Il devait en outre remplir les fonctions exercées chez nous par le capitaine du vaisseau. Il s’en acquittait avec d’autant plus de compétence, qu’il était ordinairement lui-même un armateur parfaitement au courant des choses de la mer, et que la triérarchie revenait assez souvent, pour que ceux qui l’exerçaient acquissent une véritable expérience. Toutefois, il ne faut pas oublier que le triérarque n’était pas nécessairement un homme du métier. Suidas[3] fait remarquer qu’il commande à l’équipage, mais qu’il doit ses fonctions à des considérations exclusivement politiques. Il pouvait donc y avoir des triérarques fort inexpérimentés ; de là la nécessité pour eux de trouver à bord un second très au courant dés manœuvres et capable de guider un commandant novice. Aussi le κυβερνήτης occupait-il sur la trière une situation considérable[4]. Le mot se prenait dans une double acception ; primitivement le κυβερνήτης n’était que le matelot debout ou assis à la barre qui dirigeait le navire ; plus tard, dans les vaisseaux de grandes dimensions, le κυβερνήτης fut remplacé à la barre par des matelots, auxquels il donnait des ordres, en s’occupant d’une façon générale de la manœuvre du bâtiment. Au point de vue technique, c’est lui qui commandait en réalité le navire. Nous trouvons dans Pollux (I, 98) la trace de ces deux sens très différents du mot, qu’il se borne à constater : On donnera le titre de κυβερνήτης à celui qui est assis à la barre, qui dirige le navire, qui commande aux matelots, qui se tient debout à la barre. La différence entre le timonier proprement dit et le κυβερνήτης nous est également attestée par Aristophane[5], qui nous met sous les yeux un tableau exact de l’avancement à bord de la trière. Il faut d’abord, dit-il, être rameur, puis mettre la main aux gouvernails, ensuite veiller à la proue et observer la direction du vent ; puis on gouverne le navire, en ne dépendant plus que de soi. Ainsi on choisissait parmi les rameurs ceux qui s’étaient distingués et qui paraissaient mériter la confiance, et on leur donnait la direction des deux grands avirons qui servaient de gouvernails au navire. Avant de devenir κυβερνήτης, il fallait passer par un grade inférieur, celui de proreus ou proratès. Quant à l’importance du κυβερνήτης, elle nous est attestée par Plutarque[6], qui nous dit que c’est lui et non le gouvernail qui conduit le navire, et par Suidas[7], qui le considère comme guidant le vaisseau dans sa marche. L’auteur du discours contre Aristogiton[8] nous montre également l’importance du rôle qu’il jouait à bord en disant : Dans les fausses manœuvres commises à la mer à bord des navires, l’erreur d’un matelot ne cause qu’un faible dommage ; mais si le κυβερνήτης se trompe, il entraîne tous ceux qui montent le vaisseau dans un désastre commun. Quand les circonstances devenaient critiques, c’est lui qui prenait la responsabilité de toutes les mesures réclamées par l’état de la mer et le souci du salut du bâtiment. Ainsi lorsque, dans Athénée (II, 5), des jeunes gens ivres se croyant sur le point de faire naufrage jettent par les fenêtres les meubles de la maison où ils se trouvent, ils allèguent pour leur excuse qu’ils obéissent aux ordres du κυβερνήτης. C’était donc lui qui, en cas de péril extrême, ordonnait le jet de tout ce qui pouvait alléger le navire. Nous savons que, dans les navires marchands, c’était le patron du bâtiment qui choisissait lui-même le κυβερνήτης, et que celui-ci à son tour choisissait les matelots[9]. Si nous nous rappelons avec quel soin et au prix de quelles dépenses certains triérarques se procuraient un bon équipage, nous pouvons croire qu’eux aussi s’occupaient personnellement de trouver le κυβερνήτης de leur vaisseau et qu’ils ne reculaient devant rien pour que ce fût un homme sûr et expérimenté. En effet, c’était le triérarque qui répondait envers l’État de la perte ou de la conservation de la trière ; mais, au point de vue pratique, le salut ou la destruction du bâtiment dépendaient tout particulièrement du κυβερνήτης. Aussi constatons-nous que, tandis que le triérarque était avant tout un personnage politique soumis aux prestations navales, on recherchait exclusivement chez le κυβερνήτης, qui était un homme du métier, les connaissances techniques nécessaires à l’exercice de ses fonctions. C’est ce qu’indique le Gr. Etym.[10], en donnant du reste du mot une étymologie qui est toute de fantaisie : Les Éoliens, suivant l’analogie, disent κυμερνήτης, parce que sa fonction consiste à observer les flots et à diriger le navire en conséquence ; nous, nous changeons le μ en β et nous écrivons κυβερνήτης. C’est sur les connaissances techniques de cet officier qu’insiste Aristote[11], lorsqu’il fait ressortir l’anomalie qu’il y aurait à tirer au sort parmi les gens du bord celui qui doit diriger le navire, au lieu de choisir le plus capable. Platon cite quelques-unes de ces connaissances en disant[12] : Pour mériter réellement de commander un vaisseau, il faut savoir tenir compte de l’année, des saisons, du ciel, des astres, des vents et de tout ce qui intéresse la science du timonier. C’était en effet une science qui portait un nom spécial ; on l’appelait ή κυβερνητική et on lui attribuait une grande importance. Si ce genre d’études, dit Platon[13], te paraît trop humble, je vais te citer une science plus considérable, celle du timonier, qui préserve non seulement les âmes, mais les corps et les biens des derniers dangers. Et Maxime de Tyr[14], pour résumer les principales connaissances qu’elle renferme, nous apprend qu’elle consiste surtout à faire la route, à tenir compte de l’état du ciel et à connaître les ports. Nous avons vu que, dans les navires marchands, c’était le κυβερνήτης qui recrutait les matelots. Dans le vaisseau de guerre, quand le triérarque ne se contentait pas de l’équipage fourni par l’État έκ καταλόγου, mais qu’il voulait avoir à son bord des marins expérimentés, quitte à les payer de sa bourse, il devait s’en remettre aux soins d’une homme pratique et habitué au contact des matelots, le κυβερνήτης ou le πεντηκόταρχος. En tout cas, nous avons vu par Pollux que le xu6epyirnIc commandait aux matelots : cette autorité sur tout ce qui composait l’équipage lui était absolument nécessaire, puisque, chargé de la direction du navire, il fallait qu’il établît l’unité dans les manœuvres et qu’il et sous sa main toutes les forces vives qui agissaient à bord. Il devait exercer son autorité par l’intermédiaire de ses subordonnés ; pourtant il donnait directement ses ordres aux hommes de l’arrière. Il est le maître à l’arrière, dit Eustathe (1729, 8), comme le πρωρεύς l’est à l’avant. Si nous en croyons Xénophon[15], il y faisait régner une discipline sévère. Pour un signe, le proreus s’emporte contre les matelots de l’avant, le κυβερνήτης contre ceux de l’arrière. En résumé, le κυβερνήτης est le subordonné du triérarque ; mais le triérarque se passerait difficilement de ses connaissances nautiques spéciales. C’est généralement un homme qui a commencé par être rameur ou matelot et qui a passé par tous les degrés de la hiérarchie. Il a donc vieilli dans le métier, et est devenu, pour employer une expression toute moderne, un véritable loup de mer. C’est lui qui a la responsabilité matérielle de la marche du navire, le triérarque commandant sans entrer dans les détails d’exécution ; quand le triérarque lui enjoint de prendre telle ou telle direction, c’est à lui de faire exécuter les manœuvres nécessaires pour que l’ordre s’accomplisse. De même, dans le combat, c’est le triérarque, qui, suivant les instructions et les signaux du stratège, donnait l’ordre d’attaquer, d’aborder l’ennemi, de marcher en avant ou en arrière, et c’est le κυβερνήτης qui faisait exécuter matériellement ces ordres. Il commandait à tous les officiers inférieurs, et par eux à l’équipage ; il avait en outre sur les matelots de l’arrière une surveillance spéciale. Nous venons de voir que, d’après Aristophane, le grade immédiatement inférieur à celui du κυβερνήτης était le grade du proreus[16] ; c’est ce que dit Xénophon[17] en termes exprès : Le proreus est le subordonné du κυβερνήτης ; c’est également ce qu’indique Pollux (I, 98), lorsqu’il nous apprend qu’on appliquait aux fonctions du proreus les mots : gouverner en sous-ordre, gouverner à l’avant. D’après le tableau d’avancement tracé par Aristophane, on prenait parmi les rameurs ceux qui semblaient les plus capables et on leur confiait le maniement de la barre ; de là on les élevait au grade de proreus. Nous trouvons chez Claudien[18] des renseignements qui semblent au premier abord un peu différents, mais qui pourtant se concilient avec ceux d’Aristophane. Le matelot qui a donné des preuves de son habileté dans le maniement de la rame est promu au commandement de l’un des deux bords, puis il gouverne la proue élevée, et avertit des tempêtes et des accalmies ; quand, après un long apprentissage, la mer n’a plus de secret pour lui, il passe à la barre et prend la direction de tout le navire. Ainsi, d’après Claudien, de rameur on était nommé τοίχαρχος et de là πρωρεύς ; il n’est pas question du stage qu’on faisait à la barre. Mais Claudien complète Aristophane plus qu’il ne le contredit ; en effet, appeler un matelot ou un rameur à la barre, c’était lui donner une preuve de confiance, mais non lui conférer un grade. Claudien pouvait donc omettre cet apprentissage. D’autre part, les rameurs qui s’étaient distingués devenaient naturellement τοίχαρχοι ; c’était donc plus spécialement à eux que le κυβερνήτης devait, en temps ordinaire, remettre la barre. Aristophane ne le dit pas expressément, peut-être parce que le τοίχαρχος était encore considéré comme un rameur ou pour abréger, mais rien n’empêche que nous ne le complétions sur ce point. Nous savons en effet, que, quand le κυβερνήτης ne tenait pas la barre lui-même, ce qui ne lui arrivait sans doute que dans les circonstances critiques et dans les cas extraordinaires, il la confiait de préférence aux officiers inférieurs. Les κυβερνήται, nous dit Plutarque[19], font certaines choses par leurs propres mains ; mais il y a des manœuvres et des évolutions, qu’ils font exécuter par d’autres personnes au moyen de machines et sans se déranger. Ils emploient les proreus, les céleustes, et souvent, appelant quelqu’un d’entre eux à l’arrière, ils lui confient la barre. Plutarque ne parle point des τοίχαρχοι ; il est pourtant naturel de supposer que c’était surtout à eux que s’adressait en pareil cas le κυβερνήτης. Une erreur de Claudien, qui provient peut-être uniquement du manque de précision de la langue poétique, c’est d’affirmer qu’après avoir été proreus on passait à la barre ; Claudien confond ici deux choses distinctes : le maniement de la barre et la direction du navire par un officier qui portait le nom de κυβερνήτης. Mais l’expression n’est inexacte qu’à moitié, puisque le timonier proprement dit était directement surveillé par le κυβερνήτης, et qu’au besoin celui-ci reprenait son poste à la barre. Ce qui faisait du proreus pour le κυβερνήτης un auxiliaire indispensable, c’est qu’il devait lui donner tous les renseignements nécessaires à la manœuvre. Les πρωρεΐς, dit Plutarque[20], voyant pour le compte des κυβερνήται ce qui se passe à l’avant, les tiennent au courant et exécutent leurs ordres. Le proreus, dit Théodoret[21], regarde autour de lui pour apercevoir les rochers, les bas-fonds, les écueils, et fait part au κυβερνήτης de ses observations. C’est exactement de la même façon que Claud. Rutilius[22] définit ses fonctions : Le gardien de l’avant regarde au-dessous de lui et dirige la barre docile ; c’est d’après ses avertissements que manœuvre l’arrière. Ces passages nous font connaître exactement le rôle du proreus : assis ou debout à la proue, il porte ses regards en avant, au-dessous et autour de lui, surveille l’arrivée des grains, tâche de découvrir les écueils, fait jeter la sonde par un matelot, quand il craint de ne pas trouver assez de fond, communique avec le κυβερνήτης par des cris ou par des signaux et lui donne les renseignements dont celui-ci a besoin pour diriger le navire en connaissance de cause. On voit par là combien ses fonctions étaient importantes et combien il était nécessaire que sa vigilance ne fût jamais en défaut[23]. Si nous en croyons Xénophon[24], ses attributions consistaient non seulement à prévenir de l’approche des grains, mais à tenir tout en ordre à bord pour les recevoir, à faire mettre en place tous les agrès et à savoir exactement où on les avait mis, pour s’en servir au besoin. Pour le subordonné du κυβερνήτης, qu’on appelle proreus, je le trouvai sachant si exactement la place de chaque objet, qu’il pouvait, sans se déranger, indiquer l’endroit où étaient serrés les agrès et leur nombre, comme celui qui connaît l’alphabet dira combien il y a de lettres dans le mot Socrate et dans quel ordre elles se succèdent. Je le vis passer en revue à loisir tout ce dont on est obligé de se servir dans un navire, et je lui demandai non sans étonnement ce qu’il faisait. J’examine, répondit-il, en prévision d’un accident, où se trouvent tous les agrès, s’il en manque, s’il y en a de mal rangés. Car, lorsqu’on est en mer et que le mauvais temps arrive, on ne peut pas chercher ce qui manque ni atteindre ce qui n’est pas placé commodément. Quant à l’autorité du proreus, nous avons déjà vu[25] qu’il commandait directement aux matelots de l’avant. C’est aussi vraisemblablement par son intermédiaire que les ordres du κυβερνήτης arrivaient au reste de l’équipage. Artémidore[26] nous apprend que le τοίχαρχος commande au περίνεως, le πρωρεύς au τοίχαρχος, le κυβερνήτης au πρωρεύς et le ναύκληρος au κυβερνήτης. Mais il s’agit ici d’un bâtiment de commerce, et les choses devaient se passer un peu autrement à bord d’un vaisseau de guerre. En effet, dans un navire marchand, il n’y avait qu’un très petit nombre de rames et peut-être ne se trouvait-il pas de rameurs spécialement destinés à les manier ; ce sont les hommes de l’équipage qui les manœuvraient au besoin. Ceux-ci sont désignés dans le passage qui nous occupe par le terme de περίνεω ; ils étaient divisés, comme cela a encore lieu de nos jours, en tribordais et en bâbordais obéissant à deux τοίχαρχος, lesquels, à leur tour, étaient sous les ordres du πρωρεύς. Dans un vaisseau de guerre, les rameurs étant très nombreux étaient commandés par un officier spécial, qui avait autorité sur les τοίχαρχος et qu’on appelait κελευστής. Suidas[27] semble indiquer que le κελευστής n’était pas placé directement sous les ordres du κυβερνήτης, mais qu’il lui obéissait par l’intermédiaire du πρωρεύς. Ainsi le grade de proreus était supérieur à celui de κελευστής, les attributions de ces deux officiers restant très différentes, et c’est par l’intermédiaire du κελευστής que le proreus avait action sur les cent soixante-quatorze rameurs de la trière, c’est-à-dire sur la partie la plus considérable de l’équipage. Toutefois on peut supposer que, lorsqu’à la mer chacun était à son poste, pendant le combat par exemple, le κυβερνήτης donnait directement ses ordres au κελευστής qui les faisait exécuter par les rameurs. Un autre officier, dont il importe de bien déterminer les attributions, c’est le πεντηκόνταρχος. Bœckh[28] s’est appliqué à démontrer que les pentécontarques que nous trouvons à bord des trières ne peuvent pas être des commandants de pentécontores, mais bien des officiers chargés, comme leur nom l’indique, de commander à cinquante hommes. En conséquence, il suppose qu’il y avait à bord de la trière trois pentécontarques ayant sous leurs ordres chacun une escouade de cinquante rameurs environ, c’est-à-dire le premier les thranites, le second les zygites, le troisième les thalamites. Cette hypothèse souffre plusieurs difficultés. En effet, chaque rangée de rameurs était partagée en deux divisions séparées l’une de l’autre par toute la largeur du navire. Comment donc le pentécontarque aurait-il pu commander en même temps à tous les hommes placés sous son autorité ? Il aurait été obligé de se transporter sans cesse d’un bord à l’autre. D’autre part, les rameurs de chaque bord étaient, nous l’avons vu, sous la surveillance directe d’un τοίχαρχος, ce qui est beaucoup plus raisonnable et rend superflue l’existence des pentécontarques dans le sens où l’entend Bœckh. Il faut donc expliquer le mot autrement : qui empêche de supposer que le triérarque avait sous ses ordres un officier ayant rang de commandant d’une pentécontore, comme nous voyons sur certains navires des capitaines de frégate sous les ordres d’un capitaine de vaisseau ? On sait que le triérarque avait d’importantes fonctions administratives ; il recevait de l’État des agrès et de l’argent ; il devait fournir à son équipage la solde et les vivres. Il avait en outre bien des dépenses à faire personnellement pour s’acquitter avec honneur de sa triérarchie. Comme il trouvait dans le κυβερνήτης un second expérimenté pour l’assister dans la partie technique du commandement, il avait besoin d’un subordonné et d’un auxiliaire ayant des connaissances administratives : c’était précisément le pentécontarque. Nous lisons en effet dans Démosthène[29] que le triérarque Apollodore a pour pentécontarque Euktêmon, qui prend soin de toutes les dépenses. Tout ce qu’on dépensait par jour pour l’entretien du navire, Euktêmon le savait, car il était pentécontarque, et c’est lui qui faisait tous les achats et toutes les dépenses nécessaires. Les termes mêmes dont Se sert Démosthène nous font voir que c’est en vertu de ses fonctions, et non pas comme homme de confiance d’Apollodore qu’Euktêmon jouissait de ces attributions. Ailleurs[30], nous le voyons embaucher des matelots pour le compte du triérarque. Ainsi le pentécontarque était un officier d’administration, et son subordonné, pour tout ce qui concernait les questions administratives, c’était le céleuste. Celui-ci entrait dans les détails et faisait peut-être la distribution des vivres ; celui-là s’occupait des approvisionnements et veillait à ce qu’ils fussent toujours en quantité suffisante. On ne pouvait se passer d’un pentécontarque à bord de la trière ; en effet, Apollodore se voyant détaché pour convoyer des navires de blé et Euktêmon étant tombé malade, ce triérarque, obligé de renvoyer Euktêmon dans ses foyers, prend immédiatement un autre pentécontarque. Il est certain que l’officier qui portait ce titre n’était pas un simple subalterne ; car l’auteur de l’Écrit sur l’État des Athéniens (I, 2) cite ce grade à côté de ceux du κυβερνήτης, du κελευστής et du πρωράτης, et Platon[31] nomme la πεντηκορνήτης à côté de la κυβερνητική. C’étaient donc des fonctions très différentes de celles du κυβερνήτης, mais aussi importantes à un autre point de vue. Ainsi l’état-major de la trière se composait de cinq officiers supérieurs : un triérarque commandant en chef ; un κυβερνήτης qui, sous ses ordres, faisait exécuter les manœuvres ; un πρωρύς ou πρωράτης, inférieur direct et auxiliaire du κυβερνήτης ; un κελευστής qui dirigeait les rameurs et recevait les ordres du κυβερνήτης, soit directement, soit par l’intermédiaire du πρωράτης ; enfin un πεντηκόνταχος qui suppléait le triérarque pour tout ce qui concernait l’administration et qui, à ce point de vue, avait sous ses ordres le κελευστής. Si nous en croyons Suidas[32], le céleuste avait autorité non seulement sur les rameurs, mais aussi sur les épibates, et il est vraisemblable que le mot n’est pas ici employé dans son sens propre, mais signifie le reste de l’équipage. Evidemment il avait sous ses ordres des sous-officiers pour commander aux matelots ; mais ceux-ci comptaient parmi les matelots, comme les τοίχαρχοι, qui assistaient également le κελευστής, semblent avoir compté parmi les rameurs. L’état-major de la trière se composait donc en tout de cinq officiers, et non, comme le veut Graser[33], de quinze à seize personnes dont les fonctions nous sont connues et de quatre ou cinq autres dont les fonctions nous sont inconnues. Maintenant que nous savons quel était l’état-major de la trière, il nous reste à faire connaissance avec l’équipage. Indépendamment des 174 rameurs dont nous avons constaté la présence, il devait y avoir un certain nombre de matelots, pour s’occuper de la voilure et exécuter les manœuvres ; mais ils étaient vraisemblablement en petit nombre, puisque les voiles n’avaient, dans la trière, qu’une importance secondaire. Dans la tessarakontère de Ptolémée Philopator, il y avait plus de 4,000 rameurs et 400 matelots[34]. Si nous adoptons cette proportion pour la trière, nous arrivons au chiffre d’environ 17 matelots ; il n’est nullement besoin d’arrondir ce nombre, comme le fait Graser pour obtenir le chiffre 20. Ce n’est pas ici le moment de nous occuper de la façon dont se recrutaient les matelots et de la difficulté qu’on éprouvait à s’en procurer de bons. Notons seulement que Pollux (V, 128) cite le ναύτης parmi ceux qui ont embrassé un genre de vie infamant. Bien que les matelots athéniens fussent souvent grossiers et capables de grands excès, cette observation ne s’applique pas à une ville qui devait à sa marine toute sa gloire et toute sa puissance. Les dix-sept matelots de la trière étaient sans doute sous les ordres de quartiers-maîtres dont nous ne connaissons pas les noms, parce qu’ils étaient eux-mêmes des matelots. Nous ne nous sommes occupés jusqu’à présent que des personnes nécessaires à la manœuvre du navire ; toutefois nous avons déjà fait observer que la trière était avant tout un vaisseau de combat. Aussi, bien qu’elle agît surtout par le choc de son éperon, avait-elle besoin d’être montée par un certain nombre de combattants qui pussent, dans un abordage, se mesurer avec l’ennemi, ou l’écarter en lui lançant des traits de la hune, du pont ou de la parodos. Quand la trière côtoyait un pays hostile pour le saccager, il était nécessaire d’avoir toute prête une compagnie de débarquement, qu’on pût jeter à terre pour tout brûler et tout dévaster. Ces soldats s’appelaient les épibates. Les Attiques, dit Eustathe (1447, 47), appellent les rameurs des trières έπικώπους et les combattants έπιβάτης. Hesychius[35] définit ainsi l’έπιβάτης : Celui qui ne rame point, mais qui est embarqué comme combattant. Harpocration[36] dit également que, parmi ceux qui font campagne à bord de la trière, on entend par έπιβάτης ceux qui ne manient pas la rame, mais qui ne sont propres qu’au combat. Sur les trières athéniennes, les épibates étaient des hoplites levés régulièrement[37]. Ils se trouvaient évidemment sous les ordres de leurs officiers, qui devaient être commandés par le triérarque et qui, sans doute, n’étaient subordonnés ni au κυβερνήτης, ni au pentécontarque. Ainsi l’équipage de la trière se divisait en trois catégories : les rameurs, les matelots et les épibates. Les épibates étaient absolument distincts des rameurs et des matelots. Quant à ceux-ci, la différence entre eux ne devait pas être grande, bien que leur travail fût différent, et, parmi les pauvres gens qui faisaient du service à la mer un moyen de gagner leur vie, plus d’un devait être tour à tour matelot ou rameur, selon la circonstance. Thucydide (VI, 31) applique le mot de matelots aux thranites qui étaient des rameurs, et son scoliaste[38] dit ailleurs que la différence entre les matelots et les hoplites, c’est que les premiers concouraient au maniement de la rame, tandis que les seconds en étaient dispensés. Quant au nombre des épibates, il a varié selon les cités et selon les époques. Bœckh[39] fait remarquer que plus l’art nautique se perfectionna, plus le nombre des soldats embarqués diminua. Ainsi, dans le combat de Sybota entre les Corinthiens et les Corcyréens, le plus considérable qui eût été livré entre Grecs peu de temps avant la guerre du Péloponnèse, il y avait beaucoup d’hoplites, d’archers et de porteurs de javelines qui combattaient sur le pont ; mais, d’après Thucydide (I, 49), c’était là l’ancienne tactique, d’après laquelle une bataille navale ressemblait beaucoup à une bataille sur terre. Quand les Chiotes se révoltèrent contre les Perses, ils équipèrent cent navires, sur chacun desquels montèrent quarante citoyens aisés comme épibates[40]. Déjà à Salamine il n’y avait sur le pont des trières que dix-huit combattants, dont quatre archers, les autres pesamment armés[41]. Ainsi les Athéniens, qui comptaient surtout sur l’habileté de leurs manœuvres, avaient, dès cette époque, sensiblement diminué le nombre des épibates. Pendant la guerre du Péloponnèse, le chiffre réglementaire était descendu à dix[42]. On pouvait naturellement, dans certaines circonstances spéciales, augmenter ce nombre, en embarquant des soldats de l’armée de terre. Si nous adoptons le chiffre de 40 pour les épibates, nous arrivons avec les 17 matelots et les 174 rameurs à un chiffre de 201 hommes pour tout l’équipage. Or Bœckh[43] nous apprend que généralement on comptait 200 hommes pour l’équipage d’une trière. D’après Hérodote, Clinias, fils d’Alcibiade, combattit à Salamine sur sa propre trière montée par 200 hommes[44]. Hérodote porte l’armée de mer de Xerxès à 241,400 hommes pour 1,207 navires, ce qui fait presque exactement 200 hommes par navire, sans compter 30 soldats de l’armée de terre qu’on avait ajoutés à l’équipage par mesure spéciale. Enfin Platon, dans le Kritias, expose l’organisation militaire des habitants de l’Atlantide ; le pays est partagé en 60.000 lots et chaque lot doit fournir 4 personnes pour l’équipage de 1.200 navires, ce qui donne encore 200 hommes pour l’équipage de chaque vaisseau. C’est presque rigoureusement le chiffre auquel nous sommes arrivés par le détail. Il ne comprenait pas l’état-major qui, du reste, selon nos calculs, était peu considérable et qui pourvoyait aux trois services distincts que le triérarque centralisait dans sa personne : la manœuvre, la défense du navire et les questions d’administration (solde et alimentation des gens du bord). Bœckh et Graser appliquent aux matelots et aux épibates le nom de περίνεω. Nous avons vu qu’il y avait à bord 30 rames περίνεω. Ils croient que les matelots et les épibates, dont ils portent le chiffre à 30, avaient le même nom et manœuvraient au besoin ces rames. Ce qui semble appuyer leur hypothèse, c’est qu’en effet, dans le passage cité plus haut, Artémidore désigne par ce terme tous les hommes du bord ; mais ce n’est point là le. sens habituel du mot. Appliqué aux agrès, il signifie ceux dont on pourrait se passer et qui ne sont pas strictement compris dans le gréement réglementaire ; il ale même sens appliqué aux personnes embarquées sur la trière. Il désigne soit l’état-major qui, comme nous l’avons vu, n’était pas compris dans le chiffre de l’équipage, soit les serviteurs et les esclaves qui, eux aussi, mais par une autre raison, étaient laissés en dehors. Ainsi, quand Thucydide[45] parle des navires qui firent l’expédition de Troie, il ajoute : Vraisemblablement il ne s’y trouvait pas beaucoup de περίνεω, excepté les rois et les officiers. Le scoliaste dit qu’on appelle ainsi les passagers qui sont en plus dans le navire, comme les esclaves ; ou bien, dit-il encore, ce sont les personnages haut placés qui ne font pas partie des services du bord. Je pense donc qu’il faut entendre par ce mot, d’une part l’état-major, de l’autre les esclaves. Ainsi il est possible que l’έσχαρεύς, le cuisinier du bâtiment, fut un esclave ; peut-être en était-il de même dans certains cas du τριηραύλής. L’explication que nous donnons du mot περίνεω semble confirmée par le passage suivant de Pollux (I, 95), bien qu’il ne soit pas absolument net : Par αύτερέτης, Thucydide entend ceux qui rament et combattent ; περίνεως est le terme dont il désigne les autres personnes embarquées ; on pourrait aussi les appeler πλωτήρες. Il est évident que dans ce passage Pollux entend par έρέττοντας non seulement les rameurs proprement dits, mais aussi les matelots, qui, nous l’avons vu, n’en étaient pas toujours soigneusement distingués. Il ne reste donc plus pour les περίνεω que les personnes qui ne sont classées dans aucune des catégories indiquées ci-dessus et qui ne prennent une part matérielle ni à la manœuvre ni au combat, c’est-à-dire les esclaves et les officiers supérieurs. Ce n’est que par abus que le mot a pu être appliqué aux épibates, pris dans le sens où nous l’avons entendu ; encore moins convient-il aux matelots. Par le mot ύπηρεσία on entendait tous les hommes nécessaires à la manœuvre du bâtiment, ce qui exclut les épibates. Athénée (V, 37) dit, en parlant de la tessarakontère de Ptolémée Philopator : On y embarqua plus de quatre mille rameurs, quatre cents hommes pour la manœuvre et deux mille huit cent cinquante épibates sur le pont. Athénée désigne donc par ce mot les manœuvres exécutées par les matelots. On peut croire qu’il désigne les matelots eux-mêmes dans Thucydide (I, 143). Démosthène, au contraire[46], entend par là, dans un passage, les matelots et les rameurs, dans l’autre les rameurs seuls opposés aux matelots. Dans tous les cas, Graser[47] a eu raison de relever l’erreur par laquelle Bœckh applique le mot aux officiers. § 2. — Forme, dimensions, tonnage de la trière. Nous venons de voir comment était montée et commandée la trière ; nous en avions précédemment décrit en détail les différentes parties et la structure matérielle. Nous avons donc maintenant devant nous un organisme vivant, prêt à remplir ses fonctions, c’est-à-dire à naviguer et à combattre. Il serait intéressant de terminer ce travail en précisant exactement les formes de la trière et en donnant la cote de ses dimensions ; de façon à en présenter une sorte de devis qu’un constructeur moderne pût réaliser. Mais nous nous heurtons ici à des obstacles insurmontables. En effet, bien que le type de la trière soit resté partout le même dans ses lignes générales, il a subi, suivant les époques et les cités, d’importantes modifications. Or, dans l’état actuel de nos connaissances, si nous arrivons à saisir ce qui constituait essentiellement ce type, nous ne sommes pas suffisamment renseignés sur les différences de détail qui distinguaient une trière de l’époque de Périclès d’une trière du temps de Démosthène, un vaisseau de Corinthe d’un navire de Chios ou de Syracuse. La trière de Graser, qui n’a point de date ni de nationalité spéciale, est par là même un navire abstrait, et non la reproduction fidèle d’un bâtiment ayant à tel ou tel moment de la puissance d’Athènes navigué dans l’Archipel. En outre, les informations puisées dans les textes, dans les inscriptions, dans les monuments figurés laissent planer beaucoup d’obscurité et d’incertitude sur des points qu’il serait nécessaire de connaître pour arriver à une reconstruction exacte de la trière. Ce serait donc démentir la méthode et l’esprit de cet ouvrage, que de le terminer par une tentative de restauration, où il faudrait nécessairement faire une large place à l’hypothèse. Toutefois notre travail ne serait pas complet, si nous n’essayions de résumer et de grouper dans une vue d’ensemble les résultats auxquels nous sommes arrivés. Nous aurons ainsi une idée générale de la forme du bâtiment, et nous indiquerons en même temps les données plus ou moins vraisemblables que nous avons sur quelques-unes de ses dimensions. Nous avons vu la trière s’élever à Athènes sur des cales de construction analogues à celles de nos chantiers modernes. Nous avons vu la coque s’édifier à l’intérieur du ber ; elle est composée de ses éléments indispensables : la quille qui forme comme l’épine dorsale du bâtiment, les côtes qui s’y implantent et sur lesquelles s’adaptent les bordages ; enfin les préceintes viennent consolider le tout et l’empêcher de se disjoindre. Mais, après avoir constaté l’existence de ces pièces de charpente communes aux bâtiments de tous les temps et de tous les pays, nous sommes immédiatement frappés des différences qui font de la trière un navire à part, d’une structure originale et extrêmement curieuse à étudier. Le navire de guerre primitif, ancêtre de la trière, est fort bas sur l’eau, mais surélevé à l’avant et à l’arrière, de manière à présenter deux plates-formes commodes pour le combat. C’est en exhaussant, au moyen d’allonges, les couples de la poupe et de la proue qu’on édifiait ces gaillards, dont l’intérieur était le seul abri ménagé pour l’équipage dans cette barque archaïque. Pareille aux bêtes fauves qui se précipitent sur leur adversaire pour le transpercer de leurs défenses, elle abordait vigoureusement l’ennemi pour le couler. L’avant était construit en conséquence. Muni d’une poutre ou d’un assemblage de poutres proéminentes, il se terminait par cette pointe menaçante, en arrière de laquelle s’effaçaient les flancs amincis et fuyants du navire. C’est vers elle que convergeaient les pièces principales de la charpente ; la quille se relevait légèrement pour venir s’ajuster à l’extrémité de l’étrave, souvent renversée ; de fortes préceintes consolidaient l’ensemble et maintenaient la carène que le choc aurait pu disjoindre. Au-dessus de ce premier éperon un autre plus petit achevait l’œuvre de destruction et empêchait en même temps le navire de s’engager trop profondément dans le corps de l’ennemi blessé à mort et qui allait couler. A la tête de l’étrave s’élevait le stolos pour protéger le château d’avant contre les assauts de la vague et les coups de l’ennemi ; cette pièce .importante de la construction se développait en gracieuses volutes, qui se déroulaient au-dessus de la proue. L’avant était percé d’écubiers ou, pour employer le terme grec, d’yeux qui donnaient passage aux câbles de l’ancre ; puis au-dessus des joues se dressaient comme des oreilles les redoutables épôtides capables de fracasser les bordages de l’assaillant, et destinées à protéger les rames et la galerie qui faisait saillie de chaque bord. L’avant de la trière devait donc être puissant et s’adapter à un navire solidement construit ; mais il fallait en même temps que ce navire fût rapide et bon marcheur. En effet, plus l’avant était robuste, plus le coup d’éperon produisait un effet terrible ; mais il fallait en outre que le navire fût lancé avec vitesse, pour que le choc devînt plus meurtrier. Aussi la trière était-elle un vaisseau long, c’est-à-dire que dans sa construction on faisait prédominer l’une de ses dimensions, la longueur, sur l’autre, la largeur. Grâce à cette particularité, elle pouvait, vigoureusement enlevée par ses rameurs, fondre sur l’ennemi ; c’était tout ce qu’on lui demandait, ses flancs n’ayant pas besoin de s’arrondir pour contenir de nombreux approvisionnements, ni pour offrir à l’équipage des logements spacieux et confortables. Elle n’était pas destinée à faire de longues campagnes sans toucher terre ; mais l’équipage quittait le bord à chaque instant, souvent deux fois par jour, pour déjeuner et pour dîner. Elle était donc étroite et mince, avec des façons fines, de façon à diminuer la résistance de l’eau et à augmenter la vitesse ; en effet, l’une des qualités du bâtiment qui nous sont attestées, c’est qu’il était bon marcheur. Enfin, si elle était solide et capable de défoncer les bordages de son adversaire, elle était en même temps légèrement construite. Nous savons, en effet, qu’elle était fréquemment tirée à sec sur le rivage ; or, si l’on peut supposer que dans leurs arsenaux les Athéniens avaient à poste fixe de puissantes machines, il n’en était pas de même, lorsque, dans le cours d’une expédition, on s’échouait sur un point de la côte et qu’on tirait la trière sur le sable ; il fallait nécessairement la haler à force de bras. Tel était donc le problème qu’avait à résoudre le constructeur athénien : produire un navire à éperon assez solide pour porter des coups redoutables et résister aux chocs, assez fin pour déployer une grande vitesse, assez léger pour être facilement tiré sur le rivage. Toute la force de la trière était concentrée dans l’avant ; l’arrière n’ayant pas à supporter le poids considérable de l’éperon pouvait être sensiblement allégé ; il présentait, lui aussi, des formes fines et effilées, afin que la trière pût, sans pivoter sur elle-même, se retirer au besoin aussi vite qu’elle s’était élancée en avant. Parfois, dans les batailles navales, une escadre tout entière reculait ainsi, sans cesser de faire front à l’ennemi. Enfin la trière n’accomplissait jamais de bien longues traversées et n’était pas destinée à tenir la mer par tous les temps. Nous savons que les marins athéniens n’aimaient pas à rester au large pendant la tourmente, et nous avons des exemples de désastres terribles survenus par l’ouragan. Ils profitaient donc des anses hospitalières, que présentent partout les côtes et les îles de l’Archipel, pour s’y échouer. L’étambot se recourbait en conséquence, et s’arrondissait pour s’asseoir facilement sur le sable, au lieu d’offrir un angle qui serait venu se heurter contre les bas-fonds. Entre l’étambot et l’étrave, la quille conserva probablement longtemps sa courbure primitive avant de devenir horizontale, comme elle l’est dans le navire moderne. Ce qu’il y a de plus remarquable dans la barque grecque primitive, et dans les intermédiaires qui nous conduisent de modification en modification jusqu’à la trière kataphracte, c’est la façon dont le bâtiment était ponté. Le pont ne fut d’abord qu’une sorte de passerelle jetée du gaillard d’avant au gaillard d’arrière, et reposant sur des poutres verticales implantées dans les varangues. Il était donc plus étroit que le navire et, le plat-bord continuant à rester fort bas sur l’eau, on avait un navire ponté à sa partie supérieure, mais ouvert sur les côtés. Dès lors, on put superposer plusieurs rangs de rameurs les uns aux autres, en accrochant les sièges des rameurs supérieurs aux solives verticales qui supportaient le pont. Mais ces rameurs restaient à découvert et, par suite, exposés aux coups de l’ennemi. On prolongea donc les couples qui vinrent rejoindre le pont, et, en mettant des bordages sur les allonges de ces couples, on ferma le bâtiment ; on eut alors la trière kataphracte. Cette trière, assez élevée sur l’eau, était mise en mouvement par trois séries horizontales de rameurs placées le long du bord l’une au-dessus de l’autre. Elles étaient aussi rapprochées que possible pour ménager l’espace en hauteur, et dans chaque série chaque rameur n’avait que la place nécessaire pour exécuter le mouvement de la nage sans gêner ses voisins. Les sabords inférieurs étaient fort peu distants du niveau de la mer ; mais, grâce à l’ingénieux système des outres en cuir ou askômes qui enserraient la hampe de la rame, il ne restait pas le moindre interstice par où la vague pût pénétrer dans le bâtiment. En cas de gros temps, et lorsqu’on ne faisait pas usage des avirons, un grand prélart, l’hypobléma, assujetti tout autour du navire, recouvrait entièrement les sabords. Le long des flancs du navire, à la hauteur de la rangée supérieure de rameurs, était suspendue une sorte de large galerie ou parodos, qui permettait de circuler sur les côtés de la trière. Cette galerie, naturellement fragile, était protégée, quand le navire faisait face à l’ennemi, par les robustes épôtides. Elle offrait un emplacement favorable aux combattants. La meilleure manière de se faire une idée juste des formes de la trière, c’est de considérer de face le piédestal de la Nikê de Samothrace, dont la pl. V donne une vue de côté. Il est possible toutefois que ce navire de marbre étant avant tout destiné à servir de base à une statue, le sculpteur ait exagéré la hauteur de la partie qui se trouve au-dessus de la parodos. Cette réserve faite, on peut, je crois, regarder son œuvre comme une reproduction fidèle de la réalité. On a devant soi un avant étroit et effilé, malheureusement mutilé, en arrière duquel s’élargit le corps du vaisseau, tout en restant relativement très mince ; on voit les préceintes converger vers l’éperon, tandis qu’au-dessus de l’étrave s’élève encore un fragment du stolos ; de chaque côté de la trière de larges galeries semblent pour ainsi dire lui servir de balancier. On dirait un oiseau de mer qui rase les flots les deux ailes étendues, et l’on éprouve en présence de ce monument l’impression d’un navire rapide, d’un faible tirant d’eau et dont les parties supérieures sont cependant assez élevées au-dessus du niveau de la mer. Ces considérations sommaires nous permettent de formuler quelques critiques contre la reconstitution de la trière et de la pentère par Graser. Il suppose la quille horizontale et l’étrave et l’étambot formant avec elle un angle d’environ 69 degrés, de façon que l’avant et l’arrière présentent une grande ressemblance. Quant à l’éperon, c’est un ensemble de pièces de rapport qu’il établit sur l’étrave environ au tiers de sa hauteur. Ce n’est là qu’une approximation insuffisante de la construction grecque, telle que nous la font connaître les monnaies. Nous y voyons en effet que l’étambot forme avec l’horizontale un angle très aigu, que la quille qui le prolonge décrit une courbe très développée et ne devient horizontale, quand elle le devient, que dans le voisinage de l’éperon. Un navire ainsi construit s’échoue mollement et semble fait pour épouser la courbure du rivage, tandis qu’au contraire le vaisseau de Graser se heurterait brusquement à la côte. Nous avons déjà fait observer combien l’avant était complexe et combien il différait de l’arrière. L’avant de Graser ne nous semble pas assez fort pour supporter les épôtides et surtout l’éperon et le proembolion. Là, en effet, l’étrave formant avec l’horizontale un angle de 69 degrés, l’éperon n’est qu’une pièce de rapport qui y est attachée plus ou moins solidement, mais qui ne forme pas corps avec elle. Nous voyons au contraire, dans la réalité, que l’éperon est le plus ordinairement le sommet de l’angle aigu produit par la quille qui se relève et par l’étrave inclinée vers l’arrière, de sorte que pour écraser ces deux parties et disloquer la carène, il faudrait un effort extraordinaire. Quant au proembolion, on reconnaîtra combien il est faible et de dimensions insuffisantes chez Graser, si on le compare au robuste assemblage de poutres qui le constituent sur les monnaies. Une autre imperfection du navire de Graser, c’est que celui-ci ayant méconnu la nature du stolos ne superpose pas à l’étrave cette construction si originale destinée à couvrir et à protéger l’avant. Les acrostoles avaient certainement des proportions moins courtes et moins ramassées que celles que leur assigne Graser. Cela est certain surtout pour les aphlastes, souvent si élancés et si fragiles qu’on était obligé de les réunir au pont par des étais. Si maintenant nous examinons le plan horizontal donné par Graser de la trière dans son De re navali, peut-être n’est-il pas absolument exact. Graser suppose en effet, que les deux parois du navire sont représentées par deux lignes droites parallèles, qui ne s’inclinent l’une vers l’autre pour se rejoindre que vers l’avant et vers l’arrière. Ainsi que nous l’avons vu au chapitre des rames, il est vraisemblable que la plus grande largeur de la trière était au maître-bau et que le navire renflé au milieu allait en s’amincissant vers l’avant et vers l’arrière. C’est ce qui explique en partie pourquoi chaque rangée supérieure compte, à chacune de ses extrémités, un rameur de plus qu’à l’inférieure. Si au contraire l’amincissement ne commence qu’à la παρεξειρεισία, on ne comprend plus cette particularité notable de la disposition des rameurs. Quant à retrouver une espèce de navire connu qui nous donne de la trière une idée approximative, il est certain qu’on fait fausse route en se rapportant, comme Jal, aux galères du moyen âge, dont le système de construction était tout autre et qui n’avaient ni les façons fines, ni l’agilité de la trière athénienne. C’est, de la part de Graser, une idée heureuse et vraisemblable, que d’être allé chercher dans les mers du Levant et dans les caïques de Constantinople, du Bosphore et de l’Archipel, navires à la fois instables et rapides, un type qu’on puisse comparer à celui de la trière. Si nous voulons nous rendre compte des dimensions de la trière, il faut d’abord nous défaire de toute idée de comparaison avec les grands vaisseaux des marines modernes. La renommée des Grecs et le bruit de leurs exploits faisant illusion, on est volontiers disposé à supposer à leurs œuvres un caractère imposant qu’elles n’ont jamais eu. Le grandiose et le gigantesque n’ont jamais été le fait des Hellènes ; les qualités essentielles déployées dans leurs constructions ont toujours été l’esprit de mesure, la précision élégante, l’adaptation ingénieuse des moyens les plus simples à une fin. Ces qualités se retrouvent dans leur marine, comme partout ailleurs, et la trière était certainement un navire bien proportionné et capable de produire tout son effet utile, mais de dimensions restreintes. Nous avons vu qu’en assignant, suivant l’assertion de Vitruve, à chaque rameur un espace de 3 pieds en longueur, nous obtenions un έγκωπον de 94 pieds de long. Si nous admettons que, pour les trières athéniennes comme pour les galères du moyen âge, la longueur de la παρεξειρεισία était le sixième ou le septième de la longueur totale, — ici les monuments figurés diffèrent trop pour nous permettre d’asseoir une conjecture, — nous donnerons à la παρεξειρεισία environ 19 pieds de long. La trière mesurera donc en tout une longueur de 113 pieds, soit, en évaluant avec Hultsch[48], le pied grec à 0m,3083, 34m,8379[49]. Pour ce qui est de la largeur, nous pouvons l’évaluer d’une autre façon. Nous savons en effet que le câble de l’ancre mesurait 8 δάκτυλοι de tour, soit un demi-pied ou six pouces. Or, dans la marine actuelle, chaque pied de la largeur du navire à la flottaison correspond, d’après Graser, à un demi-pouce de grosseur du câble. Cela donnerait pour la largeur de la trière à la ligne d’eau 12 pieds, soit 4m,5636[50]. Nous pourrions employer une autre méthode, mais celle-ci encore plus conjecturale, pour déterminer la largeur de la trière à la flottaison : ce serait de lui appliquer les proportions de la tessarakontère de Ptolémée Philopator, dont nous connaissons le devis[51]. Celle-ci avait 280 coudées de long et 38 de large άπό παρόδου είς πάροδος, ce qui nous indique que la plus grande largeur du bâtiment se trouvait à la hauteur de la πάροδος. En faisant le calcul, nous trouvons entre la longueur et la largeur un rapport de 7,38. Appliquant cette proportion à la trière, nous trouvons : 113 / 7,38 = 15,31, c’est-à-dire que la plus grande largeur de la trière à la hauteur de la parodos était de 15 pieds 31 centièmes ; et, en admettant que pour chaque rang de rameur l’accroissement du bâtiment en largeur était d’un demi-pied de chaque côté, nous retrouvons presque exactement le chiffre de 12 pieds pour la largeur à la flottaison. Dans ce cas, le rapport de la longueur à la largeur est à peu près 7 ou 8[52]. La plus grande difficulté se trouve dans le rapport de la largeur à la hauteur. En effet, nous avons vu[53] que la trière devait s’élever de 11 pieds au-dessus de l’eau, afin de pouvoir loger ses trois étages de rameurs. On est alors obligé de lui donner 8 pieds ½ de hauteur sous l’eau[54], ce qui fait une hauteur totale de 19 pieds ½. Mais cette proportion soulève de la part des marins de sérieuses objections : dans la marine actuelle, la largeur totale est toujours plus grande que la hauteur totale ; un navire construit dans les dimensions que nous venons d’indiquer pour la trière courrait grand risque de chavirer. D’autre part, si nous examinons la trière de l’Acropole et que nous mesurions la paroi du navire à partir de la flottaison d’après les rameurs visibles supposés de taille moyenne, nous ne trouvons guère que 8 pieds pour la hauteur du bâtiment au-dessus de l’eau et, en prenant les 2/3 de ce nombre pour la partie du bâtiment submergée, soit un peu moins de 6 pieds, nous n’aurions plus pour la hauteur totale que 14 pieds environ, et nous nous verrions ainsi ramenés à des proportions plus vraisemblables. Mais nous serions très embarrassés pour loger, dans une hauteur de 8 pieds, les trois rangs de rameurs superposés. C’est peut-être cette difficulté qui a porté Graser, bien qu’il ne le dise pas, à augmenter la longueur et la largeur de la trière. Je préférerais, en m’en tenant aux dimensions données ci-dessus et que je considère comme très vraisemblables, supposer le sabord thalamite à 1 pied ½ seulement au-dessus de l’eau, et réduire à un demi-pied l’espace laissé au-dessus de la tête du rameur thranite et l’épaisseur du pont ; nous aurions ainsi 10 pieds seulement de hauteur de la ligne d’eau au pont et, en supposant 6 pieds de tirant d’eau, 16 pieds de hauteur totale, ce qui serait à peu près équivalent à la plus grande largeur du bâtiment. Dans ces conditions, la construction de la trière serait plus facile à réaliser. Mais il y a un autre moyen de sortir d’embarras. M. Bertin, ingénieur des constructions navales à Cherbourg, auquel j’ai soumis les dimensions ci-dessus, soit : hauteur totale, 19 pieds, largeur maximum, 15 pieds, pense qu’on obtiendrait ainsi un bâtiment instable par défaut de largeur. Il ajoute toutefois qu’à la rigueur, avec des fonds solidement bâtis jusqu’à 10 pouces au-dessus de l’eau surmontés d’une simple superstructure en lambrissage, le navire pourrait peut-être tenir sur l’eau dans des conditions de stabilité satisfaisante. C’est là une remarquable intuition que confirme tout ce que nous avons dit de la construction de la trière. Le pont, simple passerelle allant de l’avant à l’arrière, n’était soutenu que par des solives de médiocre grosseur, et toute la partie supérieure du bâtiment n’était composée que d’allonges et de bordages qui n’avaient pas besoin d’être bien robustes. Si l’on jette un coup d’œil sur le navire de l’Acropole, Pl. III, on verra qu’il doit être très solidement construit à sa partie inférieure ; celle-ci est en effet pourvue de larges et fortes préceintes ; c’est là que se faisait sentir le contrecoup du choc produit par l’éperon, et que se produisait la poussée des avirons. A partir de la rangée des rameurs thranites au contraire, ou bien le navire restait ouvert, comme dans l’exemple cité, ou il n’était fermé que par des cloisons légères. C’est là un système de construction inconnu dans la marine moderne, mais qui justifie les dimensions exceptionnelles de la trière antique. En outre, le navire avait chez les Grecs sa charge principale, c’est-à-dire les rameurs, disposée le long de ses bords à une assez grande distance de son axe longitudinal, ce qui contribuait à adoucir les mouvements du roulis. L’équilibre était encore rendu plus stable par la présence le long de chaque flanc des galeries extérieures, qui paraissent d’une largeur assez considérable sur le piédestal de la Nikê de Samothrace. Toutes ces réflexions nous permettent d’accepter comme possibles les dimensions données plus haut, et que M. Bertin ne croit pouvoir admettre que sous la réserve d’un système de construction dont nous n’avons pas d’exemple. Or ce système de construction, je crois l’avoir suffisamment exposé. Nous trouvons jusqu’à un certain point la confirmation de ces résultats dans les proportions de la tessarakontère de Ptolémée Philopator. Nous savons en effet que celle-ci avait, de la ligne d’eau à l’acrostole, une hauteur de 48 coudées. Or, sur les monuments figurés, bien qu’il y ait de grandes différences, il semble qu’en moyenne la distance de la ligne d’eau au pont soit égale à celle du pont à l’acrostole ; cela ferait donc 24 coudées, de la flottaison au pont ; si nous prenons les 2/3 de ce nombre pour la partie immergée, nous aurons 24 + 16 = 40, c’est-à-dire que la hauteur totale de la tessarakontère aurait été de 40 coudées. Nous savons d’autre part que la plus grande largeur était de 38 coudées. Nous pouvons espérer avoir, dans peu de temps, un moyen facile de vérifier quelques-unes de ces mesures. On sait en effet que les trières athéniennes étaient réparties entre les trois bassins de Zéa, de Munychie et de Kantharos, qui leur servaient de dépôt. Lorsqu’elles ne faisaient pas campagne, elles étaient tirées à sec dans des abris qu’on appelait νεώσοικοι. Les restes de ces νεώσοικοι subsistent encore sur plusieurs points, et Ulrichs a signalé le premier le service qu’on rendrait à l’archéologie navale en les mesurant exactement. Ces mesures ont été, paraît-il, exécutées avec tout le soin désirable par M. le lieutenant Von Alten, de novembre 1876 à mars 1877, pour l’Atlas de E. Curtius et J.-A. Kaupert[55]. Elles paraîtront dans la section consacrée au Pirée. Comme les anciens étaient très ménagers de l’espace, on peut supposer que les dimensions des navires n’étaient que très peu inférieures à celles des abris. Ces mesures ont déjà été opérées par Graser, qui a consigné le résultat de ses recherches dans le Philologus[56]. Malheureusement elles ont été faites avec tant de précipitation, et les moyens employés étaient tellement insuffisants, qu’on ne peut guère accorder la moindre confiance aux résultats obtenus. En ce qui concerne la longueur, bien que Graser déclare que ses mesures concordent absolument avec les calculs qu’il expose dans le De re navali, il ne se dissimule pas qu’il était bien difficile de faire tenir deux cents trières de 150 pieds de long dans le bassin de Zéa, et cent à Munychie[57]. D’autre part, malgré son désir de faire concorder la réalité avec ses hypothèses, il n’a pu trouver que deux murs d’abris à Munychie qui mesurent 148 pieds de long. Ceux-là mêmes seraient donc plus courts que la trière de Graser, quand il est plus que probable que les abris étaient sensiblement plus longs. 11 est vrai que tous ces murs sont très dégradés, surtout à leur extrémité inférieure, qui, par un phénomène jusqu’à présent inexpliqué, se trouve aujourd’hui sous l’eau. Tous les autres murs sont beaucoup moins longs, et il a été impossible, jusqu’à présent, de déterminer jusqu’où ils pouvaient s’étendre autrefois. Dans l’état actuel de la question, il n’y a donc rien de positif à tirer de là pour déterminer la longueur des trières. Graser n’a pas même pu établir exactement si ces murs formaient la séparation entre deux abris contigus ou s’ils, se trouvaient ‘au milieu de l’abri pour servir de base à la quille de la trière, de façon que la carène étant ainsi exhaussée les ouvriers pussent circuler librement au-dessous et y faire les réparations nécessaires. Quant à ce qui est de la largeur, les abris avaient des dimensions très diverses, puisqu’ils servaient à des navires très différents, depuis la pentécontore jusqu’à la pentère et à l’hexère. Mais les abris mêmes que Graser assigne aux trières ne se trouvent pas égaux, chose bizarre, puisque nous savons que tous les agrès étaient identiques. Pour prendre un exemple, d’après le tableau annexé à son mémoire, Graser a mesuré à Léa treize νεώσοικοι dont les dimensions, y compris la moitié de la largeur des deux murs latéraux, varient entre 14 pieds anglais 833 millièmes et 17 pieds 737 millièmes. Il est donc obligé d’admettre des trières de différents types, dont l’élargissement, à partir de la ligne de flottaison, n’est pas le même. Dans tous les cas, et bien que Graser le suppose, il est difficile que les plus grands de ces νεώσοικοι aient abrité des trières ayant une largeur supérieure à celle que nous leur avons donnée, c’est-à-dire 15 pieds à la hauteur du sabord thranite ; encore faut-il noter que Graser n’ajoute à cette largeur qu’un demi-pied de chaque côté pour la parodos, ce qui paraîtra manifestement insuffisant, si l’on se reporte aux proportions du piédestal de la Nikê de Samothrace. Nous arrivons maintenant au tonnage. M. Bertin admet qu’un câble de huit ackrolot de circonférence, soit 0m,1541[58], équivaut à une chaîne de 0m,020 de diamètre. C’est là, dit-il, le câble d’un bâtiment de 60 à 70 tonneaux de déplacement. Je prendrais le dernier chiffre, les anciens marins s’exposant moins que nous au gros temps sur leurs ancres. Peut-être même faut-il, en vertu de cette réflexion, forcer un peu le chiffre et le porter à 80, d’autant que la trière avait des façons remarquablement fines. Le tableau du bureau Véritas donne, pour un navire de 60 tonneaux, une chaîne de 0m,022. Quant à déduire exactement le tonnage des dimensions du navire comme l’a fait Graser, c’est une opération que nous nous épargnerons[59]. En effet, pour arriver à un résultat ayant quelque valeur, il faudrait connaître toutes les dimensions ; celles, que nous avons ne nous donneraient qu’une approximation grossière. § 3. — Force d’impulsion évaluée en chevaux-vapeur. Vitesse. Qualités militaires et nautiques de la trière. On admet dans la marine actuelle que le travail fait par un rameur n’équivaut pas tout à fait au dixième de celui qu’accomplirait un cheval-vapeur. La force motrice de la trière serait ainsi égale à 17 chevaux-vapeur environ, ce qui est bien peu de chose comparé à la force motrice dont disposent les navires à vapeur contemporains. Graser[60] évalue la force d’un rameur au huitième et même au septième d’un cheval-vapeur ; ce qui lui permet de donner une force motrice d’environ 24 chevaux-vapeur à la trière. Peut-être, en effet, faut-il admettre que les rameurs anciens étaient plus vigoureux que les nôtres, et que l’équilibre établi entre les deux parties de la rame leur permettait de produire plus d’effet utile. Mais ce n’est là qu’une conjecture. Pour obtenir la vitesse d’un navire mû par des rameurs, on emploie la méthode suivante. On calcule la section transversale immergée ; soit B2 cette section transversale et soit N le nombre des rameurs, la vitesse V en nœuds de 0m,51 par seconde sera donnée par la formule :
Mais on voit que pour obtenir cette vitesse il faut connaître la section transversale immergée ; or les données que nous avons ne sont pas suffisantes, car il faudrait nécessairement y ajouter la connaissance de la courbe de la paroi du navire sous l’eau. Toutefois, et pour obtenir un résultat approximatif, j’ai fait faire le calcul par un ingénieur, en supposant quo la partie immergée du navire formait un simple triangle, ce qui donne nécessairement un résultat trop fort, car la courbe des parois du navire, à moins d’être une courbe rentrante, ce qui est impossible, est forcément extérieure aux côtés du triangle. Le résultat a donné une vitesse de moins de trois milles par heure, soit moins de cinq kilomètres et demi. Mais, ainsi que je l’ai plus d’une fois répété, nous ne connaissons pas assez exactement les dimensions et les formes de la trière pour accorder à ces calculs une grande confiance. Il vaut donc mieux nous en rapporter aux témoignages que nous ont laissés là-dessus les anciens. La Vitesse qu’ils obtenaient pour leurs navires à voiles n’était pas de beaucoup inférieure à celle que réalise notre marine, ce qui prouve une fois de plus que les anciens avaient poussé fort loin la pratique de l’art naval. Apollonius de Rhodes[61], en parlant de l’Athos, dit qu’il est éloigné de Lemnos de la distance qu’une holcade bonne marcheuse parcourrait du matin au milieu du jour. Malheureusement le poète ne nous indique pas l’heure du départ. Si nous plaçons le matin à six heures, comme il y a de l’Athos à Lemnos environ 70 kilomètres en ligne droite, nous obtiendrons une vitesse d’un peu plus de 11 kilomètres et demi ou d’environ 6 nœuds et demi par heure. Quand Léocrate, au moment de la bataille de Chéronée, quitte Athènes pour Rhodes, Lykurgue dit qu’il s’en est allé dans un pays distant de sa patrie de quatre jours de mer[62]. Peut-être Léocrate était-il parti sur une trière, car Lykurgue emploie le mot ναΰς[63]. Or il y a, en ligne droite, du Pirée à Rhodes, environ 440 kilomètres. Si l’on ne compte que douze heures de navigation par jour, on obtient une vitesse d’environ 9 kilomètres ou de 4 à 5 milles par heure. Mais le trajet au milieu de l’Archipel ne se faisait pas en ligne droite ; il faut donc augmenter sensiblement la vitesse obtenue et la porter à 10 ou 11 kilomètres, ou environ 6 milles par heure. Si, d’autre part, nous supposons qu’on ne s’arrêtait ni jour ni nuit, nous serons forcés de diminuer la vitesse de moitié ; mais nous savons qu’on n’agissait ainsi qu’en cas de circonstances extraordinaires ; or nous avons à nous occuper ici d’une distance évaluée dans les conditions normales de la navigation. Thucydide (II, 97) nous apprend que de la ville d’Abdère jusqu’à l’embouchure de l’Ister dans le Pont-Euxin, on comptait, pour un vaisseau rond avec vent arrière, une navigation de quatre jours et d’autant de nuits. Or d’Abdère à l’embouchure de l’Ister dans le Pont-Euxin, il y a, si l’on suit d’un peu loin les sinuosités de la côte, environ 1,000 kilomètres, ce qui fait à peu près par heure 10 kilomètres et demi, entre 5 et 6 nœuds. Si l’on veut des exemples de traversée rapide, on en trouvera quelques-uns réunis par J. Smith[64]. Les préfets Galerius et Balbillus firent, le premier en sept jours, le second en six, la traversée de Messine à Alexandrie. Or les paquebots-poste français mettent actuellement six jours et demi pour aller de Marseille à Alexandrie via Messine. Valerius Marianus, par une brise très modérée, alla en neuf jours de Pouzzoles à Alexandrie. La traversée de Gadès à Ostie, par un bon vent, ne durait que sept jours ; on allait à Ostie, du point le plus rapproché de la côte espagnole, en quatre jours, de la province Narbonnaise en trois, d’Afrique en deux. Cela donne une vitesse qui varie entre 6 et 8 milles à l’heure ; sept milles à l’heure sont encore actuellement, pour les navires à voiles, une vitesse très honorable[65]. Ce sont là des traversées accomplies par des bâtiments de commerce ; la vitesse de la trière devait être supérieure, puisqu’elle avait des formes plus fines et qu’à l’impulsion du vent elle ajoutait celle qui lui était communiquée par ses rameurs. Cette rapidité dans la marche était une des qualités que les anciens prisaient le plus en elle. Pourquoi, dit Xénophon[66], une trière chargée de monde est-elle un objet d’effroi pour l’ennemi, d’admiration pour les peuples alliés, sinon parce qu’elle est bonne marcheuse ? Graser[67] cite comme exemple de la vitesse de la trière, l’appréciation suivante de Xénophon : D’Héraclée à Byzance il y a, pour une trière, un long jour de marche en s’aidant des rames. Il estime la distance entre Héraclée de Bithynie à Byzance à 160 milles et le long jour à seize heures. Il obtient ainsi une vitesse de 9 à 10 milles par heure ; ce qui est encore aujourd’hui pour les bateaux à vapeur une très bonne vitesse, et conclut que c’était là la vitesse normale de la trière marchant simplement à la rame. J’aime mieux supposer qu’il s’agit ici d’une vitesse maxima, et que κώπαις signifie, comme je l’ai traduit, en s’aidant des rames, ce qui n’exclut pas l’usage de la voile ; car, de quelque façon qu’on suppose la trière construite, je ne vois pas comment ses 174 rameurs auraient pu lui imprimer une pareille vitesse. Ainsi au sujet des dimensions et de la vitesse de la trière, nous ne pouvons arriver qu’à des résultats approximatifs ; mais nous en savons assez pour avoir une idée de la physionomie du bâtiment et pour apprécier ses qualités et ses défauts à la mer et pendant le combat. La trière était fine et bonne marcheuse ; c’était là une de ses qualités principales. Elle était fort élevée sur l’eau et peut-être, malgré l’ingénieux système de sa construction, moins stable que ne le sont nos vaisseaux modernes ; mais ce défaut n’avait pas pour les Grecs l’importance qu’il aurait pour nous. En effet, on sait que pour les Grecs la navigation commençait au printemps et cessait à l’automne ; ce n’était que par exception et en cas d’absolue nécessité qu’on naviguait l’hiver ; or, pendant la saison d’été, la Méditerranée est ordinairement d’un calme parfait, et ce n’est que rarement que les ouragans la bouleversent. La trière n’était donc pas destinée, comme nos navires, à affronter les rigueurs de l’Océan presque toujours houleux, mais à sillonner les eaux paisibles de l’Archipel semé de ports et de refuges. Nous savons du reste quels ravages la tempête faisait dans les flottes des anciens, qu’un ouragan brusquement déchaîné suffisait pour anéantir. C’est ainsi qu’à l’époque des guerres médiques les Grecs durent leur victoire sur l’escadre perse, autant au mauvais temps qui semblait s’attacher à elle pour la détruire, qu’à leur propre valeur. Pour bien comprendre les qualités et les défauts de la trière, il faut toujours tenir compte des parages dans lesquels elle était destinée à naviguer et des conditions atmosphériques. Du reste elle pouvait presque toujours, à l’aide des avirons, se soustraire aux caprices du vent et gagner la côte prochaine. Nous avons vu combien, par la nature même de son gréement, elle était appropriée à la navigation côtière. Quand elle avait vent arrière, elle ouvrait hardiment ses grandes voiles, et, grâce à ses formes amincies, elle volait légèrement sur l’eau ; si le vent n’était pas favorable, elle pouvait louvoyer à l’aide de ses voiles latines et se servir de la force de ses rameurs exercés et disciplinés. Lorsque la mer devenait trop houleuse, on avait la ressource de rentrer les avirons, et, grâce à l’ingénieux système des askômes et de l’hypobléma, on ne craignait pas que l’eau ne pénétrât par les sabords. En somme, la trière offrait une réunion très heureuse de la voile et des rames, et, si elle ne présentait pas la stabilité de nos vaisseaux actuels, elle circulait avec plus d’agilité au milieu des bas-fonds, des écueils et des fies de l’Archipel. C’est surtout comme navire de combat que la trière était remarquable. Outre qu’elle était fort gracieuse et fort élégante, elle réunissait un ensemble de qualités rarement associées. Toute sa force semblait aboutir à l’éperon, dont le choc, moins puissant que dans les navires modernes, était cependant meurtrier, quand la trière, mise en mouvement par ses rameurs, allait donner de la tête dans le flanc de l’ennemi. Il était heureusement complété par le proembolion, encore inconnu à nos escadres contemporaines, mais qu’on pourrait peut-être emprunter à l’antiquité ; le proembolion était destiné à achever l’œuvre de l’éperon et à en atténuer les dangers pour l’assaillant. Si l’avant était admirablement agencé pour l’offensive, il avait aussi ses engins défensifs. Les larges épôtides, arc-boutées par des contreforts puissants, pouvaient soutenir un choc sans faiblir, et le stolos n’était pas seulement une construction élégante et originale, gracieusement couronnée par les acrostoles, c’était aussi une protection pour le château d’avant qu’il défendait contre le flot et contre l’impétueuse attaque de l’ennemi. Enfin, — et c’est un point capital dans le combat, — quand la trière était montée par des équipages exercés et disciplinés comme ceux des Athéniens, on n’aurait pu trouver de navire qui Mt plus agile, plus obéissant, mieux dans la main de celui qui le commandait. Du reste la trière n’était pas réduite à agir uniquement à coups d’éperon. Si l’on ne peut comparer les effets produits par le dauphin à ceux de l’artillerie moderne, ces lourds engins, suspendus aux vergues et capables de fracasser le pont du navire ennemi, le tenaient cependant à l’écart et ne lui permettaient pas de s’approcher à la légère pour tenter l’abordage. Le navire était d’ailleurs gardé et défendu par des archers et des soldats et leur offrait un nombre considérable de postes appropriés à la fois à l’offensive et à la défensive. On mettait en effet des hommes dans la hune pour écarter l’ennemi à coups de traits ; on en mottait aussi dans des tourelles disposées sur la couverte à cet effet, sur le pont lui-même et sur les gaillards d’arrière et d’avant ; enfin il semble que la parodos leur Mt particulièrement destinée. Là, suspendus aux flancs du navire, couverts par le bastingage et par leurs boucliers, ils défendaient à l’assaillant l’approche du vaisseau. Assurément la trière ne disposait pas des moyens d’action puissants inventés par la science moderne ; malgré l’assertion d’Eustathe (1729, 7), elle n’était pas commodément aménagée comme nos vaisseaux, qui sont de véritables maisons flottantes ; mais c’est une œuvre remarquable à tous égards, qui mérite d’attirer l’attention des hommes du métier et qui fait honneur à ceux qui l’ont inventée d’abord et successivement amenée ensuite au plus haut degré de perfection. FIN DE L’OUVRAGE |
[1] Ch. V, § 2 et § 5.
[2] Démosthène, c. Polycl., p. 1221.
[3] S. v. : κελευστής τριήραρχος πρωρεύς.
[4] J. Scheffer, De Mil. Nav., l. IV, ch. VI, p. 296 et suiv., Graser, De R. N., § 49.
[5] Chevaliers, v. 541. Cf. Scol. ad h. l.
[6] Plutarque, Politic. præc., p. 807, B.
[7] S. v. : κυβερνήτης.
[8] [Démosthène], C. Aristogiton, B, p. 801.
[9] Plutarque, Politic. præc., p. 807, B.
[10] S. v. : κυβερνήτης.
[11] Rhétorique, 2, 21.
[12] République, 6, p. 488, E.
[13] Gorgias, p. 511, D.
[14] Max. Tyr., Dissert., XXXI.
[15] Anabase, 5, 8, 20.
[16] J. Scheffer, De Mil. Nav., l. IV, ch. VI, p. 302.
[17] Économique, 8, 14.
[18] Consulat de Mallius Theodorus, v. 42 et suiv.
[19] Moral., p. 812 c.
[20] V. Agid., ch. 1.
[21] Or., VII. Cf. Zonaras, s. v. : πρώρα.
[22] Itinér., l. 1, v. 455 et suiv.
[23] La trière du cavalier dal Pozzo nous montre à l’avant, à moitié couché et appuyé sur son coude gauche, un personnage la tête tournée vers l’arrière et la main droite levée, qui n’a pas été reproduit ici, pl. IV. Graser le prend pour le triérarque. C’est évidemment le proreus qui est en train de faire un signal au timonier. L’une des deux trières de Pouzzoles, publiées dans le Musée Bourbon, t. 3, pl. 44, nous montre sur la proue une figure nue qui regarde en avant et qui peut être le proreus.
[24] Économique, 8, 14.
[25] Xénophon, Anabase, 5, 8, 20.
[26] Onir. t. I, p. 57, 17, éd. Reiff.
[27] S. v. : κελευστής.
[28] Urkund., p. 120-121.
[29] C. Polycl., p. 1214.
[30] C. Polycl., p. 1212.
[31] Lois, IV, p. 507 A.
[32] S. v. : κελευστής.
[33] De R. N., § 49.
[34] Athénée, V, 37.
[35] S. v. : έπιβάτης.
[36] S. v. : έπιβάτης.
[37] Thucydide, VIII, 24.
[38] Scol. Thucydide, VII, 26.
[39] Staatshaushaltung..., II, 22.
[40] Hérodote, VI, 15, 1.
[41] Plutarque, V. Thémistocle, 14.
[42] Nous trouvons en effet 300 épibates pour 30 navires (Thucydide, III, 95 cf. III, 91, 94), 400 pour 40 navires, (II, 102. Cf. II, 80 et 92 ; IV, 76 et 101).
[43] Staatshaushaltung..., II, 22.
[44] Hérodote, VIII, 17, 2.
[45] I, 10. Cf. Photius et Suidas, s. v. περίνεω.
[46] C. Polycl., 1214, 23. 1216, 13, et 1217, 2.
[47] De R. N., § 49.
[48] Métrologie, tab. II, p. 298.
[49] Graser, De R. N., § 30, admettant arbitrairement que chaque rameur a besoin de 4 pieds en longueur, obtient pour l’έγκωπον une longueur de 124 pieds, plus le sixième de la longueur totale pour la παρεξειρεσία, soit 25 pieds, en tout 149 pieds pour la longueur de la trière. Toutes les mesures du De R. N. sont exprimées en pieds anglais.
[50] Graser, De R. N., § 31, considérant que la trière avait des façons fines, porte sa largeur à la flottaison à 14 pieds ; mais c’est là une hypothèse purement gratuite.
[51] Athénée, V, 37.
[52] Graser, De R. N., § 52, fait remarquer que ces proportions, qui auraient paru inusitées au temps de la marine à voiles, sont redevenues en usage depuis l’introduction de la marine à vapeur pour les navires de guerre, les paquebots et les yachts. Elles ont même été dépassées.
[53] Graser, De R. N., § 32 ; cf. § 53.
[54] Graser, suite du De R. N., Philologus, § 96, donne même à la trière 10 pieds de tirant d’eau, en s’appuyant sur un passage du Bellum Alexandrinum, c. 14.
[55] Atlas von Athen im Auftrage des kaisertich deutschen archäologischen Instituts, herausgegeben von B. Curtius und J. A. Kaupert. Berlin, 1878. Verlag v. Dietrich Reimer.
[56] T. 31, 1872, Meine Messungen in den athenischen Krieghäfen.
[57] Ibid., p. 8 et 9.
[58] Hultsch, Métrologie..., tab. II, p. 298.
[59] Graser, De R. N., § 33, évalue la capacité de la trière, avec les dimensions qu’il lui donne, à 232 tonnes ½. Mais dans la marine militaire on ne se préoccupe jamais du tonnage nominal, qui est un chiffre de convention et qui ne donne aucune indication précise ni sur la grandeur ni même sur la capacité du bâtiment. On ne considère que le déplacement, c’est-à-dire le poids du navire, ou, ce qui est la même chose, le poids du volume d’eau déplacé. Graser, De R. N., § 55, l’évalue à 216 tonnes ½.
[60] De R. N., § 48, en note.
[61] I, 602. Cf. Scol. ad h. l.
[62] Lycurgue, C. Léocr., § 70.
[63] Lycurgue, C. Léocr., § 17.
[64] Traduit par Thiersch, Ueber den Schiffbau..., p. 34. D’après Pline, H. N., proœm. ad lib. XIX.
[65] Arrien, Peripl. Eux., c. 6, parle de 500 stades, c’est-à-dire plus de 50 milles, parcourus depuis le lever du jour jusqu’à midi, ce qui donne au moins une vitesse de 8 milles à l’heure.
[66] Économique, 8, 8.
[67] De R. N., § 77, en note. Xénophon, Anabase, 6, 4, 2.