§ 1er. — La force motrice de la trière. Rien n’influe plus directement sur les constructions navales, sur la tactique et sur les opérations d’une escadre que la force motrice dont dispose le vaisseau. Quand il est mû par le vent, on peut jusqu’à un certain point, et sans craindre de le rendre mauvais marcheur, augmenter sa largeur et sa capacité. Il suffit, pour lui conserver une bonne vitesse, de développer sa voilure et d’offrir ainsi plus de surface à l’action naturelle et sans limites du vent. Il faut même que la coque soit forte et pesante pour faire équilibre à l’effort de la brise sur la toile ; sans cela le navire manquerait de stabilité et courrait risque de chavirer. Si au contraire la force qui lui communique l’impulsion est produite par l’industrie humaine, comme elle a des limites fixes, on doit l’économiser et lui faire produire tout son effet utile. Il devient donc nécessaire de diminuer la résistance de la masse liquide en donnant à l’avant du bâtiment des façons effilées et tranchantes, à la coque tout entière des formes sveltes et allongées. En outre, c’est sur le corps même du vaisseau, et non plus dans ses parties hautes, que se trouvent les propulseurs destinés à le mettre en mouvement. De là, dans sa structure, des différences notables, dont on peut se rendre compte, si l’on compare les galères du moyen âge aux vaisseaux de haut-bord des siècles derniers. Les galères naviguant dans la Méditerranée avaient conservé jusqu’à un certain point, bien que très défigurées, les traditions de l’antiquité et manœuvraient surtout au moyen des rames. Les vaisseaux provenant des marines du Nord, et construits par les peuples riverains de l’Océan, étaient obligés, pour se mouvoir, de recueillir les souffles du vent au moyen d’une voilure savamment disposée. Enfin, de nos jours, la découverte de la vapeur et son application à la marine ont apporté dans les constructions navales des changements considérables. Chose singulière ! Le vaisseau moderne d’il y a cent ans présentait avec la trière antique les différences les plus profondes. Au contraire nos paquebots à roues contemporains s’en rapprochent par leur système de construction, parce qu’ils ont, comme la trière grecque, leur force motrice agissant de chaque côté du navire, à une certaine distance de l’arrière et de l’avant. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, toute notre flotte s’est transformée, et l’ingénieur actuel, obligé de compter avec la vapeur comme le constructeur grec avec la rame, a dei rendre plus étroite et plus longue la coque du bâtiment. La trière était un bâtiment mixte, qui pouvait à volonté marcher à la voile ou à la rame. On se servait d’expressions différentes pour indiquer ces deux modes de locomotion. Un personnage de l’Assemblée des femmes[1], employant une de ces métaphores empruntées à la marine, si fréquentes chez Aristophane, pour dire que les affaires de la ville ne vont pas, s’écrie : νΰν μέν γάρ οΰτε θέμεν οΰτ'έλαύνομεν. Le Scoliaste oppose à cette expression le proverbe usuel : δκ'άργύριον ή, πάντα θεΐ κάλάυνεται, et explique le passage en question par ces mots : Nous n’allons plus ni à la voile, ni à la rame, οΰτε άνέμοις οΰτε κώπαις πλέομεν. On se servait donc de ces deux termes différents, selon qu’on voulait désigner l’impulsion communiquée au navire par le vent ou par les rameurs, le premier exprimant bien la course facile du vaisseau entraîné par la brise, le second l’effort nécessaire pour le pousser en avant. Ainsi la trière avait à sa disposition pour naviguer la double ressource des voiles et des rames, et elle employait les unes ou les autres selon le service auquel elle était affectée. En effet, la trière remplissait au besoin les diverses fonctions dont s’acquittent aujourd’hui les vaisseaux de ligne, les avisos, les transports, les bâtiments armés en course. Lorsqu’elle était chargée d’une mission pressée, le commandant usait naturellement de tous les moyens mis à sa disposition, et employait concurremment la voile et la rame pour obtenir toute la vitesse possible. Nous en avons un exemple dans une circonstance célèbre de la guerre du Péloponnèse, lorsqu’au moment de la prise de Mytilène les Athéniens, ayant envoyé à leur stratège Pachès une trière pour lui ordonner de passer les habitants de la ville au fil de l’épée, en expédient le lendemain une seconde portant contre-ordre. Il était de toute importance d’arriver à temps, et la première trière avait vingt-quatre heures d’avance. Les ambassadeurs de Mytilène à Athènes firent de grandes promesses à l’équipage, et embarquèrent une forte quantité de farine et de vin pour que les hommes eussent d’abondantes rations. Aussi les rameurs s’arrangèrent-ils pour ne pas interrompre la nage même pendant les repas. Pour ce qui est du sommeil, ils étaient divisés en deux escouades dont l’une dormait tandis que l’autre continuait à ramer. Grâce à ces efforts et à la direction favorable du vent[2], ils purent regagner leurs vingt-quatre heures de retard. Il est donc hors de doute que, dans les cas où l’on voulait obtenir une vitesse exceptionnelle, mais seulement dans ces moments, on réunissait les deux forces destinées à pousser la trière en avant. Pollux (1, 103) fait mention de ces deux systèmes différents de navigation, et nous rappelle en même temps qu’on pouvait les utiliser concurremment. La nature même des choses nous indique dans quelles circonstances on donnait la préférence à la voile sur l’aviron ou à l’aviron sur la voile. Dans une longue navigation on allait généralement à la voile. En effet, la nage était extrêmement fatigante[3] ; si robustes et si bien dressées que fussent les chiourmes athéniennes, il ne fallait pas compter uniquement sur leurs bras pour faire traverser à une flotte de vastes espaces de mer, surtout quand le vent n’était pas favorable. Les trières athéniennes étaient donc moins libres de leurs mouvements que ne le sont aujourd’hui nos bateaux à vapeur et dépendaient bien davantage des conditions atmosphériques. Nous voyons, par exemple, que les vents étésiens jouèrent un grand rôle dans la lutte des Athéniens contre Philippe. Philippe dans sa conduite, dit Démosthène[4], tient grand compte des vents et des saisons ; c’est à eux qu’il doit un grand nombre de ses avantages ; il attend, pour ses entreprises, le moment des vents étésiens ou l’hiver, alors qu’il nous est impossible de parvenir jusque chez lui. De même, dans le Discours sur la Chersonèse, l’orateur demande qu’on établisse une division navale à demeure dans les parages du Bosphore ; il craint, en effet, que Philippe n’attende la saison des vents étésiens pour assiéger Byzance ; il serait alors impossible aux Athéniens de se rendre sur le théâtre des hostilités[5]. Ainsi les Athéniens considéraient comme impraticable, avec les moyens dont ils disposaient, d’envoyer rapidement, par un temps défavorable, une flotte du Pirée dans la mer Noire. Ils naviguaient donc à la voile et ne considéraient les rames que comme un secours auxiliaire, qu’on employait lorsque le vent faiblissait ou devenait contraire[6]. On s’en servait également pour gagner ou pour quitter le mouillage ou pour franchir un passage difficile, dans des cas spéciaux et pour un trajet de peu de durée. C’est ainsi que nous sont représentés les marins du navire Argo ; ils utilisent les voiles tant que le vent leur est propice, puis ils mettent à la rame et se dirigent vers la terre[7]. C’est également à la rame qu’ils s’éloignent de terre pour aller chercher la brise au large[8]. Quelquefois, quand le vent fait défaut, ils font un certain trajet à la rame[9]. Les trières des temps historiques se comportaient évidemment ainsi : un proverbe que nous avons conservé nous le prouve. Quand on voulait parler d’une chiourme qui faisait bien son devoir et nageait avec vigueur et régularité, on disait : Άττικός ές λιμένα[10], c’est un Athénien qui rentre au port. C’était, comme l’expliquent les lexicographes, un peu par coquetterie et pour montrer l’excellence de leurs équipages, que les Athéniens mettaient à la rame en pareille circonstance. De nos jours même, le commandant d’un navire veille à ce que tout soit en bon ordre à bord, à ce que la manœuvre soit précise et élégante au moment où il entre au port. Mais les Athéniens avaient une autre raison pour agir ainsi : ils se proposaient de rendre la manœuvre plus facile et plus sûre, et d’éviter de grands dangers on se soustrayant aux caprices du vent. C’est surtout pendant la bataille que les rames étaient utiles. La trière était avant tout un instrument de combat ; c’est pour cela qu’elle était construite, plus que pour faire de longues navigations et pour tenir la mer par tous les temps. Nous avons vu que les Athéniens donnaient parfois des noms d’armes à leurs navires ; ils les appelaient la Lance, le Javelot, la Flèche, etc. La trière agissait en effet presque comme une arme de jet ; grâce aux avirons qui garnissaient des deux côtés l’έγκωπον, quand tous les rameurs étaient à leur poste, on pouvait à volonté et par un simple commandement la lancer en avant, l’arrêter, la rejeter en arrière, la faire tourner à droite ou à gauche dans un cercle d’un très petit rayon. Aussi la direction du vent, qui a joué un si grand rôle dans les batailles navales des temps modernes, n’en joue-t-elle pour ainsi dire aucun dans les batailles de l’antiquité. Quand on voulait être prêt pour le combat, on laissait à terre les grandes voiles comme un poids encombrant et inutile ; on ne conservait que les voiles &mima, pour ne pas être absolument à la merci de l’ennemi, si l’on recevait quelque avarie dans ses avirons. C’est ainsi qu’agit Iphicrate allant secourir Corcyre contre les Lacédémoniens en l’an 373 avant Jésus-Christ[11]. Il trouvait dans ce mode de navigation l’avantage d’exercer son équipage et d’être plus maître de ses mouvements. La trière était donc un navire à voiles et à rames. Mais elle était surtout construite pour manœuvrer à l’aviron pendant le combat ; c’est donc une question de grande importance que de savoir comment ces avirons étaient disposés à l’intérieur du bâtiment. § 2. — De ce que nous apprennent les textes et les monuments figurés sur la disposition des rameurs à bord de la trière. Les trières aphractes et les trières kataphractes. On sait que les galères du moyen âge, héritières des traditions des marines antiques, naviguaient à la rame. Il y avait pour la disposition de ces rames des systèmes assez différents. Dans certains types de galères, les bancs sont perpendiculaires à l’axe du navire, et sur chaque banc sont assis deux, quatre, cinq ou six hommes manœuvrant une grosse rame, qui naturellement n’a pas toujours le même poids et la même longueur et qu’on appelle remo di scaloccio. Dans d’autres types au contraire, le banc est oblique avec l’axe du navire et porte deux, trois, quatre, cinq ou six hommes qui se trouvent en retraite l’un sur l’autre à mesure qu’on va de l’intérieur au flanc du navire. Chacun manœuvre une rame légère nommée remo a zenzile, l’homme le plus éloigné du bord ayant naturellement la rame la plus longue ; chaque groupe de rames sort d’un seul sabord de nage. Toutefois, en constatant les rapports qui existent entre la marine ancienne et la marine du moyen âge, il ne faudrait pas vouloir reconstruire la trière sur le modèle de la galère, sans tenir compte des changements qui se sont nécessairement produits dans un laps de douze à quinze cents ans. Ce serait faire fausse route que de se laisser guider par des analogies souvent lointaines et des comparaisons dangereuses. Les erreurs de Jal dans son Archéologie navale, dans son Glossaire nautique, dans son Virgilius nauticus et dans la reconstruction de la trirème[12], entreprise par ordre de l’empereur Napoléon III, proviennent de ce que, connaissant à fond la marine du moyen âge, il a voulu appliquer à la marine grecque des principes adoptés à une époque toute différente. Il était loin de connaître suffisamment les textes et les monuments qui nous donnent des renseignements précis sur les navires des anciens, et, du reste, il était de parti pris peu disposé à leur accorder la confiance qu’ils méritent[13]. Au lieu de s’engager dans cette voie aventureuse, il faut recueillir avec soin, éclaircir et discuter tous les témoignages d’une valeur incontestable qui nous restent sur la question et en tirer les conclusions les plus conformes à la réalité des faits. Si nous examinons le navire grec primitif, nous voyons que chaque rameur est assis le long du bord sur un banc qui traverse le bâtiment dans toute sa largeur et fait l’office de bau. Chaque banc porte donc deux rameurs, l’un à tribord, l’autre à bâbord, et ces rameurs, assis l’un derrière l’autre à distance égale, forment deux files horizontales le long des flancs du navire. Lorsqu’il s’agit d’armer le navire Argo, on tire les bancs au sort en assignant deux rameurs à chaque banc ; le banc du milieu, considéré sans doute comme la place d’honneur, est excepté du sort et réservé à Héraklès et à Aracée[14]. Dans les barques de faibles dimensions, comme nous le voyons encore aujourd’hui chez nous, chaque rameur maniait quelquefois deux avirons qui s’appuyaient sur les deux bords du bâtiment. Thucydide[15] appelle un de ces bateaux άκάτιον άμφηρικόν, et le Scoliaste nous apprend que c’était une barque armée d’avirons de chaque côté et dans laquelle chaque rameur en manœuvrait deux. Nous trouvons dans Hesychius l’attestation de cet usage[16] ; mais, si nous en croyons une plaisanterie obscène d’Aristophane[17], il était considéré comme fort incommode, et du reste on ne pouvait l’appliquer qu’à de très petits navires. Tous les bâtiments de guerre grecs de l’époque primitive sont construits selon le système décrit par Apollonius de Rhodes pour le navire Argo. Ils ont deux files horizontales de rameurs, une le long de chaque bord, et, comme le nombre de ces rameurs varie, leur nom est formé d’un nom de nombre qui en indique le chiffre et du suffixe ορος. Ainsi Pollux nous parle (1, 82) d’Hécatontores, de Pentékontores, d’Eikosores ; ce sont des barques qui ont le long de chaque bord cinquante, vingt-cinq ou dix rameurs. Nous trouvons en effet dans les Anecdota d’I. Bekker (p. 246, 22) cette définition de l’Eikosore : C’est un navire qui a vingt rameurs, comme la Pentékontore en a cinquante et la Triakontore trente. Cette explication est confirmée par le Scoliaste de Thucydide (I, 14), par Suidas, par Harpocration[18], par le Grand Etymolog.[19] Chaque rameur ne maniait qu’un aviron. Si nous rapprochons la définition que donnent Suidas[20], le Grand Etymolog.[21] et Hesychius[22] de l’έίκόσορος de celle que nous trouvons dans Eustathe (1631, 28), nous voyons qu’on disait indifféremment : vingt rameurs ou vingt avirons. Ceci exclut l’idée que la rame fut manœuvrée par plusieurs hommes, et d’autre part la vue des monuments figurés ne permet pas de croire que les rames fussent accouplées à tant par banc. En effet, nous apercevons au-dessus du bord les rameurs, longue rangée horizontale et maniant chacun un aviron passé par-dessus le bord[23]. Il est utile d’avoir présents à l’esprit ces débuts des constructions navales chez les Grecs, pour se rendre compte des perfectionnements qu’on y apporta dans la suite et qui transformèrent les barques primitives en navires beaucoup plus petits et moins puissants que les nôtres, mais soigneusement aménagés et qui portent au plus haut degré la marque du génie grec. La simplicité des moyens et leur ingénieuse adaptation à la fin proposée font de en navires de véritables chefs-d’œuvre. Dans le bateau primitif, si l’on voulait obtenir une force motrice plus considérable, il fallait de toute nécessité augmenter le nombre des rameurs rangés le long des flancs du navire. Mais cet accroissement avait une limite qu’on atteignait vite, sous peine de donner au bâtiment une longueur disproportionnée, ce qui aurait présenté de graves inconvénients. On songea donc à superposer les files de rameurs : l’on eut dès lors une nouvelle classe de navires, plus compliqués que les précédents, et qu’on désignait par des mots formés d’un nom de nombre et du suffixe ηρης ; l’on alla ainsi depuis la μονήρης, la διήρης, la τριήρης, etc., jusqu’aux έκκαιδεκήρεις de Démétrios Poliorkétès et à la τεσσαρακοντήρης de Ptolémée Philopator. Ici le nom de nombre désignait non plus la quantité des rameurs, mais celle des rangs de rames superposés. Ces rangs s’appelaient στίχοι ou ταρσώματα[24]. Il y en avait naturellement trois dans la trière, et les rameurs qui les composaient portaient les noms de θρανΐται, de ζύγιοι ou ζυγΐται, et de θαλάμιοι, θαλαμΐται ou θαλάμακες. Les preuves de la superposition des rangs de rameurs dans la marine militaire grecque sont si explicites et si abondantes qu’il serait à peine utile d’insister, s’il no s’était trouvé, il y a quarante ans à peine, des gens qui, comme Jal, ont longtemps refusé de se rendre à cette idée. Quant à l’amiral Jurien de La Gravière, il a pris parti dans la question sans examiner sérieusement les sources. Le Scoliaste d’Elien cité par Graser[25] dit en effet : La triakontore et la tessarakontore sont ainsi nommées du nombre de leurs rames, la monère, la dière, etc. ... du nombre des rangs de rames superposés en hauteur. Ce passage indique clairement que les divers rangs de rameurs étaient à une hauteur différente ; mais l’on pourrait à la rigueur admettre qu’ils étaient disposés sur une sorte d’estrade élevée sur le pont du navire et inclinée de façon que les rameurs de la première file fussent tout près du plat-bord, ceux de la seconde un peu plus éloignés et assis plus haut et ainsi de suite. Voilà pourquoi l’on n’en peut rien conclure d’absolument précis, non plus que du passage de Thucydide[26], dans lequel il est dit qu’au moment de l’expédition de Sicile les triérarques ajoutèrent de leur argent un supplément à la solde des thranites, parce que, fait observer le Scoliaste, ceux-ci employant des rames plus longues avaient plus de peine que les autres. Le passage du Grand Etymolog.[27], d’après lequel on θαλάμιος le rameur placé le plus bas, ζύγιος celui du milieu et θρανίτης le plus élevé, nous laisse également dans le vague et dans l’incertitude. Suidas[28] dit la même chose, à peu près dans les mêmes termes, ainsi qu’Hesychius[29]. L’assertion de Pausanias cité par Eustathe (1818, 52) pourrait également donner lieu à des discussions. Le thranite a le siège le plus élevé ; le second est occupé par le zygios, et le troisième par le θαλάμιος. Eustathe est plus explicite quand il rappelle (640, 11) que les θαλαμΐται ou θαλάμακες étaient au-dessous des θρανίται, bien qu’ici encore le mot puisse paraître prêter à plusieurs interprétations. Il n’en est pas de même du passage ainsi conçu du Scoliaste d’Aristophane[30] : On appelle proprement θαλαμία le sabord de nage qui, dans le navire, se trouve à la partie inférieure. En effet, les monuments figurés nous montrent plusieurs rangs de sabords superposés qui doivent nécessairement correspondre à des files de rameurs étagées intérieurement le long du flanc du navire, de sorte que, si l’on considère la carène à partir de la ligne d’eau jusqu’au pont, il faut se figurer derrière le bordage et dans toute la hauteur du bâtiment des files de rameurs placées les unes au-dessus des autres. C’est ce que rendent parfaitement clair les expressions du Scoliaste d’Aristophane[31] : On appelle θαλάμαξ l’homme qui rame à la partie inférieure de la trière. Les θαλάμακες recevaient une solde plus faible que les rameurs des autres divisions, parce qu’ils se servaient de rames courtes, étant plus près de l’eau. Il y avait trois divisions de rameurs : celle d’en bas, les thalamites ; celle du milieu, les zygites ; celle d’en haut, les thranites. Ainsi les files de rameurs sont disposées le long du flanc du navire, qui, comme nous l’apprend Pollux[32], était divisé en trois parties dans sa hauteur. Le thalamos, c’est l’endroit où rament les thalamioi ; les parties moyennes du navire s’appellent zyga ; c’est là que sont assis les zygioi ; autour du pont est le θράνος siège des thranites. Après avoir indiqué la façon dont on formait les noms de toute cette classe de navires, il faut en mentionner d’autres que portaient les bâtiments des trois premiers degrés de cette classe et qui sont instructifs. La monère, la dière et la trière étaient aussi appelées μονόκροτος, δίκροτος, τρίκροτος. On nomme δίκροτος, disent les Lex. rhet. d’I. Bekker[33], le navire qui a deux rangs de rameurs, comme la trière en a trois. Le mot fait bien comprendre la nature du bâtiment ; en effet, dans la δίκροτος, on voyait très nettement les deux rangées de rames frapper la mer de leurs pales à une distance différente de la paroi du navire, et Xénophon[34] a pu employer les mots μονόκροτος et δίκροτος pour les appliquer à des trières qui sont surprises par l’ennemi, tandis que les équipages sont à terre, et qui demeurent presque désarmées, les unes étant garnies seulement d’un rang, les autres de deux rangs de rameurs. Graser[35] explique bien pourquoi des noms composés de cette façon n’ont pas servi à désigner les navires d’un degré supérieur aux trières. En effet, lorsqu’on regardait de profil un de ces bâtiments, les rames se recouvrant réciproquement n’étaient pas toutes visibles, et l’on ne distinguait plus le coup frappé par la rame de la quatrième rangée. Il pouvait donc y avoir des τετρήρεις, des πεντήρεις, etc. ; mais l’œil du spectateur ne percevait que des τρίκροτοι. Nous avons un ensemble imposant de preuves qui attestent, de façon à ne laisser aucun doute, que la trière était mise en mouvement par trois rangs de rameurs superposés[36]. Nous distinguons, dans un certain nombre de monuments, les hommes du rang supérieur : les thranites. Ils sont assis, comme nous l’indiquent du reste les textes[37], la tête tournée vers l’arrière et rament par conséquent en ramenant l’aviron des deux mains vers la poitrine. C’est ce que montre l’inspection de la trière de l’Acropole (Pl. III) et de celle du Cavalier dal Pozzo (Pl. IV)[38] ; c’est ainsi du reste que Virgile décrit la nage dans l’Enéide (VIII, v. 689) : La mer écume, déchirée qu’elle est par les avirons ramenés en arrière et par les éperons à trois pointes. Mais nous avons besoin de renseignements plus précis qui nous indiquent exactement la disposition des rangées de rameurs par rapport les unes aux autres. En effet, certains érudits ont prétendu que les rangs de rameurs étaient séparés par des ponts ; d’autres, que ces divers rangs n’étaient point placés perpendiculairement les uns au-dessus des autres, mais qu’ils étaient d’autant plus rapprochés de l’axe du bâtiment qu’ils étaient plus élevés. Enfin, si on lés suppose perpendiculaires, de telle façon que les rameurs de chacune des trois filés soient exactement au-dessus les uns des autres en suivant la verticale, on est embarrassé par la hauteur qu’il faut assigner à la paroi du navire. Ces questions ne laissent pas que d’être délicates ; en effet, les monuments figurés ne nous présentant jamais que l’extérieur de la trière, nous ne pouvons, dans les cas les plus favorables, apercevoir que la partie supérieure du corps des thranites. Les zygites et les thalamites sont toujours soustraits à nos regards ; et, pour nous rendre compte de leur position, nous en sommes réduits à former des conjectures d’après la place des sabords de nage. On pourrait être induit à supposer que les trières étaient des vaisseaux à trois ponts et que chaque pont supportait une rangée de rameurs. Le Grand Etymolog.[39] nous apprend qu’Apollodore appelait dières et trières des navires à deux et à trois ponts. Mais cette glose ne peut s’appliquer à l’époque qui nous occupe. En effet, dans les monuments figurés, dans la trière de l’Acropole par exemple, la distance verticale entre le point où chacun des avirons sort du flanc du navire est trop petite pour que les rameurs puissent occuper, dans l’intérieur, différents étages séparés par des ponts[40]. Ensuite, quand nous examinerons au moyen de quel système les rameurs étaient superposés dans l’intérieur du bâtiment, nous verrons que ce système est tout à fait indépendant de la construction du pont lui-même. Enfin, dans les Grenouilles d’Aristophane (v. 1106), Dionysos, parlant des mœurs grossières des vieux marins d’Athènes et énumérant quelques-unes de leurs habitudes, ajoute : καί προσπαρδεΐς γ'είς τό στόμα τώ θαλάμακι. Graser, s’emparant de cette plaisanterie obscène, en a conclu qu’il était impossible qu’il y eût des planchers entre les rangs de rameurs, que ces rangs devaient être exactement perpendiculaires l’un à l’autre, mais que, dans chaque file horizontale, le rameur inférieur correspondant au rameur supérieur n’était pas verticalement au-dessous de lui, mais un peu en arrière, et de telle façon qu’il eût la tête à la hauteur dit derrière de son camarade. Si donc on tire une ligne passant par les sièges du premier thranite, du premier zygite et du premier thalamite en partant de la poupe, on aura, non pas une verticale, mais une oblique. Examinons maintenant la trière de l’Acropole. Nous voyons qu’en effet les avirons des diverses rangées horizontales ne sont pas verticalement les uns au-dessous des autres, mais sur une ligue oblique. Si donc nous essayons de nous représenter les rameurs correspondants des diverses files, nous devrons les imaginer comme en arrière les uns des autres et en retraite à mesure qu’on descend, ce qui nous permet d’expliquer certaines gloses qui, pour les érudits, ont été cause de nombreuses erreurs[41]. Dans le passage cité plus haut, le Scoliaste d’Aristophane ajoute à sa définition[42] : On appelle donc thranite le rameur qui est vers la poupe ; zygite celui du milieu, et thalamios celui qui est vers la proue, explication que nous retrouvons dans Suidas et dans Zonaras, et qui est parfaitement conforme à la réalité des faits. Si nous prenons les rameurs non plus par files horizontales, mais par séries obliques, comme nous l’indique la disposition des rames, nous voyons que le premier thranite est plus voisin de la poupe que le premier zygite, et que le premier zygite, à son tour, est plus voisin de la poupe que le premier thalamite. Il en est de même si nous prenons les séries suivantes, celles qui sont formées par le deuxième thranite, le deuxième zygite, le deuxième thalamite, par le troisième thranite, le troisième zygite et le troisième thalamite, et ainsi de suite. On pouvait donc dire d’une façon générale : le thranite est le rameur le plus rapproché de l’arrière, le zygite occupe une position intermédiaire et le thalamite est le plus rapproché de l’avant. Les deux explications citées par le Scoliaste d’Aristophane ne se contredisent pas, elles se complètent ; telle est la solution très rationnelle et très simple d’un problème resté longtemps insoluble. Il est très intéressant pour nous de chercher à connaître le nombre des rameurs composant chaque file horizontale, les séries obliques étant naturellement de deux hommes dans la dière, de trois dans la trière, de quatre dans la tétrère, et ainsi de suite. Les monuments ne nous apprennent rien à cet égard ; les uns en effet, comme la trière de l’Acropole, ne nous sont parvenus que mutilés ; les autres se présentent dans des conditions telles qu’ils sont une image sommaire de la trière plutôt qu’une reproduction exacte. Le graveur en médailles, étant donnée la surface restreinte dont il disposait, ne pouvait représenter séparément chacune des rames sans tomber dans une grande confusion. Il se borne donc à indiquer arbitrairement un certain nombre d’avirons, sans qu’il faille attacher d’importance au chiffre lui-même. Heureusement les inscriptions navales nous donnent à ce sujet des renseignements précis[43]. Bœckh fait remarquer avec justesse que si les chiffres donnés à ce sujet dans les inventaires des arsenaux varient considérablement, c’est qu’il était rare que les navires eussent leurs avirons au complet ; quand cela avait lieu, cette particularité était notée par la mention suivante : ταρρός έντελής. D’autre part, il est certain que l’Etat ne fournissait qu’un aviron par rameur, et que, si les triérarques voulaient avoir des rames de rechange, c’était à eux de se les procurer. Nous pouvons donc accepter, comme étant l’expression de la vérité, les chiffres les plus élevés que nous donnent nos inscriptions pour chaque rangée de rames et conclure, quand ces chiffres ne sont pas atteints, que l’armement de chaque file n’est pas au complet. Or les nombres les plus élevés que nous rencontrions dans nos inscriptions, c’est pour les rames thranites 62, pour les zygites 58, pour les thalamites 54[44]. Comme il n’y a aucune raison pour rejeter, ainsi que l’a fait Bœckh, le nombre 58 des rames mites, qui à la vérité ne nous est donné qu’une fois, il faut conclure qu’il y avait de chaque côté de la trière 31 rameurs thranites, 29 zygites, et 27 thalamites, c’est-à-dire que chaque rang inférieur comptait deux rameurs de moins que le rang supérieur. Reportons-nous maintenant à la disposition que nous avons adoptée pour les rameurs. Nous avons vu que le premier thranite, le premier zygite et le premier thalamite, en partant de la poupe, étaient en retraite les uns sur les autres et formaient une ligne oblique. Cette disposition avait pour premier avantage de diminuer l’espace qui devait exister entre les files horizontales : entre deux rameurs de la rangée supérieure, on pouvait loger le haut du corps d’un rameur de la rangée inférieure. Elle était en outre commandée par la structure même du navire. En effet, à mesure que, partant du maitre-bau, nous nous rapprochons de l’arrière, les parois du navire convergent pour se réunir à l’étambot. Elles convergent également dans la direction verticale en allant du pont à la quille, de sorte que le navire devient plus étroit à mesure qu’on s’avance vers l’arrière ou qu’on descend vers la cale. Or, à l’extrémité de l’έγκωπον, il y a encore place pour un rameur à la hauteur du pont : c’est là le siège du premier thranite ; mais plus bas les flancs du navire se resserrent, et l’on est obligé de reporter sensiblement vers le milieu du navire le siège du premier zygite ; de même pour celui du premier thalamite. Il y a donc à cette extrémité de l’έγκωπον un zygite et deux thalamites de moins. Ce que nous venons de dire de l’arrière est également vrai de l’avant ; là aussi la rangée des thalamites ne peut pas s’étendre aussi loin que celle des zygites, et celle des zygites que celle des thranites. Il y a donc à cette extrémité de l’έγκωπον, comme à l’autre, un zygite et deux thalamites de moins, ce qui explique parfaitement la proportion décroissante donnée par nos inscriptions : 31 thranites, 29 zygites, 27 thalamites[45]. C’est de cette particularité que se sont quelquefois servi les artistes anciens pour reproduire un navire d’un nombre donné de rangs de rames[46]. Pour la trière, par exemple, ils figuraient à l’avant et à l’arrière trois rames de longueurs différentes. On conçoit que pour représenter l’extrême complication des avirons, ils fussent obligés de recourir à des moyens approximatifs. En effet, une trière vue de profil offrait à l’œil trois séries de rames sortant de sabords de nage placés à des hauteurs différentes et plongeant dans l’eau à des distances diverses du navire. C’était là un effet de perspective presque impossible à rendre sur une monnaie, sur une pierre gravée et très difficile à faire comprendre sur un bas-relief. Aussi quelquefois les artistes se bornent-ils à nous montrer une série compacte de rames toutes sur le même plan et qu’il faut remettre à leurs plans respectifs par l’imagination pour qu’elles puissent se mouvoir. Parfois aussi l’artiste groupe les rames de façon qu’elles se détachent deux par deux si c’est une dière, trois par trois si c’est une trière, et qu’il y ait un espace vide entre les groupes. Enfin, il peut encore, ce qui du reste est le contraire de la vérité, supposer que les rames des rangs supérieurs sont plus courtes que celles des rangs inférieurs ; alors l’extrémité de celles-ci se montre au-dessous de l’extrémité de celles-là, comme cela a lieu dans le relief du musée Bourbon, fig. 17. Dans tous les cas, et c’est une vérité dont il faut bien se pénétrer, ce ne sont là que des à peu près auxquels l’artiste a recours pour surmonter les difficultés inhérentes à l’objet à représenter. A tous les renseignements déjà recueillis il faut ajouter un texte précieux qui nous fait connaître la distance qui existait entre deux rameurs de la rangée horizontale supérieure. Vitruve (I, 2) dit que, de même que le corps humain est un tout symétrique entre les parties duquel il existe des proportions fixes, de même, dans les constructions sorties des mains des hommes, certains membres peuvent faire retrouver les dimensions de tous les autres. Ainsi toutes les dimensions d’un navire peuvent se déduire de l’espace compris entre deux tolets, qui est de deux coudées ou trois pieds, in navibus ex interscalmio, quod διπηχαϊκή dicitur. Appliquons ce principe à la trière : nous savons qu’il y avait 31 tolets thranites, ce qui fait 30 interscalmia ; or 30 X 3 = 90. Si maintenant nous ajoutons deux pieds de plus vers l’arrière, afin que le premier thranite ait de quoi étendre ses bras et ses jambes et deux autres pieds vers l’avant afin que le dernier thranite pût se renverser en arrière dans le mouvement de la nage, nous arrivons à ce résultat que l’έγκωπον d’une trière mesurait à sa partie supérieure 94 pieds de long. Il va de soi que la distance entre les rameurs des rangées inférieures devait être également de trois pieds. Le passage de Vitruve vise plus particulièrement les trières aphractes, qui seules avaient des tolets ; mais quand nous aurons examiné ce qui distingue celles-ci des kataphractes, nous verrons que rien n’empêche de l’appliquer également à ces dernières[47]. Άφρακτος signifie : qui est ouvert, qui n’est pas défendu, tandis que κατάφρακτος veut dire le contraire. On a pensé qu’en opposant les navires aphractes aux kataphractes[48], les anciens voulaient faire la différence entre les bateaux pontés et ceux qui ne l’étaient pas. Mais un bateau ponté s’appelait έστεγασμένον πλοΐον. Dans un discours d’Antiphon[49], l’accusé raconte qu’allant de Mytilène à Anos il a été obligé de changer de bateau sur un point du trajet, parce qu’il montait une barque non pontée et qu’il était incommodé par la pluie. M. A. Dumont, dans son récent ouvrage sur l’Ephébie[50], croit que les aphractes sont des vaisseaux non armés, c’est-à-dire qui n’ont pas de machines de guerre, tandis que les kataphractes en étaient pourvus. Mais Pollux, dans le passage sur lequel s’appuie vraisemblablement l’auteur[51], dit simplement que quand le navire est kataphracte, on y construit deux tourelles ; ces deux tourelles sont donc un accessoire du navire kataphracte, et non ce qui le constitue. Nous trouvons le mot κατάφρακτος appliqué, dans d’autres circonstances, à des soldats, à des cavaliers, à des chevaux bardés de fer et portant une armure complète qui les mettait absolument à l’abri des coups[52]. Or les vaisseaux longs dans les monuments figurés se partagent en deux classes bien distinctes : dans les uns nous voyons le haut du corps des rameurs supérieurs par-dessus le plat-bord ; ils sont pontés et le pont s’étend entre les deux files des rameurs supérieurs ; mais ils ne sont ni fermés ni défendus, puisque toute une partie de l’équipage reste à découvert. Dans les autres, les avirons sortent par des sabords pratiqués au-dessous de la parodos, et les rameurs sont complètement défendus par les parois pleines du navire qui rejoignent le pont au-dessus de leur tête. Comme le soldat kataphracte est invisible dans son armure de fer, ainsi les rameurs sont absolument enfermés dans l’intérieur du bâtiment. Le Scol. de Thucydide[53] et les lexicographes expliquent κατάφρακτα par σεσανιδωμένα, c’est-à-dire garnis de planches. Ce revêtement en planches montait latéralement jusqu’au-dessus de la tête des rameurs qui, par en haut, étaient recouverts par le pont. Aussi Eustathe (1533, 51) applique-t-il ce mot de κατάφρακτος à une barque, dont on exhausse le plat-bord avec des paillassons pour se garantir de l’invasion du flot, comme le font encore aujourd’hui les marins grecs dans leurs caïques. Les planches massives, qui, exhaussant le bord, protégeaient latéralement les rameurs et qu’on appelait καταφράγματα, fermetures, n’avaient donc aucun rapport avec le pont, encore moins avec les machines de guerre. On comprend maintenant la situation des rameurs et l’explication par Hesychius de cette métaphore : καταφράκτοις ψυχαΐς[54], des âmes plongées dans la nuit et qui ne voient point l’avenir. Maintenant, au point de vue technique, en quoi consistait la différence de construction des aphractes et des kataphractes ? La trière de l’Acropole, qui est aphracte, nous le fera parfaitement comprendre. Le bord du navire est placé au-dessous des rameurs thranites et doit être supposé en arrière de la parodos, et à la même hauteur ou à peu près. Du plat-bord s’élancent les allonges qui passent par-dessus la tête des rameurs et sont réunies par les baux qui supportaient le pont. Dans la trière aphracte, l’espace compris entre ces allonges restait ouvert, et par suite les thranites, non plus que la tête des zygites, n’étaient pas protégés. Au contraire, dans les navires kataphractes, de grands bordages assujettis sur ces allonges fermaient complètement les jours qu’elles laissaient entre elles. Pour transformer la trière aphracte de l’Acropole en kataphracte, il suffirait donc de boucher avec de grands panneaux l’espace qui reste vide entre les allonges. Graser[55] croit que ces cloisons en planches étaient mobiles, et qu’on ne les appliquait à l’intérieur des allonges que pendant le combat. Le reste du temps on les enlevait pour donner aux rameurs de l’air et du jour. Les représentations de navires aphractes ne sont pas rares : un curieux exemple est une barque chypriote en terre cuite, très grossière et très primitive, de la collection de M. Albert Barre[56]. Le pont est supporté par des poteaux massifs qui reposent sur le plat-bord et laissent entre eux de larges ouvertures. Ces ouvertures seraient fermées, si le navire était kataphracte. On voit que les trières kataphractes se distinguaient des aphractes par un détail de construction qui avait son importance, mais qui n’exigeait pas de différences sensibles dans la disposition des rameurs. Rien n’empêche donc d’appliquer aux vaisseaux kataphractes les mesures indiquées par Vitruve pour les aphractes. Nous savons que l’espace accordé aux rameurs à l’intérieur des trières était extrêmement restreint. Dans l’Economique de Xénophon (VIII, 13), Ischomachos raconte avec admiration sa visite à un grand navire de commerce phénicien, et, après avoir énuméré tous les objets qui y trouvaient place, il ajoute que l’espace qu’ils occupaient n’était guère plus grand qu’une salle régulière pouvant contenir dix lits. La place n’était pas moins ménagée aux hommes qu’aux marchandises. Notons à ce sujet que les anciens n’avaient pas les mêmes habitudes de confortable et de commodité que nous. Les plans des maisons antiques, taillés dans le roc vif des collines d’Athènes, nous étonnent par leur exiguïté, et nous font presque douter qu’on prit habiter des demeures si étroites. De même nous savons que les rameurs n’occupaient dans les trières que l’espace strictement nécessaire. Pour ne pas se gêner mutuellement, dit Xénophon[57], ils sont obligés d’observer dans tous leurs mouvements une régularité parfaite, lorsqu’ils s’asseyent, qu’ils se penchent en avant ou en arrière, qu’ils gagnent ou quittent leurs places. Cicéron est encore plus explicite lorsqu’il dit[58] : Quand un navire est armé et équipé, on ne peut ajouter un seul homme à l’équipage[59]. Les rameurs occupaient donc complètement tout l’espace qui leur était réservé, et, sous peine de s’entrechoquer, ils ne devaient exécuter que des mouvements symétriques et coordonnés. Indépendamment des rames thranites, zygites et thalamites, les inscriptions navales nomment encore les κώπαι περίνεω [60], qui étaient au nombre de trente[61]. Qu’entendait-on par là ? Le Scoliaste de Thucydide et les lexicographes[62] nous apprennent que περίνεω appliqué aux hommes signifie les personnes qui sont à bord en sus de l’équipage ; appliqué aux agrès, ce sont les objets qui ne figurent pas nécessairement dans le gréement réglementaire. Les κώπαι περίνεω n’étaient donc pas des rames de rechange destinées à remplacer celles qui se brisaient pendant la traversée, mais une catégorie spéciale de rames qu’on employait seulement en cas de nécessité et dans des circonstances extraordinaires. Il faudrait se garder de croire qu’il y eût à bord des rameurs περίνεω, comme il y avait des thranites, des zygites et des thalamites. Les rames περίνεω étaient manœuvrées au besoin par les matelots, par les soldats de marine ou les soldats embarqués, en un mot, par tous les hommes du bord qui ne figuraient point parmi les rameurs. C’est un service extraordinaire qu’on leur demandait au besoin. Bœckh renonce à déterminer sur quel point du navire agissaient les κώπαι περίνεω. Graser dit qu’on les manœuvrait du haut de la parodos ; mais il admet ailleurs que la parodos n’avait de chaque côté du navire qu’un demi-pied de large. Ainsi, dans son système, quoique ces rames fussent fort longues, elles n’auraient eu qu’un demi-pied au plus de leur longueur totale à l’intérieur du navire, ce qui devait en rendre le maniement très incommode ; il est plus vraisemblable qu’on les déplaçait au besoin, qu’on les transportait, suivant les cas, où la nécessité le demandait, mais que leur poste le plus usuel était la παρεξειρεσία de l’avant ou de l’arrière. Elles n’avaient donc point de place fixe et n’étaient point assignées à des rameurs περίνεω. Ce sont les seules dont les inscriptions navales nous fassent connaître les dimensions. Elles mesuraient 9 coudées ½, soit 14 pieds ¼ = 4m.,393[63]. En résumé, nous pouvons déduire de cette discussion un certain nombre de résultats définitivement acquis et qu’il semble difficile de contester : dans la trière athénienne, les rameurs sont rangés le long du bord en files horizontales et occupent tout l’έγκωπον ; ces rangées sont au nombre de trois, et ceux qui les composent portent, en allant de haut en bas, les noms de thranites, zygites et thalamites. Chaque rameur occupe un espace de trois pieds de long, et rame assis, la face tournée vers l’arrière. Les files horizontales de rameurs sont toutes dans le même plan vertical et exactement l’une au-dessus de l’autre ; mais les rameurs correspondants de chaque file sont en retraite l’un sur l’autre. Il y avait 62 thranites, 58 zygites et 54 thalamites ; ce qui donne, pour la longueur de l’έγκωπον, à sa partie supérieure, 94 pieds. Les files horizontales de rameurs sont verticalement peu distantes l’une de l’autre, l’espace à l’intérieur du navire étant ménagé avec beaucoup de parcimonie. La différence entre les trières aphractes et les trières kataphractes consistait en ce que, dans les unes, les rameurs supérieurs étaient en partie à découvert, tandis que, dans les autres, ils étaient protégés latéralement par le bord du navire exhaussé jusqu’au pont. La kataphracte était complètement bordée, tandis que l’aphracte ne l’était que partiellement. Le nombre des avirons du navire, qui était de 174, était complété par 30 avirons supplémentaires appelés περίνεω. § 3. — Examen de l’hypothèse de Graser. Il est inutile d’exposer ici tous les systèmes mis en avant par les érudits depuis le seizième siècle pour expliquer la disposition des rames à bord des trières et de discuter les opinions de Bayf, de Scheffer, de Carli, de Meibom, de Leroy, de Berghaus, de Böttiger, de Mellvill, de Minutoli, de Rondelet, de Jal, de Bœckh et de Smith[64]. Bornons-nous à examiner le système qui est le mieux d’accord avec les faits tels que nous venons de les rapporter, celui de Graser, devancé du reste dans ses traits généraux par les essais de restitution de Palmerius, de Raphaël Fabretus et du père de la Maugeraye dans le Dictionnaire de Trévoux. Le principal mérite de Graser est d’avoir donné à ces idées une réalité technique, et l’on peut adopter sa théorie sur la disposition des rameurs à bord de la trière, en éliminant toutefois un certain nombre d’erreurs qui s’y sont glissées. Il faut d’abord se rendre compte de la hauteur nécessaire à la superposition verticale des trois rangs de rameurs, en ne perdant pas de vue ce principe que l’espace doit être aussi rigoureusement ménagé que possible. Un homme de taille moyenne, assis sur un siège d’un pied de haut, a besoin, pour la partie supérieure de son corps, d’un peu moins de trois pieds de haut, soit en tout quatre pieds. Si donc les rameurs des files horizontales étaient verticalement les uns au-dessus des autres, les trois rangées occuperaient une hauteur verticale de douze pieds au moins ; mais nous avons établi que chaque rameur inférieur est en retraite sur le rameur supérieur ; supposons ce recul d’un pied. Mettons maintenant le siège du premier zygite, à partir de la poupe, à un pied en arrière du siège du premier thranite et à deux pieds au-dessous seulement en prenant la distance verticale. Comme entre le premier et le deuxième thranite il y a un espace libre, la tête du premier zygite peut s’y loger commodément ; elle est juste à la hauteur du bas des reins du premier thranite et à un pied en arrière. Le deuxième zygite est dans la même position à l’égard du deuxième thranite, et ainsi de suite. C’est également la position du premier thalamite à l’égard du premier zygite, du second thalamite à l’égard du second zygite, et ainsi de suite. Nous savons qu’un rameur a besoin d’avoir les pieds fortement arc-boutés ; s’il est assis sur un siège d’un pied de haut et qu’il soit de taille ordinaire, il ira chercher son appui à un pied environ au-dessous de son siège et à une distance horizontale d’environ trois pieds. C’est dans cette position que Graser suppose les rameurs, les jambes étendues en avant. Seulement, pour avoir un peu plus d’espace, il met les rameurs de chaque rangée, non plus à trois, mais à quatre pieds l’un de l’autre. Cette dérogation au texte de Vitruve fausse tout son système, puisqu’il est obligé de donner à l’έγκωπον une trop grande longueur ; il arrive ainsi à construire une trière d’une longueur disproportionnée et qui l’étonne lui-même à plusieurs reprises. Si l’on jette un coup d’œil sur la figure 86, qui représente le système de Graser rectifié et tel qu’on peut le déduire exactement du passage de Vitruve, c’est-à-dire chaque homme n’occupant qu’une longueur horizontale de trois pieds, on verra que, malgré une complication apparente, les rameurs n’en avaient pas moins tout l’espace nécessaire à leurs mouvements. Prenons par exemple le premier zygite à partir de la proue : il a pour le haut de son corps un espace vertical de trois pieds, ce qui est plus que suffisant ; ses épaules et sa tête sont entre les jambes écartées du premier thranite et dans un espace vide. Il faut maintenant observer qu’avec des rames longues et pesantes comme celles des trières, le mouvement de la vogue ne devait pas être aussi allongé qu’il peut l’être dans des canots et avec des rames légères. C’est du reste ce qui résulte de l’examen de la trière de l’Acropole, où les rameurs, représentés dans un des mouvements extrêmes de la vogue, la pale des avirons rejetée aussi loin que possible vers la proue, ont les bras étendus, mais le corps à peine projeté en avant. Le premier zygite ne pouvait pas se pencher beaucoup en avant, parce que son front se serait heurté contre le siège du second thranite, mais rien ne l’empêchait de se jeter en arrière, puisqu’il avait là un espace libre entre les jambes du premier thranite ; au moment du reste, où il exécutait ce mouvement, le premier thranite en exécutait un tout à fait analogue, puisque tous les rameurs obéissaient à un signal. Le premier zygite se renversait donc en arrière sans rencontrer d’obstacle, et, comme à ce moment il avait quitté sa position normale, le deuxième thranite pouvait lui aussi se pencher en arrière sans crainte de rencontrer la tête du premier zygite. Il faut admettre avec Graser[65] que dans le mouvement de la vogue les rameurs de la trière se penchaient uniquement en arrière et revenaient ensuite à la position verticale ; il est donc inutile de laisser un espace libre devant eux. En se fondant sur ces considérations, Graser établit que les trois files horizontales de rameurs ne devaient pas occuper un espace vertical de plus de huit pieds ; si nous admettons que les pieds des rameurs thalamites devaient reposer sur un plancher élevé de deux pieds au-dessus du niveau de l’eau, afin que les sabords thalamites fussent à trois pieds au-dessus de la ligne de flottaison, et si nous laissons dans la trière kataphracte au-dessus de la tête des thranites un pied pour l’épaisseur du pont et pour les baux, nous arriverons à ce résultat que la trière avait onze pieds de hauteur au-dessus de la ligne de flottaison. Nous ne différons de Graser qu’en ce que nous donnons 94 pieds de long à l’έγκωπον, au lieu des 124 qu’il lui assigne arbitrairement. Voyons maintenant comment on peut réaliser pratiquement cette disposition. La conjecture de Graser à ce sujet se trouve très heureusement confirmée par l’inspection des monuments. Examinons pour cela de plus près les deux navires primitifs figurés sur les pl. I et II. Le navire de la pl. I, qui est évidemment le plus simple, est, comme on le voit, très bas sur l’eau et la distance verticale entre la ligne de flottaison et le plat-bord est très faible. C’est le long du plat-bord que devaient être rangés les rameurs absents ici, mais qui figurent sur d’autres navires archaïques provenant de fragments de vases peints actuellement en la possession de M. O. Rayet. Nous remarquons, d’autre part, que les gaillards d’avant et d’arrière sont au contraire très élevés. La pl. II nous représente le même type de navire, mais cette fois ponté ; et, malgré les gaucheries de l’artiste et les fautes de perspective, nous voyons comment on a procédé pour arriver à cette modification. Le pont a été établi sur toute la longueur du navire à la hauteur du gaillard d’arrière et du premier étage du gaillard d’avant ; il est supporté par des montants verticaux qui partent du fond même du navire, et doivent être implantés dans les varangues. Nous avons ainsi un vaisseau aphracte dont le plat-bord est très peu élevé au-dessus de l’eau, tandis que le pont l’est beaucoup plus et qui reste ouvert sur ses côtés. Je ne puis m’empêcher de rapprocher ce système de construction de celui des bateaux à vapeur qu’on appelle les Hirondelles et qu’on peut voir circuler sur la Seine. Un autre navire archaïque, qui se trouve entre les mains de M. O. Rayet et que je regrette de ne pouvoir publier ici, nous indique à merveille comment les rameurs étaient disposés dans un bâtiment de cette sorte : c’est une dière. Ou aperçoit le long du plat-bord une file inférieure de rameurs, puis, à la hauteur du pont et au-dessus de la première, une file supérieure. Supposez maintenant trois files superposées au lieu de deux, vous avez une trière. On voit dès lors très facilement comment on est arrivé à la construction du navire kataphracte. En effet, si vous élevez le plat-bord, la première file de rameurs disparaîtra, puis la seconde ; c’est ainsi que nous apparaît la trière de l’Acropole. Mettez maintenant le pont au-dessus de la tête des rameurs thranites, comme il l’est en réalité dans ce dernier exemple, et haussez encore le plat-bord, de façon qu’il aille rejoindre le pont, et vous avez la trière kataphracte. Voici comment, dans la trière kataphracte, Graser a disposé les trois files de rameurs, et son hypothèse me semble de tout point conforme à la réalité : le long de chaque bord et parallèlement à l’axe du navire, il suppose une cloison verticale qui part du faux-pont à une distance d’au moins trois pieds de la paroi du navire, afin que le rameur thalamite ait pour se mouvoir un espace minimum de trois pieds en largeur ; il aurait vu dans le navire primitif de la pl. II, s’il l’avait connu, le germe de cette construction ; les deux cloisons montent jusqu’au pont supérieur qu’elles supportent, et Graser les appelle διαφράγματα et σείδες, noms contestables, car ils ne reposent que sur un texte très vague de Pollux et sur une glose obscure d’Hesychius[66]. Quoi qu’il en soit, il est difficile que ces cloisons n’aient pas existé. En effet, comme nous l’avons déjà fait remarquer, il n’est pas possible que les bancs des rameurs aient traversé le navire de part en part, surtout étant si peu distants l’un de l’autre, de façon à supprimer l’espace libre de l’entrepont. Or, avec le système que je résume, le navire se trouve partagé dans le sens de la longueur en trois parties : au milieu un rectangle fermé latéralement par les deux cloisons parallèles à l’axe du bâtiment, en haut par le pont, en bas par le faux-pont ; c’est l’entrepont ; à droite et à gauche se trouvent deux espèces de couloirs compris entre les cloisons et les parois du navire, entièrement fermés dans les navires kataphractes, ouverts à la partie supérieure dans les navires aphractes. Chacun de ces couloirs, qui offre une place commode aux rameurs, est appelé à tort ζύγωσις par Graser, d’après un passage mal interprété d’Athénée (V, 37) ; nous n’en connaissons pas le nom. Si maintenant nous nous reportons au texte de Vitruve, d’après lequel toutes les dimensions du navire peuvent être retrouvées en s’appuyant sur la distance qui sépare deux tolets, nous pourrons supposer que les couples de la trière étaient à trois pieds l’un de l’autre, l’intervalle étant occupé par des couples de remplissage. Les poutres verticales qui composent nos cloisons peuvent être également à trois pieds de distance. Si dès lors on rejoint à la hauteur voulue les couples et les poutres correspondantes par des traverses, on aura les sièges des thranites. Supposez maintenant qu’indépendamment de ces poutres verticales, nos cloisons soient formées de solives inclinées qui se croisent avec les premières et forment avec l’horizontale un angle de 62 degrés, vous aurez, à partir du banc des thranites, un recul d’un pied horizontal pour deux pieds de hauteur verticale. Dès lors joignez aux couples de remplissage, aux points voulus, ces solives par des traverses, vous aurez les bancs des zygites d’abord et plus bas des thalamites Les séries de ces sièges formeront comme des échelles dont les marches auraient deux pieds de haut et seraient en retraite d’un pied l’une sur l’autre. Il sera facile d’y accéder, soit par la cloison qu’on peut laisser à jour, soit par des écoutilles pratiquées en haut sur le pont ; mais, comme nous l’indique le texte de Xénophon cité plus haut, il faudra que les rameurs entrent et sortent dans le plus grand ordre, parce qu’une fois les sièges occupés, il n’y a plus de place libre. Le seul point qui reste encore à traiter, c’est la façon dont s’appuient les pieds du rameur. Nous avons dit que le rameur a besoin d’un appui à un pied environ au-dessous de son siège et à trois pieds de distance horizontale ; comme il doit avoir les jambes écartées, on peut établir ces supports, d’une part à la cloison, de l’autre à la paroi du navire ou sur des montants fixés au banc du rameur antérieur de la rangée inférieure. La fig. 87, empruntée à Graser[67], nous montre l’un des rameurs vu de des et installé à son poste. La place des pieds du rameur de la rangée supérieure est indiquée sur les deux barres où ils trouvent leur point d’appui. La construction de Graser est donc ingénieuse et vraisemblable. On peut l’accepter, en rectifiant ses mesures par le passage de Vitruve cité plus haut. On voit ce que sont les ζυγά dans ce système, de simples traverses de trois pieds de long ou davantage, suivant la hauteur, sur lesquelles les rameurs prennent place. Dans la trière kataphracte, c’est par ce mot qu’on désigne tous les bancs des rameurs. Nous en avons la preuve dans une glose d’Hesychius[68], qui identifie purement et simplement les ζυγά avec les έδώλια ; or nous savons par le Grand Etymologique[69] que c’était là le terme propre pour désigner les sièges des rameurs. Le mot ζυγά avait tellement, à l’époque des inscriptions navales, perdu son sens primitif, qu’on est obligé, pour indiquer un banc de rameur zygite, de recourir à une expression particulière[70]. Nous avons également la preuve qu’il s’appliquait aussi bien aux sièges des thranites et des thalamites qu’à ceux des zygites[71]. Ces traverses étant peu épaisses et légères, on les enlevait facilement ; un navire qui, dans les arsenaux, n’en était pas garni, s’appelait άζυξ[72]. Quand elles étaient toutes en place, il semble qu’on lui donnait l’épithète de διάζυξ, bien qu’il y ait des difficultés de lecture sur ces mots[73]. Toutefois les rameurs avaient conservé leurs noms de thranites, zygites et thalamites qui leur venaient évidemment des premiers essais de construction de la trière. En effet, nous voyons par la dière primitive du vase de M. O. Rayet, dont nous avons déjà parlé, que la seconde rangée de rameurs est assise à la hauteur du pont soutenu par les traverses qui portaient vraisemblablement le nom de ζυγά. Les rameurs inférieurs, surtout si on rehausse le plat-bord de façon à les cacher entièrement, — et c’est ce qui arrivait dans les trières aphractes comme celle de l’Acropole, — sont comme dans une espèce de grande chambre longue et étroite (θάλαμος) ; de là la dénomination de thalamites. Enfin, pour superposer d’autres rameurs aux zygites, il fallait asseoir ceux-ci sur des espèces d’escabeaux construits le long des cloisons surélevées ; or c’est précisément là le sens de θράνος. Voilà sans doute comment se passèrent les choses dans la trière aphracte primitive[74], et c’est de là que sont venus les noms divers donnés aux rameurs, bien que dans la trière athénienne de l’époque des inscriptions navales les sièges fussent pareils pour toutes les rangées. Nous savons que les rameurs étaient durement assis, bien qu’ils missent sur la planche qui leur servait de siège un coussin vraisemblablement en cuir qu’on nommait ύπηρέσιον[75]. Quand, dans les Chevaliers d’Aristophane (v. 785), le marchand de boudins veut flatter le Démos, il lui met un coussin sur les bancs du Pnyx, afin de ne pas user ce derrière qui s’est tant fatigué et qui a tant souffert à Salamine. On voit que la disposition des rameurs est, dans les
grands navires, absolument indépendante de celle du faux-pont et du pont
supérieur. C’est pour ne s’être pas suffisamment défait de cette idée fausse
que les rameurs sont assis sur des baux,
que Graser a mêlé les deux questions[76]. En réalité,
dans la dière primitive, les zygites se trouvaient à la hauteur du pont ;
leurs sièges et les baux étant identiques, portaient le nom de Mais quand on
superposa des thranites aux zygites, il fallut élever le pont qui, sans cela,
se serait trouvé trop bas ; les matelots et les combattants auraient perdu la
vue de la mer et de l’ennemi, et les thranites auraient été exposés aux coups
sans pouvoir être défendus. Aussi voyons-nous dans la trière de l’Acropole
que le pont est plus élevé que les thranites. C’est également ce que constate
Graser en expliquant dans l’Archæologische Zeitung[77], le dessin rectifié
du cavalier dal Pozzo : C’est la partie antérieure
d’une ancienne trière grecque montrant la 6e partie de l’είρεσία,
cinq rameurs sur trente et un de la rangée supérieure. Elle est άφρακτος,
c’est-à-dire que les rameurs de la partie supérieure ne sont pas protégés par
un revêtement en planches. Elle est κατάστρωτος,
et on aperçoit le pont au-dessus de la tête des rameurs. Une partie hypothétique mais fort ingénieuse du système de Graser est celle qui consiste à vouloir retrouver la dimension des rames et la courbe de la paroi du navire. Partant de ce fait que le siège du thranite devait être élevé de sept pieds, celui du zygite de cinq et celui du thalamite de trois pieds au-dessus du niveau de l’eau, et de ce que la poignée de la rame devait se trouver à 1 pied ¼ au-dessus du siège du rameur pour être manœuvrée commodément, Graser place la poignée de la rame thranite à 8 pieds ¼ au-dessus de l’eau. Il conjecture que les rames thranites devaient avoir presque les mêmes dimensions que le περίνεω, soit 13 pieds ½. Or, pour qu’une rame produise tout son effet sans qu’il soit trop fatigant de la mouvoir, le point auquel elle est fixée, c’est-à-dire le tolet ou le sabord, doit se trouver au tiers de sa longueur totale en partant de l’extrémité supérieure. Soit une ligne horizontale représentant le niveau de la mer ; marquons sur une perpendiculaire, à la distance de 8 pieds ¼ de l’horizontale, un point qui indiquera la place de la poignée de la rame thranite dans sa position normale. Si de ce point nous menons à l’horizontale une oblique de 13 pieds ¼, nous aurons la rame thranite dans sa position normale : au tiers de sa longueur totale, c’est-à-dire à 4 pieds ½ de la poignée, nous marquons un point indiquant la place du sabord thranite. Prenons maintenant deux autres points de la verticale, à 6 pieds th et à 4 pieds ¼ de l’horizontale, et menons par ces points des parallèles à la précédente oblique ; nous trouverons la longueur des rames zygite et thalamite, soit 10 pieds ½ pour la première et 7 pieds ½ pour la seconde ; il est facile de déterminer la place de leurs sabords, et, en menant une ligne par les trois points trouvés, on obtient la direction de la paroi du navire. Graser continue à superposer les rangs de rameurs suivant ce principe pour construire des tétrères, des pentères, etc. C’est seulement à partir des dékères de Démétrios Poliorkétès qu’il introduit certaines modifications à son système, afin de n’avoir pas, — dans la tessarakontère par exemple, — un έγκωπον d’une hauteur démesurée. On voit maintenant comment se comporte l’ensemble des rames de la trière ; toutes les rames d’une même rangée sont parallèles entre elles et de même longueur, et frappent par conséquent la mer à la même distance du flanc du navire, en un point facile à déterminer. Les rames des diverses rangées sont parallèles, mais de longueurs différentes ; il y a donc trois sillages distants l’un de l’autre de 2 pieds ½. Il n’y avait pas à craindre, avec des rameurs exercés et bien commandés, que les avirons s’embarrassassent les uns dans les autres. L’arc de cercle décrit par la rame thalamite, la plus courte de toutes, était naturellement le moins étendu, ce qui explique la glose suivante de l’Et. M., de Suidas et de Photius : θαλάμιαι κώπαι . αί ήρέμα έλαύνουσαι. Cependant, quoique la construction de Graser soit ingénieuse et facile à réaliser, les anciens ne paraissent pas l’avoir exécutée dans sa rigueur mathématique, sans doute parce qu’elle n’était pas compatible avec la forme du bâtiment. En effet, Graser est obligé de supposer que les deux parois du navire ont une direction parallèle à son axe. Il n’en était vraisemblablement pas ainsi ; à partir du maître-bau qui marquait sa plus grande largeur, la trière allait se rétrécissant vers l’avant et vers l’arrière. C’était donc aux environs du grand mât que le couloir destiné aux rameurs était le plus large, et là seulement peut-être qu’on pouvait appliquer cette proportion de 1 à 2 entre les deux parties de la rame, si favorable à la vogue. Aristote[78] nous dit en effet que, si ce sont les rameurs placés au centre du navire qui produisent le plus d’effet utile, c’est parce qu’à cet endroit la portion intérieure de la rame est la plus grande. Ainsi cette partie décroissait à mesure qu’on avançait vers l’avant et vers l’arrière, et le levier que manœuvraient les rameurs fonctionnait moins utilement. Graser ne paraît donc pas avoir trouvé la vraie formule de la courbe horizontale qui limitait le plan du navire. Il n’a pas déterminé non plus exactement la courbe verticale ; car, d’après le passage de Thucydide cité plus haut et la scolie, la proportion de 1 à 2 semble avoir été rompue au détriment des thranites, et, pour qu’il en fût ainsi, il fallait que la paroi du bâtiment fût plus rentrante que Graser ne l’a supposé. Dans tous les cas, les rames d’une même file horizontale avaient la même longueur. Nos inscriptions n’établissent entre elles aucune différence : une rame thranite était l’équivalent exact d’une autre rame thranite, et elle était toujours plus longue qu’une rame zygite. Nous voyons en effet[79] un certain nombre de rames thranites, vraisemblablement avariées et devenues trop courtes, dont 10 seulement passent, de l’avis du Dokimaste, dans la catégorie des rames zygites. Comment donc Aristote a-t-il pu dire[80] : C’est avec raison que le dernier doigt de la main est le plus petit, et celui du milieu le plus long, comme la rame qui est au centre du navire ? Il faisait sans doute allusion au spectacle que présentaient les rames à l’intérieur du bâtiment. Là, en effet, on n’apercevait que leur partie intérieure, et celle-ci, plus longue au milieu du vaisseau, allait en diminuant vers les extrémités de l’έγκωπον, ce qui reproduisait à peu près l’aspect d’une main horizontale ouverte. C’est également ainsi qu’il faut entendre le passage de Galien[81], disant que toutes les rames d’une même rangée plongeaient aussi loin dans la mer, bien que celles du milieu fussent les plus longues. § 4. — De la rame en elle-même et de ses accessoires. Tout le monde, dit Jal[82], connaît l’aviron ou rame, levier fait de sapin, de hêtre ou de frêne et du genre de ceux que la statique range dans la deuxième classe. Son point d’appui est à l’eau, la puissance qui le fait agir est à l’extrémité opposée à celle qui s’appuie, la résistance est à l’endroit du navire où il s’attache par un lien appelé estrope à une cheville nommée tolet. Le tolet[83], qui portait en vieux français le nom d’escaume, est une cheville de fer ou de bois plantée verticalement dans le plat-bord du navire, ou, pour parler plus rigoureusement, dans une planche clouée sur ce plat-bord et qu’on nomme toletière ou porte-tolets. Quant à l’estrope[84], c’est un anneau de corde plus ou moins grand, dont on se sert pour entourer une poulie, une cosse, un margouillet, un aviron, etc. L’estrope de l’aviron est quelquefois une lanière ou une corde de cuir, quelquefois un lien de jonc ou de branches déliées de bouleau. L’ensemble des avirons d’un navire s’appelle, dans les inscriptions navales[85], ταρρός ; quand ils sont au complet on dit : ταρρός έντελής. Les deux gouvernails ne sont pas compris dans le ταρρός, qui figure au premier rang parmi les agrès en bois[86]. Quand le mot est au pluriel, c’est qu’il s’agit de plusieurs navires[87]. Toutefois ce n’est pas là le sens primitif du mot ταρρός, qui signifie proprement la pale de l’aviron, puis l’aviron lui-même. Hesychius dit en effet : ταρρός . κώπη... Eustathe définit le ταρρός : la rangée horizontale des rameurs (1625, 18). C’est également ainsi que l’entend le Scoliaste d’Aristophane[88] : ce sont, dit-il, les files horizontales des rames attachées à leurs tolets. Enfin Suidas fait remarquer que le mot s’applique primitivement aux plumes qui garnissent les ailes des oiseaux, et ensuite à l’ensemble des avirons rangés comme des ailes sur chaque bord du navire[89]. Le mot τάρρωμα ou τάρσωμα est employé comme synonyme de ταρρός. Pollux dit qu’on appelle ainsi les files de rames (1, 93). Photius et Zonaras[90] entendent par là l’ensemble des rameurs ; nous avons déjà fait observer que, clans les navires antiques, on peut dire indifféremment tant de rameurs ou tant d’avirons. L’aviron lui-même porte le nom de κώπη. C’est ainsi qu’il est désigné par nos inscriptions, par Pollux, par les lexicographes[91]. Le mot signifie proprement poignée, et par suite poignée de la rame. C’est donc, comme le fait remarquer Eustathe (89, 30), la partie qui a donné son nom au tout. Le mot έρετμόν est une expression poétique[92] ; il y en a une foule d’autres pour désigner la rame, sur lesquelles il est inutile d’insister. Jal partage l’aviron en quatre parties : la poignée, à laquelle s’attache la main du rameur
; le manche ou bras, plus gros que la poignée et qui la suit,
finissant au point d’attache sur le bord du navire ; la hampe, partie arrondie qui commence où finit le
manche et finit à la naissance de la pale ; enfin la pale, partie plate à peu
près semblable à une pelle. Nous retrouvons dans Pollux (I, 90) ces divisions fondamentales. La partie de la rame que saisissent les matelots est l’έγχειρίδιον
; la partie moyenne s’appelle ούρίαχος
; l’extrémité, πτερά et
ταρσοί. Ainsi la poignée de la rame
portait, chez les Grecs, le nom d’έγχειρίδιον[93]. C’est la partie
la plus extrême de l’aviron, et elle était sans doute amincie et arrondie, de
façon que la main pût s’y appliquer sans peine et la tenir vigoureusement.
Toutefois l’expression était plus large que le mot français poignée, et
désignait quelquefois toute la portion de la rame comprise entre la main du
rameur et la paroi du navire, c’est-à-dire le manche ou le bras. On sait que
le bras est façonné de manière à former la partie la plus massive de la rame,
soit qu’on y laisse, en taillant l’aviron, une quantité de bois plus
considérable, soit qu’on y ajoute un métal pesant, de façon que la rame,
malgré l’inégalité de ses deux parties, soit à peu près en équilibre sur le
bord du navire ; cela diminuait beaucoup la fatigue du rameur. Kallixénos, cité
par Athénée[94],
dit, en parlant du navire de Ptolémée Philopator, que
les rames thranites avaient trente-huit coudées de long ; mais comme on avait
logé du plomb dans leurs έγχειρίδια,
et que la partie intérieure était devenue très lourde, elles étaient
équilibrées et, par suite, d’un maniement facile. Il est vraisemblable
que cette amélioration existait déjà dans les trières, bien que nous n’ayons
pas de renseignements positifs à cet égard. C’est peut-être uniquement à une
négligence de langage de Pollux et d’Athénée, qu’il faut attribuer le sens un
peu large donné au mot έγχειρίδιον.
Nous trouvons en effet dans Hesychius[95] un autre terme,
celui d’έννιον,
qu’il définit : la portion intérieure de la rame, à
partir du tolet. C’est bien là le bras de l’aviron. La hampe s’appelait, d’après Pollux, ούρίαχος ; c’est le mot qu’Homère applique à la hampe de la lance, destinée à recevoir un fer pointu qui servait à planter l’arme dans la terre quand on n’en avait pas besoin. La partie plate de l’aviron qui entre dans l’eau, la pale, recevait plusieurs noms chez les Grecs : celui de ταρρός était le plus usité. On appelle ainsi, dit le Scol. d’Aristophane[96], les parties aplaties de l’aviron, c’est-à-dire l’extrémité qui plonge dans l’eau. Cette explication est confirmée par Alias Dionysius, cité par Eustathe, par Suidas, Photius, Zonaras et Hesychius[97]. Toutefois la pale était aussi désignée par le mot πλάτη. C’est, dit Hesychius[98], la partie inférieure de la rame, comme le haut s’appelle κώπαιον, et Eustathe (89, 32) indique l’usage qui s’était établi de donner ce nom à la rame tout entière. Les avirons dans les bâtiments primitifs, et ordinairement ceux de la rangée supérieure dans les trières aphractes, passent pardessus le plat-bord et sont attachés au tolet au moyen de l’estrope. Le tolet s’appelait σκαλμός et l’estrope τροπός ou τροπωτήρ. Le σκαλμός, dit Pollux[99], est ce à quoi les rames sont assujetties ; ce qui sert à les assujettir s’appelle τροπωτήρ. On dit : estroper un navire. D’après le Grand Etymolog.[100], le σκαλμός est une cheville autour de laquelle on attache la rame. Qu’est-ce que les σκαλμοί ? disent les Lex. Rhet.[101] Ce sont des morceaux de bois auxquels on attache l’aviron pour la nage. Le tolet portait aussi le nom de κωπητήρ[102], et celui de τύλος quand il consistait en une cheville en fer[103]. L’estrope était habituellement en cuir. Les estropes, dit Hesychius[104], sont les courroies des rames ou les liens de cuir qui les maintiennent pendant la nage. Les Lex. Rhet. d’I. Bekker[105] et le Grand Etymolog.[106] en donnent la même explication. Eustathe (1517, 52) nous apprend que le mot τροποί et celui de τροπωτήρες sont synonymes, mais que le second est plus usité. L’estrope portait aussi le nom d’έπικωπητήρ[107]. Dans les grands navires, et particulièrement dans les navires kataphractes, les avirons n’étaient pas attachés à un tolet, mais passaient par un trou pratiqué tout exprès dans la muraille du navire et qu’on appelle sabord de nage. Ce sabord portait différents noms : τρήμα, τρύπημα, όπή. On appelle τρύπημα, dit Pollux (I, 88), les trous par lesquels sortent les avirons. Le Scoliaste d’Aristophane nous apprend qu’avant de mettre les navires à la mer on s’assurait que les dimensions des rames concordaient avec celles des sabords[108]. Bien qu’Aristophane[109] ait employé pour désigner le sabord le mot τρύπημα, nous savons quo c’était là un terme de la langue commune, tandis que les Attiques se servaient de préférence de celui d’όπή[110]. Eustathe[111] dit que ce sabord s’appelait aussi όφθαλμός, et il a sans doute raison, puisque, comme nous le verrons tout à l’heure, le Scol. d’Aristophane donne du mot la même explication. Les textes sont trop formels pour qu’on puisse voir là une confusion avec l’écubier. Il y avait à bord de la trière un accessoire de la rame, dont les inscriptions navales parlent souvent sans en déterminer la nature, et sur lequel les érudits se sont mépris jusqu’à nos jours. Il s’agit des άσκώματα dont Jal a le premier entrevu la destination, que Graser a fixée d’une façon scientifique et définitive ; les lexicographes anciens s’étaient du reste déjà trompés sur le sens du mot, et quelques-unes de leurs explications erronées ou vagues étaient faites pour égarer les modernes. Pollux[112] dit simplement que c’était un objet en cuir qui se trouvait près du tolet ; Hesychius le définit : un objet en cuir qui se rencontre à bord des trières. Dans les Acharniens d’Aristophane (v. 97), Dikœopolis, en voyant paraître le personnage qu’on appelle l’Œil-du-Roi, s’écrie : Tu as sans doute un άσκωμα qui pend au-dessous de ton œil. Les Scoliastes ne sont pas d’accord pour expliquer le mot ; l’un dit[113] : Les trières avaient de grandes ouvertures par lesquelles on passait les rames pour nager ; on les garnissait de lanières de cuir pour empêcher l’usure des planches. Un autre[114] : L’άσκωμα est la courroie qui assujettit la rame au tolet. Bœckh[115] croit, avec J. Scheffer, que les άσκώματα sont une garniture en cuir du sabord placée principalement à sa partie inférieure et s’étendant un peu au-dessous ; cette garniture aurait eu pour but de prévenir l’usure mutuelle du sabord et de la rame. Mais il n’échappera à personne que cette garniture aurait rendu le maniement de l’aviron bien plus pénible et que la rame doit porter sur un corps dur, métallique au besoin, pour se mouvoir avec facilité. Les explications suivantes, qui sont plus précises et plus nettes, auraient pu mettre Bœckh sur la voie de la vérité. Les άσκώματα, dit le Grand Etymolog.[116], sont des peaux qu’on adapte aux rames dans les trières pour empêcher l’eau de la mer d’y pénétrer. Suivant Suidas[117], ce sont des garnitures en cuir recouvrant la rame et qu’on adapte dans les trières au sabord par lequel passe la rame ; suivant le Scol. d’Aristophane[118], un objet en cuir en usage à bord des trières et par lequel passe la rame. Et de fait, lorsqu’on regarde les monuments figurés, par exemple les trières du lac Fucin, on voit que les rames, à la naissance de la hampe, ont l’air de sortir de gros sacs en cuir cloués contre le sabord qu’ils cachent[119]. Cette particularité avait frappé Jal, qui, malheureusement très ignorant des choses de la marine antique, n’avait pas su tirer de son observation une conclusion précise. Άσκός radical d’άσκωμα, dit-il[120], et signifiant : outre, sac de cuir, nous rappelle que sur le monument d’Ostie, marbre qu’on voit au musée du Vatican et que Piranesi a gravé dans son œuvre intéressante de Rome, les rames de la birème représentée sortent des sabords de nage en traversant, pour aller à la mer, des sacs de cuir qui paraissent destinés à empêcher la lame de pénétrer dans le navire par les sabords. Nous ne savons si ce sac est une invention du sculpteur, qu’on peut accuser de bien nombreuses infidélités dans sa représentation du vaisseau à deux étages de rames ; mais nous n’avons vu nulle part le nom ni la mention de cet άσκός. On voit combien l’érudition de Jal est insuffisante, mais l’idée qu’il émet d’une façon trop hypothétique était juste, comme l’a démontré Graser[121]. Les άσκώματα sont de grandes bourses en cuir qui, par l’une de leurs extrémités, sont un peu plus grandes que le sabord de nage ; c’est par cette extrémité qu’on les adapte au sabord, de façon qu’elles on épousent la forme ronde et le ferment complètement. L’autre bout est percé d’une fente qui a la dimension de la pale de la rame. Lorsqu’on veut mettre à la rame, on passe l’aviron par le sabord, puis par l’άσκωμα, dont la fente s’ouvre pour livrer passage à la pale d’abord, à la hampe ensuite ; mesure que l’aviron glisse ainsi par l’άσκωμα, la fente prend la forme arrondie de la hampe, et ses dimensions sont calculées de telle sorte, qu’au moment où l’aviron est arrivé à sa position normale, l’άσκωμα l’enserre complètement ; les ouvertures du navire se trouvent ainsi hermétiquement bouchées, et, comme ces longs sacs on cuir sont flexibles, le mouvement de la rame n’en est pas sensiblement gêné. Quand les avirons sont rentrés, les άσκώματα pendent vides et flasques le long du bâtiment, et les deux lèvres de l’orifice inférieur se rapprochent naturellement, de sorte que l’eau ne peut pénétrer par le sabord. Il est du reste vraisemblable qu’ils étaient alors recouverts par l’ύπόβλημα. Les inscriptions navales nous apprennent que les άσκώματα restaient habituellement adhérents à la coque du navire, lors même quo celui-ci n’était pas pourvu de ses autres agrès. L’expression usuelle on pareil cas est celle-ci : ήσκωται[122]. Nous avons pourtant des exemples de cas où les άσκώματα ne sont pas encore cloués au navire. Ils sont alors déposés dans les arsenaux avec mention du bâtiment auquel ils sont destinés[123]. Souvent les Epimélètes des arsenaux ont entre les mains, non pas les άσκώματα eux-mêmes, mais la somme nécessaire pour se les procurer. La taxe fixe est de 43 dr. 2 oboles, et la formule qui revient souvent est celle-ci : άσκωμάτων ή άρχή έχει ΔΔΔΔFFFΙΙ[124]. Quand le triérarque avait reçu les άσκώματα ou leur valeur, il on devait naturellement compte à l’Etat[125]. Bœckh suppose avec vraisemblance que les gouvernails devaient avoir eux aussi leurs άσκώματα. Les άσκώματα ne figurent plus dans nos documents à partir de l’inscription qui porte chez Bœckh le n° XI, soit que l’Etat eût cessé de les fournir, soit qu’on ait cessé de les mentionner parce qu’ils étaient adhérents à la coque du bâtiment. § 5. — Du maniement de la rame. Des officiers et des sous-officiers qui commandaient la manœuvre. Une des principales raisons pour lesquelles il faut supposer que les cloisons, nommées par Graser διαφράγματα, étaient à jour, c’est la manœuvre de l’aviron. Nous avons vu en effet que, si l’aviron n’était pas employé d’une façon continue à bord des trières, au moins fallait-il être toujours prêt à s’en servir. Border[126] et rentrer les avirons étaient donc deux opérations qu’on devait exécuter souvent dans une trière, surtout si l’on songe qu’une manœuvre fréquemment répétée dans les batailles navales consistait à passer assez près du navire ennemi pour briser toutes ses rames d’un côté et paralyser ses mouvements. Or il aurait été bien difficile de rentrer brusquement des rames de grandes dimensions dans un espace aussi restreint que celui assigné aux rameurs, si l’on n’avait pu faire passer leur extrémité et une partie de leur longueur à travers les ouvertures des cloisons intérieures. Nous avons supposé en effet que le couloir où les rameurs étaient installés n’avait à sa base que trois pieds de large. La nage offrait de grandes difficultés par les gros temps. Dans les navires aphractes, quand il pleuvait et que la poignée des avirons était mouillée, elle glissait entre lés mains des rameurs qui ne pouvaient la saisir avec assez de force. Mais c’est surtout la houle que les rameurs avaient à redouter. Alors, en effet, les coups de mer venant frapper la pale pouvaient arracher la poignée de leurs mains, ou, s’ils refusaient de lâcher prise, les renverser de leurs sièges[127]. On comprend quelle confusion de tels accidents produisaient parmi des rameurs pressés les uns contre les autres et qui en temps ordinaire devaient exécuter tous à la fois le même mouvement pour ne pas s’embarrasser réciproquement. Quelquefois, sous l’action du rameur d’une part et sous l’effort du flot de l’autre, l’aviron se brisait par le milieu. C’est précisément d’un accident pareil qu’Héraklès est victime dans les Argonautiques[128] : Alors en voulant résister à la poussée du flot gonflé et violent, il brisa sa rame par le milieu. Puis il tomba obliquement en tenant l’un des morceaux dans ses deux mains ; la vague emporta l’autre en se retirant. Héraklès est donc obligé d’aller dans la forêt chercher un jeune sapin pour s’en faire une nouvelle rame. Bien que nous sachions que les trières touchaient terre fréquemment et que rien ne nous atteste l’existence de rames de rechange, il est vraisemblable qu’un triérarque prévoyant se procurait à ses frais quelques avirons de plus pour parer à des accidents de cette nature. Au moins devait-on embarquer quelques pièces de bois (κωπεΐς)[129], dont le charpentier qui se trouvait à bord[130] pouvait faire des rames. Lors même qu’il ne se produisait pas de faits aussi graves, la houle était toujours très gênante. Ainsi, dans le combat naval livré par le stratège athénien Phormion dans le golfe de Corinthe, nous voyons qu’une des causes du désastre des Corinthiens, c’est que le clapotis des vagues empêchait leurs matelots novices de soulever les rames hors de l’eau. Dès lors les navires ne gouvernaient plus et se trouvaient à la merci de l’ennemi[131]. Le mauvais temps augmentait sans doute les difficultés de la vogue ; mais elle no laissait pas que d’être très fatigante, même par une mer calme. Quand, dans les Grenouilles, Dionysos rame sur la barque de Charon, il ne manque pas de s’écrier[132] : Je commence à avoir mal au derrière ; et plus loin : J’ai des ampoules et depuis longtemps mon derrière est en sueur. Le passage tout entier est curieux du reste, parce que, bien que Charon et Dionysos soient ici sur une simple barque, c’est la vogue des trières qu’Aristophane veut représenter, ainsi que le montrent plusieurs détails de la scène. Nous avons sous les yeux l’instruction d’un matelot novice ; c’est là ce qui devait exciter l’intérêt et provoquer le rire des spectateurs qui avaient servi si souvent sur les trières de la République et qui maniaient la rame plus adroitement que Dionysos. Charon[133]. Assieds-toi près de la rame... — Char. Porte tes deux mains en avant et étends les bras. — Dionysos. Voici. — Char. Allons, sois sérieux, prends un point d’appui et rame vigoureusement. — Dionys. Et comment pourrai-je le faire, moi qui suis sans expérience, qui ne connais point la mer et qui n’étais pas à Salamine ? — Char. C’est bien facile ; car aussitôt que tu auras commencé, tu entendras une mélodie délicieuse. — Dionys. Allons ! donne le signal. — Char. Oh ! hop ! hop ! Oh ! hop ! hop ! Ces chants délicieux auxquels Charon fait allusion, c’est le chœur des grenouilles qui était accompagné par le son des flûtes[134]. Nous assistons ici à un spectacle qui se reproduisait souvent à bord de la trière. Nous voyons le rameur, les bras étendus en avant, l’extrémité inférieure de la- rame ramenée eu arrière et attendant le moment de la plonger dans l’eau. Il est assis, les pieds arc-boutés. Charon, qui commande la vogue, fait ici l’office du κελευστής, comme l’indique le mot même employé par Dionysos : κατακέλευε δή. Quant aux grenouilles, elles jouent le rôle du τριηραύλης. C’est la fonction qui est remplie à bord du navire Argo par Orphée[135]. Ainsi aux sons de la lyre d’Orphée, ils frappaient de leurs rames les flots impétueux de la mer, et les vagues venaient battre le navire. Il est vraisemblable que le commandement de Charon n’est pas un commandement de fantaisie, et que c’est bien ainsi que le κελευστής donnait, dans la trière, le signal de la vogue. Le Scoliaste nous fait remarquer en effet, que c’est l’exclamation par laquelle on mettait les rameurs en mouvement, et que Charon s’exprime là comme un κελευστής et dans le langage des marins[136]. Quand, au contraire, il veut arrêter la vogue, il s’écrie : ώ παΰε, παΰε, qui correspond au commandement de stopper dans nos bateaux à vapeur. Toutefois il faut remarquer que Charon s’est déjà servi de l’exclamation oh ! hop ! au moment d’accoster[137]. Faut-il faire entre les deux commandements : oh ! hop ! hop ! et oh ! hop ! une distinction que n’ont pas établie le Scoliaste et les lexicographes, l’un étant destiné à ordonner la vogue et l’autre à l’arrêter ? On avait souvent besoin d’accélérer la vogue, soit que le κελευστής sentît que l’ardeur des rameurs se ralentissait, soit qu’il fallût leur demander un vigoureux effort pour atteindre l’ennemi ou pour lui échapper. Quel était alors le commandement en usage ? On disait peut-être, si nous en croyons Suidas[138], ipstæ, c’est-à-dire appuie, comme les officiers disent aujourd’hui à leurs matelots : souque ! Cette nage accélérée s’appelait ρόθιον[139], ce qui signifie proprement le bruit des flots battus par les coups pressés de la rame ; s’y livrer, c’était ροθιάζειν. Dans cette circonstance et vraisemblablement aussi dans d’autres, les rameurs poussaient des cris pour s’exciter. Nous connaissons plusieurs de ces cris, qu’il faut bien distinguer des commandements : ρυπαπαΐ[140] et άρρυ[141]. Le plus célèbre est le premier, puisque Aristophane dit : τό ρυπαπαΐ pour signifier les matelots. Nous avons vu comment s’exécutaient les mouvements de la vogue et quels ordres recevaient les rameurs. Voyons maintenant quels étaient les officiers et les sous-officiers auxquels ils devaient obéir. A bord des galères du moyen âge, la chiourme était sous les ordres du comme, qui avait dans ses attributions tout ce qui concernait la manœuvre et plus spécialement la direction des rameurs. Il était assisté dans ses importantes fonctions par le sous-comite et avait au-dessous de lui l’argousin, officier de police, remplacé en cas d’absence ou d’empêchement par le sous-argousin, et qui avait pour mission particulière de surveiller la chiourme. Dans la trière, c’est le κελευστής qui commande la manœuvre. Une des causes que donne Thucydide (II, 84) de la défaite des Corinthiens dans le combat naval dont il a été question plus haut, c’est qu’au milieu du tumulte et de la confusion générale, ils négligent d’exécuter les ordres des céleustes et ne les entendent même pas. Dans une circonstance spéciale, en l’année 388 avant Jésus-Christ, les Péloponnésiens, qui veulent surprendre les Athéniens, suppriment le commandement à haute voix, tel que le pratiquaient habituellement les céleustes, et le remplacent par le bruit que font des pierres entrechoquées[142]. Dans une bataille navale on entendait très distinctement la voix des céleustes mettant en mouvement ou arrêtant les rameurs, comme on entendait les cris poussés par ceux-ci, quand ils recevaient l’ordre de nager plus vigoureusement[143]. Les céleustes étaient aussi chargés de maintenir la discipline parmi les rameurs, et de leur imposer silence quand ils étaient trop bruyants[144] ; ils criaient alors σιώπα ! σιώπα ! Comme ils devaient avoir la voix très forte, on s’en servait à bord des trières comme de hérauts, et, dans des circonstances solennelles, par exemple avant l’action, c’étaient eux qui prononçaient à haute voix les prières répétées ensuite par le reste de l’équipage[145]. Leur attribution la plus importante était de commander la manœuvre[146]. Le céleuste, dit Phrynichus, est celui qui, dans un navire, commande aux rameurs. Il était de la plus haute importance d’avoir un bon céleuste, car c’était en grande partie de lui que dépendaient l’ardeur ou la nonchalance des rameurs, et Xénophon[147], qui nous parle de la grande influence de cet officier sur ses hommes, indique qu’il agissait surtout par des moyens moraux. Il ne faut pas confondre les forçats du moyen âge, qui étaient menés à coups de nerf de bœuf, avec les équipages athéniens, composés on partie de citoyens ou de mercenaires libres. Quant aux esclaves, on sait qu’ils étaient moins durement traités que dans les temps modernes. Dans une trière, dit Xénophon, lorsqu’une fois en mer il faut avancer pendant des jours entiers à la rame, certains céleustes savent agir et parler de façon à enflammer leurs hommes et à leur faire accepter la fatigue de bonne grâce. D’autres, au contraire, sont assez maladroits pour que la traversée dure deux fois plus de temps. Dans le premier cas, l’équipage débarque couvert de sueur, mais félicité par le céleuste et se félicitant de lui ; dans le second, les hommes arrivent sans s’être donné de mal, et pourtant ils détestent leur chef et en sont détestés. Si nous en croyons Suidas[148], ce qui augmente encore l’importance des céleustes, c’est qu’ils jouissaient d’attributions administratives très étendues. Ils commandent, dit-il, aux rameurs et aux épibates et rendent de très grands services ; ils veillent à ce qu’on cuise la quantité de pains nécessaire et à ce que les rameurs aient juste leur ration ; ce sont eux qui s’occupent du vin, de la viande, de l’huile et de toutes les autres denrées, afin d’avoir toujours à leur disposition ce qu’il faut distribuer chaque jour. Arrien dit : Les céleustes distribuèrent sur chaque navire aux rameurs ce qui leur revenait. Ainsi, non seulement les céleustes commandent la manœuvre et maintiennent la discipline parmi les rameurs ; mais encore ils sont chargés de pourvoir à leur alimentation. Quand le céleuste commandait la vogue, il était aidé par le τριηραύλης. On sait combien une musique simple et fortement rythmée est utile pour soutenir des hommes qui font ensemble un travail long et fatigant ; on sait aussi que l’accompagnement musical était usité chez les anciens dans des circonstances bien plus nombreuses que chez nous. Il est donc tout naturel que nous trouvions un joueur de flûte à bord de la trière et que Pollux cite ce joueur de flûte en compagnie du céleuste (1, 96). Leurs fonctions étaient toutefois très différentes et leur rang très inégal. Tandis que le céleuste ordonnait de commencer, de suspendre ou d’accélérer la vogue, le τριηραύλης jouait, pendant toute la durée du travail, un air qui excitait les rameurs et leur faisait oublier la fatigue ; cet air s’appelait τό τριηρικόν[149]. Ainsi le céleuste donnait des commandements brefs et qu’il modifiait suivant les circonstances, tandis que le joueur de flûte marquait la mesure par son chant pendant toute la durée de la nage. Nous avons vu, dans le passage cité plus haut d’Aristophane, que c’est Charon qui jouait le rôle du céleuste, tandis que celui du τριηραύλης est rempli par les grenouilles ; leur chant monotone se prolonge pendant toute la traversée. En outre, le céleuste était un officier et faisait partie de l’état-major de la trière. Au contraire, les joueurs de flûte des trières étaient des gens très méprisés et de basse extraction ; Démosthène[150] nous parle d’un τριηραύλης qui était esclave et qui fut le premier mari de la mère d’Eschine ; il alla pour cela la chercher dans une maison de prostitution. Le Scoliaste fait remarquer avec raison qu’il ne faut pas confondre ces malheureux avec les véritables joueurs de flûte, qui étaient souvent de grands artistes. Au-dessous du céleuste étaient les τοίχαρχοι. On appelait ainsi des sous-officiers qui commandaient à tous les rameurs d’un des côtés du bâtiment[151]. Les rameurs étaient divisés en deux catégories, selon qu’ils étaient assis à droite ou à gauche du navire[152]. C’est ainsi que de nos jours on distingue encore dans l’équipage les bâbordais et les tribordais. Il y avait donc dans les navires de guerre deux τοίχαρχοι, l’un commandant à tribord, l’autre à bâbord, comme le timonier commandait à l’arrière et le proreus à l’avant[153]. Ainsi que chez les Grecs, dans la marine moderne, le côté droit du bâtiment était regardé comme le plus noble. C’est .ce qui explique l’expression un peu bizarre d’Eustathe (1021, 15) ένδοξότερος appliquée au τοίχαρχος de tribord. Sans avoir une autorité plus élevée que son collègue de bâbord, il était cependant plus considéré que lui. Les τοίχαρχοι étaient choisis parmi les rameurs qui d’étaient distingués ; c’était un grade tout à fait inférieur et le degré le plus bas sur le tableau d’avancement. Nous n’en voyons pas moins dans Lucien[154] le τοίχαρχος Dorion, récemment promu et sorti du rang des rameurs, se fâcher contre la courtisane Myrtalé, qui ne semble point faire assez de cas de cette distinction. Dorion est d’autant plus fier qu’il est τοίχαρχος de tribord. D’après Suidas[155], le τοίχαρχος était subordonné au proreus, le proreus au timonier, et le timonier obéissait au nauclère. Il n’est pas question du céleuste dans cette échelle hiérarchique ; mais nous remarquerons qu’il s’agit ici d’un bâtiment de commerce, comme l’indique le mot ναύκληρος, et que, les rameurs étant fort peu nombreux dans les navires marchands, il n’y avait peut-être pas de céleuste à bord. Quant aux pentékontarques de la trière, différents des officiers du même nom qui commandaient les pentékontores, Bœckh[156] a prétendu à tort qu’ils étaient au nombre de trois et qu’ils avaient environ cinquante rameurs sous leurs ordres. D’après Démosthène[157], c’étaient surtout des officiers d’administration ; comme tels, ils devaient être soumis au céleuste. Nous n’avons pas à nous en occuper ici. Nous avons vu les rameurs athéniens à l’œuvre et nous venons d’examiner comment ils étaient commandés. Il faut maintenant dire un mot de leur instruction. Si la marine d’Athènes l’emportait sur toutes les autres marines de la Grèce, ce n’était pas seulement par la perfection des constructions navales, c’était aussi et surtout par l’excellence des équipages. Il n’y a rien de plus difficile dans un navire à rames, que d’avoir une chiourme bien dressée. Or l’instruction des rameurs athéniens ne laissait rien à désirer. On sait que les équipages étaient très mêlés. Dans les besoins pressants, on pratiquait sur les esclaves une sorte de levée forcée, en indemnisant leurs maîtres. C’est sans doute parmi eux qu’on devait rencontrer le plus de non-valeurs. Mais il y avait aussi de pauvres gens qui faisaient de l’état de rameur un métier. Je ne me serais pas fait rameur, dit Dorion dans Lucien[158], si j’avais été riche. Dans cette catégorie de mercenaires se trouvaient évidemment des hommes très exercés, et c’est parmi eux que choisissaient les triérarques, qui, par amour-propre ou par patriotisme, voulaient avoir un vaisseau manœuvrant bien. Enfin, — et c’était là l’équipage réglementaire, — les citoyens étaient obligés de monter sur les trières de la République. Or ils étaient parfaitement préparés à ce service ; car, à cause de leurs possessions d’outre-mer et de leur immense commerce, les Athéniens étaient presque tous marins. On sait que c’est dans la marine marchande que se recrutent les bons matelots de la marine de guerre. C’est à cause de nos possessions lointaines et des commandements exercés hors du pays, dit l’auteur de l’écrit sur l’état des Athéniens[159], que les citoyens apprennent naturellement à ramer, eux et les gens de leur suite ; un homme qui navigue sans cesse se voit dans la nécessité de mettre la main à la rame lui et son valet, et d’apprendre la langue maritime. C’est par l’habitude des navires et par la pratique que se forment les bons timoniers ; or les Athéniens s’instruisent en gouvernant les uns un navire, les autres une holcade, et c’est de là qu’ils passent sur les trières ; quant au peuple, il sait déjà ramer quand il monte sur les vaisseaux, car c’est à cela qu’il s’est exercé toute sa vie. Toutefois on ne comptait pas absolument sur cette éducation en quelque sorte spontanée. L’Etat, qui pendant la période éphébique avait la direction des études des jeunes gens, les exerçait à la guerre maritime[160]. Les éphèbes se familiarisaient avec les manœuvres et prenaient principalement l’habitude de mettre les navires à flot, puis de les tirer sur le rivage. Les joutes sur mer sont souvent nommées dans les inscriptions éphébiques : on les appelait άμιλλαι τών πλοίων. Les principales avaient lieu à Munychie et à Salamine. En outre, les éphèbes allaient sur des vaisseaux au trophée élevé à Salamine pour rappeler la victoire de Thémistocle[161]. Ils prenaient part aux pompes de Munychie, célébrées le 16 de Munychion, jour anniversaire de la victoire de Salamine, descendaient au Pirée, montaient sur les vaisseaux sacrés et faisaient le tour de la presqu’île ; ils arrivaient ainsi au temple d’Artémis, où ils sacrifiaient. Des joutes nautiques suivaient cette fête ; elles avaient lieu dans le port. Enfin ils figuraient également aux Αίάντεια[162] célébrées à Salamine en l’honneur d’Ajax, qui avait secouru les Grecs le jour de la fameuse bataille. Après avoir suivi pendant deux ans ces exercices, on comprend que les éphèbes athéniens devaient faire d’excellents matelots. |
[1] V. 109. Cf. Eustathe, 1462, 10. Voir aussi 1475, 4.
[2] Thucydide, III, 49.
[3] Apollonius de Rhode, Argonautiques, 2, 661, dit en parlant de ses héros : νήνεμον άκαμάτησιν έπερρώοντ' έλάτησιν ; et il les compare à des bœufs couverts de sueur, qui tracent péniblement leur sillon.
[4] Philippiques, I, p. 48.
[5] Démosthène, p. 93.
[6] Suidas s. v. : δεύτερος πλοΰς.
[7] Apollonius de Rhode, Argonautiques, 1, 605 et 1358.
[8] Ibid., 2, 899 et suiv.
[9] Ibid., 1, 1156 ; 4, 1631.
[10] Cf. Athénée, XII, 49, parlant du retour d’Alcibiade dans sa patrie.
[11] Xénophon, Helléniques, VI, 227.
[12] Cette trirème, après avoir manœuvré sur la Seine, avait été en dernier lieu envoyée à Cherbourg, où un état-major et un équipage spécial lui étaient affectés ; elle vient d’y être démolie. La tentative était intéressante ; mais elle n’a pas produit tous les résultats qu’on en pouvait attendre. M. Jal, chargé de fournir les données premières et les renseignements archéologiques, n’était pas à même de remplir convenablement sa tâche. En outre, l’empereur Napoléon III avait des idées préconçues qu’il fit prévaloir. Ainsi le célèbre ingénieur des constructions navales M. Dupuy de Lôme fut d’une part assez mal renseigné et d’autre part n’eut point toute liberté d’agir. Ce n’est donc pas à lui qu’il faut imputer les erreurs de cette restitution. Ajoutons qu’il s’agissait de construire une trirème romaine et que nous nous occupons uniquement ici des trières athéniennes.
[13] L’amiral Jurien de la Gravière, dans ses articles de la Revue des Deux-Mondes, réunis depuis en volume : La marine de l’avenir et la marine des anciens, adopte pour la reconstruction de la trière le système de Barras de la Penne, d’après lequel les thranites, les zygites et les thalamites n’étaient pas placés sur des gradins distincts ; ils étaient rangés les uns devant les autres, sur toute la longueur du navire. Ils ne se trouvaient pas tous à la même hauteur ; les thranites ou rameurs de poupe étaient les plus élevés, les thalamites ou rameurs de proue les plus bas. Cette différente élévation des rameurs produisait l’inégalité des rames : les thalamites maniaient les plus courtes, les thranites les plus longues. L’auteur ajoute : Il ne m’avait pas encore été donné connaissance des manuscrits du sieur Barras de la Penne que déjà mon instinct de marin s’était spontanément arrêté à la solution dans laquelle se complaisait, en 1715, la vieille expérience du capitaine des galères du roi. (Revue des Deux-Mondes, tome 30, 15 déc. 1878). Il dit également, tome 32, 15 mars 1879 : Jusqu’à présent nous n’avons rien rencontré sur notre route qui nous permette de supposer qu’il existât une différence quelconque entre la marine de l’antiquité et la marine du moyen âge. Evidemment la route suivie par M. Jurien de la Gravière ne l’a pas conduit dans le domaine de l’archéologie navale. Ailleurs, t. 35, 15 octobre 1879, il considère la quinquérème comme une galère sur laquelle chaque aviron se trouve manœuvré par cinq rameurs.
[14] Argon., 1, 395.
[15] IV, 67 et le Scoliaste.
[16] S. v. : άυφήρεις. S. v. : άμφηρικόν άκάτιον.
[17] Eccleziaz., v. 1090.
[18] Suidas et Harpocration s. v. πεντηκόνταρχος.
[19] S. v. : έρέτης.
[20] S. v. : έεικόσορος ναΰς.
[21] S. v. : έείκοσόροιο.
[22] S. v. : είκοσόροιο.
[23] Dans Thucydide, II, 93, les Péloponnésiens traversent rapidement l’isthme de Corinthe pendant la nuit et chaque rameur porte sa rame.
[24] Pollux, I, 93.
[25] De R. N., § 4.
[26] VI, 31. Scol. ad h. l.
[27] S. v. : θαλαμίδιοι (l. θαλάμιαι) κώπαι.
[28] S. v. : θρανίτης λεώς.
[29] S. v. : θαλάμιος έρέτης.
[30] Paix, v. 1232.
[31] Grenouilles, v. 1106. Cf. Suidas s. v. θαλάμακες.
[32] 1, 87. Cf. Arrien, Exp., VI, 5, 4.
[33] Anecdot., p. 240, 9. Cf. Etym. Mag. s. v. δίκροτος ναΰς. Strabon, VII, 7, 6.
[34] Helléniques, 2, 1, 18. Dans Aristide, vol. I, p. 539, le mot trière n’a plus que le sens de navire de guerre.
[35] De R. N., § 4.
[36] Un passage de l’Empereur Léon, Tactica, XIX, § 7, 8 (p. 323, éd. de Meursius), décrit très nettement pour les dromons la superposition des deux rangs de rameurs alignés le long des parois du bâtiment.
[37] Ils ont les genoux ployés, comme nous l’apprend cette étymologie, erronée du reste, donnée par le Gr. Etym. : κληίδες. Cf. Zonaras, s. v. κληίδες.
[38] Graser, Arch. Zeitung, N. F. 7e Band 1875, p. 71 et suiv., ne donne malheureusement aucun détail sur l’original aujourd’hui perdu qui a été dessiné par le Cavalier dal Pozzo. Plus on compare le dessin, même avant les corrections de Graser, avec la trière de l’Acropole, plus on se sent disposé à admettre que l’avant de navire reproduit un peu librement et avec des erreurs par le Cavalier dal Pozzo et la trière de l’Acropole ne formaient primitivement qu’un seul et même monument, brisé à une époque qui ne nous est pas connue.
[39] S. v. : διήρης. Cf. Zonaras, s. v. διήρης.
[40] G. Henzen, Annali dell’ Instituto, t. 33, 1861, p. 330, croit encore que dans la trière de l’Acropole les trois range de rameurs sont séparés par des ponts. H.-J. Hellen, Philologus, t. 19, 1863, p. 568 et suiv., sépare les zygites des thalamites par un pont. C’est le système qui a été suivi par M. Dupuy de Lôme dans la trirème construite aux frais de l’empereur Napoléon III.
[41] L’amiral Jurien de la Gravière, Revue des Deux-Mondes, t. 33, 15 juin 1879, se fait l’écho d’une erreur depuis longtemps réfutée, quand il dit, en parlant des thranites, des zygites et des thalamites : Ces trois classes n’ont pu, à mon sens, constituer que trois portions de la chiourme destinées à se relayer. Elles étaient distribuées, dans l’ordre oh je les ai nommées, de l’arrière à l’avant. Les bancs qu’occupaient les thranites près de la poupe, les zygites au centre, les thalamites à la proue étaient-ils de niveau ? Y avait-il au contraire un ressaut à chacune des trois divisions de la vogue ?.... J’inclinerais... à écarter cette concession même. La trière, suivant moi, n’a été qu’une pentécontore à couverte... C’est là une opinion qui ne peut plus être soutenue en présence du témoignage concordant des textes et des monuments figurés.
[42] L. c.
[43] Bœckh, Urkund., p. 117-121.
[44] Έφ. άρχ., Inscr. 3146, col. I, l. 15 ; l. 18 ; l. 22 ; l. 32 ; l. 55. Je dois avertir toutefois que l’έφ. άρχ., Inscr. 1356, col. I, l. 16 et suiv. donne le chiffre 64 comme étant celui des rames thranites. Nous trouvons aussi le chiffre 63 attribué deux fois aux rames thranites, Beilage I et II zu Mitth. d. arch., V, p, 51, col. b, l. 18 et suiv., et l. 38 et suiv. S’il n’y a pas erreur du lapicide ou du copiste, le seul moyen de sortir de la difficulté est le suivant. Les trières dont il est ici question ayant leurs avirons en mauvais état, on avait pu en faire refaire quelques-uns, sans supprimer complètement les avirons hors de service. C’est ce qui expliquerait qu’il y en eût un ou deux de plus que le nombre réglementaire.
[45] Il n’en est pas toujours ainsi dans les navires de la colonne Trajane (W. Frœhner, t. 2, pl. 71). La birème représentée t. 3, pl. 109, a bien, comme dernière rame vers l’avant, une rame thranite, mais sur la trirème représentée même planche, on trouve, en partant de l’avant, une rame thalamite, puis une zygite, puis une thranite.
[46] Graser, Die Gemmen., p. 6 et 7.
[47] V. sur la question Graser, De R. N., § 13 et suiv., et Die Gemmen..., p. 5 et 6.
[48] C. I. Gr., vol. 2, p. 392, n° 2525, 2.
[49] Περί τοΰ Ήρώδου φόνου, § 22.
[50] Essai sur l’Ephébie attique, t. I, ch. 3, § 4 et la note.
[51] 1, 92 ; 1, 119 Pollux se borne à citer parmi les navires de combat κατάφρατα πλοΐα.
[52] Eustathe, 907, 49 ; 1201, 32.
[53] Thucydide, I, 10 et Scol. — Suidas dit la même chose s. v. πλοϊα κατάφρακτα. La fin de cette glose est très obscure, à moins que par οπλα, qui signifie d’une façon générale les agrès, on n’entende ici uniquement les rames. Le sens est alors qu’à bord des kataphractes les rameurs sont à l’intérieur du bâtiment (κάτω) et les combattants sur le pont (άνω), ce qui est la vérité.
[54] S. v. : καταφράκτοις ψυχαΐς.
[55] Die Gemmen, l. c.
[56] Antiquités grecques, etc. Catalogue illustré, par M. Frœhner, Paris, Avril 1878.
[57] Œcon., VIII, 5.
[58] Verrin., livr. V, ch. 51, § 133.
[59] Si l’on examine les birèmes de la colonne Trajane, celle, par exemple, que représente la pl. 57, t. 2 de l’ouvrage de W. Frœhner, on verra que les rameurs sont serrés les uns contre les autres au delà même de toutes les possibilités. Mais l’exagération même de l’artiste justifie ce point de vue que, dans la reconstitution des navires antiques, il ne faut laisser aux rameurs que l’espace strictement nécessaire.
[60] Bœckh, Urkund., p. 121-124. Graser, De R. N., § 29.
[61] Έφ. άρχ., Inscr. 3146, col. I, l. 8. Inscr. 3217, col. 2, l. 3, passim.
[62] Scol. Thucydide, I, 10. Cf. Suidas et Photius s. v. περίνεως. Photius : περίνεως. Cf. Hesychius corrigé d’après Photius.
[63] Έφ. άρχ., Inscr. 3146, col. I, l. 13. Ibid., l. 50, passim.
[64] V. un résumé de ces opinions dans Bœckh, Urkund., p. 114-116, et dans Graser, De R. N., § 71 et suiv.
[65] De R. N., § 84.
[66] Pollux, 1, 88. Σελίς peut signifier ici, suivant le sens donné au mot par Eustathe, banc de rameur ; il y avait naturellement les bancs de tribord et les bancs de bâbord. Cf. Hesychius : κένδυνος ή 'ν σελίς. — Hesychius : σελίδες. Si l’on songe que σελίς et ζυγός nous sont donnés comme synonymes et que ζυγός signifie à la fois bau et banc de rameur (Eustathe, 1041, 27), on appliquera plutôt le mot aux planchers horizontaux qui séparent les étages du navire qu’à des cloisons verticales.
[67] De R. N., Pl. I, fig. 26.
[68] S. v. : έδώλια.
[69] S. v. : έδώλια.
[70] Έφ. άρχ., Inscr. 3176, l. 40.
[71] Ibid., l. 73.
[72] Bœckh, XIV, à, l. 45. L’έφ. άρχ., Inscr. 3144, col. 2, l. 45. Cf. Bœckh, XIII, a, l. 9. Έφ. άρχ., Inscr. 3271, col. 1, l. 10.
[73] Bœckh. XVII, a, l. 149. Έφ. άρχ., Inscr. 3124, col. 1, l. 118.
[74] Scol. Aristophane, Plutus, v. 545. — Suidas : θράνος. Cf. Photius s. v. θράνος. Hesychius s. v. : έπισφελίτης. Cette explication est confirmée par l’inspection de la trière de l’Acropole. Le plat-bord est évidemment derrière la parodos et à la même hauteur ; par-dessus la parodos on devrait apercevoir au moins la tête des zygites que l’artiste a négligée pour ne pas produire de confusion. Quant aux thranites, ils sont évidemment assis sur des sièges plus élevés, accrochés à la cloison qui soutient le pont. Ainsi à mesure qu’on ajouta une rangée de rameurs de plus, on suréleva les cloisons verticales et le pont, mais non pas toujours et dans les mêmes proportions le bord du bâtiment. C’est seulement dans les navires kataphractes que le plat-bord rejoignit le pont.
[75] Pollux, 1, 88. Suidas s. v. : ύπηρέσιον. Hesychius s. v. : ύπηρέσια.
[76] De R. N., § 15 et suiv.
[77] L. c.
[78] Mechan., p. 4.
[79] Έφ. άρχ., Inscr. 3176, l. 56.
[80] De part. anim., 4, 10, p. 687, 18.
[81] De usu partium corporis humani, livr. I, ch. 24. C’est sur ce passage de Galien et sur celui d’Aristote que Smith fonde particulièrement son système, d’après lequel les rames zygites étaient plus longues que les thranites ; mais, bien que ces passages soient embarrassants, ils ne peuvent prévaloir contre les autorités citées plus haut. En outre, Smith rend la manœuvre à peu près impossible en supposant que toutes les pales des rames des trois rangées plongeaient dans la mer à égale distance du navire et sur une même ligne horizontale.
[82] Gl. n., art. Aviron.
[83] Ibid., art. Tolet.
[84] Gl. n., art. Estrope.
[85] Bœckh, Urkund., p. 112-113. Έφ. άρχ., Inscr. 3146, col. 1, l. 6, en parlant de la trière Εύετηρία : αύτη έχει ταρρόν.
[86] Έφ. άρχ., Inscr. 3145, col. 7, l. 20.
[87] Ibid., col. 2, l. 19 et suiv. Inscr. 3175, col. 6, l. 21 et suiv.
[88] Nuées, v. 226.
[89] S. v. : ταρσός.
[90] Photius s. v. : τάρρωμα. Zonaras s. v. τάρρωμα.
[91] Et. M. s. v. : κώπη. Cf. Zonaras, s. v.
[92] Scot. Apollonius de Rhode, 2, 1255. Hesychius s. v. : έρετμόν.
[93] Eustathe, 1959, 66.
[94] V, 37. Les mots τάς μεγίστας sont évidemment une glose ajoutée par un commentateur qui voulait expliquer ce qu’on entendait par les rames thranites.
[95] S. v. : έννιον (avec la correction de Graser : άπό au lieu de έπί).
[96] Nuées, v. 226.
[97] Eustathe, 1625, 17. Suidas et Photius sont moins précis, s. v. : ταρσοί. Hesychius s. v. : ταρσοί. Zonaras s. v. : ταρσός.
[98] S. v. : κωπ...
[99] I, 87. Cf. Hesychius, s. v. : τροπώσασθαι.
[100] S. v. : σκαλμός. — Cf. Zonaras, s. v.
[101] I. Bekker, Anecdot., p. 302, 1. Cf. Photius s. v. σκαλμοί.
[102] Hesychius s. v. : κωπητήρ.
[103] Photius s. v. : τύλοι.
[104] S. v. : τροποί. — Cf. Scol. Aristophane, Acharniens, v. 553.
[105] Anecdot., p. 309, 7.
[106] S. v. : τροπωτήρες. Cf. Zonaras s. v. : τροπωτήρες.
[107] Suidas et Zonaras s. v. : έπικωπητήρ.
[108] Acharniens, v. 552.
[109] Paix, v. 1234.
[110] Mœris, I. Bekk., p. 205.
[111] 1931, 42. Cf. Suidas s. v. ναύφρακτον βλέπεις.
[112] 1, 88. Hesychius s. v. : άσκωμα.
[113] Ad h. l.
[114] Ad h. l.
[115] Urkund., p. 106-108.
[116] S. v. : άσκώματα. Cf. Zonaras, s. v.
[117] S. v. : άσκώματα.
[118] Grenouilles, v. 367.
[119] Les askomes sont parfaitement visibles sur la birème de Préneste. Le dessin de Piranèse montre très nettement les trois clous par lesquels ils étaient assujettis à la paroi du navire.
[120] Gl. n., art. Άσκωμα.
[121] De R. N., § 82.
[122] Έφ. άρχ., Inscr. 3176, l. 13, 16, 38 etc.
[123] Ibid., Inscr. 3145, col. 6, l. 31 et suiv.
[124] Ibid., Inter. 3176, l. 24 et passim.
[125] Ibid., Inter. 3126, col. 5, l. 99 et suiv. Inter. 3179, col. 2, l. 2 et suiv.
[126] Long., p. 54.
[127] Pollux, I, 116.
[128] Apollonius de Rhode, I, v. 1167.
[129] Hesychius s. v. : κωπεΐς.
[130] Luc., Τό πλοΐον, c. 2, dit que le navire égyptien dont il est question dans le dialogue est montré aux visiteurs par le charpentier.
[131] Thucydide, II, 84.
[132] Aristophane, Grenouilles, v. 221.
[133] Grenouilles, v. 197 ; v. 201-209.
[134] Grenouilles, v. 212.
[135] Apollonius de Rhode, I, v. 540.
[136] L. c. — Suidas s. v. : ώόπ. S. v. : ώόπ όπ. S. v. : ώόψ.
[137] Grenouilles, v. 180. Suidas dit la même chose, s. v. ώόπ.
[138] S. v. : έρειδειν.
[139] Scol. Aristophane, Cheval., v. 546. Eustathe, 1540, 44. Cf. Harpocration et Suidas s. v. ρόθιον, Hesychius s. v. ροθιάζειν.
[140] Aristophane, Grenouilles, v. 1073. Guêpes, v. 908. Cf. Suidas, Photius et Hesychius, s. v.
[141] I. Bekker, Anecdot., p. 446, 32. Synagog. Lex.
[142] Xénophon, Hellén., 5, 1, 8.
[143] Arrien, Expéd. Alex., l. VI, 3, 5.
[144] Aristophane, Ois., v. 1273.
[145] Diodore de Sicile, XX, 50.
[146] Phrynich., cité par I. Bekker, Anecdot., p. 47, 4.
[147] Œconom., XXI, 3.
[148] S. v. κελενστής.
[149] Athénée, XII, 49.
[150] Pro Cor., 270, 13.
[151] Pollux, I, 95.
[152] Et. M., s. v. : δεξιότοιχοι, I. Bekk., Anecdot., p. 91, 2 : δεξιότοιχοι.
[153] Eustathe, 1729, 3.
[154] Dial. Mereir., XIV, ch. 3.
[155] Cf. Artemidor., I, 35, p. 87 fin.
[156] Urkund., p. 120-121.
[157] C. Polycl., p. 1215.
[158] Dial. Mereir., XIV, ch. 3.
[159] De Rep. athen., I, 19 et 20.
[160] Essai sur l’Ephébie attique, par A. Dumont, t. I, ch. 3, § 4 ; ch. 5, § 2 ; ch. 7, § 2.
[161] Ibid., t. 2, VI, 71.
[162] Ibid., t. 2, VIII, 53, 54.