LA TRIÈRE ATHÉNIENNE - ÉTUDE D’ARCHÉOLOGIE NAVALE

 

CHAPITRE III. — DE LA COQUE DE LA TRIÈRE.

 

 

§ 1. — La cale de construction. Les chantiers. Le ber.

On appelle cale de construction[1] un plan incliné fait en maçonnerie, solidement établi, long et large, sur lequel on construit les navires qui, lorsqu’ils sont achevés, en descendent pour aller prendre possession de la mer. Quand on veut édifier un bâtiment, on commence par disposer sur ce massif les chantiers. Les chantiers sont des pièces de bois équarries qui mises les unes au-dessus des autres, forment des piles plus ou moins hautes, espacées entre elles et solidement attachées au sel. Sur ces piles s’établit la quille d’un navire qui s’y développera, y grandira et s’y achèvera avec le temps[2]. On a contracté l’habitude d’étendre le sens du mot et de l’appliquer à tout endroit consacré aux constructions navales. Pris dans cette acception, un chantier peut contenir plusieurs cales de construction ou plusieurs établissements et files de chantiers.

Pour mettre un navire sur les chantiers, on commence par édifier le ber[3], espèce de lit composé de fortes pièces de bois et construit autour du navire qu’on doit lancer à la mer. Il est formé de coittes ou anguilles, pièces composées de plusieurs autres placées parallèlement à la quille du vaisseau et qui doivent glisser sur le chantier, quand le vaisseau et son ber seront abandonnés à leur propre poids. Ces coittes reçoivent par leurs pieds les étais nommés colombiers, soutenant par leurs têtes le vaisseau sous sa carène. La ventrière est une pièce courbe qui épouse la forme du ventre du bâtiment. Une fois mis à flot, le vaisseau se débarrasse de son ber.

Ces constructions préliminaires indispensables devaient être exécutées par les Athéniens du cinquième et du quatrième siècle avant Jésus-Christ, comme elles le sont de nos jours. Les chantiers du Pirée (ναυπήγια) contenaient sans aucun doute des cales de construction analogues aux nôtres. En effet, on a retrouvé autour des bassins de Zéa et de Munychie les fondements des abris couverts (νεώσοικοι), où la flotte était mise à sec lorsqu’elle ne naviguait pas[4]. Ce sont des rampes inclinées, à moitié taillées dans le roc vif et complétées par de la maçonnerie, sur lesquelles on halait et où on amarrait les trières[5]. Il est vraisemblable qu’il y en avait de semblables pour les constructions navales, mais il n’est guère admissible, à cause de l’exiguïté de l’espace, que les trières fussent précisément édifiées dans ces abris, comme le sont chez nous les navires dans les chantiers couverts.

Les lexicographes nous ont transmis les noms des parties principales dont se composait le ber. Nous retrouvons les colombiers dans les δρύοχοι. En effet, les δρύοχοι sont, pour Suidas et Zonaras[6], des étais dont on se servait pendant la construction du bâtiment. Le grand Etymologique[7] y voit : des pièces de bois verticales, des supports qui soutiennent la quille du vaisseau qu’on édifie. Eustathe[8] entend par là : des étais disposés en file et sur lesquels repose la quille du bâtiment en construction, afin qu’elle ait une forme régulière. Il ajoute qu’ils maintiennent la carène des deux côtés et l’entourent de soutiens continus. Platon, dans le Timée (p. 81, B), donne du mot δρύοχοι une explication courte, mais parfaitement nette. Ce sont : des appuis qui servent pendant la construction du bâtiment. Hesychius[9], qui emploie la forme δρύακες, les définit d’une façon plus vague : pièces de bois qui supportent la quille du navire. De même le scol. d’Apollonius de Rhodes[10] : pièces de bois sur lesquelles on établit la quille. Plus loin il confond à tort les δρύοχοι avec les côtes du bâtiment. Malgré cela, toutes ces explications sont suffisamment claires et concordantes pour qu’il faille admettre sans hésitation l’identification des δρύοχοι avec nos colombiers. C’est par erreur que Graser[11] traduit le mot δρύοχον par carlingue. Il a sans doute été trompé par Pollux (1, 85), qui cite le δρύοχον parmi les parties constitutives du navire immédiatement avant la quille. Il faut noter cette confusion et remplacer du reste, dans le passage de Pollux, δρύοχον par δρύοχοι, le mot n’étant guère employé qu’au pluriel, à cause de la pluralité des colombiers[12].

On ne trouve rien qui corresponde à la ventrière, mais il est vraisemblable que les coittes existaient sous le nom d’έγκενίδες, έπηγκενίδες. Eustathe (1533, 39), il est vrai, entend par ce mot des planches qui vont de l’avant à l’arrière du navire, et désigne même l’une d’entre elles la tolétière. Hesychius[13] n’est pas moins explicite ; ce sont pour lui les planches clouées tout le long du navire. Enfin Suidas[14] et Zonaras[15] disent qu’elles font partie du navire. Mais, d’autre part, les έπηγκενίδες désignent aussi chez les lexicographes les poutres qui composent un radeau. Pour le grand Etymologique[16], ce sont simplement des planches transversales ; pour Zonaras[17], de longues pièces de bois étendues en long. Enfin le grand Etymologique[18] confond les δρύοχοι avec les έπηκενίδες. L’identification est impossible, puisque le premier mot désigne des étais verticaux et le second des poutres horizontales ; mais l’erreur du grand Etymologique s’explique tout naturellement, si l’on admet que les έπηκενίδες, tout en ayant un sens plus général, en prennent parfois un tout particulier et s’appliquent à cette partie du ber qui porte chez nous le nom de coittes ou anguilles.

Les chantiers portaient le nom de τροπίδια, sans que le mot ait pris l’extension qu’on lui a donnée en français, et qu’il ait jamais signifié l’endroit réservé dans un port aux constructions navales (ναυπήγια). Si Pollux (1, 85) range les τροπίδια parmi les parties constitutives du vaisseau, c’est par suite d’une erreur analogue à celle que nous avons signalée pour les δρύοχοι. Pour le grand Etymologique et pour Photius[19], le mot τροπίδια désigne les pièces de bois destinées à recevoir la quille et, ce qui est encore plus significatif, ils ajoutent qu’on entend aussi par là la place même où l’on pose la quille au moment de la construction du bâtiment : καί πόπος, έφ' οΰ τίθεται ή τρόπις[20].

Concluons : les substructions retrouvées au Pirée nous autorisent à croire que les contemporains de Périclès et de Démosthène connaissaient l’usage des cales de construction. L’identification des τροπίδια avec les chantiers, des δρύοχοι avec les colombiers est certaine ; celle des έπηγκενίδες avec les coittes est extrêmement vraisemblable.

§ 2. — Pièces principales de la charpente du bâtiment. La quille, l’étrave et l’étambot.

Examinons maintenant la coque du bâtiment. On entend par là[21] le corps du navire lorsqu’il est sans mâture, sans voilure, sans agrès, sans chargement et sans lest. Dans l’antiquité comme de nos jours, on ne construisait sur les chantiers que la coque du bâtiment : on le gréait une fois lancé à la mer. Athénée (V, 40) nous apprend que l’Eikosoros d’Hiéron fut mise à flot après qu’on y eut travaillé six mois ; il fallut six autres mois pour la terminer, mais c’était un navire de proportions extraordinaires ; la construction des trières marchait beaucoup plus rapidement.

Comme le fait remarquer avec raison Démosthène[22], ce sont les parties basses du vaisseau qui demandent à être bâties le plus solidement ; c’est sur elles que doit porter toute l’attention du constructeur. On commence un navire par la quille (τρόπις), ajoute le Scoliaste[23], comme une maison par les fondements. La quille[24] est une forte pièce de bois ou une réunion de pièces ajustées sur laquelle on fixe les varangues, l’étambot et l’étrave, et qui, base de la construction du navire[25], est la première qu’on place sur le chantier. Mais la quille ne répondrait qu’imparfaitement à ce qu’on attend d’elle, si elle n’était doublée d’autres pièces qui en augmentent la solidité et le poids. Cela était d’autant plus nécessaire dans les trières athéniennes, que ces navires étant fréquemment halés à terre, la quille y était plus exposée à s’user et à se disjoindre. En outre, les trières étant très longues et très étroites, comme nous le verrons plus tard, elles auraient manqué de stabilité à la mer, si elles n’avaient été pourvues d’une quille pesante et qui leur donnât de l’assiette. La quille est consolidée par la fausse-quille[26], pièce de bois ou planche épaisse clouée sur la face inférieure de la quille, tant pour la garantir dans les échouages où elle aurait beaucoup à souffrir, que pour la préserver en partie des attaques des vers, et aussi pour ajouter à la largeur et à la surface du gouvernail, ou pour corriger le défaut qu’a le navire de dériver beaucoup, lorsque, n’ayant pas assez de pied dans l’eau, la quille ne suffit pas à offrir un plan vertical résistant aux efforts du courant et du vent. D’autre part, la quille serait trop affaiblie, si l’on y pratiquait les cavités qui doivent contenir le pied des côtes du bâtiment. On la fortifie donc en dessus par la contre-quille ou carlingue[27]. Ces deux termes synonymes désignent une suite de planches épaisses qu’on applique dans l’intérieur du navire sur la quille pour en lier solidement les diverses parties. Elles s’assoient sur le milieu des varangues qui sont les bases des côtes du bâtiment, et les reçoivent au moyen d’une entaille où ces varangues s’introduisent.

La quille portait chez les Grecs le nom de τρόπις. On entend par ce mot, dit Hesychius[28], la partie la plus basse du navire. Les Lex. Rhet. d’I. Bekker (p. 307, 9) nous apprennent qu’on donnait le nom de πρόπεις aux pièces de bois qui, dans les navires, vont de l’avant à l’arrière, où sont implantées les chevilles, et sur lesquelles repose tout le reste du bâtiment. C’est, presque mot pour mot, la définition de Jal ; il est donc inutile d’insister sur une identification qui s’impose d’elle-même. D’après Théophraste[29], la quille des trières était faite de chêne, afin de mieux résister aux heurts et aux secousses quand on les halait à terre, tandis que celle des bâtiments de commerce était de bois de sapin.

La fausse-quille, qui la fortifiait par dessous, portait le nom de χέλυσμα. On appelle ainsi, dit Pollux (1, 86), les planches clouées sous la quille et qui terminent le bâtiment par en dessous pour préserver la quille des frottements. Cette explication concorde exactement avec celle d’Hesychius[30], qui entend par ce mot la pièce de bois clouée sous la quille pour l’empêcher de fatiguer quand on hale le bâtiment à terre. D’après Théophraste[31], la fausse-quille était faite d’une espèce de sapin.

Malgré l’expression de Pollux, qui regarde la fausse-quille comme terminant inférieurement le navire τό τελευταΐον, il est permis de supposer, en vertu des conditions particulières auxquelles devaient répondre les parties basses de la trière, que la fausse-quille était encore protégée par un assemblage de pièces de bois qu’on appelait άντιχέλυσμα. On ne peut guère donner un autre sens à la glose d’Hesychius : άντιχέλυσμα . μέρος τής μακράς νεώς.

A l’intérieur du bâtiment était appliquée sur la quille la contre-quille ou carlingue. Les Grecs la désignaient sous le nom de seconde quille δευτέρα τρόπις. Le terme est assez explicite pour permettre de lui-même l’identification ; mais cette identification est rendue plus certaine encore par le contexte du passage de Pollux[32] : On appelle contre-étrave la pièce de bois appliquée sur l’étrave. C’est de la contre-étrave que part la seconde quille. En effet, la contre-quille et la contre-étrave sont précisément dans le prolongement l’une de l’autre.

Nous voyons par là combien étaient fortes les parties basses de la trière athénienne. Il y avait trois et même vraisemblablement quatre épaisseurs de poutres superposées, soit, en allant de haut en bas : la contre-quille ou carlingue (δευτέρα τρόπις), la quille (τρόπις), la fausse-quille (χέλυσμα) et probablement l’άντιχέλυσμα. Ce puissant assemblage de pièces de bois était nécessaire, d’abord pour que le navire ne souffrît point quand on le tirait à terre, ensuite pour lui donner plus de stabilité à la mer, enfin pour que la carène résistât à la secousse formidable qu’elle recevait, quand on enfonçait l’éperon dans le flanc du navire ennemi. Nous montrerons plus loin que l’arme la plus terrible de la trière était l’éperon, et que le navire out entier était construit de façon à lui donner toute sa puissance.

Pour ce qui est de la forme même, la quille était autrefois très renflée[33]. Elle a conservé longtemps ce renflement primitif, comme l’indiquent une belle monnaie d’Antigonos Gonatas et des monnaies de Phasélis, de Leukas, de Corcyre, de Samos, etc.[34] Il est beaucoup moins sensible sur une monnaie de Séleucus[35] et semble absolument nul sur une monnaie de la république romaine[36]. Toutefois je n’oserais pas affirmer aussi résolument que Graser, dans son De re navali, que la quille de la trière athénienne fût entièrement horizontale. La trière était plus lourde et avait un plus fort tirant d’eau à l’avant qu’à l’arrière. La quille était vraisemblablement renflée en dessous et formait avec l’étambot une ligne courbe continue.

L’étrave n’était pas moins importante et ne devait pas être moins solidement construite que la quille. On appelle étrave[37] une pièce de bois forte, recourbée en dedans et plantée à l’extrémité antérieure et dans le plan de la quille qu’elle continue. C’est sur cette pièce, qui souvent, au lieu d’être d’un seul morceau, est composée de plusieurs pièces unies par des écarts pratiqués à leurs bouts, que repose en partie l’édifice de la construction de la proue. L’étrave fatigue beaucoup dans tous les navires, puisque c’est elle qui, pendant la marche, reçoit le choc de la vague ; elle doit surtout être solide dans un navire à éperon dont l’avant est destiné à aborder l’ennemi. Elle est donc renforcée par la contre-étrave[38], pièce de bois dont on double l’étrave en dedans pour la consolider, et pour lier ensemble le brion et les pièces composantes de l’étrave, quand celle-ci est composée. Dans les grands navires, la contre-étrave est une suite de morceaux solidement aboutés l’un à l’autre.

La figure 1, empruntée au Glossaire nautique de Jal, article Etrave, représente une étrave moderne.

L’étrave portait chez les Grecs le nom de στεΐρα. Les lexicographes la confondent à tort avec la quille’ dont elle est en réalité le prolongement, et avec laquelle elle forme un angle qui varie selon le système de la construction. C’est une erreur dans laquelle Eustathe est tombé[39], στεΐραν δέ τήν τρόπιν λέγει, Suidas donne de ce mot la même explication[40], καί ή τρόπις τοΰ πλοίου. Le vers même d’Homère qu’ils interprètent[41] aurait dû les mettre en garde contre cette erreur :

Et, pendant la course du navire, le flot sombre retentissait bruyamment contre l’étrave.

En effet, ce n’est pas contre la quille, c’est contre l’étrave que le flot écume et se brise pendant la marche du bâtiment. Pour Hesychius, qui n’a point partagé cette erreur, la guipa est une pièce de bois proéminente à l’avant dans le plan de la quille : τό έξέχον τής πρώρας ξύλον κατά τήν τρόπιν[42]. La contre-étrave, destinée à renforcer l’étrave, s’appelait φάλκης, comme le dit expressément Pollux[43], qui entend par ce mot une pièce de bois appliquée sur l’étrave et de laquelle part la carlingue. L’extrémité de l’étrave, vers l’avant, s’appelle προευβολίς ; au-dessous de l’étrave se trouve l’éperon ; l’étrave est précisément comprise entre la προευβολίς et l’éperon. Nous verrons, quand nous nous occuperons de la forme de l’avant, combien cette définition est exacte et claire. Nous verrons également que l’étrave des navires anciens différait sensiblement, par la forme, de celle des navires modernes.

L’étrave, telle que nous venons de la décrire, ne serait peut-être pas suffisamment robuste dans un navire à éperon comme la trière. Cette considération nous permettra de corriger un passage de Pollux resté jusqu’à présent incompréhensible. Pollux, revenant sur l’étrave et sur la contre-étrave au chapitre 86 du livre I, dit : τή δέ στείρα προσηλοΰται ό καλούμενος φάλκης . ένδοτέρω δέ έστιν έκατέρωθεν ή έφολκίς, ήν καί ρινωτηρίαν καλοΰσιν. Le mot έφολκίς, qui signifie une chaloupe remorquée par un navire, n’offre évidemment aucun sens ici, et il a été introduit dans le texte à la place d’un mot dans lequel entrait vraisemblablement le radical de φάλκης. Or, nous lisons dans Hesychius : άντιφολκός . μέρος τής πολεμικής νεώς. Il est probable qu’il faut lire dans les deux passages άντιφάλκης et entendre par là une pièce de bois destinée à arc-bouter à droite et à gauche la contre-étrave.

Ainsi l’avant de la trière avait pour membre principal, supportant tout le reste de la construction et en particulier l’éperon, un assemblage de trois pièces de bois qui se renforcent l’une l’autre : l’étrave (ή στεΐρα), la contre-étrave (ό φάλκης), et l’άντιφάλκης qui maintient et solidifie la contre-étrave[44].

L’arrière était édifié sur l’étambot, comme l’avant sur l’étrave. On appelle étambot[45] une pièce de bois droite et forte qui, élevée à l’extrémité de la quille d’un vaisseau, termine l’arrière de sa carène et son plan diamétral. L’étambot est fortifié par le contre-étambot[46], pièce de bois dont on recouvre l’étambot soit à l’intérieur, soit à l’extérieur du navire. Le contre-étambot extérieur fortifie l’étambot, en même temps qu’il porte les ferrures du gouvernail ; le contre-étambot intérieur fortifie à la fois l’étambot et l’arcasse. L’arrière de la trière avait, comme nous le verrons, des formes assez différentes de celles du navire moderne, mais nous retrouvons dans Pollux la mention de deux des pièces de charpente principales que nous venons de décrire[47] : La pièce de bois qui partage l’arrière en deux est l’étambot (άσάνδιον) ; sa partie intérieure est le contre-étambot intérieur (ένθέμιον). Quant à l’hypothèse de Graser[48], qui identifie l’έπισεΐον avec le contre-étambot extérieur, elle se justifierait à la rigueur par le texte de Pollux, en repoussant la correction de Jungermann que j’ai adoptée ; mais elle n’est pas nécessaire. Nous verrons plus loin qu’il y avait dans la construction de l’arrière une pièce de charpente spéciale à la marine grecque et assez importante pour que nous soyons tentés de lui chercher un nom. C’est Précisément ce nom que je trouve dans le passage de Pollux.

§ 3. — De la membrure du bâtiment. Les varangues. Les allonges, les côtes et les couples.

La carène d’un navire est composée d’un certain nombre de grandes c6tes implantées par leur pied dans la carlingue, et qui, sous l’enveloppe du bordage, forment la carcasse du bâtiment. Ces côtes se répondent exactement de chaque côté du navire, et deux d’entre elles forment un couple. Dans les grands navires, le couple est composé de plusieurs pièces qu’on nomme varangues et allonges. La varangue[49] est une pièce de bois courbe qui, par son milieu, se fixe sur la quille et sert de base aux allonges dont se compose le couple. L’ensemble des varangues forme le squelette du fond du navire. On appelle allonge[50] toute pièce de bois qui sert à en allonger une autre. La composition des couples d’un navire admet plusieurs allonges, parce qu’il est impossible de faire d’un seul morceau ces grandes côtes, soutiens des flancs du bâtiment. L’allonge de revers est celle qui termine le couple à sa partie supérieure et rentre vers l’intérieur du bâtiment. Les allonges ne seraient pas suffisamment liées entre elles ni avec les varangues, si elles n’étaient pas maintenues par des genoux[51], pièces de bois courbes que, dans la construction d’un couple, on applique latéralement sur la varangue et l’allonge ou sur deux allonges successives pour les lier et les fortifier. Ainsi la varangue avec les allonges et les genoux forme une côte ; la côte prend aussi le nom de membre ; deux membres correspondants composent un couple. L’ensemble des membres porte le nom de membrure.

La figure 2, empruntée au Glossaire nautique de Jal, article Allonge, représente la moitié d’un couple.

Graser[52] donne de ces diverses pièces des appellations en grande partie erronées. S’il admet avec raison que les Grecs désignaient les couples par le mot d’έγκοίλια, il croit que la dénomination technique était τροπίδες, bien que ce terme fût peut-être réservé aux allonges, que les allonges de revers s’appelaient τροπίδια et les varangues δίοχοι. Nous avons déterminé trop nettement, par le témoignage des lexicographes, le sens du mot τροπίδια, pour nous arrêter à démontrer maintenant qu’il n’a rien à voir avec les allonges de revers. Le sens donné par Graser au mot τροπίδες n’est qu’une conjecture purement gratuite ; nous avons rayé ce mot du passage de Pollux (1, 85). Quant aux δίοχοι, si l’on veut s’autoriser d’un texte de Procope[53] pour y voir les varangues, il ne faut pas oublier que, selon l’auteur même, est un terme poétique, et que, d’après l’identification qu’il en fait avec les νομεΐς, il signifie plutôt les couples.

Le nom de côtes donné aux membres du bâtiment est une figure si naturelle qu’elle se retrouve dans toutes les langues. Pline[54] compare ces pièces de bois fixées sur la quille aux côtes de l’animal qui partent de l’épine dorsale. Nous n’avons donc pas à insister sur l’identification des έγκοίλια avec les couples, qui se présente d’elle-même. Théophraste[55] nous apprend qu’on les faisait d’épine noire, bois solide et qui ne pourrit pas facilement. C’est par plaisanterie qu’Aristophane[56] applique aux couples un nom analogue à leur nom technique d’έγκοίλια, celui d’έντερόνεια. Le Scol. dit qu’on entend par là les couples ou mieux les pièces de bois dont ils sont composés. D’après Suidas[57], on appelle ainsi les couples, c’est-à-dire des pièces de bois qui partent de la quille dans une direction ascendante. Pollux fait allusion au même passage (2, 212), en constatant que le nom habituel des couples est έγκοίλια. Le mot est du reste expliqué avec toute la netteté désirable par le texte de Suidas.

On désignait également les couples par le mot νομεΐς[58]. Nous lisons en effet dans Photius : νομής . έγκοίλια πλοίου. Hesychius[59] les définit d’une manière un peu vague : pièces de bois courbes, ξύλα περιφερή. Mais ailleurs[60] il est plus explicite : νομεΐς . ... έγκοίλια τών πλοίων. C’est également le sens qu’il faut donner à ce mot dans deux passages malheureusement altérés d’Hérodote.

Il s’agit dans le premier[61] des barques fluviales construites en Arménie, et sur lesquelles les habitants du pays apportent leurs marchandises à Babylone. Elles sont rondes et entièrement recouvertes de cuir. On en fabrique les côtes, dit Hérodote, avec du bois de saule qu’on coupe ; on étend dessus, à partir du fond, des peaux de bêtes qui forment le revêtement extérieur ; ces barques n’ont ni arrière de forme distincte ni avant effilé ; elles sont toutes rondes, comme un bouclier. Dans le second passage[62], Hérodote décrit ainsi la façon dont les Égyptiens construisent leurs navires : Ils coupent des morceaux de bois d’épine, longs de deux coudées, et les couchent les uns sur les autres comme on fait des briques ; ces pièces de bois sont traversées par de longues et fréquentes chevilles ; la construction terminée, on les relie par en haut au moyen de baux ; ils ne font pas usage des couples ; à l’intérieur ils bouchent les jointures avec du papyrus.

Il ressort de tous ces passages que l’ensemble des couples s’appelait έγκοίλια, mot auquel Aristophane substitue par plaisanterie celui d’έντερόνεια. Chaque membre ou côte prenait aussi le nom de νομεύς.

Je n’ai rien trouvé dans les lexicographes qui corresponde au genou ; mais nous pouvons rendre aux varangues leur véritable nom. Les marins de tous les temps ont, par des figures hardies et populaires, comparé le navire au corps de l’homme ou des animaux. C’est par suite de cette disposition d’esprit que les Grecs appelaient quelquefois la quille μήτρα. La partie la plus intime du navire, celle qui est plus particulièrement destinée à en relier toutes les parties, dit le Scol. d’Aristophane[63], c’est la quille, τρόπις, que d’autres appellent aussi μήτρα. Le fait est attesté à peu près dans les mêmes termes par Suidas[64]. Les expressions dont se sert le Scol. d’Aristophane nous permettent de rétablir un passage mutilé de Strabon[65] : Ces navires tiennent mal la mer, parce qu’ils ont une voilure défectueuse et sont construits de manière que les côtes se rejoignent, sans qu’il y ait de quille. Etant donné ce sens de μήτρα, nous comprendrons facilement le passage suivant de Pollux[66] : καί τό μέν έδαφος τής νεώς (καί) κύτος καί γάστρα καί άμφιμήτριον. Nous voyons que l’άμφιμήτριον devait tenir de près au plancher inférieur et au renflement de la carcasse du bâtiment. D’autre part, Hesychius[67] dit qu’on appelle ainsi les pièces de bois implantées sur la quille des deux côtés. C’est là précisément la définition des varangues ; l’identification est du reste confirmée par l’étymologie du mot et par l’explication du Gramm. des Anecd. Ox. de Cramer[68]. Il dit, en effet, que les άμφιμήτρια sont les pièces de bois qui se trouvent des deux côtés de la quille, et que leur nom vient de μήτρα.

§ 4. — Les baux. Le pont supérieur et le faux-pont. L’entrepont et la cale.

Les grandes côtes du navire sont, par leur partie inférieure, assujetties dans les cavités de la carlingue. Elles sont, en outre, reliées entre elles à leur partie supérieure par les baux et les barrots. On donne le nom de bau[69] à chacune des poutres qui soutiennent les planchers ou ponts du navire. Le bau ne sert pas seulement à supporter un pont ; il lie l’un à l’autre les deux côtés du bâtiment, ce qui explique le nom de chaîne, qui lui a été donné pendant le moyeu âge. Si les baux lient les deux flancs, ils les empêchent aussi de se rapprocher et par là consolident doublement l’édifice. Les barrots sont des solives qui remplissent le même office que les baux, mais ils sont moins gros. Dans un navire de grandes dimensions, les couples ont besoin d’être reliés en d’autres points qu’à leur extrémité supérieure, et, pour utiliser la cavité du vaisseau, il faut bien la partager en étages par des planchers horizontaux. On établit donc à une certaine distance au-dessus de la cale une série de baux, qui supporte un pont allant d’un bout à l’autre du bâtiment. Ce pont s’appelle le faux-pont, et les baux qui les supportent les faux-baux. L’espace laissé entre le faux-pont et le pont supérieur soutenu par les baux s’appelle l’entrepont ou, par abus, le faux-pont. Les baux sont assujettis aux couples par des courbes. On nomme courbe[70] une pièce de bois ou de fer coudée sous un angle plus ou moins grand. Elle sert de liaison entre certaines autres pièces ; et, par exemple, pour lier les baux à la muraille du navire, on établit des courbes dans l’angle formé par la muraille et chacune des poutres.

Le nom des baux nous a été conservé par Pollux (I, 92). On appelle περιτόναιον, dit-il, ce qui réunit par en haut les deux flancs du navire. Nous trouvons là une de ces métaphores hardies qui forment le fonds de la langue des matelots et sur lesquelles nous aurons à chaque instant l’occasion de revenir. La concavité du navire était comparée par les marins au ventre d’un animal : κύτος καί γάστρα selon l’expression de Pollux[71]. Le Scoliaste d’Apollonius de Rhodes dit, en parlant du navire Argo, qu’il renferme ceux qui le montent, comme une mère porte ses enfants dans son sein. Or le péritoine (περιτόναιον) est une membrane qui tapisse tout le ventre à l’intérieur. On comprend que les marins aient assimilé au péritoine l’ensemble des baux et des barrots qui supportent le pont supérieur.

Il y avait toutefois, pour désigner les baux, un autre terme qui remontait aux premiers âges de la marine grecque, celui de trieci. Dans les navires primitifs et non pontés, les couples étaient, leur extrémité supérieure, réunis par des poutres qui servaient en même temps à asseoir les rameurs. C’est ainsi qu’étaient construites l’Eikosore, la Triakontore, la Pentékontore. La double fonction des raya est nettement indiquée par Eustathe (1731, 64) : ils servent à la fois à joindre les flancs du bâtiment et à fournir une place aux rameurs. Il s’exprime d’une façon aussi précise ailleurs[72] : on appelle ζυγά ces longues poutres qui rattachent l’un à l’autre les flancs du navire et les maintiennent comme un joug. Il dit encore que les ζυγά portaient aussi le nom de κληίδες, parce qu’ils jouaient dans la construction le rôle de véritables clés, et identifie les épithètes πολύζυγος, πολύεδρος, πολυκλήϊς et πολύδεσμος. Ainsi dans la barque homérique, qui n’était pas pontée sur toute sa longueur, mais qui ne devait offrir qu’un demi-pont à chaque extrémité, et qui avait tous ses rameurs rangés à la même hauteur le long de chaque bord, le mot ζυγόν avait un double sens, celui de bau et celui de banc. La figure de la pl. I, empruntée à un vase grec peint provenant d’Athènes et remontant à la plus haute antiquité[73], nous montre le navire primitif. Sur un fragment de vase inédit analogue, appartenant à M. O. Rayet, qui le fait remonter à l’époque où les Cariens étaient les maîtres de l’Archipel, on voit tous les rameurs à leur poste, rangés le long du bord.

A l’époque de la puissance d’Athènes, le mot ζυγόν n’avait pas disparu de la langue maritime, mais les deux objets qu’il désignait étant devenus très différents, il en est résulté une confusion qui n’a pas peu contribué à égarer les savants et à fausser les restitutions de la trière. En effet, dans les navires à plusieurs rangs de rameurs superposés, la distance en hauteur entre les divers rangs devait être très petite ; si donc les rameurs avaient continué à être assis sur les baux,. il aurait fallu multiplier ceux-ci sans nécessité et ils auraient rempli tout l’entrepont, de sorte qu’on n’aurait su où loger l’équipage. Il en résulta que le mot ζυγά ou quelquefois ζυγοί désigna dès lors des objets assez divers. Agathias (4, 21) entend par là des baux quand il dit : on établit en travers et par en haut des pièces de bois droites faisant l’office de ζυγά et recouvertes de planches[74]. Et quand, dans Thucydide[75], les Corcyréens, surpris par les Corinthiens, remettent leurs navires en état, ils s’empressent de substituer des baux neufs aux anciens pour consolider ceux de leurs navires dont la carène était fatiguée. C’est bien ainsi que l’entend le Scoliaste. Mais il a le tort de confondre avec cette réparation une autre opération également nécessaire, et qui consiste à rétablir les bancs des rameurs, qu’on enlevait habituellement des navires, lorsque ceux-ci étaient retirés à terre et qu’on les dépouillait de leurs agrès. On comprend, en effet, qu’on détache les bancs des rameurs des navires rentrés dans les arsenaux ; mais comment imaginer qu’on touchât à des parties aussi essentielles que les baux ?

Le mot ζυγά ou ζυγώματα subsistait donc à l’époque de la guerre du Péloponnèse dans le sens de baux ; mais, puisque nous connaissons par Pollux la dénomination des baux supérieurs, il ne nous reste plus qu’à adopter la conjecture de Graser[76], qui entend par là les faux-baux. Quant au mot στρωτήρ par lequel Graser désigne les baux, il est impossible de l’accepter ; en effet les baux sont de fortes pièces de bois qui vont d’un bord du navire à l’autre ; or, d’après Suidas et Harpocration, on entend par στρωτήρες des solives légères que, dans un édifice, on pose sur les colonnes ou les grosses poutres pour soutenir le toit.

Toutes les pièces de charpente qui composaient le bâtiment devaient être très solidement assemblées pour résister aux coups de mer, au choc du navire ennemi, au frottement contre le sol quand les trières étaient tirées à terre. Graser[77] a cru reconnaître les courbes dans les γομφοί, terme fréquemment employé dans la langue nautique. Ce n’est qu’une conjecture très hasardée. Ce que nous savons à coup sûr, c’est que les constructeurs anciens faisaient un grand usage des chevilles de fer et de bois. On appelle cheville[78] un morceau de fer ou de bois, cylindrique ou quadrangulaire, généralement peu gros et peu long, dont on se sert pour lier ensemble les pièces qui entrent dans la composition d’un navire et dans les ouvrages de menuiserie. Pollux (1, 84) cite parmi les matériaux nécessaires à la construction du navire : ήλοι, γόμφοι. Le premier désigne les chevilles de fer. Hesychius : ήλοι . καρφία σιδηρά. Nous voyons sur les monuments figurés la tête de celles qui fixent le bordage sur le flanc du navire. Le second s’applique aux chevilles de bois : Et. M. : γόμφος . κυρίως τό ξύλινον καρφίον[79]. Elles jouaient un grand rôle dans la construction du navire. Eschyle[80], en parlant d’un vaisseau, l’appelle γομφοδέτω δόρει. Apollonius de Rhodes[81] nous dit qu’elles maintiennent les diverses parties du navire Argo, de façon qu’il puisse braver l’effort de tous les ouragans[82]. C’est au moyen de fortes chevilles de bois qu’étaient implantées sur la quille les diverses pièces de la membrure du bâtiment[83].

La trière n’est pas assez élevée au-dessus de l’eau ni de dimensions assez considérables, pour que nous lui supposions autre chose qu’un faux-pont et un pont supérieur. Les mots dont on se servait pour les désigner avaient eu, appliqués aux barques des temps primitifs et même aux navires de commerce, un sens un peu différent. Ainsi le fond de cale s’appelait έδαφος. C’est le terme qu’emploie Démosthène[84], lorsqu’il parle du patron d’une barque de commerce, Hégestratos, qui veut couler son navire en pleine mer et qui, pour cela, fait un trou à la cale : διέκοπτε τοΰ πλοίου τό έδαφος. Mais, d’autre part, έδαφος signifiant proprement le sol, le plancher que nous avons sous les pieds[85], rien n’empêche de l’appliquer au faux-pont des trières. Quant au pont supérieur, ou l’appelait κατάστρωμα. Dans les navires primitifs, qui n’étaient pas pontés sur toute leur longueur, le mot s’employait au pluriel et désignait les deux demi-ponts de l’avant et de l’arrière[86]. C’était le poste où se tenaient principalement les soldats pendant le combat[87].

L’entrepont portait, d’après Pollux (1, 92), les noms de κοίλη ναΰς, κοΐλον σκάφος. Ce sont là les expressions qu’on oppose perpétuellement à celle de pont supérieur[88]. Nos renseignements sont très pauvres pour ce qui concerne l’aménagement de l’entrepont des trières. Il est probable qu’il contenait des logements pour l’équipage, bien que le navire ne fût pas, comme chez nous, constamment habité et que l’équipage descendît à terre le plus souvent possible. Il y avait, ainsi que dans le navire d’Hiéron, mais évidemment en moins grand nombre et de dimensions moins considérables, des chambres (οίκήματα)[89]. Il n’est pas vraisemblable que la trière contînt, comme ce navire de proportions colossales[90], des appartements composés de plusieurs pièces (δίαιται).

La cale est[91] l’espace qui, dans l’intérieur d’un navire, est compris entre la carlingue et le premier pont ou faux-pont, de l’étrave à l’étambot, c’est-à-dire dans toute la longueur du bâtiment. La cale est divisée en plusieurs compartiments. La cale contenait d’abord le lest, c’est-à-dire un assemblage de matières lourdes destiné à augmenter la stabilité du bâtiment. Le lest s’appelait en grec ΐρμα. On désigne ainsi, dit Eustathe (140, 16), certaines matières qu’on met dans le navire. Et, complétant ailleurs (1075, 33) cette explication un peu vague, il ajoute qu’on entend par là ces choses pesantes indispensables pour empêcher le navire de chavirer[92]. Un des compartiments de la cale porte le nom de cale à eau, parce qu’on y amarre les caisses remplies d’eau douce nécessaires à l’équipage. Si nous transportons à la trière ce que nous savons du navire d’Hiéron, nous conclurons que la cale à eau s’appelait ύδροθήκη[93] et qu’elle était située à l’avant.

C’est également à l’avant que se trouvait la sentine, comme nous l’apprend le passage, où Pollux (I, 92), énumérant diverses parties du navire et allant de l’arrière à l’avant, dit : εΐτα παρεξειρεσία, έμβολον, άντλον. La sentine[94] est le fond de la cale où se réunissent les eaux qui entrent dans le navire ; on entend aussi par là l’eau croupie qui s’y corrompt. Nous savons que dans la marine grecque un poste, pris parmi les hommes de l’équipage, était chargé de veiller à ce que la sentine ne fût jamais trop remplie ; on les appelait : οί τάς άντλίας φυλάττοντες[95].

Le mot άντλία signifiait à la fois, comme le mot français sentine, les eaux croupies du navire et l’endroit où elles s’amassaient[96] ; on entendait, en outre, par là les seaux qui servaient à les épuiser[97]. Il avait pour synonyme, dans ces trois significations, le mot άντλος ou άντλον, comme le constate le Grammairien publié par I. Bekker[98] : άντλος . ή άντλία. Les seaux portaient encore les noms de : άντλίον, άντλημα, άντλητήρ, άντλιαντλητήρ, άντλητήριον, κάδος, καδίσκος, γαΰλος[99].

La corde à laquelle ces seaux étaient suspendus s’appelait ίμάς ou ίμονιά ; quand ils étaient en cuir, comme cela devait avoir lieu d’ordinaire pour éviter qu’ils ne se brisassent, ils prenaient par extension le nom d’ίμονιά[100]. Quand on vidait la sentine, les eaux sortaient par un sabord spécial qu’on nommait εύδίαιος[101]. Ce travail très pénible se faisait probablement avec accompagnement d’un chant monotone et fortement rythmé, comme ceux dont se servent encore aujourd’hui les matelots, pour accomplir ensemble certaines manœuvres qui demandent de l’unité dans l’effort[102]. Le navire d’Hiéron était muni d’une machine à épuisement inventée par Archimède, et qu’un seul homme pouvait mettre en mouvement bien que la sentine fût très profonde[103].

§ 5. — Le gaillard d’avant et le gaillard d’arrière.

On appelle, dans la marine moderne[104], gaillard d’avant et gaillard d’arrière, deux planchers partiels qui ne recouvrent que les extrémités antérieure et postérieure d’un bâtiment à une hauteur de cinq ou six pieds. On employait autrefois dans ce sens le mot château, qui a vieilli et qui a disparu de la langue de la marine à la fin du dix-huitième siècle.

Ces châteaux existaient sur les trières, comme l’attestent les monuments figurés, et s’appelaient, ainsi que nous l’enseignent les lexicographes, ΐκρια πρώρας et ΐκρια πρύμνης. On entendait par le mot ίκριον, dans la langue ordinaire, une construction en charpente, un échafaudage, en particulier ces tribunes, d’où l’on assistait au défilé d’une pompe religieuse ou aux représentations théâtrales, avant qu’on n’eût établi des gradins en pierre. On conçoit qu’on ait appliqué ce terme dans les navires aux constructions qui rehaussaient l’avant et l’arrière.

C’est sur le gaillard d’arrière que se trouvait le poste du timonier. Le timonier avait d’autant plus besoin d’être placé dans un endroit élevé, que ce n’était pas, comme chez nous, un simple matelot tenant la barre et obéissant aux ordres du capitaine. Dans la marine grecque, le κυβερνήτης avait rang d’officier ; c’est sur lui que retombait toute la responsabilité de la marche du bâtiment. Il fallait donc qu’il fût, comme notre officier de quart du haut de sa passerelle, embrasser d’un coup d’œil tout le navire et la mer alentour. Le poste du timonier s’appelait, selon Pollux (I, 89), άγκλιμα. Il semble que dans la marine primitive on lui donnait simplement le nom d’ίκριον. Hesychius[105] entend par ce mot le siége du timonier, ou les grands planchers transversaux du navire, ou encore les poutres verticales, placées à l’arrière et à l’avant, ainsi que les demi-ponts. Ces explications concordent, sinon dans les termes, au moins pour le sens général. Eustathe (1037, 32) donne également du mot plusieurs explications qui, au fond, reviennent au même. Les ΐκρια sont, dit-il, les demi-ponts ou, ce qui est plus clair, les planchers de l’avant et de l’arrière, ou encore les extrémités proéminentes des navires. Ce sont là des façons diverses d’exprimer la même chose, comme il le reconnaît formellement du reste (1471, 66) : on appelle ΐκρια les demi-ponts du navire, ou, ce qui revient au même, les planchers, et il ajoute qu’on désigne aussi par le même mot la partie du gaillard d’arrière où est le poste du timonier. Les lexicographes ne varient guère, et entendent toujours par ce mot les demi-ponts ou les appuis verticaux qui les soutiennent[106]. Ίκριον est donc l’ensemble de la construction en charpente qui forme les châteaux d’avant et d’arrière[107]. Certaines pièces constitutives de cet échafaudage figurent sous le nom d’ίκιωτήρες parmi les objets sortis des arsenaux athéniens et vendus[108].

Graser[109] considère les ΐκρια non comme des constructions accessoires ajoutées après coup aux deux extrémités du bâtiment, mais comme des planchers reposant sur la tête des couples de l’arrière et de l’avant qui étaient plus élevés que ceux du milieu du navire. Il donne à ces couples particuliers le nom de σταμΐνες. Tout en adoptant cette hypothèse pour la construction des châteaux, on peut se demander si l’identification qui l’accompagne est parfaitement exacte.

Nous remarquerons d’abord que le système de Graser semble justifié par les passages suivants d’Eustathe, qui confond les pièces verticales des ΐκρια avec les couples eux-mêmes[110] : On appelle aussi ΐκρια les couples du navire... Il nomme ici ΐκρια ces pièces de bois verticales qui sont aussi les couples... Ici le mot ΐκρια semble désigner les couples. Il faut donc admettre que les ΐκρια ne sont pas toujours distingués des couples au sommet desquels ils sont établis. D’autre part, les couples proprement dits et les σταμΐνες sont deux choses distinctes ; car, parmi les matériaux employés à la construction du navire d’Hiéron, Athénée (V, 40) cite γόμφους τε καί έγκοίλια καί σταμΐνας. Enfin la définition qu’en donnent les lexicographes nous permet d’appliquer ce mot aux montants verticaux qui, prolongeant les couples de l’avant et de l’arrière, supportaient les gaillards. En effet, pour le Grand Etymolog.[111], ce sont les demi-ponts sur lesquels on se tient, ou, suivant l’explication d’Aristarque, qui est plus nette et plus juste, des pièces de bois verticales semblables à des montants. Zonaras s’exprime presque exactement dans les mêmes termes. C’est une explication qui ne convient pas à de grands couples nécessairement courbes, mais qui peut s’appliquer à des allonges rectilignes. Eustathe nous donne du reste une idée parfaitement claire des σταμΐνες (1533, 25). Les échafaudages verticaux qui forment les gaillards sont, dit-il, soutenus sur tout leur pourtour et à l’extérieur par un grand nombre de σταμΐνες qui, faisant l’office des fils de la chaîne du tisserand, contribuent à l’édification du navire... Les anciens entendent par là de longues pièces de bois semblables à des montants qui, placées de chaque côté des ίκρια, les supportent. On dit aussi que ce sont des pièces de bois verticales qui, à la hauteur du plat-bord, font saillie de la muraille du navire. Ces dernières lignes nous permettent de donner le sens exact du mot σταμΐνες. Les couples de l’avant et de l’arrière se terminaient par des allonges verticales, qui supportaient le plancher des châteaux (ίκρια). Ce sont ces allonges qu’on désignait par le mot σταμΐνες.

La forme des gaillards est caractéristique et curieuse à étudier sur les monuments. Si l’on examine le navire primitif représenté sur la pl. I, on voit qu’il est fort bas sur l’eau au milieu, plus élevé à l’avant et à l’arrière. Sur le gaillard d’arrière était posté le timonier, comme l’indiquent les deux gouvernails très nettement figurés à leur place. Le gaillard d’avant est plus élevé que le gaillard d’arrière et se compose de deux étages, l’étage supérieur étant entouré d’une balustrade à jour. C’était là un poste de combat favorable, mais de dimensions fort restreintes. Aussi eut-on l’idée de rejoindre les deux demi-ponts de l’arrière et de l’avant par un grand plancher formant le pont supérieur[112]. C’est le progrès qui nous est attesté par le navire représenté sur la pl. II[113]. Bien que ce pont ne soit pas en perspective et que la naïveté du dessin en rende la position difficile à comprendre au premier abord, on voit qu’il courait dans toute l’étendue du navire à une certaine hauteur au-dessus du bord, et qu’il était supporté par des poutres verticales ayant vraisemblablement leur pied fixé dans les varangues.

Sur les monnaies qui ne nous représentent que l’avant du navire, le gaillard a l’aspect d’une caisse de souffleur ou d’une capote de voiture qui se trouve en arrière du στόλος sans faire corps avec lui, et qui parfois est ornée sur ses côtés d’arabesques peintes ou sculptées, un fleuron, un dauphin, un serpent, etc. Tel nous le voyons sur une monnaie de Démétrios Poliorkétès[114] et sur une monnaie de Mégare[115] reproduites ici fig. 3 et 4. Quand cet espace vide existe entre le στόλος et le château, la paroi antérieure du gaillard est verticale ; sur d’autres types, par exemple sur la monnaie de Sinope[116] reproduite ici fig. 5, les deux membres de la construction sont réunis ensemble.

Du côté qui fait face à l’arrière, l’ΐκριον présente dans sa paroi latérale une grande échancrure, et le plancher qu’il supporte s’avance considérablement au-dessus de la cavité du vaisseau. Il forme ainsi un vaste réduit sous lequel on pouvait, déposer les agrès ou abriter les hommes. En rapprochant ces monnaies d’un dessin de trière du cavalier dal Pozzo (reproduit ici, pl. IV, suivant les rectifications de Graser), Graser[117] a fait une observation curieuse. Le pont proprement dit est dans le prolongement du plancher supérieur horizontal de ce réduit concave. Le pont est donc ici de plain-pied avec le gaillard. Il en était sans doute ainsi dans les monnaies dont l’aspect pourrait nous tromper, parce qu’elles ne représentent que l’avant. Ainsi, en résumé, le gaillard d’avant, qui s’élève à la partie antérieure du vaisseau primitif, a été le premier poste de combat ; puis on imagina de le rejoindre au gaillard d’arrière par un long plancher qui, soutenu par des poutres verticales, courait sur toute l’étendue du navire. Le pont pouvait être un peu au-dessous de la ligne horizontale du gaillard, comme dans le vaisseau primitif de la pl. II, ou dans son prolongement exact, comme dans le dessin de la pl. IV.

Dans les deux navires primitifs de la pl. I et de la pl. II, le gaillard est à deux étages. Quand le navire est ponté, le second étage du gaillard fait encore saillie au-dessus du pont. On peut aussi établir à l’avant des échafaudages qui le rehaussent et auxquels s’applique en pareil cas le terme expia. Nous apercevons ces Gym formés de montants à jour non revêtus de planches sur des monnaies d’époques très diverses et qui nous présentent aussi bien des types très anciens que des types d’époque postérieure, par exemple sur une monnaie de Samos[118] reproduite ici, fig. 6, sur une monnaie de Leucade[119], fig. 7, ainsi que sur d’autres qui trouveront place dans le cours du présent ouvrage.

On alla plus tard jusqu’à élever des tourelles sur certaines parties du navire qu’on voulait défendre. Pollux (I, 92) nous apprend que dans les vaisseaux kataphractes on ajoutait, en les construisant, des charpentes servant à établir deux tourelles, l’une à tribord, l’autre à bâbord, au milieu desquelles se trouvait le καπάστρωμα : il ne précise pas le point exact où elles s’élevaient. Athénée (V, 43), dans sa description de l’Eikosoros d’Hiéron, dit qu’elle était munie de huit tourelles, deux à l’arrière, autant à l’avant, et quatre au milieu. Chacune de ces tourelles avait une machine destinée à lancer des pierres contre les assaillants, et était occupée par six hommes dont deux archers.

§ 6. — Le revêtement intérieur et extérieur du bâtiment. Les préceintes. Les hypozomata. L’hypobléma.

Lorsqu’on a construit le squelette du navire, on le borde, c’est-à-dire qu’on applique les bordages sur ses membres. Le bordage[120] est une planche plus ou moins épaisse qu’on applique sur les couples ou côtes du navire qu’elle croise, ou sur les baux et les barrots des différents étages. Les bordages composent un revêtement extérieur solide, et qu’on rend imperméable à l’eau en bouchant avec de l’étoupe tous les vides que laissent entre elles les planches placées au bout l’une de l’autre et l’une au-dessus de l’autre. Par extension on appelle aussi bordage l’ensemble des bordages ou planches qui recouvrent extérieurement le navire, forment sa carène, ses épaules, ses flancs, ses fesses et sont sur ses membres confine le derme sur les muscles du corps humain. À ce revêtement extérieur correspond un revêtement intérieur appliqué sur la face interne des couples : lés planches dont il est formé portent le nom de vaigres. Pour solidifier l’ensemble de la construction, on ajoute sur les flancs du navire des préceintes. La préceinte est[121] une série de bordages de bois de chêne, plus larges, plus épais et par cela plus forts que les autres, qui sert comme de ceinture au navire dont elle entoure les côtes, pour les maintenir à leurs places respectives et les lier solidement entre elles... Préceinte basse, préceinte haute sont les deux dénominations dont on se sert pour distinguer les préceintes l’une de l’autre.

Ces diverses parties constitutives du, navire se retrouvent dans la marine grecque avec d’autres agrès qui ne sont plus en usage chez les modernes. La paroi ou le flanc du navire s’appelait τοΐχος ou πλευρά. Les deux termes étaient synonymes, ainsi que nous l’indique Hesychius[122]. Il semble toutefois que le premier était le terme technique[123]. Comme chez nous, on distinguait le côté droit (τοΐχος δεξιός) et le côté gauche (τοΐχος εύώνυμος), en supposant le spectateur placé à l’arrière et regardant l’avant[124]. Pour ce qui est des bordages et des vaigres, nous ne connaissons pas d’autre terme que celui de σανίδες (planches) ; c’est le premier objet que nomme Pollux parmi ceux qui sont nécessaires à la construction du bâtiment[125]. On distingue très nettement chacun des bordages d’un navire représenté sur un bas-relief trouvé dans des fouilles faites pour rétablir l’ancien émissaire du lac Fucin, et publié plus exactement qu’il ne l’avait été jusqu’ici par M. Geffroy qui y voit une trirème[126].

La trière antique avait particulièrement besoin d’être entourée de fortes préceintes. Comme elle était de formes fines et allongées, elle se trouvait moins solide et moins résistante qu’un bâtiment plus ramassé ; elle était, en outre, garnie d’un grand nombre de rames, et l’effort de chacune de ces rames, agissant comme un levier sur ses parois pour vaincre la résistance des vagues et faire avancer le navire, devait singulièrement fatiguer la membrure ; enfin l’éperon devait être soutenu par de fortes pièces de bois horizontales dont il formait la tête. L’existence des préceintes intérieures nous est attestée par un passage d’Apollonius de Rhodes[127]. Il s’agit de la construction du navire Argo : Sur les conseils d’Argos, ils commencèrent par lier fortement, à l’intérieur, les parties du navire par une préceinte qui en épousait la courbure et qui s’étendait des deux côtés, afin que les bordages, bien assujettis par des chevilles, résistassent à l’effort des flots. Quant aux préceintes extérieures, elles sont très fréquentes sur les monuments figurés. Ainsi on en voit une très large et très forte le long de la carène du navire formant le piédestal de la Nikê de Samothrace[128], qui est reproduit, pl. V, d’après une photographie de M. P. Dujardin. Il y en a ordinairement deux principales : l’une à la hauteur de l’éperon, l’autre à la hauteur de la προεμβολίς, comme nous le montrent, la monnaie de Démétrios Poliorkétès, fig. 3, celle de Mégare, fig. 4, et une monnaie d’Antigonos Gonatas[129], fig. 8. Elles sont également visibles et paraissent fort larges sur la trière de l’Acropole, pl. III, ainsi que sur celle du cavalier dal Pozzo, pl. IV. Les navires marchands du bas-relief Torlonia en ont le premier une et l’autre deux ; il y en a quelquefois davantage, comme nous l’apprennent la monnaie de Leucade, fig. 7, où l’on en distingue quatre, et celle de Prusias-Kios, fig. 9[130], qui en présente trois. Enfin l’avant est quelquefois fortifié par des demi-préceintes, comme on le voit sur une trirème de la colonne Trajane[131].

Ces préceintes sont ordinairement mais non pas toujours horizontales. La préceinte supérieure est supportée par des espèces d’étais, dont le pied repose sur l’inférieure, et celle-ci, à son tour, est réunie à la quille par d’autres étais de même nature, ce qui donnait à la coque une solidité plus grande. Ces appuis sont verticaux dans la monnaie de Leucade, fig. 7. Ils sont penchés vers l’avant sur une monnaie de Samos[132], fig. 10, et vers l’arrière sur une monnaie d’Arados[133]. Du reste, dans les navires de la fig. 4 et de la fig. 10, ils ne sont pas parallèles, mais se rapprochent de la verticale à mesure quo, partant de la proue, on avance vers le milieu du navire.

Dans la trière de l’Acropole, pl. III, les appuis qui soutiennent la Parodos et se fixent par leur extrémité sur la préceinte supérieure sont environ deux fois plus gros que ceux qui relient les deux préceintes. Les uns et les autres sont fortement inclinés vers l’avant, et cette inclinaison se comprend d’elle-même, lorsqu’on songe à l’effort que faisaient les rameurs pour ramener la poignée de l’aviron en arrière. Ce mouvement tendait sans cesse à reporter en arrière le point d’appui de l’aviron ; c’est contre cet effort que résistaient les montants, qui reliaient les préceintes ; penchés en avant, ils faisaient l’office de véritables arcs-boutants.

Graser (Das Model..., p. 6) adopte pour les préceintes le nom de νομεύς, mot qui, comme nous l’avons vu, a une autre signification. Celui de ζωστήρ est mieux justifié. Outre qu’il signifie précisément ceinture, Bœckh[134] cite le passage suivant d’Héliodore qui est décisif : Le poids de la cargaison faisait monter l’eau jusqu’à la troisième préceinte (ζωστήρα).

Nous avons maintenant à parler d’un agrès qui a beaucoup embarrassé les savants et dont Bœckh a établi la nature d’une façon claire et définitive[135]. Il s’agit des ύποζώματα. T. Scheffer[136], égaré par le Scol. d’Aristophane[137], les a confondus avec les préceintes. En réalité ce sont de gros câbles[138] vraisemblablement aplatis et disposés à une certaine distance les uns des autres. On pouvait à volonté les mettre et les enlever, et ils formaient autour de la trière de fortes ceintures horizontales[139]. Ils avaient sur les préceintes cet avantage que, dans un choc, ils ne volaient pas en éclats. Un avant de navire en bronze, du musée de Berlin, publié par Beger[140], porte quatre ύποζώματα, un à la partie supérieure du bâtiment, les trois autres à la hauteur de l’éperon. En général ces câbles, qui font tout le tour du navire et passent sous les gouvernails, sont assujettis des deux côtés à la naissance des pointes de l’éperon. Tantôt les ύποζώματα sont détachés du navire et conservés dans l’arsenal : on les donne au triérarque au moment de mettre le navire à la mer ; tantôt, au contraire, le navire remisé dans l’arsenal en est muni[141]. Chaque trière avait quatre ύποζώματα. Quelquefois, pour une navigation dangereuse et sur une décision expresse du peuple, le triérarque en recevait deux de plus[142]. La Tessérakontère de Ptolémée Philopator en avait douze[143].

Un autre agrès dont il est question dans les inscriptions navales, et dont la nature n’est pas facile à déterminer, c’est l’ύποβλημα. Bœckh (Urkund., p. 160-161) se borne à faire observer que l’ύποβλημα étant toujours au singulier quand il ne s’agit que d’un navire, il est probable que chaque trière n’en possédait qu’un, qu’il n’en est jamais question pour les tétrères, et qu’à partir de la quatrième année de la 113e olympiade l’État ne fournit plus cet agrès au triérarque, même pour les trières. Graser (De R. N., § 82), s’autorisant de la préposition ύπό, qui entre dans la composition du mot, croit qu’il s’agit d’un prélart[144], qu’on appliquait sur la partie du navire où se trouvaient les sabords de nage, pour empêcher l’eau de pénétrer dans l’intérieur, lorsque, par suite du mauvais temps ou pour toute autre cause, on avait rentré les avirons. Ce prélart était sans doute assujetti, comme les ύποζώματα, à l’avant du navire et en faisait le tour en passant sous les gouvernails.

§ 7. — Les parties supérieures de la carène.

Il ne faut pas oublier que la trière est un navire construit d’une façon toute spéciale, et par suite très différent des créations de la marine moderne. La carène se partageait verticalement en trois divisions : au milieu l’espace garni de rames, puis l’avant et l’arrière, qui en étaient dépourvus. La partie garnie de rames s’appelait έγκωπον. Athénée (V, 37) nous apprend que dans le navire d’Hiéron l’έγκωπον se distinguait du reste du bâtiment par une ornementation particulière, et il résulte de ses expressions qu’on entendait par là le flanc du navire tout entier, depuis le pont jusqu’à la quille. D’après Pollux, l’έγκωπον portait aussi le nom de κωπωτήρ[145] : On appelle κωπωτήρ l’espace où se trouvent les rames. Les deux parties du navire qui, à la poupe et à la proue, n’étaient pas occupées par les rames, portaient chacune le nom de παρεξειρεσία. Si Suidas[146] et Hesychius[147] désignent plus particulièrement par là l’avant, cela vient du Scoliaste de Thucydide (VII, 34), qui parle d’un cas où il s’agit de la παρεξειρεσία de proue ; il ne faut pas séparer l’explication du passage expliqué. Ailleurs, au contraire[148], le Scoliaste dit formellement qu’on nomme παρεξειρεσία les parties du navire qui ne sont pas garnies de rames, c’est-à-dire l’extrémité de l’arrière et de l’avant.

Dans le navire primitif, les rameurs se trouvaient rangés le long du plat-bord, sur lequel étaient appuyées les rames. Le plat-bord[149] est une rangée de larges planches, qu’on fixe horizontalement sur le sommet de la muraille du navire dans toute sa longueur. Elles recouvrent la tête de tous les couples. On appelle aussi abusivement plat-bordet cette confusion est très ordinairele rempart vertical qui s’élève au-dessus de la rangée de bordages dont nous venons de parler. Dans le navire primitif, les tolets, auxquels les avirons étaient assujettis par l’estrope, étaient plantés dans le plat-bord, ou plutôt dans une planche clouée sur ce plat-bord et qu’on appelle toletière ou porte-tolets. C’est, dit Eustathe (1533, 41), la longue planche (έπηγκενίς) dans laquelle sont fixés les tolets et qu’on appelle ordinairement περίτονον, parce qu’elle court tout le long du bord. La toletière portait également le nom d’έπισκαλμίς[150]. Quant au plat-bord, on l’appelait τράφηξ[151], et, dans les grands navires, c’était une balustrade sous laquelle étaient percés des sabords qui donnaient passage aux avirons, à moins que ceux-ci ne fussent placés entre les barreaux.

Une des parties de la trière qui constitue une des inventions originales des constructeurs grecs, et dont rien, dans la marine moderne, ne peut donner une idée, c’est la Πάροδος[152].

Le couroir des galères du moyen âge, sans être identique avec la Πάροδος, la rappelle cependant jusqu’à un certain point. Dans les galères à rames, on établissait sur le pont ou couverte des courbes nommées baccalas qui, fixées par une de leurs branches sur le pont, faisaient, par leur autre extrémité, saillie en dehors du navire. La saillie étant considérable, les baccalas étaient renforcés en dessous par d’autres courbes moins longues qu’on appelait cousdelattes, et portaient à leur extrémité extérieure une longue et forte pièce de bois nommée apostis. Sur cette pièce de bois établie de chaque côté du bâtiment, et en dehors de ses parties essentielles, étaient plantés les escaumes des avirons. Entre les bancs de rameurs et l’apostis se trouvait un corridor très étroit qu’on appelait le couroir et où se tenaient les soldats. C’est à ce couroir que correspond, jusqu’à un certain point, la parodos des trières athéniennes.

Les textes ne nous donnent sur la parodos que fort peu de renseignements. Pollux (I, 88) nous apprend que c’était un couloir placé le long de la rangée des rameurs thranites. Athénée[153] mesure la plus grande largeur du navire d’une parodos à l’autre : άπό παρόδου έπί πάροδος ; il y en avait donc deux, une de chaque côté du navire, à la hauteur de la rangée des rameurs thranites ou un peu au-dessous. Les monuments figurés nous la représentent comme un couloir qui faisait saillie en dehors du bâtiment et qui surplombait sur la mer. On l’aperçoit très nettement et d’une façon très instructive sur le piédestal de la Nikê de Samothrace, pl. V. Ce couloir extérieur du navire est soutenu par des consoles supportées habituellement, à leur tour, par des appuis dont le pied est fixé dans une préceinte. Deux de ces appuis sont parfaitement visibles sur la monnaie de Leucade, fig. 7.

Graser[154] croit à tort que la parodos n’existait pas dans les trières aphractes. La trirème du lac Fucin, dont nous avons déjà parlé, est un navire aphracte puisque l’on voit distinctement les têtes des rameurs ; et cependant elle est munie d’une parodos. On peut voir également la parodos dans deux navires aphractes représentés sur des monnaies de Corcyre et de Nicomédie[155]. Enfin elle est très visible sur la trière de l’Acropole, pl. III. On pourrait, au premier abord, la confondre avec les préceintes qui courent au-dessous d’elle le long du bâtiment ; mais elle s’en distingue par un relief plus prononcé très visible sur le moulage de l’Ecole des Beaux-Arts, et qui a donné sur la photographie une ombre portée plus épaisse et plus noire. Elle est immédiatement au-dessous de la rangée des rameurs thranites, dont elle laisse apercevoir tout le corps à partir des genoux. Quant aux allonges de revers qu’on aperçoit entre chaque rameur, on voit, en considérant avec soin le bas-relief, qu’elles émergent non point de la parodos, mais du plat-bord qui est derrière ; elles vont rejoindre le pont supérieur qu’elles soutiennent en partie.

Ainsi la parodos, qui donne au navire grec un caractère tout particulier, existe dans les trières aphractes aussi bien que dans les kataphractes et s’étend le long de l’έγκωπον. Dans la kataphracte les rames thranites sortent par des sabords au-dessous de la parodos. Il en est quelquefois de même dans l’aphracte ; mais elles peuvent aussi être assujetties à un tolet sur le plat-bord et traverser la paroi de la parodos où elles ont assez de jeu entre les barreaux ou dans des trous pratiqués exprès ; je ne crois point qu’il faille chercher sur la parodos elle-même le point d’appui de l’aviron. Graser veut que la cavité ovale représentée dans la paroi de la parodos sur le piédestal de la Nikê de Samothrace soit précisément destinée à laisser passer la rame. Dans la trière aphracte le bord du navire est relativement bas : il disparaît donc derrière la parodos qui est à la même hauteur que lui. Ainsi la trière de l’Acropole le laisse deviner, mais ne le montre point ; car, d’après les lois de la perspective, il est caché par la parodos. Au contraire, dans la birème de Préneste[156], la parodos n’a point de parapet et deux guerriers y sont debout. Derrière est le parapet (τράφηξ) qui entoure le pont. Comme c’était primitivement une pavesade et sans doute pour rappeler cette origine de la construction, il est orné de loin en loin de boucliers. Bien que sur le dessin la perspective soit loin d’être parfaitement observée, on voit qu’on accédait de la parodos au gaillard d’avant par trois marches ; au-dessous de la parodos est un bordage plus épais que les autres, par lequel sortent les rames de la rangée supérieure. Dans la trière kataphracte les allonges de revers qui terminaient les couples et qui passaient par dessus la tête des rameurs thranites pour supporter le pont, étaient couvertes d’un bordage comme le reste du bâtiment. Habituellement la parodos reste à sa place, mais le plat-bord (τράφηξ) se trouve remonté à la hauteur du pont supérieur.

Les rameurs et les combattants, dans les navires aphractes, les combattants seuls, dans les kataphractes, avaient besoin, pendant la bataille, d’être protégés contre les traits de l’ennemi. Naturellement on songea d’abord à défendre la partie du corps des rameurs qui dépassait le plat-bord au moyen des boucliers des combattants. C’est la manœuvre qu’ordonne Jason dans le navire Argo[157] : Que dans tout le vaisseau un homme sur deux prenne place sur les bancs et manie l’aviron ; que les autres les couvrent en présentant à l’ennemi leurs boucliers de cuir qui arrêtent les traits, et assurent ainsi notre retour. Un joli modèle de navire en terre cuite, de style italo-grec, trouvé à Ardée et exposé au Musée du Louvre, nous montre précisément tous les boucliers rangés le long du bord qu’ils exhaussent, de façon à préserver au besoin l’équipage dans un combat naval. Il fournit ainsi comme une illustration toute naturelle du passage qui nous occupe. On peut, en outre, rapprocher de ce passage la glose jusqu’ici mal expliquée d’Hesychius : άσπιδεΐα . τάς πτυχάς τών άσπίδων . καί μέρος τής νεώς, τό πρός πρύμνα. Les άσπιδεΐα sont une espèce de pavesade. On appelait ainsi dans l’ancienne marine française[158] une rangée de boucliers ou pavois placés autour du navire pour faire un rempart aux combattants ; plus tard étoffe, toile étendue le long du plat-bord pour cacher à l’ennemi le pont du navire pavesade. On se servit aussi longtemps dans la marine française du filet de bastingage. On nommait ainsi[159] un filet fait de bitord et doublé de toile peinte, qu’on fixait verticalement au-dessus du plat-bord d’un navire, et dans lequel les matelots rangeaient leurs sacs et leurs hamacs, pour composer avec ces éléments une pavesade molle contre le feu de l’ennemi. Actuellement ces filets de bastingage ont été remplacés par une muraille haute et pleine, allant d’un bout du navire à l’autre et continuant ainsi verticalement le côté.

La marine athénienne passa par des vicissitudes analogues : là aussi nous trouvons tantôt un rempart plein, tantôt une balustrade protégée par des pièces d’étoffe. La parodos semble terminée par une paroi massive sur le piédestal de la Nikê de Samothrace. Un navire, représenté sur une gemme publiée par Graser[160], nous montre une parodos pleine, et au-dessus la balustrade à jour de la τράφηξ. Sur une monnaie de Nicomédie[161], la parodos est également pleine et recouverte d’ornements ronds sculptés qui ressemblent à des boucliers. Mais elle est à jour dans la trière de l’Acropole, pl. III ; sur une monnaie de Corcyre[162], il semble que l’artiste ait voulu figurer des barreaux entrecroisés. Sur une monnaie de Tarse[163], représentant un navire de commerce, la τράφηξ est composée de montants verticaux. Dans les vaisseaux de guerre, il fallait y suspendre, pendant le combat, de longues bandes d’étoffe ou de toile ; c’est ce qu’on faisait dans la marine athénienne au quatrième siècle avant Jésus-Christ.

Les inscriptions navales nous parlent de deux sortes d’agrès qui servaient à cet usage : les παταρρύματα τρίχινα et les παταρρύματα λευκά [164]. On les trouve au pluriel lorsqu’il ne s’agit que d’un navire (Inscr. IV) ; de sorte qu’on peut conclure que chaque navire en possédait deux de chaque sorte. Les agrès de la première espèce devaient être identiques avec les peaux dont parle Pollux (I, 120) ; il ajoute que pour se préserver des grappins et des faux emmanchées de l’ennemi, on clouait du cuir contre la muraille, afin que le tranchant du fer glissât et n’eût pas où se prendre. L’identification avait déjà été faite par les lexicographes. Suidas et Photius disent : παταρρύματα . δέρρεις, σκεπάσματα ; Hesychius, παραρ(ρ)υματα . δέρρεις. Les παταρρύματα τρίχινα étaient, sans contredit, des peaux de bête, et les παταρρύματα λευκά des morceaux de toile. Quant à la façon dont on les disposait, nous sommes réduits aux conjectures. Bœckh pense qu’on les plaçait les uns derrière les autres pour se renforcer réciproquement. Suivant cette indication, Graser[165] croit que les παταρρύματα λευκά étaient placés à l’extérieur de la balustrade et les παταρρύματα τρίχινα à l’intérieur, laissant entre eux un espace vide où devaient s’amortir les traits. Il me semble plus simple de supposer que les uns étaient, pendant le combat, appliqués à la πάροδος et les autres à la τράφηξ. Faire cette manœuvre s’appelait παραρρύματα παραβάλλειν[166]. Quant aux παραβλήματα dont il est question dans Xénophon[167] et dans l’Inscr. II, l. 31 (παραβλήματα κατηλώσ[αι]), ce sont, je crois, ces mêmes agrès désignés non plus par leur nom technique, mais par un nom plus général. Bœckh et Graser y voient à tort d’autres agrès analogues aux premiers, et dont la nécessité n’est pas démontrée.

Le κατάβλημα est cité au singulier dans les inscriptions navales, quand il s’agit d’un seul navire[168]. Les tétrères l’ont comme les trières. Graser[169] entend par là quelque chose d’analogue à notre tente, une toile étendue horizontalement au-dessus du pont avec des trous pour laisser passer les mâts, et destinée à protéger l’équipage des rayons du soleil et des traits qui pleuvent pendant le combat. Rien ne s’oppose à l’adoption de cette conjecture.

 

 

 



[1] Jal, Glossaire nautique, art. Cale.

[2] Ibid., art. Chantier.

[3] Ibid., art. Ber.

[4] Bœckh, Urkunden, ch. VI.

[5] Meine Messungen in den att-athenischen Kriegshäfen, v. B. Graser, Philologus, t. 31, 1872.

[6] S. v. δρύοχοι.

[7] Etymol. magnum, éd. Thomas Gaisford. Oxford, 1848. S. v. : δρυόχους.

[8] Ed. rom., p. 1878, 63, et 1879, 4.

[9] S. v. όρύακες.

[10] L. 1, v. 723, éd. Merkel.

[11] De Re Navali, § 81, et Das Model eines athenischen Fünfreihensehiffs..., p. 3.

[12] Dans Plut., Mor., p. 321, E, lisez δρυάτκων au lieu de δρυάδων.

[13] S. v. έπηγκενίγες.

[14] S. v. έγκενίδες.

[15] S. v. έγκαινίδες.

[16] S. v. έγκενίδας.

[17] S. v. έπηγκενίς.

[18] S. v. όρυόχους.

[19] S. v. τροπίδια. — Cf. Diodore de Sicile, 5, 12.

[20] Platon, Leg., VII, p. 281 [803, A]. — Le passage tel que le donnent les éditeurs n’offre pas de sens. Il faut lire : un constructeur, en établissant ses chantiers, dessine déjà la forme des bâtiments qu’il veut édifier. Τήν τής ναυπηγίας άρχήν est une glose expliquant τά τροπίδια, qui s’est indûment introduite dans le texte.

[21] Jal, Gl. n., art. Coque.

[22] Olynthiennes, B, 21.

[23] L. c.

[24] Jal, Gl. n., art. Quille.

[25] L’Auctor brev. schol. ad Hom. Od., B, 428, dit presque dans les mêmes termes que la quille est une pièce de bois qui sert de base à la construction de tout le bâtiment.

[26] Jal, Gl. n., art. Fausse-quille.

[27] Ibid., art. Carlingue, et art. Contre-quille.

[28] S. v. τρόπις.

[29] H. Pl., 5, 8 [7, 2 et 3].

[30] S. v. χέλυσμα.

[31] L. c.

[32] 1, 85. Lire άφ'οΰ avec Hemsterhuis et G. Dindorf au lieu de έφ'οΰ d’I. Bekker ; en effet, la contre-quille fait suite à la contre-étrave ou réciproquement.

[33] Cette courbure de la quille lui avait fait donner un nom particulier. Hesychius : χελώνη.

[34] Graser, Die ältesten Schiffsdorstellungen auf antiken Münzen. Pl. A, n° 171 b. Pl. B, n° 422 b, 253 b, 210 b, 392 b, etc.

[35] Ibid., Pl. C, 444b.

[36] Ibid., Pl. A, 1f. La plupart des pièces dont il est ici question sont reproduites dans le cours du présent ouvrage.

[37] Jal, Gl. n., art. Etrave.

[38] Ibid., art. Contre-étrave.

[39] P. 139, 40, cf. 1453, 14.

[40] S. v. στεΐρα.

[41] Iliade, A, 481.

[42] Hesychius, s. v. στεΐρα. Peut-être faut-il lire : τό έξέχον τής τρόπιδος ξύλον κατά τήν πρώραν, la pièce de bois qui part de la quille à l’avant.

[43] 1, 85. C’est en effet à la tête de l’étrave et non de la contre-étrave que se trouve la προεμβολίς.

[44] Pollux, 1, 86 et 87.

[45] Romme (1791) cité par Jal, Gl. n., art. Etambot.

[46] Jal, Gl. n., art. Contre-étambot.

[47] 1, 90. I. Bekker lit à tort σανίδιον au lieu de άσάνδιον, leçon de Hemsterhuis et de G. Dindorf. Graser, Das Model..., adopte έπισεΐον que donnent C. A. de seconde main, au lieu de έπιστίων. Les manuscrits portent ύπηρτημένον ; έπηρτημένον est une correction de Jungermann.

[48] Das Model..., p. 3.

[49] Jal, Gl. n., art. Varangue.

[50] Ibid., art. Allonge.

[51] Jal, Gl. n., art. Genou.

[52] Das Model..., p. 3 et 4.

[53] B. G., 4, 22, p. 628, A.

[54] H. n., 13, 10.

[55] H. Pl., 4, 2, 8. Cf. Pline, l. c.

[56] Chevaliers, v. 1185. Schol. ad h. l.

[57] S. v. έντερόνεια.

[58] Graser, Das Model..., p. 6, entend à tort par là les préceintes.

[59] S. v. νομέας.

[60] S. v. νομεΐς.

[61] I, 194, éd. Didot. Je lis άπ'έδάφεος au lieu de έδάφεος τρόπον, qui ne fait pas de sens et qui provient d’une distraction du copiste, dont les yeux se sont portés sur άσπίδος τρόπον qui suit.

[62] II, 96. La dernière phrase est altérée, comme l’indique le brusque changement de temps. On pourrait lire αύτών au lieu de έν ών ; mais la correction est peut-être insuffisante.

[63] Chevaliers, v. 1185.

[64] S. v. έντερόνεια.

[65] XV, 1, 15, C. Müller et F. Dübner, éd. Didot.

[66] 1, 87. Il faut ajouter καί avant κύτος ; Pollux ne veut pas en effet donner dans ce passage les noms divers de l’έδαφος. Έδαφος est un plancher, et κύτος signifie renflement. Les deux mots ne peuvent pas être synonymes. Le sens est : il y a dans le navire des parties qu’on appelle έδαφος, κύτος, etc.

[67] S. v. άμφιμήτρια.

[68] Vol. 2, p. 450, 21.

[69] Jal, Gl. n., art. Bau.

[70] Ibid., art. Courbe.

[71] I, 87 : Cf. le Scol. d’Apollonius de Rhodes.

[72] 223, 4. Ailleurs il énumère d’autres termes, σελμα et σελές, qui servaient à désigner la même partie du navire. 1041, 23. Ces explications si nettes sont le meilleur commentaire du passage plus court, de Pollux, I, 88.

[73] Il est reproduit ici d’après les Monuments inédits de l’Institut..., Vol. IX, Pl. 40, 3 (77).

[74] C’est également le sens que donne au mot Hérodote,           II, 96, dans le passage cité plus haut.

[75] I, 29. Scol. ad h., 1.

[76] Das Model..., p. 4.

[77] Ibid., p. 4.

[78] Jal, Gl. n.. art. Cheville.

[79] Cf. Hesychius : γομφία.

[80] Suppl., v. 846.

[81] Argon., 3, 343.

[82] Ailleurs, 2, 79, il emploie l’expression θοοΐς γούφοις, que le Scoliaste explique par : όξέσι.

[83] Lex. Rhet. I. Bekk., Anecd., 307, 9.

[84] C. Zénothém., p. 883.

[85] Pollux, 1, 8.

[86] Jal, Gl. n., art. Demi-pont. Pont qui n’est pas établi sur toute la longueur du navire ; pont construit à l’avant ou à l’arrière d’une barque.

[87] Hesychius : καταστρώματα.

[88] Hérodote, VIII, 119.

[89] Athénée, V, 42.

[90] Athénée, V, 41.

[91] Jal, Gl. n., art. Cale.

[92] Cf. Hesychius : άνερμάτιστος ναΰς.

[93] Athénée, V, 42. — Cf. Luc., V. Hist., 2, 1. — Ibid., 1, 5.

[94] Jal, Gl. n., art. Sentina et Sentine. On se servait également du mot sentine pour désigner un petit bateau de rivière qui servait à la pêche et qu’on employait aussi comme bateau de passage. — Cf. Hesychius : άντλία.

[95] Athénée, V, 12. — Cf. Aristophane, Cheval., v. 434.

[96] Scol. d’Aristophane, Cheval., v. 434. — Cf. Suidas : άντλία.

[97] Et. M. : άντλία. — Cf. I. Bekk., Anecd., p. 203, 9, et 411, 9.

[98] Anecd., 407, 4. Hesychius : άντλον. Eustathe cité par le Thesaur., au mot άντλον.

[99] Eustathe, 1728, 57. — Hesychius : ίμονιά. — Pollux, 10, 34.

[100] Eustathe, 1453, 7. — Et. M. : ίμονιά. — Hesychius : ίμονιά. — Cf. Scol. d’Aristophane, Eccles., v. 351.

[101] Photius et Suidas : εύδιαΐος. — Hesychius : εύδίαιον. — Pollux, I, 92.

[102] Suidas : ίμαϊον άσμα.

[103] Athénée, V, 43.

[104] Jal, Gl. n., art. Gaillard d’avant et Gaillard d’arrière.

[105] S. v. : ίκρία. — Cf. l’auteur anonyme des Termes desquels on use sur mer pour le parler (1681), cité par Jal, Gl. n., art. Dunette, qui dit en parlant de la dunette : C’est le plus haut de la poupe du navire : là est la chambre du maître-pilote, qui découvre de loin les dunes, d’où lui vient son nom.

[106] Zonaras : ίκριον. — Et. M. : ίκρία. — Suidas : ίκρία.

[107] Il est possible, comme le veut Bœckh, Urkund., p. 105, que ΐκριον ait aussi désigné le pont proprement dit. C’est du reste ce qu’indique Eustathe, 1533, 20. Ce que nous allons dire de la construction du pont fera comprendre cette extension du sens.

[108] Urkund., Inscript. XIV, e. l. 204, p. 507.

[109] Das Model..., p. 5.

[110] 1472, 1 ; 1528, 59 ; 1533, 23. — Cf. Schol. Med., Od., E, 163.

[111] S. v. σταμΐνες.

[112] Pline, H. N., VII, 57, 17.

[113] Ce second navire est emprunté comme le premier à un fragment de vase grec archaïque provenant d’Athènes et publié dans les Monuments inédits de l’Institut, tome IX, pl. 40, 4 (78).

[114] Graser, Die ältesten..., pl. A, 173b.

[115] Ibid., 265b.

[116] Ibid., 311b.

[117] Archæol. Zeit. N. F., 7e Band, 1875, p. 71 et suiv. et pl. 7.

[118] Graser, Die ältesten... Pl. A, 401b.

[119] Ibid., Pl. B, 253b.

[120] Jal, Gl. n., art. Bordage.

[121] Jal, Gl. n., art. Préceinte.

[122] S. v. τοΐχος.

[123] Eustathe, 1021, 13 ; 1729, 3. — Cf. Athénée, V, 43.

[124] Pollux, I, 88.

[125] Pollux, I, 84.

[126] Rev. archéol., t. XXXV, livr. de juillet, pl. 13.

[127] I, 367. Bœckh, Urkund., p. 137, n’a pas compris ce passage. Il faut conserver ένδοθεν qu’il désapprouve ; όπλον ne signifie pas nécessairement un câble. En effet, les inscriptions navales distinguent les σκεύη ξύλινα et les σκεύη κρεμαστά. Or Pollux, I, 93, dit : τά δέ σύμπαντα σκεύη όπλα καλεΐται. La préceinte intérieure était précisément un de ces όπλα ou σκεύη ξύλινα.

[128] V. sur cette base représentant un avant de navire la Revue archéol., N. S., 21° année, janv. 1880, p. 11-17 et pl. 2, et Neue archmologischen Untersuchungen auf Samothrake..., von A. Conze, etc., Wien, 1880, p. 52 et suiv., et pl. 60-63.

[129] Graser, Die ältesten..., Pl. A, 171b.

[130] Ibid., Pl. B, 326b.

[131] W. Frœhner, t. 3, pl. 112.

[132] Graser, Die ältesten..., Pl. B, 392b.

[133] Ibid., Pl. B, 539b.

[134] Urbund., p. 136. Héliodore, Æthiop., I, 1. — Cf. Const. Man., Chron., p. 99.

[135] Urkund., p. 133-138.

[136] De mil. nav., I, 4.

[137] Chevaliers, v. 279.

[138] Les inscriptions navales les rangent parmi les σκεύη κρεμαστά, Inscript., XI, c, I. 75 et suiv.

[139] J. Smith, trad. par H. Thiersch, Ueber den Schiffbau... etc., p. 30 et suiv., croit à tort que les hypozomes étaient des câbles qui entouraient la carène du navire dans la direction verticale.

[140] Thes. Brandenb., t. III, p. 406.

[141] Inscr. nav., IX, b, l. 26 et c, l. 9.

[142] Inscr. nav., XIV, a, l. 11 et suiv.

[143] Athénée, V, 37. — Platon, République, X, p. 616 c, compare la voie lactée aux ύποζώματα des trières.

[144] Jal, Gl. n., art. Prélart. Prélart, prélat, toile goudronnée ou recouverte de peinture, dont on se sert pour couvrir les marchandises ou les panneaux et les garantir de la pluie ou de l’eau de mer.

[145] I, 92. La correction de Graser, De R. N., § 19, substituant τροπόν à τόπον, montre qu’il n’a pas compris ce passage. Pollux y décrit les diverses parties du bâtiment, en allant de la poupe à la proue.

[146] S. v. παρεξειρεσίας.

[147] S. v. παρεξειρεσίαν.

[148] Scol. Thucydide, IV, 12.

[149] Jal, Gl. n., art. Plat-Bord.

[150] Pollux, 1, 87.

[151] Hesychius, τράφηξ. — Et. M. : τράφηξ. — Tzetz., ad Lyc., 641.

[152] J. Smith, traduit par H. Thiersch, Ueber den Schiffbau..., p. 42 et suiv., montre très bien l’utilité de la parodos.

[153] V, 37. Hesychius dit simplement : πάροδος . μέρος τι τής νεώς.

[154] De R. N., § 15.

[155] Graser, Die ältesten..., Pl. D, 239b (certains détails, la parodos en particulier, sont ajoutés d’après une autre monnaie du même type) et 319b.

[156] G. Winckelmann, Monumenti inediti..., 2e édit., 1821, t. II, part. IV, cap. XV, pl. 207. — La même birème est reproduite plus exactement dans Giov. Bat. Piranesi, Vasi, candelabri... etc., pl. 18.

[157] Argon., 4, 199.

[158] Jal, Gl. n., art. Pavesade.

[159] Jal, Gl. n., art. Filet de bastingage.

[160] Graser, Die Gemmen..., Pl. I, 82.

[161] Graser, Die ältesten..., Pl. D, 319b.

[162] Ibid., 239b.

[163] Ibid., 429b.

[164] Bœckh, Urkund., p. 159.

[165] Das Model..., p. 18.

[166] Xénophon, Hellén., I, 6, 19.

[167] Ibid., II, 1, 22.

[168] Bœckh, Urkund., p. 160.

[169] Das Model..., p. 18.