Mesures municipales après les barricades. — Changement du conseil de ville. — Élections. — Ordre de police. — Les clefs, les murailles. — Passeports. — Les étrangers. — Le feu. — Lettres aux villes. — Démarches auprès des ambassadeurs. — Paris aux Guise. — Adoption de la ligue par les royalistes.1588. Le mouvement politique qui se rapproche de Henri de
Navarre pour le porter à la couronne commence véritablement à la ligue. La
belle et catholique cité de Paris venait de s'affranchir par les barricades
du joug des politiques et d'opérer sa révolution municipale. Ce n'était pas
la première fois que, dans leurs annales, les bourgeois et les métiers
avaient secoué l'autorité du prévôt royal, et reconquis leurs bons privilèges
! Et qui ne se souvenait dans les parloirs, sous les voûtes de l'hôtel en
Grève, du brave et fier Marcel, de ce digne prévôt des marchands, trahi par
quelques mauvais conseillers qui livrèrent la ville à Charles VII, à la
gentilhommerie et à la garde écossaise ? Cette famille des Marcel vivait encore,
et s'était perpétuée sous le nom de Marceau, Martel, Paris prenait tout à fait les couleurs de la ligue et
secouait le dernier voile dont les bourgeois se couvraient encore. La première
opération du bureau de la ville fut de s'épurer lui-même, de placer partout
dans les fonctions de la cité de fervents catholiques dont la sainte-union
pût être assurée. Le peuple n'avait pas été satisfait de tout son conseil
municipal ; plusieurs échevins s'étaient en tendus avec Henri ni avant la
journée des barricades ; quelques-uns des colonels et dixainiers avaient
secondé secrètement les gardes suisses et françaises. Pouvait-on répondre de
ce conseil, une fois le roi hors de Paris ? Plusieurs d'ailleurs avaient
quitté la ville par suite de leur fidélité à Henri III ; d'autres ne
voulaient plus se rendre en l'hôtel de Grève pour délibérer. On dut prendre
une mesure, afin d'organiser la grande cité. Le
mardy 17 mai, les bourgeois, catholiques zélés, firent une assemblée en
l'hostel de la ville, sous la présidence du duc de Guise, pour procéder à la
déposition des chefs d'icelle suspects, ce qu'ils firent ; et déposèrent
singulièrement les gens de longue robe et ceux qui estoient officiers du roy,
pour ce qu'ils estoient, à leur dire, tous hérétiques. Sur quoy a esté résolu
de procéder incessamment à l'eslection à haute voix, et les voix sont tombées
sur le sieur de Marchaumont, chambellan de feu Monsieur et son ambassadeur en
Angleterre ; Nicolas Roland, cy-devant conseiller et général des monnoies ;
Jean de Compans, François de Costeblanche et Robert des Prés pour les eschevins.
On lut en pleine assemblée une lettre du cardinal de Bourbon, de laquelle la
teneur s'ensuit : Messieurs, ne pouvant aller en vostre hostel-de-ville à
cause de mon indisposition, j'ai prié M. de Guise, mon neveu, d'y vouloir
aller et adviser à tout ce qui sera besoin pour le repos de la ville et des
gens de bien. Votre très affectionné et très parfaict ami à jamais, Charles,
cardinal de Bourbon. Ce faict, mondict seigneur de Guise auroit exhorté
et prié ladicte compagnie d'adviser à l'eslection d'un autre prevost des
marchands qu'ils cognoistroient, à leur conscience, estre homme de bien, bon
catholique, et soigneux du bien de la ville. Par acclamations publiques on
élit Marteau, sieur de Les formes de respect envers la royauté étaient toutes
maintenues ; mais les magistrats de Paris, dans les intérêts de l'union, établissaient
une sorte de république municipale, tout entière dévouée au catholicisme.
Tout à coup, il se développa un système d'exécution contre les hérétiques ;
il suffisait qu'on dît d'un homme qu'il était huguenot, pour qu'on le
précipitât dans la rivière ; le bruit courait qu'on se débarrasserait bientôt
même des politiques. Il fallait faire profession d'un catholicisme ardent
pour échapper à cette surveillance municipale qui poursuivait les tièdes et
le tiers-parti royaliste. Tout était désormais dirigé contre l'hérésie. Les prevost des marchands et eschevins firent mettre sur
l'arbre qu'on brûle à Des mesures de police étaient également prises pour calmer
l'émotion après les barricades, et assurer le pouvoir municipal dans toute
son action. De par les prevost des marchands et
eschevins de la ville de Paris, il est ordonné que les clefs de toutes les
portes seront apportées au bureau d'icelle présentement, pour estre peu après
mises en mains de telles personnes que adviserons. Messieurs les capitaines,
lieutenans et enseignes, nous vous prions, lorsque serez en garde ès portes,
ne laisser sortir aucune personne, de quelque qualité et condition qu'ils
soient, gens de pied ou de cheval, avec armes ou sans armes, s'ils n'ont
passeport de l'un de nous. Il est ordonné au capitaine Régnier de faire bonne
et sûre garde sur la rivière, du costé du Louvre, de dix hommes, tant de jour
que de nuict, et pour ce faire, mettre un bateau, de sorte qu'il ne puisse
sortir ni passer aucun, de quelque qualité ou condition qu'il soit. M. le
président de Thou, colonel, nous vous prions de faire et faire faire par les
autres capitaines de vostre quartier, bonne et sure garde de nuict par vingt
personnes en chascune dixaine dudict quartier pour le service du roy et
sûreté de la ville de Paris. Sire Guillaume Parfaict, quartenier sur l'advertissement
reçu du décès de quelques capitaines et lieutenans et de l'absence d'aucun,
vous ayez à faire assembler de chascune desdictes dixaines en telle maison et
lieu que trouverez le plus commode, les bourgeois et habitans d'icelle,
lesquels procéderont à l'eslection desdicts capitaines et lieutenans, à la
pluralité des voix. Sur les remontrances faictes au bureau de la ville par
plusieurs capitaines et bourgeois, que quelques personnes incognues et sans
aveu s'ingéroient d'aller par les maisons tant de ceste ville que ailleurs
faire recherche et prise contre le bien et repos public, à quoy est besoin
pourvoir ; faictes très expresses inhibitions et desfenses à toutes
personnes, de quelque estat, qualité et condition qu'il soit, d'aller ni
entrer ès maisons de ceste ville et fauxbourgs de Paris. M. le président
Brisson, colonel, faictes recherches exactes par vos dixaines, appelant avec
vous tel nombre de bourgeois avec leurs armes que vous adviserez, ès maisons,
hostelleries, chambres garnies et collèges, pour savoir quelles personnes y
sont logées. Il est enjoinct aux capitaines des archers, arbalestriers et
arquebusiers, de faire bonne et sûre garde par vingt personnes de leur
nombre, alternativement les uns après les autres, en la maison et commanderie
du Temple pour la tuition et garde des poudres à canon, et les capitaines qui
entreront en garde à la porte Sainct-Anthoine feront faire ouverture de
ladicte porte entre cinq et six heures du matin, et la fermeture à neuf
heures du soir précisément ; ils bailleront les clefs au capitaine Leclerc
qui commande à Aussi avec quelle grande et belle sollicitude le nouveau conseil de ville ne veillait-il pas à la garde et à la protection des bourgeois ? On passait les nuits à l'hôtel en Grève ; on avait toujours peur de ces faux et maudits politiques, de d'Épernon et de cette gentilhommerie de cour sans conscience, qui pouvaient par ruse surprendre les portes, s'introduire au moyen de quelques traîtres bourgeois, et pénétrer jusque dans l'enceinte même de la cité. Et le conseil municipal ne se bornait point à des mesures intérieures ; il se hâtait de suivre son grand système d'union de ville à ville, qui seul pouvait donner une immense force aux résolutions de Paris. Il y avait longtemps déjà que la ligue existait de fait et de sentiment ; on s'entendait pour toutes les chances d'avenir, et il ne s'agissait que de régulariser cette impulsion. Les prévôt et échevins écrivirent à toutes les bonnes villes pour leur annoncer ce qui s'était passé dans leurs murs et appeler leur concours. La première dépêche dut être adressée aux petites cités environnantes, parce, qu'il était essentiel de s'assurer de leur aide dans la ligue municipale : A messieurs les maire et eschevins de la ville de Montereau-sur-Yonne. — Messieurs, nous vous prions très affectueusement de desputer et envoyer incontinent quelqu'un d'entre vous en ceste ville avec lequel nous puissions conférer de tout ce qui concerne nostredicte conservation, et sur ce, prendre ensemblement une bonne intelligence et correspondance à la gloire de Dieu et manutention de nos villes. Vos frères et bons amis les prevost des marchands et esche-vins de la ville de Paris. De semblables lettres furent adressées à Lagny et à Corbeil. Ensuite une dépêche commune à toutes les grandes cités fut rédigée en forme de circulaire : Messieurs, si vous n'estiez advertis des déportements du duc d'Espernon et autres partisans du roy de Navarre, nous aurions à présent trop de subjects pour en discourir ; mais nous nous contenterons de vous dire que bruslant du désir de s'emparer de nostre ville comme de la première du royaume et du siège de la religion catholique, ils ont, sous faux bruits et fausses impressions données à sa majesté contre M. de Guyse, faict entrer quatre mille Suisses en nos fauxbourgs avec force régiments de pied. De quoy M. de Guyse adverti est arrivé en plein midy, avec sept chevaux seulement, pour représenter au roy son innocence et la pureté de ses actions ; toutefois, au lieu d'y estre reçu, tels partisans de sa majesté ont fait appréhender à icelle quelque grand péril, encore qu'elle fust au milieu d'un peuple très fidèle ; ils ont de nuict faict entrer toutes les compagnies en la ville, lesquelles se seroient saisies des ponts et emparées de toutes les places au grand estonnement de ce peuple qui voyoit sa vie en danger, ses biens à la merci du soldat, et la religion catholique au point d'estre du tout perdue. Ce qui le fit résoudre à sa conservation, se barricader en toutes les rues, tendre les chaisnes, de sorte que ceux qui le pensoient surprendre se virent eux-mesmes surpris, el finalement recouvrirent la liberté de la ville et l'assurance de ladicte religion. De quoy leurs ennemis esfrayés, encore que Je peuple ne bougeast, auroient conseillé au roi de s'enfuir honteusement et abandonner sa maison sous couleur d'aller aux Tuileries, puis l'auroient enlevé du Louvre et conduict en la maison de Damville, allié dudict d'Espemon et frère de Montmorency, associé du roy de Navarre. L'heure et le temps sont venus ou qu'il faut mourir ensemble, ou s'affranchir de la servitude où d'Espernon nous a jetés. Aux villes plus éloignées, aux cités plus importantes, le
conseil municipal de Paris donnait de plus longs détails : Nous aurons à craindre, disait-il aux Lyonnais, qu'on
n'induise encore sa majesté à quelque conseil violent contre nous, au dommage
de la religion et de l'estat, et pour ce, nous avons voulu vous faire ceste
lettre pour vous prier bien affectueusement de vous unir avec nous en une si
juste et commune défense, vous asseurant que vous cognoistrez assez combien
la conservation de la ville de Paris est importante et à l'un et à l'autre,
et que de là dépend tout le bien ou le mal et de la religion et de Ils ajoutaient aux maire et échevins d'Orléans : Messieurs, ce n'est pas tant le devoir qui nous faict nous conjoindre avec vous, que le singulier plaisir que nous avons en nostre bonne intelligence, nous vous prions et exhortons d'escrire doresnavant en corps, selon les occasions qui se présenteront, et principalement aux villes avec lesquelles vous avez le commerce plus fréquent, comme à Tours, Chartres et Angoulesme, non tant pour la continuation du trafic seulement, mais pour les exhorter à leur sûreté et à une entière correspondance avec vous de ce qui sera de besoin pour vostre mutuelle conservation. Toutes les villes auxquelles ces chartes furent adressées partageaient les opinions de Paris ; leurs halles, leur peuple, leurs métiers étaient également fervents et dévoués. Comment ne seraient-ils pas entrés dans l'union municipale que la ligue proposait contre les politiques, en exécration à cette multitude ? Le 4 juin les échevins d'Amiens répondaient à la ville de Paris : Messieurs, aussitost que vostre député, présent porteur, nous a deslivré la lettre qu'il vous a plu nous escrire du dernier jour du passé, nous avons faict assembler jusques à deux cents des principaux et plus notables habitans ; par advis et commun consentement desquels avons résolu nous unir avec vous. Les habitants d'Abbeville ajoutaient : Messieurs, nous avons reçu vos lettres, et en assemblée générale faicte en l'hostel de ceste ville, a esté trouvé bon de vous escrire la présente, ayant de nostre part tousjours dressé nos intentions pour vivre et mourir sous un mesme Dieu, une mesme foy, un mesme roy ; et nous avons deslibéré nous unir avec vous et autres villes catholiques. Quoique l'influence de Paris fût grande et dominatrice, les villes s'écrivaient les unes aux autres pour s'exhorter à la modération. Le duc de Guise, la noblesse, le parlement, unis à la ligue municipale, tendaient surtout à régulariser le mouvement des cités, à l'empreindre d'un caractère de justice, afin d'en perpétuer la durée. Les ambassadeurs n'avaient point quitté Paris ; celui d'Espagne avait même encouragé les efforts du duc de Guise. H en était un surtout parmi eux qui plus d'une fois avait excité l'indignation des halles, parce qu'on le savait hérétique ; c'était l'envoyé spécial d'Elisabeth. Le duc de Guise était trop habile politique pour rendre à tout jamais impossible l'alliance de l'Angleterre, en exposant son représentant aux haines populaires ; il députa donc vers lui M. de Brissac pour lui offrir une sauvegarde et le prier de ne se point estonner et de ne bouger, avec assurance de le bien conserver. L'ambassadeur fit response, que s'il eust esté comme homme particulier à Paris, il se fust allé jeter aux pieds de M. de Guise pour le remercier très humblement de ses courtoisies et honnestes offres, mais qu'estant là près de Henri m pour la royne sa maistresse (qui avoit avec le roy alliance et confédération d'amitié), il ne vouloit ni ne pouvoit avoir sauvegarde que du roy. Le sieur de Brissac lui remontra que M. de Guise n'estoit venu à Paris pour entreprendre aucune chose contre le roy ou son service, qu'il s'estoit seulement mis sur la défensive. L'ambassadeur répondit qu'il vouloit bien croire qu'il lui disoit vrai, mais que ce qui se passoit à Paris seroit trouvé très estrange et très mauvais par tous les princes de la chrestienté qui y avoient intérest. Qu'il lui promettoit au reste très volontiers qu'il tiendroit au plus tost la royne sa maistresse advertie de tout ce qu'il lui disoit ; mais de servir d'interpreste aux conceptions de M. de Guise et de son parti, ce n'estoit chose qui fust de sa charge, estant la royne sa maistresse plus sage que luy, pour, sur ce qu'il lui en escrirpit, croire et juger ce qu'il lui plairoit. Le sieur de Brissac, voyant que ni par ses offres, ni par sa prière, il n'ébranlait l'ambassadeur, termina sa harangue par des menaces, lui disant que le peuple de Paris lui en voulait pour la cruauté dont la reine d'Angleterre avait usé envers la reine d'Ecosse. A ce mot de cruauté, l'ambassadeur lui dit : Tout beau, monsieur, je vous arreste sur ce seul propos de cruauté. On ne nomma jamais cruauté une justice bien qualifiée. Je ne crois pas, au surplus, que le peuple m'en veuille, comme vous dites ; sur quel subject ? Je suis icy personne publique qui n'ay jamais offensé personne. — N'avez-vous pas des armes, dit le sieur de Brissac. — Si vous le me demandiez, respondit l'ambassadeur, comme à celui qui a esté autrefois ami et familier de M. de Cossé vostre oncle, peut-estre que je le vous dirois ; mais estant ce que je suis, je ne vous en dirai rien. — Vous serez tantost visité céans, car on croit qu'il y en a, et y a danger qu'on ne vous force. — J'ai deux portes en ce logis, répliqua l'ambassadeur, je les défendray tant que je pourray, pour faire au moins paroistre à tout le monde qu'injustement on aura en ma personne violé le droit des gens. — Mais dites-moi en ami, je vous prie, avez-vous des armes ? — Puisque le demandez en ami, je le vous dirai en ami : si j'estois icy un homme privé, j'en au-rois ; mais y estant ambassadeur, je n'en ai point d'autres que le droit et la foi publique. — Je vous prie faire fermer vos portes, dit le sieur de Brissac. — Je ne le dois pas faire, respond l'Anglois ; la maison d'un ambassadeur doit estre ouverte à tous allans et venans ; joinct que je ne suis pas en France pour demeurer à Paris seulement, mais près du roy où qu'il soit[4]. L'appel à ces hautes maximes du droit des gens commençait alors à se proclamer, signalait également un grand dépit dans l'ambassadeur qui savait bien que c'en était fait de l'influence anglaise en face de la toute-puissance de la ligue : la direction des affaires allait passer à l'Espagne. Les villes étant unies dans les intérêts communs d'une
grande requête à présenter au roi pour le maintien de leur liberté
catholique, le bureau de l'hôtel de Grève multiplia sa correspondance avec
les princes qui pouvaient seconder cette impulsion. Monseigneur,
écrivait-il au duc de Mayenne, l'asseurance que nous
avons prise que par messeigneurs le cardinal de Bourbon et duc de Guise vous
aurez esté amplement adverty de tout ce qui s'est passé en ceste ville depuis
un mois, nous a fait retarder le devoir de vous visiter comme l'un des princes
de Mais toute l'expression ardente, tout le zèle bourgeois étaient
pour le bon et saint cardinal de Guise : Monseigneur,
nous remercions desvostement la divine majesté, et vous particulièrement, de
la diligence, dextérité et prudence que vous avez employées. Vous avez, en ce
faisant, obligé plus estroitemeut à vous et aux vostres, nous et tous les
gens de bien catholiques. La puissance de ce gouvernement des villes
s'étendait de province en province, sous le grand ascendant du duc de Guise ;
les choses n'étaient point suffisamment avancées pour s'affranchir absolument
du nom du roi ; la révolution n'était point contre la couronne, mais
seulement contre le conseil des politiques ; M. de Guise s'efforçait de bien
nettement l'exposer, afin d'effacer tout scrupule dans l'esprit des conseils
municipaux, et lui-même écrivait une lettre circulaire aux villes, modèle de
modération et de tempérament : Messieurs, si ce qui
est arrivé estoit secret, et non esgalement cognu de tout le monde, je me
devrois mettre en peine de vous en discourir les occasions et les progrès ;
mais puisque la chose mesme publie et enseigne si clairement quelles forces
j'ay amenées à Paris, de quelle franchise je suis venu trouver le roy, quelle
confiance j'ay eue en sa bonté, quels artifices ont précipité sa majesté de
son bon naturel à la violence, de quelle douceur je l'ay soutenue, de quelle
opiniastreté j'ai gardé inviolable le respect et le service que je lui dois ;
je ferois tort à la grâce de Dieu si je la voulois exagérer de parole ; il me
suffît de conférer maintenant avec vous, comme frères et compatriotes, des
moyens d'employer ceste occasion inespérément venue du ciel pour le bien de
nostre religion catholique, service de nostre roy, de nostre repos à l'avenir
sans les racheter (s'il est
possible) par quelque guerre ruineuse et
sanglante. Il y avait habileté à multiplier les témoignages de respect
pour la royauté tout en s'organisant pour la résistance ; les villes,
rassurées envers la couronne, se montreraient plus dociles , et se
jetteraient dans l'union sans scrupule : que voulait-on ? délivrer l'autorité
royale des hérétiques et des politiques, de d'Épernon surtout, qui en
arrêtait les nobles et saintes inspirations. Quelle était la cité qui pouvait
se refuser à cette intention pieuse ? quelle était la confrérie bourgeoise ou
de métiers assez tiède pour ne pas saisir l'arquebuse en l'honneur des saints
du paradis et des images de Henri III s'était retiré en toute hâte sur Chartres dans le dessein d'y reconstituer un parti et de planter en liberté sa cornette fleurdelisée, point de ralliement pour les royalistes ; le duc d'Épernon l'avait joint bientôt avec quelques compagnies suisses, mille lances et arquebuses françaises. La correspondance avec Henri de Navarre s'était alors engagée en des termes pressants et d'une certaine intimité. Le Béarnais offrait sa gentilhommerie de province et de castel, ne demandant autre chose que la reconnaissance solennelle de ses droits de succession à la couronne de France. Henri III n'avait que peu d'affection pour le parti de la chevalerie huguenote du roi de Navarre ; sa vie de jeunesse et de bataille avait été tout entière consacrée au catholicisme ; il préférait attirer à lui les chefs de cette opinion, comme les villes en sa fidélité. Toutes ses démarches tendaient à sa justification. Les torts étaient-ils de son côté dans la journée de Paris ? Avait-il attenté à la religion et à la liberté du peuple ? C'est dans cet objet qu'il écrivait une lettre curieuse à M. de Nevers, car elle donne la mesure des opinions de Henri III et du tiers-parti sur les barricades : Mon cousin, j'estois en ma ville de Paris où je ne pensois à autre chose qu'à faire cesser toute sorte de jalousies et empeschements du costé de Picardie et ailleurs qui retardoient mon acheminement pour poursuivre la guerre contre les hérétiques, quand mon cousin le duc de Guise y arriva à mon desçu le 9e jour de ce mois. Sa venue en ceste sorte augmenta tellement les desfiances, que je m'en trouvai en grande peine, parce que j'avois auparavant esté adverti d'infinis endroicts qu'il y devoit arriver de ceste façon, et qu'il estoit attendu par plusieurs habitans soupçonnés d'estre cause de ces défiances ; les advertissemens ordinaires me redoubloient joumellement qu'il devoit esclore quelque grand trouble en ladicte ville ; je pris résolution de faire faire lesdictes recherches par les quartiers d'icelle plus exactement que les précédentes, afin de descouvrir et recognoistre au vray l'estat de la ville et faire vuider lesdicts estrangers qui ne seroient advoués comme ils dévoient estre ; pour ce faire, j'advisai de renforcer de certains corps-de-garde, les habitans et bourgeois de ladicte ville, que j'avois ordonné estre dressés en quatre ou cinq endroicts, des compagnies de Suisses et de celles du régiment de ma garde qui estoient logées aux fauxbourgs d'icelle ; je commandai à aucun de mon conseil et chevaliers de mon ordre du Sainct-Esprit, d'aller par les quartiers avec les quarte-niers et autres oifiders de la ville, comme il s'est faict plusieurs fois, dont je fis advertir le duc de Guise et tous ceux de ladicte ville, afin que personne n'en prist alarme et ne lust en doubte de mon intention. Les choses s'eschauffèrent de telle façon par l'induction d'aucuns qui alloient semant et imprimant au cœur des habitants, que j'avois fait entrer des forces pour establir des garnisons estrangères en ladicte ville et leur faire encore pis. Quoy voyant, je me résolus de ne faire exécuter plus avant lesdictes recherches commencées et de faire retirer lesdictes forces que je n'avois iaict entrer que pour icelles occasions, estant vraisemblable que si j'eusse eu autre volonté, je l'eusse tentée, et peut-estre exécutée entièrement selon mon désir avant l'esmotion desdicts habitants, et qu'ils eussent tendu les chaisnes et dressé les barricades par les rues ; ils commencèrent à le faire incontinent après midy, quasy en mesme temps par toutes les rues de ladicte ville, à ce instruits et excités par aucuns gentilshommes, capitaines et autres estrangers envoyés par ledict duc de Guise qui se trouvèrent en bien peu de temps despartis et rangés par chas-cune des dixaines pour cet effect, faisant retirer lesdictes compagnies suisses et françoises. Il y eut, à mon très grand regret, quelques arquebusades tirées et coups reçus par lesdicts habitants, qui portèrent principalement sur quelques-uns des Suisses, que je fis retirer et loger ce soir-là es environs de mon chasteau du Louvre, afin de voir que deviendroit l'esmotion. Néanmoins, au lieu de voir l'effect tel que je l'attendois pour leur propre bien, les bourgeois auroient continué depuis à hausser davantage leurs barricades, renforcer leur garde jour et nuict, et les approches de mon chasteau du Louvre jusques contre les sentinelles de mes gardes ordinaires, et mesme se seroient saisis de l'hostel de ville, ensemble des clefs de la porte Sainct-Anthoine. Je me résolus d'en partir ledict jour, et plustost m'absenter et esloigner de la chose que j'aimois, que de la voir courre plus grand hazard et en recevoir aussi plus de desplaisir ; ayant supplié la royne madame et mère d'y demeurer pour voir si par sa prudence et auctorité elle pourroit faire en mon absence, pour assoupir le tumulte, ce qu'elle ne put faire en ma présence ; et m'en suis venu en ceste ville de Chartres, où je désire que mes bons serviteurs, et principalement ceux qui sont de vostre qualité, et qui ont rendu tant de preuves de leur piété et religion catholique, et pareillement de leur affection et fidélité à mon service et au bien public du royaume, me viennent trouver, comme je vous prie de faire au plus tôt. Le roi voulait ainsi fortifier son gouvernement à Chartres, lui donner l'appui de la noblesse, se justifier auprès des bons catholiques, et rappeler dans les cœurs les vieux principes de fidélité, que le mouvement municipal avait si profondément ébranlés. La sainte-union déployait ses forces à Paris et dans les
villes ; mais l'instinct lui faisait sentir que rien n'était fini pour elle
si le roi ne rentrait pas dans sa bonne cité, s'il établissait surtout, comme
Charles VII, un gouvernement à Chartres, à Bourges ou à Blois, en dehors de l'influence
de ses bourgeois et de ses halles. Ne valait-il pas mieux traiter avec le
chef du tiers-parti catholique, lui imposer la sanction de tout ce qui
s'était fait par la ligue ? La reine-mère poussait à ce résultat, parce
qu'elle y aurait retrouvé son influence, alors tout à fait annulée par le duc
d'Épernon. Les parlementaires essayaient un rapprochement sérieux à Chartres,
tandis qu’une larmoyante procession, conduite par Joyeuse, sillonnait les
rues de la ville, psalmodiant les psaumes de la pénitence. C'était alors l'époque
des émotions ; la ville de Paris, le conseil municipal ne demandaient pas le
pardon de leurs rébellions, comme on l'a dit ; mais cet aspect de Joyeuse
soutenant une haut, croix de bois, de ces pénitents avec leurs chapelets à
tête die mort, ce retentissement de voix lugubres au sein des églises,
devaient entraîner les cœurs à la repentance : A la
tête de cette procession apparoissoit un homme, lequel portoit une longue
barbe ; il avoit le corps couvert d'un cilice, et au-dessus un large
baudrier, d'où pendoit un sabre long et recourbé ; d'une vieille trompette il
tiroit des sons aigus et discordants. En arrière de lui se voyoient trois
autres hommes, ayant chascun en guise de casque une marmite grasse, et
portant brassarts et gantelets ; leurs hallebardes estoient toutes rouillées.
Ces trois hommes tournoient leurs yeux d'une manière estrange et se
démenoient terriblement pour esloigner la foule qui estoit à l'entour d'eux.
Après eux venoit frère Ange de Joyeuse, nouvellement capucin. Afin
d'enseigner le roy, on l’avoit prié de faire et représenter à ladicte
procession nostre Seigneur Jésus- Christ se rendant au Calvaire. Il estoit
tout garrotté, et sur sa figure on avait peint de larges gouttes de sang qui
sembloient sortir de sa teste couronnée d'espines. Il traînoit derrière lui
une longue croix en carton fort bien peinte, et sembloit-il marcher
difficilement, se laissant cheoir de temps en temps, et poussant des cris
vraiment horribles et lamentables. Aux costés d'iceluy marchoient deux
capucins représentant Ces images saisissantes et vives frappaient les masses.
Henri ni avait toutes les superstitions d'une âme faible et maladive ; quand
frère Joyeuse, capucin, lui fit entendre des paroles de repentir et de mort,
ne devait-il pas éprouver cette contrition douloureuse qui agite une vie de libertinage
et de croyances ? Et pendant ces avertissements venus du ciel, on vendait à
Paris une belle image peinte où se voyait un vénérable ermite à barbe longue
et blanchie qui appelait à repentance Henri de
Valois[6], le politique, qui était presque dans l'hérésie, mais qui
pouvoit encore se sauver par sa bonne union avec la saincte ligue et en
chassant d'Espernon. Quand les députés parlementaires arrivèrent à
Chartres, ils obtinrent facilement de voir le roi. Entre autres propos
notables que le roi leur tint, il leur dit : Il y en
a, en ce faict, qui se couvrent du manteau de la religion, mais méchamment et
faussement ; ils eussent mieux faict de prendre un autre chemin. Il
dit au président de Neuilly, député de la cour des aides, qui faisant sa
harangue pleurait à chaudes larmes et s'excusait de ce qui était advenu : Eh ! pauvre sot que vous estes, pensez-vous que si j'eusse
eu quelque mauvaise volonté contre vous et ceux de vostre faction, que je ne
l'eusse pas bien pu exécuter ! Non, j'aime les Parisiens en dépit d'eux,
combien qu'ils m'en donnent fort peu d'occasions ; retourne-vous-en, faictes
votre estat comme de coutume, et vous monstrez aussi bons subjects que je me
suis monstre bon roy, en quoy je désire continuer pourvu que vous vous en
monstriez dignes. Ces bons bourgeois de Paris, si aimés du roi, lui
avaient en effet écrit une longue lettre pour demander à obtenir ses grâces :
Sire, vostre ville de Paris n'a eu jamais tant
agréable de se voir la première de vostre royaume, comme elle a pris à
plaisir et honneur d'estre envers vostre majesté et vos prédécesseurs roys, la
première en amour et bienveillance ; et ne voulant faillir à son devoir,
scachant que de tous les membres de la ville on est allé vers vostre majesté,
elle de sa part y envoie la présente, laquelle servira à vostre majesté, s'il
luy plaist, de témoin de la fidélité qu'elle a tousjours vouée à vostre
service. Et le roi leur répondit : Chers et
bien amés, vous aurez, comme nous estimons, entendu les occasions qui nous
out mû de partir de nostre ville de Paris, le treizième de ce mois, et tous
dirons par la présente que ça esté avec tous les regrets et desplaisirs d'un
prince qui a tant rendu de preuves de sa bonté et affection envers ses
subjects. Nous vous prions et exhortons derechef de vous tenir conjoincts,
fermes et unis avec nous, pour nous rendre l'obéissance que vous nous devez,
et nous donner plus de moyens de vous régir et traiter heureusement et
favorablement, comme nous avons très bonne volonté de faire. En toutes
ces démarches on voyait l'action de la reine-mère qui cherchait à gagner la
confiance du duc de Guise et les bonnes grâces des bourgeois ; elle se
promenait dans Paris, visitait les confréries, les halles, témoignant à tout le
peuple qui l'entourait qu'elle allait s'entremettre pour obtenir du roi le
retour en sa bonne ville. L'opinion de la reine-mère était alors celle d'une transaction avec la ligue ; pourquoi n'assurerait-on pas la succession de la couronne à la maison de Lorraine ? Catherine de Médicis résolut le voyage de Chartres dans ses desseins d'accommodement. Le samedy 30 juillet, la royne-mère, le duc de Guise, accompagnés de quatre-vingts chevaux, le cardinal de Bourbon, précédé de cinquante archers de sa garde, vestus de casaques de velours cramoisy, bordées de passements d'or, l'archevesque de Lyon et plusieurs autres, partirent de Paris et arrivèrent le lundy à Chartres et furent bien accueillis par le roy. La royne-mère, interpellée du duc de Guise et de ceux de son parti d'interposer derechef son crédit pour persuader le roy de retourner à Paris, lui en lit une fort affectionnée supplication : mais le roy luy respondit qu'elle ne l'obtiendroit jamais, et la pria de ne l'en importuner davantage ; alors, ayant recours aux larmes qu'elle avoit tousjours en commandement : Comment, mon fils, lui dict-elle, que dira-t-on plus de moy, et quel compte pensez-vous qu'on en fasse ? Seroit-il bien possible qu'eussiez changé tout d'un coup voslre naturel que j'ai tousjours cognu si aisé à pardonner ? — Il est vray, madame, ce que vous dictes, respondit le roy ; mais que voulez-vous que j'y fasse ? C'est ce méchant d'Espernon qui m'a gasté et m'a tout changé mon naturel bon. Cette expression moqueuse disait un peu la situation du roi, absorbé sous la faveur du duc d'Epernon. Retourner à Paris, n'était-ce pas se mettre dans les mains de la grande ligue des princes et des villes bourgeoises à laquelle on venait à peine d'échapper ? Les affections du roi étaient pourtant toutes catholiques
: il avait commencé sa vie dans ce parti ; il en préférait les doctrines. Il
ne voulait point se livrer au conseil de Paris, et subir les conditions de la
multitude organisée ; mais, libre dans son impulsion, ne pouvait-il pas
directement traiter encore une fois avec Iji ligue et le comité général qui
la dirigeait ? Ce fut dans ces circonstances que le conseil de l'union se
hâta de présenter une requête au roi pour préciser ses griefs d'une manière
complète. Sire, disait-il, le cardinal de Bourbon et les autres princes catholiques
s'unissent ensemble pour supplier vostre majesté d'extirper les hérésies de
son royaume ; ils persistent encore maintenant à luy faire cette très humble
supplication, de parachever ce sainct œuvre, l'effect duquel peut seul arrester
le cours de toutes les partialités et misères qui menacent la ruine de Cette longue doléance était donc tout entière dirigée
contre d'Épernon, qui gouvernait le conseil du roi ; la ligue savait que
c'étaient les politiques qui poussaient Henri III vers le roi de Navarre ; il
fallait détruire cette puissance du tiers-parti pour y substituer le crédit
absolu de la ligue. Les politiques, pour repousser cette violente attaque,
publièrent un pamphlet tout justificatif de leurs sentiments catholiques et
de leurs antipathies surtout pour les huguenots. Les
sieurs d'Espernon et de Ces menaces n'effrayaient pas la grande organisation de la ligue. L'union présentait chaque jour de nouvelles requêtes. De quoi s'agissait-il ? de se mettre à la tête du mouvement ! Le roi l'avait déjà fait une première Sois ; pourquoi n l'y consentirait-il pas une seconde ? N'était-il pas simple d'ôter les affaires au tiers-parti, aux politiques, pour les mettre aux mains de la sainte ligue, de l'opinion catholique, c'est-à-dire de la majorité ? Henri III hésita quelques moments ; puis il scella de son grand sceau la charte suivante : Jurons et renouvellons le serment par nous faict, en nostre sacre, de vivre et mourir en la religion catholique, apostolique et romaine, promouvoir l'advancement et conservation d'icelle, employer de bonne foy toutes nos forces et moyens, sans espargner nostre propre vie, pour extirper de nostre royaume, pays et terres de nostre obéissance tous schismes et hérésies condamnés par les saincts conciles et principalement par celui de Trente. Le roi promettait de n'employer et de ne pourvoir aux charges militaires, offices de judicature et de finance, que des personnes catholiques, faisant notoirement profession de la religion apostolique et romaine ; tous ceux qui seraient ainsi unis, jureraient de se défendre les uns les autres contre les violences des hérétiques et de leurs adhérents. Les conditions secrètes étaient l'éloignement du duc d'Épernon, et la lieutenance-générale de l'état et du royaume confiée au duc de Guise, Ainsi disparaissait le tiers-parti, le catholicisme modéré ; la sainte-union le dispersait. Aux temps de troubles il ne peut y avoir que des opinions tranchées ; les nuances se réunissent par la force des choses aux extrémités ; elles n'ont de vie que là. Le roi se faisait ligueur, chef de parti. Maintenant la querelle allait s'engager corps à corps entre les deux têtes de la ligue, Henri de Valois et Henri de Guise ; c'était à savoir à qui en définitive resterait la direction du mouvement populaire. La reine-mère avait pris un terme moyen, en faisant donner la lieutenance du royaume au duc de Guise. La lieutenance générale, c'était l'image de la royauté, la force de la couronne promise à la maison de Lorraine par l'exclusion de Henri de Navarre : n'était-ce pas engager le chef des Guise à apaiser le mouvement populaire qui livrait le trône aux tempêtes ? Les engagements des Lorrains étaient trop intimes et trop étroits avec le roi d'Espagne, pour que ces négociations n'occupassent pas la sollicitude de San Lorenzo. Le duc de Guise, en envoyant les articles de la paix de 1588 au roi Philippe II, lui écrivait le 24 juillet : Sire, ayant plu à Dieu composer les affaires de deçà à la douceur, pour l'avancement de sa gloire, nous espérons que vostre majesté aura pour très agréable la soumission que nous y avons rendu, jugeant le fruit qui en reviendra[7]. En réponse, Philippe II ne manifestait pas une grande confiance pour les transactions catholiques entre la royauté et la sainte-union. Il écrivait à son ambassadeur à Paris, lui témoignant toutes ses craintes : Don Bernardino Mendoça, j'ai reçu la nouvelle que vous me transmettez de la capitulation secrète du roy très chrétien avec la ligue. Je pense, ainsi que vous, que plus d'une difficulté s'élèvera dans l'accomplissement des conditions. Mais la meilleure justification de Mucius (Guise), sera s'il parvient encore à se dégager. Il faut qu'il se persuade bien les dangers qu'il auroit à courir, si d'Epernon et les amis de ce dernier conservent en secret (comme on peut le présumer) les bonnes grâces du roi. Dites à Mucius que pour rien au monde il ne doit fléchir dans ce traité, ni consentir à ce que les forces du roi passent en d'autres mains que les siennes. Assurez-le de ma part de mon assistance, et de l'accomplissement ponctuel de notre intelligence. — Don Bernardino Mendoça, je vous engage à avertir le cardinal de Bourbon et le duc de Guise de ne pas autant s'aventurer auprès du roi, dont ils doivent avoir tant de méfiance. Insistez bien pour leur démontrer le danger qu'ils courent ; il faut que sans s'écarter des devoirs qu'ils doivent à leur souverain, ils prennent leurs précautions. Conseillez-les ainsi de nouveau de ma part ; quelles que soient les tendresses (caricias) du roi, qu'ils ne se fient point à ces trompeuses démonstrations ; rien sçauroit-il inspirer de la confiance dans celte volonté variable, dans cette pensée dangereuse ! Le roi d'Espagne semblait prévoir et annoncer l'assassinat des Guise. |
[1] Registre de l'Hôtel-de-ville, ad ann. 1588.
[2] Registre de la ville de Paris, 1688, vol. XII.
[3] Toutes ces délibérations qui rappellent les temps modernes sont consignées dans les curieux registres municipaux, vol. XII.
[4] Pourparlers entre le sieur de Brissac, despêché par M. de Guise auprès de l'ambassadeur de la roy ne d'Angleterre, 1588.
[5] De Thou, ad ann. 1588.
[6] Le véritable pourtraict, sous la figure d'un hermite, se trouve dans le curieux recueil de la ligue, Bibl. royale
[7] Archives de Simancas, B. 1588.