FRANÇOIS Ier ET LA RENAISSANCE. 1515-1547

TOME QUATRIÈME

CHAPITRE IV. — NOUVELLE INVASION DE LA FRANCE PAR LE NORD ET LE MIDI.

 

 

Marche de Charles-Quint sur le Var. — Les deux routes par Antibes et Grasse. - Prise de Brignolles et du Luc. — Arrivée à Saint-Maximin et à Toulon. — Système de défense pour la Provence. — Noblesse et paysans. — Saccagement. — Troupes légères de François Ier. — Situation du camp d'Avignon. — Le roi à Valence. — Mort du Dauphin. — Effroi qu'elle excite dans le camp. — Jugement de Montecucculi. — Développement du plan de Charles-Quint. — Prise d'Aix. — Sièges d'Arles et de Marseille. — Inaction de François Ier et de Montmorency. — Négociations diplomatiques avec les Suisses. — Ils se décident pour le roi de France. — Guerre du Nord. — Marche du comte de Nassau sur Paris. — Craintes de la bourgeoisie. — Armements. — Délibérations de l'hôtel de ville. — Nouvelle que reçoit Charles-Quint. — Invasion des Turcs dans la Pouille et la Sicile. — Barberousse sur les côtes de l'Italie. — Gênes menacé d'un soulèvement. — Nécessité de la retraite de l'empereur. — Il quitte la France.

1536.

 

La défection du marquis de Saluées qui livrait le Pas-de-Suse, la retraite de la gendarmerie française, sous l'amiral de Brion, à travers les Alpes, laissaient à Charles-Quint le libre passage du Var, qui sépare la Provence de l'Italie. Lorsque l'empereur toucha Nice, il put voir se déployer devant lui toute son armée sous Antonio de Leva. Cette armée se composait de bandes espagnoles, arquebusiers noircis parles batailles ; de troupes italiennes, qui accouraient de Gênes, de Naples, et, enfin, de ces lansquenets allemands, avides de pillage dans le pays du Midi. Parmi les chefs ou entendait mille propos de chevalerie un peu fanfarons ; les uns, dans une ambition sincère, les autres, pour faire plaisir à l'empereur, lui demandaient un comté, une province ? une ville de France, comme si déjà la conquête en était faite ; des abbés mêmes sollicitèrent des bénéfices dans le Parisis. La vice-royauté de France fui promise à don Antonio de Leva. Charles-Quint était parvenu au dernier paroxysme de la colère depuis sa violente sortie dans le consistoire de Rome, et son orgueil s'était soulevé comme une tempête dans son âme.

Le pays de Provence qu'on allait envahir présentait devant l'armée deux routes distinctes ; la première, de Nice, suivant comme un long serpent les côtes d'Antibes, de Fréjus, de Saint-Tropez et d'Hyères jusqu'à Toulon ; la seconde, ancienne voie romaine passant par Grasse, Brignolles 9 Saint-Maximin, et détendant par conséquent jusqu'à Aix, la capitale de la Provence. Une carte parfaitement levée de la Provence par les ordres du marquis de Saluées, avait indiqué à Charles-Quint les avantages et les périls des deux routes ; les côtes offraient des défilés, immenses rochers, mais on avait l'avantage d'être soutenu par la flotte d'André Doria, qui pouvait toujours aborder Fréjus ou Toulon. L'autre route sur le versant des Alpes offrait un grand nombre de villes fortifiées, avec leur chemise de murailles crénelées, dont on voit encore les débris. Au reste, le pays était sec, avec plus de fleurs et de fruits que de blé ; c'était une corbeille et non point un grenier, comme le disait Antonio de Leva avec sa prudence ordinaire ; on devait trouver peu de ressources surtout avec un soleil d'été ; car l'empereur passa le Var le 17 juillet, c'est-à-dire au moment où le soleil brûlait toutes les terres et desséchait les rivières. Mais Charles-Quint était espagnol, habitué à ces feux ardents qui pompent en quinze jours le Mançanarès et le Tage, et ne laissent plus qu'un sable brûlant aux maja et aux nobles cavaliers de Madrid et d'Aranjuez.

L'armée s'avança en deux grands bras qui devaient enlacer Aix et Marseille ; la marche fut prudente, mais rapide. Don Antonio de Leva s'empara après quelque résistance de Grasse, de Brignolles, d'Hyères, la ville aux orangers. Là seulement on vit se déployer le système de guerre défensive, véritablement effrayant, adopté par la noblesse de Provence. François Ier venait d'ordonner que des corps de cavalerie sous les ordres de deux gentilshommes, Bonneval et Montejan, parcourraient en tous sens le territoire, afin de tout ravager sur les pas de l'ennemi ; la noblesse fit glorieusement le sacrifice de ses récoltes, de ses châteaux ; elle brûla tout de ses mains ardentes et patriotiques. Les paysans prirent les armes d'abord pour s'y opposer ; les corps francs de Bonneval et de Montejan durent violemment contraindre les bourgeois à ce sacrifice que les nobles faisaient spontanément. Ces côtes, déjà si arides, n'offrirent plus qu'un aspect désolé aux soldats de Charles-Quint. Le roi, en remerciant la noblesse de ce dévouement, déclara que nul impôt ne serait perçu sur les paysans pour tenir compte des sacrifices.

Cependant l'empereur établit ses tentes à Saint-Maximin, au pied de la colline où la Madelaine pleura dans la Sainte-Baume, sous cette forêt épaisse qui semble abriter un temple druidique : il demeura quelques jours afin que l'armée envahissante pût délibérer sur la route qu'elle devait prendre : marcherait-elle sur Aix, sur Marseille et Arles, afin d'obtenir les libres communications de la mer et du Rhône (ce qui lui assurait le secours d'André Doria et de ses galères) ; ou bien encore se détournant sur Avignon, irait-on droit sur le camp d'Anne de Montmorency, avant-garde de l'armée royale ? Pour bien juger cette situation stratégique, il faut dire que le roi, à la tête de tous ses chevaliers, avait quitté Lyon pour s'avancer sur Valence, afin d'être plus rapproché du théâtre de la guerre. Anne de Montmorency, le connétable, croyait indispensable de rester maître du cours du Rhône[1] ; il occupait donc Avignon et en détachant une garnison vaillante et considérable dans Arles, on avait une longue chaîne sur le cours du grand fleuve jusqu'à son delta. Deux partis étaient à prendre par l'armée royale : livrer bataille à Charles-Quint dans la Provence, et cela eût été adopté en d'autres temps, ou bien le laisser s'épuiser dans un pays dépourvu de tout ; quand son armée serait accablée de besoin, on pourrait tomber sur elle, et alors essayer une bataille ou couper la retraite. Au système d'imprudence et de hardiesse qui avait fait perdre la bataille de Pavie, succédait une méthode d'extrême circonspection. Ce n'était plus François Ier, le chevalier errant, mais le vieux baron expérimenté et timide.

Peut-être aussi faut-il attribuer ces précautions excessives de François Ier à un triste événement qui vint tout à coup le frapper au cœur, pendant qu'il s'avançait sur Valence. Comme il s'agissait de la défense du pays et d'une campagne où la couronne de France était menacée au front royal, tous les jeunes princes de la grande lignée, le Dauphin de dix-neuf ans, le duc d'Orléans qui en avait dix-sept, le troisième fils treize seulement, étaient partis d'Amboise pour suivre leur père, et essayer leurs premiers coups de lance. Courageux enfants ! celui qui parmi eux se distinguait le plus, le Dauphin étonnait la cour par son extrême galanterie et son amour immodéré des femmes, de la chasse et des coups de lance brisée plus d'une fois dans les tournois ; on le disait très-frêle de corps, facile à s'émouvoir le sang sous la chaleur du jour ; et au courre jamais il n'avait reculé ni devant un sanglier, ni devant un cerf aux bois durs et acérés. Il marchait donc suivi de la cour, le jeune Dauphin, folâtrant gaîment sous le soleil brûlant du mois de juillet, et il venait d'arriver, suivi de sa meute, à Tournon sur le Rhône, après avoir parcouru les forêts qui bordent le fleuve. Il bouillonnait de chaleur ; son échanson, Montecucculi[2], italien fort empressé, lui donna un verre d'eau glacée ; il en but beaucoup tant cela lui plaisait comme toute chose extrême : bientôt la fièvre le prend, il s'alite, et l'armée en deuil apprend que le Dauphin de France, si jeune et si beau, est mort avec la rapidité de l'éclair[3].

Rien n'était plus simple que d'expliquer, par des causes naturelles, la mort d'un prince enlevé par ces fièvres si promptes dans les pays du midi[4]. La glace fait souvent sur les entrailles l'effet du fer tranchant ; elle coupe, elle déchire. Au temps ordinaire on eût donc reconnu la cause véritable de la mort du Dauphin ; mais comme il fallait servir des haines, alimenter des soupçons, l'on accusa Montecucculi d'avoir empoisonné le prince[5], non point spontanément par un acte de vengeance ou d'inimitié personnelle, mais par Tordre de Charles-Quint : cela était-il probable ? quel intérêt pouvait avoir l'empereur à frapper un des membres d'une famille si nombreuse ? Un Dauphin mort, un autre venait à sa place. Gomme il fallait néanmoins servir l'animosité publique, faire croire à un acte infâme, on fit le procès à Montecucculi, et, mis à la question, on supposa des aveux. Le malheureux écuyer fut écartelé à quatre chevaux ; on publia partout le camp aussi que Montecucculi était l'agent et l'espion de Charles-Quint, car on voulait attiser la guerre avec quelque chose de triste et de fatalement acharné comme une vengeance.

Les périls étaient grands ; non-seulement l'ennemi apparaissait au midi de la France, mais encore ses colonnes pressées se montraient sur les frontières de la Picardie et de la Flandre. Dès que la guerre avait été résolue dans les conseils de Charles-Quint, des ordres furent envoyés à Marie, la gouvernante des Pays-Bas, et au comte de Nassau pour envahir le territoire nord de la vieille monarchie. La guerre, pour réussir, devait être entreprise dans des proportions universelles, de manière à ce que le succès fût complet sur les Alpes, dans la Provence comme dans la Picardie et la Flandre. Le roi, en portant le centre de sa propre armée sur le Rhône, avait un peu dégarni le Nord, où il n'avait laissé que le duc de Vendôme pour garder la Picardie, et à ses côtés, pour protéger la Champagne, le noble et vaillant duc de Guise, qui déjà l'avait préservée. Les forces de ces capitaines n'étaient pas suffisantes pour résister à la nombreuse armée des Flamands sous le comte de Nassau ; les places frontières furent enlevées ; la ville de Guise capitula, et les principaux efforts du comte de Nassau se portèrent sur Péronne, immédiatement assiégée ; cette place était défendue par le maréchal de Fleuranges, le fils intrépide de ce comte de La Marck, si renommé aux bords de la Meuse. Il se battait avec vaillance ; mais, Péronne une fois enlevée, la route directe de Paris était ouverte ; la ligne de la Somme franchie, et le théâtre de là guerre se portait sur l'Oise.

L'aspect de ces périls, bientôt connus des habitants de Paris, excita une tristesse, un effroi universels. La faible garnison qui défendait la vieille cité croyait voir encore une fois l'ennemi apparaître devant ses murailles[6]. La lecture des registres de l'hôtel de ville constate la terreur partout répandue, et les précautions militaires prises pour protéger la cité et ses habitants. Heureusement il y avait un évêque au cœur énergique, qui organisa à lui seul la défense de Paris, en exhortant les fidèles à se défendre par tous les moyens.

C'était le cardinal du Bellay, d'une famille essentiellement dévouée à la nationalité française ; on voit dès ce moment les habitants s'armer par compagnie ; on s'exerce au tir de l'arquebuse et du canon : la Bastille Saint-Antoine correspond aux vingt-cinq tours qui entourent Paris ; on se fortifie comme à la veille d'une bataille ; le parlement vote des subsides et devient presque autorité publique en l'absence du roi. Paris, tel qu'il était fortifié, ne pouvait être pris d'un coup de main ; une enceinte de hautes murailles le ceignait par tous les côtés, antique chemise de pierre ; les portes étaient garnies de herses, avec pont-levis, et chaque tour avait quatre canons. Le parlement adopta des précautions conjointement avec l'évêque pour faire entrer des vivres en abondance. Cette année le froid avait été vif, l'hiver dur ; l'été avait succédé si rapidement et avec si peu de pluie que la rivière de la Seine n'était plus navigable ; de sorte qu'on craignait de manquer de farine, et qu'à la suite des privations une peste nouvelle ne décimât la cité. Des mesures de police furent prises par l'hôtel de ville et le parlement, ainsi que le constatent les vieux registres conservés à travers les âges.

Cependant au camp de Tournon, le roi, tristement renfermé sous sa tente, pleurait le Dauphin son fils, si fatalement enlevé ; autour de lui, ses meilleurs capitaines délibéraient sur le parti à prendre pour repousser la double invasion au nord et au midi ; les plus impétueux voulaient marcher en avant et se précipiter sur l'armée de Charles-Quint en Provence. On était maître de tout le Rhône, depuis Lyon jusqu'à la mer ; le roi, en pleine communication avec Anne de Montmorency qui avait son camp à Avignon, lui demandait conseil sur les moyens de finir la guerre avec éclat, et Montmorency, fort prudent, ne croyait pas qu'il fallût engager une bataille dont les chances seraient incertaines : si Charles-Quint était vainqueur, que pourrait-on lui opposer ? Il fallait ménager les troupes, parce qu'on en avait peu ; le cours du Rhône était la position la plus défensive ; par ce moyen, on aurait facilement des vivres, car de ce point on commandait à là mer et à tout le centre du royaume. Le soleil au mois d'août, les fontaines desséchées, la terre brûlante, les fruits à moitié mûrs, seraient la meilleure défense pour le Midi. Il ne fallait même pas attirer Charles-Quint vers le Rhône qui, de ses eaux abondantes, arrosait les campagnes fertiles, et la Provence aride serait son tombeau.

Le conseil d'Anne de Montmorency était réfléchi et partait de la connaissance profonde du territoire que l'empereur allait traverser. De Saint-Maximin, l'armée impériale s'était portée en deux colonnes, Tune sur Toulon, l'autre sur Aix. Toulon, place alors mal fortifiée, s'était faiblement défendue, et, en capitulant, elle avait ainsi donné un nouveau port à André Doria, à chaque moment attendu, avec une immense flotte chargée de vivres. Cette armée pouvait dès lors se porter par les gorges d'Ollioules et les montagnes du rivage jusqu'à Marseille l'opulente ; et, pour l'aider de sa personne, Charles-Quint marcha de Draguignan sur Aix, la capitale de la Provence, le siège du parlement et de la noblesse. Cette ville naguère si peuplée, si riante sous le roi René, avec ses jeux de la Fête-Dieu, ses tournois, était complètement déserte ; nul habitant n'était resté : de vastes maisons vides et démantelées. Tel était le triste spectacle qu'offrit Aix à l'armée de l'empereur. Le parlement s'était retiré pour ne pas rendre la justice en un autre nom qu'en celui du roi de France. Toute la grande noblesse, les Sabran, les Forbin, les Pontevès, avaient démantelé leurs châteaux, brûlé leurs récoltes, pour faire une solitude partout sous les pas de l'ennemi. Or, rien n'est plus triste, plus lamentable, que de voir des ruines sous un ciel bleu et beau, à travers un soleil admirable. Cela est plus vide que si le ciel était noir et la tempête menaçante.

Campé sur la rivière de l'Arc, Charles-Quint, appelant à lui toutes ses forces, résolut une double expédition pour donner un caractère définitif à cette guerre. Puisqu'on trouvait imprudent de s'éloigner du rivage, et d'aller offrir bataille à Montmorency, dans Avignon, il n'y avait plus qu'un projet réalisable, c'était de continuer à se tenir les maîtres de la mer et du Rhône, et pour cela on devait s'emparer d'Arles et de Marseille. Les deux places une fois au pouvoir de l'empereur ? le système de guerre se développait avec une grande fermeté : Marseille recevrait les galères d'André Doria, Arles une garnison impériale ; de là on pouvait s'étendre à Aigues-Mortes, Frontignan, Cette, et dans quelques marches heureuses atteindre Perpignan, et joindre ainsi les Pyrénées et l'Italie ; ce qui était le but définitif de la campagne de Charles-Quint. Toutes les privations seraient compensées ; l'armée des Alpes donnerait la main aux bandes des Pyrénées ; les arquebusiers espagnols se réuniraient aux Napolitains par d'unanimes acclamations. La double expédition commandée, Charles-Quint se réserva en personne le siège de Marseille. Comme la ville opulente et riche, la rivale de Gênes, André Doria se proposait de l'humilier en arborant sur ses rivages le drapeau uni de Charles-Quint et de la république génoise. Oh ! que les marins des côtes et rivières de Gênes auraient poussé des cris de joie en arborant le pavillon de leurs galères sur le château d'If et l'île de Ratoneau ! C'était mal compter.

La route qui de la rivière de l'Arc s'étend jusqu'à Marseille est pierreuse et dans une situation pittoresque, coupée de rochers arides, la mer à la droite, les petites Alpes à la gauche ; sur chacune de ces hauteurs était un château que le mistral balaye de ses bouffées impétueuses : Gardanne, Simiane, Greasque, Fuveau, possessions de seigneurs fort dévoués à François Ier. D'après les ordres du roi, les campagnes étaient ravagées, les châteaux en ruines ; on ne voyait donc que poussière secouée par le grand'vent. Lorsque l'armée, commandée par Charles-Quint en personne, s'avançait jusqu'à les Baumes Saint-Antoine, le corps qui avait pris Toulon sous les ordres du marquis de Guast, marchait par le Bausset, et faisait sa jonction avec l'empereur sur l'Huveaune jusqu'au pont de Vivaux où se voyait alors le vieux manoir d'Église, la terre du Bon Dieu, solitude aimée[7]. A la tête de quelques brillants cavaliers, Charles-Quint s'était avancé sur les hauteurs de la Viste ; le canon de Marseille commença à jouer et à jeter d es boulets dans les vignes et les oliviers qui cachaient l'empereur sous leurs feuilles verdâtres. Il y avait quinze ans que, à pareil temps, Marseille avait soutenu un siège vigoureux contre le connétable de Bourbon, et ce souvenir, elle l'avait gardé glorieux dans ces annales ; où était donc résolu à se défendre contre Charles-Quint. Libre du côté de la mer, Marseille était pourvue de vivres en abondance ; ses muraille pouvaient résister aux boulets, et d'ailleurs ses tours, garnies d'artillerie, balayaient le golfe, et de la butte des Moulins on pouvait jeter mille boulets de canon à travers les tentes de Charles-Quint sur les hauteurs de Septèmes. Cette défense vigoureuse dura onze jours ; les assiégés dans l'abondance, et l'ennemi dans toutes les privations. L'empereur, avant d'essayer un assaut, attendait la flotte d'André Doria, et les succès de l'expédition d'Arles, cité vigoureusement défendue. Tout en laissant l'honneur d'une noble résistance à Marseille, à Arles, à leurs populations belliqueuses, à leurs marines qui protégèrent les vieilles tours, à leurs femmes et à leurs filles qui, comme la première fois, portèrent des secours aux blessés et des pierres sur les brèches, il faut dire que si ces deux cités ne succombèrent pas, la cause en est à des événements politiques qui imposèrent tout à coup la retraite aux impériaux. Des négociations attentives venaient d'amener de formidables auxiliaires aux troupes de François Ier[8] : avant d'engager la grande guerre, et par suite de la ligue de Bologne, Charles-Quint avait fait promettre aux Suisses de rester neutres si une campagne s'engageait avec le roi de France ; trop souvent les montagnards avaient porté leur poids dans la balance militaire pour qu'on ne prît pas à leur égard certaines précautions, et la neutralité paraissait la plus simple, la plus naturelle. Cependant tel était le caractère de cette nation cupide qu'avec de l'argent on la faisait toujours changer, et par ce moyen François I w s'était encore attiré les Suisses. Auprès de chaque capitaine, il avait fait négocier en les accablant de promesses ; au cou de chacun il attacha lui-même un collier d'or de la valeur de 300 écus, ce qui les avait singulièrement flattés. Ces gros paysans dirent mille paroles flatteuses au roi, qui, à son tour, leur parla d'une façon si affectueuse, si tendre, que des larmes coulèrent, et ces bons compères se mirent à crier : Vive le roi ! en brandissant leur pertuisane. On les vit alors défiler leur casque de fer en tête, leur lance et leur arquebuse sur l'épaule, avec leur gourde pleine de poudre au côté, et se placer dans les rangs de l'armée française pour le service de monseigneur le roi.

Ce secours des Suisses, si admirable infanterie, donna une supériorité numérique à l'armée du roi de France, campée sur le Rhône ; dès lors, elle dut prendre l'initiative, et ceci au moment où Charles-Quint, accablé de privations, poussait avec vigueur les sièges d'Arles et de Marseille ; dix marches de l'armée du roi pouvaient suffire pour le mettre entre deux feux. La coopération des compères eût seule motivé la retraite de l'ennemi, si d'autres nouvelles encore n'étaient venues la rendre indispensable. Des lettres de Naples, apportées en toute hâte à travers l'Italie, annoncèrent le débarquement des Turcs dans la Fouille, et les progrès du grand vizir en Hongrie ; Soliman II se promettait de traverser l'Allemagne, tandis que Barberousse, le vieux corsaire, ravagerait toutes les côtes : Charles-Quint pouvait-il rester en Provence lorsque l'Italie était menacée par les Barbares, et que vingt-deux mille esclaves étaient emmenés sur les rivages d'Afrique ?

Cette diversion formidable, qui l'avait préparée ? l'active diplomatie de François Ier. Par ses ordres, son ambassadeur, le sire de la Forêt, avait signé un traité d'alliance offensive et défensive avec Soliman II. Et pour cimenter cette union, l'envoyé français était sur la flotte ottomane avec les mécontents de Sicile et de Naples ; c'était au nom de François Ier que les Turcs prenaient possession de Brindes et de Tarente. Jamais l'alarme n'avait été plus générale en Italie, et bien que les Turcs, d'après les conseils de l'ambassadeur français, gardassent quelques règles du droit des gens envers les vaincus, néanmoins le système d'esclavage semblait prévaloir ; les Barbares emmenaient les femmes, les jeunes filles, les hommes robustes à Constantinople et en Afrique.

A ces nouvelles venaient se joindre les troubles de l'Italie. Le parti français se montrait à Gênes, Venise et jusqu'à Rome ; depuis que Charles-Quint s'était éloigné avec les meilleurs de ses soldats, sa popularité avait diminué. Loin du théâtre des événements, il s'exposait à perdre cette souveraineté morale qu'il exerçait partout au delà des Alpes. Ainsi la présence des Suisses, désormais enrôlés sous le drapeau de François Ier, le débarquement des Turcs en Italie, la révolte de Gênes, la séparation de Venise, déterminèrent bien plus la retraite de l'empereur que la misère et les privations éprouvées par les soldats dans les campagnes arides de la Provence.

Ces privations d'ailleurs avaient cessé, car André Doria venait d'arriver avec sa flotte à Toulon, et l'abondance régnait sous la tente ; rien ne s'opposait donc plus aux développements de la guerre, et alors surtout on dut admirer les héroïques résistances de Marseille et d'Arles, qui tinrent assez de temps pour laisser arriver les dépêches de l'Italie, si graves et si solennelles : désormais fallait-il abandonner Naples et la Sicile, la Pouille et le golfe de Tarente à Soliman, l'allié de François Ier ? Tant le zèle de l'ambassadeur la Forêt était grand pour affermir cette alliance, qu'il succomba, au milieu de l'armée turque, à une maladie contagieuse. Ce fut vers la fin de septembre que la retraite de Charles-Quint se déploya rapide depuis Arles, Marseille, jusqu'à Aix. L'empereur, alors fort triste, venait de perdre autour de Marseille son vieux capitaine Antonio de Leva, et celte mort lamentable l'avait frappé, à ce point de précipiter son départ. Quelles ruines furent faites encore par l'armée impériale, et quelle fermeté stoïque déploya Charles-Quint dans ce mouvement rétrograde ? Les soldats allemands et espagnols se vengèrent par des pillages de ce qu'ils n'avaient pu se rendre maîtres d'Arles et de Marseille, ces cités sœurs, qui se félicitaient d'avoir échappé aux périls par les danses et les fêtes provençales. La première origine de la farandoule, cordiale comme un serrement de main, si elle n'est pas copiée des bas-reliefs antiques, vint de la célébration des pompes victorieuses, lorsque l'armée de Charles-Quint s'éloigna. Néanmoins les périls n'étaient pas passés : un jour les habitants virent apparaître dans les vallons qui forment comme une ceinture, à la colline de Notre-Dame de la Garde, les troupes d'arquebusiers du duc d'Albe, avec le dessein de s'emparer de Marseille par surprise ; mais le gouverneur Barbezieux et les échevins, prévenus à temps, avaient fait ranger dans ces anses où les eaux paisibles baignent les rochers, des galères armées de canons, et les boulets sifflant à travers les vignes, brisaient le tamarin et le pin dans ces montagnes, où vit la chèvre amaigrie et le berger bruni par les feux du soleil. Elle ne fut point timide et désordonnée la retraite de Charles-Quint à travers la Provence ; son armée, parfaitement disciplinée, demandait à être conduite devant le camp d'Avignon ; toute l'artillerie était débarquée à cet effet. Si François Ier était descendu jusqu'à Montélimart, Charles-Quint n'eût pas hésité à marcher sur le Rhône. Le camp sous Montmorency n'osa pas se hasarder au delà de la Durance. L'armée royale ne fit aucun mouvement pour troubler la retraite de l'empereur.

N'était-ce pas pour François Ier le moment de s élancer de Valence, de Tournon et d'Avignon sur Gap, Grasse, jusqu'au Var, pour couper la retraite à Charles-Quint et lui disputer le passage des Alpes ? Qui pouvait expliquer cette inaction d'Anne de Montmorency et du roi ? Si l'armée de Charles-Quint était en si grand désordre, comme l'ont écrit les historiens, pourquoi ne pas tomber sur elle ? On accusa de cette négligence Anne de Montmorency ; ce n'était pourtant pas un soldat timide à ce point de laisser échapper l'occasion de se saisir d'une proie aussi riche que celle de Charles-Quint. Il faut croire que le roi n'osa point se jeter en Provence, parce que l'ennemi, au nord, s'avançait de Péronne sur Paris. Tout cela néanmoins aurait été largement compensé par l'entière destruction de l'armée impériale au midi, d'autant plus que les paysans soulevés dans les campagnes de la Provence, comme les sauterelles de juillet aux plaines brûlées, s'élançaient sur les Espagnols, les Allemands, les Italiens. Charles-Quint montra toujours sa grande fermeté de caractère ; toutes les privations, il sut les partager avec le soldat. Il ramena sur le Var cette armée qui, dans ses dires fanfarons, se promettait la conquête de la Provence et la ruine de la monarchie française. En général, il ne faut pas menacer tout un peuple de destruction ou un État de sa ruine, parce qu'il arrive toujours quelque chose aux grands conquérants, qui fait voir que Dieu n'aime pas les hommes qui se croient une nature supérieure et une destinée sans revers.

Au nord dans la Picardie, les succès du comte de Nassau avaient été d'abord rapides et décisifs, et les craintes de Paris signalaient les pressants dangers du centre de la monarchie. Hélas ! les forces n'étaient pas égales, et peut-être le comte de Nassau, avec ses Flamands, eût entrepris le passage de l'Oise et de la Seine, si un secours inattendu n'était venu encore sauver le royaume de François Ier. Au camp de Tournon, les capitaines suisses, avec leurs beaux colliers d'or au cou, avaient prêté l'appui de leurs compagnies d'arquebusiers au roi. Eh bien, à l'autre extrémité, on vit débarquer aux embouchures de la Seine et de la Somme de valeureux compagnons, revêtus de leurs plaids des montagnes, avec leur bannière aux armes d'Écosse. Dans les annales de France, ce n'était pas la première fois que les Écossais étaient accourus au secours de la monarchie : ne l'avaient-ils pas préservée sous Charles VII ? Il y avait une grande sympathie entre la France et l'Écosse où régnaient les Stuarts. Jacques, noble prince destiné à une fille de France, accourut à la tête de huit mille Écossais pour défendre le nord du royaume et se joindre aux troupes du duc de Vendôme et de Fleuranges, qui protégeaient Paris contre les Flamands du duc de Nassau. Jacques V et ses Écossais firent des prodiges ; l'armée ainsi soutenue reprit les places de guerre que l'ennemi avait enlevées dans son passage. Il se trouva qu'à la fin de cette année, le nord et le midi de la monarchie furent sauvés, moins pourtant par les batailles réelles qu'avec le concours des événements et l'action de la diplomatie. Si François Ier, allié de Soliman II, n'avait pas entraîné les musulmans dans une attaque sur l'Italie et en Allemagne, est-ce que Charles-Quint eût quitté la Provence ? Si les négociations avec les Suisses, les beaux présents de chaînes d'or, n'avaient pas déterminé les bons compères à passer dans les rangs français, est-ce qu'alors les camps de Valence et d'Avignon eussent paru assez formidables pour déterminer également cette retraite de l'ennemi ? Enfin si les Écossais n'avaient point paru au nord, Paris eût-il été préservé ? C'est que dans l'histoire les peuples tirent autant de forces de leurs alliances, que de leurs propres moyens. Une diplomatie bien faite vaut des armées ; il y eut cela de merveilleux dans cette campagne, que l'armée du roi ne mit en mouvement que quelques troupes légères ; et cependant l'ennemi fut obligé de fuir en renonçant à ses vastes projets de conquête et de dislocation pour la monarchie des Valois !

 

 

 



[1] Il n'est pas un seul voyageur de Provence qui ne puisse se faire une idée fort exacte de la marche de l'empereur.

[2] Sébastien de Montecucculi ou plutôt Montecuccoli, gentilhomme de Ferrare, avait été dans sa première jeunesse au service de Charles-Quint ; venu en France à la suite de Catherine de Médicis, il fut attaché au Dauphin en qualité d'échanson.

[3] Il mourut à Tournon près de Valence, le 10 août 1636, âgé de dix-neuf ans et demi.

[4] Belcarius s'exprime ainsi : Delphinum non nulli ex parvæ pilæ ludo multo sudore madentem, aqua frigida intemperantius hausta ; alii ex nimia venere cum Lestrangia aulica matrona, mortem sibi conscivisse existimarunt. Belcar, lib. XXI, n° 52.

[5] Voici le texte de l'arrêt prononcé sur cet empoisonnement :

Veu par le conseil le procès criminel faict à rencontre du comte Sébastiano de Montecuculo, habitant de Ferrare, interrogations, confessions, recolemens et confrontations, certain livre de l'usance de poison, escript de la main dud. Sébastiano ; aultres interrogations et recolemens de Guillaume de Teinteville, examens de tesmoings, faictz ex officio, Visitation, rapport et advis des médecins, cirurgiens barbiers et apoticaires, conclusions du procureur général du roy, et tout considéré il sera dict que le comte Sébastiano de Montecuculo est actainct et convaincu d'avoir empoisonné au logis du Plat à Lyon, feu Françoys Daulphin, duc de Viennoys, duc propriétaire de Bretaigne, filz aîné du roy, en pouldre d'alssigny sublimé par luy mise dedens ung vase de terre rouge ; convaincu aussi d'estre venu en France exprez, et de propos délibéré d'empoisonner le roy et s'estre mis en effort de ce faire ; pour réparation desquelz cas et crime le conseil l'a condemné et condemne a estre traîné sur une cloye du lieu des prisons de Rouenne jusques on la place de l'église Sainct-Jehan, auquel lieu estant en chemise, teste et piez nuz, tenant en ses mains une torche allumée, il crira mercy et pardon à Dieu, au roy et à justice, et de là sera traisné sur une cloye jusques au lieu de Grenelle, duquel lieu et eu sa présence seront publiquement les poisons d'alssigny et reagal dont il a esté trouvé saisy, brûlez avec le vase de terre rouge où il a mis et gité la dicte poison ; et ce fait sera tiré et démembré tout vif à quatre chevaulx, et après les quatre quartiers de son corps pendus aux quatre portes de la ville de Lyon, et la teste fichée au bout d'une lance qui sera apposée sur le port du Rosne, prononcé et exécuté à Lyon le samedi 7 octobre 1536.

[6] Cette défense de la Seine et de la Somme est le sujet d'une correspondance militaire.

Lettre de Charles, duc de Vendôme, à M. de la Rochepot. — Bibl. du Roi, Mss. de Béthune, n° 8594, fol. 53.

M. Delaroche, j'ay fait depescher une commission au s. de Rocqueulx pour aller faire accoustrer le passage de la rivière de Somme en sorte que nos ennemys ny puissent passer aisément. J'ai eu lettre démon frère, mous, de Guise, lequel m'escript qu'il attend avoir bientôt le cappitaine Bossu avec 7.000 lansquenetz. Jeluy ay présentement escript des avertissemens qui me vyennent journellement de l'entreprinse que doybvent faire nos ennemis en ceste frontière, combien que encores n'aye entendu l'endroit ou ils se veullent addresser, mais a ce que s'il nous vient affaire nous puyssions tirer secours de luy et de ses gens et aussy me offrant luy faire le semblable de ce que je pourray luy aider. Je m'esbahis que n'avons nouvelles de la cour et actendu que souvent ils ont des nôtres..... De la Fère le 14e jour de juing, Charles.

Le roi s'informe également de la situation de l'armée.

Lettre du roi au duc de Guise. — Mss. de Béthune, vol. coté 8540, fol. 400, Bibl. Roy.

Mon cousin, j'ay tout à ceste heure receu votre lettre de Troyes du 14 e de ce moys par laquelle ay veu comme l'on avoit envoyé quérir au d. Troyes le nombre de dix huit grosses pièces d'artillerye, laquelle vous n'avez pas voulu laisser partir sans avoir premièrement sceu mon voulloir là dessus et pour vous respondre à cela je vous prie, mon cousin que si le commissaire qui est ordonné pour cest effect a commission ou charge de mon fils ou de mon cousin le grant maistre pour mener et conduire en mon pays de Picardye la d. artillerye, que incontinent vous la luy laissez amener car comme vous savez ils auront fait estat seur de cela et ne leur fâult pas rompre ce dessaing, et sur ce point, je prie à Dieu, mon cousin, etc. Escript à Fontainebleau le 15e jour de juing 1536. Françoys.

Pendant ce temps, à Paris, on préparait la défense municipale. Voici les extraits des registres de la ville :

En l'assemblée de la ville Le prevot des marchands a dit : qu'en l'assemblée tenue au palais, le premier président avoit avisé qu'il seroit bon d'écrire au roy, pour ordonner quelque gros personnage a l'effet de pourvoir à la sûreté de la d. ville, en rétablir les murs et remparts, et le parloir des bourgeois, sur la proposition, délibération qu'avant d'écrire à sa majesté il seroit bon de la pressentir sur une pareille demande. — Ext. des regist. de l'hôtel de ville de Paris, 3 juillet 1536. — Bibl. du Roi, Mss. de Colbert, vol. cot. 252, in-fol., p. 85.

Arresté en l'assemblée de la ville que pour fortifier la d. ville chacun bourgeois fournira nombre de gens de peine, selon sa puissance, et s'il est besoin qu'on ordonnera aux villages circonvoisins et de l'élection de Paris, de fournir des gens à leurs dépens, pour aider au d. travail. — Ext. des regist. de l'hôtel de ville de Paris, 28 juillet 1536. — Bibl. du Roi, Mss. de Béthune, vol. 252, in-fol., page 86.

En même temps le parlement de Paris écrit au roi pour lui dénoncer les désordres des gens de guerre. — Bibl. Roy., Mss. de Béthune, vol. coté 8593, fol. 55.

Notre souverain seigneur tant et si très humblement que faire povons en votre bonne grâce vous recommandons. Notre souverain seigneur nous vous avons adverty puis naguères des excès, violences, oppressions, pilleries, ransonnemens, et autres crimes et delitz que ont fait et commis et chacun jour commettent, les gendarmes tant de pied que de cheval à l'entour de ceste ville de Paris, et que pour y pourveoir en attendant votre bon plaisir et procéder à la punicion et correction des d. delietz avions envoie sur les lieux maistre René Ragueneau, maistre des requestes ordinaire de vostre hostel, avec quelque nombre d'archiers et arbalestriers de ceste d. ville de Paris, mais à cause que les d. gendarmes sont en grand nombre icelluy Ragueneau n'en auroit peu prendre aucun avis seulement, auroit fait information sur les d. crimes et delietz qu'il a mise par devers nous, laquelle présentement nous vous envoions afin que votre plaisir soit y pourveoir. Notre souverain seigneur nous prions le benoist fils de Dieu vous donner santé très longue vie et accomplissement de vos très haulx et très nobles désirs. A Paris en parlement soubs le signet d'icelluy ce quinziesme jour de juin.

[7] Le pont de Vivaux est une terre à moi, oasis très-fraîche que baigne l'Huveaune au milieu même de la sécheresse de Provence.

[8] Voici quelques lettres du roi à M. d'Humières relatives aux négociations soit avec l'empereur, soit avec les Suisses — Bibl. du Roi, Mss. de Béthune, n° 8533, fol. 82.

Mon cousin, suivant le propos que vous a tenu l'ambassadeur de l'empereur et ce que vous avez escript à mon cousin le grand maître, je vous envoyé un pouvoir pour cappituler touchant la retraite des sujets de l'un et l'autre party, laquelle j'entends devoir durer quarante jours pour le plus tard et que durant ce temps la il y ait abstinence de guerre en mes pays, terres et seigneuries et en celles du d. empereur, estant de ça les montz, ce que je vous ay bien voulu ainsy particulièrement déclarer affin que vous saichiez myeulx en suivre mon intention, si vous en venez à faire quelque capitulation, et sur ce, faisant fin, je prierai Dieu, etc. Escript à Lyon le 25e jour de juing 1536. Françoys.

Au sire d'Yvernay. — Bibl. Roy., Mss. de Béthune, vol, cot. 8579, fol. 1.

Yvernay, j'ai veu ce que vous m'avez escript de Berne par votre lettre du 19e de ce moys, à quoy ne m'estandray vous faire autre responce, sinon que je vous advise que le plus grant service que vous me scauriez pour le présent faire, c'est que de votre part vous veuillez solliciter partout ou besoing sera de faire marcher pour venir par de çà les bandes de Suisses de cette dernière levée en la plus grande diligence que faire se pourra, et a ce qu'ils ne se puissent aucunement excuser de ce faire sur leur payement, j'envoye présentement argent par de là pour satisfaire a tout ce qui sera nécessaire pour le faict du d. payement, ainsi que j'escript plus au long au s. de Montchenu, lequel vous pourra faire entendre ce que je luy en fays sçavoir, qui est tout ce que vous diray pour ceste heure, remectant a vous faire demain responce au demourant de votre lettre. Priant Dieu, etc. Escript de Lyon le 23e jour de juillet 1536. Françoys.

Au grand-maître de Montmorency. — Bibl. Roy., Mss. de Béthune, vol. coté 8586, fol. 47.

Mon cousin vous avez veu ce que je vous ay escript par ma dernière depesche et les pièces que je vous ay envoyées, et entendu la diligence que je faitz faire pour faire marcher les Suysses de la dernière levée devers vous, et ne vous scauroye pour ceste heure dire autre chose davantaige. Le s. de Boissy porteur d'icelle s'en va vous trouver affin de l'employer en tout ce que lui ordonnerez pour mon service, auquel j'ay donné charge de vous dire de mes nouvelles, qui sera cause que je ne vous feray plus longue lettre, remectant le demeurant sur luy. Priant Dieu, etc. Escript à Lyon le 24e jour de juillet 1536. Françoys.