FRANÇOIS Ier ET LA RENAISSANCE. 1515-1547

TOME QUATRIÈME

CHAPITRE PREMIER. — DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME DIPLOMATIQUE DE CHARLES-QUINT ET DE FRANÇOIS Ier.

 

 

Organisation de l'Allemagne. — Idée d'un concile général. — Négociations près de Clément VII. — Plan d'une armée permanente de la chrétienté pour la délivrance de la Grèce. — La restauration des Paléologues et la fusion des deux Églises. — Préparatifs maritimes de Charles-Quint et expédition contre Tunis. — Délivrance des esclaves. — Immense popularité de l'empereur. — Son triomphe à Naples. — Entrevue de François Ier et de Henri VIII à Boulogne et à Calais. — Visite du pape Clément VII à Marseille. — Réveil des droits sur l'Italie. — Intrigues à Milan. — Brouillerie avec les ducs de Savoie. — Jugement et exécution de l'écuyer Maraviglia. — François Ier veut la guerre.

1552-1535.

 

A mesure que l'on marche dans la plénitude des événements, la politique souveraine de Charles-Quint se révèle avec toute sa majesté. Rien n'avait plus profondément alarmé l'empereur que de voir se disperser l'antique unité allemande : la ligue d'Augsbourg, la confédération de Smalcalde, dissolvant corrosif, jetait la guerre civile au sein de la famille germanique. Il est vrai que les princes protestants soutenaient avec la constance du droit qu'ils n'en voulaient point à l'autorité souveraine de l'empereur, dans une question exclusivement religieuse. Ce n'était là que des protestations stériles ; dès que les électeurs avaient pris les armes et obtenu des concessions par la force, l'ancienne forme de institutions germaniques disparaissait devant une situation nouvelle pour les électeurs, les cités, les épiscopats et les terres féodales. La liberté de conscience n'était qu'un moyen d'arriver à la dissolution du vaste code allemand.

Ces dangers, l'empereur les prévoyait bien ; après avoir violemment réprimé les plus hardis, les plus récalcitrants des électeurs, il se hâta de faire des concessions à la liberté religieuse pour obtenir le concours de tous les princes allemands dans les périls de la chrétienté menacée par les Turcs[1]. L'esprit puissant d'organisation ne l'avait pas abandonné ; trop près du moyen âge pour ne pas sentir que toute question politique était essentiellement religieuse, l'empereur résolut un concile général, expression de l'Église universelle, et qui, seul, pourrait décider les différends élevés entre l'autorité pontificale et les réformateurs. L'idée d'un concile générai flattait Charles-Quint, non-seulement sous le point de vue de l'universalité, fondement de sa pensée, mais encore parce qu'il avait lu dans les annales du Bas-Empire que Constantin présida le concile de Nicée, et ce souvenir flattait son orgueil comme le nom de Charlemagne, Ensuite, dans certains esprits, il y a peu d'idées qui ne se changent en pensée générale ; ceux-ci groupent incessamment les faits, les volontés, les forces, pour arriver à l'unité, qui est leur rêve de gouvernement et de puissance politique.

Cette réunion d'un concile général devait trouver deux sortes d'obstacles. Les papes d'abord hésitaient toujours devant l'idée d'un concile général, pour eux une grande difficulté ; toute dictature craint les assemblées, toute puissance suprême a répugnance pour la délibération souveraine ; et, sans précisément repousser la réunion d'un concile, Clément VII témoignait quelques doutes même sur les résultats d'une assemblée où l'Église universelle aurait ses représentants : quelle dispute allait naître dans son sein, quel rang y tiendrait le pape ; ses bulles seraient-elles soumises au concile, ou le concile à ses bulles ? Si l'empereur le présidait, l'autorité pontificale serait méconnue, et si, au contraire, le pape se posait comme chef du concile, ne serait-ce pas un motif pour que l'empereur l'abandonnât ? Clément VII hésitait donc, disant que la circonstance n'était pas bien choisie, que l'Église était déjà assez tourmentée pour qu'on ne jetât pas au milieu d'elle de nouveaux ferments d'agitation et de trouble. En ce temps, il fallait moins délibérer qu'agir, moins raisonner que réprimer ; les longueurs d'un concile ne permettaient pas de se servir des moyens efficaces y qui seuls pouvaient amener une pacification et frapper l'hérésie dans son principe.

Les protestants n'étaient pas non plus les partisans d'un concile de la grande Église ; leurs idées avaient tant marché depuis la première époque de la prédication de Luther ! Ils ne proclamaient plus seulement une révolte contre le pape et la souveraine puissance de Rome ; à force de dissertation historique, les protestants s'étaient mis en opposition avec le principe catholique, ses mystères, les sacrements, le culte de la Vierge et des saints. Si Mélanchton, le plus doux de tous les réformateurs, foulait bien admettre l'autorité du concile, combien d'autres la rejetaient absolument : on différait spécialement sur les détails de la convocation ; serait-il appelé par le pape ; et qui le présiderait comme souverain maître de l'Église ? Les luthériens décidaient toutes ces questions contre le pontife de Rome si violemment attaqué par leurs pamphlets ; ces obstacles fatiguaient l'empereur Charles-Quint. Condition bien triste réservée aux esprits supérieurs que ces petites résistances qui arrêtent et défigurent leur pensée ! comme ils conçoivent en grand, ils veulent exécuter en grand ; et l'on sème sur leurs pas mille réseaux pour les arrêter et fatiguer leur patience. Ainsi fut Charles-Quint lorsqu'il demanda le concile comme un moyen d'apaiser les opinions : s'adressait-il à Rome ? on lui opposait des difficultés de pensée et de forme. En aurait-il triomphé ? qu'alors les luthériens voulaient lui imposer leur programme. Les uns disaient : point de concile, car la hiérarchie des évêques est un abus ; les autres ajoutaient : quelle sera l'autorité de ce concile et aura-t-il le pouvoir de détruire et de réformer l'Église dans son chef et dans ses membres ? D'autres, enfin, soutenaient qu'il fallait un concile sans pape et une Église sans hiérarchie.

Au milieu de ce conflit d'intérêts et d'opinions, si triste pour une pensée aussi vaste que celle de Charles-Quint, un point paraissait néanmoins obtenu, c'était la formation d'une armée chrétienne groupée autour d'un chef et embrassant toutes les forces religieuses pour combattre les Ottomans. Charles-Quint avait réalisé une grande idée après des efforts inouïs ; on l'avait vu sur le Danube, en Hongrie, à la tête de toutes les forces allemandes arrêter la terrible invasion de Soliman II. Il n'y avait pas eu de grandes batailles ; le Turc menacé par la flotte d'André Doria jusque dans Constantinople, était revenu en toute hâte sur le Bosphore : mais enfin l'Allemagne s'était fièrement réunie sous la main de l'empereur dans le danger commun ; et cette fusion des étendards lui faisait espérer la reconstruction du vieil empire germanique. Si par un concile général il voulait rétablir l'unité religieuse, par l'armée germanique il arriverait à la vaste combinaison d'une Allemagne blason née de mille couleurs sous une même couronne ; chef à la fois du concile et de l'armée, il espérait ramener l'ordre que la prédication désordonnée de Luther avait jeté dans le monde.

Partout en Espagne, en Italie, cet esprit d'organisation se révèle ; à peine a-t-il pacifié l'Allemagne, qu'on voit Charles-Quint en Castille rétablir l'éclat, la hiérarchie dans tous les rangs, car la vieille maison de Bourgogne était renommée pour sa splendeur ; ses ducs aimaient les escarboucles sur leurs toques, les man tels aux brillantes couleurs. Avec un instinct merveilleux, Charles-Quint a compris que les choses qui scintillent vivement aux yeux plaisent au peuple ; il n'y a d'autorité que là où il existe un prestige de rang et de naissance, et, depuis cette époque, la cour de Cas tille compte les étiquettes de cour et les distinctions de la grandesse.

Ce n'est pas en vain que les flottes d'André Doria ont paru au Bosphore, sur les côtes de la Syrie et sur les rivages de la Grèce. Les papes alors avaient inspiré au monde une magnifique idée : l'affranchissement des Grecs et la reconstruction de l'empire d'Orient. Pour cela il fallait à la fois une nouvelle croisade et un empereur du noble sang de la race pourprée. Les Paléologues[2], réfugiés en Italie, étaient représentés par le marquis de Montferrat[3], alors au service de l'empereur ; si la victoire favorisait l'étendard de la croix, si les flottes d'André Doria amenaient le soulèvement des Grecs, on aurait par ce moyen retrouvé Byzance, et Constantinople deviendrait une fois encore la capitale d'un empire chrétien : la conquête des Ottomans était si récente ; depuis un siècle à peine. Sainte-Sophie était transformée en mosquée, et les chevaux des osmanlis trempaient leur crinière dans le Bosphore. Un despotisme imposé par la force pouvait donc tomber sous la puissance de l'Europe armée, et le marquis de Montferrat, comme au XVIIIe siècle, pourrait ceindre la couronne des empereurs dans les riches palais de Constantinople. Afin de compléter ce grand œuvre, le concile général devait fondre les Églises d'Orient et d'Occident sous une même communion, car ce qui avait avancé la chute de l'empire grec, c'était précisément sa séparation d'avec Rome, et l'unité religieuse seule pouvait le reconstituer dans sa force native, en lui assurant toutes les armées de la chrétienté.

Quand des plans politiques sont jetés dans de si vastes proportions, rien ne doit plus les arrêter, et à ce temps, à la vue de ces idées gigantesques, Charles-Quint résolut son expédition d'Afrique ; il s'y mêlait une volonté de conquête, inhérente à tout génie de bataille ; il ne faut jamais faire trop d'honneur à la pensée idéale d'un homme ; toutefois il est incontestable que l'expédition d'Afrique contre les Barbaresques avait un but de grandeur morale. L'empereur, par sa campagne de Hongrie, avait délivré Lintz et Vienne du cimeterre turc. Voici maintenant qu'il marche à de nobles desseins. Depuis dix ans, les pirates tunisiens, algériens, dans leur course de la Méditerranée, avaient enlevé des femmes, des enfants exposés aux plus durs travaux de l'esclavage, à la culture de la terre, sous le bâton du Turc et du Maure. Le commerce vénitien, génois, était exposé aux tristes vexations, et les plus braves matelots allaient gémir sous le soleil brûlant de l'Afrique. Qu'elle serait donc vaste et populaire cette pensée de l'empereur, si, à la tête de son armée, il allait délivrer les chrétiens de l'esclavage et rendre la vieille Afrique à tout son éclat ! Ses villes étaient si brillantes sous la domination romaine, au milieu des provinces riches de commerce et d'industrie, et le grenier de l'Italie ! Depuis, les Barbares étaient venus ! les champs étaient fauchés ; l'Arabe du désert faisait paître sa cavale sur les ruines de la cité d'Hippone où saint Augustin avait prêché le christianisme. Ces cirques où les chrétiens venaient exposer la foi au milieu des rugissements des bêtes féroces, n'existaient plus que comme des souvenirs des siècles au tombeau !

Ainsi, concile général pour ramener l'unité catholique, reconstitution de l'empire grec, nationalité allemande et délivrance de l'Afrique, tels étaient les vastes plans de Charles-Quint, poursuivis avec une glorieuse persévérance. Depuis longtemps André Doria parcourait les côtes de la Maurétanie pour sonder les points favorables à un débarquement. Barberousse, élevé au titre de Capitan-bacha (grand amiral) par Soliman II, avait chassé le roi de Tunis, du nom de Muley-Haçan[4], et les forts de la Goulette, de Bon a, étaient au pouvoir de la milice turque. Expulsé de ses palais, de son sérail, Muley-Haçan vint sous la tente de Charles-Quint lui offrir tribut comme les antiques rois de Numidie à l'empire romain. Les trois races maure, turque, arabe, qui déjà occupaient le sol en pleine rivalité, devaient préparer la conquête.

C'était la veille de Saint-François de Paule, fête si renommée dans les Espagnes, et l'empereur Charles quitta Madrid suivi de la plus brillante chevalerie, pour sa croisade d'Afrique : parmi ses braves paladins se trouvaient l'infant don Luiz de Portugal, frère de l'impératrice, les ducs d'Albe, de Medina Celi ; les comtes d'Astorga, de Salvatiera, d'Oropesa et le grand commandeur d'Alcantara. André Doria, qui reçut l'empereur sur sa galère, porta devant lui, comme connétable, droite et debout, la grande épée que le pape lui avait envoyée comme signe de la croisade. L'amiral déploya toutes voiles sur la Sardaigne, et bientôt apparurent les rivages de l'Afrique. Trois cents navires de toute force et trente-trois mille soldats débarquèrent près de Tunis. Dirai-je les exploits héroïques, les revers et les fortunes merveilleuses de cette armée ? La peste, la disette, le vent du désert, conspirèrent contre les chrétiens ; néanmoins la Goulette fut prise, Tunis se soumit[5], et Muley-Haçan revit son palais. Mais le triomphe qui fit le plus d'honneur à Charles-Quint et grandit sa gloire dans toute la chrétienté, ce fut la délivrance de près de vingt mille esclaves, hommes et femmes[6], arrachés des fers des infidèles. Tous en procession, ils s'avancèrent, les vieillards en tète, puis les femmes et les vierges au-devant de l'empereur ; ils portaient des bannières, précédées d'une croix de bois sainte, sur laquelle on voyait l'image de ce Christ, auquel ils avaient gardé l'obéissance ; parmi eux nul renégat. A mesure que la croix s'approchait ainsi de Charles-Quint, cet empereur si grand par son génie et sa puissance, se prosternait la face contre terre ; spectacle admirable pour l'armée qui voyait son chef s'humilier comme le dernier des soldats, et celui qui commandait le monde, agenouillé le front dans la poussière devant une pauvre image de bois grossier !

Cette expédition d'Afrique était tellement dans les idées et les intérêts de la chrétienté, elle avait produit une si vive, une si profonde sensation, que la grandeur populaire de Charles-Quint s'en accrut. Ces victimes de l'esclavage, qui retrouvaient un  père, un enfant, un époux, trempés de nobles larmes, faisaient retentir les airs de leurs acclamations. Charles-Quint venait de purger la Méditerranée de ces corsaires ravageurs qui désolaient le commerce[7]. Depuis Tunis jusqu'à Alger, dans ces nids de pirates, s'abritaient les écumeurs de mer, s'élançant sur l'Italie, la Sicile et sur les côtes de la Provence, Lorsque Charles-Quint quitta son armée d'Afrique pour visiter la Sicile et Naples, l'enthousiasme sema sa route d'arcs de triomphe ; son front fléchit sous le poids des fleurs que lui offraient les jeunes filles ; les chants d'action de grâces retentissaient autour de lui, et les devises rayonnaient sur sa tête pour le service qu'il venait de rendre au monde chrétien. De Naples, Charles-Quint dut visiter Rome, la ville éternelle, toujours entouré de ces bruyantes acclamations : il y a une reconnaissance instinctive dans le cœur des peuples, et celui qui avait fait tomber les fers des esclaves était proclamé le premier conquérant du monde : qui désormais oserait lutter contre lui, serait-il même roi de France sous le manteau tout fleurdelisé ? Charles-Quint avait pris le meilleur parti, celui de marcher droit à la force populaire, et ce but, il l'avait réalisé par l'expédition d'Afrique.

Tandis que de si grands résultats brillaient de gloire sous la puissance de Charles-Quint, que faisait son rival François Ier ? allait-il essayer encore la guerre ? Le roi de France mettait toujours une si grande importance dans ses rapports d'intimité avec Henri VIII d'Angleterre, qu'il avait favorisé son divorce à Rome ; sur les instances du cardinal Wolsey on se souvient que les deux princes s'étaient personnellement rencontrés, d'abord à Boulogne-sur-mer, ville de France, puis à Calais, possession anglaise. Ces entrevues n'avaient pas eu la splendeur, la richesse des magnifiques rendez-vous du Drap d'or ; à la première et jeune époque du règne il y avait moins d'affaires sérieuses, moins de passions froissées et plus de place pour les tournois, les joutes, les amusements et distractions. Maintenant Henri VIII, déjà irrité contre le pape, voulait marcher à l'indépendance réformatrice, et François Ier, inquiet à la fois de la grandeur de Charles-Quint et de la situation de l'Italie, ne songeait qu'à reprendre les armes. Il en résulta une sorte d'inquiétude dans les jeux et joutes ; tout fut pris par les conférences sérieuses. François Ier développa au roi d'Angleterre ses plans sur l'Italie et les desseins de recommencer la guerre ; et, en ce cas, quelle attitude prendrait le roi Henri ? Avec habileté le roi de France exposa que Charles-Quint était le plus grand obstacle au divorce de Catherine d'Aragon, et que sans l'empereur le pape eût déjà prononcé la sentence si désirée ; réduire la puissance de Charles-Quint c'était avancer le divorce et préparer les secondes noces. François Ier saisissant ainsi le côté faible de Henri VIII, avait parlé à ses passions, et l'on s'explique très-bien les causes de l'alliance secrète.

S'il fut question des affaires d'Italie dans les conférences de Boulogne et de Calais, c'est qu'en ce moment François Ier songeait encore à ses conquêtes du Milanais, de Gènes, avec tous les feux de la jeunesse et de l'enthousiasme. Le mariage de Henri, le second fils de France, venait d'être accompli avec Catherine de Médicis, la nièce de Clément VII ; et dans les stipulations des noces, il était convenu qu'elle apportait en dot, indépendamment de quatre cent mille écus comptant, ses droits sur le duché d'Urbin, les cités de Livourne, de Plaisance, de Parme, de Pise, de Reggio et de Modène. En vertu de quel droit cette cession était-elle faite, car ces villes n'appartenaient ni au pape, ni aux Médicis ? Le contrat de mariage, dont le texte existe encore, n'en dit pas un mot ; elles furent l'objet d'une stipulation secrète[8]. François Ier ne cherchait qu'un prétexte pour revoir sa chère Italie, un droit vrai ou faux, et à la suite de ce contrat, il fut convenu que Clément VII viendrait lui-même conduire sa nièce jusqu'à Marseille, afin de s'aboucher avec le roi, dans un but de conciliation de la papauté avec Henri VIII. Ce dernier objet était si important qu'il avait déterminé le voyage de Clément VII, quittant la grande Rome pour visiter le roi de France, comme il avait vu l'empereur à Bologne.

Une fois l'entrevue arrêtée entre le pape et le roi, comme la seule voie de réconciliation, on discuta le lieu et le temps des conférences : serait-ce en Italie ou en France ; dans une ville neutre et intermédiaire ? Le pape proposa Nice, qui d'abord fut acceptée. Le roi fit ensuite observer que le duc de Savoie était trop dévoué à l'empereur pour que Nice ne fût pas un lieu suspect et surveillé ; il désigna lui-même Marseille, vieille et grande cité, qui faisait bien partie du royaume de France. Mais Marseille par ses privilèges municipaux, ses grandeurs, ses immunités, offrait des garanties au souverain pontife ; là il trouverait des palais comme à Gênes, de magnifiques retraites ombragées de pins comme dans la campagne de Rome, et les galères pontificales pourraient s'abriter dans un vaste port ; la cité, glorieuse d'un tel honneur, déploierait ses bannières à la croix municipale autour du trône élevé pour Clément VII. Durant une belle matinée du mois d'octobre, alors que les eaux de la Méditerranée sont si calmes et si pures, on vit des tours de la Joliette et de Notre-Dame de la Garde des galères au pavillon blanc, avec les clefs de Saint-Pierre ; les cloches de la Major répondirent au beffroi municipal de la place de Linche[9], pour annoncer la bonne venue du saint pontife au milieu des populations agenouillées. La vieille, la bonne cité avait salué son roi François Ier arrivé avec la chevalerie de la ville d'Aix où pendant quelques journées il avait fixé son séjour : combien n'était-il pas brillant ce cortège quand il se rendit au monastère de Saint-Victor, où le pape séjourna à l'abri de ces noires murailles qui avaient vu les premiers sacrifices chrétiens. Il se manifesta au cœur du roi un si grand désir d'attirer à lui la bienveillance du pontife qu'il ne voulut même pas rester dans la ville, afin de lui montrer que là où était le pape, il demeurait seul le maître et souverain. Les Marseillais se groupaient autour de Saint-Victor, pour saluer Clément VII ; or, les bénédictions pontificales étaient jetées sur la foule émue, aux acclamations et aux prières de tous.

Les motifs de l'entrevue étaient divers ; le premier, tout de famille, pour accomplir le mariage de Catherine de Médicis avec Henri duc d'Orléans, le second fils de François Ier. On vit, lors de l'entrée du souverain pontife, au milieu de l'encens et des cris du peuple, une jeune fille au teint fortement bruni de Florence, vêtue toute de drap d'or, grande et assez bien faite, que tenait par la main un homme déjà avancé dans la vie, son oncle le duc d'Albanie. Catherine de Médicis, destinée au duc d'Orléans, se montrait joyeuse de l'éclat qui allait rejaillir sur sa race ; et le pape, à cette occasion, avait uni le blason fleurdelisé aux armoiries pontificales, à la tiare et aux clefs d'or. François Ier conduisait lui-même son fils, qui fut trouvé bien gracieux par tous les bourgeois, manants et habitants. Les palais de la place Vivaux, les beaux jardins des grands Carmes, les pavillons des Moulins furent habités par la plus grande noblesse, qui de là examinait ce beau point de vue de la mer, comme à Gênes et à Naples (on n'aimait pas alors les villes plates et basses). Les cités se formaient en espaliers où pendaient le raisin à belles grappes, sous la treille verdoyante, le figuier au fruit savoureux, l'olivier poudreux d'Athènes que le mistral secoue avec la même force que la siroco dans le golfe de Livourne ou de Civita-Vecchia. Catherine de Médicis avait un double héritage au delà des Alpes ; cet héritage était partout accompagné de prétentions sur les domaines d'Italie, qui tenaient si fortement au cœur de François Ier. Par les Médicis, le roi prenait encore un pied à Florence, à Milan ; et Clément VII se montra en cette occasion habile, et prévoyant pour ménager à la fois l'empereur et François Ier.

Pouvait-il heurter directement Charles-Quint maître de l'Italie, et alors que, défenseur de la chrétienté, il acquérait une popularité si grande dans son expédition contre les Turcs ? Naguère, sur un seul ordre de l'empereur, Rome envahie avait été livrée aux désordres des reîtres et des lansquenets ; lui, Clément VII, avait été détenu captif au château Saint-Ange, à la face du Capitole et du Vatican. Ces événements, ces crises, le pape pouvait-il les oublier ? Son intérêt était donc toujours d'intervenir comme pacificateur, d'assurer la paix entre les deux princes, afin de tourner leurs forces contre les infidèles. Ce résultat était d'autant plus difficile, que la question se compliquait par les mécontentements de Henri VIII, qui lui-même avait envoyé des ambassadeurs à Marseille, non point pour faire hommage au pape, mais pour insulter en quelque sorte à la dignité pontificale, car à la face de tous, ces ambassadeurs en appelèrent du pape au futur concile, sorte de formule de la réforme pour nier la dictature morale de l'Église de Rome. Tant il y a que les négociations préparées par l'entrevue de Marseille, apportèrent des modifications sérieuses aux rapports de Charles-Quint et de François Ier sur l'Italie. Clément VII se lia plus étroitement avec le roi, et comme témoignage, le pape créa quatre cardinaux français[10]. Magnifique dignité que le cardinalat sous cette robe de pourpre, qui inspirait partout le respect des peuples ! et quand Rome était satisfaite d'un prince ou d'un peuple, elle nommait un cardinal pour lui dire : Voici un lien de plus entre vous et moi.

L'entrevue solennelle dura quarante-cinq jours ; le pape ne quitta Marseille que le 10 novembre. Au milieu des fêtes religieuses, tandis que toutes les_ cérémonies venaient grandir la vieille renommée de la cité des Phocéens, François Ier s'absorbait dans ses projets sur l'Italie : comment pouvait-il y songer quand il avait contre lui la renonciation des traités de Madrid et de Cambrai ? En politique, le prétexte souvent surgit à volonté. Pendant la première période de son règne, François Ier avait été secondé dans ses entreprises par la maison de Savoie ; ceci tenait à sa mère, la reine Louise, issue de cette grande maison ; puis, à des intérêts communs pour la possession du Milanais. Après la mort de la reine Louise, les questions d'héritage, les mécontentements personnels, la protection que le roi accordait à la nouvelle république de Gênes, détachée de la Savoie, avaient profondément aigri les ducs gardiens des montagnes, et Charles-Quint qui profitait de tout, stipula l'alliance du duc de Savoie[11]. Déjà les Alpes garnies de troupes formaient un rempart hérissé de canons pour défendre les possessions du Milanais contre toute tentative des Français.

Cette attitude du duc de Savoie avait servi de prétexte à une déclaration de guerre du roi de France contre le gardien des Alpes : aucun article ne s'y opposait et quel texte de traité pouvait-on invoquer ? Les stipulations de Madrid et de Cambrai gardaient le silence sur la Savoie ; si donc le roi avait à se plaindre du duc, ne pouvait-il pas faire la guerre ? s'était-il lié les mains pour toujours, et s'il avait des droits à invoquer du chef de Louise de Savoie, sa mère ; si les armements des ducs menaçaient la Provence, est-ce qu'il y avait un pouvoir assez osé pour dire à François Ier : Qu'il n'avait pas le droit de se défendre ? Le roi pouvait donc librement attaquer la Savoie, et ce raisonnement faisait battre son cœur, parce que la Savoie c'était l'Italie avec son ciel ; c'était la chaîne des hautes montagnes qui gardait les abords du lac de Corne et Milan. L'empereur n'avait point à se plaindre ; n'était-ce pas assez d'avoir imposé à un roi captif d'outrageuses conditions et le roi de France ne tenait pas une épée à la main pour obéir de toute éternité aux injonctions de Charles-Quint. Dans les conférences de François Ier avec le pape, le roi s'était formellement exprimé sur ses désirs de venger les insultes qu'il avait reçues des ducs de Savoie, et de réclamer l'héritage de sa mère. Clément VII donna son approbation à la prise d'armes en déclarant qu'il la croyait conforme au droit et à l'équité.

Cependant si quelque chose avait été formellement stipulé de la part de François Ier à Cambrai, c'était la renonciation absolue à ses droits sur le duché de Milan, et, par suite de ces stipulations, le duc Sforza, après l'investiture de Charles-Quint, s'était mis en pleine possession de son duché. D'abord François Ier avait cherché à nouer quelques intrigues auprès du duc ; ses agents secrets résidaient à Milan pour réveiller le parti français ; Sforza, rusé comme un vieux soudard, n'avait point dédaigné de prêter l'oreille à quelques ouvertures de François Ier : pourvu qu'il restât duc de Milan, que lui importait à qui l'hommage devait être fait, à l'empereur ou au roi ; il poussa la condescendance jusqu'à accueillir à la cour des agents français, et, parmi eux, un gentilhomme, l'écuyer Maraviglia, originaire du Milanais, lié au parti français dans toute la Lombardie, et qui cherchait par ses menées à faire prononcer une fois encore les populations pour la souveraineté de François Ier. Maraviglia, esprit impétueux, brouillon, insultait le parti allemand, si bien que, dans plusieurs rencontres, il troubla la paix publique, et frappa quelques seigneurs des meilleures familles de Milan ; on l'accusa même d'avoir assassiné le marquis de Castiglione, un des nobles les plus dévoués à Charles-Quint. Ceci dans Milan, comme au temps de la guerre civile.

Informé de cette scène sanglante, l'empereur, déjà mécontent de ce que Sforza avait reçu à la cour des émissaires français, exigea sur-le-champ une réparation éclatante de son vassal ; il voulut par ce moyen le sonder pour savoir s'il y avait quelque chose de vrai dans le rapprochement du Milanais avec la France ; et en tous les cas, pour le forcer à une rupture, l'empereur exigea que Maraviglia fût livré aux tribunaux comme assassin ; Sforza qui savait bien ce que signifiaient les ordres de l'empereur, s'empressa d'accomplir ses commandements ; Maraviglia eut la tête tranchée, comme un gage sanglant donné à Charles-Quint[12].

Quelle rupture plus ouverte du duc de Milan avec la France ? Sforza livrait au supplice un serviteur de la maison du roi ! François Ier déclara qu'il lui fallait une réparation[13] : on avait méconnu le caractère sacré d'un ambassadeur, et les fleurs de lis brodées sur son étendard ! Est-ce que le traité de Cambrai lui interdisait de tirer vengeance d'une insulte, et de subir sans rougeur au front les outrages qu'il recevait ? Il n'y aurait pas assez de flétrissure pour lui au sein de sa noblesse ! Vengeance donc contre Sforza par son épée ; il irait bien la chercher lui-même au delà des Alpes, si on ne s'empressait de lui donner pleine satisfaction. Ces plaintes retentirent partout, à Rome, en Allemagne, et l'on apprit que François Ier se disposait de nouveau à la guerre : ainsi, par ses prétentions sur le duché de Savoie, le roi se donnait la faculté d'attaquer les Alpes et de marcher sur Turin sans violer les traités de Cambrai et de Madrid. Ensuite, en vertu d'un grief plus grave encore, il envoyait par sa chevalerie une sorte de cartel à Sforza, et lui-même irait chercher la réponse à Milan, car il s'agissait d'une question d'honneur contre un lâche qui avait assassiné un de ses varlets ; Charles-Quint ne pourrait s'y opposer. Est-ce qu'un chevalier blessé dans sa dignité ne pouvait plus la venger ? Au fond, le roi n'avait qu'un motif, qu'un seul but : le bonheur de revoir l'Italie. Tel était le dernier mot de toute sa conduite, de son entrevue avec le pape, de son alliance avec les Médicis, de ses griefs contre le duc de Savoie, et de ses plaintes contre Sforza. L'on pourrait dire que le règne de François Ier se résume et s'explique par une seule idée, un amour immense pour l'Italie.

 

 

 



[1] Dans l'assemblée de Schwinfort, tenue du 3 au 17 avril 1532, les luthériens et les catholiques se firent de mutuelles concessions ; on y arrêta : 1° que Sa Majesté Impériale obligerait Ferdinand, son frère, à se désister du titre qu'il avait pris de roi des Romains ; 2° que l'empereur et les princes électeurs refuseraient les conditions et les lois qui seraient à l'avenir également observées dans l'élection, et la création du roi des Romains ; 3° que Sa Majesté Impériale ferait sans aucun retardement publier une paix générale pour ce qui regarde les affaires de religion ; 4° que sans avoir aucune sorts d'égard aux décrets et aux édits établis dans les diètes de Worms et d'Augsbourg, il serait fait expresse inhibition et défense à ceux des deux partis catholique et protestant, de se molester les uns les autres, et de se faire entre eux la moindre injure sous prétexte de religion ; 5° que les protestants ne feraient aucune espèce d'innovation et ne publieraient d'autre écrit de leur confession, que celui qui fut présenté à la diète d'Augsbourg ; 6° qu'ils n'attireraient à eux, ni ne prendraient en leur sauvegarde et protection les sujets d'autres princes, et n'entretiendraient aucune correspondance avec les étrangers, si ce n'est pour le trafic ; 7° qu'il ne serait fait aucun chagrin ni empêchement aux ecclésiastiques dans les lieux de leurs propres juridictions, et qu'on les laisserait en repos exercer leurs fonctions ; 8° que les uns et les autres éviteraient les occasions d'entrer en dispute sur les matières de religion ; 9° que Sa Majesté Impériale et les États de l'Empire feraient cependant tous leurs efforts pour trouver quelque moyen d'ajuster les différends, et de les terminer en6n entièrement ; 10° que n'y ayant point de meilleur moyen d'apaiser les différends entre les catholiques et les protestants, que la convocation d'un concile ; l'empereur emploierait toute son autorité et tous ses offices pour en faire assembler un au plus tôt, dans l'espace de six mois et dans une ville de l'empire ; 11° que Sa Majesté Impériale enverrait incessamment à la chambre impériale des ordres exprès de suspendre l'exécution des sentences rendues en matière de religion, et de ne faire aucune sorte d'innovation sur cette matière contre les protestants, sous quelque prétexte que ce soit ; 12° que généralement tous les protestants, tant princes, gentilshommes et magistrats des villes, que peuples, rendraient à Sa Majesté Impériale avec tout le zèle et toute la soumission possible, l'obéissance qu'ils lui devaient selon les lois de l'Empire ; 13° que les mêmes donneraient à Sa Majesté Impériale, pour soutenir la guerre contre le Turc, toute l'assistance que demandaient les pressants besoins, et que leurs forces proportionnées à leur zèle pouvaient permettre ; 14° que ces conditions seraient reçues par les deux partis et observées dans toutes leurs circonstances, de bonne foi et avec une entière sincérité. Cette convention, envoyée à Charles-Quint, fut approuvée et signée de sa main.

[2] Théodore Paléologue, né de l'empereur Andronic et de Yolande (nommée Irène par les Grecs), fille de Guillaume Longue Épée, marquis de Montferrat, devint souverain de cette province en 1306, du consentement de sa mère qui la lui céda en toute propriété et dont elle avait hérité de son frère Jean Ier.

[3] Jean Georges Paléologue, fils de Boniface IV, succéda à Boniface V, son neveu, en 1530 ; alors évêque de Casai et abbé de Loccedio, il quitta ses bénéfices et mourut le 30 avril 1533, au moment où il venait d'épouser par procuration Julie, fille de Frédéric d'Aragon, roi de Naples. En lui s'éteignit la branche des Paléologues et le marquisat de Montferrat passa aux ducs de Mantoue.

[4] Muley-Haçan, de la dynastie des Hafsides, succéda à son père Muley-Mohammed, l'an de l'hégire 940 (1533 de J. C).

[5] Il existe une lettre de l'empereur Charles-Quint sur son entreprise de la Goulette, écrite de Tunis, dans les Mss. de Dupuy, vol. 373. — Bibl. du Roi.

[6] On trouve dans Roderic Sanvidal, le chroniqueur espagnol de l'expédition de Tunis, la liste de tous les esclaves chrétiens délivrés par l'empereur.

Siciliens, tant vieux que jeunes, 2.618 ; — femmes, tant mariées et veuves que filles, 1.866 ; — Italiens, tant vieux que jeunes, 4.490 ; — femmes, tant mariées que filles, 2.735 ; — Espagnols, tant vieux que jeunes, 3.522 ; — femmes de tout âge, 4.217 ; — hommes natifs de Sardaigne, 644 ; — femmes de tout âge, 475 ; — Corses, hommes, 527 ; — femmes, 148 ; — Anglais, hommes, 34 ; — femmes, 109 ; — Allemands, hommes, 25 ; — femmes, 35 ; — Flamands, hommes, 113 ; — femmes, 21 ; — total 18.579.

[7] Traduction sommaire de la convention faite entre l'empereur et le roy de Tunis. — Bibl. du Roi, Mss. de Béthune, n° 8576, fol. 29.

Recongnoissant l'obligacion en quoy est à l'empereur par la bonne œuvre qui a esté faitte en le restituant en la cité et royaume de Tunis et oster d'icelle Barberoux et les Coursaires qui la tenoyent occupée prosmet de sa propre autorité mettre en liberté tous quelconques chrestiens homes femes et enfans qui se trouveroient captifz au d. royaume libres et francs et les aydera affin qu'ils ayent passaige a retourner aux terres de la crestienté.

Que doresnavant ne se prendront ne par luy ne par ses successeurs et ne seront tenus en servitude d'hom. en son d. royaulme aulcuns chrestiens tant de l'empereur que des royaulmes de Napples, Sicille, Sardaigne et autres patrimoines de sa maj. et des terres de Flandre et Bourgoigne et de celles que tient le serenissime roy des Romains.

Et pareillement es terres de l'empire et es royaulmes de sa maj. et dud. roy des Romains ne se tiendra ne tiendront poins aucuns vaissaulx du d. roy de Tunis ne de ses successeurs.

Plus que le d. roy de Tunis et ses successeurs promettront venir des a présent passifiement en son royaulme les crestiens et les laisseront tenir les esglises qui a présent tiennent et faire de nouveau celles qui voudront es lieux, ou tiendrons leurs maisons et assentemens.

Mais pour ce qu'il y a aucunes terres occuppées en la couste du d. royaume de Tunis par le d. Barberoux, le d. roy consent et se contente que touttes les terres que le d. empereur aura par force d'armes durant la d. occupation soient syennes et de ses hoirs et successeurs avec estant jurée la d. cappitulation le d. roy consent en cas que la cité d'Affricque tourne en son pouvoir par armes ou de quelque autre manière, l'empereur puisse disposer à sa volunté d'icelle et la garder pour luy ou ses successeurs. Fait en la tente de s. maj. près de la Tour de l'eaue, à deux mil de la Golete le vi e jour d'aoust l'an mil cinq cens trente et cinq, signée de sa maj. et du d. roy de leurs mains et scellée de sa maj.

[8] Notre saint père ayant veu les articles secrets concernant le fait du mariage, signés de la main du roy à Annet le 23 d'avril 1534 contresignés Breton, les a trouvés et trouve très raisonnables et en désireroit l'exécution dez à présent si sans altération de la chose publique chrétienne se pouvoit faire. Toutesfois sa sainteté espérant que le temps pourra produire quelque bonne et juste occasion congnoissant aussi le grant honneur et bien que la maison de Medicis aura du mariage de madame d'Urbin sa niepce avec un fils de France, pour de sa part donner occasion au d. sgr roy de plus se contenter, et au duc d'Orléans de mieulx traitter sa d. niepce en lad venir est content ; il promet donner comme dès à présent il donne à sa dite niepce, et par conséquent à son futur époux en augmentation de dot, Pise, Ligorne, Modène, Regio et Rubere, et promet sur sa foy les délivrer réaument et de fait, quand sa d. sainteté verra et congnoitra et aussi le d. sgr que le temps sera à propos pour faire la consommation du d. mariage. Toutteffois préallable et d'autant que sa d. sainteté vouldroit plus accomoder sa d. niepce et son espoux revoit chose plus à propos pour ce faire que les villes de Parme et de Plaisance, lesquelles elle ne pourroit purement et simplement donner pour icelles estre du patrimoine d'église. Sa d. sté sera contente de faire eschanger avec le d. sgr roy en faveur du d. espoux toutesfois et en prendre l'équivalent selon qu'il conclut entre sa d. sté et le d. sgr roy ou leurs gens ayans de ce faire pouvoir suffisant, lesquelles villes de Parme et de Plaisance sa d. sté sera tenue et promet délivrer en lui délivrant aussi de la part du d. sgr roy la recompense qui par eulx d'eulx, aura été advisée au contentement de l'un et de l'autre. Item et d'autant que le duché d'Urbin appartient a la d. dame duchesse sa niepce, et que de présent elle se trouve occupée par le s. Francisque Marie, si le d. sgr roy veult faire entreprise aucune en temps qui sera jugé opportun par sa sté et parle d. sgr roy comme dessus sa d. sté'sera contente frayera estre tenue à la moitié d'autant de la dépense que fera le d. sgr en le d. conqueste en ce non compris la soulde des hommes d'armes françoys pour estre iceux ordres du d. sgr.

Fait à Albini en la chambre de mon d. saint père, estant avec sa sté pour le d. sgr roy MM. le cardinal de Gramont et duc d'Albanye. Le vendredi 9 de juing 1534. — Mss. de Béthune, vol. coté n° 8543, p. 23. Bibl. Roy.

[9] Les vieux quartiers de Marseille municipale ont conservé plus précieusement les mœurs, la piété, le culte des ancêtres.

[10] Ce furent Jean le Veneur, évêque de Lisieux, aumônier du roi ; Philippe de la Chambre appelé depuis le cardinal de Boulogne ; Claude de Givry, oncle de l'amiral de Brion, et Odet de Châtillon, neveu du connétable de Montmorency. — Du Bellay, liv. IV.

[11] Charles III, né le 10 octobre 486, de Philippe II et de Claudine de Brosse, succéda, en 1504, à son frère Philibert II, mort sans enfant. Ce dernier et Louise de Savoie, la mère de François Ier, étaient issus de Marguerite de Bourbon, première femme de Philippe.

[12] Maraviglia, arrêté le 4 juillet 1533, fut décapité le surlendemain.

[13] Lettre de François Ier à l'empereur. — Bibl. du Roi, Mss. de Dupuy, vol. 755.