Délibérations du conseil de Castille sur la rançon du roi de France. — Première note de François Ier. — Envoi des négociateurs à Madrid. — Ennui et tristesse du roi. — Sa maladie. — Arrivée de Marguerite de Navarre à Madrid. — La convalescence. — Correspondance secrète. — Négociations. — Départ de Marguerite. — Acte d'abdication de François Ier.— Enregistré au parlement.— Motifs qui hâtent le traité. — Discussion des articles. — Signature précipitée. — Méfiance de François Ier dans les derniers temps à Madrid. — Rechute de sa maladie. — Résolution de départ. — Dernière entrevue entre Charles-Quint et François Ier. — Actes secrets au parlement. — Échange des otages. — François Ier est libre.AOÛT 1525 — AVRIL 1526. Habitué aux heureux caprices de la fortune, l'empereur Charles-Quint n'espérait pas, cependant, un résultat aussi complet que l'immense capture du roi de France ; son plus puissant comme son plus hardi adversaire était en ses mains, et certes il faut une magnanimité et une grandeur d'âme peu communes pour ne pas se laisser entraîner vers une politique de victoire, quand l'ennemi est abattu. Charles-Quint vit donc ses efforts couronnés, et dès qu'il eut la confirmation de cette nouvelle, par la dépêche du roi de Naples, il réunit le conseil de Castille pour mettre en délibération le sort du prisonnier et le traité qu'on pourrait raisonnablement lui imposer. Cette délibération précieusement conservée, demeure encore aux archives espagnoles : plusieurs avis s'étaient élevés ; la majorité d'abord conduite par l'évêque d'Osma, confesseur de Charles-Quint, se prononça pour un système modéré, qui donnerait la liberté au roi dans les conditions d'une amitié loyale sans rien imposer qu'une rançon ; l'évêque invoquant les lois générales de la conscience, montrait à l'empereur tous les bienfaits qu'un tel système pouvait lui attirer. Mais du sein de la grandesse, s'éleva bientôt la dure voix du duc d'Albe, don Frédéric de Tolède, exprimant ici une inflexible opinion de soldat : Selon lui, on ne fondoit pas les royaumes avec des pensées religieuses et des questions chevaleresques, vertu bonne pour un simple gentilhomme, mauvaise pour un roi ; quand on vouloit faire durer une monarchie, il falloit l'appuyer sur des bases solides. Et cette opinion fermement soutenue, domina bientôt le conseil tout entier, et le duc d'Elbe put déclamer à l'aise contre l'esprit de la nation française, inconstante, légère et sans foi[1]. Quand on est le plus fort, les prétextes ne manquent pas,
et l'histoire du passé est même une puissance qu'on invoque pour trouver des
titres aux prétentions les plus extraordinaires. La monarchie française ne
s'était-elle pas développée par la conquête, et par des réunions successives
d'États acquis sur ses voisins ? En vertu des prétentions d'héritage ou du
souvenir de possession, on pouvait demander contre cette monarchie, la
rétrocession de plusieurs provinces, et le conseil de Castille n'y manqua
pas. Charles-Quint héritier de la maison de Bourgogne, pouvait réclamer les
droits de cette jeune Marie, l'héritière du duc, presque violemment
dépouillée par Louis XI. Ce que la force ou la ruse avait arraché à l'aïeule
de Charles-Quint, les malheurs de la guerre devaient l'enlever également à
François Ier captif, c'était justice ; par le même motif on pouvait lui
demander la renonciation à toute suzeraineté sur Ces négociateurs arrivèrent à Madrid au moment où le roi captif, profondément attristé, éprouvait les premières atteintes d'une cruelle maladie. Vivant presque isolé à Madrid avec les deux dignes chevaliers Chabot, comte de Brion ; et le maréchal de Montmorency, il éprouvait le mal du pays, loin des siens, de sa famille et de sa patrie. Ensuite, tout à fait déçu dans ses espérances, l'amertume dévorait son cœur ; Charles-Quint n'était qu'à douze lieues de Madrid, aux états de Tolède, et il ne daignait pas venir visiter un roi malheureux, qui accourait lui presser la main de chevalier à chevalier. Déjà dans sa captivité du château de Pizzighitone ou à Valence, entouré des souvenirs de la domination mauresque, François Ier s'était livré à son goût pour la poésie ; nourri de la lecture des romans, des grands poèmes du moyen âge et des chroniques, le roi trouvait une certaine consolation à se rappeler les souvenirs de la grande époque, il redisait ses malheurs en vers et en prose ; plusieurs des poésies qui nous restent ont été écrites pendant la captivité ; il s'y révèle du chagrin, de l'amertume, et comme c'était l'esprit du temps, le poète s'entretient des champs I de la campagne, des pastourels, des bergerettes, et de l'amour qui dominait tout dans l'existence d'un gentilhomme. Cependant, à cette lutte morale contre sa mauvaise
fortune, les forces du roi s'étaient épuisées ; au commencement de l'hiver il
tomba sérieusement malade, sans autre cause première et révélée que la
douleur intime et le chagrin qui creusent de longs sillons et des rides
profondes. Cette nouvelle bientôt se répandit y elle vint jusqu'à la cour
d'Amboise, et aussitôt la duchesse d'Alençon, cette sœur tendrement aimée, se
décida à faire le voyage de Madrid. Nulle compagne n'avait l'âme plus douce,
et cette faculté rieuse de guérir une plaie plus morale que physique. Jeune
et spirituelle princesse, sa présence à Madrid opéra une révolution dans
l'esprit du roi, et presque dans l'âme de Charles-Quint, qui l'accueillit
avec les plus grands honneurs. Le soir, dans les ennuis de la solitude,
Marguerite récitait des vers, en composait à l'honneur de Qu'aurait dit l'Europe, si le roi de France était mort à
Madrid sans que l'empereur daignât le visiter ? Le pape, Henri VIII, toutes
les têtes couronnées se seraient indignées de ce traitement sauvage ! Un motif
même plus intéressé encore déterminait Charles-Quint à préserver les jours de
François Ier ; captif, le roi de France, pour sa rançon, donnerait de
l'argent, des provinces ; une fois mort, au contraire, la loi de l'hérédité
appelait le Dauphin ; et ce prince, devenu roi, n'aurait plus à s'inquiéter
des stipulations de Madrid ; alors tout le bénéfice de la victoire de Pavie
était perdu. Ces calculs durent être faits par le conseil de Castille avant
la résolution de l'entrevue : un matin, on annonça que l'empereur venait
visiter le roi ; Charles-Quint entra sans cérémonial dans la chambre où se
trouvaient le maréchal de Montmorency debout, la duchesse d'Alençon assise au
chevet de son frère alité, et le comte de Brion près de la porte. L'empereur,
seulement suivi de deux pages, relevait sa petite taille par le port de sa
tête et la dignité de son maintien ; un peu boiteux, il s'appuyait sur le
plus jeune de ses pages, gracieux enfant des Castilles. Il fut, pour François
Ier, plein d'une douce amabilité, il lui répéta que
la maladie n'étoit heureusement plus rien ; il dépendoit de lui de faire
cesser une captivité qu'il déploroit lui-même ; comme son bon frère et ami.
Le roi de France lui tendit la main, en déclarant qu'il
n'attendoit pas moins de sa loyauté et de son honneur. Depuis ce
moment la santé de François Ier, se rétablit à vue d'œil ; il reprit sa
gaieté, son goût de chasse, ses dissipations, et, comme si la présence de sa
sœur chérie avait réveillé ses goûts de poésie, le roi composa de concert
avec elle des sonnets, des madrigaux, des vers, qu'ils aimaient tous deux à
réciter le soir pour charmer la convalescence. Cependant les questions politiques n'allaient pas aussi
vite que le rétablissement de la santé du roi| malgré toutes ses politesses
empressées et ses témoignages d'amitié[5], Charles-Quint n'en
conservait pas moins le désir et la volonté d'obtenir la meilleure rançon possible
et les plus grands avantages de l'événement heureux qui avait mis le roi de
France dans ses mains : s'il abandonnait quelques-unes des conditions
imposées à l'égard du connétable, il insistait pour obtenir A Paris la ville était toute inquiète de savoir des
nouvelles du roi ; de temps à autre venaient quelques messagers, porteurs de
lettres, et il en arriva une du sieur Babou[7] qui annonçait la
convalescence de notre sire et l'espérance qu'il serait délivré dans peu de
temps. La régente s'empressa de donner avis au parlement de cette bonne
nouvelle. La cour toujours pieuse, toujours dévouée aux choses chrétiennes,
ordonna qu'une procession générale serait faite à Néanmoins les alarmes ne cessaient d'être grandes ; aux registres du parlement on trouve une curieuse anecdote sous la date du 18 octobre 1525 ; il vint à la grande cour du palais quatre personnes à cheval, contrefaisant les courriers avec vêtements de deuil, et ils crièrent et publièrent des vers contenant en substance que le roi était mort, et ajoutèrent plusieurs choses inconvenantes pour l'honneur de la couronne, sorte de conjuration favorable, on le croit, au parti féodal du connétable de Bourbon et de Charles-Quint. On voulait, en supposant la mort du roi, s'emparer du gouvernement de l'État contre madame la régente. La cour fut bientôt rassurée, car son premier président, M. de Selves, un des envoyés à Madrid, écrivit lui-même que le roi était en pleine convalescence ; et quelques instants après une autre lettre du premier président à la régente lui annonça que les négociations allaient à bien et qu'on aurait un résultat favorable à la couronne. Le président de Selves, en effet, le chef des députés à
Madrid, arrivait enfin à un traité, et voici dans quelles circonstances :
pour éviter la trop grande influence de François Ier sur la paix, et se
réserver surtout la liberté de dicter les conditions, Charles-Quint avait
fixé le lieu des conférences à Tolède y la ville du vieux palais des rois, et
où l'empereur venait de réunir les cortès. Là s'étaient rendus le premier
président de Selves, l'archevêque d'Embrun, députés de la reine mère, auxquels
s'était joint le maréchal de Montmorency, envoyé par le roi captif. Avant de
commencer les conférences, les députés s'étaient spécialement adressés à la
générosité, à la grandeur d'âme de Charles-Quint ; les archives de la maison
d'Autriche possèdent encore cette humble supplication pour appeler mansuétude
et miséricorde de l'empereur, dans cette crise que la fortune faisait subir à
François P, Le président de Selves surtout rappelait les beaux traits de
l'antiquité ; c'était tour à tour l'histoire sainte et profane, Rome et Comme c'est un parti pris d'imposer à François Ier la
cession préalable de Charles-Quint suivit la méthode habile de se rattacher
d'intimes alliés en n'abandonnant aucun de ceux qui avaient suivi ses
drapeaux : tels étaient le connétable de Bourbon et le prince d'Orange. Sans
doute il ne pouvait pas imposer les dures et inflexibles conditions que dans
l'origine il avait demandées à François Ier pour le duc de Bourbon rebelle.
Les choses ayant changé de face, il ne s'agissait plus de créer une royauté
indépendante pour le connétable ; mais le traité imposait la restauration
absolue du prince rebelle dans tous ses domaines, et même un agrandissement
de puissance en sa faveur ; et avec lui tous ceux qui avaient suivi son
drapeau, arboré son étendard, devaient également rentrer dans leurs biens,
dignités et pouvoirs. Le prince d'Orange, dépouillé par arrêt du parlement,
possesseur de grands fiefs sur les confins de Tel fut le dur traité qui rendait la liberté au roi de
France. C'était à Tolède qu'il avait été préparé sous la volonté impérative
de Charles-Quint, alors renfermé dans un royal monastère, et dictant ses conditions
et ses lois à son prisonnier. Il y eut cela de particulier dans cette grave
affaire, que ni le roi de France ni l'empereur n'étaient convaincus de
l'efficacité et de la sincérité de ce traité. Charles-Quint semblait avoir le
sentiment intime que ces conditions inflexiblement imposées à un prince
captif ne l'obligeaient pas en conscience ; il revenait donc toujours à cette
question : Ce traité sera-t-il fidèlement exécuté ? Et de son côté, François Ier,
au moment où il apposait son scel à la triste convention, faisait parvenir au
parlement de Paris une protestation secrète[9] contre le manque
de liberté et l'abus qu'on en avait fait pour contraindre sa volonté à
Madrid. Dans les idées de jurisprudence dominant au XVIe siècle, il serait
facile aux légistes de trouver des motifs pour expliquer la rupture d'une
convention où la liberté n'existait pas entière de part et d'autre. Le Corpus
juris, les Pandectes invoquées par le parlement offraient des textes pour
justifier la cassation de ces articles odieusement impératifs peur la
nationalité française et la grandeur du roi. En supposant même le monarque en
toute indépendance, il n'était jamais que simple usufruitier de ses domaines,
et, sous ce point de vue, il ne pouvait en dépouiller ses enfants sans
l'autorisation des états généraux ou au moins du parlement de Paris. Or, de
ces principes du vieux droit on ferait résulter mille causes pour briser le
traité de Madrid. En étudiant les retards que Charles-Quint semblait mettre à
la liberté de François Ier, on peut croire qu'il se faisait de justes idées
sur les difficultés et les embarras que préparait l'exécution du traité de
Madrid. Plus de vingt jours s'étaient écoulés, et on ne parlait pas encore du
voyage du roi de France vers son royaume ; il demeurait toujours prisonnier
et plus attentivement surveillé. Le chancelier Guatimara avait fait des
remontrances très-vives à Charles-Quint sur la nécessité de prendre des
garanties autres que celles de la parole du roi ; et l'empereur exigea que
les enfants de France, le Dauphin et le duc d'Orléans, fussent remis en otage
; ou, en échange des enfants du roi, douze seigneurs de la cour au choix de
l’empereur ; et certes ce choix eût été fait parmi les plus riches, les plus
forts, les meilleurs chefs de guerre, de manière à désorganiser complètement
le système militaire de Le voyage à la frontière fut gai ; les villes se
montrèrent plus parées. Hélas ! lorsque la tristesse est au cœur, tout paraît
monotone, les monuments revêtent quelque chose de triste, le soleil se voile,
les campagnes sont moins riantes, les zéphyrs moins rafraîchissants. Le roi
François Ier qui, captif, avait vu l'Espagne comme une terre maudite, salua
d'admiration les sites et les beautés de la route, les monuments arabes, la
cathédrale de Burgos, les noirs rochers de Pan Gorvo, la riante Biscaye.
Enfin on arriva sur les bords si souvent, historiques de Les gentilshommes espagnols, sous prétexte de rendre honneur au roi, le gardaient à vue, avec ordre de faire feu sur toute embuscade de soldats postés par la reine mère. Combien fut grande la joie de François Ier lorsque enfin il put toucher le sol de la patrie ![10] Il en pleura de transport, et tant le sentiment de la liberté est égoïste qu'il jeta à peine quelque regret sur la destinée des enfants de France qui allaient, pauvres petits captifs, payer la liberté du père dans les prisons de Madrid. Il monta à cheval et courut à toute bride jusqu'à Saint-Jean-de-Luz, et, craignant quelque surprise, il courut encore à crever son coursier jusqu'à Bayonne où là seulement il trouva la reine mère tant aimée, sa cour, toute également pleine d'ivresse et de joyeux transports, de revoir et de saluer le roi, qu'on avait dit tant de fois malade et dont on avait même pleuré la mort. Le traité de Madrid qui rendait la liberté à François Ier ne présentait aucun de ces grands caractères qui constituent la paix définitive entre les peuples. Abuser de la victoire et des malheurs d'un prince et d'une nation, ce n'est pas finir la guerre, c'est jeter des ferments de nouvelles batailles et créer des ressentiments profonds que chacun garde longtemps au cœur. Quand on veut qu'une convention dure, il faut la faire juste ; la victoire n'est pas un droit, elle est un fait, et pour l'ennoblir il faut l'élever jusqu'à la modération. On avait trop abusé de la captivité de François Ier, et, au lieu de tout absorber dans son ambition, l'empereur eût mieux fait de se montrer généreux, et de se créer par cette grandeur naturelle un protectorat en Allemagne ou en Italie. Homme habile comme il l'était, il devait voir que ce traité ne serait pas tenu, et qu'on avait mille moyens de le casser par l'intervention de la judicature ; s'il l'avait cru juste, aurait-il pris tant de précautions, imposé tant de serments, et s'il n'était pas réalisable, à quoi bon l'imposer ? Quand un prince est placé si haut, son éclat ne résulte pas de quelques provinces de plus, de quelques territoires réunis, mais de cette équité forte que crée un ascendant européen, et celui-là on ne le perd point par quelques revers de fortune ou quelques malheurs de batailles ! Au reste les enfants de France, jeunes varlets de si bonne race, furent traités d'abord avec une haute distinction par la cour de Charles-Quint. Il eût été odieux de détenir captifs de pauvres enfants qui se livraient pour la rançon de leur père ! On les envoya immédiatement à Vittoria, si près de la frontière, afin de les rendre sains et saufs à la première nouvelle de l'exécution du traité. Puis on leur désigna pour lieu de captivité la province d'Andalousie, au centre même de l'Espagne, parce qu'on était informé des protestations de François Ier et des résistances du parlement qui ne voulait point admettre qu'un roi pût céder une province et priver ainsi ses héritiers d'une portion brillante de son héritage, et cette théorie rendait tout à fait inutile les engagements de François Ier à Madrid. |
[1] Ceux qui entendent bien les affaires du gouvernement, ne fondent pas les royaumes, les États et les monarchies sur des bienséances et des honnêtetés qui ne sont autre chose que de l'eau bénite de cour, mais sur de bonnes maximes de politique. Les intérêts du prince doivent servir de loi, et l'emporter au-dessus de tout ce qu'on appelle générosité. La civilité, l'honnêteté et la générosité sont des vertus bonnes pour un simple gentilhomme et pour la société civile, mais ce ne sont pas les vertus d'un souverain. Pour faire durer les monarchies il faut regarder à l'avenir et à des choses plus réelles et plus solides. Ces apparences de générosité sont comme le soleil de Mars, qui disparoit au moment qu'il paroît plus lumineux. Des courtisans peuvent bien être d'avis de donner la liberté au roi, mais non pas ceux qui gouvernent les États et les empires. Nous devons considérer que les François sont une nation inconstante, légère et sans foi, de sorte que si nous ne prenons de bonnes mesures, ils se moqueront de nous, et appelleront lâcheté ce que nous nommerons générosité. (Les détails de ce conseil sont conservés aux archives espagnoles de Simancas, n° 367.)
[2] Jean de Selve, conseiller au parlement de Paris, fut nommé en 1507 par Louis XII, premier président de celui de Rouen, puis de Bordeaux. François Ier l'appela à Paris pour y remplir la même charge.
[3] Gabriel de Gramont, d'une maison illustre de Navarre, était fils de Roger de Gramont, ambassadeur à Rome sous Louis XII ; pourvu d'abord de l'évêché de Couserans, il passa à celui de Tarbes en 1522.
[4]
François de Tournon, né en 1489 à Tournon, en Vivarais, prit l'habit de
chanoine de Saint-Augustin en 1501, dans le monastère de Saint-Antoine en
Dauphiné ; après avoir reçu l'abbaye de
[5] L'empereur s'informe toujours avec une grande sollicitude de la santé de son royal prisonnier ; il lui écrit de sa main. — Bibl. du Roi, Mss. de Colbert, vol. 74-72, cot. Serilly, n° 453.
Monsieur mon frère, puisque je n’aye le loysir de vous veoir si souvent que je voudrois, j'envoye mon vice roy de Naples vous visiter et vous prier que par luy me faciez sçavoir de vostre bon portement, lequel désire et ne fais doubte, avant tout désir estre vray bon frère et amy. Charles.
[6] Au moment où cet acte de renonciation était rédigé, la gracieuse duchesse d'Alençon ne cessait de voir et de solliciter Charles-Quint. Il résulte de la correspondance manuscrite de cette princesse que l'empereur voulait toujours la voir seule et sans témoins ; ce que put obtenir Marguerite, c'est que sa dame d'honneur tiendrait le bouton de la porte drapée (manuscrit communiqué par M. Champollion).
[7] Lettre du sieur Babou, trésorier de l'épargne et receveur général des finances, à madame la régente. — Mss. de Colbert, vol. 71, t. 72, coté Serilly, n° 53.
Madame depuis le parlement de Commeraye le roi a tousiours continué en son amendement, lequel je ne vous sçaurois mieux certifier que par le parlement de madame vostre fille laquelle connoist et veoit le d. sieur estre si bien qu'elle l'abandonne demain pour s'en aller à Tolède pour suivre ses affaires desquelles ainsy que l'on peut juger par les conjectures, l'issue sera a vostre intention et désir. Le vice roy de Naples vint mercredy icy de par l'empereur pour veoir et visiter le roy et luy apporta une lettre du d. sieur empereur et une autre à ma dite dame vostre fille laquelle je vous envoyé pour veoir la gracieuseté dont il use qui est pour tousiours asseuré que les choses viendront au plaisir de Dieu à bonne fin. Le vice roy partit hier pour retourner devers le d. empereur et peu après luy partirent messieurs d'Embrun et premier président pour aller à Tolède préparer la vebue de ma dite dame vostre fille, laquelle est délibérée de tant presser et solliciter qu'elle espère plustost que vous ne pensez vous rendre fils et fille et se consoler avec vous, Madame de la grâce que nostre Seigneur vous a faicte de le vous avoir saulvé d'une sy extrême maladie que celle qu'il a eue qui a esté telle que vous dira ce porteur avec les autres choses commises à la créance. Madame, je prie nostre Seigneur qu'il vous donne très bonne et très longue Vie. Escrit à Madrid ce premier jour de octobre. Signé Babou.
Le parlement, dès que le roi est captif, exerce les actes du gouvernement politique. On peut en suivre l'histoire dans ses registres.
La cour a ordonné qu'elle vaquera demain pour aller en procession géneralle en forme de cour partant de la saincte chapelle à Nostre Dame de Paris, où sera portée la vraye croix pour aller rendre grâce à Dieu de la santé qu'il a donnée et restituée au roy et pour le supplier que son plaisir soit le remettre bientost en bonne santé et liberté en son royaume.
Extrait des registres du parlement, octobre 1525.
Ce jour de rellevé sont venus en la grand cour du palais de céans quatre personnes à cheval déguisez contrefaizans les postes, ayant des chappeaux verds en leurs testes que l’on dit estre montés à cheval à la porte Saint-Michel, et sont venus courans par les rues jusques au dit palais où ils ont crié et publié certaines rimes contenant en substance que le roy estoit mort et que madame régente en France en avoit grand déconfort ; que les sages le celoient et qu'il falloit que les fols le déclarassent et publiassent et plusieurs autres choses, contre l'honneur du d. seigneur et de mad. dame et de la maison de France et se sont après retirés courans par les rues jusques à Nostre-Dame-des-Champs où ils sont descendus, et on a mis gens après pour sçavoir qui ils sont depuis fut ordonné par la cour au bailly du palais d'informer du fait susdit.
Lettre du premier président Jean de Selve au parlement (Registre du parlement.)
Messieurs, considérant le grand ennuy que pouvez avoir conseu sçachant la griefve maladye du roy, il m'a semblé vous devoir escrire la convalescence et guerisoit pour consoler la compagnie. Je l'ay creu par le jugement de deux de ses médecins et autres deux de l'empereur sans espérance et avec ce tous les signes de mort estoient, car demeura aucun temps sans parler, veoir, ne oyr, ne connoistre personne. Il y a aujourd'huy huict jours que madame la duchesse fit mectre en état tous les gentilshommes de la maison du roy et les siens ensemble ses dames pour prier Dieu, et tous receurent nostre Créateur, et après fit dire la messe en la chambre du roy et à l'heure de l'eslevation du Saint-Sacrement Mons. l'archevesque d'Ambrun exhorta le roy à regarder le Saint-Sacrement, et lors le d. sieur qui avoit esté sans veoir et sans ouir regarda le Saint-Sacrement, et leva les mains et après la messe mad. la duchesse luy fit présenter le d. Saint-Sacrement pour l'adorer et incontinent le roy dit : C'est mon Dieu qui me guérira l'âme et le corps ; je vous prie que je le reçoive, et à ce qu'on luy dit qu’il ne le pourroii avaller, il respondit que sy feroit, et lors mad. la duchesse fist départir une partie de la saincte hostie laquelle il receut avec la plus grande componction et d'onction qu'il n'y avoit cœur qui ne fondit en larmes ; mad. dame la duchesse receut le surplus du d. Saint-Sacrement et de cette heure-là, il est tousiours allé en amandant de la fièvre qui luy avoit duré vingt trois jours sans lascher, le laissa, tellement qu'il est hors de tout danger. Messieurs, après la convalescence du roy, mad. la duchesse partira demain de Madrid pour venir en ceste ville devers l'empereur, et espérons au plaisir de Dieu que la délivrance du roy et la paix universelle s'en ensuivra. Escrit à Tolède, le premier jour de novembre 4525. Votre très humble serviteur et frère, Jean de Selve.
[8] Voici le résumé des articles du traité de Madrid, signé le 14 février 1526.
Paix à perpétuité entre l'empereur et François Ier,
leurs héritiers et successeurs. — Mariage du roi avec Éléonore, veuve du roi de
Portugal, à laquelle l'empereur, son frère, constituait en dot, là somme de 200
mille écus. — François Ier, mis en liberté au plus tard le 10 mars, à la
condition qu'en même temps qu'il passerait en France, on enverrait en Espagne
le Dauphin et le duc d'Orléans, ses fils, ou à leur place douze des plus grands
seigneurs de France, au choix de l'empereur, en qualité d'otages, jusqu'à ce
que les articles du traité soient approuvés par les états du royaume. —
Restitution avant le mois de mai du duché de Bourgogne à l'empereur, avec
toutes ses appartenances et ce qui dépend de
Renonciation aussi à tous ses droits et prétentions sur Milan, Naples, Gènes, Tournay, Ast, Lille, Douai et Hesdin. — Promesse de François Ier d'obliger le duc d'Albret de renoncer à ses droits et prétentions sur le duché de Navarre en faveur de l'empereur, et en cas de refus de joindre ses forces à celles do l'empereur pour l'y forcer. — Renonciation de l'empereur à ses droits sur les comtés de Ponthieu, Boulogne, Guyenne et sur les villes de Péronne, Montdidier et autres seigneuries de Picardie. — Amnistie générale pour tous ceux qui avaient suivi le parti du duc de Bourbon et engagement de les remettre en possession de tous leurs biens sans pouvoir être recherchés sur ce sujet. —Promesse de marier le Dauphin avec la fille de la reine Eléonore, quand ils seraient en âge, — Payement par le roi de France des dettes de l'empereur au roi d'Angleterre.
[9] Protestation faite par le roi contre le traité de Madrid. — Bibl. Roy., Mss., Colbert, vol. 71-72, cet. Serilly, n° 453.
Dimanche, treizième jour de
janvier, Fan mil cinq cens vingt-cinq au chasteau de Madrid, le roi estant en
la propre chambre en laquelle il a esté si longuement et grièvement malade, est
survenu Jean de Selve, seigneur de Cronnières, premier président de Paris,
lequel a dit au d. sire que les articles concernans la délivrance et liberté de
sa personne en la paix et mariage du d. sire avec très haute et très puissante
princesse madame Éléonor, reine douairière de Portugal, etc. Ce jourd'huy avoient esté arrestés et escrits par les
ambassadeurs de l’empereur, le tout en ensuivant le vouloir et plaisir de
l’empereur auxquels et à ses d. ambassadeurs avoit fallu nécessairement
complaire quasi en toutes choses. Ce que n'eussent faict les ambassadeurs de
France, n'ayt été l'exprès commandement à eux faict par le roy le 19e jour de
décembre 1525, pour ce que les d. articles et traitté de paix contenoient
plusieurs choses contre justice et contre raison, à sçavoir etc. Lesquelles
choses ainsi par le roy ouyes et entendues, commanda an premier président de
prendre et recevoir le serment de tous ceux qui lors estoient en sa chambre de
tenir secret et ne révéler jamais à personne ce que par le d. sieur leur seroit
dit cy après à autres qu'à ma dicte dame sa mère et à madame la duchesse d'Alençon
sa sœur et à ceux que madame ordonneroit, lequel serment fut faict en la
prezence du d. sieur par l'archevesque d'Ambrun, Mre Anne de Montmorency,
chevalier de l'ordre, mareschal de France, le sieur de Brion, Mre Jean de
[10] Ce fut le 15 mars 1526 ; un an et vingt-deux jours après la bataille de Pavie.