FRANÇOIS Ier ET LA RENAISSANCE. 1515-1547

TOME DEUXIÈME

CHAPITRE VI. — ASPECT DE L'EUROPE.

 

 

Progrès de l'empire turc. — Soliman II. — Prise de Belgrade. — De l'île de Rhodes. — Armée de terre. — La flotte. — Les chevaliers de Saint-Jean dispersés. — Mort de Léon X. — Élection d'Adrien. — Situation de l'Italie. — Défaite des Français à la Bicoque. — Prise de Gênes. — Situation d'esprit de Charles-Quint. — Développement de l'opposition luthérienne. — Voyages de l'empereur en Flandre, en Angleterre, en Espagne. — Lutte du système chrétien et de l'idée politique. — Vaste projet des cordeliers pour sauver l'Europe. — Danger de la France. — Plan de défense conçu par François Ier. — Splendeur de la maison de Castille. — Le nouveau monde. — Fernand Cortez. — Magellan. — L'or et les mines. — Ardeur des découvertes. — Préparatifs de François Ier.

1521—1523.

 

Tout système de conquête et de domination qui n'atteint pas son but, prépare une réaction nécessaire, surtout lorsqu'il est provoqué ou déterminé par un principe ardent d'opinion religieuse ou politique : ainsi avaient été les croisades des XIe et XIIe siècles. Quand l'Europe chrétienne s'ébranla pour délivrer le tombeau de Jésus-Christ, des colonies s'étaient fondées en Orient, et Jérusalem en fut comme la couronne. Bientôt, par des causes diverses, cette conquête et cette domination s'étaient affaiblies, et le résultat d'une rapide décadence fut la réaction militaire de l'empire musulman sur la chrétienté elle-même. Comme tous les empires qui naissent le cimeterre en main, les Turcs avaient déployé une puissance de moyens, une énergie immense, et leurs premiers sultans élevés à la guerre sous la tente, au bruit des tambours, au hennissement des cavales tartares, révélèrent un caractère de grandeur, de force et de capacité incomparable. Après Mahomet II qui en avait fini avec l'empire grec, le maître de Constantinople, le sultan qui avait converti Sainte-Sophie en mosquée ; après Bajazet si formidable, après Sélim que le sérail avait affadi, était venu Soliman qui se donna la mission d'achever la conquête du monde, et dans ses rêves ambitieux, il se promettait déjà la Hongrie et l'Italie, Vienne et Rome, comme capitales de ses nouvelles provinces.

A cette époque, les Turcs ne présentaient pas seulement une admirable infanterie ou une cavalerie de spahis et de janissaires formidable, ils avaient encore une marine très-avancée ; les Grecs de Constantinople leur avaient montré la science de la navigation ; et, possesseurs du feu grégeois, ils semaient l'incendie au milieu de la Méditerranée. Soliman II avait résolu une double expédition, Tune contre Belgrade, boulevard de la chrétienté, la ville protectrice de la Hongrie et de l'Autriche, l'autre contre File de Rhodes, garde avancée de l'Italie, aux mains des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, dernier débris des ordres militaires qui avaient défendu la Palestine. Bientôt la nouvelle sinistre arriva que Belgrade avait succombé après la plus héroïque défense[1], et les Turcs débordèrent sur la Hongrie ; les plaintes et les gémissements partout s'élevèrent alors comme un douloureux murmure. Mais ce qui agita plus vivement encore le monde chrétien, ce fut le siège de Rhodes défendu par d'illustres chevaliers[2] : qu'on se représente une armée de près de quatre cent cinquante mille Turcs et une flotte immense portant avec elle tous les moyens de destruction que les Grecs avaient enseignés à la barbarie ; puis au milieu de la Méditerranée une île de vingt lieues de contour, défendue par trois mille chevaliers à peine, mais d'un pur et grand héroïsme, qui avaient fait serment de s'ensevelir sous les ruines de la cité.

Le siège dura cinq mois[3], sous le grand maître Villiers de l'Île-Adam[4] enfant, pour ainsi dire, du Parisis, et d'un courage surnaturel. Plus d'une fois les chevaliers avaient repoussé les Ottomans ; des brèches où pouvaient passer vingt hommes de front ou un char de guerre, avaient été défendues avec une glorieuse ténacité : chevaliers, écuyers, tous se montrèrent héroïques ; les Turcs perdirent soixante mille hommes, et quand une cruelle épidémie et la famine forcèrent de baisser de magnanimes épées, Soliman fut si vivement frappé de tant de prodiges, qu'il accorda non-seulement la vie sauve aux chevaliers, mais une de ces capitulations admiratives qui honorent le courage. Soliman voulut voir le grand maître, Villiers ; il lui tendit la main, le revêtit d'une pelisse d'honneur, et le grand maître fut libre de quitter l'île de Rhodes avec ses nobles et loyaux compagnons pour s'acheminer vers l'Italie.

Le voilà donc avec la plus immense renommée du monde chrétien, débarquant à Barry, douce contrée, pour trouver du repos à ses fatigues ; accueilli partout avec vénération, le grand maître vint à Rome, alors que Rhodes et Belgrade voyaient se déployer sur leurs tours en ruines les queues des pachas. La faute n'en était-elle pas aux princes chrétiens qui, dominés par de petites ambitions, laissaient s'avancer les infidèles jusqu'au Danube et la Méditerranée ? Désormais la Sicile se trouvait exposée, aussi bien que la Hongrie, à leurs excursions : si, au lieu de leurs petites querelles, les rois chrétiens avaient accompli leur devoir comme ces braves chevaliers, les Turcs auraient été refoulés en Asie, et la croix aurait reparu sur Sainte-Sophie, aujourd'hui souillée par les imans. Il n'en fut rien : les animosités étaient si grandes, si vives entre eux pour s'arracher quelques villes, se prendre un peu de terre, qu'ils se précipitaient incessamment en armes sur les frontières de France, aux Pyrénées, en Italie, partout où il y avait un héritage à dévaster, un droite une prétention même à faire valoir.

Cette animosité si fatale entre les princes de la chrétienté n'avait point échappé au père commun des fidèles, et dans ce dessein Léon X, avant sa mort, voulut préparer une trêve ; comme tous les Médicis, le pape avait trop aimé sa chère Italie, la pompe de ses coteaux dorés par le soleil, le Capitole, Florence y et par-dessus tout la nationalité de la patrie commune ; il la voulait, cette noble Italie, riche, glorieuse, selon le cœur et les desseins de sa maison. Ce fut au milieu des pompes qui célébraient l'expulsion des Français du Milanais, quand la trompette sainte retentissait dans les palais splendides, que le pape Léon X mourut subitement. Quelques historiens disent que la joie ébranla les facultés de son âme, et qu'avant de mourir il déclara que le plus beau jour de son existence était celui où il avait vu la nationalité italienne se rattacher comme un faisceau au pontificat de Rome, sous un Médicis.

Le successeur à Léon X serait-il un Médicis encore ? le conclave l'eût élu, s'il n'avait craint de perpétuer la papauté dans une même race, et d'en faire ainsi une institution héréditaire. A la face de cette élection, tout dut s'émouvoir ; la papauté était une si grande puissance, non-seulement en Italie, mais en Europe ! La correspondance de François Ier, avec les cardinaux et les agents secrets à Rome, indique toute l'importance que le roi mit à obtenir l'élection d'un pape dans les intérêts français ; et ce fut moins pour heurter sa pensée et son pouvoir que pour signaler aux yeux du monde l'abandon que faisait le roi de France de la cause chrétienne devant les musulmans, que le conclave repoussa les démarches de François Ier. Les cardinaux préférèrent le modeste Adrien Floran, évêque de Tortose ; né de parents obscurs, à Amsterdam ou à Utrecht, élève de l'université flamande, il avait été choisi comme précepteur de Charles-Quint, et son élévation à la papauté[5] était un hommage que le conclave rendait au prince le plus résolu à soutenir la cause chrétienne contre le glaive des musulmans. Cette élection était donc un véritable triomphe pour Charles-Quint, alors arrivé à toute la puissance de Charlemagne, lorsqu'empereur d'Occident, il vint à Rome sanctionner l'autorité des pontifes. Adrien, néanmoins, fut considéré par les Romains comme un barbare ; ce peuple léger, ardent, amoureux des arts et de l'antiquité, regardait toutes les populations du Nord comme livrées à l'ignorance ; habitué aux splendeurs des Médicis, des Colonne et des Farnèse, il ne pouvait comprendre ce caractère sévère, sans faste et sans grandeur de la race du Nord. Adrien n'était que le prêtre ; il ne fut jamais le prince ; et les Romains qui aimaient les festins au Capitole, les fêtes au Campo Vaccino, au Colisée, ne reconnaissaient pas pour maître légitime un pape qui ne savait que prier et demander au ciel la cessation des hostilités entre Charles-Quint et François Ier.

A aucune époque, l'esprit de nationalité italienne ne s'était réveillé avec plus d'énergie ; souverains et peuples voulaient l'expulsion des Français. Sur tous les points de la terre sacrée une insurrection bruyante avait suivi les pas de Prosper Colonne et du marquis {le Peschiere à la tète de l'armée des confédérés ; le peuple les saluait comme des libérateurs, tandis que la chevalerie de France soutenait les derniers vestiges de sa domination. Lautrec, le maréchal de Foix, venaient néanmoins de recevoir quelques renforts, et Bayard arrivait à Gênes[6] avec ça compagnie de gens d'armes. Mais à la face d'une insurrection si bruyante, soutenue 'par une armée régulière, sous des chefs aussi éminents que Peschiere et Colonne, que pouvaient faire ces braves hommes ? Si la victoire donne des amis, les revers affaiblissent les alliances, et depuis que les Français se défendaient avec peine dans le Milanais, la république de Venise, cette dernière amie, se montrait inquiète, irrésolue ; non point qu'elle osât encore rappeler son contingent pour se joindre aux confédérés ; mais dans des instructions particulières elle invitait son capitaine, le duc d'Urbin, à ne point se commettre dans les mouvements offensifs, et au besoin de se séparer tout à fait de Lautrec et des troupes qui suivaient sa bannière. Quant aux Suisses devenus plutôt des embarras que des auxiliaires, ils n'étaient déterminés à se battre que pour de l'argent. Lautrec, malgré ses pressantes lettres au roi, n'avait pu obtenir un seul écu d'or ; cependant il ne voulait pas abandonner si vite sa conquête et déserter si facilement un glorieux champ de bataille. Les ordres du roi étaient précis : l'on devoit tout hasarder plutôt que de délaisser le Milanais ; la portion chérie de son patrimoine. Lautrec avait ordre de saisir l'occasion de livrer à l'ennemi une bataille décisive qui pourrait lui rouvrir les portes de Milan, ou au moins lui permettre de secourir la citadelle miraculeusement défendue par cinquante gendarmes. Aussi, toutes les opérations du marquis de Lautrec se déployaient sur la ligne de la Monza jusqu'à Novarre et Vercelli ; des succès partiels lui firent espérer une victoire décisive sur un grand champ de bataille.

A quelques lieues de Milan, les ducs avaient embelli plusieurs maisons de plaisance. Le fertile territoire de la Lombardie, avec ses canaux, avait permis d'entourer les parcs non-seulement de murs élégants, mais encore de fossés qui servaient à l'arrosement des terres, car en Italie déjà l'agriculture avait réuni toutes les conditions de supériorité. Une de ces villa portait le nom de la Bicoque, pour signifier un tout petit bâtiment à la forme italienne, avec un grand parc pour la chasse au daim et au cerf. Ce lieu, parfaitement abrité au moyen de murs et de fossés, le marquis de Peschiere et Prosper Colonne l'avaient choisi pour livrer bataille. Un tel terrain, coupé par des canaux, abrité par de grands arbres, offrait l'aspect d'un camp retranché ; au moyen d'abatis, les confédérés pouvaient se garantir de cette première ardeur des Français, si redoutable à leurs ennemis. Le plan d'une bataille défensive fut combiné par Colonne, d'après ces bases ; les abatis d'arbres, le retranchement des canaux ne laissaient que l'étroit passage d'un pont où devait se porter l'attaque. Peschiere avait placé là quelques centaines de bons arquebusiers espagnols pour croiser les feux, et à l'extrémité du petit pont le maître de l'artillerie avait dressé trois batteries l'une sur l'autre ; de manière que les Français, s'avançant avec sécurité, seraient pris à la fois des deux côtés par des arquebusades et en face par le déploiement d'une formidable artillerie.

Il y avait peu de tactique parmi les gendarmes que conduisait le maréchal Lautrec : ces braves chevaliers, parce qu'ils voyaient un pont qui les menait à l'ennemi, devaient s'y presser à l'envi, et cet exemple serait suivi d'une noble émulation. Si les Suisses étaient exigeants, impératifs, lorsqu'ils avaient besoin de leur argent, on ne pouvait leur refuser une indicible bravoure ; têtus de gloire comme des Allemands, quand ils avaient bu quelques pots de vin nouveau, c'étaient gens intraitables. A peine aperçoivent-ils l'ennemi qu'ils veulent l'attaquer intrépidement ; n'écoutant donc ni les conseils de Lautrec, ni les ordres de leur propre capitaine, ils courent sur le pont de face pour s'emparer de la Bicoque. Le marquis de Peschiere les laissa paisiblement s'avancer en rangs pressés, et ne croyant avoir à combattre que les troupes placées devant eux ; quand ils furent bien engagés, à un signal de coulevrine, les arquebusiers espagnols, cachés dans les blés, firent un feu admirable des deux côtés ; et avec des cris de victoire, ils envoyèrent quelques milliers de balles aux Suisses étonnés, et marchant néanmoins avec leur fermeté habituelle jusqu'au bout du pont. A ce moment décisif, le marquis de Peschiere ordonna de démasquer les longues pièces d'artillerie qui prirent les Suisses en écharpe, si bien qu'après s'être défendus bravement comme la meilleure infanterie, les montagnards reculèrent en désordre ainsi que les flots de la mer jusque sur la rive opposée ; trois fois revenus à la charge, ils éprouvèrent mêmes canonnades et arquebusades sur tous les points. Et eux qui avaient crié, avant de combattre, ces trois mots : Argent, congé ou bataille, ne reçurent en réponse que la mort.

Une fois engagé par les Suisses, le combat ne pouvait être déserté par la chevalerie de France[7]. Montmorency avait conduit l'attaque du pont ; obligé de se retirer, il vint reprendre le commandement des gendarmes, alors en corps de bataille, où Lautrec avait placé le maréchal de Chabannes et le bâtard de Savoie ; enfin, en arrière-garde, les Vénitiens, sur lesquels on ne pouvait pas compter. On résolut d'attaquer, une fois encore, la Bicoque ; pour cela il fallait aplanir les terrains, et cette commission fut confiée à un capitaine navarrais fort bon ingénieur. Dans une heure ce travail fut fait ; les trompettes retentissent de nouveau ; toute la chevalerie s'ébranle et le moment est décisif. Alors Prosper Colonne fait redoubler le feu de toutes les pièces sur la brillante noblesse qui perd là Roquelaure, Laguiche, Laval et Montfort.

Le pont est franchi ; mais on pénètre dans un parc coupé de canaux et de murs, qu'il faut prendre combat par combat. La gendarmerie fut à bout avant même d'avoir franchi la moitié du terrain, et quand la retraite sonna, elle paya cher ces positions si glorieusement enlevées ; il fallut repasser les ponts, les canaux, les ravins sous les feux croisés des arquebuses et des coulevrines. Dans ce désordre, la cavalerie espagnole tomba sur les débris de l'armée que conduisait Lautrec. Fatale journée, où l'on put voir le côté véritablement faible de la chevalerie ; ce sentiment d'honneur qui lui faisait repousser toute ruse comme une lâcheté lui donnait trop de dédain pour l'esprit de tactique qui n'est que la ruse en grand. La supériorité n'était plus dans la force, l'habileté en venait à bout désormais. Depuis l'invention de la poudre, la chevalerie devait modifier ses moyens pour garder la victoire ; il fallait des combinaisons raffinées qui sortaient entièrement de l'éducation des chevaliers. Ainsi le cœur ne manquait pas à ces nobles hommes, mais la réflexion et la tète froide et calculatrice. Dans la marche des temps, il arrive souvent aux opinions ce qui survint ici à la chevalerie de France. Il se conserva parmi elle des traditions d'honneur et de courage ; et avec cela, parce qu'elles se tiennent en dehors du mouvement, elles s'affaiblissent et se perdent. La bataille de la Bicoque fut donc le résultat d'une tactique réfléchie opposée au moyen âge et à l'intrépidité du vieux temps. La ruse de guerre repoussa la force aventureuse.

Après cette triste défaite de la Bicoque, l'Italie fut perdue pour la couronne de France : quel espoir restait-il au maréchal de Lautrec de préserver le Milanais, quand sa chevalerie en fuite s'éparpillait jusqu'au lac de Côme ? Alors les Vénitiens se liaient ouvertement avec l'empereur Charles-Quint[8] sous le prétexte de la liberté de l'Italie ; les Suisses demandaient libre passage pour s'en retourner aux Alpes ; on avait perdu la fleur de la noblesse ; à peine aurait-on une route sûre à travers la montagne. L'insurrection éclatait partout, et nul espoir même de conserver Gênes, le grand port maritime de la Méditerranée, vers lequel s'avançaient déjà Prosper Colonne, le marquis de Peschiere et les confédérés. Au milieu de la guerre, ces belles campagnes de la république un peu égoïstes s'étaient conservées dans le plus parfait repos. Les alliés résolurent donc de mener leurs bandes dans cette opulente contrée, afin de lever des contributions au profit des lansquenets et des Suisses : ne serait-il pas d'ailleurs facile de favoriser à Gènes un parti antifrançais en secouant la domination de Frégose ? Cette expédition se réalisa avec une facilité extrême[9] ; le doge Frégose une fois brisé par une révolution populaire y on proclama la liberté de Gènes comme celle de Milan. Gènes, affranchie des Français, salua l'indépendance de l'Italie, et l'étendard fleurdelisé disparut de la dernière de ses cités. Tous ces États marchaient donc vers une fédération italienne : le pape, par le sentiment du noble orgueil que lui donnait Rome, la capitale de l'univers chrétien ; l'empereur, parce que son plus puissant intérêt était de chasser les Français d'Italie ; il voulait créer pour chaque État des situations assez faibles, assez abaissées pour les dominer toutes. Charles-Quint voulait conquérir un ascendant absolu sur ces contrées perpétuellement visitées par les conquérants venus des Alpes ou du Tyrol. On est déjà saisi d'étonnement et d'admiration à l'aspect de cette puissance de Charles-Quint qui s'élève à la domination universelle. Simple héritier d'abord de Ferdinand et d'Isabelle, puis successeur de Maximilien, représentant de la maison de Bourgogne, le voilà maintenant empereur, comte de Flandre, suzerain de la Franche-Comté et dominateur partiel de l'Italie, et cela sans effort, sans livrer une seule bataille. Il est l'homme politique à côté de François Ier l'expression de la chevalerie. Comme l'esprit et les formes du siècle ont changé, l'homme de la ruse triomphera ; non-seulement Charles-Quint règne sur le peuple, mais encore il fait le pape ; son ancien précepteur, Adrien, porte modestement la tiare. Ce n'est pas tout, l'empereur arrache l'Italie aux Français, presque sans guerre violente, en invoquant le seul mot de nationalité, lien puissant sur les imaginations du peuple. Au nord, en acceptant Henri VIII pour arbitre, il l'entraîne peu à peu dans son alliance jusqu'à joindre ses armes aux siennes contre François P, Charles-Quint se sert de toutes les idées, de tout ce qui garde vie et popularité. Comme l'esprit des croisades n'est pas éteint, il se pose en souverain pacifique qui veut tourner toutes les forces de la chrétienté contre les infidèles ; selon lui, le seul obstacle à une guerre religieuse, c'est François Ier : ce roi de France presque dépouillé, il le présente comme un ambitieux, et lui, l'empereur, maître de l'Allemagne, de Naples, de la Flandre, de la Franche-Comté et de l'Espagne, et qui a gagné tout cela par les négociations et l'habileté, c'est le pacificateur, l'esprit modéré. Ici se résume la véritable puissance d'esprit de Charles-Quint ; il n'y a pas grande capacité à se poser comme dominateur par la conquête, et si l'on est foudre de guerre, de faire un immense bruit. Mais ce qu'il y a de véritablement supérieur, c'est de dissimuler ses desseins et les conditions mêmes de sa nature, à ce point de paraître modéré dans ses désirs lorsqu'on tient le sceptre du monde en ses mains.

Les négociations, toujours le souci de la vie de Charles-Quint, rencontrent en Allemagne de grandes difficultés de partis et d'opinions ; la réforme de Luther domine les universités, et la science est bien populaire au XVIe siècle. L'esprit d'opposition se manifeste avec une grande puissance. Dans ces difficultés premières, Charles-Quint, obligé d'embrasser tous les intérêts, désigne Ferdinand, son frère, pour gouverner les États de l'Empire ; à Marguerite, sa tante, il donne le comté de Flandre avec le titre de gouvernante. Lui, l'empereur, part, visite les bords du Rhin, la Flandre, s'embarque à la hâte, et comme par hasard, il visite l'Angleterre. Le fougueux Henri VIII, longtemps son arbitre, maintenant il l'appelle son allié : Si le cardinal Wolsey, dit-il, n'a pas réussi à pacifier les princes, ce n'est pas sa faute, car il a fait tout ce qui étoit en son pouvoir ; le pape Adrien n'est pas immortel, et le roi de France est le seul en opposition avec l'esprit chrétien de la croisade. En vertu de ces idées, le traité d'alliance conclu par le cardinal Wolsey est définitivement ratifié ; quarante mille Anglais ont marché au nord de la France, et pour gage de la longue durée de ce traité, le mariage entre Charles-Quint et Marie, la fille de Henri VIII, sera célébré au plus tôt. Enfin, pour ne rien laisser en arrière, l'empereur promet de payer au roi des Anglais le subside auquel s'était engagé François Ier par des traités antérieurs.

Bientôt Charles-Quint salue l'Espagne, sa vieille patrie, naguère profondément remuée par l'esprit des communeros et la révolte des cités. Loin de porter la violence et l'animosité dans la répression, l'empereur se montre en homme politique, indulgent, oublieux pour le passé, pourvu que l'obéissance soit assurée pour l'avenir. Les hommes d'une grande intelligence se laissent rarement diriger par un puéril esprit de ressentiment ; ils ont peu de mémoire du mal ; et s'ils la gardent, c'est comme un enseignement ; quand ils se vengent, c'est qu'ils savent qu'ils en ont besoin pour le triomphe d'une idée ou la répression d'un sentiment qu'ils redoutent ; et Charles-Quint vit bien que l'Espagne n'en était pas là.

Loin de la tourmenter par des exécutions, il se complut à la diriger vers un système en harmonie avec son pouvoir nouveau : la vieille organisation de la Castille fut changée ; les ricoshombres et la Sainte-Hermandade qui formaient les bases de la monarchie furent remplacés par la hiérarchie de la grandesse, institution d'origine bourguignonne, comme la Toison d'or. La grandesse, en satisfaisant l'orgueil castillan, modifiait néanmoins le premier, l'énergique principe de la liberté et de l'indépendance des grands féodaux de Castille. Par les trois degrés de grandesse, Charles-Quint fondait sa hiérarchie ; les uns devaient parler couverts au roi, les autres saluaient et se couvraient ensuite ; les troisièmes restaient couverts, mais lorsque le roi leur adressait la parole[10], ils quittaient leurs sombreros ornés déplumes. Esprit puissant, Charles-Quint savait bien que c'est par les choses d'hiérarchie qu'on se donne l'appui et l'amour des corps politiques, qui souvent préfèrent les apparences d'honneur aux réalités de pouvoir.

A ce moment critique, on peut reporter la première origine de la lutte entre la pensée chrétienne si puissante au moyen âge et la pensée politique du XVIe siècle. Pendant cette période de foi généreuse et de pensées brûlantes qu'on appelle moyen âge, un seul souverain avait dominé les peuples, c'était l'Église, maîtresse de toutes les convictions. Cette pensée, qui absorbe la politique, trouve sa plus large expression dans les croisades qui précipitent les peuples vers le tombeau de Jésus-Christ. On suspend les haines personnelles, les querelles des princes ; la trêve de Dieu impose silence à tous, et ce grand armistice de rois et de peuples est scellé du nom du Christ. Au XVe siècle cet esprit s'affaiblit ; les nationalités se séparent et le principe de l'Église ne domine plus exclusivement. De là cette indifférence de quelques princes en face des progrès de la conquête musulmane. François Ier préfère le champ clos contre Charles-Quint aux prescriptions religieuses du pontife contre le Turc. On peut attribuer à la réforme de Luther cette séparation de la pensée politique d'avec le sentiment religieux ; elle matérialise les souverainetés en brisant les liens puissants de fraternité qui venaient du ciel pour retourner au ciel.

Dans ce temps nouveau d'égoïsme, la seule vaste pensée d'une résistance européenne, pour arrêter les conquêtes de Soliman V, vint d'un corps religieux y renommé par la pauvreté de son institut. Tel était le moyen âge chrétien, que tout s'y trouvait organisé de manière à répondre aux situations diverses, à toutes les infirmités de la vie humaine, et je dirai presque de l'existence politique des États. Quand les princes se montraient si profondément indifférents, si préoccupés de leurs ardentes querelles, les frères cordeliers proposaient dans un chapitre conventuel d'organiser une armée purement religieuse j indépendante des rois et tout entière sous l'impulsion du pape[11]. Le grand exemple que venaient de donner les frères hospitaliers de Saint-Jean dans la défense de Rhodes, ces terribles coups d'épée avaient retenti dans tous les cœurs, et c'était précisément cette admiration publique que les cordeliers voulaient invoquer pour la défense des populations chrétiennes.

Les couvents, d'après ces pauvres moines, possédaient d'immenses ressources, fiefs, propriétés, revenus, plus considérables que ne l'exigeaient leurs besoins, si restreints ; quoi de plus simple que de les employer à la levée d'une armée catholique ? Chaque ordre, chaque monastère fourniroit une certaine levée d'hommes avec une solde ; chevaliers élus, leur nombre varieroit en raison des richesses du manoir religieux ; on renouvelait la vieille loi saxonne de la défense territoriale qui obligeait les monastères à fournir des soldats, parce qu'ils ne pouvaient pas marcher en personne. Ce projet n'exceptait même pas de la contribution les couvents de femmes, appelés à fournir leurs chevaliers et leurs servants. Par un calcul simple, on pouvait atteindre le chiffre de plus de 500.000 hommes, destinés, sous la croix, à défendre la Grèce et délivrer les chrétiens de l'invasion des Barbares. Ainsi l'esprit de solitude fermentait ardemment pour les choses d'aventure et de lointaine expédition ; il permettait ces rêveries hardies et glorieuses ; le catholicisme, essentiellement universel, embrassait l'Europe, l'Asie, partout où il y avait des consciences à éclairer et des âmes à conquérir pour le Christ.

Ce plan des cordeliers fut soumis au souverain pontife en consistoire ; mais à ce temps les intérêts de l'Italie exerçaient une grande puissance sur l'esprit des papes. Léon X avait le caractère trop italien, comme tous les Médicis, pour embrasser cette universalité d'intérêts ; et, après lui, le pape Adrien appartenait trop à l'empereur Charles-Quint pour séparer jamais la cause de l'Église de celle de l'empereur, son protecteur et son ami. Le plan des cordeliers resta donc sans exécution, mais il révélait l'imagination travailleuse, féconde, des ordres religieux, qui ne s'arrêtait jamais devant les passions humaines. Le danger des populations chrétiennes, menacées par Soliman, les inquiètent bien plus que les petites querelles de François Ier et de Charles-Quint, princes si étrangers au vaste débat de l'humanité, questions qui demeuraient tout entières dans l'Église.

Comment aurait-il été possible d'arracher les princes chrétiens à leurs animosités personnelles, lorsqu'on voit François Ier, profondément ému de ses récentes défaites, s'absorber dans une seule idée, la vengeance de ses revers en Italie, quand le territoire tout entier de la France est menacé par une formidable coalition ! Les Anglais ont attaqué la Picardie ; maîtres de Calais, cette ville leur servira de port militaire pour développer une vaste invasion, tandis que leur marine formidable de gros vaisseaux à rames ou à voiles, se montrera sur un point ou sur un autre des côtes ; en même temps, l'empereur envahira la Champagne avec ses Flamands, ses Bourguignons, ses Allemands. Au milieu de ces dangers pour la patrie, François Ier rêve une diversion au delà des Alpes ! La joie de revoir l'Italie, de contempler encore une fois ce bel héritage, ne lui laisse plus aucune pensée libre. Peut-être aussi a-t-il la conviction que, dans la guerre, il faut déployer beaucoup d'audace pour faire croire à d'immenses forces ; or une expédition d'Italie révélera cette pensée que le roi de France n'a rien à craindre pour la patrie, puisqu'il se détermine à passer les Alpes ; et ceci donnera du cœur aux gentilshommes et au peuple. D'ailleurs la noblesse de chaque province saura se défendre cité par cité ; ce n'est pas la première fois que les Anglais et les Allemands ont été vigoureusement chassés du territoire.

Les ennemis que François Ier, doit combattre sont puissants. Le roi d'Angleterre, Henri VIII y commande à des barons braves et déterminés, et les communes ont voté des subsides ; ses flottes sont partout. Seulement sa légèreté d'esprit, son inconstance de pensées, lui fait incessamment quitter une alliance pour une autre ; l'homme d'État, le cardinal Wolsey, est maître de ses volontés, mais un caprice peut venir, et François Ier, ne désespère pas de séparer une fois encore Henri VIII de la cause de Charles-Quint. Le véritable, le seul ennemi de François Ier, est donc toujours l'empereur ; assez grand par lui-même, car nulle maison ne peut égaler le splendide écusson de Bourgogne et de Castille. Une nouvelle fortune va le couronner : l'Espagne alors puissante, jeune et forte, se jetait dans toutes les hardies découvertes ; comme si ce n'était pas assez de tant de terre, la science, la hardiesse et le hasard lui donnaient un nouveau monde. Ce n'était plus ici seulement quelques îles fécondes, Fernand Cortez conquérait le Mexique[12], et Magellan trouvait une nouvelle route pour atteindre le Pérou[13]. Admirables contrées que ces deux mondes si peuplés de richesses et de mines, bientôt l'objet d'une exploitation active et féconde pour la monarchie espagnole. Qu'on se représente les milliers d'onces d'or que ces découvertes donnaient à l'Espagne, et que Lima et Mexico allaient envoyer chaque année sur des galions au port de Cadix. Hélas, François Ier faisait ressource de tout pour trouver des emprunts, afin de payer la solde des Suisses, des lansquenets, des gendarmes et des compagnies, et Charles-Quint allait avoir des lingots d'or trouvés à pelletées sur la surface de quelque mille lieues.

Un esprit curieusement préoccupé domine ce temps ; on dirait que le monde est occupé du grand œuvre, et que la génération du XVIe siècle ne veut que les choses extraordinaires. A peine depuis cinquante ans Christophe Colomb a crié : Terre ! terre ! et partout des navigateurs s'élancent vers ce monde inconnu. Fernand Cortez donne le Mexique, Pizarre[14], le Pérou. Indépendamment des ressources d'or que Charles-Quint allait trouver dans un empire, où le soleil ne se couchait jamais y il y formait également une marine supérieure et hardiment exercée. Il faut supposer une ténacité, une audace indicible à ces marins espagnols et portugais, qui, bravant les mers, allaient incessamment à la découverte, non point avec ces moyens réguliers et mathématiques que les modernes ont poussé jusqu'à la certitude, mais avec l'inconnu pour guide, la tempête sur la tète, les écueils aux pieds, en face des éléments et des mers que jamais navire humain n'avait traversées. Ces galiotes et ces galères telles que les gravures nous les ont reproduites, toutes de constructions fortes, lourdes et mal assurées, espèce de coquilles de mer sur les grandes eaux, avaient néanmoins une ressource que la vapeur moderne a remplacée, c'étaient les rames, force motrice qui bravait les vents contraires et marchait droit au but de la navigation. Cette marine, moyen formidable, Charles-Quint allait remployer dans la Méditerranée, comme Henri VIII jetterait le pavillon anglais sur les côtes de l'Océan.

A tout cela que pourrait opposer la France ? Ses galères de la Méditerranée à Toulon et à Marseille n'étaient pas considérables, Rochefort et Brest dans l'Océan abritaient également des navires de forces très-insuffisantes pour résister aux Espagnols et aux Anglais réunis. Il fallait donc chercher une marine en dehors de la monarchie : puisque Gènes et Venise défectionnaient aux vieux traités, on devait recourir aux Turcs, aux États barbaresques y à ces corsaires intrépides, détestés du commerce et de la navigation. François Ier fut donc entraîné par la nécessité à l'alliance des musulmans : quand toute l'Europe se coalisait contre la France, il fallait bien que le prince y poussé à bout y trouvât quelque pari ses ressources et ses moyens de défense ; et, à ce dessein y il conçut et prépara la première alliance avec la Porte Ottomane y devenue plus tard la base de la politique. François Ier, dépourvu de toute alliance chrétienne, attaqué sur les frontières de Picardie et de Champagne, son trésor vide, est forcé d'emprunter à ses amis, à ses officiers, à son chancelier même, car on trouve une quittance du chancelier Duprat de 10000 livres[15], prêtées au roi Bon maître pour le besoin de ses guerres. Pourquoi donc le roi va-t-il en Italie dans ces dangers de la France ? c'est qu'il a besoin de doubler ses forces par l'audace : une combinaison des capitaines un peu hauts est de laisser libre à l'ennemi une frontière menacée, pour faire une pointe hardie à l'extérieur. La fanfaronnade ne nuit pas à une cause périlleuse ; souvent, par défaut de cœur, les nations se perdent. Le roi voulait constater que la France n'était pas dans un péril réel, afin de relever les courages et d'entraîner l'héroïsme de toute la chevalerie : et quel meilleur moyen que [de la voir se préparer à un voyage lointain ! Quand les messagers viendraient annoncer aux châtelains que le sire François Ier levait l'étendard pour aller en la duché de Milan, qui pourrait croire que la France était en danger ? Les choses chevaleresques et intrépides peuvent entraîner malheur ! mais elles sont toujours nobles. Dans François Ier il y avait cette confiance qui ne désespère jamais : sous ces casques surmontés de plumes et précédés de gonfanons, marche la noblesse la plus intrépide, la plus digne ; et pourquoi son roi ne la conduirait-il pas fièrement pour venger une insulte, accepter un cartel, sous les yeux des belles dames de Milan ?

 

 

 



[1] Le 5 de ramadan 927 de l'hégire (9 août 1521).

[2] Soliman arriva en personne devant Rhodes le 5 de schoual 928 (28 août 1522) ; son grand vizir, Mustapha, l'assiégeait depuis la fin de mai.

[3] L'île de Rhodes capitula le 3 de sefer 929 (22 décembre 1522).

[4] J'ai trouvé une noble Lettre du grand maitre à M. de la Rochepot (7 février 1523). — Mss. de Béthune, vol. coté 8530, fol. 81.

Mon nepveu ; plusieurs fois vous ay escript du grand Turc qui nous tenoit assiégez en personne dès le XXVIe de juing dernier passé, lequel voyant, ne nous pouroit prendre par bateries d'artillerie, mynes ne assaux, à la parfin levé qu'il nous a en les deffences d'ung grand cartier de la ville, est venu picquer et abatre la muraille, en laquelle a fait une grande bresche par laquelle trente ou quarante hommes a cheval pourroient entrer de front, et par icelle avec trenchies couvertes, entré plus de cent cinquante pas dedans la ville, nonobstant deux contremurailles et repaires fait à rencontre, ont a demeuré main à main avecques nous l'espace de trente six jours ou environ, et voyant consommer ses gens, desquels desjà avoit perdu plus de quatre vingt mille tant tuez, que mortz de maladie, craignant venir aux mains avecques nous que moyennant l'aide de Dieu en tous ses assaulx l'avons repoulsé, considérant les victoires consister en la volonté divine et non en la puissance et multitude des hommes, nous a faict dire si iuy voulions rendre la ville, nous laisserait aller bagues sauves, et a ceulx qui voudroient demeurer feroit bonne companie, francz de tous tributz l'espace de cinq ans sans jamais prendre de leurs enfans pour faire des genissaires comme faipt es autres parties de la Grèce a luy subjectes ; ce que plusieurs jours avons différé. A la parfin voyant qu'il nous estoit impossible pouvoir plus résister veu que nous n'avons plus pouldres, munitions ne gens de faict, des-nuez d'espérance de secours, lequel tant de fois avons demandé, ayant compassion de tant de menu peuple estant en notre jurisdiction, qui avoit de passer par l'espée ou renier la foy par contrainte, avons accepté le d. party. J'en escript au roy, je vous prie, mon nepveu avoir toujours noire religion pour recommandée, envers le d. seigneur qui sera fin de la présente, aprèz mestre recommandé a votre bonne grâce priant le Créateur vous donner le comble de vos bons désirs. Escript à Castel en Candie le VIIe de février. Votre bon oncle et amy, le maître de l'hopital St Jehan.

Fb. de Villers l'Île-Adam *.

On trouve encore d'autres lettres du grand maître de Rhodes dans les Mss. de Béthune, n, 8537 et 8546, Bibl. Roy.

* Les Villiers de l'Île-Adam et Rochepot étaient tous deux Montmorency.

[5] L'élection d'Adrien est ainsi annoncée au roi par l'ambassadeur à Rome dans une courte dépêche. — Bibl. du Roi, Mss. De Béthune, n° 8500, fol. 99.

Monseigneur toujours très humblement a votre bonne grâce me recommande.

Monseig. aujourd'huy a été publié pape Mons. le cardinal Terlusien et a prins le nom d'Adrian.

Monseig. je prie le Créateur vous donner très bonne vie et longue. De Rome ce neuvième jour de janvier.

Votre très humble serviteur. De Pons.

[6] Lettre du chevalier Bayart au roi, datée de Gênes, 31 janvier 1522. — Mss. de Béthune, vol. coté 8517, fol. 2.

Sire, j'ai receu la lettre qu'il vous a pieu m'escripre faisant mention que depuis que je suis par deça n'avez point heu de mes lettres, et que je vous escripve là ou je suis ; sire, il vous pleust me mander que je m'en vinsse incontinent en ceste ville pour aider au gouverneur à l'arcevesque a conduyre leurs gens de pié pour la garde de cette ville, et du pays de Gennes, et n'en fusse pas bougé que je n'en eusse été chassé par force, ou que m'eussiés mandé quelque autre chose.

Sire je vous ay escript plusieurs fois qu'il n'y avoit point d'affaire icy, et que j'estoye bien-marry de ce que je me sejournoye et que je n'eusse quelques gens pour mener à M. de Lautrec, et vous faire quelque service en votre duché de Millan ; et m'en suis plainct à Clément quand il passa par icy, pour vous le dire. Car si jeusse heu deux ou troys mil hommes de pié françoys, je vous eusse fait quelque bon service... Bayart.

[7] La bataille de la Bicoque eut lieu le dimanche de la Quasi-modo, 22 avril 1522.

[8] Le traité entre l'empereur et la république fut conclu le 28 juin 1522.

[9] Gênes, prise d'assaut dans la nuit du 30 mai 1522, fut livrée au pillage pendant deux jours, et le troisième on élut doge Antoine Adorne.

[10] L'empereur créa seize grands de première classe, vingt-six de la deuxième et quarante de la troisième.

[11] Mss. de Béthune, n° 8486, fol. 405. Voici ce grand projet :

Avis pour mettre sur pied une puissante armée à la confusion et destruction du Turc et autres ennemis de la saincte foy et religion chrestienne lequel avis procède des vénérables et dévots religieux de l'ordre des Frères Mineurs de l'observance comme s'ensuit.

Icy présenté au consistoire de notre Saint père le 12e jour de juing 1523. 1° Les dits vénérables ont exposé et remonstré a notre St père le pape qu'ils ont quarante mille couvens de leur ordre, desquels plaise à notre St père en supprimer quatre mille, resterons encore trente six mille couvens, et pour ce ils sont contens de bailler de chacun couvent un religieux, lequel sera tenu de non retourner de la d. armée, mais y procéder et continuer autrement moyennant la grâce de Dieu et l'augmentation et deffense de la religion chrétienne ; cy 36.000 hommes.

Item. Sans estimer que les autres trois couvens mendians comme Prescheurs, Augustins, Carmes, peuvent bien, avoir trente mille couvents, et à prendre de chacun couvent un homme monte à 36.000 hommes.

Item. Que toutes autres religions dont il y a beaucoup comme les chevaliers de Prusse, Rhodes et les Bernardins, Saint-Benoît, Chartreux, Célestins, Paulins et plusieurs autres fournissent 36.000 hommes.

Item. Que toutes les religions des dames l'une supportant l'autre fournissent pareillement de chacun couvent montant à 36000 hommes.

Nota. Que lesdits couvents dessus dits tant religieux que religieuses y compris les chevaliers dessus dits à prendre de chacun un homme monte à cy 144.000 hommes.

Item. Et est à présumer que là où il y a un couvent de religion, il y a pour chacune ou couvent dix paroisses qui seroient en somme trois cent soixante mille paroisses et en prenant de chacune paroisse un homme monteroit à 360.000 hommes.

Toutes lesquelles parties devant dites monteroient en somme à 540.000 hommes que l'on peut facilement tenir et assembler contre le Turc et autres ennemis de la sainte foy chrestienne.

[12] Fernando Cortez, né à Médelin, petite ville de l'Estramadure, en 1485, débarqua le 1er mars 1549, sur la côte du Mexique, découvert par Grisalva, lieutenant de Vélasquez, qui n'avait osé y pénétrer.

[13] Fernando Magellan, dont on ignore le lieu et l'année delà naissance, était Portugais ; il partit avec une flotte de huit vaisseaux le 20 septembre 1549, et fut tué à Zébu, une des îles des Philippines, au mois de mars 1524.

[14] François Pizarre, né à Truxillo dans l'Estramadure en 1475, découvrit la côte de l'empire péruvien un peu plus tard, en 1524 ; y pénétra en 1526 et revint ensuite en Europe. Charles-Quint lui donna le titre de gouverneur de cette nouvelle terre avec trois vaisseaux, et il mit à la voile le 1er février 1541 pour aller prendre possession du Pérou au nom de l'empereur.

[15] Dans les portefeuilles Fontanieu, on trouve le remboursement au chancelier Duprat.

François, a notre amé et féal conseiller général de noz finances et trésoreries de nostre espargne, maistre Guillaume Preudonne, salut et dillection ; nous voulions et nous mandons que des premiers et plus clercs deniers de nostre espargne de ce présent quartier de janvier février et mars vous paiez, baillez et délivrez comptant ou appoinctez des a présent par vos mandements portant quictance sur le changeur de nostre trésor ou telz receveurs généraulx de nos d. finances que adviserez, a notre très cher féal et grant amy le cardinal de Sens, chancelier de France, la somme de dix mil livres tournois que nous luy avons ordonné et ordonnons par ces présentes pour son remboursement de semblable somme que nous a prestée.