§ 1er. FAMILLE LE COMTELa famille Le Comte était une famille considérable d'Angoulême. Je ne sais si nous devons y rattacher Jeanne Le Comte, qui, ainsi que Antoinette de Polignac, dame de Combronde, fut maîtresse de Charles, comte d'Angoulême, père du roi François Ier ; Charles eut de cette Jeanne Lecomte une fille, Souveraine d'Angoulême, qui, par contrat du 10 février 1512, fut mariée à Michel Gaillard, seigneur de Chilly et de Longjumeau[1]. Mais à cette famille Lecomte appartenaient certainement : Guillaume Lecomte, conseiller en l'hôtel de ville d'Angoulême en 1574 — sans doute fils de Me Raymond Lecomte, procureur au présidial d'Angoumois et frère de Marguerite Lecomte, première femme de François Ravaillac et aïeule paternelle du régicide — ; Et Jehan Lecomte, probablement fils du précédent, qualifié écuyer, maréchal des logis de François, duc d'Alençon, frère des rois Charles IX et Henri III ; l'une de ses filles, Jeanne, épousa Guillaume Robin, écuyer, seigneur de Plassac et des Ardilliers, avocat en la cour du présidial d'Angoumois ; une autre de ses filles, Marguerite, épousa Gaston Viaud, écuyer, seigneur d'Aignes. Me Michel Lecomte, proche parent de celui-ci, eut de Jeanne Verdeau, outre Jean, qui suit : Catherine, baptisée en l'église Saint-Martial d'Angoulême le 28 décembre 1632 — parrain François Le Meusnier, fils de Jacques Le Meusnier, chevalier, seigneur de Rouffignac, de Moulidars et de Mosnac ; marraine, Catherine Lambert, fille de François Lambert, conseiller et avocat du roi. Jean Lecomte, né sur ladite paroisse Saint-Martial le 4 juin 1636, d'abord avocat au parlement et greffier en l'élection d'Angoulême, décéda le 1er février 1666 procureur en la même élection, ayant eu de Marie Pradeau : 1° Michel, baptisé en l'église Saint-Martial le 11 avril 1657 — parrain, Me Michel Lecomte, marraine, Anne Pradeau — ; 2° Marie, née en 1658, décédée le 30 juillet 1669, âgée de onze ans ; 3° Noël, baptisé le 20 novembre 1660 — parrain, Noël Thuet, greffier en l'élection ; marraine, Marie Lecomte — ; il mourut deux jours après ; 4° Catherine, baptisée le 24 janvier 1662 — parrain, Pierre Desbrandes, écuyer, seigneur du Petit-Vouillac ; marraine, Catherine Lecomte — ; 5° Pierre, baptisé le 20 août 1663 en l'église Saint-Martial comme ses frères et sœurs. Pierre Lecomte, petit-fils sans doute de celui-ci, fut greffier en chef à Angoulême, et épousa en 1724 (église Saint-Antonin d'Angoulême) Madeleine Robuste (de Laubarière ?). C'était probablement leur fils celui qui, sous le nom de Joseph Lecomte, sieur de Monteroche, épousait dans la même église Saint-Antonin, en 1745, Catherine-Rose-Élisabeth Robuste (de Laubarière ?). Cette famille paraît s'être éteinte vers la fin du siècle dernier en la personne de M. Le Comte des Hors, père de quatre filles, savoir : Mme de Malledent, et dame Félicité Le Comte, mariée à Jacques Chausse de Lunesse, l'une et l'autre mortes sans postérité ; — Marie-Antoinette, mariée à M. Marchadier, mère de Mmes Gautier et Bureau, et d'un fils décédé en 1873 capitaine d'infanterie et chevalier de la Légion d'honneur, ayant épousé en secondes noces Mlle Caroline de Vaublanc, fille de Charles-Auguste Viennot, comte de Vaublanc, chevalier de Saint-Louis et de la Légion d'honneur, et de Louise-Hyacinthe-Cécile de Courbon de la Roche-Courbon de Blénac ; d'un premier mariage, pour fille unique, Mme de Manny ; — enfin Jeanne Le Comte, mariée à M. Horric de Beaucaire, aïeule notamment des vicomtes Horric de Beaucaire. § 2. FAMILLE CHAUVETNous avons vu que l'écuyer Pierre Ravaillac avait, épousé Anne Chauvet, sœur de François et de Jean Chauvet, écuyers, sieurs de Fontbelle. D'après le Dictionnaire géographique du département de la Charente, Fontbelle est un hameau de la commune de Châteauneuf-Charente ; vers la fin du XVIIe siècle ce petit fief appartenait à François Pinault, marié à Marguerite Piet : leur fille Marie, épousa M. Valleteau, sieur des Masures. Nous ne savons si les Chauvet de Fontbelle se rattachent aux Chauvet, seigneurs de Sannat en Limousin, ou bien aux Chauvet de Saintonge et d'Aunis, dont l'Armorial de 1700 donne les armes comme suit : Chauvet, avocat à La Rochelle : de gueules à la fasce d'argent chargée dune chauve-souris de sable ; Pierre Chauvet, conseiller au présidial de Saintes : d'argent à la fasce d'azur accompagnée de trois chauves-souris de sable ; François Chauvet, marchand à Rochefort-sur-Mer : d'argent à trois chauves-souris de sable mal ordonnées. Mais les Chauvet de Fontbelle peuvent revendiquer sans doute : Jehan Chauvet qui, en 1318, rendait hommage à l'évêque d'Angoulême pour le Maine de Puydonaut et le Mas de Pierre-Seguin situés en la paroisse de Dirac ; Messire Chauvet, chanoine de la cathédrale d'Angoulême en 1568 ; Marie Chauvet, qui, par contrat du 14 juin 1655, épousa François Robin, écuyer, seigneur des Ardilliers, fils de cette Jeanne Lecomte dont nous avons parlé au paragraphe précédent, à propos de Marguerite Lecomte, première femme du procureur François Ravaillac ; Isabeau Chauvet, mariée le 10 février 1647 à Salomon Chapiteau, écuyer, seigneur de Reymondias, etc. C'est peut-être la même qui, étant veuve, et sous le prénom d'Elisabeth, épousait, le 24 septembre 1674, Jean du Lau, écuyer, seigneur du Buis, en la paroisse de Feuillade ; ce mariage eut lieu en l'église de Mainzac, canton de Montbron, et non en celle de Minzac, canton de Villefranche de Lonchapt (Dordogne), comme il est dit dans le Nobiliaire du Limousin, tome III, page 58. Jean Chauvet de Fontbelle, frère de Mme Ravaillac, demeurait à Angoulême sur la paroisse de Notre-Dame de la Peyne ; ses trois filles, Jacquette, Antoinette et Jeanne, furent baptisées en cette église les 18 avril J607, 11 décembre 1608, 17 janvier 1610. Lui-même avait été parrain à Angoulême, paroisse Saint-Martial, en 1600, de Jehan Simonnot. Sur cette paroisse Saint-Martial, à partir de 1690 jusqu'en 1788, nous avons constaté cinquante-huit baptêmes concernant diverses familles Chauvet, dont nous ignorons les points d'attache avec les Chauvet de Fontbelle. § 3. FAMILLE REDONFrançois Redon, cohéritier de Mme Ravaillac dans la succession du chanoine Dubreuil, frère de celle-ci, avait commencé la fortune éclatante de sa famille ; fils et petit-fils de notaires, receveur du taillon à Angoulême, nous le voyons ensuite prendre le titre d'écuyer, seigneur de Neuillac, de Pranzac, d'Hurtebize et de Boisbedeuil ; maire d'Angoulême en 1578, il fut échevin jusqu'en 1606 ; il est à croire que sa proche parenté avec l'illustre famille des Nesmond contribua beaucoup à cette brillante fortune : sa femme se nommait Guillemine Jargillon, sœur de Marie Jargillon, mariée à François de Nesmond, lieutenant général à Angoulême, et frère cadet d'un autre François de Nesmond, président au parlement de Bordeaux. François Redon laissa un fils et trois filles : Anne, mariée à Samuel de la Nauve, seigneur de Gondeville près de Jarnac-Charente, conseiller au parlement de Paris ; Marie, épouse de Hélie de Martineau, seigneur de la Touche d'Anais, conseiller du roi, lieutenant en l'élection d'Angoulême ; Et Catherine, mariée à Raymond de Forgues, baron de la Roche-Andry et des Pins. Le frère de celles-ci, Jean de Redon, chevalier, seigneur de Pranzac, eut pour fils Alexandre de Redon, qui prenait le titre de marquis de Pranzac, et même de prince du sang, se prétendant issu de la maison royale de France ; il fallut un arrêt du parlement de Paris, en 1670, pour mettre fin à de pareilles prétentions ; peu de temps après, en 1682, la fille unique d'Alexandre[2] n'en épousa pas moins François des Cars, comte des Cars, seigneur de Saint-Bonnet, Saint-Ybard, la Roche-l'Abeille et la Renaudie, trisaïeul d'Amédée-François Régis, qui a été créé duc des Cars en 1825. Alexandre de Redon se prétendait sans doute, plus ou moins véridiquement, issu de la branche royale de Dreux ; il prend ces noms : de Redon de Dreux, marquis de Pranzac et de Montfort, dans son contrat de mariage, en 1654, avec Claude-Françoise-Angélique de Pouilly, veuve en premières noces de Henri du Chatelet, marquis du Chatelet et de Trichateau ; celle-ci avait pour sœur aînée Gabrielle-Angélique de Pouilly, comtesse de Louppy, mariée en premières noces, le 23 septembre 1625, à Bernard de Coligny, petit-fils de l'amiral de Coligny, et neveu de Louise de Coligny, femme de Guillaume de Nassau, prince d'Orange ; et en secondes noces, le 7 juillet 1630, à Claude Roger de Comminges, marquis de Vervins. Alexandre de Redon avait donc contracté une illustre alliance. § 4. FAMILLE GIRARDLa famille Girard, comme les Guez de Balzac, les Crugy de Marcillac, et autres, était venue en Angoumois à la suite du duc d'Épernon, auquel elle resta extrêmement dévouée. Originaire de Bordeaux, elle avait produit à la précédente génération Bernard de Girard, seigneur du Haillan, d'abord secrétaire du roi Henri III, puis premier historiographe de France, généalogiste de l'ordre du Saint-Esprit ; né à Bordeaux en 1535, il décéda à Paris le 23 novembre 1610, conseiller d'État. Philippe Girard, d'abord procureur du roi à Angoulême, puis secrétaire de Diane de France, duchesse d'Angoulême, duquel nous avons parlé, avait un frère, Pierre Girard, qui, de Valentine de la Borie, eut les trois fils ci-après nommés : Claude Girard, né à Angoulême, paroisse Saint-Paul en 1599, officiai d'Angoumois et curé de Saint-André à Angoulême, puis archidiacre d'Angoulême et grand vicaire du diocèse ; il mourut le 2 septembre 1663 et eut pour successeur André de Nesmond ; Michel Girard, abbé de Verteuil en Médoc ; L'aîné, Guillaume Girard, est l'historiographe du duc d'Épernon ; voici, à titre de curiosité, son acte de baptême, inscrit sur les registres de ladite paroisse Saint-Paul : Le dixième jour de mars 1598 a esté baptizé dans l'église parroissialle de Saint-Paul d'Angoulesme, Guillaume Girard, fils de Pierre Girard et de Valentine de la Borye, par moy, curé soussigné. Le parrain a esté M. Guillaume Guez et (la marraine) Mlle la procureusedu roy (sic) ; c'était la tante du baptisé, étant femme dudit Philippe Girard, alors procureur du roi à Angoulême. Ce parrain, Guillaume Guez, était le père de notre grand Balzac ; il existait en effet une très grande intimité entre les deux familles Guez et Girard, et c'est le frère de Guillaume, l'archidiacre Claude susnommé, qui fut l'exécuteur testamentaire de notre grand littérateur. On a cru généralement, mais à tort, que Guillaume Girard était ecclésiastique ; marié à Marie de Baritaud, il eut deux filles : Marie de Girard, baptisée en l'église Saint-Martial d'Angoulême en 1638 — parrain, François de Nesmond, archidiacre d'Angoulême et aumônier ordinaire du roi ; marraine, Marie de Patras de Cumpagno, nièce de Balzac — ; elle épousa, en l'église du Petit-Saint-Cybard à Angoulême, le 14 janvier 1663, Pierre Aigron, écuyer, seigneur de Combizan de la Font, de Saint-Simon et de Plassac, dont le père, Abraham, avait été maire d'Angoulême en 1642 ; Et Anne de Girard, mariée à Pierre des Forges, écuyer, seigneur du Chatelar, paroisse de Dirac ; dont, notamment, Catherine, mariée en 1707 à François de la Laurencie, chevalier, seigneur de Chadurie et des Thibaudières. Armes de la famille Girard : D'argent à la croix d'azur. Devise : Crux, Spes et Decus ! § 5. FAMILLE BELLIARDLa famille Belliard était parente, ou du moins intimement liée, avec la famille Ravaillac ; nous avons vu que ce fut noble Jehan Belliard, procureur du roi au siège royal de Cognac, qui fut, le 8 janvier 1602, en l'église Saint-Paul d'Angoulême, parrain de Jehan Ravaillac, cousin-germain du régicide. Le Belliard, dans la maison duquel celui-ci entendit les propos qui furent la cause dominante de son crime, devait être noble Hélie Belliard, qualifié en 1606 naguère conseiller du roi et son lieutenant au siège de Cognac, dont la commisération s'était émue depuis quelques années pour Françoise Dubreuil et ses fils ; il les assistait de ses aumônes ou les aidait tout au moins de ses conseils ; aussi, par acte du 14 décembre 1606, Françoise Dubreuil lui faisait-elle donation de tous les droits qui pouvaient lui revenir en la paroisse de Mérignac du chef des chanoines ses frères. De cette famille était Michel de Belliard, écuyer, seigneur de Tournebourg, près de Cognac, marié à Marie de la Brugière, veuve elle-même en premières noces de Louis Ancelin, seigneur de Gardépée. — Michel de Belliard fut parrain de nombreux enfants à Cognac et aux environs de cette ville, notamment en l'église de Merpins, 1623, de Michel Robin, dont le père, Me André Robin, notaire royal, était cousin des divers Robin dont il est question au cours du présent travail. Nous trouvons aussi damoiselle Marie Belliard, marraine en l'église Saint-Martial d'Angoulême, 1603, de François Rousseau, fils d'Hélie Rousseau, sergent royal, cousin des Ravaillac ; Et encore noble Jean Belliard, écuyer, seigneur de Villevert, en ladite paroisse de Merpins qui, fils et héritier de noble homme Belliard, conseiller au présidial d'Angoumois, habitait en 1618 à Angoulême, paroisse Saint-Antonin. M. Audiat, dans sa Vie de Nicolas Pasquier, publiée dans le Bulletin 1873-1874 de la Société archéologique et historique de la Charente, dit quelques mots d'Hélie Belliard susnommé : il avait eu avec le père de Nicolas Pasquier un grand procès qui dura plus de quatre ans ; il n'était pas non plus des amis de Philippe de Voluire, qui écrivait, de Ruffec, à la date du 12 septembre 1582, à Charles de Brémond, baron d'Ars : Belliard a esté débouté de son opposition, qui sont de très mauvaises nouvelles pour luy. Son grand ami, le sieur de Fors (Charles Poussard) s'est laissé mourir. § 6. FAMILLE ROBINDe même que les Robin, marquis de Barbentane et de Beauregard, en Provence, et les Robin, vicomtes de Coulognes, marquis de la Temblaye et de Mortagne, en Touraine, les Robin d'Angoumois ont conservé la tradition de leur origine anglaise. Une de leurs branches, connue sous le nom des seigneurs de Plassac et des Ardilliers, éteinte à la fin du siècle dernier, était arrivée à la noblesse et portait pour armes : de sable à deux tours d'argent maçonnées de sable ; elle avait pour auteur Jean Robin, maître apothicaire, sieur de la Chapelle, demeurant à Angoulême, rue des Trois-Notre-Dame ; reçu conseiller à la maison de ville d'Angoulême le 24 mai 157-4, il décéda le 2 janvier 1577 ; De Martiale de La Touche, il eut ce Guillaume Robin, écuyer, seigneur de Plassac et des Ardilliers, avocat en la cour du présidial d'Angoumois, que nous avons cité plus haut comme ayant épousé Jeanne Le Comte, fille de Jehan Le Comte, écuyer, maréchal des logis du duc d'Alençon, et cousine de l'aïeule paternelle de Ravaillac ; Leur fils, François Robin, écuyer, seigneur des Ardilliers, a déjà pareillement été cité par nous comme ayant épousé, suivant contrat du 14 juin 1685, Marie Chauvet, petite-nièce d'Anne Chauvet de Fontbelle, épouse de l'écuyer Pierre Ravaillac. Hector Robin, marchand et bourgeois, habitait à Angoulême dans la même rue des Trois-Notre-Dame, à côté de l'apothicaire, dont il était probablement le frère ; il fut échevin de ladite ville d'Angoulême et possédait notamment le domaine de Beaumont, voisin des propriétés de celui-ci ; De Marie Rambaud, il eut notamment : Étienne Robin, marchand à Angoulême, marié à Françoise Terrasson, fille ou nièce du maire d'Angoulême, de la famille des seigneurs de Verneuil, de la Pétillerie et de Montleau ; c'est un de leurs fils, Jean, qui épousa, en 1604, Jehanne Mesnard, cousine germaine du régicide ; un autre de leurs fils, Ézéchias, continua la descendance, qui s'est alliée notamment aux familles de Villoutrey, Houlier et de la Quintinie, et a produit Abraham François Robin, premier échevin du corps de ville d'Angoulême, grand juge de la juridiction consulaire en 1760, et Léonard Robin, membre du tribunat ; cette descendance vient de s'éteindre récemment avec la veuve de M. du Colohoé, colonel d'artillerie, directeur de la fonderie de Ruelle ; Et Pierre Robin, notaire royal à Angoulême, marié — par contrat devant Mousnier, notaire en la même ville, en date du 6 décembre 1581 —, à Anne Laisné, fille de noble homme Philippe Laisné, avocat au siège de Cognac, de la famille des seigneurs de la Barde, de la Couronne, des Deffens, etc. ; par son fils André, notaire royal au Prunelas, près Cognac, Pierre est l'auteur de la famille Robin de Cognac, qui a produit : sous la Restauration un procureur du Roi à Cognac (Ambroise-André Robin), et, récemment, un maire de la ville de Cognac (Victor-Alexandre Robin). § 7. Extrait de la lettre de Nicolas Pasquier à Monsieur d'Ambleville, conseiller du Roy, en ses conseils d'Estat et privé, capitaine de cinquante hommes d'armes et lieutenant général pour le Roy ès pays d'Angoulmois, Saintonge, Aunis, ville et gouvernement de La Rochelle[3].Tout ainsi que nous ne voyons jamais de feu sans fumée, ny de corps sans ombre ; ainsi point de mort de grand prince, qu'elle ne nous soit prédicte un longtemps avant qu'elle arrive ; ou par la voix du peuple ou par inspirations divines, que Dieu descouvre à quelques siens serviteurs, ou par les astrologues. En l'an 1608 la Font, prévost de Bayonne, vint trouver le Roy auquel il dit sans rien flatter qu'il ne fust si prodigue de sa vie, autrement qu'il seroist tué, ainsi que son esprit luy avoit desclaré. Et deux ou trois jours avant qu'il fut occis, il donna avis au Chancelier que son esprit l'avoit asseuré, que celuy quivouloit tuer le Roy, estoit dans Paris, qu'il l'en advertist pour s'en donner de garde. Il est aussi vray, que quelques mois avant la mort du Roy, on trouva soubs la nappe de l'autel de la grande église de Montargis, après la messe dicte, une lettre qui portoit en substance, qu'il y avoit une entreprise sur sa vie (la vie du Roi) par un de la ville d'Angoulesme. Cette lettre fut envoyée par les officiers au Chancelier, qui luy ayant communiquée, il n'en fit que rire. Ferrier, médecin de Thoulouze, luy prédit estant Roy de Navarre, qu'il seroit Roy de France, mais qu'il estoit en danger après de mourir d'une mort violente. Quelque temps avant son trespas, il luy escrivait qu'il pensast à sa conservation, d'autant que les astres conspiroient en sa personne. Je vous diray que six mois avant sa mort il me tomba entre les mains un almanach qui marquoit au quatorziesme de ce mois de may ces mots : Dies illa, dies iræ, calamitatis et miseriæ. Un autre almanach disoit dans le mesme mois de may : Astra sunt omnino contraria laboribus et voluptatibus tuis ; et plus bas : in tua constanter funera cœce ruis. Il luy avoit esté prédict — comme l'on a appris de luy-mesme — qu'il seroit tué dans son carrosse. En l'an 1597, s'en allant en carrosse à Mouy en Picardie, les chevaux traisnèrent le carrosse en un précipice qui fut de tout poinct brisé : En l'an 1606, luy et la Royne versèrent avec le carrosse au port de Neuilly, où ils faillirent de se noyer ; et la troisième fois il y fut tué. Encore luy avoit on dit davantage, qu'il se gardast d'un gaucher. Cette prédiction a eu son effect : car entrant dans le carrosse il print la gauche, et donna la droicte au duc d'Espernon ; il receut les coups dans le costé gauche ; le carrossier prit la gauche, et donna la droicte aux charrettes qui arrestèrent le carrosse du Roy : il fut tué par Ravaillac qui estoit ambidextre. Et pour moy je juge que Ravaillac donna le coup de la main gauche, eu esgard où estoit le carrosse ; car si c'eust esté de la droicte, il falloit donner de revers. Les advis du Ciel venoient de toutes parts à ce prince de sa mort prochaine... La Royne mère deux ou trois mois auparavant sa mort estant couchée avec luy, la force imaginative opéra tellement en elle, qu'elle vit en songe ce parricide abominable quy tuoit le Roy de deux coups de cousteau ; c'estoit un advertissement de l'advenir. Elle se réveilla en sursault, criant et pleurant. Il eut tant de prédictions qui devancèrent son malheur qu'il ne pouvoit qu'en estre troublé au-dedans de soy. Le matin (du crime) comme il fut levé et habillé le duc de Vendosme y arrive, qui luy apporta nouvelles que la Brosse l'avoit prié de luy dire, qu'il ne sorlist pas ce jour-là, parce qu'ayant bien espluché les révolutions du Ciel et les aspects des astres avec leurs influences, il avoit appris par la concurrence de certains astres malins, qu'il estoit menacé ce jour, s'il sortoist, d'un guet à pens ou mort violente, et qu'autrement il ne pouvoit vaincre la malignité et conjuration du Ciel. Le Roy lui dit : Vous estes un jeune fol, et la Brosse un vieux fol, qui veut avoir de moy quelque pièce d'argent. Cette mesme matinée plusieurs billets, furent jettés dans sa chambre (la chambre du Roi), portant qu'il y avoit une entreprise contre sa personne et que s'il sortoit ce jour-là, il courroit fortune d'estre tué. Un mien amy m'a dit, qu'il en vit un qui fut porté au Roy, dont il ne fit pas grand estât. |
[1] D'Antoinette de Polignac le comte d'Angoulême avait eu : Jeanne, mariée à Jean Aubin, seigneur de Malicornes et de Surgères, puis à Jean de Longwy, seigneur de Givry et de Fontaine-Française ; et Madeleine, abbesse de Saint-Ausône d'Angoulême de 1490 à 1515, puis de Farmoutier et de Jouarre.
[2] Dans la généalogie de la maison des Cars, elle porte les noms et qualifications de Marie de Redon de Salm, marquise d'Esne et de Pranzac en Angoumois, comtesse de Consbarat, baronne de Manouville, fille d'Alexandre, seigneur desdits lieux, et de Claude-Françoise-Angélique de Pouilly.
[3] Tome II, page 1053.