A Paris, l'arrêt terrible avait reçu son exécution ; à Angoulême, à quelques jours de là, il était signifié à son de trompe et cry public ; les personnes qui étaient atteintes par lui et devaient être flétries puisqu'elles tenaient de si près au meurtrier, n'avaient pour obéir qu'un délai de quinzaine à partir de cette signification, sous peine d'être pendues et étranglées, sans autre forme de procès. Immédiatement, Geoffroy, le frère du condamné, se présenta au présidial d'Angoulême et y fit enregistrer son intention de prendre pour nouveau nom patronymique, en conformité de l'arrêt, le nom de Montalque ; c'est ce nom que porte l'acte passé devant M. Chaigneau, notaire royal à Angoulême, le-21 juin 1610 — vingt-cinq jours par conséquent après l'arrêt du Parlement — : par cet acte, la mère infortunée du régicide, à la veille de partir, avec son misérable époux, pour un exil dont nous ne connaissons pas le lieu et dont la mort, il faut l'espérer pour eux, vint les délivrer bientôt, donnait procuration générale à Geofroy de gérer et administrer tous ses biens ; dans cette procuration la malheureuse est simplement nommée Françoise Dubreuilh ; le nom de son mari, puisque ce nom maudit ne devait plus être porté, n'est pas mentionné. Quant aux autres membres de la famille, à l'exception de Geoffroy, ce brigand qui était repoussé par tous, ils se réunirent pour aviser au nouveau nom patronymique qui devait être choisi. Le chef de cette famille si cruellement frappée était Pierre Ravaillac, l'écuyer, oncle du régicide et le seul mâle qui, avec le père et le frère de celui-ci, portait ce nom odieux. Pierre Ravaillac venait sans doute de recueillir l'héritage de Pierre Montgeon, écuyer, sieur de Rochefort, prêtre, demeurant à Angoulême, parent ou ami du procureur François Ravaillac et dont nous avons constaté la présence comme témoin en 1577, dans un acte de vente consenti par celui-ci, père de Pierre Ravaillac susnommé[1] ; celui-ci annonça que son intention était de prendre désormais pour nouveau nom patronymique celui de Montgeon ou Montjon ; c'était un devoir pour les autres membres de la famille de se conformer à l'exemple de son chef. Que l'on ne traite pas de fable ce récit ! Sous le chapitre suivant nous fournirons la preuve de ce que nous avançons, en ce qui concerne les enfants dudit Pierre Ravaillac ; et, pour les femmes de cette famille, nous allons fournir cette preuve immédiatement, d'une manière indiscutable. Ces femmes étaient peu nombreuses : en dehors des sœurs du régicide, nous ne constatons l'existence en 1610 que de Catherine Ravaillac, veuve en secondes noces de Nicolas Mesnard, sœur germaine du père de celui-ci — la femme du procureur Arnauld, également leur sœur germaine, étant décédée depuis longues années déjà, et Catherine Ravaillac la jeune, mariée à Pierre Grazillier, sœur consanguine des susnommées, ayant disparu depuis plusieurs années. Hé bien ! nous allons rapprocher l'un de l'autre deux contrats de mariage qui nous feront voir, de la manière la plus évidente, que la personne nommée en 1604 Catherine Ravaillac, veuve de Nicolas Mesnard, et celle nommée, en 1627, Catherine Montjon, veuve de Nicolas Mesnard, n'étaient bien qu'un seul et même individu. Dans le premier de ces contrats de mariage, passé devant Me Gibaud, notaire à Angoulême, le 25 juin 1604, Jehanne Mesnard, veuve de Jehan Rochier, épouse en secondes noces sire Jehan Robin ; elle est dite fille naturelle et légitime de Nicolas Mesnard, archer de M. le vice-sénéchal d'Angoulême, et de Catherine Ravaillac ; elle comparaît sous l'autorité, conseil et avis de celle-ci, de vénérable personne frère Jehan Mesnard, religieux de l'abbaye de Saint-Cybard et prieur de Bourg-Charente, de Pierre Mesnard, praticien, ses frères germains ; de Pierre Ravaillac, son oncle, et en présence de Me François Pichot ; Dans le second contrat de mariage, passé devant Me Chérade, notaire à Angoulême, le 4 octobre 1627, messire Pierre Mesnard, écuyer, sieur de la Sauzaie et de la Vallade, maître d'hôtel de Mme du Massez, demeurant au château de Bouteville, épouse Marie Tizon de la Groie : le futur est dit fils de Nicolas Mesnard, premier archer de la compagnie de M. le vice-sénéchal, et de dame Catherine Montjon ; il stipule avec les avis et conseils de Jehan Mesnard, religieux profès et aumônier de l'abbaye de Saint-Cybard, son frère, et de François Pichot, son frère maternel. — Nous savons qu'en effet ladite Catherine Ravaillac-Montjon était veuve en premières noces de maître Pichot lorsqu'elle épousa en secondes noces Nicolas Mesnard. — Ainsi, il est bien de toute évidence que, Mme Robin et Pierre Mesnard étant sœur et frère germains, leur mère, Catherine, soit Ravaillac, soit Montjon, n'était en réalité qu'une seule et même personne. Nous avons dit qu'en 1610 le nom de Ravaillac était porté, en outre de celle-ci, parles sœurs du régicide ; nous avons sur ces dernières très peu de renseignements, elles devaient être plusieurs et sans doute mariées ; nous avions cru d'abord devoir ranger parmi elles Catherine Montjon, qui, en 1618, était veuve de Jean Horson, sieur de Lunesse ; c'était là une erreur, puisque son fils, Arnaud Horson, pareillement sieur de Lunesse, fut, en 1627, nommé échevin à la place de son oncle Jacques Montgeon, écuyer, sieur de Fléac. — Mme Horson était donc de la famille même des Montgeon de Fléac. En revanche, Jehanne. Montjon, veuve, en 1611, de noble Jehan Maquelilan, sieur de la Courrière, pourrait être une des sœurs que nous cherchons : le Jehan Maquelilan en question était sans doute le neveu d'Étienne Maquelilan, procureur ès cour ordinaire et présidiale d'Angoumois, notaire royal audit pays, pair du corps et collège de ladite ville, puis conseiller de la commune d'Angoulême de 1574 à 1580, année où il mourut sans enfants. — Celui-ci est précisément l'auteur de la curieuse Réception de Philippe de Voluire, dont nous avons eu occasion de parler. Jehanne Montjon, veuve Maquelilan, eut pour fils unique noble Étienne Maquelilan, qui, en cette même année de 1611, prend la qualification de chanoine prébendé de l'église Saint-Pierre de Condom ; en 1631, il est qualifié écuyer, docteur en théologie, maitre ès arts, chanoine de la cathédrale d'Angoulême, principal du collège de ladite ville ; par son testament, il fonda dans cet établissement un cours de philosophie. Arrivons à la descendance de Catherine Ravaillac-Montjon, tante du régicide : De son premier mariage avec maître Pichot, elle n'avait eu qu'un fils, François, que nous voyons assister, en 1604, au mariage de Mme Robin, née Mesnard, sa sœur consanguine, et, en 1627, au mariage de Pierre Mesnard, son frère utérin ; François Pichot était conseiller et élu pour le roi en l'élection d'Angoulême, et, en 1599, maître d'hôtel de Mgr du Massez. De sa seconde union avec Nicolas Mesnard, nous avons vu, chapitre deuxième, que ladite Catherine Ravaillac-Montjon avait eu deux fils et une fille ; Nous n'avons point à revenir sur le fils cadet, qualifié de vénérable personne Jehan Mesnard, religieux profès de Saint-Cybard, prieur de Bourg-Charente, puis aumônier de ladite abbaye de Saint-Cybard : Pour le fils aîné, Pierre Mesnard, nous l'avons vu, en 1604, qualifié simplement de praticien, puis, en 1627, pour son mariage, prenant les titres d'écuyer, sieur de la Sauzaie et de la Vallade, maître d'hôtel de Mme du Massez. Il contractait vraiment une belle alliance en épousant Marie Tizon de la Groie, qui n'était rien moins qu'une fille de l'antique maison des Tizon d'Argence, certainement l'une des plus illustres de notre province d'Angoumois : Marie avait pour père Daniel Tizon, écuyer, seigneur de la Groie, dont le frère Hélie ou Héliot Tizon, écuyer, seigneur de Cigogne, conseiller au présidial d'Angoumois, eut d'Antoinette Duport, fille sans doute de M. des Roziers susnommé : pour fils, Jean Tizon, écuyer, seigneur des Roziers ; et pour fille, Antoinette Gabrielle Tizon, mariée en 1622 à Jehan de Chergé, écuyer, fils de Cybard de Chergé, écuyer, seigneur dudit lieu, et d'Elisabeth de Montalembert ; la mère de ladite Marie Tizon de la Groie était Catherine Moulin, sœur de Jean Moulin, écuyer, seigneur de La Trésorière et des Mérigots, lieutenant criminel à Angoulême : en vérité, le supplice du régicide n'avait nui que médiocrement à son cousin germain ! Ce dernier n'eut pas d'enfants ; ou bien ceux-ci laissèrent-ils l'Angoumois ? nous n'avons aucune donnée à ce sujet. Ce nom de Mesnard se rencontre bien dans notre province aux générations suivantes : ainsi, une demoiselle Françoise Mesnard était mariée à Philippe Babin, écuyer, seigneur de Rencogne, paroisse de Mons ; desquels provint Madeleine, mariée en juillet 1721 à Pierre Mathieu Babinet, seigneur du Peux, de Joué et de Chaume, maire de Poitiers de 1727 à 1730 ; mais nous ne savons nullement si elle descendait dudit Pierre Mesnard, écuyer, sieur de la Sauzaie et de la Vallade. Il y a bien aussi les Mesnard de Laumont : Jean Mesnard fut nommé maire bi-triennal d'Angoulême par lettres patentes du 19 avril 1708 ; il se qualifia, depuis, écuyer et seigneur de Laumont, paroisse de Bignac, et il décéda le 28 mars 1741 à l'âge de quatre-vingt-onze ans ; de Catherine Maurougné, il eut : Michel Mesnard, écuyer, conseiller du roi, président en l'élection d'Angoulême, marié à Françoise Saulnier de Pierre-Levée ; Et Jean Mesnard de Laumont, marié en 1753 à Madeleine Chérade de la Pouyade. Mais le maire d'Angoulême descendait d'une branche collatérale des seigneurs de la Sauzaie et de la Vallade et ne comptait pas au nombre de ses ascendantes ladite Catherine Ravaillac. Nous avons, enfin, à parler de la fille unique de celle-ci, Jehanne Mesnard, mariée en premières noces (contrat du 7 juin 1599) à Jean Rochier, dont elle n'eut sans doute pas d'enfants ; et en secondes noces, aux termes de contrat du 25 juin 1604 dont il a déjà été question, à sire Jehan Robin, marchand à Angoulême. Celui-ci, petit-fils d'Hector Robin, échevin à Angoulême[2], avait pour père Étienne Robin, marchand à Angoulême, et pour mère Françoise Terrasson, dont le père ou l'oncle, François Terrasson, avait été maire d'Angoulême en 1553. On pourrait croire que du mariage de Jehanne Mesnard avec Jehanne Robin naquit Jehanne Robin, mariée en premières noces à Marc Filz, puis en secondes noces (église Saint-André à Angoulême, le 28 mai 1634), à Raymond de Villoutrey, écuyer, seigneur de la Diville ; elle n'était en réalité que leur nièce, étant issue du mariage d'Étienne Robin, frère dudit Jehan, avec Françoise Chollet. |