Publié depuis moins d'un an, le livre que nous voulons faire connaître aujourd'hui au public français a déjà atteint en Angleterre sa quatrième édition ; en même temps paraissait, dans la collection Bernhard-Tauchnitz, une de ces éditions spéciales, en petit format et à bon marché, qui, en quelques semaines, se répandent par milliers d'exemplaires dans le monde entier. Sous le titre commun de Portraits historiques — Historical Characters —, l'ouvrage de M. Bulwer contient quatre biographies : Talleyrand, Mackintosh, Cobbett et Canning ; l'auteur, dans les quelques lignes qui lui servent de préface, nous apprend qu'il a encore en portefeuille un essai semblable sur sir Robert Peel, et nous savons qu'il s'occupe en ce moment de lord Palmerston. Ce qui a donc surtout attiré l'attention et occupé les studieux loisirs de M. Bulwer, c'est la carrière, l'action, la physionomie originale des hommes d'État de l'Angleterre moderne ; pourtant son goût pour la France, qui est presque son séjour de prédilection, ses relations avec la meilleure société de toutes les capitales européennes, les fonctions diplomatiques qu'il a remplies pendant de longues années dans l'ancien et dans le nouveau monde, tout cela l'a conduit à élargir son horizon et à étudier non moins curieusement la vie, le caractère et le rôle de certains hommes politiques du continent, et particulièrement de ceux qui ont dirigé les affaires de la France depuis 1789. Les principaux acteurs des grands drames de la Révolution, ceux qui ont disparu dans ses orages, il a fait connaissance avec eux dans les mémoires laissés par les contemporains ; pour ceux qui ont survécu à ces luttes et qui, à divers titres, ont laissé leur trace dans l'histoire de l'Empire, des deux Restaurations et de la monarchie de Juillet, il en a, jeune encore, approché plusieurs des plus illustres ; il les a fréquentés avec une respectueuse curiosité ; il a pu souvent interroger leur complaisante et fidèle mémoire sur les héros disparus de la génération précédente, sur les causes secrètes des événements inexpliqués, sur les épisodes les plus obscurs de ces luttes auxquelles ils avaient été mêlés. Dans le volume que nous avons traduit sont souvent citées des conversations de MM. Molé, Pozzo di Borgo et autres vétérans de la politique et de la diplomatie européennes ; M. Bulwer les appelle en témoignage et invoque les confidences qu'il a lui-même recueillies de leur bouche. De cette enquête ainsi poursuivie sous diverses formes, de ces lectures et de ces entretiens est sorti le premier des Essais, le plus développé et le plus complet, celui qui à lui seul remplit tout un volume, l'Essai sur Talleyrand. Nous nous contenterons, pour le moment du moins, d'offrir aux lecteurs français cet Essai sur Talleyrand ; il est principalement consacré à l'un des plus célèbres et des plus discutés parmi les acteurs de la grande pièce commencée en 1789 et non encore achevée, à de personnage que l'on peut appeler le premier parmi les hommes de second ordre ; mais nécessairement, à côté de lui, dans l'étude d'une vie publique qui s'ouvre avant 1789 et ne se termine qu'après 1850, l'auteur rencontre presque tous les politiques qui, de Mirabeau à M. Guizot, ont marqué dans l'histoire de nos révolutions ; il a l'occasion de les définir et de les juger, de donner son avis sur les hommes et sur les choses qui passionnent encore le plus les esprits. Ainsi, par exemple, on se figure aisément quelle place tiennent dans ce tableau l'empereur Napoléon, son règne, son génie, son système, ses fautes, les désastres où il a précipité la France. On pourra sans doute ne pas partager tous les jugements de M. Bulwer, jugements dont nous lui laissons toute la responsabilité. A propos de Talleyrand, des écrivains, même distingués, ont tant et tant déclamé, ont commis tant d'hyperboles et tant prodigué les gros mots[1], que M. Bulwer a peut-être été conduit, par la crainte de verser dans cette banale ornière, à pencher, sinon à tomber de l'autre côté. Ceux-là même qui cherchent à se défendre du parti pris et de l'emphase, le trouveront parfois bien indulgent, bien partial pour Talleyrand, quoiqu'il ait trop d'esprit pour jamais tourner au panégyrique, qui n'est qu'une déclamation retournée. De toute manière, que l'on doive ou non se montrer pour Talleyrand plus sévère que ne l'est M. Bulwer, il est intéressant de voir notre histoire racontée, nos révolutions expliquées, nos hommes publics jugés par un écrivain, par un politique étranger, par un homme quia pris part à la direction des affaires dans un grand pays, l'école de la liberté européenne. Le tour absolu de notre esprit, qui veut tout faire aboutir à une théorie logique, à une espèce de dogme, notre goût pour les types tranchés, nos préjugés et nos passions de famille, de classe et d'éducation, tout cela nous conduit presque fatalement à perdre le sens de la réalité, quand nous abordons l'histoire de ces quatre-vingts dernières années. Comme des voyageurs qui font une marche de nuit, nous ne jugeons plus bien des proportions vraies, nous n'apercevons plus les détails el les contours exacts des formes confuses qui bordent le chemin ; nous nous effrayons ou nous nous éprenons des fantômes qu'a créés notre propre imagination surexcitée, ou, pour mieux dire, de l'aspect étrange, bizarre, colossal que prennent dans cette ombre vague les objets que nos yeux sont le plus accoutumés à voir et nos mains à toucher. D'aucuns en viennent, les uns par colère et par haine, les autres par enthousiasme et par fanatisme, à mettre en dehors de l'humanité les principaux acteurs de ces scènes mémorables, à ne pas voir en eux des hommes faits de la même chair et du même sang que ceux qui, en d'autres temps de crise, ont été les chefs ou les victimes, les vainqueurs ou les vaincus d'autres révolutions ; ils ne veulent plus appliquer à cette histoire les règles ordinaires de la morale, de la critique, du bon sens. Il faudrait étudier, il faudrait comprendre, comme le faisait déjà Thucydide, il y a plus de deux mille ans, dans ses immortelles pages sur les troubles de Corcyre, l'influence désastreuse des révolutions sur la moralité humaine ; il faudrait montrer corn-ment ces chocs répétés, ces subits et profonds renversements troublent et désaccordent l'âme humaine, rompent toutes ses habitudes, l'affranchissent de tous les liens qui la retiennent ordinairement dans la médiocrité, et, sans en changer la nature, la poussent aux excès, soit dans le bien, soit dans le mal. Loin de là, on s'en va prétendant qu'entre le reste des hommes et ces personnages que les uns appellent les monstres, les autres les saints de la Révolution, il n'y a plus de commune mesure, de comparaison possible. Aux gens qui n'ont pas encore compris que la Révolution française était inévitable, à ceux qui n'en admettent pas le bienfait et qui ne sentent pas par quelles longues injustices et par quelles héréditaires souffrances s'expliquent ses violences et ses cruautés, on peut s'abstenir de répondre. Ces grands panégyristes du moyen âge, on voudrait pouvoir, d'un coup de baguette, les renvoyer à l'an mille et les y faire vivre, ne fût-ce que quelques semaines, en pleine société féodale. Quant à ceux qui s'intitulent les héritiers et les continuateurs de la Révolution française, c'est surtout quand on trouve sous leur plume ces exagérations, ces falsifications de l'histoire, qu'elles paraissent irritantes et dangereuses. Vous souvenez-vous de ces phrases béates qui, il y a deux ou trois ans, ont fait le tour de la presse, sur la révolution, qui est une révélation, révélation dont le sens échappe à la foule, et n'est bien saisi que par un groupe d'initiés, hiérophantes officiels de la démocratie ? Comme tous les mysticismes, le mysticisme révolutionnaire est une maladie de l'esprit. Un des remèdes qui peuvent le mieux nous guérir, ou tout au moins nous préserver de cette maladie, c'est d'ouvrir les histoires de la Révolution française écrites par des étrangers, c'est de lire des pages comme l'éloquent et amer Essai de Macaulay sur Barère, cet essai qui fuit le dernier travail du grand historien libéral que nous envions à l'Annie terre. Ce n'est point que nous prétendions comparer M. Bulwer à Macaulay : rien n'est plus différent que ces deux esprits et que ces deux styles ; M. Bulwer n'est d'ailleurs pas, comme Macaulay, un écrivain de profession ; c'est un homme du monde qui a eu l'idée d'employer ses loisirs à recueillir, en retraçant la vie de quelques illustres contemporains, ses souvenirs et ses réflexions, le fruit de ses lectures et de son expérience personnelle ; il cause plutôt qu'il n'écrit. Il n'en est pas moins vrai qu'en parcourant, à la suite de cet esprit indépendant et légèrement sceptique, l'histoire de nos efforts et de nos mécomptes, de nos gloires et de nos malheurs depuis 1789, on est conduit plus d'une fois à s'interroger avec quelque inquiétude sur la valeur de certains jugements très-accrédités, qui ont cours partout, et qui, par l'enseignement, s'imposent aux intelligences françaises dans le temps même où elles prennent leur pli et leur forme durable. On s'arrête, tout songeur, et on se demande s'il n'est pas tel procès où l'arrêt a été rendu avant que la cause fût suffisamment instruite, si l'histoire de ces tragiques années n'a pas commis plus d'une de ces méprises qui faisaient dire tristement au vieux Scaliger : Il y en a qui ont la réputation, il y en a d'autres qui la méritent : Quidam merentur famam, quidam habent. Enfin, et c'est là surtout ce qui importe, on commence à craindre d'avoir fait souvent de l'histoire immorale, sous prétexte d'en faire de philosophique ; on s'accuse d'avoir trop parlé de fatalité et de nécessité, d'avoir ainsi atténué la responsabilité des hommes que la foule a suivis, et d'avoir par lé enlevé à l'histoire quelque chose de cette autorité morale qui l'a fait appeler par le plus sévère des écrivains de Rome la conscience du genre humain. Que l'on accepte ou non la manière de voir de M. Bulwer en plus d'un endroit où il s'écarte de l'opinion généralement reçue, il est un mérite que l'on ne refusera pas à son livre, celui d'être animé d'un esprit sincèrement libéral. En véritable Anglais, M. Bulwer déteste le despotisme. Si, en racontant le 18 brumaire et le Consulat, il paraît, lui aussi, s'être laissé séduire, avoir cédé à l'espèce d'attrait magique et de fascination qu'exerça alors sur la France le hardi et brillant génie du Premier consul, bientôt après, dès la rupture de la paix d'Amiens et le meurtre du duc d'Enghien, il reprend toute la liberté de son jugement ; il relève, sans faiblesse, les fautes et les crimes auxquels Napoléon est entraîné par l'ambition et l'orgueil. A mesure qu'il avance dans cette histoire, il montre l'infatuation de la toute-puissance égarant de plus en plus cet esprit autrefois si lucide, et le rendant impatient de tout conseil et de toute résistance, jusqu'au moment où, par deux fois, le colosse, entraînant avec lui la France, se renverse et s'abat dans l'abîme qu'il a lui-même creusé. Avec la seconde Restauration, se termine la période la plus importante de la carrière de Talleyrand. Cependant, pour le conduire jusqu'au dernier acte de sa vie publique, jusqu'à son ambassade en Angleterre après 1850, M. Bulwer passe rapidement en revue les règnes de Louis XVIII et de Charles X, et il assiste à l'établissement de la monarchie de Juillet. Partout, dans ce bref résumé des événements, il laisse voir combien il s'intéresse aux efforts que la France a faits de 1814 à 1830, pour se donner enfin un gouvernement libre. Saris doute l'Angleterre a le bonheur que cette grande cause de la liberté politique n'ait plus chez elle de détracteurs et d'ennemis ; on petit remarquer pourtant que, dès ses débuts dans la carrière publique, M. Bulwer, au parlement s'annonça comme un des esprits les plus ouverts de sa génération, comme un politique que n'effrayait aucune innovation mesurée, aucun progrès. Envoyé, tout jeune encore, à la chambre des communes par la ville de Vilton, il vota pour la réforme parlementaire en 1852, quoique le premier résultat du bill, en supprimant un des sièges dont disposait cette petite localité, dût cotre de lui faire perdre son titre de député. Bientôt après la ville de Coventry le renvoyait à la chambre ; puis, après une dissolution, il devenait le représentant du district urbain de Marylebone. Ce fut en cette qualité qu'il se signala parmi les premiers partisans de la réforme commerciale, et qu'il vota pour l'abrogation des lois sur les céréales et de la taxe sur le papier. Après la mort de Guillaume IV, en 1837, il entra dans la diplomatie ; envoyé comme secrétaire à Constantinople auprès de sir Stratford de Redcliffe, auquel il devait succéder comme ambassadeur vingt ans plus tard, il se' distingua d'abord en négociant avec la Porte un traité de commerce qui a rendu les plus grands services à l'industrie anglaise et ruiné pour longtemps tout ce qui pouvait encore subsister sur différents points de l'empire ottoman d'industrie indigène et locale. De Constantinople, sir Henry passa à Paris, où il avait le titre et les fonctions de ministre plénipotentiaire pendant les événements de 1840, au moment où la guerre fut près d'éclater entre la France et l'Angleterre à propos des événements d'Égypte ; lord Palmerston déclara en plein parlement que les efforts judicieux de M. Bulwer avaient beaucoup contribué à épargner ce malheur aux deux nations. Quand les whigs quittèrent le pouvoir, M. Bulwer offrit sa démission ; mais lord Palmerston et lord Aberdeen l'engagèrent de concert à demeurer à son poste. En 1843, il fut nommé ministre en Espagne, et bientôt après récompensé, par le titre de membre du conseil privé, du succès qu'il avait obtenu en prévenant, par sa médiation, un conflit qui menaçait d'éclater entre l'Espagne et le Maroc, et qui aurait tait éprouver de grandes pertes au commerce anglais. Ce fut M. Bulwer qui, à Madrid, soutint contre M. Bresson cette lutte diplomatique, si longue et si passionnée, qui se termina par les fameux mariages espagnols ; M. Guizot en a raconté, dans ses Mémoires, toutes les péripéties, tous les détails, et ceux qui seraient curieux de contrôler les assertions de l'illustre historien et homme d'État français n'ont qu'à chercher un article inséré dans la Quarterly Review, bientôt après la publication de cette partie des Mémoires de mon temps (janvier 1868) ; il a été rédigé, on ne saurait en douter, sous l'inspiration de M. Bulwer et avec des notes fournies par lui. En 1848, le gouvernement, espagnol, cédant à une de ces terreurs paniques, à un de ces brusques caprices dont il a si souvent, depuis quelques années, donné le triste spectacle à l'Europe, congédia, sous différents prétextes qui ne soutenaient pas l'examen, le représentant de la reine d'Angleterre ; cette étrange mesure coïncidait avec l'emprisonnement ou l'exil de tous les chefs libéraux. Sans doute, depuis lors, le gouvernement espagnol a fait tout aussi bien ou même mieux en ce genre ; mais en 4848 on pouvait avoir encore quelques illusions sur son compte, et quoique l'Europe ne manqua pas alors de spectacles curieux, quoiqu'elle eût, pu apprendre en quelques mois à ne pas s'étonner facilement, ce brutal renvoi du ministre anglais ne laissa pas de faire grand bruit. A Londres, dans le parlement, non-seulement les membres du cabinet, mais les hommes les plus considérables des différents partis, lord Palmerston, lord Russel, lord Landsdowne, lord Aberdeen, sir Robert Peel, M. Disraeli et M. Shiel, tinrent le même langage ; ils s'accordèrent tus à louer la conduite de sir Henry Bulwer, et à proclamer qu'il n'avait rien fait qui prit justifier ou même expliquer un pareil traitement. Lorsque l'Angleterre reprit avec l'Espagne les relations diplomatiques qui avaient été suspendues à la suite de cette incartade, lord Palmerston déclara publiquement qu'il aurait renvoyé M. Bulwer à Madrid, si celui-ci n'avait pas été alors occupé à servir ailleurs l'Angleterre. En effet, dans l'intervalle, il avait été nommé ministre à Washington, où il réussit à terminer des contestations qui étaient depuis longtemps pendantes et qui commençaient à échauffer les esprits en Amérique ; peu de diplomates anglais ont été aussi appréciés et aussi populaires aux États-Unis. Une fois de retour en Europe, M. Bulwer, après avoir heureusement rempli quelques missions extraordinaires en Toscane, à Rome et dans les principautés Danubiennes, devint, en 1858, ambassadeur à Constantinople, poste qu'il conserva jusqu'en 1865. Lorsque sa santé, altérée par les fatigues d'une carrière si active, le força à renoncer aux fonctions diplomatiques, il put enfin s'employer, tout, entier à rédiger ces essais depuis longtemps projetés et ébauchés. Aujourd'hui, tout en mettant la dernière main à ce travail, M. Bulwer pose sa candidature, pour les prochaines élections, au siée de Tamworth. Partisan, au début de sa carrière, de ce bill de réforme qui porta le premier coup, en Angleterre, à la prépondérance aristocratique, il n'a point, comme c'est assez communément l'usage chez nous, renié en vieillissant les opinions, les sympathies, les espérances de sa jeunesse ; c'est comme libéral qu'il se présente, c'est sous le drapeau de M. Gladstone qu'il se range. Sans doute le descendant d'une des plus vieilles familles de la Grande-Bretagne[2], l'homme qui est né à la vie politique dans cette Angleterre encore tout aristocratique qui datait de 1688, sent bien que c'est presque une révolution que la récente réforme parlementaire, dernière halte sur le chemin qui mène au suffrage universel ; il comprend que le centre de gravité du pays est déplacé ; que, pour retenir le pouvoir entre ses mains, la classe riche et cultivée aura de grands efforts à s'imposer et une attitude nouvelle à prendre ; que peut-être, quoi qu'elle fasse, elle aura, par moments, à subir la domination de la multitude, de ses préjugés ; de ses passions. En présence de ce siècle nouveau qui s'ouvre pour sa patrie, il ne désespère pourtant pas de l'avenir ; sachant que cette Angleterre qui a fait de si grandes choses devait, mi jour ou l'autre, se transformer profondément, il estime que l'on a eu raison d'opérer le changement avant que le désir de réforme, trop longtemps contrarié, pût se tourner en fureur révolutionnaire. Comme il a l'esprit curieux, il lui plaît de prendre part à l'expérience qui va se tenter et d'être membre du premier parlement élu sous l'empire de la nouvelle loi électorale. Nous espérons que les électeurs du Warwickshire aideront ce vieux serviteur de l'Angleterre à la faire profiter encore pendant plusieurs années de l'expérience qu'il a acquise dans sa longue carrière de député et de diplomate, et qu'il a fécondée encore par ses recherches et ses réflexions d'historien politique. Sir Henry Lytton Bulwer est le frère aîné de lord Edward Lytton Bulwer, le romancier dont les principaux ouvrages ont été traduits chez nous, l'auteur de Pelham, d'Eugène Aram, des Derniers jours de Pompéi, de la Famille Caxton. La dédicace qui figure en tête des Portraits historiques témoigne de la tendre amitié qui unit les deux frères. Nous souhaitons que cet essai de traduction assure chez nous à l'aîné quelque chose de cette popularité que le cadet a depuis longtemps conquise, hors même de l'Angleterre, par la riche couleur de son style, la variété et la puissance de son imagination. GEORGES PERROT. |
[1] La plus brillante peut-être de ces invectives, qui suffira à donner une idée des autres, se trouve dans les Lettres d'un voyageur, de George Sand ; c'est le chapitre intitulé le Prince. Ce sont des pages écrites avec le talent ordinaire de l'auteur ; mais le sens historique y fait défaut ; il n'y a pas de nuances, c'est-à-dire pas de vérité, pas même de vraisemblance, aucune vie ; c'est le portrait d'un monstre abstrait et idéal, peint avec des couleurs toutes poussées au noir. Ainsi, pour ne toucher qu'à un point, madame Sand parait n'avoir pas le moindre soupçon du râle honorable et utile que joua l'évêque d'Autun à l'Assemblée constituante, et des services qu'il y rendit, dès le premier jour, à la cause de la révolution.
[2] La famille des Bulwer fait remonter sa généalogie jusqu'à la conquête, et celle des Lytton, à laquelle appartenait la mère de l'écrivain, se rattacherait aux Tudors.