LA CITÉ GAULOISE SELON L'HISTOIRE ET LES TRADITIONS

 

CHAPITRE VI. — L'oppidum militaire. - Aspect et position des retranchements gaulois. - Leur destination. - Ce sont des campements et non des villes. - Leur abandon ou leur transformation sous les empereurs.

 

 

Si vastes que fussent les forêts de la Gaule, elles ne pouvaient offrir aux peuplades disséminées dans leurs solitudes qu’une sécurité  imparfaite. Les pâtres, les colons, les malheureux habitants de ces vicus et de ces ædificium isolés, qu’un état de guerre permanent exposait sans cesse aux incursions et au pillage, s’y ménageaient des retraites plus ou moins sûres contre des bandes de maraudeurs, mais insuffisantes contre la poursuite d’un ennemi victorieux. Les forêts fournissaient sans doute, dans les pays de plaines et de marécages, des lieux de refuge  et des points de résistance aux clans envahis ; mais dans les pays de montagnes, où semblent s’être concentrés les éléments les plus énergiques de la nationalité celtique, la nature offrait à ces populations belliqueuses des ressources que leur stratégie intelligente, quoique  grossière, n’avait garde de négliger.

La géologie semble, au premier aspect, avoir fait à elle seule tous les frais de construction de l’oppidum gaulois, tellement qu’aujourd’hui, après tant de siècles écoulés sur les derniers vestiges humains, la plupart de ces forteresses profilent encore comme des énigmes, sur nos horizons,  leurs bastions écrêtés. Certains traits caractéristiques les distinguent cependant des formations purement naturelles, mais il faut les étudier de  très près pour retrouver avec certitude les traces ineffacées du travail de l’homme. On le reconnaît, non sans hésiter quelquefois, aux arêtes plus vives des rochers, aux  escarpements artificiels, aux pentes rendues plus abruptes sur les flancs des montagnes ; et souvent la réflexion s’étonne de la puissance de ce travail qui semble se confondre, au premier coup d’œil, avec celui de la nature.

Dans tous les pays primitifs, le système de défense a été le même : il a consisté à occuper les lieux élevés. Les premières villes de la Grèce et de l’Italie, des Pélasges et des Étrusques, étaient situées au sommet des montagnes et des rochers. Des quartiers de pierres brutes en formaient les murailles ; ces enceintes suivaient la configuration du terrain ; elles étaient généralement dépourvues de tours. Argos, Thèbes, Sparte, Athènes, Mycènes, ont été bâties dans ces conditions. À l’origine de Rome, chaque gens occupe un oppidum séparé sur l’une des sept collines ; et la tentative d’escalade des Gaulois au mont du Capitole nous reporte à cet antique système des défenses naturelles. Les maisons des habitants, dans l’oppidum des premiers âges historiques, étaient disposées sans ordre dans l’intérieur de l’enceinte fortifiée. Une place était réservée pour les assemblées publiques, et des sièges de pierre y étaient disposés pour les chefs du pays qui venaient s’y asseoir dans les circonstances nécessaires[1]. Voilà l’oppidum dans toute sa simplicité. Chez les gaulois, le génie des arts en général, et particulièrement celui de l’architecture, fut loin de devancer la Grèce et l’Italie. Nous avons vu, d’après le témoignage de Polybe, que, deux siècles avant Jésus-Christ, les Gaulois dans la Cisalpine n’avaient encore ni villes fermées ni murailles[2]. Ce génie ne se révéla chez eux, comme dans toutes les races de l’Occident, qu’après de longs siècles et au contact de la civilisation romaine. La religion des Gaulois, pas plus que leur état politique, ne leur imposait des constructions publiques ; les druides n’avaient pas de temples. Les seuls monuments qui nous soient restés de cette civilisation sont des pierres brutes que l’homme n’a touchées que pour les fixer sur le sol : des cairn, tumulus de pierres ; des menhir, pierres levées ; des dolmen, tables de pierres ; des cromlech, allées couvertes ; des cercles de pierres, etc. On ne connaît pas une seule construction gauloise en pierre taillée. Les indications que nous donnent César, Strabon et Vitruve, sur l’art de bâtir en Gaule, au moment da la conquête, font présumer que sept ou huit siècles auparavant cet art ne différait en rien de celui des peuples saurages.

L’oppidum gaulois ne devait donc pas présenter un aspect moins rude que ces antiques citadelles dont parle Virgile, præruptis oppida saxis. Dans César, il est toujours un lieu retranché, quelles que soient la position et la nature des moyens de défense[3]. Il consistait, près des cours d’eau, en îles situées au milieu des fleuves[4], détachées des terres par un fossé ou entourées de marais ; chez les Bretons, il était formé par des abatis d’arbres et des fossés[5], parfois par des amoncellements de terre, comme ceux qui entouraient les hall des chefs[6] ; chez les Nerviens et les Morins, par des remparts de branchages entrelacés[7] ; chez les Allobroges, les Séquanais, les Arvernes, les Éduens, les Cadurques, etc., il occupait des sommets escarpés et munis de différents ouvrages[8]. Sa première condition était donc de pouvoir résister à l’ennemi. César disait d’Avaricum que la nature du lieu en facilitait la défense ; que des marais l’entourant de tous côtés, on ne pouvait l’aborder que par un  passage étroit[9]. Mais dans les pays de montagnes, l’oppidum était constamment placé sur les points culminants, dans les positions les plus fortes ; et à la suite du terme qui le désigne, César ajoute presque invariablement : natura et opere munitum, — fortifié par l’art et par la nature. Vesontio (Besançon), dit-il, le plus grand oppidum des Séquanes, était défendu par la nature du lieu... Le Doubs l’entoure presque d’une ceinture ; l’espace délaissé par la rivière n’a pas plus de cent vingt pas, et il est occupé par une montagne de grande hauteur, dont le pied baigne des deux côtés dans l’eau, Le mur dont elle est entourée en fait une citadelle et la réunit à l’oppidum[10]. Les textes relatifs aux dispositions générales de ces forteresses se reproduisent à chaque pas dans les Commentaires, et leur multiplicité ne laisse que l’embarras du choix.

Lorsque Crassus, après avoir battu les Sotiates en Aquitaine, met le siège devant leur oppidum et le reçoit à discrétion, les peuples voisins sont étonnés qu’il ait en si peu de jours forcé à se rendre un lieu fortifié par l’art et par la nature : — Crassus ex itinere oppidum Sotiatum oppugnare cæpit... natura loci et manu munitum[11]. Gergovie, dit César, était placée sur une très haute montagne ; elle avait de tous côtés des accès difficiles ; il désespéra de l’enlever d’assaut, — Gergovia quæ posita in altissimo monte omnes aditus difficiles habebat, de expugnatione desperavit[12].

L’oppidum d’Alise était situé dans un lieu tout à fait élevé, au sommet d’un pic, de telle sorte qu’il semblait impossible de s’en emparer sans un siège en règle. — Erat quippe oppidum in colle summo, admodum editu loco, ut, nisi obsidione, expugnari videratur[13].

La position d’Uxellodunum sur la frontière des Cadurques n’était pas moins redoutable. Cet oppidum est merveilleusement fortifié par la nature du lieu,... entouré de toutes parts des rochers les plus abrupts, et que des hommes armés auraient peine à atteindre, lors même qu’il ne serait pas défendu. — Uxellodunum oppidum natura loci egregie munitum... omnes oppidi partes præruptissimis saxis esse munitas, quo, defendente nullo, tamen armatis adscendere esses difficile[14]. Il craint que si cette place n’est pas promptement réduite, les autres nations de la Gaule ne s’imaginent qu’il suffit d’une bonne citadelle pour résister aux Romains.

Chaque cité avait plusieurs oppidum, comme on l’a vu chez les Helvètes ; les divisions secondaires du sol en possédaient aussi. Une place forte centrale servait, par excellence, de point d’appui aux autres lieux retranchés ; c’était l’oppidum maximum. Ainsi les bandes d’Atuatiques, qui  venaient au secours des Nerviens, apprenant en route leur défaite, abandonnent tous leurs autres oppidum et leurs forts pour se retirer corps et biens dans un seul oppidum merveilleusement défendu par la nature et entouré partout de hauts rochers. Il n’avait qu’une avenue de deux cents pieds de large qu’ils fortifièrent d’un double mur soutenu de gros quartiers de pierres et de poutres pointues fichées dans le mur[15]. L’oppidum avait partout la caractère d’une forteresse naturelle à laquelle une science peu développée avait ajouté ses ressources. Lorsque les rochers étaient à pic, on n’avait pas même un parapet ; quelquefois on formait une clôture en pierres sèches, comme à Alise, aux Barres, à Château-Beau[16]. Le mur de Gergovie, où échoua l’attaque de César, avait six pieds de haut, L. Fabius, centurion de la huitième légion, soulevé par ses soldats, la franchit et le fit escalader après lui. Des femmes arvernes, saisies de terreur, descendirent de ce rempart en s’aidant de leurs mains pour sortir de l’enceinte et se rendre aux Romains. On ne peut voir dans ce mode de construction rien qui rappelle l’acropole des grecs ou la forteresse des Romains. Tandis que l’art de la fortification s’était développé chez ces peuples, il était resté dans la Gaule à l’état d’enfance. On peut en juger par la description que fait César des murailles.

Presque tous les Gaulois, dit-il, construisent leurs murailles de la manière suivante : ils se servent de pièces de bois droites dans toute leur longueur, les couchant à terre parallèlement, les placent à une distance de deux pieds l’une de l’autre, les fixent transversalement par des troncs d’arbres, et remplissent de terre l’intervalle qui ces sépare. Ils posent ensuite de front un rang de grosses pierres ou fragments de rochers, et lorsque ceux-ci sont fortement joints, ils établissent un nouveau rang de pièces de bois disposées comme les premières et conservant entre elles un semblable intervalle, de telle manière que les rangs de pièces de bois ne se touchent point, et ne portent absolument que sur les assises de rochers interposée. L’outrage est ainsi continué jusqu’à hauteur convenable. Cette construction, la variété de ses matériaux, ces rangs alternatifs de pièces de bois et de rochers, forment un parement régulier et n’ont rien de désagréable à la vue. Ces murailles sont d’une grande commodité pour le service et la défense des places, car les pierres qui les composent résistent aux incendies, et les pièces de bois aux coups du bélier. D’ailleurs les poutres étant liées entre elles dans l’épaisseur de la muraille, et ayant environ quarante pieds de longueur, il est aussi difficile de les détacher que de les rompre[17].

On doit remarquer, dit un commentateur, que les pièces de bois couchées parallèlement à terre, n’étant séparées entre elles que par un intervalle de deux pieds romains et pouvant avoir chacune deux pieds d’équarrissage, ces murs ne devaient porter qu’environ six pieds de large ; les quarante pieds dont parle César ne mesurent que la longueur des poutres de face. Un échantillon de ces constructions a été retrouvé parmi les habitations lacustres du lac de Zurich, l’épaisseur était à quatre pieds.

Sur ces murailles les Gaulois élevaient des tours de bois, et à Avaricum ils les avaient couvertes de peaux fraîches, afin qu’elles pussent résister au feu ; il faut remarquer toutefois que ces ouvrages furent improvisés, et que la suite du récit semble indiquer des tours mobiles.

On voit d’après la description de César que les Gaulois ne creusaient pas de fondations, qu’ils ne taillaient pas la pierre, n’employaient ni ciment ni mortier, que les pièces de bois servaient seules de lien et constituaient entre les assises de rochers la solidité de la muraille. Cette absence de fondation est un des signes auxquels on reconnaît les murailles gauloises. Après la destruction des poutres, il n’est resté d’autre vestige que l’aplanissement du sommet et l’escarpement des pentes sur l’arête desquelles étaient assis les murs de l’oppidum. Les retranchements da Bibracte et ceux des montagnes voisines nous en offriront plusieurs exemples. A l’intérieur de la forteresse, ou sous sa protection, étaient distribués les campements des pagus, selon l’habitude des Gaulois qui était de cantonner les clans  dans des quartiers distincts.

Pendant les sièges de Gergovie et d’Alise, une partie de l’armée gauloise est postée en dehors de l’oppidum, par nation, suivant la coutume, et se retranche simplement derrière un mur en pierres sèches, haut de six pieds. Tandis que les Romains s’entouraient de circonvallations, les Gaulois laissaient, la plupart du temps, leurs camps et leurs oppidum sans fossés. Ce ne fut qu’après la prise d’Avaricum et sur l’ordre de Vercingétorix, que, consternés de leurs revers, ils se décidèrent à en creuser autour du camp[18].

Dans la cinquième campagne de César, les Nerviens enfermèrent le camp romain dans un rempart de dix pieds de haut, bordé d’un fossé profond de quinze. C’étaient des soldats romains prisonniers qui, dans les années précédentes, leur avaient, au dire de César, enseigné ce  travail. Dépourvus des outils nécessaires, ils creusèrent la terre avec leurs mains ou leurs épées, et se serraient de leurs sayons pour la transporter[19].

La guerre une fois déclarée, les populations éparses dans les campagnes se réfugiaient en masse dans les oppidum. On en trouve de nombreux exemples dans les Commentaires. Critognat, à Alise, rappelle que, pendant la guerre des Cimbres et des Teutons, las ancêtres des Gaulois, entassés dans les oppidum, in oppida compulsi, et réduits à la famine, ont mangé ceux qui ne pouvaient combattre[20]. Au début de la guerre des Gaules, les Éduens se plaignent que les Helvètes dévastent tout dans leur pays, font des esclaves, forcent leurs oppidum[21] ; les Ambarres, leurs amis et alliés, annoncent que leurs champs sont ravagés, qu’ils ont peine à tenir dans leurs oppidum, et César, après la levée du siège de Gergovie, rappelant ces souvenirs à Éporédorix et à Virdumar, leur disait qu’à son arrivée en Gaule, les Éduens étaient chassés de leurs champs et refoulés dans leurs oppidum[22].

Au moment du soulèvement des Sénons, Accon, chef du complot, ordonne à la multitude de s’y retirer[23].

Les Suèves envoient des messagers, incertains de savoir s’ils doivent abandonner ces lieux retranchés ou cacher leurs femmes, leurs enfants et leurs biens, dans les bois[24]. Avaricum était un vaste oppidum où les Gaulois, pendant le siége, jetèrent dix mille hommes[25], quoiqu’il en renfermât déjà trente mille. Une armée tout entière put se réfugier à Gergovie et à Alise[26].

Lorsque César, à sa huitième campagne, arrive chez les Bellovaques, ses cavaliers lui rapportent que les ædificium sont à peu près abandonnés, et que les quelques hommes qu’ils ont rencontrés ne sont pas restés pour cultiver les terres, — tout le monde s’était enfui précipitamment. — mais pour espionner leur marche. Ne sachant où une pareille multitude avait pu se retirer, il apprend que tous les Bellovaques en état de porter les  armes se sont réunis en un seul lieu avec les Amibiens, les Aulerques, les Éduens, les Véliocasses et les Atrébates ; qu’ils sont campés sur une haute montagne, environnée d’un marais[27].

Enfin, dans sa campagne d’hiver contre les Bituriges méditée à Bibracte, sa cavalerie surprend les habitants des campagnes avant qu’ils aient pu gagner les oppidum[28].

L’oppidum était approvisionné, en temps de guerre, de tout ce qui était nécessaire pour soutenir un siège et nourrir la garnison employée à sa défense. Quant aux populations qui venaient s’y réfugier, elles pourvoyaient elles-mêmes à leur subsistance, chacun s’empressant d’y transporter ses vivres, ses grains, ses troupeaux, son mobilier, tout ce qu’il possédait, tout ce qu’il pouvait du moins soustraire au pillage de l’ennemi. Les Venètes, aussitôt après leur soulèvement, préparent leurs oppidum et y emmagasinent tous les grains des campagnes, frumenta ex agris in oppida comportant[29]. En Bretagne, nombre d’hommes et de troupeaux s’étaient réfugiés dans le grand oppidum de Cassivollaun, entouré de bois et de marais[30]. L’oppidum de Besançon était très abondamment pourvu de tout ce qui est nécessaire à une armée, namque omnium rerum quæ ad bellum usui erant summa erat in eo oppido facultas[31]. César ordonne aux Ubiens de conduire dans les oppidum leurs troupeaux et toutes les provisions des champs[32]. La nation des Atuatiques s’enferma, hommes, femmes, enfants, bestiaux, dans un seul oppidum. Après la prise d’Avaricum, le vainqueur trouva dans cette place une immense quantité de grains et de vivres de toute sorte, summamque ibi copiam frumenti er reliqui commeatus nactus[33]. Enfin, l’une des considérations qui déterminent L. Caninius à faire le blocus d’Uxellodunum, c’est la quantité de bagages et d’approvisionnements, magna impedimenta, dont les assiégés, oppidani, ont encombré la ville, et la certitude que cette riche proie ne pourra lui échapper[34].

 

Ces citations déterminent suffisamment, nous l’espérons, la nature et la destination de l’oppidum, en l’absence de tout commentaire. Mais lorsqu’il est question de la Gaule, on peut s’attendre à rencontrer à chaque pas des notions inexactes. Il n’est pas, nous l’avons dit, de supposition plus contraire à la vérité que celle qui est si généralement accréditée par la plupart des historiens, de l’existence de grandes et nombreuses villes dans les Gaules. Sous l’impression de cette idée préconçue, qui consistait à unir des villes dans les cités gauloises, il est naturel qu’on retrouve aussi des villes dans les oppidum. Cette double confusion est en quelque sorte inévitable, lorsqu’on veut à tout prix caresser ce préjugé archéologique et national. Nous croyons avoir dissipé l’erreur en ce qui concerne les cités, il nous reste à établir que les oppidum n’étaient pas et ne pouvaient être des villes.

Nous ne reviendrons pas sur les considérations générales invoquées contre la thèse de l’existence des villes au commencement de notre étude sur la cité gauloise. Une ville est une agglomération permanente d’habitants adonnés au commerce, à l’industrie, exerçant des professions diverses, cherchant dans les conditions de ce voisinage les encouragements et la protection d’une mutuelle sécurité, vivant sous une administration composée de citoyens chargés de représenter les intérêts communs[35]. Or, rien de pareil n’existait dans la Gaule. Les fureurs, l’état social du pays, l’organisation presque féodale des clans, la prédominance exclusive de l’élément rural et militaire sous l’autorité de chefs absolus, qu’ils fussent héréditaires ou électifs, étaient radicalement incompatibles avec le développement de ces associations qui ont été le berceau des villes. On ne trouve historiquement dans la Gaule aucune trace du régime municipal qui avait constitué les villes antiques de la Grèce et de l’Italie, el qui a formé nos villes modernes. La cité n’était qu’une dénomination latine qui désignait une fédération de clans. L’oppidum n’était qu’une forteresse où, comme nous venons de le voir, les populations disséminées dans les campagnes s’enfermaient aux approches de l’ennemi.

Si l’expression de civitas, employée fréquemment par les écrivains latins, prêtait à l’amphibologie et permettait, à la rigueur, de prendre les cités gauloises, — c’est-à-dire des peuplades, — pour des villes, le terme d’oppidum, si précis dans sa signification, rendrait inexcusable toute méprise de ce genre. Les Romains avaient, pour caractériser la ville et la place forte, deux expressions parfaitement tranchées, et qui se faisaient en quelque sorte opposition l’une à l’autre. Ce contraste est admirablement accusé dans ces deux vers de Virgile :

Adde tot egregias urbos, operumque laborem,

Tot congesta manu præruptis oppida saxis[36].

Les écrivains du siècle qui précède l’ère chrétienne n’appliquent jamais le mot urbs aux lieux habités dans la Gaule. César et Cicéron, les deux auteurs les plus compétents, se servent toujours du mot oppidum.

La forteresse gauloise était d’ailleurs sans analogie avec les établissements militaires des Romains ; elle n’était si le castum, ni l’urbs, et c’est pourquoi les Romains ne l’ont jamais appelée qu’oppidum. Elle avait, il faut le dire, une destination mixte et transitoire qui la rapprochait tantôt du castrum, tantôt de l’urbs, selon les circonstances. Ce caractère complexe a pu embarrasser les commentateurs latins qui ont essayé de la définir, mais il ne nous permet, à nous, de la confondre ni avec l’un ni avec l’autre.

L’oppidum gaulois n’était pas, comme le castrum romain, un établissement formé en vue d’un but précis, d’une circonstance déterminée, soumis à un système régulier de fortifications et de défenses, occupé par une garnison permanente. La permanence et la régularité sont des  qualifications qui ne peuvent s’appliquer à rien de gaulois. En fait d’organisation militaire, tout était chez eux confusion et désordre ; ils n’avaient pas d’armée proprement dite. Les contingents levés parmi les hommes des clans s’assemblaient tumultueusement sous les enseignes de leurs chefs ; dans les marches, dans les combats, ce n’était qu’une multitude sans discipline[37]. Aussitôt l’expédition terminée, la troupe se dispersait, chacun regagnait sa case ou son vicus, et nul ne s’inquiétait de la défense de l’oppidum.

Il ne différait pas moins de l’urbs des Latins, ne fût-ce que par l’irrégularité de sa population. Il était à l’urbs ce qu’une hôtellerie est à une maison habitée, ce qu’un campement est à une ville. Tantôt il suffisait à peine à contenir l’affluence des soldats et des fugitifs qui se pressaient dans ses retranchements, tantôt il présentait l’image de l’abandon et de la solitude. L’oppidum, occupé la veille par cinquante ou cent mille hommes, se trouvait réduit le lendemain à la proportion d’un gros village.

On ne comptait, nous l’avons dit, que deux ou trois oppidum par pagus. Si l’oppidum eût été une ville occupée par de nombreux habitants enfermés dans ses remparts, il eût manqué à sa destination essentielle, qui était de s’ouvrir, à un moment donné, à des populations entières refoulées par l’ennemi. Non seulement il fallait recevoir les fugitifs, mais leurs bœufs, leurs porcs, leurs moutons, la nourriture des hommes et celle des troupeaux : qu’ils chassaient devant eux[38], tous ces bagages, tous ces encombrements que les colons traînaient à leur suite, et qui étaient leur unique richesse. Pour répondre à ces conditions imposées par la nature des choses, il était nécessaire que, si l’oppidum avait en temps de paix une population fixe, cette population fût au moins très restreinte, eu égard à l’enceinte libre et à l’espace exigé pour abriter, en temps de guerre, tout ce qui venait s’y entasser.

Les Commentaires fournissent sur les oppidum assiégés par César des détails on na peut plus concluants dans le sens de ces observations.

Dans l’oppidum des Atuatiques, après avoir tué quatre mille hommes, le vainqueur fait vendre cinquante mille prisonnier, trouvés dans l’enceinte. Après le massacre d’Avaricum, César évalue à quarante mille âmes le nombre des assiégés. Les auteurs qui prennent parti pour les villes gauloises ont vu dans cette évaluation le chiffre normal de la population de Bourges. Avec un peu de réflexion, ils eussent évité cette erreur. César conduisait le siège en personne. On avait certainement rassemblé dans les murs de la place une garnison nombreuse ; dés le début du siège, l’armée gauloise y avait jeté dix mille hommes[39]. De plus, le pays, à une assez grande distance, venait d’être entièrement brûlé par ordre de Vercingétorix. Tous les habitants des pagus et des biens incendiés, tous ces colons sans ressources et sans abri, fuyant l’armée romaine, cherchant un asile, s’étaient jetés dans Avaricum, et il faut bien les ajouter au chiffre, quel qu’il fût, de sa population ordinaire. Il faut tenir compte aussi de la question de superficie ; les quarante mille assiégés qui vinrent se faire égorger dans ce malheureux oppidum n’y étaient pas arrivés seuls. Ils avaient, comme toujours, introduit avec eux leurs grains et leurs bestiaux, tout ce qu’ils avaient pu soustraire au désastre de l’incendie. De là cet immense amas de provisions de toutes sortes trouvé par César. Or, l’assiette d’Avaricum était beaucoup moins étendue que l’emplacement actuel de Bourges ; les marais qui entouraient la vieille forteresse ont été en grande partie comblés, et enfin le castrum qui a succédé à l’oppidum gaulois, et dont on reconnaît encore les traces, n’occupe qu’une surface assez restreinte, évidemment insuffisante pour une population fixe de quarante mille âmes. Ajoutons que l’expression d’oppidani employée par César ne peut désigner que la multitude qui s’était jetée dans la place, soit pour y chercher un abri, soit pour concourir à sa défense[40].

La différence entre l’oppidum et la ville proprement dite était si nettement caractérisée dans la langue populaire, que les lexicographes latins cherchaient à justifier la spécialité du sens par des raisons étymologiques. Ainsi Varron, contemporain de César, trouve l’origine du mot oppidum dans les considérations suivantes :

L’oppidum vient de ops, secours, parce qu’il est fortifié pour prêter secours, et parce qu’il en faut (opus est) pour protéger l’existence, — où l’on puisse habiter en sûreté. On peut encore faire dériver ce mot des travaux d’art (opere) dont on l’entoure afin de le mieux fortifier[41].

Pomponius Festus, grammairien célèbre, qui écrivait sous Auguste, le lendemain de la conquête de César, a un moment où la plupart des oppidum gaulois existaient encore, reproduit presque dans les mêmes termes le texte de Varron :

L’oppidum est ainsi nommé parce qu’il porte secours, — quod opem præbet.

Et ailleurs :

Parce que les gens y transportent leurs biens, — opes suas conferunt[42].

C’est l’idée la plus exacte, celle d’un établissement temporaire, d’un lieu de refuge ; mais elle n’indique aucune constitution particulière qui donne à la petite agglomération en permanence dans l’intérieur de l’oppidum un caractère distinct de celui d’un simple vicus.

Les fonctions diverses de l’oppidum ne nous paraissent avoir été bien rendues que par Servius, commentateur de Virgile, qui vivait au quatrième siècle.

Ce n’est pas que cet auteur ait en lui-même une notion bien précise de l’oppidum, mais il l’a donnée en résumant comme au hasard les opinions émises avant lui. L’oppidum, par sa nature, n’ayant rien de déterminé rigoureusement, si ce n’est sa destination défensive, chacune des attributions énumérées par Servius est vraie, en lui donnant un sens local et restreint.

Les uns, dit-il, distinguent l’oppidum du vicus et du castellum uniquement par sa grandeur ;

Les autres le définissent : un lieu renfermé par un mur, un fossé ou tout autre retranchement,

Ici, c’est un espace couvert d’ædificium, où l’on rencontre un lieu sacré, un lieu d’assemblée, une place et une enceinte fortifiée ;

Là, au contraire, on dit oppidum, de l’opposition des murailles, ou bien parce que le lieu est rempli d’hommes, oppletus, ou bien parce qu’ils y ont entassé leurs richesses derrière l’abri du retranchement[43].

Quand Vitruve veut indiquer les dispositions générales à observer pour l’établissement d’une place forte, c’est encore le mot oppidum qu’il emploie. Nous citons le passage qui n’est pas sans intérêt pour notre sujet :

Le tracé de l’oppidum, dit-il, ne doit être ni carré ni formé d’angles saillants : il doit être circulaire, afin que l’ennemi soit en vue du plus de points possible. Il est essentiel aussi que les accès des portes ne soient pas directs mais obliques[44].

On voit par ce qui précède que ces écrivains étaient loin de confondre l’urbs avec l’oppidum. Ce n’est que dans les auteurs grecs, étrangers à la Gaule et postérieurs généralement à la conquête, que la confusion entre ces deux termes a commencé à s’introduire ; mais d’abord on doit remarquer qu’à ce moment de l’histoire, la Gaule était, ou en voie de transformation, ou déjà transformée. La simplicité primitive des habitations des oppidum gaulois avait disparu ; des constructions en maçonnerie, groupées avec un art plus ou moins régulier, y attestaient l’influence des ouvriers romains, et les faisaient ressembler à des villes. L’assimilation des termes avait donc alors une raison légitime. Ainsi Strabon est le premier géographe qui mentionne dans la Gaule quelques villes naissantes, Vienne, Chalon, par exemple. Les circonstances dans lesquelles il emploie cette expression méritent d’être remarquées. Il écrivait douze à quinze ans après les réformes d’Auguste, au moment même où la Gaule se couvrait de constructions. Aussi nomme-t-il villes la plupart des oppidum de César, à l’exception toutefois de Bibracte, à qui il conserve son nom de forteresse ; il applique même la dénomination de ville à deux des principaux oppidum de la Gaule, à Gergovie et à Alise.

C’est que de César à Strabon de grands changements s’étaient accomplis. S’il est vrai que César ait anéanti Alise, comme le prétend Florus, elle n’était au temps de Strabon que la reconstruction gallo-romaine de l’oppidum des Mandubes, mais dans un tout autre but et dans des conditions bien différentes de celles des forteresses gauloises. La même transformation avait eu lieu partout plus ou moins promptement ; Gergovie elle-même devint une ville et les substructions gallo-romaines y couvrent le sol.

Après Strabon, les autres Grecs, Plutarque au commencement du deuxième siècle, Appien vers 125, Dion Cassius au commencement du troisième siècle, continuent à employer le mot πόλις, même pour désigner les places fortes de la Gaule. César, disent-ils, prit huit cent villes[45]. Sans revenir sur les explications données précédemment, il est manifeste que ces auteurs n’ont eu d’autres notions sur la Gaule que celles des Romains. Écrivant un et deux siècles après les évènements, et ayant aucun document qui leur retrace la Gaule primitive, si peu connue des Romains eux-mêmes, ils se servaient d’une expression suffisante pour caractériser l’état actuel des lieux historiques qu’ils avalent sous les yeux, sans se préoccuper de leur état antérieur. Ce terme πόλις se rencontre du reste fréquemment chez ces écrivains pour désigner un lieu fortifié, et particulièrement chez Appien lorsqu’il parle des forts élevés par les colonies romaines dans les provinces conquises, ou de leur installation dans les oppidum des peuples nouvellement soumis[46].

La position des principaux oppidum militaires de la Gaule prouverait, à elle seule, qu’ils ne pouvaient bite des villes. Qu’ils fussent placés sur des sommets de montagnes, de manière à commander l’entrée des vallées et le cours des fleuves, à couvrir de leurs escarpements, comme Gergovie, Alise, Bibracte, Hohenbourg, les vastes territoires qu’ils dominaient, ou cachés comme Avaricum derrière une redoutable enceinte de forêts et de marécages, ils étaient avant tout des postes de combat et des rendez-vous de guerre. Leurs emplacements avaient été choisis non en ville de l’habitation, mais de la défense. La vie et le mouvement nécessaires à toutes les agglomérations d’hommes, ce besoin de circulation, de communications et d’échanges, qui s’impose à toue les centres de population, n’auraient pu s’y développer sans beaucoup de difficultés et d’entraves, ne fût-ce qu’à raison des obstacles naturels résultant de la disposition des lieux et de leur isolement de toutes les voies ouvertes au commerce. Aussi, bien que l’oppidum renfermât, dans sa partie désignée sous la dénomination de urbs, un quartier réservé à la population qui y vivait demeura, tout porte à croire, comme nous l’avons dit, que cette population ne dépassa jamais celle des principaux vicus. Ce noyau d’habitants sédentaires se réduisait, si l’on en croit les misérables vestiges que le temps nous a laissés et que l’archéologie a pu découvrir, à quelques artisans occupés d’industries grossières et que la nature de leurs travaux n’appelait pas nécessairement dans le voisinage des exploitations rurales. Charpentiers, forgerons, polices ou tisserands, ils trouvaient un gîte dans l’oppidum, et pouvaient d’ailleurs, sans que le déplacement leur fût trop incommode, vendre leurs produits ou louer leurs services aux habitants des vallées et des plaines. Hors de là, et  l’urbs exceptée, l’oppidum ne contenait plus, après les encombrements tumultueux de la guerre, que quelques troupeaux qui paissaient l’herbe dans son enceinte silencieuse et sur ses retranchements déserts.

L’abandon des oppidum, sous la domination romaine qui changea la face de la Gaule, fut moins le résultat de la politique des empereurs, comme l’ont pensé quelques historiens[47], qu’une conséquence amenée par la force même des choses, sans doute ces vieilles forteresses, témoins des dernières luttes de l’indépendance, rappelaient des souvenirs dangereux ou  importuns qui devaient par cela même déplaire aux vainqueurs. Mais il faut se rappeler aussi qu’après les premières rigueurs inséparables d’une guerre acharnée, et les sévérités nécessaires pour dompter les résistances, les nouveaux maîtres de la Gaule ne s’écartèrent jamais vis-à-vis d’elle d’une politique de tolérance et de ménagements. Grande et sage politique dont les conquérants devraient toujours s’inspirer. L’assimilation fut d’autant plus prompte que le joug était plus léger et que les empereurs payaient la soumission de la Gaule par des bienfaits. Il ne faut donc pas s’étonner si les légions gauloises détinrent, pendant plus d’un siècle, le plus ferme boulevard de l’empire contre les invasions du Nord. Sans détruire les oppidum militaires, sans chasser leurs habitants, les Romains, obéissant à une pensée plus libérale et plus haute, construisirent de véritable villes à côté de ces anciens refuges, et en attirant les populations dans ces lieux préparés pour les recevoir, les initièrent à des besoins nouveaux, aux habitudes du travail et des arts. Ils rempliront ainsi, sans pression ni violence, un rôle de civilisateurs intelligents et pacifiques.

Voilà là qui explique l’abandon de certains oppidum militaires placés en dehors de ces nécessités nouvelles. Mais partout où les communications purent s’établir, partout où le commerce trouva des conditions favorables, les oppidum se transformèrent rapidement et devinrent les villes florissantes d’Avaricum, de Langres, de Chalon, de Neviodunum, de Genabum, de Lutèce et tant d’autres.

 

 

 



[1] Ratissier, Histoire de l’Art monumental, p. 145.

[2] Polybe, lib. II, ch. IV.

[3] Non erat oppidum quod se armis defenderetIls n'avaient pas d'oppidum en état de défense, dit-il en parlant des Éburons. Bell. Gall., VI, 34.

[4] Bell. Gall., VII, 57.

[5] Bell. Gall., V, 21.

[6] Au sixième siècle, saint Cadok, nommé évêque de Bewon, entreprit, pour garantir la ville des barbares, de remplacer les murs en terre à demi ruinés par une muraille en pierres. La Villemarqué, Légende celtique, p. 212.

[7] Bell. Gall., II, 17, 22.

[8] Bell. Gall., passim.

[9] Bell. Gall., VII, 17.

[10] Bell. Gall., I, 38.

[11] Bell. Gall., III, 23.

[12] Bell. Gall., VII, 36.

[13] Bell. Gall., VII, 69.

[14] Bell. Gall., Hirtius, VIII, 32, 33.

[15] Bell. Gall., II, 29.

[16] Oppidum de la Bourgogne.

[17] Bell. Gall., VII, 23.

[18] Bell. Gall., VII, 30.

[19] Bell. Gall., V, 42.

[20] Bell. Gall., VII, 77.

[21] Bell. Gall., I, 11.

[22] Bell. Gall., VII, 54.

[23] Bell. Gall., VI, 4.

[24] Bell. Gall., IV, 19.

[25] Bell. Gall., VII, 21.

[26] Bell. Gall., VII, 51, 80.

[27] Bell. Gall., Hirtius, VIII, 7.

[28] Bell. Gall., Hirtius, VIII, 3 et 6.

[29] Bell. Gall., III, 9.

[30] Bell. Gall., V, 21.

[31] Bell. Gall., I, 38.

[32] Bell. Gall., VI, 10.

[33] Bell. Gall., VII, 32.

[34] Bell. Gall., VIII, 33.

[35] Cœtus hominum jure sociati, quæ civitates appelantur, Cicéron.

[36] Géorgiques, II, 155-156.

[37] Tite-Live, liv. V, c. XLII.

[38] Pecus, cujus magnus erat ab Mandubiis compulsa copia. Bell. Gall., VII, 71.

[39] Bell. Gall., VII, 21.

[40] On pourrait encore établir une proportion calculée sur la population de la Gaule qui comptait jusqu’à la frontière du Rhin huit millions d’habitants, comparée à celle de la France qui, avec un territoire moins étendu, en a trente six millions. Comment admettre qu’Avaricum ait eu quarante mille habitants de population fixe, tandis que la ville actuelle, qui occupe certainement une plus grande surface, n’en a que vingt-cinq mille ? La proportion calculée, disons-nous, sur le chiffre total de la population de la Gaule et de la France aux deux époques, serait de cinq à six mille âmes, et nous pensons que la ville gauloise n’en comptait pas davantage.

[41] Varron, De Lingua latina, IV.

[42] P. Festus, De Verborum significatione.

[43] Servius, in IX Æneid.

[44] Vitruve, De Arch., lib. I, c. V.

[45] Plutarque, in Cœsare. — Appien, De Rebus Gallicis, lib. IV, 35.

[46] Appien, De Bellis Civilibus, lib. I, VII.

[47] Voir entre autre M. Georges Perrot, la ville de Trêves, étude d’archéologie et d’histoire. Nous en extrayons ce remarquable passage, mais avec les réserves que comporte notre point de vue :

On sait la politique qu’Auguste avait inaugurée en Gaule et que suivirent ses successeurs immédiats, ce qu’il tentèrent, ce qu’ils voulurent avec  persévérance et succès ; c’était détruire les anciennes associations, effacer les vieux souvenirs, dépayser les Gaulois, si l’on peut ainsi  parler, ôter à la Gaule la conscience et la mémoire. Revue des deux Mondes, 1er avril 1865.

Les faits, en histoire, sont rarement d’accord avec ces affirmations absolues.