DE LA POLICE ET DE LA VOIRIE À ROME SOUS LA RÉPUBLIQUE

APPENDICES.

 

 

LE MARIAGE À ROME

L’idée de l’union de l’homme et de la femme fut si haute à Rome qu’in une époque où le droit n’existait pas sans la forme, ce contrat consistait dans le simple accord de deux volontés en présence, et qu’il n’y eut rien longtemps de plus fort que ce lien qu’il était aussi aisé de dénouer que de former[1]. Cependant il ne se pouvait qu’avec les mœurs pieuses et formalistes des Romains il ne fût accompagné d’un appareil emprunté à la religion et à la coutume.

Le culte de Cérès était ancien dans ce peuple d’agriculteurs. La déesse avait un temple très vénéré à Rome, où le plèbe avait ses archives et sa protection était regardée comme importante pour une tille où l’approvisionnement se fit toujours difficilement. La fable la représentait comme une tendre mère parcourant la terre en s’éclairant de torches de pin enflammées au feu de l’Etna, à la recherche de sa fille que Pluton avait enlevée pour en faire la reine des enfers[2] ; la tradition donnait pour épouses aux premiers Romains les Sabines ravies par la violence : un rapt à la lueur de torches fait le drame du mariage[3].

La veille des noces était consacrée à dépouiller le costume et les ornements de l’enfance, la mère assistait sa fille[4] ; la robe et la tunique étaient portées au temple de la Fortune virginale[5] dont la statue avait deux robes à plis ondulés[6], d’où l’on peut supposer que telle était la forme des robes des jeunes filles, d’autant plus que le caractère du nouveau costume est d’être droit.

Elle se défaisait de ses jouets — de petites balles en laine marine — de ses résilles et de ses bandes de taille pour les accrocher aux images des Dieux Lares qu’elle allait quitter[7]. Elle revêtait ensuite une regilla[8], sorte de tunique blanche recouverte d’un roseau couleur d’aurore, le tout tissu d’une seule pièce, et tombant droit ; elle devait conserver ces vêtements en se couchant pour en tirer un présage en invoquant le génie de son futur mari[9]. Des cérémonies analogues avaient lieu pour l’homme, lorsqu’il quittait la prétexte et la bulle d’or, et c’est aussi de sa mère qu’il recevait le vêtement de la virilité, la toge[10]. Le jour des noces la mère procédait à la toilette de sa fille dont elle ne séparait pas les cheveux avec la broche ordinaire, mais avec un fer de lance recourbé retiré du corps d’un gladiateur[11]. Comme Proserpine avant d’être enlevée[12], elle doit cueillir des fleurs, et en tresser une couronne qu’elle portera sur la poitrine sous ses vêtements[13]. Elle porte une ceinture de laine nouée d’un nœud long à défaire, travail herculéen pour le mari ; car telle est sans doute la raison qui lui fait donner ce nom, bien que d’autres y voient une allusion au nombre d’enfants dont Hercule fut le père[14]. Puis au coucher du soleil, le moment de partir arrivé[15], la jeune fille se voile d’un long tissu couleur de la flamme dont il a le nom, en harmonie avec la teinte que la pudeur répand sur son visage[16], mais déjà le cortège est formé, la fille est assise sur les genoux de sa mère qui donne les derniers soins à sa parure[17], on la lui arrache et on l’enlève en évitant de lui laisser toucher le seuil, parce qu’elle ne doit pas sembler consentir à quitter la maison de son plein gré[18]. Alors le cortège se met en route. A la sortie de la mariée, un joueur de flûte joue un air qu’accompagnent les assistants des mots Io hymen ! hymercæe io ![19], puis il prend la tête ; ensuite vient un jeune ingénu, fils de parents vivants (note 23) ; il porte une torche qu’il a été allumer au foyer de l’édile ; celle-ci doit être comme celles de Cérès, de pin blanc[20] ; quatre autres porteurs de torches[21] sans conditions déterminées, se répartissent probablement pour éclairer la marche, et leurs torches ne sont pas nécessairement de pin, mais peuvent être d’épine blanche, ou même de corne, contenant sans doute en ce cas une substance inflammable[22]. Deux autres jeunes ingénus, également fils de parents vivants tiennent la mariée de chaque côté[23] ; on porte derrière elle une quenouille garnie et un fuseau chargé de fil[24] ; un adolescent, semblable aux serviteurs des pontifes et que l’on nomme aussi Camille, de naissance ingénue et ayant encore ses parents[25], tient un vase ferme, d’un couvercle, appelé Cumera ou même Camillum du nom du porteur[26]. Il contenait les objets personnels à la mariée, pour sa toilette probablement, et sur sa surface des dessins représentant les objets qu’il renfermait[27] ; dans le peuple on se servait d’un simple panier de palmier ou de sparte[28].

On arrive à la maison du mari dont la porte est drapée de laine blanche, et ornée de rameaux de laurier ; les vantaux sont oints d’huiles et de graisses de différentes sortes, auxquelles sont attribuées des vertus singulières contre les maléfices[29]. On enlevait alors la femme et on la faisait passer au-dessus du seuil sans qu’elle y posât les pieds ; c’eut été pour elle un sacrilège de fouler le seuil consacré à Vesta, la chasteté même, quand elle le franchissait pour perdre sa virginité[30]. C’est alors que résonnaient de toutes part les cris Talassio ! Talassio !

Ainsi avaient crié les compagnons de Talassius aux admirateurs trop ardents pour les avertir qu’elle était à Talassius cette Sabine belle entre toutes qu’ils entraînaient[31]. La comparaison était flatteuse pour les nouveaux époux et certes, mal reçu eût été qui fût tenu dire : Talassio, c’est Panier à laine. Le mot pris dans ce cens rentre dans cet ordre d’idées qui fait accompagner la femme du fuseau et de la quenouille, fait tendre de laine blanche la maison du mari et donne à la femme une toison comme siège, c’est une allusion symbolique aux devoirs et aux occupations de la femme dans sa vie nouvelle[32].

De son côté, le fiancé avait fait prendre un tison d’un arbre fertile choisi parmi ceux dont les pontifes avaient établi la liste[33], enflammé au feu du foyer non consacré de l’édile[34], et il avait aussi fait prendre à une fontaine pure de toute consécration de l’eau dans une aiguière par un enfant dont l’innocence porte bonheur, ou bien par une compagne ale la fiancée, qui l’assiste dans toutes les cérémonies[35]. La nouvelle mariée entrée, l’époux plonge le tison dans l’aiguière, et l’asperge de cette eau, la recevant par l’eau et par le feu confondus ensemble, symbole de l’union du principe mule et du principe femelle produisant la vie[36] : puis la jeune fille qui a apporté l’eau, en lave pieds de la mariée. Quant à la torche portée devant elle, on s’en empare immédiatement, pour éviter que, pareille au tison fatal de Méléagre, elle ne cause la perte du mari, placée par la femme soufi son lit, ou la perte de la femme, consumée dans un tombeau par les soins du mari[37].

Dans une salle remplie de verdure et de fleurs[38], est dressée une table qui porte entre autres mets servis, des bulbes dont font usage, dit Varron, ceux qui cherchent la porte du Temple de Venus, et qu’on sert maintenant dans les justes noces en y joignant des noix de pin, ou du suc d’Eruca et du poivre[39] ; mais on y servait aussi des choses plus raffinées, du lait mêlé de pavots et de miel. A peine la jeune fille a-t-elle effleuré ces mets, elle est mariée[40] ; telle Proserpine ne fut rendue à sa mère pour avoir porté à ses lèvres quelques grains de grenade[41]. Mais bientôt les esprits s’échauffent, les jeunes miens commencent à chanter les vers fescennins[42] qui obligent la mariée à se boucher les oreilles non encore mûres pour entendre les sons de la langue de Venus ; aussi sort-elle de table[43] et pendant que des épouses, mariées en premières noces (pronubæ)[44], la conduisent à la chambre nuptiale située au centre de la maison[45], où la mère de la mariée a fait apporter le lit appelé lectus genialis, on chante l’Epithalame[46]. Puis les garants de l’honorabilité du fiancé, ses témoins pour ainsi dire, et ceux qui présagent un heureux avenir (auctores et auspices)[47] accompagnent le mari et bientôt tout le monde se retire laissant les époux dans l’obscurité[48], où le mari, sans parler, va dénouer lentement le lien, qu’il semble qu’Hercule lui-même ait fait, de la ceinture de laine de la jeune fille[49]. Cependant les cris et les chants redoublent et un bruit épouvantable est produit par une avalanche de noix jaillissant et rebondissant dans tous les sens, comme font ceux qui s’agitent dans une danse sacrée (tripudium), hommage, disent les uns, à Jupiter et Junon, les autres, symbole de renonciation du mari aux jeux de l’enfance, ou aux plaisirs de l’adolescence, ou enfin moyen d’assourdissement pour couvrir d’autres bruits qu’on ne doit entendre[50].

 

LE TRIOMPHE

La fête la plus brillante où le théâtre était Rome entière, fut le triomphe décerné aux généraux victorieux. Rien ne surpasse sa splendeur où se personnifiait le génie même du peuple. C’est une institution originale qu’on ne trouve pas dans les outres pays, soumise à des règles fixes et à la décision du Sénat et du peuple.

Varron rattache l’étymologie du mot triomphe au surnom grec de Bacchus Θρίαμβος[51]. Faut-il croire que sa pensée allait plus loin et que dans le conquérant des Indes, monté sur le char traîné par des lions, des tigres, des lynx des panthères, tenant un thyrse, dont le fer disparaît dans la verdure, le front couronné de feuillage, entouré d’une troupe de Nymphes et de Satyres, suivi du bouffon Silène il voyait l’origine de la pompe triomphale Romaine ?[52]

Arrivé aux portes de home avec son armée victorieuse, le général ne pouvait franchir l’enceinte de Servius, il aurait perdu les auspices qu’il avait pris au Capitole avant son départ pour la guerre[53]. Sur sa demande le Sénat s’assemblait hors des murs, le plus souvent dans le temple de Bellone, ou dans le temple d’Apollon[54].

Le Sénat examinait si les conditions voulues existaient : s’il s’agissait d’une véritable guerre contre des ennemis et non d’une guerre civile, ou d’une insurrection[55]. Si le magistrat commandait en chef et sur un territoire soumis à sa compétence (in provincia sua) au moment de la victoire[56] ; si celle-ci avait une importance suffisante, ce qui avait été fixe par une loi d’après le nombre de combattants tués ; il devait être de cinq mille combattants au moins dans un seul combat. La déclaration du général sur le chiffre devait être exacte et un serment lui avait été imposé par un plébiscite[57]. Une fois le sénatus-consulte rendu dans un sens favorable, une loi était portée devant le peuple et cette loi, s’il y avait lieu, conférait au général le pouvoir suprême (summun imperium) pour le jour de la fête[58]. Il y eut des dérogations à ces règles, et l’on vit le peuple contrecarrer le Sénat pour accorder des triomphes refusés[59]. D’ailleurs en vertu du pouvoir consulaire, les généraux pouvaient de leur propre autorité célébrer un triomphe qui dans ce cas avait lieu au mont Albain[60].

Le jour du triomphe, tous Ies corps constitués, les Sénateurs revêtus de leurs insignes suivant leur rang, les Vestales, les collèges de Pontifes et de magistrats, le corps des Chevaliers se portaient au devant du général et de son armée[61]. Les chars des Dieux étaient tirés des locaux de garde du Capitole par les édiles et confiés à de jeunes garçons de père et mère vivants qui se réjouissaient de tenir la bride des chevaux[62]. Alors se formait le cortège selon l’ordre hiérarchique : En tête, le Sénat, dont les membres avaient revêtu leur costume officiel et leurs insignes, les quatre grand collèges sacerdotaux, les collèges de magistrats ; puis des joueurs de cor et des trompettes[63] ; des soldats portaient Ies étendards pris sur l’ennemi[64] ; d’autres tenaient des civières munies d’écriteaux où étaient expliqués les faits de guerre auxquels se rapportaient les objets exposés[65]. On y disait figurer les statues allégoriques des villes prises, des représentations en matières précieuses des murs et des édifices, les plans, les statues de leurs divinités, les personnifications des fleuves, des montagnes, les plus remarquables objets d’art, les tableaux représentant les épisodes les plus glorieux de la campagne, par exemple la fuite du chef ennemi et la déroute de son armée[66]. Ensuite des chariots où les armes de toutes sortes, de fer ou d’airain, d’un éclat fulgurant artistement disposées ne semblaient s’élever aussi haut que par l’amoncellement d’une grande quantité des lances, des casques, des cuirasses, des jambières, des boucliers ronds, ovales, échancrés, les caparaçons et les ornements des chevaux, leurs mors, les éperons des cavaliers[67] ; entre toutes ces pièces des interstices étaient ménagés pour laisser un libre jeu à leurs chocs dans la marche, de manière que ce bruit belliqueux inspirent encore l’effroi de ces armes, vaines maintenant, mais qu’avaient remplies les corps de vaillants guerriers. Puis portées à bras par des soldats, qui se mettaient à quatre parfois pour les objets les plus lourds, toute les richesses d’or et d’argent enlevées aux vaincus, des vases ciselés et incrustés de pierres précieuses, d’autres très grands remplis de monnaies d’or et d’argent[68]. Après l’exposition de ces dépouilles de l’ennemi, venait la partie religieuse, et pour marquer ce changement on intercalait encore des trompettes et des joueurs de flûte qui jouaient des airs spéciaux aux fêtes[69] : d’abord les chars des Dieux menés comme il a été dit : puis les animaux destinés aux sacrifices en l’honneur de Jupiter qui doivent être des victimes majeures, et qui sont toujours des taureaux blancs et arrivés à leurs croissance[70]. Ils avaient le corps enrubanné de longues bandelettes de laine blanche et de guirlandes de fleurs qui partaient de leurs cornes dorées[71]. Leur nombre était souvent considérable, cent vingt au triomphe de Paul-Émile, et c’étaient toutes des bêtes engraissées (pingues)[72] parce que leur chair après le sacrifice devait être servie au repas sacré donné en l’honneur de Jupiter et auquel assistait tout le Sénat dans le Capitole[73]. Ils étaient conduits par des jeunes gens aux vêtements pris dans des ceintures tissues avec un art exquis ; à leurs côtés marchaient de jeunes qui tenaient des coupes d’or et d’argent, et ensuite des porteurs de coupes plus grandes destinées à faire les libations et qui étincelaient de pierres rares, des victimaires avec leurs hache, et des thurifères dont la cassolette exhalait des fumées de myrrhe et d’encens[74].

Ce n’est pas sans raison qu’à la suite des victimes, on plaçait la troupe lamentable des captifs chargés de chaînes et destinés à périr après la fête[75]. Derrière eux d’autres encore, mais les cheveux rasés, étaient les Romains prisonniers de guerre rendus à la liberté[76]. Dès l’époque ancienne on faisait figurer parmi ces captifs enchaînés, les chefs ennemis[77], mais on n’y vit que plus tard des rois et Persée, avec sa femme et ses enfants, même ceux en bas âge, figurèrent au triomphe de Paul-Émile que rien ne put attendrir, ni les supplications, ni les gémissements de ce malheureux, pas même les larmes que la rue de cette détresse fit couler des yeux des spectateurs ; il railla Persée de son manque d’énergie, mais par un juste retour, les deux seuls enfants, qui étaient restés sous sa puissance et destinés à perpétuer le nom, périrent quelques jours, l’un avant, l’autre après ce triomphe où ils auraient dû paraître sur le char de leur père[78].

Sans doute comme contraste, après les captifs suivaient des troupes de danseurs. de joueurs de cithares et des satyres[79] auxquels des soldats déguisés étaient mêlés[80] ; si quelques-uns chantaient ses louanges et le comparaient à Romulus, d’autres l’accablaient de leurs traits satiriques où les vices qu’on lui connaissait n’étaient pas épargnés[81]. Lorsque le triomphateur s’était vu décerner par les villes et les peuples alliés des couronnes d’or, c’est en cet endroit qu’on les portait[82]. Précédé d’une file de vingt-quatre licteurs, en tenue de campagne, avec le paludamentum rouge et dont les faisceaux avaient probablement les haches[83], alors seulement apparaissait le héros de la fête[84].

Il semble que ce soit Jupiter même qu’on voie[85] encensé par des thurifères, revêtu de la trabée de pourpre brodée d’or, debout sur son quadrige d’or ou d’ivoire dont les quatre chevaux blancs portent des couronnes à la main un spectre d’ivoire surmonté d’un aigle doré, et une palme de laurier, au front une couronne du même feuillage[86]. Ses fils impubères, en prétexte pour ce jour, ses filles non mariées prennent place à ses côtés, deux des quatre chevaux de front, celui de gauche et celui de droite sont montés chacun par un de ses fils adolescents, ceux qui ont atteint l’âge d’homme et déjà joui des honneurs marchent immédiatement derrière le char parmi les premiers de la cité[87]. Mais à son doigt l’anneau est de fer et non d’or et un esclave tient suspendue seulement au-dessus de sa tête une couronne d’or et sans doute le même lui répétera : Retourne-toi et regarde pour te rappeler que tu n’es qu’un homme[88].

Enfin, suivant à la gloire du chef qui l’a conduite au combat vainqueur, vient en ordre de marche l’armée, les chevaliers en tête par turmes et les hommes de pied par cohortes[89]. Il n’est personne dans toute cette pompe qui n’ait le front ceint d’une couronne, de laurier s’il fut combattant, sinon d’olivier[90].

Lorsque l’heure est venue, des licteurs urbains assistés de subalternes écartent la foule de manière à laisser libre un vaste espace au milieu de la chaussée[91]. Les musiciens jouent des airs de fêtes, parfois les trompettes sonnent des airs guerriers[92] et la pompe se met en marche sur la voie Flaminienne, la future voie Triomphale de l’Empire[93], et s’engage par la porte Triomphale, proche du temple de Janus Geminus au Janicule, dans la Ville, ceinte des murs de Servius[94]. Sur son passage sont ouvertes toutes les, maisons, tous les temples : les fleurs et les feuillages pendent en guirlandes, jonchent le sol : en nuages s’exhalent les parfums de l’Asie ; le peuple vêtu de blanc forme la haie, monte sur des estrades et de toutes parts retentissent les acclamations, les applaudissements et le cri : Io Triumphe, Triumphe Io ![95]

Elle passe d’abord par le Velabrum ancien marais desséché[96] qu’elle quitte à la statue de Vertumne où l’habile artiste Mamurius a su fixer dans le bronze la multiple nature du Dieu, prend la route du grand Cirque[97], le traverse dans toute sa longueur[98] pour monter ensuite par la voie sacrée[99] au Forum où les monuments et les bâtiments du pourtour ont été ornés parles soins des édiles ; c’est là qu’ils ont réparti les plus belles armes prises sur l’ennemi entre les argentiers dont les pavillons resplendissent de l’or des boucliers[100]. Enfin la marche triomphale parvient au terme suprême, au Capitole[101]. Les différents corps prennent leurs places respectives, le triomphateur descend de son char, et accompagné de l’appareil du culte, se rend devant l’autel de Jupiter, prend de la main droite le bâton augural dont l’extrémité se recourbe[102] tandis que de l’autre il tient par l’anse le vase de terre à la forme antique immuable[103] ; il accomplit les rites et les libations en l’honneur de Jupiter, de Junon et de Minerve[104], se voile la tête et immole un taureau blanc, puis, pour renouveler les auspices heureux sous lesquels il partit, il interroge le ciel du haut de la citadelle[105].

 

 

 



[1] Paul, Digeste, XXIII, l. 2, § 2. — Il est remarquable que dans le droit romain où le contrat verbal (sponsio) joua un si grand rôle, il n’y ait pas eu échange de paroles formelles, comme cela eut lieu dans le droit canon jusqu’au concile de Trente (Saint Thomas d’Aquin cité dans Walter, Lehrbuch, Bonn, 1875) — Le premier divorce à Rome n’eut lieu que dans le VIe siècle de sa fondation : Aulu-Gelle, XVII, 21. — Dans un autre chapitre Aulu-Gelle ajoute qu’il aimait beaucoup sa femme. On voit que ce divorce fut presque imposé par le conseil des parents. (Le texte dit des amis, mais il n’est jamais question que du conseil des parents). — La formule du divorce était de la part du mari : Tuas res tibi habeto. — De la part de la femme : Tuas res tibi agito.

[2] Ovide, Métamorphoses, V, v. 458 et s.

[3] Festus v° s. Rapi simulatur virgo ex gremio matris... cum ad virum trahitur quod videlicet ea res feliciter Romulo cessit.

[4] Properce, IV, I, v. 113. — Dans ce passage Properce parle de lui-même et de sa prise de toge, mais à plus forte raison pour la fille la mère devait intervenir.

[5] Arnobe, II, 91.

[6] Varron, De vita pop. Rom. ap. NoniumUndulatum. — Les femmes portaient en effet une robe de dessous, une sorte de tunique : ibid. v° Subucula.

[7] Varron, Sesqui Ulysses ap. Nonium, v° Strophium Reticulum.

[8] Arnobe, II. — Pline, Hist. nat., VIII, 48.

[9] Voir la note précédente.

[10] Voir la note 7 et Properce, IV, 12, v. 27 ; IV, 1, v. 113.

[11] Arnobe, II. — Ovide, Fastes, II, v. 560.

[12] Ovide, Métamorphoses, V, 391 et 5.

[13] Festus : Corolla.

[14] Festus : Cingulum. — Varron laisse supposer que l’opération était difficile, car il montre le mari à ce moment ne parlant pas et dénouant petit à petit : Novus maritus taciturnes taxim uxoris solvebat cingulum. (Nonius v. Cingulum).

[15] Servius, In Ecloga., VIII, v. 29.

[16] Lucain, II, v. 360.

[17] Apulée, Métamorphoses, IV.

[18] C’est un détail omis par la plupart des auteurs pour le départ de la mariée, mais il résulte sûrement d’un passage de la Casina de Plaute. Au moment où deux servantes conduisent Chalinus, jouant sous le flammeum le rôle de Casina, à Olympio qui croit recevoir sa femme, l’une des deux dit à la fausse Casina, avant de passer la porte : I, sensim superatolle limen pedes, nova nupta ; sospes | Iter incipe hoc ut viro tuo semper sis superstes. Act., IV, sc. 4.

[19] Plaute, Casina, Act. IV, sc. III, init.

[20] Varron, De vita pop. Rom. II, apud Nonium. — Ejus se rapporte à Ædilis, ainsi que cela résulte de Plutarque (Questions romaines, 2), qui dit qu’il faut qu’on aille allumer les flambeaux des nouveaux mariés, chez ce magistrat, — donc pour l’homme aussi. — Bien que d’autres auteurs disent que cette torche était d’épine blanche, il faut s’en tenir au texte cité et à Virgile, In Ciri, v. 439, et à Ovide, Fastes, II, v. 558. — Voir note 23.

[21] Plutarque (Quest. Rom., 2), se demande pourquoi on allume toujours exactement cinq flambeaux aux noces, ni plus, ni moins.

[22] Varron, In Ætis. — Scaliger, sur le mot rapi (Festus).

[23] Festus : Patrimi et matrimi. — V° s. : Matrimes ac patrimes.

[24] Pline, H. n., VIII, 48, rapporte que Tanaquil, épouse de Servius Tullius, lui avait fait une robe de la laine qu’elle avait filée avec sa quenouille et son fuseau.

[25] Festus : Camillus.

[26] Festus : Cumeram.

[27] Varron, De ling. lat., VII (VI), 84.

[28] Festus : Cumerum.

[29] Apulée, Métamorphoses, IV. — Virgile, Énéide, IV, v. 45. — Lucain, II, v. 353. — Pline, Hist. Nat., XXVIII, 9.

[30] Varron, Ætia (Apud Servium in VIII, eclog., v. 29).

[31] Tite-Live, I, 9. — Sex. Aurelius Victor, De Vir. ill. (Romulus), rapporte la même chose et il ajoute : cet hymen fut prospère ; de là l'usage d'invoquer, dans toutes les noces, le nom de Talassius.

[32] Festus, V.

[33] Macrobe, Saturnales, II, 16. — Fronton, Ep. ad amic., II, 6.

[34] Varron, De v. p. R., 2 ap. Nonium v° Titionem fustem ardentem. — Plutarque, Quest. R., 2, se demande pourquoi les nouveaux mariés allument des torches chez l’édile.

[35] Varron, apud Servium, in Æneid., IV, v. 166.

[36] Varron, De ling. lat., V (IV). Cf. Festus.

[37] Festus : Rapi. — Voir sur ce passage une autre explication donnée par Scaliger, d’après Servius.

[38] Apulée, Métamorphoses, IV. — Dans les noces de Thetis et Pélée, Catulle (v. 280 et s.) fait décorer la maison de fleurs par Chiron.

[39] Apicius, Cælius, VII, 12.

[40] Ovide, Fastes, IV.

[41] Ovide, Métamorphoses, V, v. 535. — Dans les Fastes, il n’y a plus que trois grains, IV, v. 907.

[42] Festus : Fescenini. — Voir Tite-Live, VII, 2.

[43] Varron, Ap. Nonium, v. Redurare. — Id. v. Acerbum.

[44] Festus : Pronubæ. — Donatus, in Æneid., VII, v. 319.

[45] Catulle, Epith. Pelei et Thetidos, v. 47. Horace, Ep. I, l. 87.

[46] Cicéron, Pro Cluentio, V (14).

[47] Plaute, Cas., Prol., 86. — Cicéron, De div., I, 16 (28).

[48] Plutarque, Quest. Rom., 65.

[49] Varron, apud Nonium, v. Cingulum.

[50] Servius, in Eclog., VIII v. 30. — Catulle, Epithat. Juliæ et Mallii, v. 118 et s. — La strophe qui précède montre qu’il ne faut pas prendre l’expression ludere nucibus pour jouer aux noix. — Pline, H. n., XV, 22.

[51] Varron, De ling. lat., VI, 68.

[52] Ovide, Métamorphoses, III, v. 666 et s. — Id., De arte Am., I, v. 541. — Silius Italicus, XVII, v. 645.

[53] Quand les auspices au départ sont douteux, le chef de l’armée rentre à Rome pour en prendre d’autres ; les premiers sont donc annulés : Tite-Live, VIII, 52.

[54] Tite-Live, XXVI, 21. — Id., XXVIII, 9. — Voir aussi XXXIII, 22. — Pour le temple à Apollon : Tite-Live XXXVIII, 59. — Voir aussi XXXIX, 4.

[55] Valère Maxime, II, 8 ,7. — Lucain, Pharsale, IV, 12. — Florus, III, 22.

[56] Valère Maxime, II, 8, 2. — Les deux adversaires s’entêtant, ils font un pari sur la question et en remettent la décision à un arbitre. Celui-ci ne fit que poser deux questions au préteur : En cas de dissentiment, de qui l’avis aurait-il prévalu ? Si les auspices du préteur et du consul eussent différés, lesquels l’eussent emporté ? Les réponses n’étant pas douteuses, le préteur dut s’incliner. Pour la compétence : Tite-Live, XXXIV, 10.

[57] Valère Maxime, II, 8, 1.

[58] Cicéron, Ad. Attic., IV, 16. — Voir des exemples de l’imperium conféré pour le jour du triomphe, Tite-Live, XXVI, 21. — XLV, 35.

[59] Valerius et Horatius, consuls en 306. Tite-Live, III, 3. — De même, Tite-Live, VII, 18.

[60] Tite-Live, XXXIII, 25. Id., XLII, 26.

[61] Tite-Live, V, 23. Ovide, Tristes, IV, 2 (Triomphe de Tibère sous Auguste sur les Germains).

[62] Tite-Live, IX, 40. — Suétone, Vespasien, 5. — Cicéron, De harusp. resp., XI (23). — Asconius, Ad. verr. I, 59 (154).

[63] Appien, De bel. pun., c. 33 (Triomphe de Scipion).

[64] Tite-Live, III, 19 (Triomphe de Q. Fabius). Id., XXXVII, 59 (Scipio).

[65] Suétone, Julius Cæsar, 37. — Tite-Live, I, 10 (Romulus).

[66] Tite-Live, XXXVII, 59 (Scipio). — Appien, De bel. pun., c. 35. — Silius Italicus, XVII, v. 635. — Ovide, Tristes, IV, 2 v. 19.

[67] Tite-Live, XLV, 39.

[68] Tite-Live, XLV, 39.

[69] Tite-Live constate qu’au triomphe de Paul-Émile, au lieu de jouer les airs appropriés aux fêtes, les trompettes sonnèrent la charge, mais c’est une exception. XLV, 39. — Ovide, Tristes, IV, 2, v. 5 (Triomphe de Tibère sur la Germanie). — Appien, Bell. pun., c. 33 (Triomphe de Scipion).

[70] Virgile, Géorgiques, II, v. 146. — Ovide, Fastes, II, 70. — Sur le sens du mot bidens, voir Aulu-Gelle, XVI, 6. — Juvénal, X, V, 65.

[71] Tite-Live, XLV, 39.

[72] Voir la note précédente.

[73] Tite-Live, XLV, 39.

[74] Tite-Live, loc. cit. — Ovide indique que la victime était frappée par la hache. Tristes, IV, 2, V, 4.

[75] Tite-Live, loc. cit. — Ovide, Tristes, IV, 2, V, 43.

[76] Tite-Live, XXXIV, 52.

[77] Tite-Live, III, 29 : Sur le triomphe de Q. Fabius dictateur en 296, V. C. — Id., XXXVII, 39 (Triomphe de L. Cornelius Scipio sur Antiochus). — Id., XXXIX, 7 (Triomphe de Cn. Manlius Vulso des Galates). — Ovide, Tristes, IV, 2, V, 21.

[78] Tite-Live, XLV, 39, 40.

[79] Appien, De bell. pun., 33.

[80] Denys d’Halicarnasse, VII, 74.

[81] Tite-Live, IV, 20, 33.

[82] Tite-Live, XLV, 39. — Appien, Bell. pun., 33.

[83] Appien, Bell. pun., 33. — Silius Italicus, IX, 419. — Les licteurs marchaient en file, c’est ce que prouve le texte de Tite-Live, cité au § des appariteurs. — 24 licteurs, parce que c’est le nombre de ceux du dictateur. Le triomphateur ayant le summum imperium devait avoir les 24 licteurs.

[84] Tite-Live, XLV, 39.

[85] Tite-Live, X, 7.

[86] Tite-Live, X, 7. — Appien, Bell. pun., 33. — Ovide, Tristes, IV, 2, v. 63. (Triomphe de Tibère sur la Germanie). — Ibid., v. 22. — Ovide, De art. am., I, v. 13 (Il s’adresse à C. César, petit-fils adoptif d’Auguste, parti à la guerre contre les Parthes). — Juvénal, X, v. 43.

[87] Appien, Bell. pun., 33. — Tite-Live, XLV, 40.

[88] Pline, H. n., XXXIII, 1. — Juvénal, X, v. 41. — Tertullien, Apologétique, 33.

[89] Tite-Live, XLV, 40.

[90] Tite-Live, XLV, 38, 39. — Festus, Ep. v° s. Laureati milites. — Aulu-Gelle, V, 6. — Festus, Ep. v° s. : Oleagineis coronis.

[91] Tite-Live, XLV, 39.

[92] Tite-Live, XLV, 39.

[93] Gruter, p. 457, n° 6 (inscription funéraires) ;  p. 465, n° 5 et 6. — Les dernières sont plus récentes, car elles n’ont pas conservé la trace du changement de nom des voies qu’elles mentionnent, mais la répétition du même nom prouvent que ces deux routes étaient dans une même région, — il faut remarquer que l’ordre d’énonciation est le même. — D’autre part, Cicéron écrit Philip., XII, 9 (22) : Tres viæ suntad Mutinam... a supero mari Flaminia ; ab infero Aurelia ; media, Cassia. — Bien que l’ordre d’énonciation soit différent, par l’indication des situations respectives des routes, on constate que dans la réalité, les routes Aurelia et Flaminia, comprennent entre elles, la route Cassia. — Aurelia vetus, c’est bien l’Aurelia de Cicéron, les deux autres routes citées par Cicéron ne peinent lias être différentes des deux autres, étant donné que dans les deux cas, le rapprochement des trois noms, résulte d’une situation géographique ; il ne reste que le choix entre l’affectation des noms nouveaux ; cela ne souffre pas difficulté, puisque nous voyons le même ordre suivi pour la curatelle à deux époques différentes ; la voie Cassia que Cicéron nous dit placée entre les deux autres, est la voie Cornelia nova placée dans les inscriptions entre l’Aurelia vetus et la Triumphalis.

[94] L’existence de la Porte Triomphale est affirmée par deux textes : Cicéron, In Pison, 29 (55). — Suétone, Auguste, 100. — G. Fabricius dans son ouvrage intitulé Roma, nous donne le nom et l’emplacement de la porte qui a remplacé la Porte Triomphale, c. IV. — Cela résulte d’un texte de Varron, combiné avec le fait qu’à son entrée dans la ville, la pompe traversait le Velabrum ; or, une partie des eaux qui alimentaient ce marais avant son dessèchement était les eaux thermales du temple de Janus. De ling. lat. V, 157.

[95] Tite-Live, XLV, 39. — Ovide, Tristes, IV, v. 3 ; v. 50. — Le peuple forme la haie, parce que comme l’explique Tite-Live, les licteurs rejettent la foule sur les bas-côtés de la route, pour dégager le milieu. Tite-Live, loc. cit. — Ovide, loc. cit., v. 49. — Horace, Odes, IV, 2, v. 49.

[96] Suétone, César. — Le Velabrum est devenu une route, dit Varron.

[97] Cicéron, In Verr., Act. 2, l. 39 (154). — Le Velabrum se divisait en un petit Velabrum et un grand Velabrum. Le petit est celui dont parle M. Varron, et il ajoute ut illud majus de quo supra dictum est. En se reportant à cet endroit on voit que ce majus Velabram était situé au pied de l’Aventin et formé par les eaux du Tibre. — Ruma est mis pour ficus Ruminalis, le figuier sous lequel furent allaités les jumeaux, il était près du Tibre. — C’est dans ce Velabrum qu’était placée la statue de Vertumne ; nous dit Properce, en mémoire du changement du cours du Tibre, et son nom tire de là son étymologie : IV, 2. — Il voit le Forum de loin, sur la hauteur.

[98] Varron, De ling. lat., V, 133.

[99] Horace, Odes, IV, 2, v. 33.

[100] Tite-Live, loc. cit.

[101] Tite-Live, X, 7.

[102] Tite-Live, X, 7 et 18.

[103] Varron, De ling. lat., V, 121. — Cicéron, Paradoxa, I, 2. Voir Nonius, v° Armillum 2. — Cicéron, De rep., apud Nonium. VI, 2. Texte de Nonius rétabli par Maii.

[104] Lactance, Instit., I, 11.

[105] Tite-Live, X, 7. De même Cicéron, De div., II, 7 (19). — Ovide et Virgile l’emploient aussi dans ce sens. — Aulu-Gelle d’ailleurs nous donne incidemment à propos de la convocation du Sénat l’ordre suivi (XIV, 7). — Pour la couleur blanche du taureau, voir les textes d’Ovide et de Virgile. — La prise des auspices marque la fin du triomphe : Tite-Live, XLV, 39. — Ce qui prouve bien encore que ce moment est le terme final, c’est l’obligation morale pour le triomphateur de ne plus paraître ensuite, même à une fête qui se lie directement au triomphe sans avoir dépouillé son costume, par exemple à l’epulum qu’il offre au Sénat dans le Capitole, le jour même car ce n’était que dans ce but que Marius avait convoqué en cet endroit le Sénat après son triomphe ; entré dans la salle encore revêtu des vêtements triomphaux, il comprit ce que signifiait la froide mine qu’on lui faisait et il alla reprendre sa prétexte. (Plutarque, Marius, 6). Tite-Live, Epit. 67.