DE LA POLICE ET DE LA VOIRIE À ROME SOUS LA RÉPUBLIQUE

 

INTRODUCTION HISTORIQUE

 

 

Dans une pareille agglomération d’hommes et d’édifices, il semble qu’afin d’y assurer l’ordre, il eût fallu constituer une autorité spéciale, indépendante et pourvue de grands moyens d’action pour la police générale et l’administration. Ce ne pouvait être le système Romain, oit la magistrature supérieure, qui avait succédé à la royauté, conserva en principe, même après sa division en plusieurs branches, la plénitude du pouvoir. Aussi les édiles, qui furent un jour principalement chargés du soin de la ville, eurent-ils des débuts si modestes que, simples auxiliaires, c’est à peine si le nom de magistrats pouvait leur être appliqué. Cependant dans une lente évolution et par étapes successives leurs attributions se précisèrent et prirent de l’importance ; pour les bien comprendre, il est utile, avant d’aborder l’étude des institutions urbaines à leur plein développement, de connaître l’origine et l’histoire de leurs organes.

 

§ 1. — L’ÉDILITÉ PLÉBÉIENNE.

Tous les témoignages sont d’accord, dit M. Mommsen[1], sur ce point : L’institution de l’édilité plébéienne coïncide avec la constitution de la plèbe elle-même et de son tribunat. Il est certain qu’avant son organisation en corps séparé, la plèbe existait déjà en fait ; mais elle était dépourvue de moyens de réclamer ses droits et de les défendre. Les phases de la lutte d’où elle sortit constituée nous sont mal connues, et nous sommes forcés de nous en remettre aux récits des annalistes qui soutient anticipent sur l’époque pour laquelle ils sont faits et attribuent à ses institutions un développement atteint plus tard. Mais, comme dit Tite-Live, pour des choses anciennes, il faut savoir se contenter du vraisemblable pour le vrai[2]. Nous exposerons donc la formation de la plèbe en suivant la tradition.

Les nombreuses guerres qui suivirent l’expulsion de, rois avaient épuisé les ressources des plébéiens qui durent emprunter aux patriciens détenteurs de toute la richesse ; le contrat en vigueur étant le nexum, ils engageaient leurs biens, leurs personnes, et celles mêmes de ceux qu’ils avaient en puissance, et le défaut de payement les exposait à la vente des biens et des personnes tombées en servitude ; leur créancier pouvait disposer de leur rie même. Lorsque les besoins de la guerre exigeaient un plus grand nombre d’hommes, on les relâchait, on leur faisait des promesses[3]. Sais après la victoire décisive du combat livré près du lac Régille (259. V. C.), les patriciens, rassurés sur l’extérieur, crurent n’avoir plus de ménagements à garder, ils oublièrent les promesses faites et exigèrent leur dû.

Les poursuites reprirent avec une nouvelle rigueur et les prisons particulières des créanciers regorgèrent de plébéiens. Ceux qui avaient encore leur liberté, poussés à bout, commencèrent à s’assembler, à se concerter et une grande effervescence régna. Le Sénat effrayé voulut les retenir par le lien de la discipline et donna l’ordre aux consuls d’emmener l’armée en expédition contre les Èques. Ce fut le signal de la sédition : en armes, sous la conduite de l’un des leurs, Sicinius, ils se retirèrent au delà de l’Anio, sur le Mont-Sacré, près du pays de Crustumerium (Varro, de l. l., IV, 14  : Secessio Crustumerina). Cette version, dit Tite-Live (II. 32), est plus accréditée que celle d’une retraite sur le mont Aventin, qui est donnée par Pison. Là, ils entourèrent leur campement d’un fossé et d’un retranchement et s’y tinrent plusieurs jours dans le calme. Cependant, la désolation régnait dans la ville ; et le Sénat, craignant que la prolongation de cette situation ne rendit la séparation définitive, décréta l’envoi de dix délégués (Denys, VI, 90), parmi lesquels Menenius Agrippa, homme disert, et cher à la plèbe à laquelle le rattachaient ses origines[4] ; il leur conta l’apologue des membres et de l’estomac, et il n’en fallut pas davantage pour calmer leur exaltation ; Brutus exposa leurs revendications et demanda la création de magistrats pris parmi eux et chargés de leur défense. C’était, lui répondit Menenius, ne tendre à rien de moins qu’à former un État dans l’État. Il fallait en référer au Sénat ; qu’il s’y rendit avec quelques-uns des délégués, et lui Menenius resterait avec les autres. La délibération fut orageuse, mais les patriciens cédèrent, et Brutus avec les Féciaux, dit Denys d’Halicarnasse (VI, 90), rapportèrent au Mont-Sacré un traité de paix (261 V. C.). Deux tribuns, suivant l’opinion générale, furent nommés, et probablement dans les curies plébéio-patriciennes[5]. Tite-Live omet ici la nomination des édiles, mais ce n’est pas pour la nier, car plus loin sous l’année 291 (III, 6), il en suppose l’existence en leur donnant un rôle fort important, mais peu vraisemblable dans les mesures à prendre dans une épidémie. Denys ne place pas non plus leur réaction sur le Mont-Sacré, mais seulement après leur rentrée dans la ville, au moyen d’un Sénatus-consulte. Aulu-Gelle (XVII, 21) et Festus (v° Plebei ædiles), disent tous deux que ces magistrats furent créés dans la dissension de la plèbe d’avec les patriciens.

La plupart des auteurs admettent que le nom a été créé simultanément avec la chose et non emprunté à une institution déjà existante comme pour les tribuns. L’assertion de Festus n’y contredit pas, en y faisant une correction proposée par Scaliger, et indiquée par la raison et par le sens général de la phrase ; il dit que le nom d’édile était donné d’abord à ceux qui avaient la surveillance non seulement des édifices sacrés et publics, mais même de ceux appartenant aux particuliers, et que de là le nom passa plus tard à ces magistrats[6]. Mais on ne saurait s’appuyer sur ce texte pour affirmer que telles furent leurs attributions dès l’origine, bien qu’ils les aient en effet reçues à un moment quelconque.

Le mot ædilis tire certainement son étymologie du mot ædes avec lequel il est dans le rapport d’un adjectif avec le substantif dont il dérive, et c’est pourquoi on le trouve ainsi employé par certains auteurs[7]. La détermination de ce point a de l’importance parce qui elle est de nature à jeter quelque jour sur les origines de cette magistrature ; des systèmes ont été fondés sur cet appui, mais dans quelques-uns en faussant le sens du mot œdes. On ne sait si leur qualité de plébéien figura dans leur dénomination dès le début, ou seulement plus tard lorsqu’il y eut lieu de les distinguer des édits curules. Ce déterminatif se rencontre sous trois formes : la plus usitée, le génitif plebis — l’adjectif plebeius — une autre corme de génitif : plebei et plus sûrement plebi[8]. M. Mommsen[9] dit que l’organisation de la plèbe et de ses magistrats a été calquée sur la constitution de la cité Romaine, une assemblée délibérante et un gouvernement de quatre magistrats, deus, chefs et deus auxiliaires ; ainsi que les principes de collégialité, d’annalité et d’élection par le peuple. Sur ce dernier point on a voulu, par analogie, faire nommer les édiles directement par les tribuns, comme les questeurs l’ont été par les consuls ; mais c’est une pure hypothèse à l’appui de laquelle on n’apporte rien. Ce droit, s’il exista jamais, fut en tous cas promptement changé en celui de présider à l’élection par une assemblée. Il règne une grande obscurité sur la nature de cette assemblée du moins jusqu’à l’année 283 où la loi Publilia transporta l’élection aux comices par tribus de la plèbe,

Et cependant des auteurs versés dans l’étude du droit public, comme Cicéron, affirment sans aucune hésitation que dès la première année qui suivit leur création sur le Mont-Sacré, dix tribuns furent nommés dans les comices par curies avec prise d’auspices[10]. Denys (IX, 41), en expliquant en quoi consistait l’intérêt de la proposition de Publilius Volero pour la plèbe, l’attribue à ce que les comices par tribus se seraient tenus sans sénatus-consulte et sans auspices, à la différence des curies. Enfin Tite-Live constate la présence à l’assemblée, où les tribuns Lætorius et Volero présentaient cette même .loi une seconde fois, de patriciens qui, cherchant à entraver le vote, se rirent écarter sur l’ordre de Lætorius, sauf ceux qui voulaient voter[11]. M. Mommsen[12] pense que ce mode d’élection est incompatible avec la nature de la plèbe et que l’opinion unanime des auteurs anciens repose sur un raisonnement fondé sur ce qu’à cette époque, il n’existait que des comices par centuries dont l’organisation militaire était inadmissible pour des magistrats du caractère des tribuns, ou des comices par curies, ce qui conduisait forcément à l’adoption de ces derniers. Il laisse entrevoir l’idée de curies avec exclusion des patriciens et probablement pour expliquer néanmoins l’intérêt des plébéiens au changement, il ajoute que cependant les familles nobles peuvent avoir possédé parleurs clients une influence décisive dans ces assemblées[13].

Quoi qu’il en soit, la loi proposée en 282 V. C, par Publicius Volero, et qui tendait à substituer le vote par tribus à ce qui existait auparavant[14], repoussée une première fois, passa l’année suivante grâce à l’énergie des tribuns[15]. La présidence de l’assemblée appartint sans doute dès le début aux tribuns, car lorsqu’en 305 la plèbe se reconstitua sur ses anciennes bases abolies pendant la, période des décemvirs, dès la seconde année (306), les comices furent présidés par un tribun désigné par le sort[16].

Le fonctionnement de ces nouvelles institutions ne donna probablement pas toute satisfaction, car nous voyons en 302 V. C., un accord intervenir entre les deux ordres pour nommer des législateurs chargés d’établir un droit uniforme[17]. Les conditions étaient, pour les patriciens, que les législateurs, au Ambre de dix, seraient pris parmi eux, et pour les plébéiens le maintien de la loi Scilia votée sur l’Aventin et des autres lois sacrées[18].

Le pouvoir passa des consuls à ces décemvirs qui furent soustraits au droit de provocation. Il en résultait l’annihilation du pouvoir tribunicien et la renonciation de la plèbe à sa situation à part ; d’ailleurs ces garanties devaient être remplacées par les dispositions des nouvelles lois. Les pouvoirs des décemvirs leur étaient accordés pour une année, mais la rédaction des lois n’étant pas terminée à l’expiration de ce temps, une prorogation eut lieu, et des décemvirs furent de nouveau nommés. Autant ceux de la première année s’étaient montrés modérés, autant les derniers furent arrogants et tyranniques[19]. Des séditions éclatèrent à la ville et a l’armée, la plèbe entière se retira sur le mont Aventin, puis sur le Mont-Sacré, en réclamant l’abdication des décemvirs[20] ; ceux-ci s’y refusaient, sous prétexte de n’avoir pas accompli encore leur tâche, mais le Sénat l’exigea d’eux et la plèbe obtint sa reconstitution sur ses anciennes bases ; par suite de ces circonstances extraordinaires, oit les pouvoirs réguliers faisaient défaut, les nouveaux tribuns de la plèbe furent nommés dans les comices tenus sur l’Aventin, sous la présidence du grand-pontife, et ils procédèrent sans doute à la nomination des édiles[21]. Les lois Valeriœ-Horatiœ sur l’autorité des plébiscites, sur la provocation et sur l’inviolabilité des magistrats plébéiens complétèrent les garanties de liberté de la plèbe et lui donnèrent de nouvelles armes. La dernière de ces lois soulève une question délicate ; elle fut rendue, dit Tite-Live (III, 55), pour remettre en mémoire la sacro-sanctitas des tribuns, car il parait que le souvenir du serment du Mont-Sacré commençait à s’abolir, de sorte que les tribuns, déjà inviolables par la religion, le furent aussi par l’effet de la loi qui prononçait l’exécration de quiconque attenterait à la personne des magistrats qu’elle désignait[22]. Les jurisconsultes, continue Tite-Live, affirment que cette loi n’a rendu aucun de ces magistrats sacro-saint, mais a simplement déclaré sacer le violateur, si bien que l’édile peut être appréhendé au corps et conduit en prison par un magistrat supérieur ; c’est un acte illégal, mais il montre qu’on ne tient pas les édiles pour sacro-saints à la différence des tribuns. Avec la plupart des auteurs ; M. Mommsen[23], tout en trouvant remarquable l’exposition de Tite-Live faisant la distinction qui vient d’être citée, conclut nettement au même fondement sur le serment de la sacrosanctitas des édiles ; il apporte, a l’appui de son opinion, la phrase de Caton, citée par Festus[24], donnant les édiles comme sacro-saints, et comme raison de ce privilège, il ajoute qu’il était indispensable pour la protection des édiles plébéiens contre les magistrats du peuple[25]. Il y admet cependant une restriction : pour eux, l’effet n’est que relatif et n’existe pas vis-à-vis des tribuns.

Dans l’opinion contraire, nous allèguerons le texte si net de Tite-Live, l’absence complète de preuve d’un serment prêté à propos des édites, la vraisemblance du défaut de serment, en la fondant sur l’assertion de Denys (VI, 90), que ce ne fut qu’après leur rentrée dans la cille que les plébéiens obtinrent l’adjonction de ces auxiliaires des tribuns ; le silence de Tite-Live sur la création des édiles, sur le Mont Sacré, peut s’interpréter dans le même sens ; quelque système qu’un adopte sur leur élection, soit directement par les tribuns, soit dans une assemblée par curies, de toute façon ils n’ont pu être nommés qu’après les tribuns ; enfin il est contraire a la nature du serment d’en scinder l’effet. D’ailleurs, rien ne s’oppose à ce qu’en fait les édiles tient participé à l’immunité de leurs supérieurs les tribuns ; l’explication de leur inviolabilité donnée par Denys (VI, 90) et selon laquelle l’injure au serviteur rejaillit sur le maître, rejetée si sévèrement par M. Mommsen[26], peut bien signifier que l’agent exécutant un ordre est le représentant de la personne même de celui qui l’a donné, ce qui, du reste, exista plus tard pour les viateurs ; au début, ce fut bien le rôle des édiles, et cette façon devoir est confirmée par le fait que lorsque les édiles se séparèrent des tribuns, il ne fut plus question de leur sacrosanctitas ; les magistrats supérieurs les citaient devant eux, en employant au besoin la force, et l’on ne trouve nulle part mention d’une revendication de leur privilège.

Sans doute, il faut attribuer à leur rôle subalterne d’auxiliaires, la profonde obscurité qui règne sur les attributions des anciens édiles, et ce qui tend à le démontrer c’est que lorsque nous les verrons avec une compétence spéciale, ils auront à ce moment complètement secoué le joug des tribuns et qu’ils occuperont même un rang supérieur au leur dans le cursus honorum ; et cependant un dernier reflet de l’état primitif subsistera toujours dans la présidence des élections par les tribuns.

C’est donc de ce principe de subordination qu’il faut partir pour se faire une idée de leurs fonctions au début. Le rôle des tribuns consistait dans la défense et la protection de la plèbe, et ils l’exerçaient par deux moyens : l’intercession et la répression ; du premier, il ne peut être question pour des magistrats inférieurs ; mais l’autre, qui se subdivise en deux branches, la condamnation et l’exécution, offrait, dans l’une de ces deux branches, un côté purement matériel dont le magistrat supérieur devait chercher à se décharger, et d’ailleurs l’exemple d’une répartition analogue existait également dans la magistrature patricienne où les questeurs étaient surtout chargés, dans les premiers temps de la république, de la justice criminelle.

Ainsi, lorsque Coriolan se refuse à se rendre à l’appel des tribuns l’accusant de vouloir leur abolition, les édiles plébéiens L. Junius Brutus et Sicilius Rusa sont envoyés pour l’amener, et le tribun Sicinius leur enjoint d’employer la force en cas de résistance. Puis lorsque Coriolan se décide à comparaître, le même tribun prononce sa condamnation à mort et ordonne aux édiles de l’exécuter en précipitant Coriolan de la roche Tarpéienne[27]. Lorsque le sénat envoya une commission composée d’un préteur, de dix légats et de deus tribuns pour faire une enquête sur la vie dissolue qu’on accusait P. Scipion de mener, il y adjoignit un édile chargé de l’appréhender au corps s’il faisait résistance à l’ordre du préteur[28].

M. Mommsen constate avec raison que ces édiles n’étaient à vrai dire que des viateurs et que cela justifie l’expression de serviteur employée par Denys[29] et néanmoins il leur reconnaît le droit d’intenter d’une manière indépendante une poursuite criminelle et, conséquence nécessaire, de défendre leur sentence devant le peuple ; lui même reconnaît qu’il est contre la nature des choses d’accorder aux mêmes magistrats qui sont en matière d’arrestation et d’exécution des serviteurs des tribuns, un droit de prononcer les sentences indépendantes et de défendre leurs jugements égal à celui des tribuns[30]. Mais comme c’est ce qu’admettent les maîtres du droit public, dit M. Mommsen, il est sage de ne pas s’écarter de la tradition juridique.

Il invoque aussi le sens du mot δικάζειν qu’emploient dans leurs indications générales sur l’édilité, Denys (VI, 90) et Zonaras (VII, 15), qui contient plus que l’idée d’une simple aide, et enfin la condamnation des consuls Romilius et Veturius poursuivis respectivement par un tribun et un édile[31]. Dans ce texte l’éminent romaniste voit une égalité parfaite entre les deus magistrats d’espèce différente qui ne serait aucunement vraie à l’époque historique.

Il faut croire cependant que tel n’est pas son avis personnes et qu’il n’a voulu qu’exprimer quelle était la conception des maîtres du droit romain sur ce point, et qu’en général, on doit adopter leurs idées, car il constate ailleurs que les procès politiques dont le fondement est dans la liberté du magistrat n’ont jamais été intentés par les édiles. L’unique objection en sens contraire, l’histoire certainement fictive de l’an 300, ne peut suffire à déplacer une délimitation de compétence que les autres données révèlent clairement[32].

C’est encore une conjecture reposant sur de faibles indices que l’attribution aux édiles de la surveillance des corvées imposées comme charges foncières aux propriétaire : riverains des voies, mais elle est vraisemblable parce qu’elle concorde avec le caractère de l’édilité récente ; néanmoins on est forcé d’avouer qu’on se heurte à de grandes difficultés parce que les corvées, en leur qualité de charges foncières, grèvent évidemment des propriétaires patriciens, et qu’il est difficile de les soumettre à un contrôle de magistrats plébéiens. Cependant quelques déductions tirées de faits connus permettent de justifier en partie cette idée : sous le consulat de Sp. Tarpius et d’Aulus Aternius (ou Termenius), en l’an 300 v. c. Denys rapporte que le droit jusqu’alors réservé aux seuls consuls de réprimer les atteintes contre la loi ou leur autorité fut étendu à tous les magistrats[33]. Cette disposition visait tes édiles uniquement, car ils étaient à cette époque les seuls magistrats inférieurs avec les questeurs à qui n’appartint jamais la coercition. M. Mommsen pense que c’est à ce moment que la surveillance des corvées, avec un droit limité de coercition, passa aux édiles des mains des magistrats supérieurs et que ce droit, chez ceux-ci sans limites, ne consista plus qu’in prononcer des amendes, saisir des gages, et peut-être infliger même des châtiments corporels. Cette juridiction criminelle expliquerait l’organisation donnée à l’édilité en 388. Les annales nous montrent en 365, quelque temps après l’incendie de Rome par les Gaulois, les maisons se reconstruisant sans ordre et sans plan, tant la hâte était grande de voir la ville se relever ; tout était mis gratuitement à la disposition des constructeurs, pourvu qu’ils donnassent caution de terminer leurs tractus dans l’année[34]. L’existence de ces cautions prouve que ces travaux sont considérés comme des travaux publics ; ils ressemblent aux ouvrages accomplis par corvées, parce qu’il n’y a pas non plus de marché, et que dans les corvées on imposait peut-être aussi l’achèvement d’une certaine tâche en un temps donné. Ce qui confirme cette manière de voir, c’est que ce fut les édiles que l’on chargea de recevoir ces travaux terminés l’année suivante[35] (366 v. c.). Or, nous verrons plus tard que dans le cas de travaux faits par corvées, ils furent compétents pour la réception, les censeurs l’étant en cas de marché, sauf exception au profit des édiles pour le pavage des rues. Enfin l’établissement d’un tarif pour l’imposition des corvées que l’on trouve dans la lex coloniæ Genetivæ Juliæ a déjà pu exister pour ces premiers édiles, ainsi que la faute surveillance en a pu également leur appartenir[36]. Il n’est jusqu’à la dénomination dont nous avons vu le rapport avec le mot ædes et qui parait avoir été créée par cette magistrature, qui ne puisse servir à déterminer cette sphère d’opérations. D’autres explications ont été données sur ce dernier point. Une, entre autres, repose sur la seule attribution que l’on connaisse certainement pour les premiers édiles. Pomponius[37] prétend qu’ils furent créés pour avoir la garde des lieux où la plèbe conservait ses archives, et Zonaras (VII, 15) nous donne l’énumération des documents qu’ils conservaient pour que rien ne leur échappât de ce qui avait été fait. L’allégation du jurisconsulte est incompatible avec l’affirmation précise de Tite-Live (III, 55) que ce fut à partir de l’an 306 et sur l’initiative des consuls Valerius et Horatius que les Sénatus-consultes furent remis aux édiles dans le temple de Cérès, alors qu’auparavant, ils étaient ou supprimés ou falsifiés au gré des consuls. Il est possible cependant qu’avant même cette époque ils aient déjà conservé certains documents les intéressant, même des sénatus-consultes dont les tribuns pouvaient connaître le texte. Il parait, en effet, qu’ils plaçaient leurs bancs dans l’embrasure des portes du Sénat auquel ils n’avaient pas entrée, écoutaient la lecture des décrets, prêts à former une intercession s’il était utile. C’est de là, dit Valère Maxime, que vient qu’on trouvait d’anciens sénatus-consultes marqués de la lettre T, indiquant l’accord des tribuns (II, 2, 7).

En dehors de ces fonctions permanentes, on voit les édiles chargés de missions très diverses. Ainsi lorsque en 306 les consuls tirent publier les lois décemvirales par l’exposition des tables de bronze oit elles étaient gravées, certains auteurs disent que les édiles furent chargés de cet affichage[38]. M. Mommsen regarde la chose comme controuvée parce que des magistrats de la plèbe ne pouvaient publier une loi du peuple Romain. Il se peut cependant que cette loi étant l’œuvre d’une entente entre les deux ordres, les tribuns en aient fait faire une publication spéciale pour les plébéiens, en dehors de la publication officielle, car Tite-Live dit que ce fut sur l’ordre des tribuns à cette époque, ceux-ci n’auraient pas été plus compétents pour la publication légale. En 327, pendant le désarroi d’une épidémie où des cultes étrangers s’étaient introduits à Rome, les édiles sont chargés de réprimer les atteintes à l’intégrité du culte national[39]. Dans une autre circonstance déjà, en 291, ils auraient à défaut des consuls dont l’un était mort et l’autre mourant, pris la direction générale[40], ce qui n’est guère vraisemblable, le recours à la dictature ou en dernier état de cause à l’interrègne étant toujours possible.

D’autres systèmes ont été proposés qui ne sont que de pures conceptions de l’imagination. Les deux principaux sont ceux de M. W. Soltau[41] et de M. W. Ohnesseit[42] très récents l’un et l’autre.

M. Soltau commence par étudier l’édilité dans son plein développement et entreprend de séparer ce qui est spécial à l’édilité plébéienne, et de remonter, en fixant les dates de chaque nouvelle attribution, aux débuts. Il pose alors en principe le partage en deux branches de la compétence des édiles plébéiens : 1° une fonction plébéienne ; 2° une juridiction arbitrale.

Ædilie dérive des ædes, mais modes est ici le temple de Cérès. L’auteur ne donne pas les raisons d’une telle étymologie et il n’est pas prouvé que dans la langue, le temple de cette déesse ait été le temple par excellence. Aussitôt après leur création, ils auraient eu un local dans ce temple[43] où ils auraient conservé les documents concernant la plèbe ainsi que les registres du recensement des tribus et des propriétés des plébéiens. Il est certain que les édiles plébéiens eurent plus de rapports que les édiles curules avec le temple de Cérès, qu’eux seuls y firent des présents et que les édiles plébéiens créés par César pour l’annone prirent le nom de Ceriales ; mais cela ne suffit pas pour y trouver l’origine de cette dénomination qu’on aurait sans doute déterminée d’une façon plus précise, ni pour y trouver le caractère de leurs fonctions.

2° Leur juridiction arbitrale dérive de leur charge de tenir le registre des tribus et des propriétés, car sa confection même pouvait faire naître des différends entre propriétaires ; ces juges décemvirs, qui sont cités dans la formule d’exécration de la loi Valeria-Horatia relative à l’inviolabilité des magistrats plébéiens[44], auraient été sous leur direction.

Enfin il leur attribue la cura annonæ (limitée à ce qu’elle fut plus tard), lors du rétablissement de la plèbe en 305[45].

C’est incidemment, au cours d’un travail sur les édiles municipaux, que M. Ohnesseit émet une hypothèse relative à l’origine de l’édilité Romaine qui, d’après lui, serait dans l’édilité des vides du Latium dont l’organisation municipale aurait servi de modèle à l’édilité récente. M. Mommsen[46] répond très justement que, si elle avait été une institution primitive dans les cités latines, elle l’eût été également à Rome, l’une d’elles ; au contraire l’édilité débute par une institution plébéienne qui ne peut remonter plus haut que l’existence de la plèbe elle-même.

 

§ 2. — L’ÉDILITÉ CURULE.

On trouve presque toujours une petite cause pour un grand effet, dit Tite-Live[47], qui ne fait pas exception à cette règle pour l’origine du mouvement qui fit admettre la plèbe dans le peuple. Certes, le tribun de la plèbe, C. Licinius Stolo, eut des raisons plus sérieuses que de chercher à satisfaire la convoitise des honneurs consulaires de sa femme, fille du patricien Fabius Ambustus, lorsqu’il présenta la loi qui consomma l’union des deux ordres. Malgré la protection de leurs tribuns et quelques légers avantages , depuis la succession du mont Sacré, la situation des plébéiens ne s’était guère améliorée, ni au point de tue politique, ni même au point de vue matériel ; véritables Sisyphes, ils succombaient sous le fardeau de leurs dettes. Ils comprirent que leurs efforts resteraient toujours vains s’ils ne parvenaient à participer directement au gouvernement qu’ils n’avaient pu jusqu’alors qu’entraver par le veto de leurs tribuns[48]. L. Sextius et C. Licinius Stolo proposèrent une loi donnant satisfaction à leurs revendications en quatre chefs : 1° Suppression des intérêts accumulés et délai de trois ans avec trois termes pour le payement des dettes ; 2° limitation de la part d’ager de chacun à 50 arpents ; 3° retour au consulat (au lieu des tribuns consulaires militaires) dont l’un des sièges occupé nécessairement par un plébéien (379 V. C.)[49]. La résistance était acharnée de la part des patriciens qui y employaient tous les moyens, soudoyant quelques-uns des tribuns pour apporter un obstacle au vote de la loi par leur intercession ; de l’autre côté, les tribuns entravaient les élections des magistrats patriciens, si bien que pendant l’espace de cinq ans il n’y eut aucun magistrat curule[50]. Les choses traînèrent ainsi en longueur jusqu’en 387 où fut votée la loi de Licinius. La disposition qui donnait un des sièges du consulat à la plèbe fut encore l’objet de grands dissentiments, car le Sénat refusait son autorisation a ce plébiscite ; Furius Camillus, alors dictateur pour la cinquième fois, parvint à faire conclure une transaction aux termes de laquelle un des consuls serait plébéien, et d’autre part il serait créé un préteur chargé de dire le droit entre les citoyens[51], et deux édiles curules, tous trois patriciens[52]. C’est bien lis la raison de la création de l’édilité curule, et si Tite-Live[53] le constate, il a donné auparavant une explication peu sérieuse et même invraisemblable : Pour célébrer le rétablissement de la concorde, le Sénat décréta la célébration de grands jeux aux trois jours habituels desquels on ajouterait un quatrième ; les édiles auraient refusé ce surcroît de frais, et de jeunes patriciens se seraient proposés pour le faire, à condition d’être aussi édiles[54]. Ce récit est inadmissible pour bien des raisons, et entre autres parce que jamais les édiles de la plèbe n’eurent la direction des ludi maximi. Tite-Live ajoute qu’un sénatus-consulte décréta que le dictateur ferait nommer dans les comices deux édiles pris parmi les patriciens[55]. Il n’est pas question d’une loi, mais un ne voit pas de raison, en ce cas, pour une dérogation, et l’un est d’accord pour en supposer l’existence[56] ; elle dut être votée dans les comices centuriates, sous la présidence de M. Furius Camillus. Tite-Live et Pomponius, nous l’avons vu, disent que les premiers édiles furent patriciens, et nous connaissons même leurs noms pour les années 388 et 389.

Les tribuns supportèrent péniblement de voir tant de nouveaux magistrats patriciens et manifestèrent leur mécontentement : des scrupules s’éveillèrent chez les Sénateurs et l’accès de l’édilité curule fut ouvert aux plébéiens[57] Tite Live ne donne pas la date de ces événements, mais il ressort du récit et de sa place, tout de suite après le compte-rendu des premières élections, qu’ils durent être assez rapprochés de la naissance de cette magistrature. M. Mommsen croit pouvoir faire résulter cette date d’un texte de Festus[58], mais qui, à vrai dire, est si délabré qu’il supporte bien des interprétations. Suivant celle de cet auteur il signifie que les premiers jeux scéniques ont été faits par les édiles curules C... fils de... et M. Popillius fils de Marcus, suivant ce que rapportent les historiens. Or Tite Live place parmi les cérémonies destinées à apaiser les dieux pendant une peste qui dura pendant les années 390 et 91 l’introduction des jeux scéniques[59]. Ce Popillius doit être le même que le Consul de l’an 396 collègue du patricien Cn. Manlius[60] et par conséquent plébéien. Il n’est de date vraiment certaine que celle de 430 v. c. où le scribe Cn. Flavius fût édile curule[61]. Depuis l’admission des plébéiens, il y eut alternance entre les deux ordres, les années impaires (fastes de Varron) appartenant aux patriciens ; ce roulement dura probablement jusqu’au VIe siècle, il est facile de le vérifier en prenant les comptes rendus des comices où Tite-Live de l’an 539 à l’an 560 donne assez régulièrement les noms des édiles curules de l’année précédente nommés préteurs[62]. En tous cas en 663 v. c. il n’existe plus, car dans cette année impaire M. Claudius Marcellus était édile curule[63]. A la fin de la République, des patriciens et des plébéiens sont collègues[64], César et M. Calpurnius Bibulus en 689. M. Æmilius Scaurus et C. Claudius Hypsæus en 696. Ce nombre de quatre édiles ne fut pa.5 dépassé pendant la République ; César en 710 créa deux nouveaux édiles plébéiens spécialement chargés de l’approvisionnement et pour cette raison nommés ceriales[65].

 

§ 3. — RANG ET INSIGNES DES ÉDILES CURULES.

Les édiles curules étaient des magistrats du peuple au sens strict de cette expression ; ne possédant pas les pouvoirs qui caractérisent les magistratures supérieures, ni le droit d’assembler le Sénat et le peuple, ni la plénitude de juridiction, ils ne sont pas rangés dans les magistratus majores. A certains points de vue ils sont dits minores ; par exemple Aulu-Gelle, posant la question de savoir quels sont ces magistrats minores, répond en faisant connaître quels sont les majores. Ce sont ceux qui ont les auspicia maxima, consuls, préteurs et censeurs, les autres magistrats n’ont que des auspicia minora et par conséquent sont eux-mêmes minores[66].

Mais cette distinction n’à été aussi rigoureuse que lorsqu’il n’y avait que des consuls et des questeur, et l’édilité fut considérée comme occupant une situation intermédiaire. Cicéron la regarde comme le premier échelon des magistratures supérieures, bien qu’ailleurs, mais bien un peu pour les besoins de la cause, et en la comparant au consulat, il l’envisage comme n’élevant qu’un peu au-dessus des particuliers[67]. Pour Suétone, les questeurs mêmes sont majores[68].

Toutefois les édiles sont tenus de déférer aux ordres de magistrats supérieurs ; et peuvent avoir à répondre pendant la durée de leurs fonctions à la citation d’un particulier devant le préteur[69]. En revanche, ils partageaient les insignes et les honneurs de la magistrature supérieure. Ils avaient la chaise curule qui est un pliant à pieds recourbés en ivoire ou en placage d’ivoire. Leur toge était celle de la magistrature dite prætexta, c’est-à-dire blanche avec une bande de pourpre eu bordure. Ils y joignaient, quand elle devint l’insigne des sénateurs, une tunique dite clavus parce qu’elle était ornée d’une bande verticale de pourpre[70] Enfin ceux d’entre eux qui étaient plébéiens acquéraient, sans d’ailleurs que ce fût un insigne de la magistrature, le droit de porter la chaussure réservée aux sénateurs patriciens appelée mulleus ou calceus mulleus, C’étaient des souliers, rouges le plus souvent, à pointes recourbées et fermés sur le dessus d’un petit croissant d’argent ou d’ivoire, ce qui les faisait qualifier de lunati (ou allucinati)[71] Zonaras (VII, 9) et Lydus (de mensibus, I, 19) rattachent cet ornement à la lettre C désignant le nombre cent qui fut celui des sénateurs de Romulus. L’origine en était très ancienne et illustre, car ils remontaient, parait-il, au temps des rois à Albe[72] qui les portaient, mais il était d’un usage mal commode, s’il faut en croire Tertullien qui déclarait préférer aller, été ou hiver, les pieds nus et droits que recourbés dans cet instruments de torture[73]. Ces chaussures se distinguaient aussi des autres en ce qu’elles étaient attachées à la jambe par quatre courroies maintenues par des boutons (Malleoli) et de couleur noire[74].

Il parait que c’était un privilège à Rome de se faire précéder de porteurs de torches la nuit, car Cicéron cite comme le seul particulier en usant C. Duillius et il regardait la chose comme un abus toléré à cause de la gloire de sa victoire navale sur les Carthaginois[75]. Il semble cependant que les gens rentrant la nuit chez eut devaient pouvoir faire éclairer leur route, et sans doute il faut admettre comme M. Mommsen[76] que des modalités spéciales distinguaient pour les magistrats, cet honneur de l’usage commun ; il suppose qu’elles consistaient principalement en ce qu’en même temps que les torches on portait une cassolette où de la braise enflammée servant à allumer le flambeau, ou, croyons-nous plutôt, à brûler des parfums[77], ainsi que dans la présence d’un joueur de flûte, car on en rencontre dans l’apparition des magistrats, Le nombre des flambeaux variait avec la qualité des magistrats ; Plutarque (Questions romaines, 2) nous apprend que le préteur avait droit à trois, et l’édile à deux torches.

Comme nous l’avons vu, en établissant la distinction des magistrats en majores et minores, les édiles curules n’eurent que les auspicia minora. On ne sait s’il y avait une différence de rituel entre les auspicia maxima et minora ; le fait que l’éclair, le signe le plus élevé, pouvait être l’objet des auspicia minora ne porte pas à le croire ; la distinction se fonderait simplement sur ce’ que les uns précédaient les actes des magistrats supérieurs et les autres ceux des magistrats inférieurs. Mais le magistrat supérieur qui présidait à leurs élections prenait les auspicia maxima. Pour citer un cas où les édiles devaient prendre les auspices, on peut affirmer qu’ils le faisaient certainement avant leur entrée en charge.

Ils acquéraient la nobilitas, mot qui, sans équivalent dans notre langue, désignait un ensemble de droits honorifiques transmissibles à la descendance. Le droit principal, que nous ne ferons qu’indiquer, parce que nous aurons l’occasion d’y revenir, est le jus imaginum, c’est-à-dire le droit pour le nobilis et pour ses descendants de transmettre leur image dans la famille[78]. Il n’était exercé à l’origine que par les familles patriciennes dont, au sens strict, c’était un droit de gentilité et aussi parce qu’en fait ils avaient seuls une généalogie ; mais, lorsqu’il se forma dans la plèbe une aristocratie  composée de familles dont les membres avaient occupé des magistratures, l’usage emprunté aux familles patriciennes se forma chez les familles plébéiennes. Le droit de porter un anneau d’or ; qui ne fut plus tard que le signe d’une naissance ingénue, comptait aussi à cette époque parmi les distinctions de la noblesse, ainsi que le droit d’orner le poitrail du cheval de phalères[79], et, enfin, l’usage du cognomen transmissible aux descendants.

Sortis de charge, ils conservaient encore le droit de revêtir la robe prétexte du magistrat pour paraître dans les fêtes publiques[80], et leur image pouvait également en être habillée lors de leurs funérailles. Sans avoir encore le titre de sénateur par le simple fait de l’occupation d’une magistrature curule, ils conservaient la faculté d’assister aux séances du Sénat et de donner à leur rang leur avis sur la question en discussion, le jus sententiæ dicendæ, et en conséquence ils recevaient les convocations comme les sénateurs[81] ; en somme leurs droits politiques étaient les mêmes. Avant le plébiscite Ovinien, l’inscription au Sénat était dans les attributions des Consuls ; depuis cette loi, la confection de la liste fut conférée aux censeurs avec l’injonction de choisir dans chaque ordre le meilleur citoyen[82]. Le censeur était tenu de maintenir sur la liste les anciens magistrats curules, sauf à user de la notatio. C’est au VIe siècle qu’on commente à voir pour les ex-édiles curules l’acquisition du siège sénatorial à vie. Tite-Live, en parlant des magistrats curules, consulaires, prétoriens et édiliciens tués à Cannes, dit nettement que ceux qui avaient exercé ces fonctions avaient préféré servir dans les légions, alors qu’ils auraient dit entrer au Sénat (a° 536 V. C.)[83]. Deux ans plus tard, à propos de l’opération du complètement du Sénat, il distingue ceux qui sont pris comme ayant occupé des magistratures curules, de ceux qui n’ont occupé que des magistratures non curules[84]. En 558, les censeurs portèrent sur la liste sans exception tous ceux qui avaient été magistrats curules[85].

 

§ 4. — COMPARAISON DE DEUX ÉDILITÉS ET LEUR SITUATION RESPECTIVE

Les édiles plébéiens n’eurent pas les insignes que nous venons de voir chez les édiles curules, ni robe prétexte, ni siège curule, mais un simple banc analogue à celui des tribuns nommé subsellium, dont le nom même indique le peu de hauteur par comparaison à la sella des magistrats du peuple non curules[86], M. Mommsen[87] leur refuse sans restriction le droit de siéger au Sénat ; ils arrivèrent cependant à un moment qu’on ne connaît pas à en faire partie de droit, car ils sont cités par la loi Acilia repetundarum (de l’année 631-632) comme étant dans le Sénat. Il est probable qu’ils n’eurent jamais les auspices puisque les magistrats de la plèbe, du moins à partir de leur nomination dans les assemblées plébéiennes (loi Publilia de 283) sont élus inauspicato[88]. Il n’y a en sens contraire qu’un texte de Zonaras (VII, 19) qui prétend que les tribuns reçurent les auspices par la loi Valeria Horatia de 303. Pour expliquer comment néanmoins des élections d’édile faites par les tribuns de la plèbe pouvaient être viciées dans les auspices comme cela arriva en 360 V. C.[89] M. Mommsen[90] distingue entre les auspicia impetrativa, c’est-à-dire les auspices obtenus par un magistrat qui a observé le ciel (qui de cœlo servavit, opération qu’on désigne par le mot spectio) et les auspicia oblativa, c’est-à-dire des signes de la volonté des dieux, tel un orage, qui se manifestent d’eux-mêmes. Les premiers n’auraient appartenu qu’aux magistrats du peuple et jamais à ceux de la plèbe, tandis que tics présages funestes (divæ) intervenant pendant une assemblée de la plèbe doivent la faire dissoudre et le magistrat plébéien directeur doit avoir le droit de constater l’auspice[91].

Les édiles curules eurent à l’exclusion des plébéiens l’intendance et la surveillance des ludi maximi, mais comme ils n’en avaient pas là présidence, qui appartenait au contraire à ceux-ci dans la célébration des jeux plébéiens, ils n’eurent pas le droit d’y porter la robe de pourpre[92]. Enfin une différence beaucoup plus importante et qui sera développée dans le chapitre relatif à la police des marchés consiste dans le droit de faire un édit à l’entrée en charge (jus edicendi), réservé aux seuls édiles curules.

Cependant l’édilité plébéienne se rapprocha certainement de l’édilité curule, et c’est ce qui explique le rang préférable qu’elle obtint dans l’échelle des honneurs à celui du tribunat, et, si elle conserva toujours le subsellium, elle eut cependant son tribunal sur le forum[93], ce qui ordinairement implique la sella curulis, ou tout au moins la sella à pieds droits et non pliante ; elle eut de même des appariteurs, mais avec de légères différences, que nous verrons en énumérant leurs différentes catégories. Les édiles plébéiens cessèrent enfin, comme nous l’avons déjà dit, d’être les subordonnés des tribuns et perdirent par là même leur caractère d’inviolabilité ; dans la pratique, argument que Tite-Live donne pour distinguer le caractère de leur privilège de celui des tribuns[94], les magistrats supérieurs les citaient et en cas de non comparution employaient la force. Ils se virent aussi dépouillés sinon de la totalité du moins d’une partie qui parait assez considérable, de leur droit de garde des archives qui passa aux édiles curules et peut-être aussi aux questeurs, dans des proportions inconnues lorsqu’à une époque antérieure à 565 V. C. les sénatus-consultes ne furent plus comme auparavant déposés au temple de Cérès, mais à l’Ærarium, dans le temple de Saturne, le local des questeurs[95].

La situation respective des deux édilités offre un cas unique dans les magistratures Romaines. Elles sont séparées parles différences de forme que nous venons de voir et au fond par la concession, de l’attribution si importante du jus edicendi à une seule des deux ; néanmoins dans la liste des magistratures telle qu’elle résulte des textes des lois et des auteurs, il n’existe du septième rang qu’une édilité, réunissant les deux, et la loi Julia Municipalis applicable à la ville de Rome, dans ses prescriptions, ne distingue pas les attributions des uns et des autres, mais les réunit au contraire toujours nominativement dans les parties générales, et lorsqu’il s’agit de fonctions déjà divisées, ne parle jamais que de l’ædilis cujus arbitratu... sans distinction. Toute magistrature à Rome, en temps normal, comprenait plusieurs titulaires et généralement la dualité était la règle, car ce n’était pas par une majorité que se prenaient les décisions, mais on appliquait le principe de la collégialité, dont les effets, ressemblaient assez, mutatis mutandis, à la solidarité parfaite du droit civil, c’est-à-dire que chacun des membres du collège avait la capacité complète d’agir seul. Or, étant donnée la situation respective des deus édilités, la collégialité existait-elle entre les quatre magistrats ? Évidemment, entre les deux édiles plébéiens et les deux édiles curules ; mais entre les deux édilités, rien ri est moins probable, et la chose parait inadmissible en réfléchissant à leurs origines différant par l’élection et les conditions d’éligibilité, aux insignes accordés et refusés, au droit de publier un édit, et à l’intendance des jeux Romains, prérogatives réservées à l’édilité curule. D’ailleurs pour les édiles, il était facile de concevoir une division de fonctions établie soit par le sort, soit d’accord pour se partager un territoire depuis longtemps réparti en quatre quartiers. La loi Julia Municipalis le décidait, mais on ne sait si ce fut une innovation. Quant aux édiles de chaque collège entre eux, pour les actes habituels, ils établissaient sans doute un roulement ainsi, par exemple, pour la juridiction des marchés entre les deux édiles curules. Pour des actes isolés, il pouffait y avoir entente ou tirage au sort.

M. Mommsen[96] donne, tant de la création de l’édilité curule que du rapprochement progressif vers elle de l’édilité plébéienne, plusieurs raisons d’ordres très différents : D’abord, le désir d’émousser les armes du parti révolutionnaire, en les transformant ; si l’on parvint à modifier la constitution interne du tribunat, il devait être bien plus facile de le faire pour l’humble édilité en l’éloignant de se destination primitive par une extension à son profit des attributions de l’édilité curule, en la séparant des tribuns pour rattacher les deux édilités aux consuls, qui les employèrent d’une façon identique. Ainsi, par exemple, a l’occasion des Bacchanales, les consuls furent chargés de l’instruction par le Sénat et les deux édilités redurent chacune une mission où cependant apparaît une légère distinction dans le souci de donner la mission la plus délicate aux édiles curules : ceux-ci durent rechercher les prêtres du nouveau culte et les retenir pour être interrogés flans un local à leur choix, tandis que les édiles plébéiens ne furent chargés que d’empêcher des réunions secrètes[97].

Dans cette transformation de magistrats de la plèbe en magistrats du peuple, M. Mommsen voit la réalisation de l’intention que révélait déjà la dénomination donnée à la nouvelle magistrature, peu en rapport en effet avec l’objet de sa compétence, car la procuratio sacrarum ædium n’en était qu’une bien faible part. D’autre part, la surveillance des corvées jusqu’à sa disparition a dit aussi appartenir aux édiles curules, ce qui peut encore avoir eu une influence sur sa création, les corvées incombant aussi aux patriciens. Enfin M. Mommsen nous donne la bonne raison, c’est l’accroissement continu de la ville de Rome demandant de nouveaux organes, la préture et l’édilité ; l’instabilité des consuls ne leur permettant pas de faire face à des attributions si multiples, les marchés et le commerce avaient besoin d’une réglementation et d’une autorité administrative locale. Peut-être l’organisation des villes grecques a-t-elle fourni un modèle, et c’est ce que semble bien indiquer la traduction immédiate et constante du mot latin ædilis par le mot grec άγοράνομος qui, au point de vue de la signification, ri offre aucun rapprochement avec lui. Comme nous l’avons constaté, en commençant, la vie journalière des Romains répandue au dehors demandait une surveillance active et des organes spéciaux. La définition traditionnelle de Cicéron (de legibus III, 3 (7) Suntoque ædiles cæratores urbis, annonæ, ludorumque solemnium, indique les trois grandes branches de leurs attributions, mais la première l’emporte de beaucoup par sa permanence et la multiplicité de ses subdivisions qui peuvent se ranger sous deux dénominations, la voirie et la police. La police dans ce qu’elle a de plus général embrasse les trois branches.

A côté des édiles se trouvent des magistrats subalternes ; comme leurs attributions sont restreintes à des matières déterminées, il vaudra mieux n’en parler que dans les parties qui auront trait à l’objet de leur compétence. Mais il est utile de connaître les agents directement employés par les édiles dans toutes leurs fonctions et qui d’ailleurs se trouvent, au moins pour partie, dans toutes les magistratures.

 

§ 5. — LES APPARITEURS DES ÉDILES.

Le mot adparere après avoir eu un sens spécial exclusivement appliqué au service du licteur qui marchait le plus près du Consul (lictor proximus)[98] avait pris une acception étendue et servait à désigner l’action de remplir un des offices de tout genre exercés auprès des magistrats. Les titulaires de ces emplois devaient être des hommes libres, parce que, devant exécuter, du moins pour quelques catégories d’entre eux, les ordres des magistrats vis-à-vis de citoyens Romains, des esclaves n’y pouvaient lare employés ; pour les licteurs qui figuraient dans des procès ou des comices fictifs, ils devaient nécessairement être citoyens Romains ; la loi de Sylla sur les questeurs exige aussi que leurs appariteurs soient citoyens Romains. Ils recevaient tous un salaire de l’État[99]. En principe ils étaient engagés pour la durée des fonctions des magistrats auxquels ils étaient affectés, mais l’usage des réélections successives en fit pour ainsi dire des charges à rie ; ils n’étaient rattachés qu’à un collège de magistrats et non à la personne d’un des collègues ; par suite de la durée de leurs fonctions ils arrivèrent sous la République a se former en corporations, divisées en décuries ; cette dernière expression devint technique, au point qu’elle désigna même les corporations non divisées.

La corporation la plus considérée était celle des scribes[100] ils remplissaient les fonctions de secrétaires, greffiers et comptables ; quant au librarius c’était un simple copiste que l’on trouve au service de magistrats municipaux[101]. Les scribes sont désignés de deus et peut-être même de trois manières différentes Scriba seul, scriba librarius, qui équivaut à scriba[102], — et l’on trouve dans le Sénatus-consulte, rapporté par Frontin, qui détermine les insignes et l’apparition du curateur des eaux les mots scribas et librarios qui semblent bien désigner un seul et même genre d’appariteurs[103]. La corporation avait à sa tête un conseil, l’ordo, composé de 10 ou 6 membres. Les édiles ne devaient avoir qu’une décurie car on ne trouve nulle part la mention de plusieurs ; elle avait un ordo dont les membres étaient dits sexprimi ou curatores parmi lesquels, un princeps[104]. Les scribes avant d’entrer en exercice prêtaient, comme les magistrats, serment de remplir fidèlement leurs fonctions[105]. Celles des scribes des édiles curules devaient consister à les seconder dans la surveillance du trésor et des archives[106] ; ils devaient aussi leur servir de greffiers dans leur juridiction commerciale. On trouve de rares mentions de scribes d’édiles plébéiens, et ils paraissent n’avoir eu que des fonctions peu importantes que nous ne connaissons pas[107]. Enfin les scribes étaient chargés de donner communication à ceux qui avaient qualité des pièces ardées dans les archives publiques ; ils s’en acquittaient sans doute fort mal, car Cicéron s’en plaint[108] et plus tard Auguste retira aux édiles la garde des archives pour leur négligence et l’abandon qu’ils en faisaient à ces appariteurs[109].

Les édiles plébéiens ou curules, n’eurent pas de licteurs et par conséquent pas d’accensi, car il n’appartenait d’en avoir qu’aux magistrats pourvus de l’imperium. Cependant, il est possible que les édiles curules, dans la présidence des jeux de la Mère des Dieux, et les plébéiens, dans la présidence des jeux plébéiens, en aient eu pendant les fêtes[110].

Le texte de Tite-Live (XXX, 39) que nous venons de citer mentionne les viateurs des édiles curules, mais il faut croire que plus tard ils leur furent supprimés csar on n’en trouve pas trace dans les inscriptions.

Une inscription[111] porte viateur des édiles plébéiens de la loi Papiria ; on ne sait rien de cette loi. En tous cas ces viateurs n’auraient pas été les mêmes que ceux des magistrats supérieurs, chargés d’opérer des arrestations, car les édiles n’avaient pas la coercition ; ils levaient les employer comme messagers.

Les præcones, crieurs publics, étaient au dernier rang des appariteurs, et leur profession entraînait peut-être même des déchéances[112].

Leurs fonctions consistaient principalement à répéter à haute voix ce que le magistrat avait besoin de faire connaître au public ; nous ne nous occuperons pas de leur rôle dans les comices, puisque ceux des édiles n’y figuraient pas, ou du moins non comme appariteurs de ces magistrats. Ils annoncent les fêtes publiques[113], ils introduisent aux audiences particulières du magistrat[114] ; en matière criminelle ils sont, comme nos huissiers, chargés du service de l’audience, d’appeler les parties, de faire le silence, d’avertir les avocats, les témoins, d’annoncer la clôture des débats[115] ; ils opèrent dans toutes les adjudications et ventes publiques. Si, comme nous l’avons vu, ils étaient fort décriés, il parait néanmoins qu’ils pouvaient facilement s’enrichir, car Quintilien nous dit que la voix rapporte plus à un prœco qu’à un orateur et Martial nous montre un père de famille refusant 2 préteurs, 4 tribuns, 7 avocats et 10 poètes, pour donner sa fille au præco Euloge[116]. Une fois enrichis, ils pouvaient même aspirer aux honneurs, car la déchéance prononcée par la loi Julia Municipalis n’avait d’effet que pendant leur exercice[117].

Il n’y a pas de raison pour ne pas étendre à l’édilité Romaine, tout au moins à l’édilité curule, le tibicen et l’haruspex que la lex Genetivæ Juliœ (c. LXXII) accordait aux édiles municipaux. Le tibicen faisait sans doute partie du cortège du magistrat, principalement le soir, car nous avons vu que Duillius était, en outre de porteurs de torches, accompagné d’un joueur de flûte. Les édiles avaient aussi des fonctions très importantes dans les sacrifices[118] pour lesquelles l’haruspex peut leur avoir été nécessaire. Enfin les édiles pouvaient employer les esclaves de l’État pour les services publics[119].

 

§ 6. — LE CONSEIL DES ÉDILES

Le principe de la collégialité excluant la garantie de l’avis d’une majorité, il y avait lieu de recourir à des moyens d’atténuer cette toute puissance ; car dans bien des cas l’intercessio n’était pas admissible, ou encore ne se produisait pas. L’usage et la coutume y remédièrent par un conseil dont s’entourait le magistrat, dans certains ; cas, car en d’autres il était forcément exclu, par exemple dans les décisions prises à, la majorité, ou soumises à la provocatio, ou à l’intercessio. Le devoir de consulter s’impose au contraire dans les matières pénales en l’absence du droit de provocatio ; dans la procédure civile où la décision était remise à un seul ; dans la procédure administrative, c’est-à-dire dans les contestations de toute nature élevées entre l’État et un particulier ; dans les réceptions de travaux en exécution de marchés. Nous manquons de renseignements sur la composition du conseil des écules, il est possible qu’il variât suivant les circonstances, dans celles, par exemple, où la compétence d’hommes de l’art était nécessaire ; dans les cas les plus communs on peut supposer que des ædilicii, par exemple ou d’autres anciens magistrats, même des collègues en fonctions en faisaient partie, peut-être des gens d’une haute situation de fortune[120]. Enfin dans les mesures d’intérêt général, rares pour les édiles, mais apparaissant quelquefois en matière d’aqueducs a défaut de censeurs, il y avait lieu de prendre l’assentiment du Sénat.

 

§ 7. — NOMINATION ET ENTRÉE EN CHARGE DES ÉDILES

Tant que dura la République, l’échelle obligatoire des magistratures ne comprit que la questure, la préture et le consulat. Ce certus ordo magistratuum n’avait pas toujours existé, et il n’est pas facile de fixer la date précise où il commença. Une loi Villia votée sur la proposition du tribun L. Villius en 573 V. C. fixa l’âge auquel chaque magistrature pouvait être exercée[121], mais le mode de calcul pour chacune ne nous est pas indiqué, était-ce pour chacune en particulier, ou un ordre étant établi, l’âge de la première magistrature, combiné avec l’intervalle nécessaire entre l’occupation de deus magistratures déterminait il le minimum respectif’ ? On peut supposer aussi un système satisfaisant aux doubles conditions de ces deux hypothèses. M. Mommsen[122] admet la possibilité qu’une loi réglant cet ordre ait existé avant la loi Villia, mais en se fondant sur ce que très peu d’année ; auparavant la préture n’était pas la condition du consulat, il conclut qu’il est plus vraisemblable que la loi Villia ait eu elle-même cet effet. La continuité entre les magistratures plébéiennes et les patriciennes existait certainement avant l’an 558, de l’édilité plébéienne à l’édilité curule et surtout ü la préture : de 544 à 557, on relève les noms de dix-sept édiles plébéiens parvenus à la préture et l’exerçant dans l’année suivante.

L’édilité curule qui était généralement recherchée pour arriver aux magistratures supérieures par la popularité facile mais coûteuse qu’on pouvait s’y attira :, à aucune époque ne fut ni ne put être obligatoire pour arriver à la préture, car le nombre des préteurs étant de six alors que celui de ces édiles était de deux, le recrutement des premiers aurait été matériellement impossible. Si l’édilité plébéienne conduisait le plus souvent à la préture, elle ne fut pas non plus nécessaire car on a les exemples de bien des plébéiens parvenus au consulat sans avoir revêtu aucune des magistratures plébéiennes[123]. Ce n’est que sous Auguste que l’une des deux devint obligatoire pour un plébéien.

En dehors des trois magistratures de l’ordo certus il ne semble pas qu’il y ait eu sous la République d’âge légal pour les autres magistratures ; l’usage cependant dut y suppléer et avant qu’il n’y eût de loi annale, on voit repousser la candidature de personnes trop jeunes ; c’est ce que montre la nomination de P. Scipion en 511 âgé de 22 ans, qui n’eut lieu que par la volonté du peuple, alors que les tribuns s’y opposaient à raison de son âge[124]. Mais si l’édilité curule était facultative, il n’en fallait pas moins un intervalle de deux ans (biennium) entre elle et la préture[125].

Les conditions de capacité pour l’édilité sont les mêmes que pour les autres magistratures, en observant toutefois, pour l’édilité plébéienne, la règle inflexible qu’un plébéien seul peut y être nommé. Les inéligibilités sont absolues ou relatives. Parmi les premières figurent le défaut ou l’imperfection du droit de cité, par exemple l’absence de suffrage, l’état d’affranchi ou de fils d’affranchi, et des cas d’indignité qu’on ne peut énumérer parce qu’ils sont laissés en grande partie à l’appréciation du magistrat président de l’élection ; le fait d’avoir exercé certaines professions décriées, et d’une façon générale l’exercice actuel d’un métier[126]. Quant aux inéligibilités relatives nous avons déjà vu les principales en étudiant la question du cursus honorum et de l’âge auquel on pouvait aspirer aux magistratures en faisant ou n’en faisant pas partie ; ainsi l’âge est un empêchement relatif car nous avons cité des exemples où il p’en avait pas été tenu compte , il en est de même pour le service militaire et sa durée ; l’occupation de la même magistrature ne pouvait avoir lieu qu’après un intervalle de dix ans ; l’exercice de deux magistratures différentes successivement dans une même année[127] et le cumul de deux magistratures étaient également interdits[128] ; l’espace de deux ans (biennium) était exigé entre l’occupation de deux magistratures patriciennes, l’espace d’un an et quelques jours entre deux magistratures l’une plébéienne et l’autre patricienne, sans qu’il y eût à distinguer la nature de celle qui avait été la première occupée. Enfin, la déclaration de la candidature (professio) qui jusqu’à la fin du VIe siècle était dans les usages, sans être exigée à peine de nullité, devait dans la dernière période de la République au plus tard être faite avant le jour oit se faisait l’annonce des comices. Deus autres causes d’inéligibilité ne sont pas applicables lus candidats de l’édilité : celle du magistrat qui procède aux élections, et celle du candidat qui n’a pas exercé la magistrature immédiatement précédente dans le cursus honorum.

La personne qui avait la capacité d’exercer une magistrature suivant les conditions que nous renons d’énumérer en quelques mots, et qui désirait y être nommée avait évidemment des démarches à faire quelque temps avant les élections[129]. Elle devait faire connaître ses intentions et s’assurer des chances qu’elle pouvait avoir.

Dans ce but le candidat faisait des visites de droite et de gauche, ce qui s’appelait ambitus[130], mot qui a fini par designer la brigue dans toutes ses variétés ; dans ces allées et rentres on serrait la main même à des inconnus, c’était la prensatio[131]. Le nom de candidatus vient de l’usage de porter une robe blanche pour attirer sur son attention lorsque l’on briguait une magistrature. Cette coutume remonte sans doute très haut ; car en 323 un plébiscite défendit non pas de porter une toge blanche, mais d’y ajouter une matière qui la rendit plus brillante[132], néanmoins elle prévalut et nous la trouvons en pleine vigueur au VIe siècle. Le candidat se plaçait sur une plate-forme ou sur une éminence d’où tous les yeux pouvaient le voir[133]. On comprend que l’abus dans les manœuvres permises s’introduisit bientôt et que des lois durent le réprimer[134] ; leur nombre même prouve leur impuissance, et la brigue déborda à un tel point à la fin de la République qu’elle fut considérée comme passée dans les mœurs et que souvent les dispositions pénales des lois de ambitu restèrent inappliquées[135].

Il y eut pour toutes les magistratures patriciennes ordinaires et continues, et pour les magistratures plébéiennes dans les mêmes conditions, un intervalle entre la nomination du magistrat et son entrée en fonctions ; pendant cette période il est designatus ; il n’y eut pas de durée légale mais elle résultait du rang où venait, dans les différentes élections, la magistrature recherchée. L’ordre suivi pour les magistratures supérieures au sens large, était l’ordre hiérarchique : Consuls, préteurs, édiles curules, questeurs. Quant aux différentes magistratures composant le vigintisexvirat, nous n’en connaissons pas le règlement, mais il est probable qu’elles suivaient de près les précédentes.

Les élections plébéiennes indépendantes pour l’ordre et le temps des élections patriciennes, eurent certainement lieu à l’origine dans l’ordre de tribunat et édilité : peut-être fut-il renversé plus tard lorsque l’édilité précéda le tribunat dans l’échelle des honneurs.

La présidence des élections patricienne appartenait au consul ; leur date jusqu’à la fin du VIe siècle varia beaucoup parce que les points extrêmes d’une magistrature n’étaient pas déterminés par des dates fixes du calendrier ; à cette époque l’année des magistratures commençant aux ides de mars, on peut supposer les élections en Janvier, sans qu’on sache la date des élections. Sous Sylla il semble qu’elles eurent lieu au mois de Juillet[136]. Tous les magistratures plébéiennes nous savons qu’au VIe et VIIe siècles l’entrée en fonctions était fixée au 4e jour des ides de Décembre, c’est-à-dire le 10, pour les tribuns[137], mais les édiles entraient en fonctions en même temps que les édiles curules[138]. Une règle ancienne et sans doute générale, bien que les termes employés par Cicéron semblent la restreindre à l’édilité tranchait le cas où deux compétiteurs auraient eu le même nombre de voix en faisant décider par le sort[139]. D’ailleurs ce qui tend à démontrer sa généralité c’est que la loi de Malaca dispose de même[140]. Avant que la nécessité de la déclaration de candidature existât, on pouvait nommer un absent, et le fait s’est présenté plusieurs fois pour des édiles curules[141]. Le magistrat qui présidait les comices devait faire des diligences pour informer l’absent de sa nomination.

Le premier acte du magistrat devait être une prise d’auspices pour savoir si les dieux lui étaient favorables. Une loi curiate aussi devait avoir lieu peu de temps après l’entrée en fonction des magistrats pour leur confirmer l’imperium ou la potestas seulement suivant la qualité des magistratures[142]. Dans les cinq jours de leur entrée en charge les magistrats devaient lutter serment d’observer les lois, jurare in leges, au temple de Castor en présence du questeur urbain qui constate la prestation sur les registres publics[143]. Le défaut de serment dans le délai prescrit entraîne la déchéance de la magistrature. Quand un absent était nommé, comme nous avons vu qu’il pouvait arriver, une loi lui enjoignait de revenir et il devait prêter serment dans le délai de cinq jours à partir du moment où il serait à même de le faire. Dei cas plus particuliers encore pouvaient se présenter. Un flamine de Jupiter (flamen dialis), C. Valerius Flaccus nommé édile, curule en 554 ne pouvait se soumettre à la formalité à cause de son caractère sacerdotal, un sénatus-consulte lui permit de faire jurer par procuration, et ce fut son frère le préteur qui s’en acquitta ; un plébiscite déclara que ce serinent équivalait à celui qu’il aurait prêté lui-même[144]. Une autre cause pouvait forcer le magistrat à se démettre par devoir de conscience : l’élection, par exemple, pouffait être vicieuse[145]. Mais en fait le magistrat était inamovible et ne pouvait être forcé d’abdiquer ; il fallait un acte de sa volonté. Ce ne fut que depuis la période révolutionnaire ouverte par Tiberius Gracchus[146] et sous le principat que l’on trouve des cas d’abrogations.

Après la cessation des fonctions du magistrat, les décisions rendues par lui, les contrats passés restent en vigueur, car il y a été le représentant de l’État. L’ordre donné pendant les fonctions, exécutoire avant qu’elles ne prennent fin reste valable, mais si un jour est indiqué postérieur à la cessation, il devient nul de plein droit[147] : il en est ainsi pour les citations judiciaires, pour les convocations ; les actes de procédure faits par eus dans une poursuite peuvent certainement être négligés par leur successeur qui peut du reste abandonner la poursuite elle-même, mais on ne sait s’il pouvait les considérer comme valables et suivre sur leurs errements. Enfin il y avait dans le défaut d’une loi positive des cas où il était laissé à l’initiative du magistrat d’y supplier[148]. L’acte fait dans ces circonstances ne liait pas le successeur. L’application la plus importante de ces principes est dans l’édit que certains magistrats, parmi lesquels les édiles curules, rendaient à leur entrée en charge, et dont les dispositions en tant qu’elles étaient étrangères aux lors théoriquement tombaient avec leurs pouvoirs ; en fait, la majeure partie en était reproduite par le successeur.

Dans le cas d’empêchement du magistrat, il devait être pourvu à ce qui était urgent ; plusieurs moyens pouvaient être employés. Le magistrat ne pouvait par un acte de sa volonté se faire représenter, il ne pouvait déléguer son autorité ; le principe de la représentation qui ne fut admis que très tard dans le droit privé n existait pas du tout dans le droit public. Mais lorsqu’il s’agissait d’un fait indépendant de la volonté, il fallait bien le remplacer dans ses attributions ; si l’acte n’était pas rigoureusement personnel, la collégialité fournissait un remède en de nombreuses circonstances. Ainsi en cas de vacances d’une des charges des édiles, probablement les autres pouvaient répartir entre eux par la voie du sort l’administration du quartier de la ville qui n’avait plus de titulaire. Dans le cas de vacance complète de la magistrature, ce moyen était inapplicable, il fallait bien la représenter et on recourut toujours à d’autres magistrats dans ce but ; pour les édiles curules on connaît plusieurs exemples de leur remplacement par les préteurs urbains pour leur juridiction[149]. Lorsque le consulat devenait vacant, par suite du jeu des institutions la close aboutissait à un interrègne où toutes les magistratures patriciennes, même les édiles curules et les questeurs disparaissaient. On ne sait par quels moyens il était pourvu à l’exercice de leurs fonctions. M. Mommsen[150] suppose qu’a cause de l’ordre hiérarchique des élections, les magistrats supérieurs, comme au début, recouvraient toutes leurs attributions primitives que ne reprenaient les différents titulaires qu’au fur et à mesure de leurs nominations.

La responsabilité des magistrats pour leur gestion était celle du droit commun, et jusqu’à la réforme de la procédure des quæstiones par Sylla, il n’y avait pas de tribunal spécial pour eus ; elle existait soit vis-à-vis des particuliers, soit vis-à-vis de l’État. Dans le premier cas une action pécuniaire pouvait être exercée pour les soustractions de biens ou les dommages causés, ou les atteintes à l’honneur. Dans le second cas, on distingue si le magistrat est simplement tenu d’employer les fonds mis à sa disposition, ou de les restituer, ou s’il est aussi tenu de justifier de l’emploi par une reddition de compte. La dernière obligation ne parait n’avoir été imposée qu’aux questeurs. Ainsi les édiles ne rendent pas compte des amendes prononcées par eus et dont ils ont fait le recouvrement, ni de la subvention qu’ils reçoivent pour les jeux qu’ils sont chargés de célébrer. Pour l’exercice des actions en responsabilité contre un magistrat pendant qu’il est en fonctions, il y a lieu de tenir compte des règles relatives à la par majorce potestas ; le principe que le magistrat supérieur ou égal peut regarder comme non avenu à son égard l’ordre d’un magistrat a toujours été appliqué. Mais en sens contraire l’inférieur doit se rendre à l’ordre du supérieur et la citation des édiles curules devant le préteur est possible[151] ; aussi celle des édiles plébéiens dont l’inviolabilité, comme nous l’avons vu, fut oubliée et même ne fut jamais respectée.

Nous avons vu dans ce rapide aperçu la preuve que l’état de la science actuel nous permet de connaître de l’origine et du développement de la magistrature chargée de l’administration générale de la tille de Rome ; nous allons étudier dans ces différentes parties le champ ouvert à son activité vers la fin de la république, époque à laquelle nous pouvons commencer à puiser des renseignements dans des sources contemporaines.

 

 

 



[1] Droit public romain, trad. franç., t. IV, p. 161.

[2] Tite-Live, V, 11.

[3] Tite-Live, II, 24.

[4] Tite-Live, II, 32.

Pour expliquer l’origine plébéienne de ce sénateur, il faut probablement supposer qu’il fit partie de ces chevaliers que Brutus fit entrer au Sénat après la chute des Tarquins, pour le compléter (Conscripti — T. L., II, I. — Festus v° Adlecti.)

[5] Tite-Live, II, 53, 58. Cicéron, De rep., II. 54.

[6] Festus. Épitomé, v. s. Quant à l’étymologie donnée par Festus à la suite de sa définition quod facilis ad eum plebi aditus, elle se passe de commentaire, bien que Théophile (Just. l. 2. § 7) la considère comme Τό πάντων αληθίστατον.

[7] Tite-Live, VI, 42.

[8] Plebeius : Festus v° Plebeii ædiles. — Tite-Live II. 36. — Chez Tacite (Ann., XIII, 28) plebei par un seul i, mais la construction de la phrase où il est opposé à curules et qualificatif du sujet d’un verbe exige qu’il soit considéré comme adjectif. — Plebei ou plebi : Ædilis plebi se trouve textuellement C. I. L. VI, 1696. — Appliqué au tribunat pour lequel on ne trouve jamais l’adjectif : Tite-Live (loc. cit.). — Lex Acilia repet. l. 81. — Il est remarquable que dans la formule d’exécration de la loi Valeria Horatia sur l’inviolabilité des magistrats de la plèbe, les tribuns venant d’être nommés tribuni plebis, le nom des édiles ne soit pas suivi de cette désignation (Tite-Live, III, 55).

[9] Droit public rom., III. p. 314.

[10] Cicéron, Pro C. Cornelio ap. Asconium.

[11] Tite-Live, II, 56.

[12] Droit public rom. VI, I, p. 170.

[13] Cette influence est indiquée par Tite-Live (II, 56), à propos de la résistance des patriciens au vote de la loi Publilia.

[14] Tite-Live, II, 56.

[15] Tite-Live, II, 57, 58. Il est bien évident qu’il n’avait pas été possible que les tribuns présidassent la première année, puisqu’ils n’existaient pas.

[16] Tite-Live III, 64. La première année, les tribuns n’existant pas, ce fut le grand pontife qui présida.

[17] Tite-Live, III, 31.

[18] Tite-Live, III, 32.

[19] Tite-Live, III, 44 à 50.

[20] Tite-Live, III, 50 à 54.

[21] Tite-Live, III, 54.

[22] Tite-Live, IIII, 35.

[23] Droit public romain, IV, p. 164 et n. 1.

[24] Festus v° sacrosanctum.

[25] M. Mommsen reconnaît lui-même le peu de portée de l’argument fondé sur les paroles de Caton, quand il admet qu’on peut eu tirer une preuve que le principe de sacrosanctitas était controversée, puisque Caton se croyait obligé de le consolider (IV, p. 179, n. 1.)

[26] Droit public romain, IV, p. 164, n. 1.

[27] Denys, VII, 26. Plutarque, Coriolan, 17.

[28] Tite Live, XXIX, 20.

[29] Denys, VI, 90.

[30] Mommsen, Droit public rom., IV, 168.

[31] Tite-Live, (300 V. C.) III, 31. — Denys, X, 50, donne les mêmes chiffres ; il appelle le tribun Siccius et dit que l’édile Lucius avait été tribun l’année précédente.

[32] Droit public rom., III, p. 575, et ibid. n. 2.

[33] Denys, X, 50.

[34] Tite-Live, V, 55.

[35] Tite-Live, VI, 4.

[36] Lex coloniæ Gen. Juliæ, cap. XCVIII.

[37] Digeste, I, 2, l. 2, § 21.

[38] Tite-Live, III, 57.

[39] Tite-Live, IV, 30.

[40] Tite-Live, III, 6.

[41] Die urspruengliche Competenz der ædiles plebis, Bonn, 1882.

[42] Un article publié dans une revue : Zeitschrift der Savigny stiftung, 1883 (partie Romaine).

[43] Nous rappelons le texte précité de Tite-Live (VI, 42) où il résulte d’une façon indubitable que les édiles n’eurent la garde des sénatus-consultes que leur remettait les consuls qu’à partir de l’année 306 V. C. après l’abdication des décemvirs.

[44] Tite-Live, III, 55.

[45] Pline, Histoire naturelle, XVIII, 3.

[46] Droit public Rom., IV, p. 166, fin de la note de la page précédente.

[47] Tite-Live, VI, 34. Suit l’anecdote du retour du consul, annoncé par les coups de la baguette du licteur sur la porte.

[48] Tite-Live, VI, 37.

[49] Tite-Live, VI, 55, sous l’an 379 V. C.

[50] ) Tite-Live, VI, 35, (279-285).

[51] Tite-Live, VI, 42.

[52] Tite-Live, VII, 1.

[53] Tite-Live, VI, 42, in fine.

[54] Tite-Live, VI, 42, in fine.

[55] Tite-Live, VI, 42. — Pomponius, I, 2, l. 2, § 26.

[56] Mommsen, Droit public romain, IV, p. 172, n. 2.

[57] Tite-Live, VII, 1.

[58] Il manque les premiers mots ; on le trouve à la suite de l’article Salularis porta. Voici comment M. Mommsen le restitue : [Saltatores qui n]unc ludi : scænicos [ludos saltibu]s primum fecisse C.... [fi]lium M. Popillium M. [f. curules a]ediles memoriæ [prodiderunt] historici ; solebant [enim saltare in orchestra... etc.

[59] Tite-Live, VII, 2.

[60] Tite-Live, VII, 12.

[61] Tite-Live, IX, 46.

[62] Tite-Live, XLIV, 43 ; XXV, 2 ; XXVII, 16 et  21, 33, 36 ; XXVIII, 10. XXX, 11, 38 ; XXXI, 30 ; XXXII, 27 ; XXXIII, 25, 42 ; XXXIV, 34 ; XXXV, 10.

[63] Cicéron, De Oratore I, 15 (57). — Or la scène de ce dialogue est placée par l’auteur à Tusculum pendant la célébration des jeux romains sous le Consulat de L. Mucius Philippus (fast. Capital. A° DCLXII. Varr. DCLXIII) et au moment de la lutte soutenue par le tribun Lisius Drusus pour rendre au Sénat les listes de juges (de orat. I, 7).

[64] Tite-Live, VIII, 1.

[65] Dion Cassius XLIII, 51. Pomponius, Digeste, I, 2, l. 2, § 52. — Suétone, César, 41.

[66] Aulu-Gelle, XIII, 14.

[67] De legibus, III, 3.

[68] C. Julius Cæsar, XLI.

[69] Aulu-Gelle, XIII, 13. — D’ailleurs à la cessation des fonctions du magistrat, il aurait toujours pu le citer devant le préteur et dans le cas où son action eût été éteinte par l’arrivée d’un terme, il aurait pu demander la restitutio in integrum, c’est un des cas où elle est accordée aux majeurs de 25 ans. Digeste, IV, 6, l. 1, § 1.

[70] Horace, Satires, I, 6, v. 28. Voir aussi Satires, I, 3, v. 36, où il montre la prétexte et le laticlave réunis.

[71] Festus v° Mullcos.

[72] C’est sans doute la raison pour laquelle César, qui, de la gens Julia, descendait des rois à Albe portait des chaussures rouges et hautes. Dion Cassius, XLIII, 45.

[73] De pallio, V.

[74] Isidore, XIX, 54. Horace (Serm., I, 6, v. 27) dit que ces courroies étaient noires.

[75] Cicéron, De Senect., XIII (44). — M. Mommsen (IV, p. 61, n. 2) dit qu’il avait au moyen de ce texte conjecture ce droit pour les magistrats, et que depuis, le chapitre 62 de la loi municipale de Genetiva l’a établi à l’évidence. — Plutarque dans le texte cité quelques lignes plus loin (Questions romaines, 2) l’a bien précisé aussi car il donne même le nombre des flambeaux et pour les édiles de Rome.

[76] Droit public Rom., II, p. 61.

[77] Horace, Satires, I, 5, vers. 34 à 35

Fundos Aufidio Lusco praetore libenter

Linquimus, insani ridentes praemia scribae,

Praetextam et latum clavum prunaeque batillum.

Au lieu de Batillum un scholiaste sur ce vers propose de lire vatillum. Saumaise sur les mots coctilium quotidiana batilla quatuor, (Vita Claudii, c. 14, Treb. Pollio) en proposant aussi le changement pour ce texte nous dit ex veleri interprete Horatii : Vatillum, diminutivum avase, quasi vas parvum in quo odores incendebantur. — Estienne (Thesaurus ling. lat. — Edit. Gesner, Leipzig, 1760) donne du mot batillum la définition suivante : ferreum instrumentum quo prima colligitur ad similitudinem palæ, et il ajoute sur le vers d’Horace que nous venons de citer (V. 36) : ubi, poculum gestatilem significat in quo odores accendebantur. Cette définition s’accorderait assez bien avec la pompe accompagnant un magistrat, elle suppose que ce réchaud contenait aussi des parfums.

[78] Cicéron, in Verrem, V, 13 (36).

[79] Pline, XXIII, 1, passim.

[80] Tite-Live, Epitomé, XIX.

[81] Festus, v° Senatores. — Les mots quibusque in Senatu... sont ceux de la formule même de l’édit. Aulu-Gelle, III, 18.

[82] Festus, v° Præteriti.

[83] Tite-Live, XXII, 49.

[84] Tite-Live, XXIII, 23.

[85] Tite-Live, XXXIV, 44.

[86] Varron, De ling. lat., V (IV), 128.

[87] Droit public Rom., IV, p. 168.

[88] Tite-Live, VI, 41. — Nous avons vu qu’avant cette loi Publilia il y avait prise d’auspices dans les élections par curies : Cicéron, pro C. Cornelio ap. Ascon.

[89] Tite-Live, XXX, 39.

[90] Droit public Rom., III, p. 397.

[91] L’obnuntiatio par un magistrat dut même être admise contre les assemblées de la plèbe : Cicéron, In Vatinium, VII (17).

[92] Comme nous le verrons dans la section des jeux, la présidence appartenait au consul.

[93] Lex Julia municipalis : la loi (L. 24) ordonne que les édiles curules et plébéiens partagent entre eux les régions de la ville puis elle les investit de diverses fonctions entre autres de mettre en adjudication les travaux à la charge du riverain et non faits par lui : l. 34.

[94] Tite-Live, III, 55.

[95] Tite-Live (XXXIX, 4) nous donne la première mention du dépôt à l’ærarium des sénatus-consultes. — Suétone (Auguste, 94) en nous montrant des sénateurs craignant l’effet d’un sénatus-consulte, en empêcher le dépôt à l’ærarium semble indiquer que ce dépôt était nécessaire à sa validité. Enfin Tacite (Annales, III, 51) établit d’une façon nette que le sénatus-consulte ne pouvait être exécuté qu’après son dépôt à l’ærarium : Tibère pour détourner de soi les soupçons d’une exécution à mort trop rapidement faite en vertu d’un décret du Sénat sollicita lui-même et obtint un sénatus-consulte qui décidait : ne decreta patrum ante, diem decimum ad ærarium deferrentur ; idque vitæ spatium damnatis prorogaretur.

[96] Droit public Rom., IV, p. 181 et suiv.

[97] Tite-Live XXXIX, 14. — Enfin au troisième rang, les triumvirs capitaux sont chargés de rondes nocturnes, et au dernier les quinqueviri uti cis Tiberim doivent veiller aux incendies. On suit l’échelle descendante.

[98] Valère Maxime II, 2, 4. — Aulu-Gelle, II, 2. — Tite-Live, XXIV, 44.

[99] Lex Coloniæ Genetivæ, c. 81. — Cicéron, Verrès, 78 (182). — Lex Cornelia de XX quæstoribus.

[100] Cicéron, in Verrem, III, 79 (183).

[101] Lex Coloniæ Geneticæ, c. LXII.

[102] Festus, v° Scriba.

[103] Frontin, de aquæd., n° 100.

[104] Cicéron, De nat. deor., III, 30 (74). — Princeps : Bull. del comm. Mun. di. Roma, 1886, p. 371.

[105] Lex Col. Genet., c. LXXXI.

[106] Tite-Live, XXX, 39, 550 V. C.

[107] C. I. L., VI, 1855 ; VI, 1847 ; VI, 1822.

[108] Cicéron, de leg., III, 20 (46).

[109] Dion, XLIV, 36, an 745 V. C.

[110] Les édiles pendant l’intervalle de l’édilité à la préture étaient souvent judices quæstionis inter sicarios ; dans ce cas ils avaient des licteurs : Cicéron, Pro Cluentio, LIII (147).

[111] C. I. L., VI, 1933.

[112] La loi Julia municipalis ne vise pas directement les appariteurs, mais les præcones en général et il semble bien qu’ils y soient néanmoins compris ; elle les déclare inéligibles aux magistratures locales lign. 94.

[113] Suétone, Claudius, 21.

[114] Cicéron, In Verrem, III, 79 (183).

[115] Tite-Live, VII, 32, 33. — Quintilien, Inst. or., VI, 5 ; XI, 3. — Cicéron, Pro Flaco, IV (34). — Cicéron, in Ver., II, 30 (75). — Quintilien, Inst., I, 4. — Cicéron, Pro Cluentio, 27 (75). — L’indication de dixere par Quintilien est plus précise, car il se sert de ce mot comme à un exemple pour démontrer que si primitivement la forme en re fut un duel comme en grec, il n’en restait plus trace.

[116] Quintilien, Inst. or., VI, 4. — Martial, VI, 8.

[117] Cicéron écrit en 708 V. C. (la loi Julia Municipalis est de 709) à Lepta (ad famil., VI, 19). — Lex Jul. Municip., l. 94.

[118] Festus : Murrata potione usus antiquos indicio est que etiam nunc ædiles per supplicationes diis addunt ad pulvinaria. Id. v° s. optatam hostiam, alii optimam appellant eam quam ædilis tribus constituais hostiis optat quam immolari velit.

[119] Aulu-Gelle, XIII, 13.

[120] C’est à quoi semble faire allusion ce vers de Juvénal, satire V, 162.

[121] Tite-Live, XL, 44.

[122] Droit public Rom., II, p. 193.

[123] Cicéron, Pro domo, XLIII, (111-112) nous montre sans le nommer, un homme nobilis qui pour la gloire de l’édilité qu’il allait briguer avait rapporté de Tanagre une statue et de la Grèce entière une quantité d’objets d’art, y renoncer pour se présenter directement à la préture. — M. Mommsen désigne Appius Claudius comme étant ce candidat à l’édilité. Cicéron (ad Attic., II, ép. 2) écrit que cet Appius favorisait les entreprises de Clodius contre lui, en convoquant une assemblée. — Le même (de officiis, II, 17 (57-58) cite Mamercus comme ayant subi un échec dans sa candidature au consulat pour n’avoir pas exercé l’édilité et il rapporte que L. Philippus et M. Curio se vantaient à être parvenus aux plus hauts honneurs sans avoir eu les charges de l’édilité.

[124] Tite-Live, XXV.

[125] Cicéron, ad familiares, X, ep. 2. Furnius avait probablement succombé dans sa candidature à l’édilité.

[126] C’est ce que nous voyons pour Cn. Flavius, Aulu-Gelle, VI, 9. — Tite-Live, IX, 46, rapporte les mêmes faits et accentue la renonciation de Flavius à sa profession de scribe en la faisant accompagner d’un serment. — Une autre version qu’il donne d’après Macer prouverait, si elle était vraie, la même chose.

[127] Tite-Live, VII, 42 (a° 413 V. C.).

[128] Le cumul d’une magistrature patricienne et d’une magistrature plébéienne était-il absolument impossible ? Pline l’Ancien (Hist. nat., XXXIII, VI) : (Cn. Flavius) publia la liste des jours fastes..... La publication de cette liste lui acquit tant de faveur auprès du peuple, qu'il fut nommé édile curule avec Q. Anicius de Préneste..... Ce ne fut pas tout ; on le fit en même temps tribun du peuple. — Nous avons vus à propos du même personnage, dans Tite-Live (VII, 46) que Macer Licinius prétend qu’il avait été tribun avant d’être édile curule. Dans le récit de la compétition pour la préture entre C. Valerius flamen Dilis et Q. Fulvius Flaccus, édile désigné, il semble que la raison principale pour repousser la candidature de l’édile à la place du préteur décédé, fut : quod duos simul unus magistratus ; præsertim curules nuque capere posset nuque gerere. — Præsertim fait élever un doute sur le cas où l’une des magistratures eût été plébéienne. Enfin Plutarque (C. Gracchus, c. 8) dit qu’on pensait que C. Gracchus avait l’intention de briguer le tribunat et le consulat.

[129] À l’époque de Cicéron c’était environ 12 mois avant l’élection. A propos de son consulat il écrit à Atticus (I, ep. 10) : Initium prensandi facere cogitaramus... in campo comitiis tribuniciis a. d. XVI kalend. Sext. (689 V. C) ; il fut élu le même mois de l’année suivante.

[130] Varron, de ling. lat., V, 28. — Festus, v° Ambitus.

[131] Valère Maxime, VII, 3. — Cicéron, Ad Atticum, I, 10.

[132] Tite-Live, IV, 25. — C’était de la craie qu’on ajoutait. Perse, Satire V, V, 187.

[133] Tite Live, XXVI, 18. — Macrobe, Saturnales, I, 16.

[134] En 397 le plébiscite Pételien (Tite-Live, VII, 15). En 440, mesures prises par le dictateur C. Mænius, pour réprimer les coalitions (Tite-Live, IX, 26). En 571, lex Cornelia Bæbia. (Tite-Live, XL, 18.) En 686 lex Calpurnia par les consuls C. Calpurnius Piso et M. Glabrio (Cicéron, pro Murena, XXIII). En 690 la loi Fabia (Cicéron, pro Murena, 34.) En 698 lex Licinia de ambitu et sodalitiis (Cicéron, pro Plancio, XV et XVI). Lex Pompeia de vi et ambitu en 701 (Asconius in or. pro Milone.) nous fait connaître tonte la procédure de la poursuite. En 634 la loi Maria avait introduit dans les comices des mesures matérielles destinées à empêcher la corruption des électeurs allant au vote. Enfin le tribun Lurco proposa nue loi qui avait comme particularité qu’elle ne punissait pas le corrupteur pour la simple promesse d’une somme d’argent, mais pour le versement, et la sanction consistait en une rente de 7.000 sesterces à servir sa vie durant à chacun des membres de la tribu dont il avait sollicité le suffrage. (Cicéron, ad Alttic., I, 16). Nous ne savons la suite qu’eut cette proposition.

[135] Cicéron, Pro Plancio, XVIII. Cneus Plancius fut acquitté malgré la probabilité des accusations portées contre lui.

[136] Cicéron, In Verrem, act. I, X (30 et 31) Nonas sunt hodie sextiles (5 août 684), il vient d’énumérer tous ceux qui ne pourront être juges pour avoir été nommés quelques jours auparavant aux différentes magistratures.

[137] Tite-Live, XXIX, 52 (anno. 569 V. C.).

[138] Plutarque rapporte dans la Vie de Marius, qu’il échoua le même jour aux élections des deux édilités, ce qui fut un fait unique.

[139] Cicéron, Pro Cn. Plancio, XXI (35).

[140] Loi de Malaca, cap. LVI, in fine : Si duo pluresce totidem suffragia habebunt... nomina eorum in sortem conjicito et uti cujusque nomen sorti ductum erit ita eum priorem alis renuntiato.

[141] Tite-Live, XXIX, II, An. 349 V. C. — Id., XXXI, 30, An. 554 V. C.

[142] Aulu-Gelle, XIII, 14.

[143] Loi de Brutia, c. 3. Voir aussi la note suivante pour le délai de 5 jours.

[144] Tite-Live, XXXI. 50. Comitiis ædiles curules creati sunt forte ambo qui statim occipere magistratum non possent...... C. Valerius Flaccus..... quia flamen Dialis erat jurare in leges non poterat ; magistratum autem plus quinque dies, nisi qui jurasset in leges, non licebat gerere. Petente Flacco ut legibus solveretur, senatus decrevit ut si ædilis qui pro se juraret arbitratu consulum daret, consules si iis videretur cum tribunis plebis agerent uti ad plebem ferrent. Datus qui juraret pro fratre L. Valerius Flaccus prætor designatus; tribuni ad plebem tulerunt plebesque scivit ut perinde esset ac si ipse ædilis jurasset.

[145] Tite-Live, XXX, 39. — Dion (LIV, 24) cite un cas pour les édiles curules.

[146] Julius Obsequens, ne cite en dehors du cas douteux du consul Collatinus destitué par son collègue Brutus, que des exemples postérieurs à celui d’Octavius dépouillé du tribunat par Ti. Gracchus : n° 70. — Scheffer remarquant que tous les détails donnés par Obsequens sont reproduits par Dion (XLVI), pense que ces deux auteurs les ont empruntés à Tite-Live.

[147] Modestin (Digeste, L. 17, l. 193). Expressa notent : non expressa non nocent.

[148] Papinien (Digeste, I. I, l. 7, § 1) Adjuvandi, vel supplendi... Suris civilis gratia.

[149] Dion en fait mention deux fois en 718 (LI, 16) et en 726 (LIII, 2) il distingue cependant entre les choses d’une plus grande importance, et les autres pour attribuer les premières au préteur urbain et les autres au préteur pérégrin ; et il donne la chose comme usuelle — Une inscription C. I. L., VI, n° 1501 semble exiger la délégation par un sénatus-consulte : Prætor ex. S. C. pro ædilibus jus dixit.

[150] Droit public Rom., II, p. 335.

[151] Aulu-Gelle, XIII, 13.