CHAPITRE PREMIER. — GUERRE D'ARAGON (1285-1295).
Développement de la
diplomatie au treizième siècle. — Charles de Valois nommé roi d'Aragon par le
pape Martin IV. — Guerre. — Le roi Édouard Ier d'Angleterre interpose ses
bons offices. — Sa partialité peur l'Aragon. — Alliance de Philippe le Bel
avec Sanche, roi de Castille. Traité de Tarascon, 1290. — Paix définitive. —
Difficultés à cause de la vallée d'Aman.
La
dernière moitié du treizième siècle vit jeter les premiers fondements du
droit public européen : les relations entre les différents royaumes
chrétiens, devenues de plus en plus fréquentes par suite des progrès de la
civilisation et de l'essor du commerce, furent soumises à des règles communes
: il se forma dès lors une sorte d'équilibre entre les grandes puissances qui
se partageaient l'empire du monde. Chacun prétendit empêcher l'extension
territoriale de ses voisins, tout en cherchant à s'agrandir soi-même. Deux
principales nations, la France et l'Angleterre, se surveillaient d'un œil
jaloux, redoutant l'une et l'autre l'accroissement de sa rivale. La force des
armes n'était pas le seul argument auquel on eût recours pour étendre sa
puissance et limiter celle d'autrui : la diplomatie, science nouvelle, mais
portée déjà à un haut degré de perfection, jouait un rôle important ; elle
préparait d'utiles alliances, établissait des liens de famille, excitait des
antipathies de race, semait l'or à propos et faisait naître de redoutables
coalitions. Le
règne de Philippe le Bel est remarquable par de nombreuses négociations, qui
eurent pour but soit de prévenir des guerres, soit d'y mettre un terme, soit
enfin de procurer des accroissements de territoire. Je crois que l'exposé
sommaire des relations de ce roi avec les puissances étrangères offrira
quelque intérêt. Philippe
le Hardi avait légué à son fils la guerre contre l'Aragon, entreprise à la
sollicitation du Saint-Siège. On sait comment la tyrannie de Charles d'Anjou
en Sicile avait amené les Vêpres siciliennes : don Pèdre, roi d'Aragon, avait
été choisi pour roi par les Siciliens. Le pape Martin IV l'excommunia, prêcha
une croisade contre lui, et donna la couronne d'Aragon à Charles de Valois,
second fils du roi de France. Philippe le Hardi, soutenu par les décimes
ecclésiastiques, envahit l'Aragon avec une forte armée ; mais il rencontra
les plus grandes difficultés dans un pays dont les habitants étaient restés
fidèles à leur roi. Il prit pourtant Girone après un long siège ; mais, forcé
de repasser précipitamment les Pyrénées, il tomba malade de la fièvre et
mourut à Perpignan (5 octobre 1285). Don Pèdre ne lui survécut que de quelques jours :
il eut pour successeur en Aragon son fils Alfonse, et en Sicile don Jayme. Le
prince de Salerne, héritier de Charles d'Anjou, était prisonnier. Le
nouveau roi de France avait des intérêts plus pressants que de conquérir une
couronne à son frère : il se hâta d'abandonner l'armée. Les hostilités
continuèrent, mais avec moins d'activité, sous la direction du roi de
Majorque, allié des Français. C'était
ordinairement le Saint-Siège qui, lorsqu'une guerre éclatait, cherchait à
mettre un terme aux hostilités et proposait son intervention. Dans le cas
présent, le pape était le promoteur de la guerre ; mais les droits de
l'humanité ne restèrent pas sans défenseurs. Les fils du prince de Salerne
avaient écrit une lettre touchante au roi d'Angleterre, Édouard Ier, pour le
supplier de faire mettre en liberté leur père, son proche parent et son ami
d'enfance[1]. Les barons de Provence
s'étaient associés à cette démarche, qui fut bien accueillie[2]. Le roi d'Aragon se déclara
prêt à des concessions[3]. Édouard vint en France, eut
une entrevue avec Philippe le Bel et lui offrit sa médiation, qui fut
acceptée[4] ; une trêve fut conclue[5], sauf l'approbation du pape[6], et rendue exécutoire
immédiatement[7]. Le pape approuva la conduite
d'Édouard, tout en lui recommandant de ne pas sacrifier les intérêts du roi
de France et du prince de Salerne, devenu roi de Naples par la mort de son
père[8], et dont la délivrance était
l'objet principal des négociations. Édouard
né se montra pas entièrement désintéressé : il voulut à la fois faire mettre
en liberté son ami et se faire un allié du roi d'Aragon. Il envoya le sire de
Grailly proposer à don Alfonse la main d'une de ses filles, et une alliance
intime avec l'Angleterre. Il lui promit ses bons offices auprès du pape, du
roi de France et du roi de Naples[9]. Alfonse accepta avec joie : il
eut une entrevue avec Édouard à Oléron ; le mariage fut conclu, et la liberté
de Charles d'Anjou accordée moyennant le payement de cent mille marcs
d'argent. Charles devait jurer sur sa parole de roi qu'avant trois ans il
établirait la paix entre l'Église romaine et l'Aragon, et laisser pour otage
ses trois fils aînés et vingt jeunes seigneurs[10]. Il fut mis en liberté à la fin
de l'année suivante. Le pape déclara que ces conditions ne lui plaisaient pas
; Philippe le Bel, de son côté, se plaignait d'infractions à la trêve, et
suscitait toutes sortes d'embarras à don Alfonse. Il alla même jusqu'à se
réconcilier avec le roi de Castille, don Sanche[11], qui avait enlevé la couronne
aux infants de Lacerda, fils de son frère aîné Ferdinand, et de Blanche,
fille de saint Louis ; mais le roi d'Aragon avait à son tour embrassé la
cause des infants, leur avait donné des troupes et avait avec eux envahi la Castille[12]. Le roi d'Angleterre, qui
jouait le beau rôle et qui avait à cœur le maintien de la paix, intervint de
nouveau et convoqua à Perpignan, en 1290, des conférences où les ambassadeurs
de Philippe et d'Alfonse exposèrent leurs griefs[13]. Il fit plus, il amena en 1291
à Tarascon la réunion d'un grand congrès, auquel prirent part le Saint-Siège,
l'Angleterre, Naples, l'Aragon, la France, Charles de Valois, prétendant au
trône d'Aragon. Les Aragonais y furent représentés par les, députés des
cortès, qui abandonnèrent solennellement le roi de Sicile don Jayme. La paix
fut signée[14]. Charles d'Anjou renonça à
l'Aragon, et reçut l'Anjou et le Maine, qui lui furent donnés par le roi de
Naples[15]. Un événement imprévu vint
compromettre cet heureux résultat si péniblement obtenu[16] : Alfonse mourut, et fut
remplacé par son frère Jayme, le même que le traité de Tarascon sacrifiait,
et qui réunissait les deux couronnes d'Aragon et de Sicile[17]. Ce ne fut que quatre ans
après, en 1295, que les efforts de Nicolas IV et de Boniface VIII amenèrent
une paix définitive[18]. Charles de Valois renonça, non
sans peine, à ses prétentions sur l'Aragon, et don Jayme à la Sicile[19]. Une seule difficulté restait
au sujet de la vallée d'Arran, que Philippe le Bel
prétendait lui appartenir[20]. Les deux rois convinrent de
mettre l'objet du litige en séquestre entre les mains du roi de Majorque,
puis entre celles du pape[21], jusqu'à ce qu'une enquête
contradictoire eût fait connaître quel en était le propriétaire avant la
guerre. Les choses traînèrent en longueur, car, en 1308, Philippe désigna
plusieurs commissaires pour se rendre sur les lieux et procéder à l'enquête
ordonnée par le traité[22]. Quand il mourut, la question
n'était pas encore réglée[23]. Cette
longue guerre d'Aragon n'avait donc eu d'autre résultat pour la France que de
lui coûter de grands sacrifices. Philippe paraît avoir eu un instant la
pensée de revendiquer le Roussillon et la Cerdagne ; mais il dut renoncer à
ce projet, dont l'exécution demandait à être précédée de victoires plus
signalées que celles qui avaient marqué l'expédition commencée par Philippe
le Hardi contre l'Aragon[24]. Les conquêtes à main armée
n'étaient pas son fait : ce qu'il voulait surtout, c'était donner à la France
ses frontières naturelles, et les négociations étaient à ses yeux le moyen le
plus sûr pour arriver à ce but. * * * * * * * * * *
CHAPITRE DEUXIÈME. — GUERRE DE VALENCIENNES.
Histoire rapide des
variations des frontières du royaume de France du côté de l'Empire. — Le
Hainaut et l'Ostrevent. — Insurrection des habitants de Valenciennes contre
le Hainaut. — Ils se prétendent Français. — Ils adressent un mémoire au roi
pour le prouver. — Philippe les soutient contre l'Empereur. — Le comte de
Hainaut contraint de céder. — L'Ostrevent déclaré français.
Le
point de départ de la géographie politique du monde moderne est dans le
traité de Verdun (843),
qui consacra le démembrement de l'empire de Charlemagne. Alors les différents
peuples que ce grand génie avait voulu faire vivre d'une vie commune,
revendiquèrent leur liberté et leur individualité. Les races italienne,
gallo-franque et teutonique se séparèrent violemment pour avoir leur
existence à part : chacun des fils de Louis le Débonnaire se mit à la tête
d'une nationalité. Louis eut l'Allemagne, Charles le Chauve la France,
Lothaire l'Italie et une large bande de terrain entre les royaumes de ses
deux autres frères. Le royaume de Charles le Chauve fut borné au nord par la
Manche, à l'ouest par l'Océan, au sud par les Pyrénées et par le cours
inférieur de l'Èbre, à l'est par l'Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône[25]. Telle fut l'origine du royaume
de France, dont les frontières étaient encore, lorsque Philippe le Bel monta
sur le trône, à peu près les mêmes que quatre siècles et demi auparavant. Du
côté de l'Espagne, le comté de Barcelone, au-delà des Pyrénées ; et en deçà,
le Roussillon, la Cerdagne, le Lampourdan et le
comté de Vic, qui n'étant rattachés par aucun lien à la France, furent
incorporés, au douzième siècle, au royaume d'Aragon, dont ils étaient voisins[26]. Saint Louis renonça
solennellement à ses droits sur ces provinces[27]. Après
plusieurs partages successifs, le royaume de Lothaire avait fini par être
réuni, ainsi que la dignité impériale, au royaume de Germanie : cette union
était consommée lors de l'avènement de la dynastie capétienne. Philippe le
Bel eut pour préoccupation constante de reculer les limites de son royaume et
de les porter jusqu'au Rhin ; ce désir fut un des mobiles de sa politique
extérieure ; il mit tout en œuvre pour le réaliser, et s'il n'y réussit pas
entièrement, il put s'applaudir d'avoir frayé le chemin et préparé
l'extension future de la France. A
l'orient, les limites du royaume étaient des fleuves ; mais cette
délimitation, toute rigoureuse qu'elle paraisse, donna naissance à plusieurs
contestations entre la France et l'Empire, car il arrivait souvent que le
territoire d'une ville située sur la frontière s'étendait des deux côtés du
fleuve qui séparait les deux États. C'est ce qui arriva pour Valenciennes,
ville assise sur l'Escaut et dont les deux parties sont unies par des ponts :
l'une de ces parties était du royaume de France, l'autre dépendait de
l'Empire. La partie du royaume de Lothaire située à droite de l'Escaut,
était, il est vrai, retournée, après la mort de Lothaire, à Charles le
Chauve, et avait passé ensuite à Charles le Simple ; mais celui-ci l'avait
cédée, en 921, à Henri l'Oiseleur, et, en 980, le dernier carlovingien,
Lothaire, en avait fait un abandon solennel à Othon[28]. Cette renonciation n'avait pas
été regardée comme valable par les premiers Capétiens. Robert eut même l'intention de profiter de la mort de Henri II
pour étendre sa domination au-delà de l'Escaut ; mais la reconnaissance par
les Lorrains de Conrad le Salique comme empereur lui ôta tout espoir, et le
fit renoncer à ce projet, qu'il n'avait point la force d'exécuter[29]. L'Escaut resta la limite du
royaume. Valenciennes était située dans l'Ostrevent, province du Hainaut qui
appartenait aux comtes de Flandre, et pour laquelle ils faisaient hommage au
roi de France. Au treizième siècle, le Hainaut fut donné à l'un des fils de
la comtesse Marguerite et de Bouchard d'Avesnes, nommé Jean, qui ne vécut pas
assez pour en jouir. Son fils Jean II rendit en 1295 hommage à Philippe le
Hardi pour l'Ostrevent[30] ; mais il refusa de le prêter à
Philippe le Bel. En 1289, il ne l'avait pas encore fait, malgré des
sommations réitérées[31] ; enfin, en 1290, il céda, et
reconnut tenir l'Ostrevent en baronnie[32]. Peu de temps après (1291), il eut des démêlés avec les
habitants de Valenciennes, qui lui fermèrent leurs portes et ravagèrent ses
fiefs[33]. Il fut obligé de leur accorder
des franchises ; mais il porta plainte à l'empereur Rodolphe de Habsbourg,
qui cassa la charte obtenue par les Valenciennois, et les menaça d'un
châtiment tel que la mort serait pour eux une consolation et la vie un supplice[34]. Jean d'Avesnes marcha contre
la ville rebelle ; les habitants envoyèrent deux pairs de leur cité an roi de
France pour lui demander protection. Les deux envoyés étaient porteurs d'un
mémoire destiné à prouver que Valenciennes était une ville française ; à ce
mémoire étaient jointes, à titre de pièces justificatives, des copies de
chartes mérovingiennes et carlovingiennes, tirées des archives des abbayes de
Saint-Denis d'Anchin et de Maroilles : le texte de ces chartes était
accompagné d'une traduction française. Ce factum, curieux spécimen de
l'érudition du moyen âge appliquée à la politique, fut mis sous les yeux du
roi avec prière de le lire et d'en donner communication à son conseil[35]. Philippe accepta avec joie
cette proposition, qui lui permettait de s'agrandir et de déplaire au nouvel
empereur, Adolphe de Nassau, qu'il détestait (1292). Il somma le comte de Hainaut
de cesser d'opprimer ses sujets et les églises, qui avaient souffert au
milieu de la discorde. Jean d'Avesnes s'adressa à l'empereur, qui cita les
magistrats de Valenciennes à comparaître devant lui dans le mois[36]. Cette
petite affaire menaçait d'allumer la guerre entre la France et l'Allemagne.
Philippe était prêt à toutes les éventualités. Après avoir fait reconnaître à
Paris sa suzeraineté par les députés de Valenciennes, et avoir reçu d'eux la
promesse de rembourser ce que la revendication de leurs droits lui coûterait,
il réunit à Saint-Quentin une puissante armée, sous les ordres du comte de
Valois[37]. Le comte de Hainaut, abandonné
par l'empereur et hors d'état de résister, demanda merci. On le mit à la tour
de Montlhéry, d'où il sortit peu après en donnant caution de se présenter
devant le parlement quand il en serait requis[38]. Le parlement rendit son arrêt
le 15 février 1293, et le condamna à payer quarante mille livres d'amende et
à envoyer son bailli prisonnier au Châtelet à Paris. Les vassaux firent
serment de l'abandonner, et d'aider le roi à le combattre s'il venait à manquer
à ses engagements[39]. Les
habitants de Valenciennes durent rentrer sous l'obéissance de leur comte, qui
promit d'oublier le passé ; mais, habitués à l'indépendance et à la révolte
et excités par leurs anciens succès, ils refusèrent d'exécuter le traité. Ce
fut le roi qui se chargea de les faire rentrer dans le devoir : les meneurs
furent bannis et la tranquillité rétablie par cet acte de rigueur[40]. Valenciennes était reconnue
ville française ; mais ses habitants l'oublièrent bien vite. Dès le milieu du
quatorzième siècle, l'Ostrevent fut mis par ses comtes
sous l'hommage de l'Empire ; la France ne l'a recouvré que sous Louis XIV. * * * * * * * * * *
CHAPITRE TROISIÈME. — GUERRE DE GASCOGNE.
Origine de cette
guerre. — Philippe injustement accusé de mauvaise foi. Traité secret. —
Causes de la guerre. — Politique anglaise. — Alliances de Philippe le Bel. —
Il corrompt les alliés d'Édouard. — Le comte de Flandre convaincu de
trahison.
Il est
un fait attesté par l'histoire, c'est que les conquêtes durables ne sont
presque jamais le résultat de grandes guerres et de victoires signalées. Le
règne de Philippe le Bel en est un exemple frappant. Nous allons assister aux
gigantesques efforts qu'il fit pendant de longues années pour réunir au
domaine immédiat de la couronne la Guienne et la Flandre, qui reconnaissaient
sa suzeraineté. L'expédition
contre le Hainaut fut le prélude d'une guerre entre la France et
l'Angleterre, qui menaça de devenir générale par suite des nombreuses
alliances contractées par ces deux puissances. Les historiens anglais ont
accusé Philippe le Bel d'avoir forcé, par sa mauvaise foi, Édouard de prendre
les armes pour sauvegarder ses droits indignement violés : peut-être Philippe
n'est-il pas aussi coupable que le prétendent ces historiens prévenus[41]. Rien dans sa conduite ne
dénote une hostilité systématique contre l'Angleterre ; on peut même assurer
que la paix avec cette nation lui était nécessaire pour l'accomplissement de
ses desseins, et il parait en avoir été convaincu. En effet, il s'empressa de
mettre fin à cette guerre fatale qu'il n'avait pas cherchée, et cimenta son
union avec l'Angleterre par un double mariage. Édouard avait, comme
possesseur de la Guienne, de fréquents rapports avec Philippe : rapports de
vassal à suzerain. Dès 1628, il s'était empressé de venir prêter serinent de
fidélité au roi de France[42], qui de son côté accomplit fort
loyalement le traité d'Amiens, par lequel saint Louis avait cédé aux Anglais
la Saintonge, l'Aunis, l'Agenais et les évêchés de Périgueux, de Limoges et
de Cahors[43]. L'intervention d'Édouard dans
les affaires d'Aragon, et sa partialité pour Alphonse, jetèrent quelque
froideur entre les deux rois[44]. Le mécontentement s'accrut au
point qu'en 1291 le pape Nicolas eut des craintes sérieuses pour le maintien
de la paix, et envoya des légats prêcher la concorde[45]. Il est peu probable que
Philippe ait songé à enlever la Guienne : de son côté, Édouard ne pouvait
espérer reconquérir la Normandie. Toutefois les mauvaises dispositions
réciproques subsistèrent, et un accident suffit pour faire naître la guerre.
Deux matelots, l'un Normand, l'autre Anglais, s'étant pris de querelle dans
un port de France, l'Anglais, qui avait le dessous, tira son couteau et tua
son adversaire : les amis de la victime vengèrent sa mort. Ils prirent un
marchand de Bayonne et le' pendirent avec un chien, au haut du mât de son
vaisseau. Les Anglais exercèrent de cruelles représailles ; la mer vit
journellement des scènes de vengeance et de meurtre auxquelles les
gouvernements de France et d'Angleterre étaient étrangers. Des flottes furent
équipées des deux côtés ; la guerre s'organisa sur une vaste échelle. Une
flotte normande, après avoir ravagé les côtes d'Angleterre, fut attaquée et
détruite. Les rivalités commerciales se mirent de la partie : des vaisseaux
bayonnais essayèrent de surprendre La Rochelle. Il était temps de mettre un
terme à ces violences privées qui dégénéraient en une véritable guerre.
Philippe se plaignit au roi d'Angleterre, et, comme les Aquitains s'étaient
particulièrement fait remarquer par leur participation à ces désordres, il le
cita comme duc de Guienne devant le parlement[46]. Édouard, qui avait des
inquiétudes du côté de l'Écosse et du pays de Galles, ne se souciait pas
d'avoir à soutenir sur le continent une guerre qui ne pouvait être que
stérile. Il envoya l'évêque de Londres promettre en son nom de dédommager les
Français qui auraient souffert, demandant le même traitement de la part du
roi de France pour les Anglais. Il proposa de s'en remettre à l'arbitrage du
pape, « dont l'office était de maintenir la bonne harmonie entre les
princes[47]. » L'évêque
de Londres fit place à un négociateur plus illustre, à Edmond, frère du roi
et mari de la reine Blanche, belle-mère de Philippe le Bel. Les historiens
anglais font à ce propos un récit qui, s'il était admissible, attesterait à
la fois de la part de Philippe une perfidie profonde, et de la part d'Édouard
une simplicité incroyable. La reine Jeanne, et la reine Marie, veuve de
Philippe le Hardi, furent choisies par Philippe le Bel pour intermédiaires
entre lui et le prince anglais. Elles proposèrent de remettre à Philippe le
duché de Guienne, qu'il ferait occuper pour la forme et qu'il s'engagerait à
restituer quarante jours après. Ces conditions furent acceptées. Un traité
fut signé par les deux reines et par Édouard ; Philippe donna sa parole royale
de l'exécuter[48]. Un second traité stipula le
mariage de la sœur du roi avec Édouard. La Guienne devait être donnée en fief
à l'aîné des enfants mâles qui seraient le fruit de cette union[49]. En conséquence, la citation
fut publiquement révoquée et la Guienne remise aux agents du roi de France.
Les historiens anglais racontent qu'au lieu de restituer cette province, aux
termes du traité secret, Philippe le Bel la garda, et qu'Édouard fut réduit à
prendre les armes pour avoir raison de cette odieuse trahison. La
conduite de Philippe ne saurait être trop sérieusement flétrie, s'il avait
aussi audacieusement manqué à sa parole ; mais s'il refusa d'exécuter le
traité conclu par Édouard, c'est que les Anglais avaient été les premiers à
le violer. A Bordeaux, des marchands normands avaient été publiquement
assassinés en haine du roi de France. A Vilréal, on
s'était emparé d'un sergent du roi, et on lui avait coupé le poing. A
Fronsac, les agents du roi préposés au péage avaient été attirés dans un
bateau et décapités sur le pont. Le château de Buset,
occupé par les Français, avait été forcé et livré aux flammes. Partout les
gens du roi de France avaient été insultés et maltraités[50]. Philippe cita de nouveau
devant le parlement Édouard, qui refusa de comparaître : la guerre fut
déclarée[51]. Édouard
chercha partout des alliés ; il fit des traités avec le roi des Romains,
Adolphe de Nassau[52], qui s'engagea, moyennant des
subsides, à marcher contre le roi de France[53] ; avec l'évêque de Cologne, les
comtes de Hollande, de Gueldre, de Brabant[54]. Il fit solliciter l'évêque de
Bâle, le comte de Savoie[55]. Le roi
de Castille lui offrit son appui[56]. A cette
ligue redoutable Philippe opposa une ligue non moins formidable. Mais
laissons un de ses ministres exposer dans un document officiel, par quelles
alliances il se mit en mesure de tenir tête à Édouard. « En...
l'anée 1295, le roy d'Engleterre,
par force de grant quantité d'estellins
qu'il envoia par deça la
mer, si corne l'en disoit,
fit alliances à touz les princes et barons qu'il
pot trouver qui y vousissent entendre, tout entour
le royame, les quiez devoient toux en un jour assaillir le royame
de toutes pars.... Les dessus diz
alliez furent li roy d'Alamaigne, et son frère, et
plusieurs barons d'entour lui de cele Alamaigne ; li duc de Brabant, à qui il donna sa fille
pour son fils ; li conte de Juliers ; li conte de Bar, qui ot aussi sa fille ; li conte de Savoie, son cousin ; li
conte de Ferret ; monseigneur Jehan de Chalon, et plusieurs autres devers
l'Empire, et tratoit de l'autre part au roy
d'Espagne, et au roy d'Aragon et autres par de là. « Nostre seigneur le roy et son conseil, qui tantost sot des ditz alliances, li repars à l'ancontre
de soi fortifier aussi tout en tout son royame, et
s'allia par certaines convenances à touz les autres
princes et barons qui ne weudrent (voulurent) estre
de l'acort aus Anglois,
et lour presta à chascun
certaine somme de deniers pour retenir gens d'armes, pour estre
touz guernis et prest pour contraster aux alliez, quant
mestier seroit. Les quiez
furent devers l'Empire, monseigneur Robert, Darfin
de Vienne, et monseigneur Jehan son fils ; li évesque
de Valence ; li conte Otte de Bourgoigne,
et monseigneur lingue son frère ; monseigneur Philippe de Vienne et autres Bourgoignons. Et lors se promist
la damoiselle di Bourgoigne, fille au dit conte
pour monsieur Loys filz le roy. Et vint elle et la contesse sa mère
en la court de France par devers la royne, et l'alaquerre
monseigneur Jaques de Saint-Pol, son oncle en joing
l'an 1295. Item, monsiegneur Thibaut de Loreigne (Lorraine) ; li conte de Lucenbourc,
li évesque de Cambray ; monseigneur Goudefroy de Brabant, frère li duc, et monseigneur Jehan,
son fils ; li conte de Hainaut ; li conte de Holande. « Item
aux Escoz (Écossais) et à monseigneur Jehan de Bailloul, qui se disoit roy d'Escoce. Et au roi de Nervée (Norvège) envoia
l'en messages, et il renvoia les siens par deça et firent certaines convenences,
et orent une certaine somme de deniers pour
commencement. Item l'en fist certaines convenences au roi de Maillogles
(Majorque) ot grent somme de deniers[57]. » Ce
n'est pas tout : Philippe ne se borna pas à se faire des alliés des ennemis
du roi d'Angleterre ou des indifférents, il fit tous ses efforts pour lui
enlever ses alliés. Adolphe
écrivit à Philippe une lettre pour se plaindre de ses usurpations sur
l'Empire, et lui annonçait qu'il allait marcher contre lui avec toute sa
puissance[58]. Il est fâcheux pour Adolphe
que cette déclaration soit datée du mois d'octobre 1294, époque où il
traitait avec les ambassadeurs anglais et en acceptait des subsides. C'est
donc un lait désormais hors de doute que l'empereur, en se proclamant le
défenseur des droits de l'Empire, prenait un prétexte pour cacher sa
connivence avec l'Angleterre. Les chroniqueurs contemporains racontent que
Philippe ne put cacher son mépris, et remit aux ambassadeurs d'Adolphe une
lettre scellée qui contenait, disait-il, sa réponse. Quand Adolphe l'ouvrit,
il n'y trouva que ces mots : « Trop Allemand », par lesquels
Philippe bravait ses menaces[59]. Cette
réponse hautaine avait été dictée par le comte d'Artois. Un chroniqueur
ajoute même un fait qui tendrait à confirmer la réalité de cette réponse ;
c'est qu'elle déplut à plusieurs princes de France « qui en furent couroucez et disoient que de
noble prince et sage ne devoit avoir que noble response et sage[60] ». De nos jours, ce fait a
été contesté ; on a produit une lettre de Philippe, modérée dans la forme,
quoique ferme, où le roi demandait à l'empereur s'il était véritablement
l'auteur de la missive qui lui était parvenue. S'il en était ainsi, il le
défiait[61]. L'original de cette lettre est
conservé au Trésor des Chartes[62] ; ce qui ferait croire qu'elle
n'a pas été envoyée. Le mémoire officiel que je viens de citer jette une
lumière toute nouvelle sur la politique suivie en cette circonstance par
Philippe le Bel à l'égard de l'empereur, et apprend que le roi, loin
d'insulter Adolphe, aima mieux le séduire et le corrompre. Il employa pour le
détacher de l'alliance anglaise les mêmes moyens qui avaient réussi à Édouard
pour l'y attirer. Tout porte à croire qu'il acheta avec des livres tournois
celui qui s'était vendu pour des livres sterling. « Nostre sire le roy envola au roy d'Alamaigne,
qui ja estoit allié, et aus austres d'entour lui ses
messages, c'est asavoir li évesque
de Bélehem, et li prieur des frères précbeours de Paris, les quiez orent petite odience (audience) pour ce qu'il n'alèrent pas bien fondez, mes après euls
ala monseigneur Mouche, qui ala
si. bien fondé et si garni, qu'il ot bonne odience et fist tant que le
frère le roy vint secréement à Lille en Flandres,
où monseigneur Mouche ala à li et parfist le traitée qu'il avoit pourparlé et acordé à li en Alamaigne, si qu'il s'en ala apaié. Et retourna le dit
monseigneur Mouche en Alamaigne au roy et aus autres d'entour, et mit à fin tous les tratiez, si que il promirent qu'il ne se meuvroient contre le roy ; ne ne
s'esmure, et fu l'en aseur
de cele partie[63]. » La même
politique corruptive réussit avec le duc de Brabant et le comte de Savoie :
seuls Jean de Chalons et le comte de Bar restèrent fidèles à Édouard. « Et
ancores notre sire li roys
et son conseil pourchacz de despécier
et mettre à noient (néant) toutes les allianses que
li roys d'Engleterre avoit faites et pôurchaçoit de
faire, car sitost corn il le sot,
il envola l'arcediacre de Brabant et monseigneur
Hue de Bouville, et autres messages, par plusieurs foiz
au roy d'Espaigne, et se fist
tant qu'il ne s'allia aus Englois
; et au roy d'Aragon, aussi par le pourchaz et aide
du roy de Maillogles son oncle[64]. » Édouard
voyant ses alliés lui échapper tenta un effort suprême, s'attacha à susciter
à Philippe le Bel des ennemis jusque parmi ses feudataires : il exploita les
mécontentements des comtes de Flandre et de Bretagne et des seigneurs du
comté de Bourgogne[65]. Le
comte Gui de Dampierre s'était aliéné la bourgeoisie flamande, surtout celle
de la puissante cité de Gand, que Philippe le Bel protégeait, par suite de sa
politique habituelle de contenir la féodalité par les communes. Gui n'hésita
pas à se tourner du côté de l'Angleterre. Il conclut le 31 août 1294 un
traité par lequel il promettait de donner au fils d'Édouard sa fille
Philippine[66]. Le roi de France en fut
rapidement instruit et manda le comte à Paris. Dès que Gui se présenta,
Philippe lui reprocha sa perfidie et son alliance avec les Anglais. Le comte
étonné garda d'abord le silence, puis nia : le roi lui montra l'original du
traité, le comte déclara cette pièce fausse. Philippe le fit arrêter[67]. La trahison du comte était
manifeste. Il fut
enfermé avec ses fils dans la tour du Louvre ; on le remit en liberté après
six mois de captivité, en lui faisant promettre de ne pas conclure d'alliance
avec les Anglais et de livrer sa fille Philippine en otage[68]. Je n'ai pas ici à raconter
l'histoire des longues guerres que Philippe eut à soutenir contre la Flandre
ni des intrigues qui les préparèrent ; il suffira de savoir que Gui de
Dampierre, humilié par Philippe, détesté par les Flamands, écouta les
propositions d'Édouard[69], qui, battu en Guienne, opérait
une diversion utile en attaquant la France au nord. Édouard promit d'envoyer
une armée en Flandre et de payer, pendant toute la durée de la guerre, un
subside annuel de soixante mille livres tournois au comte, qui s'engageait à
rompre avec Philippe et à lui faire la guerre. Il envoya les abbés de
Floreffe et de Gemblours à Paris, porteurs d'une lettre où il annonçait au
roi qu'il se regardait comme délié de ses devoirs envers lui[70]. Philippe envoya deux
ambassadeurs, les évêques d'Amiens et du Puy, demander quelle était la portée
de ce message, et porter des propositions de paix : Gui maintint sa
déclaration et renonça publiquement à l'hommage du roi de France ; en même
temps il appela au pape. Une
armée française vint mettre le siège devant Lille. Édouard n'arrivait pas,
menacé qu'il était d'une invasion par les Écossais alliés de la France, et
retenu par les barons et les bourgeois d'Angleterre, qui, désapprouvant la
guerre avec la France, avaient refusé au roi des subsides et mettaient même
des obstacles à son départ. La guerre n'était pas plus populaire auprès des
riches citoyens de la Flandre, habitués à regarder leur comte comme un tyran
et le roi de France comme un protecteur : à la bataille de Bulscamp, une partie de la noblesse de Flandre se rangea
du côté de l'armée française commandée par le comte d'Artois. Lille
succombe. Édouard enfin débarque près de l'Écluse avec une faible armée. Il
rencontre le comte Gui à Bruges : les mauvaises dispositions des habitants
les forcent de s'éloigner et de gagner Bruges. Les hommes d'armes anglais
pillent la ville avant de la quitter. Bruges envoie ses clefs à Philippe le
Bel, qui s'avance en vainqueur et qui la fait occuper par le comte de Valois
: Édouard, qui n'a pas tiré l'épée, envoie Hugues de Beauchamp traiter avec
le roi de France, et négocier une trêve (9 octobre) qui est successivement prorogée
jusqu'au mois de février, puis étendue à deux années, à partir de l'Épiphanie
1298. Les deux rois prennent le pape pour arbitre : le comte de Flandre était
compris dans la trêve[71]. J'ai
raconté, à propos du différend de Philippe le Bel avec Boniface VIII, comment
le pape prononça son arbitrage au mois de juin 1298, et comment, malgré les
instances des ambassadeurs anglais, la sentence pontificale ne fit pas
mention du comte de Flandre[72]. La
guerre avec l'Angleterre était terminée : la sentence de Boniface, qui fut
acceptée des deux parties, remettait les choses dans l'état où elles étaient
avant la guerre, et ordonnait la restitution mutuelle de ce qui avait été
pris. Boniface, qui avait à cœur d'établir la concorde entre les deux
principales nations de l'Europe, voulut cimenter leur alliance en stipulant
le mariage d'Édouard avec Marguerite, sœur de Philippe, et celui du jeune
Édouard, héritier d'Angleterre, avec Isabelle, fille du roi de France. Des
négociations s'ouvrirent pour régler définitivement par un traité les points
que la sentence arbitrale n'avait pu qu'indiquer[73]. * * * * * * * * * *
CHAPITRE QUATRIÈME. — ACQUISITION DU BARROIS.
Philippe
le Bel, habile à tirer avantage de tout, sut profiter de cette guerre pour
reculer ses frontières du côté de l'est. Parmi les feudataires de l'Empire
voisins de la France, figuraient les comtes de Bar, dont le comté fut plus
tard érigé en duché ; une partie de ce comté était du côté gauche de la
Meuse, et pouvait en quelque sorte être regardée comme dépendant du royaume
de France. En 1286, le monastère de Beaulieu en Argonne, situé dans cette
partie du comté, invoqua l'assistance de Philippe le Bel contre le comte
Thibaud qui l'opprimait : Philippe le fit occuper par ses troupes, malgré les
protestations du comte, qui appela à l'empereur[74]. Rodolphe de Habsbourg avait
fait faire une enquête dont les résultats furent que le roi de France n'avait
aucun droit dans le Barrois[75]. Philippe n'en avait tenu aucun
compte. En 1296, le comte Thibaud mourut et eut pour successeur son fils
Henri[76]. C'était le moment où
l'empereur, le roi d'Angleterre et le comte de Flandre formaient une
coalition contre la France : le monarque anglais exploita le ressentiment du
jeune comte de Bar, lui fournit des subsides, et, pour mieux se l'attacher,
lui donna une de ses filles en mariage[77]. Pendant que Philippe soutenait
en Flandre les efforts des Flamands, le comte de Bar attaqua la Champagne. Le
roi envoya contre lui Gaucher de Châtillon, qui ravagea le Barrois et le
força de se retirer[78]. En 1299, Albert d'Autriche lui
fit obtenir une trêve qui, en 1301, fut convertie en traité de paix, à
condition de faire un pèlerinage dans l'île de Chypre[79] et de rendre hommage au roi
pour les terres situées à gauche de la Meuse, hommage qu'il n'avait jamais
rendu, même aux empereurs, sous prétexte que ces terres étaient des
francs-alleux[80]. Telle est l'origine du Barrois
mouvant de la couronne de France. * * * * * * * * * *
CHAPITRE CINQUIÈME. — ALLIANCE DE PHILIPPE LE BEL AVEC L'EMPEREUR ALBERT.
Examen d'un bruit
public qui voulait qu'Albert eût reculé les limites de la France jusqu'au
Rhin.
L'alliance
entre Philippe et Adolphe n'était pas cordiale : aussi Philippe comptait peu
sur l'empereur. Il avait noué d'étroites relations avec Albert d'Autriche,
fils de Rodolphe de Habsbourg, ennemi mortel d'Adolphe de Nassau qu'il
regardait comme un usurpateur, et qu'il finit par attaquer, battre et tuer de
sa main à la bataille de Gelheim. Dès
1295, Albert avait envoyé en France une ambassade demander pour son fils aîné
Rodolphe la main de quelque princesse française[81] ; projet qui s'accomplit
quelques années après. On
raconte que Philippe le Bel voulut faire élire son frère Charles de Valois à
la place d'Adolphe : je n'ai trouvé aucun acte officiel qui confirmât ce
fait, qui me semble peu probable, vu la grande amitié qui le liait à Albert
dont les prétentions à la couronne impériale avaient toute chance de succès :
en effet il fut élu. Guillaume
de Nangis et plusieurs autres chroniqueurs contemporains rapportent un fait
qui, s'il était prouvé, aurait une grande importance. Selon ces auteurs, dans
une entrevue qui eut lieu en 1299 à Vaucouleurs, entre Philippe le Bel et
Albert d'Autriche, roi des Romains, l'empereur, avec le consentement de ses
barons et de ses prélats, recula les limites du royaume de France jusqu'au
Rhin[82]. J'ai cherché en vain un acte
qui constatât cette concession : il n'en existe de semblable ni aux Trésors
des chartes ni dans les recueils imprimés en France et en Allemagne. Les
historiens allemands gardent sur ce point un silence absolu ; et cependant le
bruit de cette donation d'Albert se répandit du temps de Philippe le Bel[83]. Il fût tenu pour certain, et
plus de deux siècles après, un avocat plaidant devant le parlement de Paris
affirmait comme un fait incontestable qu'en 1299, à Vaucouleurs, Albert
avait, avec le consentement de ses barons, accordé au roi de France que les
limites du royaume, qui, depuis le partage de Charles le Chauve, n'allaient
que jusqu'à la Meuse, s'étendraient désormais jusqu'au Rhin. Il ajoutait même
que l'extrême limite du royaume de France avait été fixée au moyen d'une
borne de bronze, aux armes du roi, laquelle existait encore au moment où il parlait
(en
1538)[84]. Ces témoignages ne suffirent
pas pour prouver la prétendue donation d'Albert d'Autriche. Il y eut bien, à
l'époque indiquée, une entrevue à Vaucouleurs, entre les deux souverains de
France et d'Allemagne[85], où ils conclurent un traité
d'alliance offensive et défensive[86]. Philippe donna sa sœur Blanche
en mariage à Rodolphe, fils d'Albert, et l'empereur promit une de ses filles
pour un fils du roi[87]. Peut-être Albert prit-il
secrètement quelques engagements envers Philippe, qui lui promit son appui
pour rendre la couronne impériale héréditaire dans la maison de Habsbourg[88]. Mais ce n'étaient là que des
projets qui ne se réalisèrent pas ; et il est hors de doute que les limites
du royaume restèrent du côté de l'Empire ce qu'elles étaient avant cette
entrevue[89]. Toutefois
Philippe, malgré son alliance avec Albert, ne renonça jamais à s'étendre aux
dépens de l'Empire. En 1300, il reçut une ambassade des citoyens de Toul qui
lui déclarèrent qu'ils n'étaient sous la domination de personne, mais de
franche condition, ne devant rien à l'empereur ni à leur évêque. Le roi les
prit sous sa garde, moyennant une redevance annuelle de douze deniers par feu[90]. La ville de Verdun suivit
l'exemple de Toul, et se soumit en 1315 à Louis le Hutin[91]. En
1307, Philippe fit un traité avec l'évêque de Verdun, qui s'engagea à faire
tout son possible pour détourner l'empereur des mauvais desseins qu'il
pourrait concevoir contre la France, sans pourtant violer la fidélité qu'il
lui devait[92]. Toutefois
ces acquisitions sur la rive gauche du Rhin n'avaient aucune chance de durée,
éloignées qu'elles étaient de l'action du roi de France : mais cela fait
connaître la politique de Philippe le Bel. Il encourageait secrètement à la
révolte les villes étrangères, surtout celles soumises à des évêques, et les
poussait à invoquer son protectorat. * * * * * * * * * *
CHAPITRE SIXIÈME. — NÉGOCIATIONS AVEC L'ANGLETERRE JUSQU'AU TRAITÉ DE
PAIX DÉFINITIF (1297-1303).
Revenons
aux négociations entre la France et l'Angleterre pour la conclusion
définitive d'un traité sur les bases de la sentence arbitrale de Boniface
VIII ; elles furent longues et n'aboutirent qu'après plusieurs années de
pourparlers. Le motif de ces lenteurs est honorable pour Philippe le Bel : il
voulait en effet sauvegarder les intérêts de l'Écosse, son alliée, qui avait
pris les armes au moment où Édouard avait débarqué en Flandre. La trêve avait
été conclue entre les parties belligérantes et leurs alliés : Philippe envoya
demander à Édouard d'y comprendre le roi d'Écosse, avec lequel il avait
conclu une alliance offensive et défensive, dont il promettait de fournir la
preuve authentique en produisant le traité original[93]. Édouard répondit qu'il
observerait la trêve, mais que la demande du roi relative aux Écossais lui
était nouvelle, étrange et admirable, aucune mention n'en ayant été faite
dans les instruments de la trêve ; que ce point était de grand poids, et
qu'il transmettrait au plus tôt sa réponse par ambassadeurs. Il objecta
ensuite que l'Écosse était sa vassale[94]. A cela, les ambassadeurs de
Philippe, Guillaume de Beaufort, Jean de la Forêt et Clément de Savy, répondirent que le défaut de mention des Écossais
ne devait pas tirer à conséquence ; que les comtes de Flandre et de Bar,
quoique non nommés, avaient été compris dans la trêve, et que le même
bénéfice s'appliquait aux Écossais. Cette déclaration fut faite à Édouard
lui-même, qui pour lors assiégeait Édimbourg[95]. A Rome, les envoyés du roi de
France avaient fortement insisté pour faire comprendre les Écossais dans la
sentence arbitrale ; mais les ambassadeurs anglais s'y opposèrent[96]. Ceux de France agirent de même
avec le comte de Flandre, qu'Édouard voulait faire inscrire dans la sentence.
Il y eut une sorte de transaction : la sentence garda le silence sur les
Flamands et sur les Écossais ; mais Philippe n'abandonna pas ses alliés,
ainsi que le prétendent les historiens écossais. Une des conditions de la
trêve était la mise On liberté réciproque des prisonniers. Philippe fit
réclamer la délivrance de Jean de Bailleul et de son fils et des autres
Écossais qui étaient tombés entre les mains d'Édouard, offrant de les
remettre au pape[97]. A la fin de juin 1299 fut
conclu un traité à Montreuil, stipulant le mariage d'Édouard avec la sœur du
roi, union qui fut célébrée immédiatement[98]. Jean de
Bailleul renonça au trône d'Écosse, fut remis au légat, et alla s'établir en
Normandie, où il mourut quelques années après[99]. Au mois
de septembre 1300, les deux rois renoncèrent solennellement à toute haine
personnelle[100]. Enfin, dans un traité signé à
Asnières, une trêve fut conclue, dans laquelle étaient compris les Écossais,
bien qu'Édouard protestât qu'il ne reconnaissait pas Jean de Bailleul comme
roi d'Écosse, ni les Écossais comme alliés de la France. Édouard remit toutes
les conquêtes qu'il avait faites en Écosse, depuis la trêve conclue à
Tournai, au roi de France, qui promettait de les lui rendre à l'expiration de
la trêve si la paix n'était pas définitivement conclue[101]. Le régent, les prélats, les
barons et les communes d'Écosse ratifièrent ces conditions[102]. Enfin, le 20 mai 1303, fut
conclu à Paris le traité définitif entre Philippe et Édouard, stipulant la
restitution de la Guienne : le roi d'Angleterre s'engageait à se rendre dans
la ville d'Amiens pour prêter hommage, et, en cas de maladie, à envoyer son
fils aîné[103]. Un traité secret offensif et
défensif fut signé en même temps[104]. Il n'était plus question des
Écossais, que Philippe avait abandonnée. * * * * * * * * * *
CHAPITRE SEPTIÈME. — GUERRES ET NÉGOCIATIONS AVEC LA FLANDRE DE 1300 À
1304.
La
trêve conclue avec les Flamands expirait (6 janvier 1300). Charles de Valois
envahit la Flandre ; il prend Douai, Dam, et entre dans la cité de Gand. Tout
était perdu. Gui de Dampierre se rendit au comte de Valois, qui promit
d'intervenir en sa faveur. Le roi fit garder en prison le comte, ses fils et
plusieurs chevaliers qui partageaient son malheur. La Flandre fut réunie au
domaine. En 1301, Philippe parcourut avec la reine sa nouvelle conquête. La
dureté du gouvernement de Jacques de Châtillon, nommé gouverneur de Flandre,
et plus encore le patriotisme flamand froissé par l'assimilation de la
Flandre à une province française, amenèrent à Bruges une insurrection et le
massacre de la garnison française : tout le pays se soulève. La révolte a
pour chefs Gui de Namur, fils du comte de Flandre, et Guillaume de Juliers ;
l'armée française est vaincue devant Courtrai (11 juillet 1302). A la
nouvelle du désastre, Philippe lève une immense armée, qui se réunit sous les
murs de Douai ; il se met lui-même à sa tête. Des négociations entamées avec
les Flamands n'aboutirent pas. Le 20 septembre, on apprit avec étonnement que
le roi quittait l'armée : on se perdit en conjectures sur cette retraite, qui
est encore inexpliquée. Les chroniqueurs contemporains français et flamands
s'accordent pour l'attribuer à la crainte d'être trahi, et accusent le roi
d'Angleterre de perfidie[105]. Le 18
août 1303, grande victoire des Français à Mons-en-Puelle. Philippe le Bel fit
preuve d'une grande modération. La reine Marie, veuve de Philippe le Hardi,
détermina le duc de Brabant à joindre ses efforts à ceux du comte de Savoie
pour mettre fin aux hostilités. Une trêve fut conclue au mois de septembre
avec le comte de Namur, fils de Gui de Dampierre[106]. Les prisonniers furent rendus
de part et d'autre ; les Flamands s'engagèrent à payer une indemnité de
guerre qui serait fixée par huit commissaires, dont quatre Flamands ; Lille
et Douai étaient remis en gage. Les villes de Flandre confirmèrent ces conditions[107]. Le 16
janvier 1304, un traité de paix fut conclu : les Flamands s'engageaient à
payer trois cent mille livres d'indemnité de guerre, et à donner à Philippe
des domaines produisant deux cent mille livres de rente[108]. L'exécution de ce traité était
garantie 'par une menace d'excommunication contre ceux qui le violeraient ;
mais elle offrait une foule de difficultés qui devaient plus tard allumer de
nouveau la guerre. * * * * * * * * * *
CHAPITRE HUITIÈME. — ACCROISSEMENT DU ROYAUME DU CÔTÉ DE L'ORIENT.
Réunion du Vivarais et de Lyon h la France
(1307-1310).
Dès le
treizième siècle, la souveraineté des empereurs sur les contrées voisines de
la rive gauche du Rhône devint nominale, surtout depuis que la guerre des
Albigeois et la dévolution du comté de Provence à Charles d'Anjou, frère de
saint Louis, eurent fait dominer l'influence française dans une partie de ces
pays ; toutefois, le droit de l'Empire continuait d'être reconnu. Plusieurs
seigneurs riverains voulurent profiter de leur position pour se rendre
indépendants. Au roi de France, ils disaient : Nous sommes vassaux de
l'Empire ; tandis qu'ils n'accordaient qu'une suzeraineté nominale aux
empereurs[109]. Telle était la situation de
l'évêque de Viviers, seigneur du Vivarais, qui, bien que placé sur la rive
française du Rhône, se fondait sur d'anciens actes pour se prétendre
feudataire de l'Empire et échapper à l'autorité des rois de France ; mais ce
prélat était trop faible pour résister. Il ne pouvait espérer de secours de
l'empereur, qui était trop éloigné pour le protéger ; sa position devint
surtout pénible à partir de l'annexion du Languedoc à la couronne. Sou petit
comté se trouvait presque enclavé dans le domaine royal. Déjà, sous Philippe
le Hardi, le sénéchal de Beaucaire s'était fait prêter hommage par les
vassaux de l'évêque[110], et avait saisi son temporel.
Il ne céda pas devant une sentence d'excommunication lancée par le prélat,
qui mourut dépouillé, et dont le successeur, comprenant que la lutte était
inégale, se soumit, et promit « d'ester à droit devant le Roi, sur les
articles auxquels il étoit tenu de droit et de
coutume ». C'était se reconnaitre vassal ; cependant, malgré cette
déclaration, il ne renonça pas entièrement à ses prétentions ; mais les
officiers du roi le poursuivirent sans relâche, et en obtinrent une reconnaissance
complète de la suzeraineté de la France. En 1305, l'évêque Aldebert de Pierre conclut avec Guillaume de Plasian,
Bernard Jourdain de Lille et le sénéchal de Beaucaire, commissaires délégués
par Philippe le Bel, un traité qui attribuait au roi la supériorité sur tons
les fiefs de l'Église de Viviers, et termina un différend qui avait duré un
demi-siècle[111]. Pour ôter à l'évêque toute
velléité d'indépendance, le roi se fit céder par lui, en 1307, à titre de
pariage, la moitié de ses droits directs sur le Vivarais[112]. Ce
premier succès donna du cœur à Philippe le Bel ; il osa porter ses vues plus
haut, et rêver l'acquisition de l'antique cité de Lyon. Prudent et rusé, il
n'avait recours à la force que lorsque les négociations et les habiletés
politiques ne donnaient aucun résultat : il connaissait la puissance de
l'argent, et savait qu'il est plus sûr d'acheter que de conquérir. La maxime Divide et impera
lui était familière, il l'appliqua plus d'une fois avec bonheur. Lyon, cité
puissante, espèce de république, quoique placée sous la seigneurie de
l'archevêque, relevait de l'Empire ; mais un faubourg de la ville et le
château de Saint-Just appartenaient au roi de France : voisinage qui devint
funeste à la grande cité. Les bourgeois étaient en lutte perpétuelle avec
leur archevêque : il leur prit l'idée fatale d'appeler à leur secours
Philippe le Hardi, qui se hâta d'intervenir, et prit les habitants sous sa
protection (1271)[113]. Une
nouvelle alliance fut conclue en 1290[114]. En 1305, l'archevêque, Louis
de Beaujeu, fatigué des vexations continuelles qu'on lui faisait supporter,
se soumit, à condition que le roi le reconnaîtrait en qualité de primat des
Gaules ; il conserva la possession de la ville et du comté de Lyon, la
juridiction civile et criminelle, les appels de premier degré, ainsi que le
droit de battre monnaie[115]. Un gouverneur fut établi à
Lyon, avec mission de sauvegarder les droits du roi et de la cité ; en
échange de la protection royale, chaque maison dut payer une redevance
annuelle. Louis de Beaujeu mourut presque immédiatement après la conclusion
de ce traité ; son successeur, prince de la maison de Savoie, refusa de
l'exécuter, encouragé dans sa résistance par la population, qui s'aperçut un
peu tard qu'elle s'était donné un maître redoutable ; le mécontentement mena
les Lyonnais à la révolte. En 1310, ils attaquèrent le château de Saint-Just,
en chassèrent les Français et fortifièrent leur cité. Ils auraient dû savoir
qu'ils avaient affaire à un homme qui ne laisserait pas facilement échapper
de ses mains une si belle conquête. Philippe envoya une forte armée,
commandée par son fils aîné, le roi de Navarre, ses deux autres fils et ses
deux frères, les comtes de Valois et d'Évreux. C'était le début militaire du
jeune roi ; rien ne fut épargné pour lui assurer le succès. Lyon fut investi
; l'assaut était prêt quand les habitants sans espoir capitulèrent[116]. Philippe n'exerça pas de
vengeance ; l'archevêque, qui avait été le chef de l'insurrection, obtint
grâce à la prière de son frère, le comte de Savoie, mais à des conditions qui
le mirent désormais dans l'impossibilité de nuire[117]. Il abandonna toute juridiction
temporelle, et reçut en compensation des terres situées dans des provinces
éloignées, qui lui procurèrent de forts revenus, mais le laissèrent sans
importance politique. On consentit par pitié à lui laisser le droit de frapper
monnaie[118]. Ce fut
ainsi que Lyon fut détaché de l'Empire et réuni à la France. C'était là une
belle et durable conquête. Ce qu'il y eut de remarquable dans ce résultat,
c'est qu'il fut obtenu au nom du droit. Sans doute, la force joua le
principal rôle, mais elle ne fut employée qu'accidentellement. Aux
prétentions de l'archevêque de Lyon, qui faisait appel à la notoriété
publique et aux actes des empereurs pour prouver sa dépendance de l'Empire,
Philippe opposait des textes historiques ; il citait un vieux Passionnaire de
l'Église de Lyon, où il était dit qu'un saint archevêque de cette ville étant
tombé malade à Paris, pria le roi Childebert de désigner pour le remplacer
saint Nicetus[119]. Ce n'est pas le seul exemple
que l'on trouve sous ce règne de textes historiques invoqués par le
gouvernement français pour exercer des revendications de territoire :
Philippe le Bel n'acceptait pas les modifications apportées à l'étendue du
royaume à la fin de la deuxième race ; il voulait renouer la tradition
mérovingienne et se substituer aux droits des rois de la première race, dont
il se proclamait le successeur. Il ne laissa passer aucune occasion
d'appliquer ces principes et d'empiéter sur l'Empire. * * * * * * * * * *
CHAPITRE NEUVIÈME. — POLITIQUE EXTÉRIEURE DE 1308 À 1314.
En
1308, Philippe le Bel reprit un ancien projet, celui de faire élire empereur
son frère Charles de Valois[120]. Il écrivit aux principaux
princes d'Allemagne pour les prier de favoriser cette élection[121], et envoya trois ambassadeurs,
Gérard de Landri, Pierre Barrière et Hugues de la Celle[122], chargés de répandre de
l'argent[123]. Il comptait sur l'appui de
Clément V ; Pierre du Bois voulait même que le roi ordonnât au pape de
suspendre le droit des électeurs pour nommer directement Charles de Valois :
il espérait que les électeurs garderaient le silence moyennant de fortes
pensions ; c'était trop présumer de la complaisance du pape et des princes
allemands. Ils s'entendirent pour déjouer les projets de Philippe et donner
la couronne impériale au comte de Luxembourg, brave chevalier, n'ayant guère
que son épée et qui n'inspirait aucune crainte aux électeurs. Henri VII fut
élu, et Clément se hâta de lui accorder l'investiture. N'ayant pu faire de
son frère un empereur, Philippe voulut se faire un ami du nouveau césar ; il
le reconnut avec empressement, le félicita de son avènement, et entama des
négociations pour conclure un traité d'amitié et d'alliance offensive et
défensive. Les plénipotentiaires furent, du côté de la France, Robert, comte
de Clermont, et Pierre de Latilly, archidiacre de Chalons ; du côté de
l'empereur, Jean de Namur et Simon de Marville, trésorier de l'église de
Metz. Si quelque contestation s'élevait entre les deux parties contractantes,
chacune devait nommer six commissaires pour la régler à l'amiable. Au cas où
l'empereur créerait un roi des Romains, celui-ci serait tenu de jurer le
traité[124]. Autant
Philippe le Bel était désireux de s'agrandir, autant il se montrait
inflexible pour les attentats commis par les étrangers contre son autorité ou
son honneur. Le seigneur de Saint-Laurent était entré en armes sur le
territoire français, et ayant maltraité un sergent du bailli de Mâcon,
Philippe envoya des troupes assiéger le château de Saint-Laurent, bien qu'il fût
situé hors du royaume, et le fit raser. Il exigea du comte de Savoie la
promesse de ne pas le rebâtir, afin qu'on n'oubliât pas quelle vengeance le
roi de France tirait des insultes qu'on osait lui faire[125]. Le roi de Sicile, Frédéric,
avait tenu de mauvais propos sur le projet de Charles de Valois de conquérir
Constantinople. Philippe en ayant été instruit, fit parvenir l'expression de
son mécontentement au roi, qui s'excusa et protesta de son attachement à
Philippe et à son frère[126]. Les Vénitiens s'étaient
emparés de Ferrare, ville du patrimoine de saint Pierre. Philippe écrivit à
la république de Venise pour lui faire part de son mécontentement. Les
Vénitiens envoyèrent aussi une ambassade chargée d'expliquer leur conduite ;
Ferrare fut rendue au pape[127]. En
mourant, Philippe léguait à son fils la guerre contre les Flamands, qui ne
devaient plus avoir de repos jusqu'à ce qu'ils eussent entièrement secoué la
domination de la France. Je ne
saurais terminer ce chapitre sans parler des aspirations à la monarchie
universelle qui se manifestèrent en France dès cette époque. J'ai souvent eu
à citer dans le cours de ce travail un nommé Pierre Dubois, inconnu jusqu'ici
et dont les nombreux ouvrages, la plupart inédits, donnent les plus
précieuses lumières sur les tendances 'du gouvernement et de la société
française au commencement du quatorzième siècle. Simple avocat du roi à
Coutances, Dubois ne fut pas appelé aux grandes charges de l'État ; son
influence fut sans doute restreinte ; son mérite est d'avoir été un des plus
anciens représentants des idées modernes[128]. Plein de confiance dans ces
idées, il osa en faire part à Philippe le Bel lui-même, dans des mémoires
dont plusieurs nous sont parvenus. Profondément dévoué à la royauté, il
attaqua la noblesse et le clergé qui en gênaient le développement. Gallican,
il lutta contre ce qu'il regardait comme les usurpations de la cour de Rome.
Il prit une part active au différend entre Philippe le Bel et Boniface VIII,
et fut utilement employé dans le procès des templiers par le roi, qui se
servit de lui pour agir sur l'opinion publique ; mais outre ces écrits qui
lui étaient commandés par le gouvernement, il remettait de temps à autre à
Philippe des mémoires sur différents sujets politiques, ayant tous pour but
l'élévation de la royauté. Français de cœur, il possédait à un haut degré le
sentiment de la nationalité, et aurait voulu voir la France régner sur le
monde. C'est seulement à ce dernier point de vue que nous avons à nous
occuper de lui pour l'instant. Dans un mémoire rédigé vers 1300, il posait en
principe qu'il était à souhaiter pour le bonheur général que la domination
française fût universelle et s'étendit à tous les pays civilisés ; mais pour
atteindre ce but difficile, quelle voie suivre[129] ? Théoricien téméraire,
Dubois ne trouvait pas d'obstacles insurmontables. A commencer par l'Italie,
il était facile d'obtenir du pape, pour le roi, la dignité de sénateur de
Rome ; il n'était peut-être même pas impossible d'amener le souverain pontife
à céder sou pouvoir temporel, moyennant une forte pension. Ce traité
donnerait au roi de France, non-seulement Rome et les Romagnes, mais encore
la suzeraineté de l'Angleterre, de la Sicile et de l'Aragon. Ce premier point
obtenu, l'empereur ou les électeurs céderaient volontiers la Lombardie, riche
pays, qui dépendait de l'Empire, mais qui refusait de lui obéir. Si les
Lombards repoussaient la domination française, on la leur imposerait par la
force. On obtiendrait la suzeraineté de l'Orient en faisant épouser à Charles
de Valois, frère du roi, l'héritière des empereurs latins de Constantinople,
et en l'aidant à recouvrer ses domaines, à condition de se reconnaître
vassal. On agirait de même pour la Castille, en fournissant des secours aux
infants -de Lacerda, petits-fils de saint Louis, pour remonter sur le trône
dont ils avaient été dépouillés. Quant à l'empire d'Allemagne, l'auteur ne
voit pas d'autre moyen qu'un traité pour s'en rendre maitre ; mais il espère
que les empereurs, pressés par leurs vassaux, auront recours, pour se
défendre, aux rois de France, qui leur dicteront des conditions. Plus
tard, Dubois crut trouver un moyen pratique d'arriver à l'Empire. En 1308, il
pensa qu'il serait aisé d'amener Clément V à faire renoncer les électeurs à
leur droit d'élection, moyennant des sommes considérables que chacun d'eux
recevrait comme dédommagement. S'ils ne se prêtaient pas à un accommodement,
le pape suspendrait l'exercice de leur droit et nommerait lui-même l'empereur
— ce qui s'était déjà vu — ; son choix tomberait sur Philippe le Bel. On
espérait faire adopter ce projet par la promesse qu'une fois empereur,
Philippe, devenu tout-puissant, établirait une paix durable en Europe, et
appliquerait toutes les forces de la chrétienté à la conquête de la terre
sainte, objet des vœux des souverains pontifes. Vers la
même époque, Dubois conseilla la fondation d'un royaume d'Orient, qui serait
donné à l'un des fils du roi. Ce
n'était là que le plan d'un particulier ; mais on doit le regarder comme
l'expression de l'opinion publique qui attribuait à ce prince les plus vastes
desseins et croyait la France appelée à jouer le premier rôle dans le monde.
D'ailleurs, tout ne doit pas être rejeté comme invraisemblable ; il faut
faire la part de l'exagération ; nous allons essayer de démêler ce qu'il y
eut de vrai dans ces projets, prêtés par son siècle à Philippe le Bel. Quand
Philippe le Hardi mourut, la race de Hugues Capet était en chemin d'occuper
une partie des trônes de l'Europe. Charles d'Anjou, frère de saint Louis,
avait été appelé par un pape au trône de Naples. Du chef de sa femme, il
possédait le riche comté de Provence. Charles de Valois, second fils de
Philippe le Hardi, avait reçu du pape Martin IV la couronne d'Aragon,
arrachée à don Pèdre, en punition des Vêpres siciliennes[130]. En Castille, la France
soutenait les infants de Lacerda, petits-fils de saint Louis, qui avaient été
injustement privés de la couronne par don Sanche. Philippe le Bel avait été
lui-même possesseur du royaume de Navarre du chef de sa femme, Jeanne, héritière
des comtes de Champagne. L'Espagne presque tout entière était donc à la
veille de tomber sous la domination ou sous l'influence française ; un peu
plus, Philippe aurait pu dire, cinq siècles avant Louis XIV : « Il n'y a
plus de Pyrénées. » Mais il dut céder devant l'opiniâtre résistance des
Aragonais et reconnaître don Sanche de Castille. Il convoita l'Empire, non
pour lui, mais pour son frère. Il intrigua pour faire élire Charles de Valois
après la mort d'Adolphe de Nassau. Un premier échec ne le rebuta pas. La mort
violente d'Albert ranima son espoir. N'ayant pu être empereur ni donner
l'Empire à l'un des siens, Philippe se rattrapa en faisant avec Henri VII ce
qu'il avait fait avec Albert d'Autriche, en contractant avec lui une étroite
alliance. Il acheta un à un les princes de l'Empire, surtout ceux voisins de
la France ; il s'assura de leur fidélité par des pensions, qu'il retirait
quand il cessait d'en obtenir des services. C'est ainsi qu'il tenait dans sa
main les évêques de Verdun[131], de Liège[132] et de Metz[133], l'archevêque de Cologne[134], le duc de Brabant[135], les comtes de Luxembourg[136], de Hainaut[137], de Namur[138], de Hollande[139], de Savoie[140], le dauphin du Viennois[141] et une infinité de seigneurs
moins puissants[142]. Il acquit la Franche-Comté par
le mariage de son fils Philippe avec l'héritière de cette province. On dirait
que Philippe voulait exécuter le plan de Dubois ou que Dubois avait pénétré
ses desseins, car il fit épouser à ce même Charles de Valois Catherine de
Courtenay, héritière de l'empire de Constantinople, et il comptait bien le
faire régner à Byzance[143]. Il n'épargna rien pour y
arriver : il ouvrit son trésor, passa des traités avec des princes de
l'Orient dont le nom même était inconnu[144], obtint du pape des décimes
pour la conquête de l'empire grec. La politique de Philippe le Bel pénétra au fond de l'Orient : on vit à sa cour les envoyés du khan des Tartares, Œldjaitou[145], et du roi mogol Argoun[146]. Par le mariage de sa fille Isabelle avec Édouard II, il s'était fait un allié de l'Angleterre. Il s'était procuré l'amitié du roi de Norvège et avait jeté en Écosse les fondements de cette fidèle alliance qui a duré jusqu'à la fin du seizième siècle et que le supplice de Marie Stuart put seul briser. Ou le trouve partout, mêlé à toutes les grandes questions qui se soulevèrent de son temps. Aussi, devant cette influence immense de Philippe le Bel, qui s'étendait sur l'Europe entière, comprend-on l'enthousiasme des Français, qui étaient unanimes à regarder leur patrie comme appelée à régner sur le monde pour le bonheur de l'humanité[147], ainsi que l'étonnement et l'indignation de Dante. Ce Gibelin avait rêvé, lui aussi, une monarchie unique, mais il voulait placer cette couronne sublime sur la tête de l'empereur[148], et il ne pouvait voir sans haine et sans injure cette mauvaise plante, comme il appelait la race de Hugues Capet, qui couvrait toute la chrétienté de son ombre[149]. |
[1]
Rymer, Fœdera, t. I, p. 664 (12 mai 1286).
[2]
Rymer, Fœdera, t. I, p. 664.
[3]
Rymer, Fœdera, t. I, p. 665 (3 mai 1286).
[4]
Rymer, Fœdera, t. I, p. 667 (12 juillet 1286).
[5]
Rymer, Fœdera, t. I, p. 669 et 670 (25 juillet).
[6]
Rymer, Fœdera, t. I, p. 670.
[7]
Rymer, Fœdera, t. I, p. 670.
[8]
Rymer, Fœdera, t. I, p. 674 (1er mars 1287).
[9]
Chronique de Muntaner, t. II, p. 33.
[10]
Rymer, p. 677 (27 juillet 1287). Muntaner est très-exact, t. II, p. 41.
[11]
Or. du traité, Trésor des chartes, J. 600, n°
20 (en 1288).
[12]
Muntaner, t. II, p. 24. Cet auteur place mal l'expédition des infants de
Lacerda, avant le traité d'Oléron.
[13]
Rymer, t. II, p. 728 (18 février 1291).
[14]
Muntaner, t. Il, p. 57. Les députés étaient au nombre de douze : deux riches
hommes, quatre chevaliers, deux hommes de loi, deux citoyens et deux bourgeois.
[15]
Rymer, t. II, p. 744 (9 février 1291).
[16]
Charles de Valois reprit ses droits : voyez les pouvoirs qu'il donna en 1292 à
Eustache de Conflans pour recevoir l'hommage de ses villes d'Aragon. Or. Trésor
des chartes, J. 587, n° 17.
[17]
En 1293, Charles promit de s'en rapporter à la décision du pape. Or. J. 587, n°
18.
[18]
Traité. J. 589, n° 10.
[19]
Or. de la renonciation de Charles de Valois. J. 587,
n° 19.
[20]
Lettre de Boniface VIII. J. 715, 11%22.
[21]
Baluze, Vitæ paparum, t. II, p. 37.
[22]
Lettres patentes. Trésor des chartes, Reg. XLII, n° CX.
[23]
Voyez, au Trésor des chartes, J. 588, n° 29, une liasse relative à cet
objet.
[24]
Voyez un mémoire pour prouver que la Cerdagne et le Roussillon appartenaient à
la France. Trésor des chartes, J. 594, n° 22.
[25]
Nithard, Duchesne, t. III, p. 374. Conf. Duruy, Géographie politique de la
France, p. 127 et suiv.
[26]
En 1137, par le mariage de Raimond Bérenger, comte de Barcelone, avec doña Urraca : Marca, Marta hispanica
; Instrum., p. 1284.
[27]
En 1258. Marca, Marta hispanica ; Instrum., p. 1444. Vaissette, Histoire générale du
Languedoc, t. IV, preuves, col. 47.
[28]
Iperii chron.,
dans Martène, Thesaurus, t. III, p. 544.
[29]
Chron. Balderici,
édit. Leglay, p. 312. Dupuy, Droits du roy, p. 574. —
Bonamy, Travail manuscrit sur le registre XXII du Trésor des chartes,
Arch. imp., JJ. 292.
[30]
Martène, Thesaurus anecdotorum, t. I, p. 1235.
Déjà en 1286 Philippe le Bel avait dû intervenir auprès du comte de Hainaut et
lui interdire de molester l'abbaye d'Anchin. Reg. XXXIV du Trésor des
chartes, n° 34.
[31]
Martène, Thesaurus anecdotorum, t. I, p. 1243
[32]
Or. Trésor des chartes, J. 519, n° 1. Labbe, Mélanges, p. 664.
[33]
Martène, t. 1, p. 1240. Or. Trésor des chartes, J. 794.
[34]
21 juillet 1292. Martène, p. 1241.
[35]
L'original existe au Trésor du chartes, Reg. XXI.
[36]
Martène, t. I, p. 1245 et 1253.
[37]
Nangis, anno 1292.
[38]
Or. Trésor des chartes, J. 519, n° 5 et 7.
[39]
Olim, II, p. 346. Trésor des chartes, J. 519, n° 4.
[40]
Martène, col. 1284. Conf. Historiens de France, t. XXI, p. 11 et 133.
[41]
Lingard, Histoire d'Angleterre.
[42]
Rymer, t. I, sub anno 1286.
[43]
Traité de Paris, août 1286. Or. Trésor des chartes, J. 631, n° 42.
[44]
Il faut y joindre une guerre entre le comte de Savoie et le Dauphin. Trésor
des chartes, J. 631, n° 5.
[45]
Rainaldi, Annales ecclesiastici sub anno 1291.
[46]
Olim, t. II, p. 8.
[47]
Walsingham, p. 60, 431.
[48]
Rymer, t. I, p. 794.
[49]
Or. du traité. Trésor des chartes, J. 632, n°
7.
[50]
Rymer, t. I, p. 800 (nouvelle citation en date du 28 mai).
[51]
Jean de Saint-Jean, lieutenant du roi d'Angleterre, refusa d'exécuter la remise
du duché de Guienne au connétable de France. Trésor des chartes, J. 632,
n° 9.
[52]
Rymer, t. I, p. 812 (12 octobre 1294). Les plénipotentiaires furent l'évêque de
Durham, le comte de Hollande et Hugues Spencer. On convint d'une entrevue entre
les deux rois (9 décembre 1294). Id., p. 814.
[53]
Le comte de Hainaut arrêta un subside de 12.000 liv. qu'Édouard envoyait à
Adolphe. Rymer, p. 827.
[54]
Avec l'évêque de Cologne (12 novembre). Rymer, p. 814. — Avec le comte de
Gueldre, qui promit 1000 chevaux (6 avril 1295). Id., p. 919. — Avec le
duc de Brabant (23 avril). Id., p. 820.
[55]
Rymer, p. 815.
[56]
Rymer, p. 825.
[57]
Or. Trésor des chartes, J. 614, n° 16. Voyez le texte complet dans
Notices et entraits.
[58]
Martène, Thesaurus, t. I, p. 1270. II kal.
nov. 1294. — Chron. de
Saint-Denis, t. V, p. 110. — Dès le mois d'août 1293, Adolphe avait rendu à
Qppenheim un jugement contre ceux qui usurpaient les
terres de l'Empire. Martène, t. I, p. 1251.
[59]
Chron. de
Saint-Denis, t. V, p. 111.
[60]
Chronique anonyme, édit. de Sauvage.
[61]
Michelet, Histoire de France, t. IV ; et Paulin Paris, Chron. de Saint-Denis,
t. V, p. 111, note 1.
[62]
J. 610, n° 14.
[63]
Trésor des chartes, J. 614, n° 16.
[64]
Trésor des chartes, J. 614, n° 16.
[65]
Rymer, t. I.
[66]
Traité scellé. Trésor des chartes, janvier 1297, J. 543, n° 5. — Rymer,
t. I, p. 850.
[67]
Voyez l'instrument des plénipotentiaires. Rymer, t. I. p. 850.
[68]
Chronique anonyme publiée par Denis Sauvage.
[69]
Kervyn, Histoire de Flandre. t. I, p. 388.
[70]
Or. Trésor des chartes, J. 543, n° 1 (janvier 1297). — Note remise par
les deux abbés au roi. Ibid., n° 2. En même temps le comte défendit à
ses procureurs à Paris de procéder devant le parlement. Ibid., n° 3.
[71]
Trésor des chartes, J. 543, n° 12.
[72]
Adhésion du comte de Flandre à la trêve. Or. J. 543, n° 13. — Adhésion de ses
fils Robert et Guillaume, n° 14.
[73]
Trésor des chartes, Angleterre, IV, n° 12.
[74]
Traité de Paris. Trésor des chartes, Angleterre, V, n° 13 (20 mai 1303).
[75]
Calmète, Histoire de Lorraine, t. II, p. 330
et 331.
[76]
Lévèque de la Revalière,
Mémoire sur les limites du royaume du côté de l'Empire avant 1301. Mémoires
de l'Académie, in-12, t. IX, p. 501.
[77]
Art de vérifier les dates, comtes de Bar.
[78]
Historiens de France, t. XXI, p. 15. — Nangis, année 1297.
[79]
Or. Trésor des chartes, J. 514, n° 1.
[80]
Or. Trésor des chartes, J. 581, n° 4. — Duchesne, Histoire de la
maison de Bar, preuves, p. 39. Conf. Bonamy, Mémoire sur l'érection du
comté de Bar. Mém. de l'Acad. des inscript.,
in-12, t. XXXIV, p. 285.
[81]
Or. des pleins pouvoirs. (Trésor des chartes,
I. 408, n° 7.)
[82]
Nangis, année 1299. — Chron. de Saint-Denis, t. V, p. 128. — Gilb.
de Fracheto, Historiens de France, t. XXI, p.
17 et 18.
[83]
Le fait est affirmé par P. Dubois, Summaria
brevis et compendiosa
doctrina, etc. Bibl. imp., n° 6222 C.
[84]
Arch. de l'Emp., Plaidoiries, X. 4906, fol. 503 v°.
[85]
Voyez le compte des dépenses de ce voyage dans le Journal du trésor.
Bibl. imp., n° 110 du suppl. latin, fol. 9 v°.
[86]
Voyez les instruments dans Leibniz, Cod. diplom.,
p. 40 ; Martens, t. I, p. 323, etc.
[87]
Conf. de Dutzele, Histoire
de l'empire d'Autriche, Vienne, 1845, t. III, p. 120. Voyez aussi Manuscrits
de Dupuy, t. 716.
[88]
Voyez le Mémoire de Dubois qui affirme le fait, ut supra, fol. 3 r°.
[89]
Au dix-septième siècle, Aubery ayant soutenu que la France s'étendait jusqu'au
Rhin dans un livre intitulé : Justes prétentions de la France sur l'Empire,
excita les plaintes des princes allemands, fut désavoué par le gouvernement
français et mis à la Bastille.
[90]
Or. Trésor des chartes, J. 583, n° 6. Septembre 1300.
[91]
Dupuy, Droits du roy, t. I, p. 665.
[92]
Reg. XXXVI du Trésor des chartes, n° CCVII.
[93]
Or. Trésor des chartes, J. 632, n° 25.
[94]
Or. Trésor der chartes, n° 636 (3 avril 1298).
[95]
Or. Trésor des chartes, n° 27 (29 août 1298).
[96]
Kervyn, Recherches sur la part de l'ordre de Cîteaux au différend entre
Boniface VIII et Philippe le Bel, p. 68.
[97]
Or. Trésor des chartes, note remise par P. de Flote, 15 janvier 1298, v.
s., J. 632, n° 28.
[98]
Vendredi après la Saint-Jean 1299. Or. Trésor des chartes, me 32.
Ratification d'Édouard, 14 juillet, n° 33.
[99]
Lettre du nonce, 18 juillet 1299. J. 622, n° 34.
[100]
Or. Trésor des chartes, lettre d'Édouard. J. 633, n° 4.
[101]
J. 633, n° 2. Confirmation par Édouard, 23 juin 1301.
[102]
23 février 1302. Or. J. 633, n° 3. — Voyez une lettre de Jean de Bailleul
donnant plein pouvoir à Philippe le Bel. J. 633, n° 4.
[103]
Instrument des plénipotentiaires. J. 633, n° 13.
[104]
Or. J. 833, n° 15 et 16. — Voyez le procès-verbal de restitution de la Guienne.
Instrument des plénipotentiaires. J. 633, n° 22, et Bibl. imp., Cartul. 170,
fol. 210.
[105]
On raconte que les Flamands envoyèrent des ambassadeurs implorer l'appui
d'Édouard, qui leur déclara ne pouvoir les aider publiquement à cause de son
traité avec la France, mais leur permit de compter sur lui. Il affecta devant
la reine, sœur de Philippe, une grande préoccupation : la reine lui en ayant
demandé la cause, il refusa de la dévoiler ; il finit enfin par lui avouer que
Philippe allait être trahi par plusieurs seigneurs qui, à la première bataille,
le livreraient aux Flamands : Marguerite prévint immédiatement Philippe, qui,
craignant une trahison, quitta aussitôt l'armée. Ce récit se trouve avec
quelques variantes insignifiantes : 1° dans les Chroniques de Saint-Denis ; 2°
dans la Chronique anonyme, publiée par Sauvage, p. 42 ; 3° dans une Chronique
de Flandre, nouvellement publiée. (Documents belges.)
[106]
Or. Trésor des chartes, J. 544, n° 13. Cet acte est scellé par le comte
de Thiette. M. Kervyn présente ce traité comme un
acte de trahison de la part du comte de Namur, autre fils du comte de Flandre,
t. I, p. 531.
[107]
Or. Trésor des chartes. Douai, Ypres, Gand, Lisle, Bruges. J. 544, n°
17.
[108]
Or. Trésor des chartes, J. 546, n° 8.
[109]
Sur les droits de l'Empire dans certaines provinces qui font aujourd'hui partie
de la France, voyez l'excellent travail de mon savant ami M. Huillard-Bréholles, Introduction à l'histoire
diplomatique de Frédéric II, chap. III, intitulé : Droits de
souveraineté exercés par Frédéric II dans les anciens royaumes d'Arles, de
Bourgogne et de Lorraine.
[110]
Rymer, Fœdera, t. I, p. 11.
[111]
Vaissette, t. IV, p. 132 et 133.
[112]
Mesnard, Histoire de Nismes, t. I, preuves, p.
433.
[113]
Ménestrier, Histoire municipale de la ville de Lyon, p. 19.
[114]
Ménestrier, Histoire municipale de la ville de Lyon, p. 21, 24 et 25.
[115]
Ménestrier, Histoire municipale de la ville de Lyon, p. 39 ; et Trésor
du chartes, J. 262, n° 7 et 8.
[116]
Recueil des historiens de France, t. XXI, p. 34 et 35.
[117]
Traité de Vienne en 1312 (10 avril). Ménestrier, Preuves, p. 51.
[118]
Trésor des chartes, J. 269, n° 76.
[119]
Rouleau original, Trésor des chartes, J. 267.
[120]
Villani, t. VIII, p. 436.
[121]
Lettre au roi de Bohême, le lundi après l'Ascension 1308. Cartul. 170, fol.
196. — Autre au même, de l'octave de la Pentecôte. Ibid., 107. — Dans la
première de ces lettres, le comte de Valois n'est pas nommé : Philippe se borne
à des insinuations ; dans la seconde, il propose son frère.
[122]
Reg. XLII du Trésor des chartes, n° 99, 100 et 101.
[123]
Promesse de Charles de Valois de rendre au roi les sommes qu'il lui avait
prêtées pour « certains messages sollempues
(envoyés) pour l'accroissement de l'estat et de l'ounour d'aucune personne, de qui nous (le roi) avons la
promotion si à cuer, comme nous poons
plus, ou point... d'avenir à la hauterie d'estre eslue en roy d'Alemaigne. » 26 juin 1308. Reg. XLII du Trésor des
chartes, fol. 107 v°. — Philippe fit recommander l'élection de son frère à
l'archevêque de Cologne par le cardinal de Sainte-Marie la Neuve. Cartul. 170,
fol 128.
[124]
Or. Trésor des chartes, J. 386, n° 1 (Paris 1310). — Ratification de
Henri, septembre 1311, au camp de Brescia. Ibid., n° 2.
[125]
Promesse du comte de Savoie. Or. Trésor des chartes, J. 501, n° 7
(octobre 1310). — Copie, Trésor des chartes, Reg. XLII, n° VIXXV.
[126]
Reg. XLII du Trésor des chartes, n° cxv (23 septembre 1310 ?).
[127]
Lettre de Clément V à Philippe le Bel. Baluze, Vitæ paparum,
t. II, p. 126. Ce fait, qui n'est cité par aucun historien ecclésiastique,
contredit ceux qui veulent voir dans Philippe le Bel un précurseur de Henri
VIII.
[128]
Voyez sur Dubois l'intéressant Mémoire de M. de Wailly, Mém. de l'Acad. des inscript., t. XVII ; et l'article que nous lui avons
consacré dans Notices et extraits.
[129]
Ce Mémoire se trouve à la Bibl. imp., n° 6222 C ; il est encore inédit.
[130]
Original de la donation. Trésor des chartes, J. 163, n° 3.
[131]
En 1304. Trésor des chartes, J. 584, n° 2.
[132]
En 1304. Trésor des chartes, J. 527, n° 5 et 6.
[133]
En 1296. Trésor des chartes, J. 586, n° 2.
[134]
En 1301. Or. Trésor des chartes, J. 622, n° 39.
[135]
En 1304. Trésor des chartes, J. 513, n° 9. Pour 2.500 livres de rente
[136]
En 1294. Or. J. 608, n° 4.
[137]
En 1294. Livre rouge de la chambre des comptes, p. 87. — En 1314. Reg. XXXIV du
Trésor des chartes, fol. 54 v°.
[138]
En 1307. Trésor des chartes, J. 532, n° 6.
[139]
En 1295. Trésor des chartes, j. 525, n° 1. Pour 4.000 livres de rente.
[140]
En 1304. Trésor des chartes, J. 501, n° 5. Pour 2.500 livres de rente.
[141]
En 1292. Valbonnais, Mém. pour l'histoire du Dauphiné, preuves, sous
Humbert, t. I, p. 872.
[142]
Voyez aux Arch. de l'Emp. les cartons J. 622, 623 et
624 ; et le Journal du trésor, Bibl. imp., suppl. français, n° 4743².
[143]
Ducange, Histoire de Constantinople, liv. VII.
[144]
Traité avec Urosius, roi de Dacie. Trésor des
chartes, Constantinople, n° 17. En 1308.
[145]
Suppl. du Trésor des chartes, armoire de fer. En 1306.
[146]
Suppl. du Trésor des chartes, armoire de fer. En 1289.
[147]
Voyez ce que dit G. de Jandun dans l'Éloge de Paris, publié par M.
Leroux de Lincy.
[148]
Voyez le traité De monarchie.
[149]
Purgatoire.