CHAPITRE PREMIER. — RECETTES ORDINAIRES.
Domaines. — Prévôtés.
— Elles étaient affermées aux enchères. — Inconvénients de ce système. —
Droits féodaux. — Droit de garde des mineurs. — Amendes. — Leur taux énorme
sous Philippe le Bel. — Forêts. Droits d'usage. — Garennes. — Pêche et
chasse. — Recettes diverses. — Amortissements. — Droits de franc-fief. —
Droit d'aubaine et de bâtardise. — Trésors.
Je vais
énumérer brièvement les recettes ordinaires, en suivant l'ordre dans lequel
elles sont inscrites dans les comptes des baillis de France : domaine, fiefs,
amendes, bois, recettes diverses. J'omets un paragraphe intitulé dettes, qui
renfermait uniquement l'indication des sommes dues par arriéré, et qui par
conséquent ne s'appliquait pas à une source spéciale de revenus. Je
n'insisterai que sur les recettes dont le mode de perception reçut des
modifications sous Philippe le Bel. Le
domaine comprenait les prévôtés, les domaines proprement dits ou biens
fonciers, les cens et rentes. On appelait quelquefois les prévôtés domaine
muable, parce que le prix des baux était susceptible d'accroissement ou de
diminution. On ne comprenait dans les prévôtés ni les rentes, ni les
redevances seigneuriales en nature, telles que froment, seigle, chapons,
objets qui formaient un revenu certain. En
1311, Philippe défendit expressément de comprendre les rentes dans les fermes
des prévôtés, car à certaines prévôtés étaient annexés des revenus fixes
considérables, et il en résultait que le prix de ferme était très-élevé, et
que de riches capitalistes pouvaient seuls se porter comme adjudicataires, à
cause des fortes sommes qu'ils étaient obligés de fournir en caution de leur
gestion. Ils affermaient les prévôtés à des conditions mauvaises pour le
trésor ; eux-mêmes sous-louaient à des tiers l'exploitation d'une partie des
revenus, et faisaient de gros bénéfices. En divisant les domaines par lots de
valeur peu élevée, on permettait à des particuliers de fortune médiocre de
devenir fermiers du roi. Tous les baux de domaines devaient être faits aux
enchères publiques[1] ; c'était là une condition de
rigueur. Certaines
prévôtés étaient affermées à perpétuité par des villes, qui se délivraient
ainsi du voisinage importun d'un agent royal, et acquéraient une juridiction
et l'exercice de la police. En 1292, la commune d'Amiens afferma la prévôté
d'Amiens[2] ; l'acte qui constate cette
transaction donne une notion exacte et complète des droits attachés à la
prévôté. Elle se composait des revenus qui avaient fait partie du domaine des
anciens comtes d'Amiens, c'est-à-dire du quart du droit de quayage et de travers
par eau et par terre, du quart du tonlieu du blé, du fer, des toiles et des
draps, des cuirs, des bestiaux et du sel, etc. ; d'une part dans les droits
d'étalage, de péage sur le grand pont ; des cens assis sur les étaux des
bouchers ; des maisons et des frocs (terres vagues) du roi ; de plusieurs
fiefs ; du quart de certaines amendes ; de la moitié de certaines autres ; de
la totalité des amendes de la prévôté. M. A. Thierry a cru que ces fermes de
prévôtés par des villes avaient été conçues par saint Louis et réalisées
seulement par Philippe le Bel[3] ; elles étaient fréquentes dès
le règne de Philippe-Auguste[4]. Le prix de ferme de la prévôté
d'Amiens, qui était de six cent quatre-vingt-dix livres tournois, était versé
en trois termes au trésor royal. Les
domaines qui n'étaient pas compris dans les prévôtés se divisaient en fieffés
et non fieffés. Par domaines fieffés, on n'entendait pas les fiefs nobles,
mais les domaines tels que moulins, péages, etc., concédés à fief et ferme
perpétuelle, moyennant une rente annuelle. Les baux de ce genre, qui étaient
très-préjudiciables à la couronne, furent très-fréquents sous Philippe le
Bel. Les biens ainsi engagés étaient susceptibles d'acquérir, avec le temps,
une plus grande valeur, et la rente restant fixe, le roi ne pouvait accroitre
ses revenus. Ces domaines devaient être affermés, comme les prévôtés, par les
baillis, aux enchères publiques, à oyes de paroisses, ordinairement à l'issue
de la grand'messe ; mais ces formalités devenaient illusoires. Les domaines
étaient fieffés à des favoris du roi. Je citerai la ferme des moulins de
Corbeil, faite à Geoffroi Cocatrix, membre de cette puissante famille
plébéienne qui prit sous Philippe le Bel une grande part à toutes les
opérations financières. En
1310, le roi donna à Raoul de Presles une prévôté près de Wailli-sur-Aisne,
consistant « en maisons, en terres, en yaues, en prez, en hommes et en femmes
de cors, en cens et rentes, et justice, sans rien retenir, excepté la haute
justice, à tenir perpétuement pour le pris de 900 livres de petits tournois
de rente annuel, asseis chacun an, c'est à savoir 300 à l'Ascension, 300 à la
Toussaint et 300 à la Chandeleur[5] ». Les adjudications ne
devenaient définitives qu'après plusieurs enchères successives. Philippe le
Bel, pour se procurer des ressources, aliéna les murs et les fossés des
villes[6]. Le bailli de Rouen donna par
adjudication à fief, à nommé Guillaume le Prudhomme, une portion des murs de
la ville d'Orbec ; il fit savoir pendant trois dimanches consécutifs, à
l'oyée de la paroisse, par le sergent du Roi à Orbec, « se aucun i fust
qui plus de deux sols tournois de rente vouxoit donner des devant dits fossé
et mur, et qu'il vensist avant, il i seroit reçu, et les subastations faites,
si comme accoustumé est, se aucun ne se trest en avant, que le dit marchié
vausit enchière[7]. » Ce passage fait
connaitre ce qui est confirmé par plusieurs autres textes, que les
surenchères n'étaient pas reçues au-dessous d'un taux fixé d'avance. Il
arrivait quelquefois qu'un adjudicataire, qui était en possession depuis
quelque temps, était évincé par un surenchérisseur offrant des conditions
avantageuses. Richard Cors d'omme avait affermé 48 livres les revenus du roi
au Mesnil. Un écuyer, Geoffroi d'Argens, offrit 20 livres de plus. Le bailli
retira la ferme au premier adjudicataire, qui se plaignit au roi, objectant
qu'il avait fait des dépenses et des améliorations. Un arrêt de la cour la
lui laissa, à condition de payer le prix offert par son compétiteur[8]. Les
domaines non fieffés étaient toujours affermés, jamais donnés en régie. Les
fermiers ne pouvaient exiger aucune indemnité ou remise sur le prix du loyer
par suite des désastres causés par la guerre, « né pour deffense qui soit
faite du roi pour cause de guerre, ne pour autre. deffense, établissement,
ordenance ou ban, pour le profit du royaume ou de la baillie[9]. » On
comprenait aussi dans le domaine les sceaux, les tabellionnages et les
greffes[10]. Le
produit des droits féodaux était excessivement variable, attendu qu'ils ne
s'ouvraient guère que par la mort des vassaux. En tête était le droit de
garde des mineurs nobles, qui fut à la fin du treizième siècle une source
abondante de revenus. Dès qu'un seigneur, vassal immédiat du roi, venait à
mourir en laissant des enfants mineurs, un agent royal se transportait dans
les domaines du défunt, et s'informait exactement de la valeur de l'héritage.
Le roi se chargeait de faire élever les enfants, mais il percevait leurs
revenus pendant leur minorité. On mettait aux enchères la jouissance des
biens des mineurs, ou la garde, pour parler le langage du temps. L'acquéreur
s'engageait à payer les rentes et douaires, â tenir les édifices en bon état. Les
enfants eux-mêmes n'étaient pas confiés à des mains purement mercenaires.
C'était bien assez que leurs biens fussent livrés à des étrangers, qui
épuisaient le sol pour le faire produire davantage, et qui souvent même s'en
appropriaient une partie. En 1308, le roi fut obligé de prescrire au bailli
de Rouen de faire une enquête sur les usurpations des biens des mineurs
nobles placés sous la garde du roi[11]. On payait aussi les créanciers
de l'État en leur abandonnant pendant un temps déterminé les droits de garde
sur quelque fief. En 1307, Foucaut de Melle, maréchal de France, à qui le roi
devait 35.000 livres, reçut eu payement la jouissance des fruits et des
revenus de la terre de feu Guillaume de Clisson, dont le fils était sous la
garde du roi[12]. Je me
borne à énumérer les autres droits féodaux, tels que geint, requint, relief,
etc.[13] Les
amendes atteignirent sous ce règne des proportions inouïes : la justice
devint un instrument fiscal. Au civil, les amendes ne devaient pas dépasser
soixante sous. Les délits contre les particuliers étaient punis suivant les
coutumes et les chartes accordées aux villes, mais aucune loi n'avait fixé de
tarif pour les crimes commis contre la sûreté générale et les atteintes à
l'ordre et à la paix publique. Les tribunaux se déshonorèrent par la rigueur
de leurs condamnations pécuniaires, qui n'avaient d'autre but que d'enrichir
le trésor. Les
amendes civiles ne furent plus réglées d'après les anciens usages et
atteignirent des taux arbitraires[14]. Des mères furent condamnées à
l'amende pour avoir donné asile à leurs fils bannis[15]. On confisqua les biens des
Flamands qui étaient en France[16]. Les biens des condamnés à mort[17] et des bannis, dans les lieux
où le roi avait haute justice, faisaient retour au fisc. Les condamnations
pour hérésie entraînaient aussi la confiscation des biens, et produisaient
des revenus connus sous le nom d'incours[18]. Les
revenus des forêts consistaient dans la vente des arbres, du panage et du
pâturage, dans les amendes encourues pour contraventions aux usages[19]. Philippe le Bel racheta un
très-grand nombre de droits d'usage qui appartenaient à des particuliers[20]. Certains seigneurs avaient des
droits de chasse dans les forêts royales, le roi les racheta aussi quand il
le put[21]. Un des grands abus de la
propriété féodale était les garennes. Il y en avait de deux sortes : la
garenne fermée, parc clos, dans lequel il était interdit de pénétrer, et la
garenne ouverte ; cette dernière conférait le droit de chasse sur une
certaine étendue de pays, souvent même sur les terres des tenanciers, ce qui
nuisait à l'agriculture[22]. Saint Louis commença à dénier
aux seigneurs le droit d'établir des garennes ; toutes les fois qu'ils ne
pouvaient prouver une longue possession, il les contraignait d'y renoncer.
Philippe le Bel accordait quelquefois le droit d'établir des garennes fermées[23]. Enfin sous Louis X il fut posé
en principe que l'autorisation du prince était toujours nécessaire[24]. En 1299, le roi, de l'avis de
son conseil, « pour le commun profit du royaume et pour ôter et eschever
moult de larrecins, murtres et meffaix, que larrons de conins faisaient au
royaume de France, » ordonna que les détenteurs de panneaux à lapins ou à
lièvres les apporteraient au château de la seigneurie dont ils dépendaient,
au premier jour de marché, et les brûleraient publiquement. Si quelqu'un
était trouvé par la suite détenteur de quelques-uns de ces engins, il
payerait une amende de soixante livres, dont le tiers serait remis au
dénonciateur ; défense à tous ceux qui n'étaient point gentilshommes, ou
n'avaient pas de garenne, d'avoir des filets et des furets[25]. En
1289, Philippe porta une loi pour remédier au dépeuplement des rivières. Il
définit quels étaient les engins dont on devait se servir pour la pêche[26]. Il rendit une autre ordonnance
sur le même objet en 1291[27]. Ces ordonnances, ainsi que
celles sur la chasse, avaient cours dans tout le royaume. Une transaction, du
mois de janvier 1296, entre l'abbé de Saint-Médard de Soissons et les
habitants de Thorote, Maimbronne, et de plusieurs autres villages voisins, au
sujet des droits d'usage dans les marais de Mélincoc., porte qu'ils pourront
« pescier en l'iaue à tous engiens et à tous fillés, selon les statuts et les
ordenances du prince souverain qui courent par son royaume[28]. » Le
chapitre des comptes intitulé : Recettes diverses, était très-varié. En tête
figure la régale : j'en ai parlé avec détails dans le chapitre consacré au
clergé ; puis l'amortissement. Nous
avons vu que les églises ne pouvaient acquérir de terres sans l'autorisation
des seigneurs dans la mouvance desquels ces terres étaient situées. En 1275,
Philippe le Hardi avait ordonné que celles qui auraient obtenu des lettres
d'amortissement de trois seigneurs ne seraient pas inquiétées. Il avait
ensuite amorti les biens acquis dans ses fiefs et arrière-fiefs pendant les
trente dernières années, moyennant le payement de la valeur de deux années de
revenu pour les biens donnés en aumône, et de trois années pour les biens
acquis à titre onéreux. Une ordonnance de 1291 prescrivit aux baillis de
tolérer les acquisitions des églises dans les fiefs des barons qui
jouissaient depuis longues années du droit d'amortissement. Mais les
acquisitions postérieures à l'année 1275 furent assujetties à un droit de
quatre années de revenu quand elles étaient faites à titre gratuit, et à
titre onéreux, de six années. Quant
aux acquisitions faites dans les arrière-fiefs du roi les droits étaient de
moitié. Dans le Midi, où les terres avaient une plus grande valeur que dans
le Nord, le droit d'amortissement était plus élevé. Les biens amortis
pouvaient être -cédés gratuitement à une autre église[29]. Étaient exempts les achats ou
donations de terrains pour bâtir des églises et des presbytères[30]. Toutes les lois de finances
étaient conçues de manière à laisser place à l'arbitraire. « Nous
voulons, disait le roi, que nos commissaires puissent lever des sommes
supérieures à celles qui ont été fixées, mais qu'ils n'en reçoivent pas qui
soient inférieures. » Les ordonnances elles-mêmes étaient tenues secrètes ;
il en résultait que les églises étaient dans la nécessité de débattre les
sommes à payer. On a sur ce sujet une ordonnance, sans date, que Laurière a
crue de l'année 1275, mais que Brussel a victorieusement démontré appartenir
au règne de Philippe le Bel, parce qu'au nombre des pairies de France ne
figure pas le comté de Champagne, qui avait fait retour à ce roi en 1285. Le
droit d'amortissement fut solennellement confirmé aux pairs de France, qui
étaient alors le comte de Flandre et les ducs de Guienne et de Bourgogne, et
à quelques grands feudataires, aux comtes de Bretagne, de Nevers, d'Artois,
d'Anjou, de La Marche, de Blois, d'Auxerre, de Tonnerre, de Dreux, de
Clermont, de Saint-Pol, aux sires de Beaujeu, de Bourbon et de Couci. On
reconnut que plusieurs autres seigneurs jouissaient anciennement de ce droit,
mais on les en priva ; on leur accorda toutefois la faculté de faire gratuitement
des aumônes pour le repos de leur âme, mais avec l'autorisation du roi. Il
fut interdit aux prélats et aux possesseurs de bénéfices soumis à la régale
d'aliéner aucune partie de leurs bénéfices. Ceux qui l'avaient fait dans le
passé durent réparer le préjudice qu'ils avaient causé à la couronne. Il
avait été pourtant permis en 1290 aux prélats pairs de France d'amortir dans
leurs arrière-fiefs[31]. Les églises purent acquérir
dans les lieux où elles avaient haute justice, car alors le roi ne perdait
rien. L'ordonnance de 1291 gardait le silence sur les alleux ; le règlement,
sans date, trancha la difficulté, en déclarant que le droit invoqué par certaines
églises d'acquérir des alleux était un abus[32]. Les
églises pouvaient vendre leurs nouveaux acquêts dans l'année, et alors elles
n'avaient pas de droits à payer, mais on veillait à ce qu'elles ne fissent
pas de ventes simulées. Les droits d'amortissement étaient levés par des
commissaires sur le fait des acquêts des églises et des roturiers. Les
traités passés par ces commissaires avec les églises n'étaient exécutoires
qu'après avoir été revêtus de la sanction royale[33]. Nous
avons vu que les roturiers avaient la faculté d'acquérir des fiefs, mais ils
ne pouvaient les desservir. Les seigneurs dont les fiefs achetés dépendaient,
exigeaient une indemnité proportionnée au préjudice qu'ils éprouvaient. Le
préjudice résultant de l'abrégement d'un fief remontait jusqu'au roi ; aussi
Philippe le Hardi exigea des droits de la part des roturiers qui acquéraient
des fiefs nobles, même en dehors du fief direct de la couronne, à moins qu'il
n'y eût entre le roi et l'acquéreur trois seigneurs, dont le consentement
était nécessaire[34]. Philippe le Bel, dans le
règlement sans date cité plus haut à. propos des amortissements, ordonne de
lever des droits de franc-fief, même lorsque le fief pouvait être desservi
par l'acquéreur. Le droit de franc-fief consistait dans le payement de trois
années de revenu, plus une indemnité proportionnée au dommage éprouvé par le
roi quand le fief était abrégé[35]. Du reste, les procédés étaient
les mêmes que pour les amortissements, et les commissaires furent souvent les
mêmes[36]. Cependant, il y en eut aussi
de spéciaux pour les francs-fiefs[37]. En 1292, le roi défendit aux
collecteurs d'instrumenter dans le duché de Bourgogne[38]. Dès Philippe le Bel un grand
nombre de riches bourgeois achetaient les manoirs féodaux à leurs maîtres
devenus trop pauvres pour les posséder. Les registres du Trésor des chartes
ont conservé le souvenir d'un drapier de Paris, nommé Jean Petit, qui acheta
le château de la Génevoye, et obtint du roi de le tenir en hommage, quoique
roturier, aux mêmes conditions que son noble prédécesseur[39]. Une
autre source de revenus était dans la succession des aubains et des bâtards
qu'on assimilait aux mainmortablés. On appelait aubains non pas seulement les
étrangers, mais les hommes venus d'un autre fief. A la fin du treizième
siècle, les rois s'attribuèrent des droits sur les aubains. Ceux-ci pouvaient
s'avouer les hommes du roi. Les prétentions
de Philippe le Bel de recueillir les successions des bâtards et des aubains
dans tout le royaume, rencontrèrent une vive opposition de la part des
barons. Il reconnut aux seigneurs haut-justiciers le droit d'aubaine et de
bâtardise, à moins qu'il n'y eût possession de la part du roi[40]. Le parlement jugeait les
contestations de ce genre et décida souvent en faveur des seigneurs[41]. La
maxime « fortune d'or appartient au roi » n'était pas encore
admise, mais les trésors d'or devenaient la propriété exclusive du seigneur
haut-justicier. En 1298, le parlement adjugea à l'abbaye de Saint-Denis une
pièce d'or trouvée à Aubervilliers, lieu où elle avait toute justice[42]. Ceux qui étaient soupçonnés
d'avoir' trouvé des trésors étaient poursuivis avec rigueur[43]. Philippe
prétendait avoir sa part de tous les trésors. En 1290 il ordonna au sénéchal
de Toulouse de traiter, soit avec les inventaires de trésors trouvés ou à
trouver, soit avec les possesseurs des fiefs, en en réservant le tiers au roi[44]. L'impôt
sur le sel est attribué tantôt à Philippe le Hardi, tantôt à Philippe de
Valois, tantôt à Philippe le Bel. On le trouve établi sous Philippe le Bel
dans le domaine de la couronne[45] ; ce prince acheta même des
salines dans le Languedoc[46], mais la gabelle existait bien
longtemps auparavant et n'était pas un droit royal. Le monopole du sel avait
toujours tenté la cupidité des seigneurs, qui trouvaient dans l'exploitation
des greniers à sel des revenus assurés[47]. Le chapitre des recettes
diverses renfermait aussi dans les comptes des baillis l'énoncé d'impôts
extraordinaires tels qu'aides loyaux, Touages pour la conservation des
monnaies, décimes sur le clergé, qui jouent un si grand rôle dans l'histoire
de Philippe le Bel et qui font l'objet des chapitres suivants. La
rigueur du fisc à faire rentrer les sommes qui lui étaient dues était si
connue, que l'on vit se reproduire alors ce qu'on avait vu sous les empereurs
romains : des personnes abandonnèrent une partie de leur succession au roi
pour assurer l'exécution de leur testament[48]. * * * * * * * * * *
CHAPITRE DEUXIÈME. — IMPOTS GÉNÉRAUX EXTRAORDINAIRES.
Définition des aides.
— Subside pour la guerre d'Aragon. — Maltôte de 1292. — En quoi consistait
cet impôt. — Explication de la taille de Paris publiée par Géraud. — Erreur
de ce savant. — Centième des biens, en 1295. Cinquantième des biens, en 1296.
— Mode de lever cet impôt. — Autre cinquantième, en 1297. — Troisième
cinquantième. 1302, aide pour la guerre de Flandre. — 1303, autre aide pour
le même objet. — 1304, autre aide. — Comment le peuple fut admis à voter cet
impôt. — 1308, aide pour le mariage d'Isabelle. — Assemblées convoquées pour
l'octroyer. — 1313, aide pour la chevalerie de Louis le Mutin. — 1314, aide
pour la guerre de Flandre.
Au
nombre des subsides extraordinaires que les seigneurs étaient en droit de
demander à leurs sujets ne figurait pas d'impôt pour la défense du royaume ou
de la seigneurie. Cela tient à ce que chacun, noble ou vilain, devait servir
en personne en cas de nécessité ; ceux qui restaient dans leurs foyers
payaient seuls une taxe comme prix du rachat du service militaire. Tel fut
le caractère de la taille que Philippe le Hardi leva en 1277 dans ses
domaines, à l'occasion de la guerre de Navarre[49]. Sous Philippe le Bel, l'impôt
devint royal et fut levé dans toute la France. « Il y
eut sous le règne de ce roi, dit un contemporain, Guillaume l'Écossais,
plusieurs maltôtes, centièmes, cinquantièmes, décimes, et une foule d'autres
exactions et tailles fort lourdes. » Tous les chroniqueurs insistent sur
la multiplicité des impôts, mais aucun ne permet d'en tracer un tableau
complet. Je vais essayer de le faire à l'aide de documents financiers
nouvellement publiés dans le Recueil des Historiens de France, et de quelques
comptes encore inédits. Je me serais perdu dans ce dédale, si je n'avais
trouvé un guide dans un inventaire des archives de la chambre des comptes de
Paris, rédigé vers 1325 par Robert Mignon, qui avait été chargé de les
classer ; mais cet inventaire, malgré son caractère officiel, n'est pas
complet et induirait même dans de graves erreurs si on ne le contrôlait par
d'autres documents administratifs contemporains[50]. Au
moment où Philippe monta sur le trône, on levait encore l'aide imposée à
l'occasion de sa chevalerie : en effet, en 1284, avant de se marier avec
l'héritière de Champagne, qui lui apportait en dot la couronne de Navarre, il
avait été armé chevalier. Les villes avaient accordé à cette occasion des
dons gratuits[51] que les habitants levèrent
eux-mêmes[52]. Philippe
avait hérité de la guerre entreprise par son père contre Don Pèdre d'Aragon ;
cette guerre fut une occasion de lever des impôts dans certaines provinces du
domaine royal. Les villes du Midi avaient été convoquées en armes, à Morlas,
et celles qui n'envoyèrent pas de troupes furent obligées de payer une somme
d'argent. C'est ainsi que la ville de Carcassonne donna au roi mille livres
tournois pour n'avoir pas répondu à la convocation des communes méridionales[53]. En 1292
commença la levée d'un impôt dont le nom est resté célébré, mais dont la
nature est peu connue ; le peuple le flétrit du nom de maltôte[54], nom que le roi accepta sans pudeur[55], et qui fut consacré dans la
langue financière du quatorzième siècle, pour désigner les impôts sur la
consommation[56]. Les chroniqueurs sont peu
explicites et ne disent pas en quoi consistait la maltôte de 1292 : ils
apprennent seulement qu'elle se levait sur les marchands, et que la
perception de cette nouvelle taxe excita à Rouen une émeute terrible, dans
laquelle la populace envahit la maison des collecteurs, pilla leurs caisses
et poursuivit les maîtres de l'échiquier, qui durent chercher leur salut en
se réfugiant dans le château[57]. Les principaux bourgeois, qui
n'avaient pas pris part à l'émeute, apaisèrent le peuple et cherchèrent à
désarmer les vengeances de l'autorité. Les mutins les plus compromis furent
pendus ; la ville perdit ses privilèges, et la perception de la maltôte continua. C'était
un impôt indirect sur les objets de consommation. Il consistait en un denier
par livre, payable à la fois par l'acheteur et par le vendeur ; de là le nom
d'impôt du denier par livre, sous lequel la maltôte fut d'abord connue[58]. On l'établit d'abord dans
toute l'étendue du royaume, mais les barons réclamèrent et obtinrent qu'il
fût restreint au domaine royal[59]. Il souleva une clameur
générale ; on le regarda comme une vexation abominable, comme une chose
inouïe et monstrueuse[60]. La
maltôte avait pourtant l'avantage d'atteindre toutes les classes de la
société, ce qui constituait une étrange nouveauté dans un temps où la
noblesse et le clergé se regardaient comme affranchis de toutes charges.
Aussi les ordres privilégiés protestèrent contre cette égalité devant l'impôt
qui les abaissait au niveau du tiers état. Le tiers état lui-même ne put voir
sans effroi l'établissement d'une taxe qui menaçait de devenir perpétuelle et
avait nécessité la création d'une armée de receveurs, de contrôleurs et
d'espions. Les villes s'empressèrent, pour la plupart, de se racheter
moyennant des sommes fixes une fois payées : Reims offrit un don gratuit de
dix mille livres, qui fut accepté[61]. Ces dix mille livres furent
imposées dans les formes prescrites par saint Louis pour la levée des tailles
communales[62]. Les échevins mirent une taille
qui se prolongea plusieurs années. Le
savant et regrettable Géraud a publié dans la Collection des Documents
inédits le compte de la taille de Paris pour l'année 1292. Ce document
précieux renferme l'indication, rue par rue, maison par maison, de la levée
d'un impôt dont l'objet et la nature ne sont pas connus. Les recherches
qu'avait faites Géraud à cet égard étaient restées infructueuses, et il avait
conclu, un peu à la légère et en se basant sur des conjectures que rien ne
justifiait, qu'il s'agissait d'un impôt consistant dans le cinquantième du
revenu. Il était parti de cette donnée pour calculer la quotité des impôts
payés sous Philippe le Bel, et était arrivé â ce résultat que les impôts
étaient à cette époque six fois moins élevés que de nos jours. Plus heureux
que Géraud, j'ai pu déterminer exactement la nature de la taille de 1292 et
tirer des conséquences entièrement opposées à celles du savant éditeur de
Paris sous Philippe le Bel. On
conserve aux archives de l'Empire, dans un énorme registre in-folio, la suite
du manuscrit dont Géraud n'avait connu qu'un fragment se référant à l'année
1292 ; suite qui comprend les années 1293, 1294, 1295 et 1297[63]. Les rubriques de ce manuscrit
indiquent qu'il était question d'une' taille de cent mille livres, mais le
motif de cette taille n'est pas marqué. Un passage des Olim du parlement de
Paris comble cette lacune. On lit en effet, dans un arrêt de l'année 1297,
que les bourgeois de Paris voulurent contraindre les habitants des bourgs
Saint-Marcel et Saint-Germain à contribuer au don de cent mille livres fait
au roi, en compensation du denier pour livre qu'il avait ordonné de lever sur
toutes les denrées qui se vendraient à Paris[64]. Cette taille de cent mille
livres était donc analogue à celle de dix mille livres imposée par la ville
de Reims, et représentait la maltôte. Elle fut levée dans la forme des
tailles municipales, par les habitants eux-mêmes et sans intervention
d'agents royaux. La taille de Paris durait encore en 1301[65]. Quant à la maltôte, elle fut
levée, du moins en Normandie, jusqu'à la Pentecôte 1293[66]. Elle avait été instituée au
commencement du carême de l'année précédente. Les rachats de cet impôt par
les villes produisirent ce résultat bizarre que la noblesse et le clergé
furent par-là exemptés de l'impôt, car les nobles et les clercs ne participaient
pas aux tailles municipales : en effet, on ne les voit pas figurer sur les
rôles de la taille de Paris. Plusieurs seigneurs permirent au roi de lever la
maltôte dans leurs terres[67]. Dans le
Midi, au lieu de la maltôte on mit un fouage. Les consuls des cités et des
bourgs reçurent l'ordre de donner aux agents du fisc un état des feux de leur
localité. Ils devaient affirmer sous serment la vérité de leur déclaration.
Si elle était reconnue inexacte, ils étaient passibles de peines corporelles
et pécuniaires. Chaque feu payait six sous tournois, ou plutôt on devait
donner six sous par feu, car chacun contribuait suivant ses facultés. Un leu
était un ménage. N'étaient pas considérés comme faisant an feu l'homme ou la
femme chef de famille n'ayant pas une fortune de cinquante sous tournois. Des
commissaires étaient choisis dans chaque rue ; ils tenaient un registre où
était marquée la fortune de chacun, qui était évaluée au moyen de déclarations
faites sous serment. Ces déclarations étaient contrôlées au moyen de la
commune renommée. La somme due par chaque localité étant connue, les
commissaires la répartissaient entre les habitants proportionnellement à leur
fortune. Les nobles et les clercs étaient exempts[68]. L'inventaire
des rouleaux de la chambre des comptes par Robert Mignon, dont j'ai parlé
plus haut, dans le chapitre intitulé Comptes des subventions, des Milles
et des impositions levées dans le royaume pour sa défense, à partir de
tannée 1290, donne la liste suivante : Premier
ou double centième, second centième simple Cinquantième ou troisième levée,
entre 1200 et 1390. Subside
pour l'est de Flandre, pour l'année 1302. Idem, pour l'année 1303. Idem, pour Cannée 1304. Aide
pour le mariage de la reine d'Angleterre, en 1309. Aide
pour la chevalerie da roi Louis de Navarre, en 1313. Subside pour l'où de Flandre, en 1314[69]. Examinons
successivement chacun de ces impôts. D'après Robert Mignon, les trois
premières impositions furent des centièmes, dont deux doubles ; mais avant
d'aller plus loin, constatons immédiatement de graves omissions. Un document
officiel, qui offre l'ensemble des mesures financières et militaires prises
pour faire face à la guerre contre l'Angleterre, apprend qu'avant de recourir
à l'imposition d'un centième, on avait déjà fait appel aux contribuables. Je
ne parle pas de divers emprunts ; je traiterai, dans un chapitre spécial, des
ressources que le gouvernement de Philippe le Bel trouva dans le crédit. En
1293, Thomas Brichard, maître de la monnaie, et plusieurs antres conseillers,
proposèrent d'altérer les monnaies ; l'Italien Mouchet, que l'on a injustement
accusé d'avoir conseillé les mesures financières iniques qui déshonorèrent le
règne de Philippe le Bel, combattit cette proposition, dont il fit entrevoir
à la fois les funestes conséquences et le peu d'utilité. Son opposition
triompha momentanément ; mais il fallait à tout prix de l'argent. On leva tin
prêt ; en bon français on mit un impôt sur les riches bourgeois des bonnes
villes et des bailliages, qui produisit six cent trente mille livres
tournois. Cet heureux résultat engagea le roi à étendre cette opération aux
prélats et aux autres membres de son conseil, ainsi qu'aux maîtres du
parlement et de la chambre des comptes, ce qui produisit cinquante mille
livres tournois[70]. Revenons
à la liste de Mignon. Cette liste place en première ligne, par rang
d'ancienneté, un double centième, ou cinquantième. Je crois que c'est là une
erreur, et que le premier impôt général fut un centième simple ; en voici la
preuve. Le
chroniqueur Gérard de Frachet, dans l'énumération des différents impôts,
place le centième avant le cinquantième[71]. Philippe le Bel donna, le 10
mars 1296, aux habitants de Reims des lettres où il promit que le payement du
prêt (rachat
de ta maltôte), du
centième et du cinquantième, qu'ils lai avaient fait peur la défense du
royaume, ne leur porterait aucun préjudice[72]. Dans cette énumération, le
centième précède le cinquantième. Une autre charte du mois de septembre 1295
constate que la levée du centième était dès lors ordonnée ; or, la perception
du premier cinquantième ne fut décidée qu'au mois de janvier 1296. Dans
cette charte, le roi fait connaître qu'il a, du consentement du duc de
Bourgogne, fait lever dans le duché de Bourgogne et dans les autres fiefs du
duc, pour subvenir à la défense du royaume, une somme équivalente au centième
de tous les biens appartenant aux personnes ecclésiastiques et religieuses et
à toute autre sorte de personnes, les chevaliers et les écuyers exceptés. Il
abandonne au duc la moitié de cette somme, et déclare que la concession de
cet impôt ne pourra tirer à conséquence pour l'avenir[73]. On
conserve au Trésor des chartes une instruction sur la manière de lever ce
centième ; mais comme les règles qui présidèrent à la perception de cet impôt
furent les mêmes que pour la perception du cinquantième qui le suivit
immédiatement, je renvoie tous les détails que j'ai pu trouver sur ce sujet
pour le moment où je traiterai de la levée du cinquantième, sur lequel les
renseignements sont plus nombreux. Je me bornerai à faire remarquer que le
roi ne leva le centième dans les terres des grands feudataires qu'avec leur
permission et en leur laissant la moitié du produit. Quant aux
ecclésiastiques, soit du clergé séculier, soit du clergé régulier, qui
participaient à cet impôt, ils le devaient, non pour leurs bénéfices
ecclésiastiques qui étaient soumis à des impôts particuliers nommés décimes,
mais pour leurs biens personnels. Enfin, tout le monde payait le centième[74], sauf les chevaliers et les
écuyers qui, en vertu des principes féodaux, contribuaient à la défense du
royaume par les armes, jamais par l'argent. En
Champagne, on exigea le cinquantième des biens. La
guerre qu'on soutenait è la fois contre l'Angleterre et la Flandre rendit
indispensable l'établissement d'un nouvel impôt, non plus du centième, mais
du cinquantième des biens : il fut établi par le roi dans une assemblée
générale de prélats et de barons convoqués à cet effet[75], assemblée qu'on ne doit pas confondre
avec les états généraux, car rien ne prouve que le tiers état y ait figuré.
Les barons et les prélats qui y assistèrent ne peuvent pas être considérés
comme les représentants de la noblesse et du clergé. Dans une lettre au
sénéchal de Beaucaire, Philippe le Bel parle seulement de quelques prélats,
barons et fidèles[76]. C'était un impôt général à
tout le royaume ; le roi, pour en assurer la perception et prévenir la
résistance qu'il pouvait rencontrer dans les seigneurs, leur en abandonna une
partie qui variait suivant la qualité du feudataire. Les comtes, les
archevêques et les évêques en avaient le tiers dans les fiefs où ils
possédaient la haute justice ; les autres barons, mais seulement les hauts
justiciers, le quart[77]. Voici
en quoi consistait cet impôt, qui n'était pas toujours le cinquantième des
biens, mais qui, en aucun cas, ne dépassait ce taux. Toute
personne tenant maison, ou ayant l'administration de ses biens, quand même
elle ne tenait pas maison, payait le cinquantième de ses biens, soit meubles,
soit immeubles, pourvu qu'ils valussent plus de dix livres. Celui
qui ne possédait que dix livres, payait douze deniers : qui cent sous, six
deniers. Les
artisans, et généralement tous ceux qui exerçaient une profession manuelle,
six deniers. Celui
qui avait des gages à l'année, donnait une journée de ses gages. Dans
l'estimation de la valeur des biens n'étaient pas compris les fiefs, même
ceux possédés par les roturiers, parce que les fiefs étaient assujettis à des
services particuliers. Par la même raison, les nobles étaient exempts, qu'ils
fussent chevaliers, écuyers, clercs, dames ou demoiselles, même pour leurs
meubles et leur argent, à moins qu'ils ne fissent le commerce[78]. En dehors de ces exceptions,
l'impôt frappait tout le monde, même les bénéficiers en cour de Rome, même
les officiers du roi, même les hommes de corps, les mainmortables, pourvu
qu'ils eussent de leur vivant la libre disposition de leur pécule. Voici
comment le cinquantième était levé[79]. Dans
chaque localité on élisait trois notables, dont un clerc, jouissant d'une
bonne renommée et d'une fortune médiocre. Ils juraient sur les Évangiles, en
présence des commissaires royaux, de lever l'impôt diligemment, promptement
et avec loyauté, sans déférence pour personne. Chaque habitant était obligé
de déclarer sous serment la quotité de ses biens. Dans les fiefs des barons,
les commissaires du roi présidaient à la nomination des collecteurs et
recevaient leurs serments. C'était aussi à eux qu'était remise la totalité
des recettes. Les seigneurs étaient chargés de l'exécution de l'ordonnance
royale dans leurs terres ; eux seuls avaient le droit de forcer par des voies
de rigueur leurs sujets à payer le subside : les agents du fisc ne devaient
intervenir que dans le cas où le seigneur se montrait négligent. Les voies de
contrainte employées contre les contribuables récalcitrants étaient la saisie
des biens. Les clercs mariés et commerçants rentraient dans le droit commun ;
ceux qui vivaient cléricalement n'étaient poursuivis qu'avec l'autorisation
des supérieurs ecclésiastiques ; on invoquait même contre eux les sentences
de l'Église à laquelle le bras séculier prêtait son appui[80]. Ces
renseignements nous sont fournis par une instruction sans date, mais à
laquelle il est facile d'en attribuer une certaine, car elle fut envoyée an
sénéchal de Beaucaire, avec l'ordre de la faire exécuter, le samedi après
l'Épiphanie de l'année 1295 (vieux style). Cet ordre était porté par deux commissaires
désignés par le roi pour lever le cinquantième dans la sénéchaussée de
Beaucaire[81]. On a encore les noms de ceux
qui furent envoyés en Flandre, en Artois et dans les autres bailliages et
sénéchaussées[82]. Nul doute que le cinquantième
n'ait été levé chez tous les feudataires. La part que le roi leur avait
assurée dans la recette vainquit toute opposition de leur part et excita leur
zèle[83]. Nombre
de villes se firent exempter moyennant finance : Lille donna 6.000 livres[84] et Douai 7.000 livres parisis[85]. Ces villes avaient invoqué
vainement leurs privilèges qui les affranchissaient de tout impôt ; tout ce
qu'elles obtinrent, ce fut de payer à titre de don gratuit l'équivalent du
cinquantième. J'ai
cherché à évaluer le produit d'un centième ou d'un cinquantième ; les comptes
spéciaux qui existaient certainement, puisque Robert Mignon en fait mention,
ne se retrouvent plus : ils ont sans doute péri dans l'incendie qui consuma
en 1737 une grande partie des archives de la chambre des comptes de Paris et
nous a privé de documents précieux pour l'histoire financière de la France. Le
Journal du trésor, de l'année 1298 à 1301, et quelques comptes ordinaires des
bailliages de l'année 1299, renferment de nombreuses mentions de versements
partiels soit du centième, soit du cinquantième[86], mais ces notions sont trop
incomplètes pour qu'on puisse même essayer de donner avec leur secours une
évaluation générale. Enfin, ce que je cherchais depuis longtemps, je l'ai
trouvé dans le compte rendu des mesures prises pour soutenir la guerre contre
les Anglais dont j'ai déjà parlé. Ce document officiel évalue le centième à
315.000 livres tournois[87]. En vain
le roi avait promis que le cinquantième ne serait levé qu'une seule fois[88]. Ce
premier cinquantième fut suivi d'un second dont la date est incertaine. Un
passage du Journal du trésor, du 23 mars 1297, qui fait mention d'un premier
cinquantième, prouve que le second était dès lors établi[89]. Il le fut probablement en
1297. Il parait même qu'il fut converti en un vingt-cinquième, du moins en
certaines provinces, notamment en Languedoc. En effet, on trouve en 1297 dans
cette province des agents du fisc chargés de lever le cinquantième et le vingt-cinquième
des biens, qui convertirent cet impôt en une taxe de huit sous par feu,
payables chaque année tant que durerait la guerre. Plusieurs localités de
l'Albigeois réclamèrent contre ces exigences excessives et obtinrent de ne
payer que six sous par feu[90]. Ce nouvel impôt avait été
établi de la propre autorité du roi ; aussi ne fut-il pas levé sans obstacle.
Philippe lui-même, en ordonnant au sénéchal de Beaucaire de le lever sur les
sujets du domaine, lui prescrivait d'en ajourner la perception dans les fiefs
des prélats et des barons[91]. Ceux-ci, en effet, se
plaignirent quand on l'exigea de leurs tenanciers. Ils ne communiquèrent aux
commissaires du roi les rôles des feux de leurs seigneuries que sous la
promesse formelle que cette exhibition ne pourrait être invoquée contre eux
comme un précédent[92]. Le comte de Foix protesta
solennellement contre la levée de ce subside dans ses fiefs. Il appela au
roi, déclarant n'être tenu lui et ses sujets à aucun impôt de cette nature
sans l'avoir consenti volontairement[93]. Le roi reconnut que plusieurs
villes avaient contribué volontairement sans y être tenues de droit. Ce
second cinquantième devait être payé en deux termes, l'un à la Chandeleur,
l'autre à l'Ascension 1298[94]. Le
Journal du trésor contient de nombreuses mentions du payement de cet impôt en
1299 et 1300[95]. Il y
eut même, quoique Robert Mignon n'en parle pas, un troisième cinquantième qui
fut levé en l'année 1301. Le Journal du trésor en fait foi. Je ne sais s'il
fut général ; mais il fut levé certainement à Paris[96], à Langres[97], dans le bailliage de Mâcon,
dans celui d'Orléans[98], à Beauvais, en Normandie, en
Champagne, en Poitou et en Limousin. En
1302, la guerre recommença contre les Flamands, que l'impolitique conduite
des agents ide Philippe avait poussés à la révolte. Cette lutte terrible,
dans laquelle Ses Flamands combattent pour leur liberté, achèvera d'épuiser
la France. L'armée royale éprouve à Courtrai un de ces désastres qui se
renouvelleront à Crécy, à Poitiers, à Azincourt, mais tel qu'on n'en avait
pas encore vu. Le roi
convoqua en armes tous cens, nobles ou non-nobles, qui avaient fulmina cent
livres en meubles ou deux cents livres tant en meubles qu'en immeubles — ces
derniers ayant an moins une valeur de quarante livres —, jeudi après la
Trinité 1302[99]. Cette ordonnance ne put
s'exécuter, Philippe fut obligé de la modifier. On exigea le service
militaire des nobles qui avaient quarante livres de rente et des non nobles
qui possédaient trois cents livres en meubles ou la valeur de cinq cents
livres tant en meubles qu'en immeubles. Ceux qui désiraient rester dans leurs
foyers eurent la faculté de se racheter du service moyennant une somme
d'argent dont le taux ne fut pas fixé[100]. Loin de là, les baillis et les
commissaires sur le fait des finances reçurent des instructions secrètes qui
leur enjoignaient d'obtenir le plus qu'ils pourraient. Le minimum était de
vingt livres par mille livres, c'est-à-dire le cinquantième. Ceux qui avaient
la plus grande partie de leur fortune en meubles devaient fournir une
contribution plus forte que ceux qui ne possédaient que des immeubles.
L'appréciation des biens de chacun et la fixation de la taxe étaient laissées
à la discrétion des commissaires, qui s'éclairaient en consultant les
anciennes taxes, faisaient des enquêtes auprès des voisins et déféraient le
serment aux contribuables. Les besoins de l'État étaient si pressants que les
sommes ainsi recueillies étaient immédiatement envoyées à Paris et versées au
trésor[101]. Des privilèges furent accordés
à ceux qui s'empressaient de payer[102]. Défense aux seigneurs d'exiger
aucune finance de leurs sujets. En 1303
nouvelle imposition de même nature. Qui a
cent livres de revenu en terre payera vingt livres, et qui plus, à proportion ;
autrement dit le cinquième de son revenu. Qui a cinq cents livres de meubles,
payera vingt-cinq livres, c'est-à-dire le vingtième. Qui n'a ni cent livres
de rente en terre, ni cinq cents livres en meubles, ne payera rien. Le roi
promit de ne lever cette même année 1303 aucun autre subside, ni emprunt
forcé, ni fourniture de vivres, ni impôt pour le rétablissement de la bonne
monnaie. Cette ordonnance était soi-disant faite avec le consentement de
prélats, de barons et de gens du conseil[103] (février 1303). Des instructions, adressées
aux commissaires chargés de lever ce subside, leur enjoignaient d'exiger des
sommes supérieures à celles marquées dans l'ordonnance. Le noble qui avait
cinquante livres de rente en terre, devait payer la moitié de son revenu ;
celui qui possédait cinq cents livres de biens fonciers contribuerait pour un
cinquième : les personnes nobles veuves « ou non puissants » (infirmes) chargées de dettes ou
d'enfants, ayant au moins cinquante livres de rente en terre, pour le quart. Quant
aux non-nobles, ceux qui possédaient depuis cinquante jusqu'à cinq cents
livres en meubles donnaient le cinquantième de leurs biens ; ceux qui avaient
de vingt à cent livres de rente en terre, le dixième de leur revenu. Les
commissaires avaient l'ordre d'agir avec ménagement, de réunir les plus
souffisants d'une ville ou de plusieurs villes, et de leur faire diligemment
entendre l'ordonnance selon la lettre, comment elle est pitéable,
espécialement pour le menu peuple, et courtoise à ceux qui payeront. « Vous
devez, leur écrivait le roi, estre avisés de parler au peuple par 'douces
paroles, et lui montrer les grands désobéissances, rébellions, dommages que
nos subjets de Flandre ont faits à tous et à nostre résume, et eusement devez
vous ces levées et finances an moindre esclande que vous porrez et commocion
de menu peuple, et leur montrez comment par cette voie de finer ils sont hors
du péril de leur cors, des grands cous des chevaux et de leurs despens, et
porront entendre à leur marchandies et leur biens He leur terre administrer. »
On leur recommandait surtout de ne pas lever ce subside dans les terres des
barons sans leur permission, mais de les amener à consentir : « Et
contre la volenté des barons ne faites pas ces finances en leur terre : et
cette ordonnance tenez secrée, mesmement l'article de la terre des barons,
quar il nous seroit trop grand dommaige se il le savoient ; et en toutes
bonnes manières que vous pourrez les menez à ce que ils le veuillent suffrir,
et les noms de ceux que vous trouverez contraires nous rescrirez hastivement,
à ce que nous métions conseil de les ramener, et les traitier par belles
paroles et si courtoisement que esclande n'en puisse venir[104]. » Il
serait difficile d'expliquer plus clairement que le roi n'avait pas le droit
de mettre une imposition sur les tenanciers des barons sans leur autorisation[105]. Une
ordonnance du 29 mai 1303 prescrivit de faire contribuer les nobles qui
avaient cinquante livres de rente ou de les faire marcher[106]. Les
roturiers qui n'avaient pas cent livres devaient servir en personne ; mais le
roi, le mercredi après la Pentecôte, désirant, disait-il, le repos du peuple,
ordonna que tout roturier qui, sans y comprendre les meubles de son hôtel,
aurait en meubles une valeur de cinquante à cinq cents livres, et en terres,
le manoir non compris, un revenu de vingt à cent livres, serait exempt du
service militaire en payant une finance convenable ; ceux qui ne réunissaient
pas ces conditions de fortune restaient dans leurs foyers[107]. Tous
ces sacrifices ne suffirent pas. Le 3 octobre, le roi tint à Château-Thierry
un grand conseil, spécialement réuni pour aviser aux moyens de continuer la
guerre. Étaient présents l'archevêque de Narbonne, les évêques d'Auxerre, de
Meaux, les frères du roi, le duc de Bourgogne, le comte de la Marche, le
connétable, les sires de Saint-Dizier, de Mercœur et d'Arlai. Philippe
prétendit qu'il n'avait pu avoir à ce conseil et délibération ses autres
prélats et barons du royaume, et il s'en contenta : avec lesdits prélats,
barons et féaux, il décréta la levée d'un nouveau subside[108] ; on rédigea solennellement une
charte qui fut scellée par le roi et les assistants et par la comtesse
d'Artois Mahaut, qui trouva que ladite ordonnance était convenable et
profitable à la besogne[109]. Dans la
bouche du roi, ce petit conseil se transforma en conseil « d'arcevesques,
évesques, abbés et autres prélats, doyens de chapitres, convenz, colléges et
plusieurs autres personnes d'Église, séculers et religieux, exempts et non
exempts, ducs, comtes, barons et autres nobles de nostre royaume[110]. » fut
statué que les prélats et les seigneurs fourniraient et entretiendraient
pendant quatre mois de l'année 1304, juin, juillet, août et septembre, un
homme d'armes par cinq cents livres de rente en terres ; les roturiers, six
sergents par cent feux : le roi s'engageait à frapper de bonne monnaie[111]. Cependant
il paraît qu'on appréhenda quelque résistance de la part de certaines
provinces. On envoya des commissaires solliciter l'adhésion du tiers état. En
Normandie, on demanda aux roturiers des subsides : les bourgeois du bailliage
de Rouen stipulèrent avec Charles de Valois : 1° qu'ils fourniraient et
entretiendraient pendant quatre mois six sergents par cent feux ; 2° qu'ils
lèveraient eux-mêmes les deniers destinés à la solde de ces sergents ; 3° que
les sergents seraient payés par des commissaires élus par les gens du tiers
état ; 4° que la levée du subside cesserait du jour où la paix serait conclue[112]. Les
Languedociens furent aussi appelés à voter l'impôt par sénéchaussée[113]. En
lisant ces conditions, on croirait lire les traités passés un demi-siècle
plus tard entre le roi Jean et les États de la langue d'Oc et de la langue
d'Oyl. Remarquons que l'impôt est assis et perçu par les habitants qui
soudoient directement les troupes. Les Normands ne furent pas seuls consultés
: nous avons encore de semblables traités entre les commissaires de Philippe
le Bel et les habitants des sénéchaussées du Midi. On ne peut révoquer en
doute que le tiers état n'ait été appelé en 1303 à se prononcer sur la
concession d'un impôt extraordinaire. J'ai même trouvé une curieuse
instruction secrète, qui trace aux commissaires les voies qu'ils doivent
suivre pour obtenir plus aisément ce qu'ils demandaient. Les villes ou
villages reçurent la faculté de se dispenser d'envoyer des sergents choisis
dans leur sein et de les entretenir, en payant deux sous par jour pendant
quatre mois pour chacun de ceux qu'ils auraient dû envoyer[114]. Quelle
était la part de liberté qu'on laissait en 1303 au tien état dans le vote de
l'impôt ? Je crois qu'elle était très-restreinte et même à peu près nulle. En
effet, nous avons vu que le roi avait commencé par ordonner que les roturiers
entretiendraient pendant les mois de juin, juillet, août et septembre de
l'année 1304, six sergents par cent feux. La
levée de l'aide marchait lentement ; au mois de juillet, le roi fat obligé de
donner des ordres pour en hâter la perception : les seigneurs furent requis
de la lever dans leurs terres ; on exigeait toujours six sergents par cent
feux des non-nobles libres ; mais on se relâcha à l'égard des gens taillables
à merci et de mainmorte ; on s’arrangea à l'amiable avec leurs seigneurs. On
craignait avec raison que si ou frappait de trop lourds impôts ces malheureux
attachés à la culture du sol, ils ne cessassent de travailler et ne
devinssent des mendiants[115]. Pour accélérer la rentrée des
deniers, on envoya dans les différentes provinces des surintendants', dont
deux étaient préposés à un même arrondissement comprenant plusieurs
bailliages ou sénéchaussées ; ils établissaient eux-mêmes dans chaque
bailliage deux commissaires, ordinairement le bailli et un chevalier. Les
mendiants pain quérants n'étaient pas compris dans- le nombre des faisant
feu. Dans le
bailliage de Chaumont, cent feux payèrent soixante lieues, c'est-à-dire douze
deniers l'un dans l'antre. Chaque feu ne payait pas une somme uniforme, mais
en proportion de la fortune de chaque contribuable[116]. Les hommes du roi fournirent
généralement six sergents par cent feux ; les nobles contribuèrent pour le
cinquième de leur revenu. Pour évaluer la fortune de chacun, le bailli
nommait deux bourgeois et deux nobles, avec mission, les premiers, de rechercher
la fortune des roturiers, les seconds des nobles[117]. Un
compte officiel qui ne paraît pas tout à fait complet, et qui renferme des
erreurs évidentes, donne pour produit de cet impôt, déduction faite des frais,
la somme de cinq cent soixante-cinq mille cent soixante-neuf livres tournois
de faible monnaie. Les frais de perception avaient été considérables. Dans le
bailliage de Vermandois, ils s’étaient élevés au vingt-septième ; dans ceux
de Rouen et d'Amiens, au vingt-troisième ; ils atteignirent le dix-septième
dans celui de Sens[118]. Une
partie de l'impôt ne put être recouvrée[119]. Dans la Touraine, la moitié à
peine fut levée, mais c'est là ms chiffre exceptionnel[120]. Les seigneurs qui permirent la
levée de l'aide dans leurs fiefs obtinrent des lettres de non-préjudice[121]. Cet
impôt, uni à la dépréciation toujours croissante des monnaies, acheva de
ruiner la France. La paix vint heureusement mettre un terme à ces exactions
que la défense du pays rendait nécessaire ; mais on ne laissa pas longtemps
le peuple sans lui demander de nouveaux subsides. Pour
resserrer son alliance avec l'Angleterre, Philippe le Bel avait marié sa sœur
au vieux roi Édouard Ier, et fiancé sa fille Isabelle au jeune prince de
Galles, fils aîné du monarque anglais. Le mariage d'Isabelle, après avoir été
retardé pendant plusieurs années à cause de la jeunesse de la fiancée, fut
enfin fixé à l'année 1308. Le roi ordonna à cette occasion la levée d'un
nouvel impôt dans ses domaines et dans ceux des barons et des prélats.
C'était vraiment abuser. Les réclamations furent universelles, se fondant sur
les anciens usages. Philippe suspendit momentanément les levées, et ordonna à
ses légistes de compulser les registres du trésor des chartes et de la
chambre des comptes, ainsi que les coutumes[122]. Les Normands surtout s'étaient
plaints avec force. Le roi leur déclara qu'il avait consulté les registres
des coutumes et les registres royaux, et que cette aide lui était due, mais
il l'ajournait jusqu'au carême de l'année 1309, à cause de la mauvaise
récolte[123]. Les Normands ne se tinrent pas
pour battus : les prélats ne purent souffrir de voir les hommes libres vivant
dans leurs seigneuries contribuer à doter la fille du roi ; ils portèrent
l'affaire au parlement, qui donna gain de cause au roi[124]. Cette aide était en effet
légale en Normandie, mais elle n'avait pas été levée depuis les rois anglais.
Henri II, quand il maria sa fille Mathilde au duc de Saxe, avait exigé un
marc d'argent de chaque chevalier, qui lui-même levait ce marc sur ses tenanciers[125]. La Normandie avait été exercée
au payement des impôts par les Plantagenets, dont les exigences fiscales
n'avaient rien à envier à celles de Philippe le Bel. Dans les autres
provinces, les immunités des seigneurs s'étaient mieux conservées. Le roi
décida que l'aide serait levée là où les seigneurs avaient le droit de le
lever pour doter leurs propres filles[126]. Les
villes invoquèrent, comme toujours, leurs privilèges pour ne pas payer : on
négocia avec elles ; il se passa à cet égard dans le Quercy quelque chose de
curieux et d'insolite. Le roi convoqua les représentants des communes de ce
pays, on ignore dans quel lieu, sans doute à Paris, pour en obtenir l'aide de
mariage. On conserve au Trésor des chartes ces procurations, qui sont
rédigées dans la même forme que celles pour les états généraux ; j'ignore si
les députés des villes d'autres provinces furent réunis[127]. Rouen se fit exempter en
payant trente mille livres ; il est vrai qu'on lui rendit la perception de la
coutume du pont de Rouen — impôt sur les bateaux qui passaient sous le pont —,
dont cette ville avait été privée lors de l'émeute qui éclata à l'occasion de
la maltôte[128]. Cet impôt fut perçu dans toute
la France[129], mais non sans peine ; car en
commença à l'exiger en 1308, et en 1311 il n'avait pas encore été acquitté
dans certaines localités. Le taux n'était point fixé, les agents du roi
exigeaient le plus qu'ils pouvaient. En
1313, le jour de la Pentecôte, Philippe le Bel conféra l'ordre de chevalerie
à son fils aîné Louis, roi de Navarre, à ses deux autres fils et à plus de
deux cents jeunes seigneurs de la plus haute noblesse, au nombre desquels on
remarquait Philippe de Valois, qui devint roi ; Robert d'Artois, dont la fin
fut si déplorable ; le duc de Bourgogne, les comtes de Blois, de Dreux, de
Vaudémont, de Foix, de Comminges[130]. Cette chevalerie fut
l'occasion de dépenses folles ; les dons faits aux nouveaux chevaliers
s'élevèrent à trente-deux mille deux cent soixante-trois livres tournois[131]. Paris fut plusieurs jours dans
des fêtes, mais il fallut payer tout ce luxe[132], et un nouveau subside fut
imposé. Le cas était loyal, comme on disait ; saint Louis[133] et Philippe le Hardi avaient
levé des impôts lors de la chevalerie de leurs fils aînés. Les villes
exhibèrent de nouveau leurs privilèges pour se faire exempter. Les textes que
plusieurs d'entre elles invoquèrent nous ont été conservés dans un document
provenant de la chambre des comptes ; mais il arriva que si les villes
apportaient des textes prouvant leur immunité, les agents du 6sc invoquaient
leurs registres et les payements faits à une époque antérieure et à titre de
don gratuit par plusieurs de ces villes. La
ville de Sens opposait cette clause de ses privilèges : Volumus etiam quod
homines communie liberi permaneant ab omnibus talliis et toltis, salvo
servicio exercitus et equitationis nostre. Les gens du roi répondaient :
« Est trouvé par les comptes de la baillie de Sens de l'an MCCLXVI, que ladite ville de Sens paya
dou renouage levé en lieu de la chevalie du roy pour le tout XXVII livres. Item, en l'an MCCLXIX, deux mille livres pour don, et
de ces deux dons n'a exprimé aucune autre cose, et est à savoir que le
privilège est donné au nom de la commune, et hors de la commune sont des plus
riches hommes de la ville de Sens[134]. » Les
habitants de Saint-Maur citaient un diplôme de Louis le Débonnaire[135]. Les
habitants de Paris payèrent une somme de dix mille livres qu'ils levèrent
eux-mêmes. On suivit le même mode que pour la taille de cent mille livres. La
répartition fut faite en la maison d'Étienne Barbette, par Jean Barbette,
Jacques Bourdon, Jacques le Queu, orfèvre ; Vincent, le poissonnier de mer ;
Jean de Montreuil, tisserand ; Thomas de Noisy, vinetier ; Gérard Godefroy,
épicier ; Jean Maillart, changeur ; Simon de Saint-Benoît, drapier ;
Guillaume de Trie, pelletier ; Simon, boucher ; Nicolas Arrode ; Simon de
Château, mercier ; Robert de Linais, courraier ; Évroin Ligier, talmélier, et
Guillaume Frenquein, sellier[136]. On voit que tous les corps de
métiers étaient représentés dans cette commission. Le registre de cette
taille existe encore. La ville y est divisée en paroisses, et chaque paroisse
en rues. La
levée de cette aide souleva des réclamations nombreuses. Les villes situées
dans les fiefs des barons jouissant de la haute justice, paraissent en avoir
été exemptées, ou du moins avoir obtenu des délais pour payer[137]. En
1313, les hostilités recommencèrent avec les Flamands. J'ai montré combien
était peu exacte l'opinion des historiens qui ont cru que les états généraux
avaient été appelés à voter les subsides nécessaires pour soutenir cette
nouvelle guerre. Le mode
de levée est tracé dans une instruction de la chambre des comptes, intitulée
: « Ce sont les instructions que les commissaires envoyés par le royaume
doivent faire et tenir secrètes[138]. » Il
résulte de ce document que les roturiers ayant deux mille livres devaient
aller à l'ost ou financer. Ceux qui possédaient moins de deux mille livres se
réunissaient au nombre de cent pour fournir six sergents, ou moins s'ils
étaient pauvres. Les villes commerçantes étaient exemptées moyennant un impôt
sur les marchandises. Les nobles et les ecclésiastiques pouvaient aussi se
faire dispenser du service personnel en payant une somme abandonnée à la
discrétion des commissaires. Un fragment de compte complète ces
renseignements[139]. Ceux
qui possédaient au moins mille livres payèrent le cinquantième de leurs biens[140]. « Et ne
fina point la ville de Provins, pour l'assiète sur les marchandises qui fut
assise sur eulx, si comme à Paris. » Les chroniqueurs placent à cette époque
la levée de six deniers par livre sur les marchandises, qui fut sans doute
l'impôt indirect substitué dans les villes de commerce à la subvention
ordinaire. Cet impôt fut le prétexte des ligues contre le roi. Philippe fut
obligé de donner satisfaction aux alliés et d'ordonner de suspendre la
perception du subside[141]. D'ailleurs, il ne fut pas levé
dans toutes les parties du royaume. Jamais
on n'avait vu tant d'impôts extraordinaires, mais aussi jamais les besoins de
l'État n'avaient été aussi grands. L'impôt, pour la première fois, était
devenu général pour tout le royaume, à certaines conditions, il est vrai, et
c'était là un grand progrès vers l'unité. Nous avons vu tous les Français
dans l'obligation d'obéir aux ordonnances du roi, de se 'soumettre aux arrêts
souverains du parlement royal, de payer un même impôt : nous les verrons
bientôt tenus de marcher, à la suite du roi, à la défense de la patrie. * * * * * * * * * *
CHAPITRE TROISIÈME. — IMPÔTS SUR LE CLERGÉ.
Contribution du clergé
aux charges publiques. — Décimes ou dixièmes des revenus ecclésiastiques. —
Décimes accordés au roi par Martin IV à l'occasion de la guerre d'Aragon. —
Le décime payé par des églises situées hors du royaume. — Comment on peut
établir la liste des décimes payés par le clergé sous Philippe le Bel. — En
1294, le roi veut réunir une assemblée générale du clergé pour en obtenir des
subsides. — Il renonce à ce dessein. — Réunions de conciles provinciaux. --
Vote de décimes. — Protestations. — Exempts. — Mesures prises contre ceux qui
refusaient de voter l'impôt demandé. — Le clergé reconnaît être tenu à
contribuer aux charges de l'État. — Assemblée d'évêques à Paris en 1296 pour
accorder un décime. — Nouvelle protestation de Cîteaux. — Boniface accorde un
décime (1297). — Détresse des églises. —
Décimes votés en 1303 et 1304. — Moyens violents employés par le roi. —
Benoît XI et Clément V accordent de nouveaux décimes. — Mode de lever les
décimes. — Nature des revenus auxquels ils s'appliquaient. — Cadastres
généraux des bénéfices ecclésiastiques. — Les clercs récalcitrants
excommuniés. — Annates. — Évaluation des revenus du clergé d'après des
documents officiels.
On
croit qu'au moyen âge l'Église ne contribuait pas aux charges de l'État et
que ses biens étaient exempts d'impôt : rien n'est plus contraire à la
vérité. L'histoire du règne de Philippe le Bel en fournit la preuve la plus
irrécusable, car elle montre l'Église de France ruinée par la part qu'elle
dut prendre aux contributions publiques. Il faut
distinguer les biens de l'Église de ceux qui formaient le patrimoine des
ecclésiastiques. Les mêmes règles ne s'appliquaient pas aux uns et aux
autres. Les clercs étaient affranchis des tailles personnelles, pourvu qu'ils
vécussent cléricalement, c'est-à-dire sans être mariés et sans exercer le
commerce ou une profession mécanique ; immunité qui leur fut confirmée à
plusieurs reprises par Philippe le Bel[142]. Mais ils participaient aux
impôts en raison de leur fortune personnelle, tout comme les laïques, pour
les besoins de l'État et pour ceux des communes auxquelles ils appartenaient.
Philippe le Long avait déclaré, en 1274, aux bourgeois de Toulouse, qu'en
France les clercs non mariés n'étaient point soumis aux tailles, sauf aux
tailles réelles[143]. Beaumanoir explique ce qu'on
entendait par tailles réelles[144]. Les nobles et les clercs
demeurant dans leurs fiefs étaient libres de toute imposition, mais ceux qui
possédaient des héritages roturiers dans le ressort de la juridiction d'une
commune, étaient tenus de payer les tailles imposées sur les membres de Bette
commune. C'était là une obligation inhérente à la propriété roturière et dont
la noblesse du possesseur ne l'affranchissait pas. Les biens de l'Église y
étaient eux-mêmes soumis, et ce fut vainement que les membres du clergé
voulurent s'en faire exempter pour leurs biens personnels[145]. Les
biens de l'Église ou bénéfices ecclésiastiques étaient soumis à des
contributions particulières nommées décimes, qui consistaient dans le
dixième, non pas des biens, mais des revenus[146]. Dans le principe les décimes
étaient destinés à subvenir aux dépenses des croisades ; au treizième siècle,
ils furent levés à plusieurs reprises. De 1247 à : 1274, l'Église de France
paya vingt et un décimes[147]. En 1274, le pape Grégoire X
permit au roi Philippe le Hardi de lever pendant trois années consécutives un
décime à l'occasion de la guerre contre l'Aragon, qui était considérée comme
une croisade. En 1284, Martin IV, qui avait déposé don Pèdre d'Aragon et
donné sa couronne à Charles de Valois, fils de Philippe le Hardi, accorda au
roi de France un nouveau décime de quatre années pour l'aider à exécuter par
la, force des armes la sentence pontificale[148]. Mais cette guerre entraîna en
se prolongeant des frais énormes que le Saint-Siège se chargea de payer avec
les biens de l'Église. En 1289, Nicolas IV imposa un décime pendant trois
années sur les églises relevant du roi et mémo sur celles qui, quoique
placées hors de sa suzeraineté, faisaient partie d'une province dont la
métropole était située dans le royaume de France, et sur les métropoles dont
quelques diocèses suffragante seulement dépendaient de Philippe le Bel, tels
que les provinces de Besançon, de Vienne et de Lyon, et les diocèses de
Liège, de Cambrai, de Metz, de Toul et de Verdun[149]. Ce fait
bizarre en apparence s'explique par le point de vue auquel on envisageait la
guerre d'Aragon : c'était une croisade. Quand elle fut terminée, le pape
invita le roi à consacrer à une expédition en terre sainte les sommes
provenant des décimes qui n'avaient pas été employées[150]. Il est inutile d'ajouter que
Philippe garda tout et entreprit de prouver que loin de rien devoir, c'était
le Saint-Siège qui était son débiteur pour des sommes importantes[151]. Pour
connaître les différentes levées de décimes qui furent effectuées sous
Philippe le Bel, j'ai trouvé un guide précieux dans l'inventaire de Robert
Mignon, qui m'a déjà été d'un si grand secours. Sans cette table, il serait
impossible d'établir la succession de ces décimes, qui étaient imposés à des
époques tellement rapprochées, que la perception de plusieurs d'entre eux
était simultanée[152]. En
1294, au fort de sa lutte contre l'Angleterre, à bout de ressources, Philippe
conçut le projet de demander des subsides au clergé. Il eut d'abord
l'intention de convoquer une assemblée générale du clergé, mais il ne
persista pas dans ce dessein[153]. Il prétexta les dépenses et
les dérangements qu'entrainerait le déplacement d'une aussi grande quantité
de personnes. Il espéra sans doute obtenir plus facilement ce qu'il
demandait, en réunissant séparément le clergé de chaque province[154]. Divisé, le clergé était plus
facile à intimider : réuni, il eût sans doute opposé quelque résistance
sérieuse ; Édouard Ier, roi d'Angleterre, en fit l'épreuve. Les députés du
clergé anglais auxquels il demanda des subsides, les refusèrent, et il fut
réduit, pour obtenir de l'argent, à les disperser et à employer la violence
et la terreur[155]. Philippe,
mieux avisé, prescrivit à chaque métropolitain de réunir les ecclésiastiques
des diocèses suffragants : le lieu et le jour de la réunion furent fixés par
le roi lui-même, et il choisit pour lieux d'assemblées des villes où
l'influence royale dominait exclusivement. Le clergé de la province de
Narbonne se réunit à Béziers le jour de la Saint-Simon et Saint-Jude[156]. Celui de la province de
Bourges à Clermont, le 8 du mois de novembre. Celui de Reims. à Compiègne, le
mardi après la Saint-Remi[157]. Les évêques, abbés, prieurs,
prévôts de chapitres furent invités à comparaître en personne, les autres
ecclésiastiques eurent la permission de se faire représenter[158]. Philippe le Bel craignait avec
raison que si les gros bénéficiers pouvaient envoyer des procureurs à leur
place, ils ne leur donnassent des instructions peu favorables aux demandes
royales, tandis que s'ils étaient tenus de se présenter eux-mêmes ils auraient
honte ou peur de refuser. Dans
toute la France les conciles se réunirent et votèrent un double décime
pendant deux années, à partir de la Toussaint 1294[159]. Les Églises de Bretagne firent
cause commune avec les autres diocèses de la province de Tours[160]. Cependant quelques
protestations s'élevèrent. Plusieurs ecclésiastiques de la province de Reims
appelèrent à Boniface VIII[161]. Nous
avons vu qu'un certain nombre de monastères muaient été exemptés de la
juridiction de l'évêque diocésain et soumis immédiatement au pape : on les
appelait exempts. Philippe leur demanda les mêmes sacrifices qu'aux autres
Églises. Dans chaque province ils furent réunis dans des assemblées
particulières. Ceux de la province de- Bourges furent convoqués à Aurillac
par G. de Maumorot, chantre de Bourges, et P. de Latilly, chanoine de
Soissons, clercs du roi, qui leur présentèrent la résolution prise à Clermont
par les églises non exemptes de la province. Les exempts, parmi lesquels on
re" marque les abbés de la Chaise-Dieu, de Déols, etc., accordèrent
gracieusement un double décime biennal, et firent constater leur vote dans un
certificat donné par un notaire apostolique[162]. Certaines
abbayes composèrent avec le roi ; Marmoutier[163], Cluny[164], les abbayes de Cîteaux de la
province de Bourgogne[165]. Les
décimes n'étaient accordés qu'à condition que nul, ni roi, ni duc, ni comte,
ni baron, ne lèverait aucun autre import tant que durerait la guerre présente
; le rot souscrivit à ces conditions[166]. Le clergé n'était point libre
de refuser ; les ecclésiastiques qui ne voulurent pas contribuer furent
exposés à la vengeance du roi, qui fit mettre sous sa main leur temporel. Les
abbés de l'ordre de Cîteaux du diocèse de Carcassonne invoquèrent les
immunités dont ils jouissaient ; le sénéchal saisit leurs biens et ne les
leur rendit qu’après qu'ils se furent exécutés[167]. Ce procédé, tout tyrannique
qu'il paraisse, n'était pas nouveau. Saint Louis s'en était servi en pareille
circonstance. En 1237, il demanda aux églises une aide pour la guerre. Les
chapitres de Sens, d'Auxerre et d'Orléans, n'y ayant point souscrits, le roi
fit saisir une partie de leurs possessions[168]. En effet, il était de règle au
moyen âge que l'Église devait contribuer à la défense du royaume. Le clergé
comprenait lui-même qu'il ne pouvait prétendre jouir en sécurité de ses biens
sans prendre part aux changes communes et aux sacrifices que s'imposaient les
autres classes. L’ordre
de Cîteaux, qui n'est point suspect d'avoir eu pour Philippe le Bel une
tendresse excessive, reconnut ce devoir du clergé. Le chapitre général
écrivait à ce prince : Secundum naturalis æquitatis rationem et sanctiones
legitimas debemus de bonis nobis a Deo collatis ad suppontandum tante molis
pondus subvenire[169]. Il n'y avait de désaccord que
sur la quotité. En 1296 le roi demanda de nouveaux décimes. Il convoqua à
Paris les évêques pour le 27 mai. Comparurent les archevêques de Rouen, de
Sens, de Reims, de Narbonne, de Tours ; les évêques de Chalon, de Laon, de
Térouanne, de Tournai, de Senlis, du Mans, de Coutances, d'Auxerre,
d'Avranches, du Puy, de Limoges, de Paris, de Troyes, d'Angers, de Chartres,
de Séez. Les procureur& des autres évêques arrivèrent ce même jour et les
jours suivants. Ils accordèrent, en réservant l'approbation du pape, deux
décimes, l'un payable à la prochaine fête de la Pentecôte, l'autre le 429
septembre suivant, à condition qu'ils seraient levés par le clergé, sans
l'intervention de l'autorité laïque. Si l'Église éprouvait quelques vexations
de la part du roi, la levée du subside devait cesser. Cette concession ne fut
pas faite le même jour ni par une seule assemblée, mais à des jours et dans
des endroits différents. ; au palais de l'évêque de Paris, à l'hôtel de
l'archevêque de Rouen, près du couvent des Cordeliers, dans la maison de
l'évêque d'Amiens, non loin de la porte Saint-Marcel, dans un logis situé
auprès de Saint-Marcel, enfin à l'abbaye de Saint-Germain des Prés[170]. Les évêques seuls avaient été
appelés à voter ces nouveaux impôts. L'ordre de Cîteaux refusa de les payer ;
il ameuta le clergé et suscita, au nom de l'Église de France, une
protestation qui fut remise au pape. On y comparait Philippe le Bel à Pharaon[171]. Les conseillers du prince,
clercs et laïques, attachés aux biens de ce monde, n'osaient lui reprocher
ses fautes. Nul ne voulait s'exposer au martyre pour la justice[172]. Le pape seul pouvait arrêter
la chute prochaine de l'Église. La conduite des évêques y était flétrie. On
les accusait de connivence avec le roi devant lequel ils tremblaient, ou dont
ils étaient complices, et d'avoir fui honteusement au lieu de combattre pour
le Seigneur ; on les appelait, selon les paroles d'Isaïe, « des chiens muets
qui ne peuvent aboyer[173] ». Cette
plainte amena de la part de Boniface VIII la bulle Clericis laïcos.
Mais l'entente entre le, roi et le pape ne tarda pas à se rétablir. Boniface
accorda même un double décime à la demande des évêques de France (15 mai 1297), et reconnut au roi le droit
d'imposer le clergé, avec son consentement et sans l'autorisation du
Saint-Siège, quand il y aurait nécessité pressante[174]. Il concéda en même temps les
annates, c'est-à-dire une année de revenu de tous les bénéfices séculiers qui
viendraient à vaquer dans le royaume pendant la durée de la guerre[175]. Philippe usa immédiatement du
droit que le pape venait de lui reconnaître. Il convoqua à Noël une assemblée
de prélats, leur fit part des privilèges qu'il venait de recevoir, et en
obtint pour iule année la prolongation du double décime que Boniface VIII
venait d'ordonner en sa faveur[176]. Il montra au souverain pontife
qu'il n'était pas ingrat, en lui permettant de lever sur le clergé français
un décime pour contribuer à chasser de Sicile Frédéric d'Aragon. En 1299
nouvelle réunion des conciles provinciaux, nouvelle demande d'un décime simple
biennal, qui fut voté[177]. L'Église
était ruinée. Les plus riches abbayes étaient épuisées par ces contributions
si souvent répétées ; pour les-acquitter il avait fallu emprunter à usure :
joignez à cela les fréquents voyages en cour de Rome, les exigences
pécuniaires du Saint-Siège et l'affaiblissement des monnaies. « Notre
accablement est immense, écrivait l'abbé de Saint-Germain des Prés, nous
sommes affaissés et comme privés de sentiment ; notre crainte est de ne
pouvoir nous relever[178] ». Après
la funeste défaite de Courtrai le roi fit un appel à toute la France : il
demanda au clergé des prières et de l'argent :1l fit venir à Paris plusieurs
prélats et leur rappela qu'ils lui avaient promis, si les besoins de l'État
l'exigeaient, un décime et demi. C'était sans doute le reliquat du double
décime de 1299, qui n'avait pas été entièrement perçu, par suite de la fin de
la guerre, car le clergé avait stipulé que si les hostilités cessaient, la
levée du subside serait immédiatement arrêtée. Le
moment était venu de tenir leur promesse. Une circulaire qui fut envoyée aux
autres évêques leur enjoignait la levée immédiate d'un décime. Le roi y
faisait un récit pathétique des rasages des ennemis. Il les représentait
envahissant la Picardie, brûlant les cités et les villages, ravageant les
campagnes, profanant les églises, massacrant les femmes et les enfants. Il
annonçait qu'il allait se mettre lui-même à la tête d'une armée pour les
combattre[179]. A la
fin de l'année 1308 et au commencement de 1304, les conciles furent assemblés[180]. Celui de la province de Sens
vota un double décime, payable par les prélats et les exempts : un simple
décime fut imposé sur les églises non exemptes, et encore ne fut-il levé que
dans les diocèses de Reims, de Châlons, de Laon, de Soissons, de Noyon, de
Senlis et de Beauvais. Les maux de la guerre en empêchèrent la levée dans les
autres diocèses[181]. Le roi promit, en échange des-
subsides qu'il recevait, de confirmer les anciens privilèges des églises et
de leur en octroyer de nouveaux. Les conciles de Béziers et de Bourges
accordèrent le même subside que celui de Reims[182]. Nous
avons le procès-verbal original des délibérations du concile de la province
de Bourges. C'est un document précieux pour faire connaître ce qui se passait
dans ces assemblées. L'abbé de Cluny comparut mu concile en qualité de
commissaire du roi : ce fut lui qui formula, au nom du prince, la demande
d'un subside. C'est à lui que s'adresse la réponse des pères. Deux évêques
seulement étaient présents, ceux de Limoges et.de Mende. L'archevêque de
Bourges, alors en cour de Rome, était représenté par ses deux vicaires
généraux. Un sixième à peine des ecclésiastiques convoqués se rendit à
Bourges ; ce qui s'explique par le court délai accordé entre la convocation
-et l'assemblée. Les membres présents invoquèrent leur petit „nombre pour
essayer de se dispenser de prendre une résolution, et demandèrent une
nouvelle convocation, mais les commissaires du roi insistèrent pour qu'ils
fissent une réponse à la requête qu'ils leur avaient présentée. Ils offrirent
alors un décime, à condition qu'il serait levé suivant l'ancienne taxe, par
eux-mêmes et seulement sur les gros fruits des bénéfices ecclésiastiques,
sauf l'approbation du pape. Cette approbation devait être demandée par le
roi, à ses frais[183]. Il
paraît que les commissaires trouvèrent cette concession insuffisante, car le
concile offrit dans la même session deux décimes, à condition que le roi
cesserait d'altérer les monnaies ; qu'on respecterait le libre exercice de la
juridiction ecclésiastique ; que les legs et donations à l'Église seraient
affranchis d'entraves ; que les fiefs appartenant à des ecclésiastiques
seraient insaisissables ; enfin que tous les privilèges de l'Eglise de
Bourges seraient solennellement confirmés. Une
partie de ces demandes fut octroyée[184], ainsi qu'on l'apprend par les
privilèges donnés à l'évêché de Mende[185], qui avait envoyé ses
représentants au Concile' de Bourges, bien qu'il n’appartînt pas à cette
province ; mais la distance qui séparait le Gévaudan de Béziers, où se
rassembla le concile de la province de Narbonne dont Mende dépendait, et
surtout la difficulté des chemins, engagèrent le roi à faire voter le diocèse
de Mende avec les ecclésiastiques de la province de Bourges. Philippe
employa des moyens violents pour obtenir des subsides de la province de
Tours. Il ordonna de lever le cinquième des biens du clergé, en vertu de son
autorité royale, auctoritate principali : le clergé devait être
consulté pour la forme. Le concile refusa, prétendant qu'il avait besoin de
la permission du pape. Les commissaires firent saisir le temporel des prélats[186]. Le roi promit solennellement
le rétablissement de la bonne monnaie, dans une lettre qui fut adressée à
l'archevêque de Narbonne[187]. En outre, toutes les églises
reçurent des renouvellements de leurs privilèges[188]. En 1304, le successeur de
Boniface VIII, Benoît XI, accorda au roi, pour l'aider à frapper de la
monnaie sur le pied de celle de saint Louis, un décime de deux ans, qui fut
levé seulement en 1307 et 1308[189]. En
1306, Clément V concéda un décime simple qui fut perçu en 1310 ; au concile
de Vienne, en 1312, les prélats accordèrent un décime au pape, qui en fit don
à Philippe le Bel. Le même concile décida qu'on ferait une croisade en
Orient, et établit un décime de six ans. En étaient seuls exempts les
Hospitaliers et les chevaliers Teutoniques. Nous
allons faire voir maintenant quel était le mode de levée des décimes. Les
premiers décimes, destinés aux croisades, furent levés par des légats, aidés
de commissaires appelés exécuteurs des décimes[190]. C'est ainsi qu'en 1289, le
Saint-Siège désigna pour accomplir les fonctions d'exécuteurs, l'archevêque
de Rouen et l'évêque d'Auxerre ; en 1305, l'archevêque de Narbonne, l'évêque
d'Auxerre et Pierre de Belle-Perche, chanoine de Bourges. Les exécuteurs
recevaient pleins pouvoirs de nommer des collecteurs généraux pour chaque
province ecclésiastique. Les
collecteurs généraux choisissaient les receveurs chargés de lever le décime
dans chaque diocèse[191]. Ces agents étaient tous
ecclésiastiques et appartenaient presque toujours au clergé séculier. Ils
juraient de ne se laisser influencer ni par les prières ni par les menaces,
et de rendre des comptes fidèles aux exécuteurs ou à leurs mandataires. Leur
action ne s'étendait pas sur les exempts, c'est-à-dire sur les monastères qui
n'étaient soumis qu'au pape et étaient exemptés d'obéir à leur évêque qui
n'avait sur eux aucune juridiction. Un
décime consistait, ainsi que je l'ai dit plus haut, dans le dixième des
revenus ecclésiastiques. Une bulle de Nicolas IV donne les plus précieux
renseignements sur la manière dont on parvenait à s'assurer de la valeur
exacte de ces revenus, dont un certain nombre était variable. Étaient exempts
: les léproseries, les hôtels-Dieu et les hôpitaux ; Les
religieuses et les moines dont les revenus étaient insuffisants pour assurer
leur existence, et qui pour vivre étaient contraints d'avoir recours à la
mendicité ; Les
clercs séculiers dont les revenus ne dépassaient pas quinze livres tournois. Les
pitances monacales n'étaient pas soumises au décime. On appelait pitance des
sommes allouées pour un repas. Les princes et les grands seigneurs, en
fondant des services et des prières pour le repos de leur âme dans une
abbaye, étaient dans l'usage de léguer des sommes destinées à procurer aux
moines un festin à la fois plus copieux et plus délicat, chaque année, an
jour anniversaire de leur mort. On
demandait à chaque ecclésiastique s'il voulait payer le décime d'après
l'estimation de ses bénéfices ou d'après les revenus effectifs qu'il
toucherait pendant la durée du temps fixé pour la levée du décime. Une fois
le choix fait, il n'était pas permis d'adopter un mode différent de celui
qu'on avait déclaré vouloir suivre. De
nombreuses difficultés s'offraient pour la perception du décime, difficultés
que les -papes s'efforcèrent de lever dans leurs déclarations. Ils partirent
de ce principe, que le décime n'était pas dû pour les produits en nature que
le bénéficier consommait lui-même ; mais si une partie de ces produits
étaient vendus, le décime était exigible pour cette partie, ainsi que pour
les legs. Quant
aux revenus, tels que les coupes des bois, qui se percevaient de loin en
loin, à des intervalles souvent inégaux, on prenait une moyenne. Exemple : un
prêtre possède un bois dans lequel il n'a pas fait de coupe depuis plusieurs
années, mais la dernière coupe lui a rapporté cent livres. Entre cette coupe
et la précédente il s'est écoulé une période de cinq ans ; c'est donc un
revenu moyen de vingt livres par an : il payera le dixième de cette somme[192]. Les
décimes royaux étaient payés par les différents ordres religieux, même par
ceux qui étaient exempts des décimes levés par le Saint-Siège[193]. Certains grands monastères
traitaient avec le roi. Dans les concessions de décimes faites sous Philippe
le Bel, on trouve fréquemment la condition qu'ils seraient levés suivant les
anciennes taxes[194]. En effet, on avait dressé, à
une époque quelconque du treizième siècle, un état général de la valeur des
bénéfices ; mais cet état dut être modifié de temps à autre par suite de
l'accroissement ou de la diminution de certains revenus ecclésiastiques. Il
parait que la valeur des biens de l'Église de France s'était considérablement
accrue à la fin du treizième siècle, ou bien que le recensement eu avait été
fait avec plus d'exactitude et de rigueur. C'est ce que prouve la persistance
du clergé français à demander qu'on suivît les anciennes taxes. Ce fait est
d'ailleurs mis hors de doute par un registre de la chambre des comptes, qui
renferme deux évaluations différentes des richesses du clergé de France. Je
reviendrai sur ce point. De
temps à autre, le Saint-Siège nommait des commissaires chargés de vérifier si
les déclarations faites par les ecclésiastiques étaient exactes, et d'établir
de nouvelles assiettes de l'impôt : les légats étaient chargés de ces
recensements. Les ecclésiastiques déclaraient eux-mêmes le chiffre des
revenus de leurs bénéfices, et des commissaires contrôlaient leur
déclaration. On dressa un cadastre général par ordre du concile de Lyon en
1274 ; une révision fut prescrite par Nicolas IV[195]. La
sanction de la levée des décimes était l'excommunication, même quand il
s'agissait de ceux exclusivement destinés au roi. Un retard dans le payement,
suivi d'un avertissement, suffisait pour faire porter cette grave peine. Les
collecteurs lançaient eux-mêmes les censures. Ils le faisaient avec des
formes solennelles, et dénonçaient publiquement les excommuniés. Si le
contribuable persistait dans sa résistance, on saisissait tous ses meubles, à
l'exception des croix, des calices et des ornements sacrés ; s'il s'obstinait
dans sa rébellion, on le livrait au bras séculier, qui était toujours prêt à
obéir aux réquisitions de ce genre[196]. L'Église était donc arrivée à
frapper de ses censures ceux de ses membres qui ne payaient pas le tribut à
César. Les agents royaux n'attendaient pas l'accomplissement des formalités
que je viens d'indiquer : dès qu'ils apprenaient qu'un ecclésiastique avait
laissé passer sans payer le terme fixé, ils faisaient saisir par leurs
sergents son temporel[197]. Bon nombre de prélats subirent
ces exécutions[198]. Le roi fut obligé à plusieurs
reprises de modérer le zèle de ses officiers, et de faire châtier
exemplairement plusieurs d'entre eux qui s'étaient rendus coupables de
rapines et d'abus de pouvoir. Il ordonna aussi de ne pas saisir les bénéfices
des récalcitrants, mais un seul manoir, sauf à étendre progressivement les
effets de la saisie[199]. Les décimes devaient être
acquittés en espèces monnayées entre les mains des collecteurs, qui en
remettaient contre quittance le produit aux agents désignés par le roi[200]. Les
deniers des décimes pour la croisade étaient versés au trésor du Temple. Le
pape ordonnançait en faveur du roi les sommes qu'il lui accordait ; mais en
même temps le roi veillait à ce que le pape n'appliquât pas à ses besoins
personnels l'argent que le clergé de France fournissait pour les guerres saintes.
Martin IV, pressé par une insurrection en Romagne, pria Philippe le Bel de
lui permettre de prélever une somme de cent mille livres sur les décimes de
la guerre d'Aragon[201], somme que Philippe réclama
plus tard à Clément V[202]. En 1289, Nicolas IV se réserva
cent mille livres sur le produit du décime qu'il accorda au roi[203]. Il est à remarquer que les
subsides pour la guerre d'Aragon, votés par le clergé, quoique consistant
dans la dixième partie du revenu, ne portaient pas officiellement le nom de
décimes quand ils n'avaient pas été autorisés par le pape. Outre
les décimes, Philippe le Bel trouva en plusieurs occasions le moyen de
s'approprier une partie du revenu du clergé. En 1297, Boniface VIII lui
accorda pendant toute la durée de la guerre de Flandre les annates,
c'est-à-dire la première année de revenu de chaque bénéfice qui viendrait à
vaquer, sauf les évêchés et les monastères. Ces annates furent levées pendant
trois années[204]. En 1304, Benoît XI lui concéda
de nouveau les annates pendant trois années pour l'aider à fabriquer de bonne
monnaie[205]. Les
annates étaient levées par des commissaires ecclésiastiques choisis par le
roi ; il y en avait dans chaque province[206]. Boniface
VIII avait aussi octroyé au roi, tant que la guerre durerait, la moitié de
tous les legs qui seraient faits pour la croisade, et de toutes les sommes
payées par les fidèles pour se racheter du vœu d'aller en terre sainte[207]. En
étudiant attentivement les comptes des -décimes, on est conduit à quelques
observations intéressantes sur la richesse relative du clergé dans les
différentes provinces. Les églises du Nord étaient incomparablement plus
riches que celles da Midi ; par exemple, le clergé de la province de Reims
avait -an revenu de près d'un million de livres tournois, tandis que les
églises de la province de Narbonne n'avaient pas trois cent mille livres de
rente. La province qui renfermait le plus d'exempts, c'est-à-dire de
monastères ne dépendant que du Saint-Siège, était celle de Bourges, où ils
possédaient un quart des bénéfices. Les
frais de recouvrement des décimes variaient suivant la pauvreté du diocèse :
dans celui de Besançon, ils atteignirent pour les exempts seize pour cent ;
dans le Languedoc, ils ne furent que d'un et demi pour cent[208]. Quelques
documents officiels contemporains permettent d'asseoir sur des bases à peu
près certaines l'évaluation d'un décime sous Philippe le Bel. Celui de
l'année 1313 produisit deux cent soixante mille six cent quatre-vingts livres
huit sous, dix deniers tournois[209]. Ce chiffre est donné par un
des registres de la chambre des comptes de Paris. On trouve une évaluation un
peu différente dans un document qui a la même provenance. Il est sans date,
mais évidemment postérieur, puisqu'on y voit figurer les diocèses de Tulle,
de Castres, de Vabres et de Saint-Flote, qui ne furent créés qu'en 1317. Il
n'est pas complet, car il ne renferme que quatre provinces : Reims, Rouen,
Sens et Bourges ; mais il est suivi d'une note ainsi conçue : « La décime des
Églises de tout le royaume, ou livre du greffe marqué Pater, qui
commence à 1254 et finit en 1330, ou quel temps monta pour ung an 278.832 1.
10 s. 5 d. tournois, sauf à rabattre la dépense de ceux qui eurent la charge
de le recevoir, qui monta 12.841 l. 15 s. 9 d., reste qu'elle vaut de net 265.990
l. 18 s. 8 d., ou quel livre ladite décime est tauxée et déclairiée par
chacune province, églises et abbayes du roy[aume][210]. » La
différence entre ce dernier total et celui de l'année 1313 peut être
attribuée à l'accroissement des richesses du clergé ; peut-être aussi
plusieurs ordres obtinrent des remises en 1313. Le compte de la recette de la
dîme de l'an 1289 donne aussi des chiffres qu'il faut consulter. On sait
qu'elle fut levée pendant trois années : elle produisit 793.192 l. 15 s. 9
d., y compris les frais de perception ; la moyenne du produit brut d'une
année est donc de 264.397 l. 11 s. 11 d. Les hospitaliers et les templiers
furent exemptés de prendre part à cette levée[211]. Un document officiel porte à 6.000
livres la valeur d'un décime pour chacun de ces ordres[212] : c'est donc une somme de 12.000
livres à ajouter pour avoir la moyenne des décimes de 1289, en supposant que
tous les ordres aient contribué, ce qui donne un chiffré de 276.397 livres 11
s. 11 d. Mais, en compensation, plusieurs diocèses étrangers payèrent ce
décime. Le premier chiffre, qui représente le produit du décime de 1313,
donne un produit net ; il faut y ajouter les frais, qui sont évalués 12.000
livres dans le document sans date cité plus haut. Un
autre document émané de la chambre des comptes, et qui paraît avoir été
rédigé avant 1307, donne deux estimations différentes de la valeur d'un
décime. La première s'élève à 238.373 l. 18 s. 9 d., la seconde à 237.163 l.
5 s. 9 d.[213]. Dans ces deux sommes ne
figurent ni les Templiers, ni les Hospitaliers, ni les Cisterciens. Un
document déjà cité évalue à 12.000 livres la part de Cîteaux, et à 6.000
celle de chacun des deux ordres militaires[214] : c'est donc 24.000 livres
qu'il faut ajouter, et l'on a 262.373 l. 18 s. 9 d. pour la première
évaluation, et 261.163 l. 5 s. 9 d. pour la seconde. Je
crois qu'en adoptant le chiffre de 260.000 livres tournois, pour exprimer la
moyenne du produit d'un décime, on est plutôt au-dessous qu'au-dessus de la
vérité. Ce chiffre étant établi, on évaluera facilement la fortune du clergé
: 20.000 liv. étant le dixième du revenu, ce revenu sera lui-même de 2,600.000
livres, qui, en prenant les évaluations de M. de Wailly, représentent en
valeur intrinsèque une somme de 46.631.243 francs. Et en supposant que
l'argent avait alors cinq fois la valeur actuelle, ce qui est
très-vraisemblable, on trouve que les revenus annuels du clergé s'élevaient à
233.156.218 francs. Ce
chiffre est, je crois, trop faible, car en 1830 on évaluait à 235 millions le
revenu du clergé anglais. Or il ne faut pas perdre de vue que lors de
l'établissement de la réforme, un nombre considérable de biens
ecclésiastiques avaient été aliénés. On voit
que l'Église de France fut soumise à une rude épreuve sous Philippe le Bel.
Ce roi n'inventa pas de faire participer le clergé aux charges publiques ;
mais, le premier, il fit reconnaître par les papes le droit du roi d'exiger
des subsides de l'Église avec son consentement. Cette dernière condition fut
illusoire, dès que le pape fut établi à Avignon sans pouvoir temporel et à la
merci de tous. Aussi les rois de France eurent dans le clergé de France une
source inépuisable de revenus, à laquelle ils puisèrent sans réserve et sans
discrétion. Ce serait une curieuse et bien neuve histoire que celle des décimes
ecclésiastiques. Philippe en toucha vingt et un, qui produisirent plus de 400
millions de francs. * * * * * * * * * *
CHAPITRE QUATRIÈME. — EMPRUNTS VOLONTAIRES ET FORCÉS.
Le
recours aux emprunts était pratiqué sous Philippe le Bel, mais dans des
proportions fort restreintes. Il emprunta fréquemment des sommes importantes
à des banquiers italiens[215], mais je n'ai pu découvrir à
quelles conditions. Il fit aussi à ses sujets des emprunts qu'il ne faut pas
confondre avec ces sommes qu'il se faisait donner par les villes sous le même
nom (mutuum), et qui étaient de véritables dons gratuits. En 1302 il envoya
des commissaires avec ordre de solliciter des prêts d'argent des personnes de
toute condition, et en promit formellement le remboursement. Cette dernière
clause n'était pas superflue[216]. J'ignore le taux de l'intérêt
accordé, mais ces recours à une souscription nationale ne paraissent pas
avoir obtenu un grand succès. Les officiers du roi faisaient aussi des
emprunts pour faire face à des dépenses urgentes. En 1296 le châtelain de
Montréal emprunta au nom du roi au consul de Narbonne différentes sommes, et
donna hypothèque sur le salin de Carcassonne[217]. Cet argent était destiné à
solder des troupes pour la guerre contre les Anglais en Guienne. On trouve
aussi des remboursements d'emprunts faits à des particuliers dans la
sénéchaussée de Saintonge en 1299[218], et en Normandie en 1287[219]. Philippe
ne dédaignait pas de descendre aux prières et aux menaces pour obtenir des
emprunts, témoin la lettre qu'il écrivit au mois de septembre 1302 à un clerc
nommé Jean Croissant. « Vous
véez clèrement la grant nécessité et le besoing où nous somes à présent pour
la deffense de nostre résume, et comment nous, pour deffendre le réaume, vous
et chascun d'icelui résume, et pour vous pourchacer pez, abandonnons et
mettons avant, non pas seulement biens et avoir et tout ce que nous avons,
mes nostre personne, sanz eschiver péril et meschief qui venir puisse ; et,
comme pour si grant neccessoire besoigne poursuivre, il nous coviegne faire
despens sanz compte et sanz nombre, les quiex nous ne pourrions nullement
porter ne i souffire, sans l'aide de nos féaux — laquele désire toute manière
de haste —, nous requerons plus féablement cens que nous cuidons trouver plus
prez, plus volenterins et plus abandonnez à nous, ceus espéciaument desquiex
l'estat un ou autre, en prospérité ou en adversité, dépent du nostre ; nous, pour
ces causes et raisons, vous requérons féablement, prions de si grant
affection comme nous poons plus, et voulons trenchement, que sur l'amour et
la fealté que vous avez à nous et au résume, et si comme vous désirez le bon
estat de nous, de vous et du réaume, et avez chère nostre amour et notre
grâce, et désirez eschiver le contraire, et encorre perpétuelment nostre
indignation, vous nous secorez à ces ! grant besoin de IIIe livres tournois
en prest, duquel prest vous rendre mas voulons que vous soies asseurez et
assenez tout à vostre devise. Laquele somme d'orgeat vous envoies tantost à
Paris à nos gens, au Louvre, par certain message, qui noise evec le
polie-leurs de ces lettres, ou dites à celui pourteur certain jour brief,
auquel le dit argent soit sanz faute ; et ce faites prestement et
libéralement sanz excusations, sans délay et sans escondit. Quer nous
savons de certain que vous le povez bien faire, par vous, ou par vos amis
; et vous véez le grant proufit gai est en ce que la besoigne soit bien
poursuivie et les griés péril, le meschief et le dommage qui porroit avenir
du deffaut, que ja n'aviegne. Et signns tout appertement que james ne nous
fierons, ne ne tendrons pour ami ne pour féal qui mets faudra à si grand
besoing[220]. » Mais
cela n'est rien en comparaison des emprunts que l'on fit dans le bailliage de
Troyes. On prit plusieurs hommes de bonne volonté qui estimèrent, sous
serment, la fortune de leurs concitoyens et fièrent la somme que chacun d'eux
était en état de prêter. Nous avons encore les rôles de cette imposition d'un
nouveau genre[221]. * * * * * * * * * *
CHAPITRE CINQUIÈME. — IMPÔTS SUR LES JUIFS, LES LOMBARDS ET LES USURIERS.
Les
Juifs étaient considérés au moyen âge comme une source de revenus[222]. Ils étaient relégués dans
certains quartiers, mais ils cherchaient à se soustraire à des obligations
qui avaient pour but de les empêcher de se livrer à l'usure[223]. Ils étaient aussi tenus de
porter une rouelle de feutre. Un grand nombre de Juifs obtinrent, sous
Philippe le Bel, de ne pas porter ce signe qui les désignait aux insultes de
la populace[224]. En 1288, le roi prétendit
qu'en sa qualité de souverain, ratione regiœ celsitudinis, tous les
Juifs lui appartenaient[225], et se réserva sur eux la
juridiction criminelle. Cependant il fut obligé de reconnaître aux seigneurs
le droit d'en posséder. Il défendit à l'inquisition de les emprisonner[226]. La même année il expulsa du
royaume les Juifs venus d'Angleterre et de Gascogne[227]. En 1292, il leva une taille
sur ses Juifs, car il y avait les Juifs du roi, comme il y avait des
bourgeois du roi ; leur sort était préférable à celui des Juifs des seigneurs
; ils trouvaient protection, moyennant finance. Un israélite, Manassès de Choisy,
fut chargé de lever cette taille, et reçut un passeport où il était enjoint
aux agents du roi de le laisser circuler librement et de le préserver de
toute injure[228]. En 1293, Thauros, Juif de
Montpellier, prêta à Rousselin, seigneur de Lunel, une somme importante, et
reçut en échange le droit de percevoir cinquante livres tournois sur les
revenus annuels de cette seigneurie. Le roi ordonna au sénéchal de Nîmes de le
laisser toucher paisiblement ces revenus, s'il pouvait prouver qu'il fût Juif
du roi, autrement d'exiger de lui le revenu de six années. Il est curieux de
voir les Juifs soumis à une espèce de droit d'amortissement[229]. C'était
une chose fructueuse et bonne à exploiter que les Juifs, aussi Philippe
cherchait-il à en avoir le plus grand nombre possible. En 1299, il acheta à
son frère, pour vingt mille livres, tous les Juifs du comté de Valais[230]. Les Juifs du roi avaient,
ainsi que l'apprend une charte royale, le droit de prêter de l'argent. Un
grand nombre d'entre eux qui demeuraient dans les fiefs des barons, voulurent
se soustraire aux tailles exigées par Philippe le Bel, mais ils y furent
contraints et condamnés en outre à l'amende pour avoir voulu abuser de leurs privilèges[231]. L'année 1295 vit un grave
événement : tous les Juifs furent arrêtés et les plus riches conduits au
Châtelet à Paris[232]. Les officiers royaux
dressèrent l'inventaire des biens de chacun et reçurent l'ordre de ne point
les mettre en liberté sans une lettre du roi[233]. L'argent dont ils étaient
munis fut remis aux receveurs. Quant aux vases d'argent et aux autres gages
qui furent trouvés chez eux, les créanciers purent les racheter dans les huit
jours, sinon on les vendait et on en versait le produit au trésor.
Quelques-uns s'étaient échappés après avoir caché de l'argent et des objets
précieux dans leurs manoirs et même dans ceux de quelques chrétiens. On fit
des recherches sévères. Ces arrestations avaient pour but de forcer les Juifs
à payer une aide. Ils en furent quittes pour une forte rançon. On exigea
d'eux une nouvelle taille en l'an 1299[234]. Seuls les Juifs du roi étaient
soumis à cet impôt, ainsi qu'aux précédents[235]. Nouvelle taille en 1302[236]. Au mois de novembre de la même
année fut rendue une ordonnance qui défendait aux baillis et aux sénéchaux de
faire arrêter aucun Juif sur l'ordre des inquisiteurs[237]. En 1303
une autre ordonnance leur enjoignit de contraindre les débiteurs des Juifs à
leur payer les dettes[238]. Cette mesure qui paraissait
favorable n'était que le prélude d'une iniquité dont Philippe trouvait des
exemples dans les pays voisins. Au mois d'août 1306, il bannit les Juifs de
France et leur ordonna de quitter immédiatement le royaume[239]. Le duc de Bourgogne leur donna
asile dans ses États. Cet acte inique était dicté par le désir de
s'approprier leurs biens. Leurs maisons et leurs terres, leurs meubles,
furent vendus aux enchères ; une clause, qui peint l'avidité da fisc,
réservait au roi les trésors qui pouvaient être enfouis dans leurs maisons[240]. Des commissaires furent
envoyés dans chaque bailliage pour faire procéder à ces ventes avec célérité.
Les registres de la chancellerie sont remplis de confirmations de ventes de
biens des Juifs faites par ces commissaires[241]. On vendit toutes les écoles[242], les synagogues et jusqu'aux
cimetières[243]. Le roi ordonna à leurs
débiteurs de venir déclarer leurs dettes[244], et les commissaires en
exigèrent le remboursement et poursuivirent de malheureux chrétiens qui
avaient été les victimes de prêts usuraires. Le roi défendit de réclamer les
dettes qui remontaient à plus de vingt années. Pour les sommes qui ne
dépassaient point dix livres, lorsque le débiteur jouissait d'une bonne
renommée, un seul témoin suffisait pour prouver le payement[245]. Les chrétiens ne durent pas
être emprisonnés pour les dettes des Juifs[246]. Les barons réclamèrent les
biens confisqués sur les Juifs de leurs domaines. Leur droit était évident,
Philippe entra en arrangement et partagea avec eux[247]. Le vicomte de Narbonne reçut
pour sa part cinq mille livres tournois, plusieurs maisons contiguës à son
palais et des biens ruraux[248]. Si le
peuple vit avec joie l'expulsion de ces malheureux, il ne tarda pas à les
regretter : les usuriers juifs firent place aux usuriers chrétiens, qui se
montrèrent plus durs que leurs devanciers[249]. Écoutons
le poète populaire, Geoffroy de Paris : Je
dis, seignors, comment qu'il aille, Que
l'intention en fut bonne ; Mais
pire en est mainte personne Qui
devenu est usurier, Car
Juifs furent débonnères Trop
plus en fesant tels affaires, Que
ne furent ore chrestien. Mès
si li Juis demouré Fussent
au résume de France Crestien
moult Brant aidante Eussent
eu, que il n'ont pas ; Car
por po (peu) trouvoit-on argent, Or
ne treuve l'en nulle gent Qui
veille l'un à l'autre prester. Ils
demandèrent à venir prouver leurs créances, on les laissa rentrer. Ils
corrompirent les commissaires et les agents du roi, et se prétendirent les
créanciers d'un grand nombre de personnes qui nièrent énergiquement leur rien
devoir[250]. En 1311
ils furent chassés de nouveau[251] et leurs biens confisqués. Les
poursuites recommencèrent contre leurs débiteurs, au nombre desquels
figuraient un grand nombre de religieux[252]. La
confiscation de leurs biens fit entrer dans les coffres du roi des sommes
immenses. Le produit de la vente de ces biens s'éleva dans le bailliage
d'Orléans, non compris les bijoux, à 3.746 livres[253], et dans la sénéchaussée de
Toulouse à 75.264 livres tournois. Ce dernier chiffre est donné par le compte
original de Jean de Saint-Just, commissaire dans cette sénéchaussée, compte
qui comprend les saisies faites de 1306 à 1311[254] ; mais cette spoliation, qui
enrichit le trésor, ruina le crédit. Aussi Louis X, à peine sur le trône,
céda à la commune « clamour du peuple, pourquoi ils devoient estre soufferts »,
les rappela, mais seulement pour douze ans. C'était se ménager une occasion
de les rançonner en leur permettant de rester quand ces douze années seraient
écoulées[255]. Les
marchands italiens, connus sons le nom de Lombards, accusés de participer aux
usures et aux richesses des Juifs, excitèrent aussi la convoitise royale. En 1291
on les arrêta, puis on les relâcha après en avoir tiré de fortes sommes[256]. Les agents du roi mirent tant
d'ardeur à trouver des Lombards, qu'ils emprisonnèrent en cette qualité
d'honnêtes bourgeois[257]. En
1303, le roi ordonna de lever double subside pour la guerre de Flandre, sur
les usuriers[258]. Les
Flamands payèrent de fortes contributions de guerre ; un compte officiel
évalue à 598,549 livres tournois les sommes qu'ils furent obligés de payer de
1296 à 1317[259]. * * * * * * * * * *
CHAPITRE SIXIÈME. — MONNAIES.
Coup d'œil sur le
système monétaire de saint Louis et de Philippe le Bel. Tournois. — Parisis.
— Inconvénients de ce système. — Dès 1295 Philippe altère les monnaies
publiquement. — Tableau des altérations successives jusqu'à 1302. — Le prix
du marc d'argent sert à faire connaître le degré d'altération des monnaies. —
Ordre de porter la vaisselle d'argent aux hôtels des monnaies. —
Rétablissement momentané de la bonne monnaie en 1303. — Nouvelles
altérations. — Plaintes du peuple. — Bonne monnaie en 1306. — Effets
désastreux du rétablissement de la bonne monnaie. — Émeutes. — En 1311 la
monnaie altérée. — Bourgeois. — Erreur de Leblanc. — 1313, bonne monnaie. —
Fabrication des monnaies. — Faux monnayeurs. — Leur supplice. — Monnaies
seigneuriales. — Elles sont surveillées. — Philippe en altérant la monnaie
suivait les préjugés de son siècle. — Remarquable passage d'un mémoire de P.
Dubois signalant les inconvénients des mutations de monnaies.
Ce
n'est guère qu'à partir du règne de Philippe le Bel que l'histoire monétaire
commence à être connue avec quelque détail ; elle acquiert alors un
très-grand intérêt par suite des grandes altérations des monnaies,
altérations qui eurent des résultats économiques d'une haute importance. Philippe
le Bel se distingua par les nombreuses variations qu'il fit subir au poids et
à la loi des monnaies, ce qui lui a valu le surnom de faux monnayeur. Il
suivit pendant les premières années de son règne le système monétaire de
saint Louis[260]. La monnaie d'or était, suivant
les évaluations les plus récentes et les plus sûres, à ⁹⁹⁰/₁₀₀
de fin. On frappait des agnels — ainsi nommés à cause de l'agneau pascal qui
y était représenté —, dont on taillait 59 et ¹/₆ au marc, ce qui donne
à l'agnel une valeur intrinsèque de 14 fr. 10580. Il avait cours pour 12 sous
6 deniers tournois. La
monnaie d'argent était à ²³/₂₄ de titre, c'est-à-dire qu'elle
renfermait ¹/₂₄ d'alliage, ce qui constituait un titre supérieur
à celui de notre monnaie, qui ne contient que ⁹/₁₀
d'argent. L'argent à ²⁴/₂₃ de fin, ou comme on dirait à 11
deniers 12 grains, s'appelait argent le roi. il y
avait trois sortes de monnaie d'argent : le gros ou sou tournois, le
demi-gros on obole, et le tiers de gros ou maille blanche, ou encore obole
tierce. On
taillait 58 gros dans un marc d'argent le roi ; le gros avait une valeur
intrinsèque de 0 fr. 898677 ; il avait cours pour 12 deniers. La
monnaie de billon ou monnaie noire n'était pas frappée d'après un seul
système : il y avait la monnaie tournois et la monnaie parisis ; la première
était à la seconde comme 4 est à 5 ; mais là ne se bornait pas la différence.
Les parisis n'étaient pas taillés dans le même alliage que les tournois. Le
billon des tournois était composé de 5 parties d'argent le 'roi contre 11
parties de métaux moins précieux, autrement dit à 3 deniers 18 grains de fin. La plus
forte monnaie de billon était le denier, douzième partie du sou ; on en
taillait 230 dans un marc ; sa valeur intrinsèque était de 0 fr. 07403. Ce
chiffre est inférieur à la douzième partie du gros ou sou tournois d'argent.
De nos jours, la même anomalie se fait remarquer, et même à un degré
supérieur, dans notre système monétaire. Vingt pièces de cinq centimes n'ont
pas la valeur intrinsèque d'une pièce d'argent de un franc : cela tient à ce
que chez nous la monnaie de cuivre est une monnaie d'appoint, destinée à
faciliter les transactions. Il en était autrement au moyen âge : la monnaie
d'argent, le gros, était bien la monnaie type, mais celle de billon était la
monnaie principale. En effet, en supposant à l'argent un pouvoir égal à cinq
fois celui qu'il a actuellement, ce qui n'est pas exagéré, on trouve que le
sou tournois valait à peu près 4 fr. 49 c., l'obole 2 fr. 24 c., et la maille
1 fr. 49 c. La plus petite monnaie d'argent avait donc une valeur
relativement assez élevée. Philippe le Bel déclare lui-même dans plusieurs
ordonnances qu'on faisait de la monnaie d'argent en petite quantité[261]. Cette différence de valeur
intrinsèque entre une somme de monnaie d'argent et la même somme en monnaie
de billon avait sa source uniquement dans l'ignorance où l'on était des
principes régulateurs du crédit public. La même disproportion qui se remarque
entre la monnaie de billon et la monnaie d'argent existait aussi entre cette
dernière et la monnaie d'or. Douze tournois six deniers d'argent avaient
cours pour un agnel, c'est-à-dire pour 14 fr. 10588 ; un tournois avait donc
cours pour 1 fr. 12839, tandis que sa valeur réelle n'était que de 0 fr.
89867. Un agnel valait 14 fr. 10588, et 150 deniers tournois en billon, qui
représentaient une somme équivalente, ne valaient réellement que 11 fr.
10450. Les inconvénients de ce système furent compris et signalés par des
contemporains, notamment dans un mémoire inédit adressé au roi par un
monnayeur dont le nom ne nous est point parvenu. L'auteur de ce mémoire
montre par des exemples récents le danger de ne pas ajuster l'or à l'argent,
ce qui faisait, selon son énergique expression, que tantôt l'argent mangeait
l'or, tantôt, au contraire, l'or mangeait l'argent. De là des fraudes sans
nombre et d'audacieuses spéculations, de telle sorte que « a esté le royaume
de France robé par les sutiz (subtils) et les malicieux qui y sont et qui y ont esté[262] ». Le
billon des parisis était à 4 deniers 12 grains. On en taillait 221 au marc ;
la valeur intrinsèque était de 0 fr. 08844, et avait cours pour 0 fr. 09254.
Dans les _comptes du trésor, les sommes étaient toujours évaluées en parisis.
Philippe le Bel passe pour avoir fait de bonne monnaie jusqu'en 1295. Je suis
porté à croire pourtant qu'il -commença à altérer sa monnaie dès 1289. Ce qui
le prouverait, c'est que le marc d'argent fin, qui sous saint Louis était
payé aux hôtels des monnaies 54 sous, était pris pour 58 sous en 1289[263]. Or, comme on taillait 58 sous
au marc, il en résulte que le roi n'aurait prélevé d'autre seigneuriage que
la différence qui existait entre l'argent fin et l'argent le roi. Il est peu
probable que Philippe le Bel se fût contenté d'un bénéfice plus faible que
celui que saint Louis trouvait juste de percevoir. Toutefois, l'altération
portait sans doute sur la monnaie de billon, où elle était moins appréciable[264]. Le prix
du marc d'argent est l'échelle à laquelle on peut reconnaître le degré
d'affaiblissement des monnaies. Le prix normal de 54 sous pour un marc sert
de point de repère. Cette méthode est sûre, car le prix du marc était fixé
d'après la valeur intrinsèque des espèces qui servaient à l'acheter. Quand le
marc valait 5 francs 8 sous ou deux fois 54 sous, cela prouvait que la
monnaie n'avait une valeur intrinsèque que de moitié de sa valeur nominale.
Ce procédé de constater la valeur réelle des espèces ah moyen du prix
officiel du marc aux hôtels des monnaies, était en usage sous Philippe le Bel[265]. Dès 1294, les maîtres des
monnaies proposèrent de baisser le titre des monnaies pour réaliser des
bénéfices qui permissent de faire face à la guerre contre les Anglais ; cette
proposition fut vivement combattue par Biccio et Muschiato, qui représentèrent
les inconvénients de cette mesure : elle fut ajournée, mais elle ne tarda pas
à être présentée de nouveau comme une source de richesses pour le trésor, et
adoptée[266]. Dès l'année 1295, des plaintes
se firent entendre[267]. Résolu à chercher des
ressources dans l'altération des monnaies, Philippe s'assura d'une grande
quantité de métaux pour exercer en grand sa nouvelle industrie et faire un
gain considérable. Dans ce but, il défendit (30 mars 1295) à tous ceux qui n'avaient pas
six mille livres de rente d'avoir de la vaisselle d'or et d'argent, et leur
enjoignit, sous peine de corps et d'avoir, d'en porter le tiers dans les huit
jours aux hôtels des monnaies, et de tenir le reste à sa disposition. Les
églises étaient exceptées de cette mesure, qui ne se bornait pas à la
vaisselle de luxe, mais s'étendait jusqu'aux gobelets, dont l'usage était
général. La valeur de ces objets devait être remboursée lors de la livraison,
d'après un tarif fixé par le roi[268]. Défense de porter hors du
royaume des métaux précieux monnayés ou non monnayés, et ordre, sous la même
peine de corps et d'avoir, de prendre la nouvelle monnaie. Cette nouvelle
monnaie n'était rien moins que bonne. Au reste, Philippe ne s'en cachait pas.
Il avouait hautement sa fraude, déclarant qu'il était contraint par la grande
nécessité du royaume, de frapper de la monnaie à laquelle il manquerait
peut-être quelque chose du poids et de l'aloi que ses prédécesseurs avaient
coutume d'observer. Il en devait résulter des pertes pour quelques personnes,
mais il promettait de les indemniser, et engageait lui, sa terre, ses
héritiers, ses biens propres et ceux de ses enfants, les revenus de la
Normandie. La reine ratifia cette promesse. Le roi recevait lui-même cette
monnaie en payement[269]. Ces
nouvelles espèces, qu'on ne pouvait faire accepter qu'avec tant de
précautions, étaient de doubles parisis et de doubles tournois, valant chacun
deux deniers de l'ancienne monnaie correspondante[270]. Les doubles n'eurent cours
qu'à partir du mois de mars 1295 ; cependant le plus ancien registre de la
cour des monnaies, rédigé au quinzième siècle sur des documents officiels,
indique qu'on commença à en fabriquer à la Quasimodo 1293. Peut-être est-ce
une erreur de chiffre, peut-être Philippe s'y prit-il à l'avance, pour
pouvoir répandre en grande quantité cette monnaie[271]. L'émission
de mauvaise monnaie de billon devait être accompagnée de la fabrication
d'espèces d'or et d'argent d'un titre inférieur au titre légal. S'il en avait
été autrement, la bonne monnaie eût décrié la mauvaise ; en permettant
d'établir un terme de comparaison, mi frappa des royaux d'or valant vingt
sous. Par cette création, la livre cessa d'être fictive[272]. On émit des demi-gros valant
six sous. Toute cette monnaie fut altérée, et l'altération alla toujours en
augmentant jusqu'en 1303. En voici la preuve dans le tableau suivant du prix
du marc d'argent, extrait des registres de la cour des monnaies. Les prix qui
y sont marqués sont des prix moyens[273]. Ils diffèrent de ceux donnés
par Leblanc et par les tables des ordonnances[274]. Les
registres de la cour des monnaies ne donnent le prix du marc d'or qu'à partir
de 1306 ; mais j'ai trouvé la preuve que les monnaies d'or furent aussi
altérées dans l'historien italien Jean Villani, qui vint à Paris sous
Philippe le Bel, et que des documents nouvellement découverts à Sienne
montrent avoir été un des chefs de la maison de banque des Petrucci ou
Perruches. Or les Petrucci, connus en France sous le nom de Perruches, eurent
plusieurs fois l'entreprise de la monnaie d'or de Philippe le Bel. Villani,
qui était à la source des informations, déclare que la monnaie d'or, dont le
titre était à 23 carats et demi, descendit au-dessous- de 20 carats. Ce texte
prouve l'inexactitude de Leblanc et des rédacteurs des tables des
ordonnances, qui assignent 24 carats pour le titre de la monnaie d'or de
Philippe le Bel, sauf pour les royaux durs[275] et les deniers à la masse, dont
le titre est fixé à 22 carats par des documents officiels[276]. Villani ajoute que le titre de
la monnaie d'argent, qui devait être à 11 deniers 12 grains de fin, fut
tellement affaibli qu'elle ne renfermait plus que la moitié d'argent ; enfin
que le poids fut tellement altéré, que la monnaie ne valait pas le tiers de
sa valeur nominale[277]. Les
monnaies étrangères furent prohibées[278]. On organisa des commissaires
chargés de rechercher les monnaies défendues ; ils avaient le droit de
pénétrer dans les maisons, de fouiller jusque dans les coffres et dans les
bourses[279] ; ils saisissaient l'ancienne
monnaie, mais ils en remboursaient la valeur[280]. Les barons leur firent
interdire l'entrée de leurs seigneuries, et se chargèrent de veiller
eux-mêmes à l'exécution des ordonnances royales[281]. En 1302, le roi, du
consentement de plusieurs de ses prélats et barons, ordonna à toute personne,
quel que fût son rang, d'apporter aux monnaies du roi la moitié de sa
vaisselle d'argent, au prix de quatre livres quinze sous le marc d'argent pur.
Les baillis et autres agents durent donner l'exemple en apportant toute leur
argenterie, et cela sous peine de forfaiture. Ce prix de quatre livres quinze
sous était plus élevé que le taux légal ; mais le roi déclara lui-même qu'il
avait « creu et haucié le pris outre que il ne valoit en la date de cette
ordonnance, espéciaument pour relever ses subjets de dommage[282]. » Philippe
promettait toujours de faire de bonne monnaie : enfin, le 24 juin 1303[283], il prescrivit de battre des
petits tournois de bon aloi ; la monnaie double ou forte continua d'avoir
cours. Le texte de l'ordonnance qui fut rendue à cet effet, et en général
celui de toutes les ordonnances relatives aux monnaies, est excessivement corrompu
dans le recueil des ordonnances du Louvre. On lit en effet dans un mandement
au comte de Porcien, imprimé dans cette collection, que le parisis
nouvellement fabriqué devait avoir cours pour un double tournois. Le registre
original du Trésor des chartes porte que le nouveau petit tournois serait
pris pour un double tournois ancien. Cette leçon est confirmée par un passage
d'une ordonnance du 20 juillet 1303[284]. Cette
bonne monnaie ne dura pas longtemps : le peuple, dont Geoffroy de Paris se
fit l'écho, attribua la nouvelle altération de la monnaie A
Lombards, qui i guignèrent, Qui
de foible loi la forgièrent[285]. C'est
au roi lui-même que la faute doit être imputée. La bonne monnaie ne fut
frappée que pendant quatre mois : le marc d'argent atteignit cinq livres
quatre sous[286]. Tout le monde se plaignit : le
clergé, les barons et le commun peuple requirent le roi de nouveau, que « lui
plust remettre ses monnoies en l'estat qu'elles estoient ou temps de saincte
mémoire monseigneur sainct Loys ». Les prélats du royaume offrirent un double
décime des revenus du clergé, à condition que le roi n'affaiblirait plus les
monnaies sans une pressante nécessité, attestée par le conseil secret et
reconnue par l'assemblée des prélats et des barons. Philippe n'accepta pas
ces conditions ; toutefois il se déclara « prest à faire battre, coigner
et faire hastivement et continuellement monnoies bennes et anciennes ; e mais
il objecta que « ceste chose ne pouvoit en bonne manière si hastivement entre
faite, se les nouvelles monnoies couranz à présent n'estoient mises par
devers nos mormoyages pour avoir plus matère à faire les bonnes monnoies
anciennes dessus dites. » En conséquence, chacun fut invité à porter aux
hôtels des monnaies les espèces courantes[287]. Le pape
Benoit XI accorda au roi le dixième du revenu annuel du clergé de France[288]. Philippe promit, mais ne tint
point parole ; le prix du marc haussait toujours. A l'Ascension 1304, il
était à six livres ; au mois de mars 1305, à sept livres cinq sous[289]. Au mois de mai de l'année
suivante, le roi s'engagea de nouveau à faire de la bonne monnaie : en émit
au mois de juin des royaux d'or valant onze bons petits parisis de ceux «
qu'on faisait forger nouvellement n. On fit aussi des gros d'argent de la valeur
de ceux de saint Louis, « non roognez ne usez », qui avaient cours pour
trente et un deniers et maille parisis de la monnaie qui courait. On émit
aussi des tournois petits et des parisis petits, soi-disant du poids et de
l'aloi de ceux de saint Louis, ayant cours, le petit tournois, pour un double
tournois et demi de faible monnaie, et le petit parisis pour un &able
parisis et demi[290]. Mais Philippe revint
immédiatement à ses anciens errements[291]. En 1306, le marc d'argent
valait sept livres dix sous[292]. Les plaintes furent
universelles. Le roi fit amende honorable, et le 8 juin il annonça que, dia
conseil de plusieurs prélats et de plusieurs barons, la bonne monnaie courrait
à partir de Notre-Dame de septembre[293]. L'ancienne monnaie ne fut pu
décriée, mais trois deniers anciens eurent cours pour un nouveau[294]. Le marc d'argent tomba à
cinquante-cinq sous six deniers, et le marc d'or à quarante-quatre livres[295]. La
faible monnaie avait duré onze ans. Le rétablissement de la bonne eut des
suites funestes. La faible monnaie n'avait jamais eu cours pour sa valeur
nominale, ou plutôt les objets de consommation et antres renchérissaient en
proportion de l'altération des monnaies. Tel loyer qui, avant 1295, était de
dia sous de bonne monnaie, n'avait été renouvelé en 1305 que pour trente sous
de faible monnaie, représentant dix sous en 1295. Quand on revint à la
monnaie de saint Louis, les propriétaires des manoirs ou des biens ruraux
exigèrent de leurs locataires ou de leurs fermiers le payement en bonne
monnaie du prix du loyer stipulé pendant que la mauvaise monnaie avait cours.
C'était donc demander trois fois le prix réel stipulé dans le contrat. Le
peuple de Paris se plaignit : ses réclamations ne furent pas écoutées assez
promptement au gré de ses désirs. Le roi avait bien prévu les inconvénients
économiques du rétablissement de la bonne monnaie, mais il se trouvait dans
un grand embarras. Le 8 juin, il déclara que, pour ce qui touchait « aux
pactes et marchez faits jusqu'alors à faible monoie, il n'entendait rien
statuer à ce terme, se réservant à le faire avec telle équité que Dieu et ses
sujets en envoient satisfaits[296]. » Mais le peuple perdit
patience contre les propriétaires, brûla la maison d'Étienne Barbette, an des
maîtres des monnaies, et assiégea Philippe lui-même dans le Temple[297]. Des désordres eurent lieu
aussi dans les provinces[298]. Les coupables furent
sévèrement punis. Le roi songea à remédier à cette situation, qui était
déplorable. Au mois d'octobre, il ordonna que les rentes seraient payées en
bonne monnaie_ Quant aux marchés et aux conventions ayant pour objet la
prestation d'une somme d'argent déterminée, les débiteurs durent s'acquitter
en donnant l'équivalent réel de la somme stipulée, eu égard à la valeur
intrinsèque de la monnaie lors du contrat, valeur qu'on fixait, ainsi que je
l'ai déjà dit, au moyen du prix du marc aux hôtels des monnaies[299]. Une décision analogue fut
prise à l'égard des fermiers royaux[300]. Mais on ne pouvait prévoir
toutes les questions que la mauvaise foi allait soulever. En 1308, il fut
fixé que les cens et rentes seraient acquittés en monnaie courante. En 1307
et en 1308 on battit de bonne monnaie. On frappa des mailles dont trois
valaient un sou tournois, et que les changeurs faisaient courir à tort pour
quatre parisis[301]. Les doubles couraient
toujours, un et demi étant pris pour un denier de bonne monnaie[302]. En 1311 Philippe revint à ses
mauvaises pratiques. On émit, au mois de janvier, une monnaie de billon qu'on
appela bourgeois. On
forgea des agnels d'or, valant seize sous parisis, et, ajoute le texte des
Ordonnances du Louvre, huit petits bourgeois, ce qui est impossible. Le
registre 42 du Trésor des Chartes donne la vraie leçon : « Facés prendre
— nostre monnaie à l'agnel — pour seze sols parisis et aussi huit sols de
bourgeois fors et por seze sols de bourgeois petits. n Le petit bourgeois
était donc équivalent à un petit tournois et le bourgeois fort au double
tournois. Il y
avait des bourgeois simples et des bourgeois doubles ou forts. Leblanc, qui a
été suivi par tous les numismates, prétend que les bourgeois simples étaient
tout simplement des parisis ; il se trompe[303]. Il est
pourtant hors de doute que les bourgeois couraient pour des parisis[304], mais c'était en cela que
consistait la fraude. Geoffroy de Paris signale comme une monstruosité cette
égalité entre le cours des parisis et des tournois désignés sous le nom de
bourgeois[305]. Le pria
du marc, qui était en 1311 à 59 sous, monta au mois de septembre 1313 à 3
livres 10 sous. Cette année, dit le chroniqueur Jean de Saint-Victor, la
monnaie fut altérée d'une façon si honteuse, que les marchands ne trouvaient
plus à faire de marchés[306]. Le royaume en souffrit
merveilleusement. Les conseillers du roi en retirèrent tout le profit, et le
pape en eut sa part. De sombres prédictions se répandaient dans le peuple :
on rappelait une prophétie de l'enchanteur Merlin, gui menaçait le roi de France
de la perte d'une partie de son royaume, quand les parisis deviendraient des
tournois. La haine contre Philippe et ses conseillers devint générale[307]. Les
agents du fisc pénétraient dans les maisons pour rechercher les monnaies
prohibées et étrangères, et confisquaient celles qu'ils trouvaient[308]. La défiance était partout. Le
commerce était anéanti. Enfin
Philippe, vaincu par les plaintes du peuple, promit pour la sixième fois de
faire frapper de bonne monnaie, à partir de la Madeleine 1313[309] ; ce terme fut prorogé au mois
de septembre[310]. Le roi tint enfin parole ;
mais le rétablissement de la bonne monnaie sur l'ancien pied amena les mêmes
résultats désastreux qu'en 1306. Cel
an, droit à la Saint-Remy, Borgois
qui deux ans et demy[311] Coururent,
de lors pris chevit Sont.
A mains en est nieschevit ; Qui
les ventes ont acheté, Y
perdirent de leur chaté Marchies
convint contremander. En
ceste année que je conte, Toute
monnoie vint à honte, Et
nul blanc argent n'alla par foire Més
que sanz plus monnoie noire, Si
ne sot on de quoi payer[312]. Le prix
du marc d'argent tomba à 57 sous 7 deniers[313]. Pour me résumer, depuis 1295
jusqu'à la mort de Philippe le Bel, la bonne monnaie mut cours en 1303
pendant quatre mois, de juin 1306 à janvier 1311, et de la fin de septembre
1313 à 1314. De 1295 au mois d'août 1303, la livre tournois avait subi au
moins dix mutations : elle en éprouva six autres de 1304 à 1305. En 1295 elle
valait 16 fr. 72 c., en 1305 elle descendit à 6 fr. 15 c.[314]. Il ne faut pas faire honneur à
Philippe du rétablissement momentané de la bonne monnaie : il n'y consentit
qu'à son corps défendant, et moyennant des concessions de subsides et de
décimes. A propos du rétablissement de la monnaie en 1315, M. de Wailly a
fait remarquer qu'il coïncidait avec le payement de l'aide pour la chevalerie
de Louis le Mutin. Déjà quatre années auparavant l'aide pour le mariage
d'Isabelle avait été levée pendant que la bonne monnaie avait cours. « Le
hasard, dit M. de Wailly, n'aurait pas deux fois de suite si bien servi le
trésor, et ce serait faire tort à la politique du temps que de la croire
étrangère à de si heureuses combinaisons[315]. » Philippe,
pour faire croire qu'il allait donner satisfaction aux vœux émis par toutes
les classes de la société de voir la monnaie fixe et stable, consulta souvent
les députés des villes. En 1314, au moment même où il expirait, un grand
nombre de bourgeois des principales villes de France étaient réunis à Paris
pour traiter cette grande question. Ils déclarèrent que le roi ne devait
tirer aucun profit de la monnaie d'or et d'argent. Ils proposaient de battre
des espèces d'or à 22 carats de titre[316]. Louis X
profita de la mort de son père pour renvoyer les députés chez eux et ne
donner aucune suite à leurs projets. Déjà, en 1304, les prélats avaient
demandé que le roi ne pût changer la monnaie qu'en cas de nécessité absolue,
attestée par le serment du roi et des membres du conseil, et avec le
consentement des prélats et des barons[317]. L'administration
des monnaies était constituée dès Philippe le Bel. Elle avait à sa tête des
maîtres généraux des monnaies au nombre de deux[318] ; ils étaient assistés de
clercs. Ils avaient dès cette époque une juridiction[319]. La fabrication des espèces
était donnée à l'entreprise ; on passait des baux particuliers pour chaque
espèce et pour chaque nouvelle émission, dans lesquels étaient déterminés
d'avance le poids, le titre et la taille des deniers, la tolérance et le remède,
et le gain de l'entrepreneur. Dans un bail inédit de l'an 1310 pour les
royaux durs, il est spécifié que les entrepreneurs « doivent faire la
monnoie à leur propre couz et despens de touz couz, de touz freiz, et de touz
salaires, excepté le salaire de la garde que nostre dit seigneur le roi
paiera » ; le bénéfice de l'entrepreneur fut fixé à seize sous tournois
par marc d'or monnayé, pour les royaux durs, ainsi que pour les agnels qui
furent fabriqués à partir du 7 février 1311[320]. Les ouvriers qui faisaient la
monnaie s'appelaient monnayers ; leur office était héréditaire : cependant
les neveux des monnayers y étaient quelquefois admis. Ils prêtaient serment
de ne pas divulguer les procédés de fabrication, et travaillaient en secret.
Ils jouissaient de grands privilèges qui furent confirmés et augmentés par
Philippe le Bel, et étendus aux monnayers des provinces. Ils ne pouvaient
être cités devant les tribunaux ordinaires que pour les crimes de meurtre, de
rapt et de larcin. Pour tous les autres délits ils devaient être cités devant
les maîtres des monnaies. Dans
chaque hôtel il y avait un chef ouvrier nommé prévôt. Ils étaient exempts des
tailles[321]. En 1296, il s'éleva entre les
ouvriers et les entrepreneurs un différend au sujet des salaires. Il fut
terminé par l'entremise des maitres des monnaies, au moyen d'une transaction[322]. Ils étaient payés à la tâche.
Ainsi, lors de la fabrication des bourgeois on-leur donnait six bourgeois par
marc monnayé ; leur salaire était augmenté d'un tiers pour les mailles
bourgeoises[323]. L'altération
de la monnaie encourageait les faux monnayeurs en leur assurant des bénéfices
considérables. De nombreuses ordonnances interdirent non-seulement la fausse
monnaie, mais encore la fonte des matières d'or[324]. Le change fut confié
exclusivement à des changeurs institués par le roi et sévèrement surveillés[325]. Chaque année de nouveaux
commissaires étaient envoyés pour faire tenir la main à l'exécution des
ordonnances sur le fait des monnaies[326]. Un supplice terrible attendait
les faux monnayeurs, ils étaient bouillis vivants, et les comptes du temps
enregistrent un grand nombre de ces barbares exécutions. « 27
livres 4 sous à maître Henri pour avoir fait bouillir de faux monnayeurs ;
100 sous pour l'achat d'une chaudière pour faire bouillir de, faux monnayeurs
à Montdidier ; à Paris, 38 sous pour réparation à la chaudière et pour y
avoir posé des barres de fer[327]. » Des
commissaires spéciaux étaient chargés de poursuivre les faux monnayeurs,
contre lesquels on ne croyait pas pouvoir trouver de châtiments assez
terribles. Philippe les fit excommunier par le pape Clément V[328]. Un
texte tiré des registres de la chambre des comptes et publié par Ducange,
donne une liste des villes où l'on frappait des monnaies royales sous
Philippe le Bel : c'étaient Paris, Tournay, Troyes, Saint-Pourçain,
Montpellier, Toulouse, Montreuil-Bonnin et Rouen[329]. J'ai trouvé la preuve qu'il y
avait aussi des ateliers royaux à Mâcon[330], à Saint-Quentin[331] et à Sommières[332]. L'inventaire
de Robert Mignon, rédigé en 1326, cite sans indication d'années les hôtels de
la Réole, de Bourges et de Pampelune[333]. Ces
ateliers fonctionnaient avec une activité extraordinaire que justifiaient les
nombreuses altérations que subirent les monnaies. Pendant
toute la durée du règne de Philippe le Bel, les ordonnances se succédèrent
presque sans interruption, prohibant l'importation des monnaies étrangères[334]. Philippe
crut donner une haute marque de sa protection pour les lettres, en permettant
aux étudiants qui venaient en France d'apporter des monnaies de leur pays[335]. Dans chaque localité jouissant
de foires ou de marchés, on établit des gardes des monnaies avec mission de
surveiller l'exécution des ordonnances[336]. « Li prevoz establira en
chascnne ville de sa prevosté proudhommes et dignes de foy qui se prandront
garde que l'on ne praigne monnoie défendue contre la dicte ordonnance, li
quel establi iront un ou deus ensemble, ou un sergent avec eux, là où l'on
vent et achète, et là où l'en met et reçoit deniers plus communement ; et
pour donner exemple perceront et rendront toutes perciées à ceux à qui elles
auront été prises, et leur commanderont qu'ils portent ou change ou à la
monoie le roy plus prochaine, et arresteront leur noms, et leur diront que se
il sont trouvez autre fois prenant monnoye défendue, l'en la prendra sur eux
comme forfaite, sanz ce que l'en leur en face nulle grâce, et encore seront
en la merci le roy de Cors et d'avoir. » L'exportation de la monnaie et
des métaux précieux était aussi défendue sous des peines rigoureuses[337]. Les contraventions étaient
punies de la confiscation des espèces et produisaient des sommes abondantes
qui remplissaient le trésor[338]. Toutes
ces ordonnances avaient cours dans les terres des barons[339]. Ceux-ci imitaient le roi de
France et faisaient de la fausse monnaie. De ce nombre était le comte de
Flandre. Philippe se plaignit, et cette plainte donna lieu à une piquante
anecdote. Les envoyés du comte répondirent aux ministres du roi qui accusaient
leur maitre de faire de fausse monnaie : « K’il ne fesissent mie grant
honour au roi de France, ke par leur paroles il reconnussent ke le monoie le
roi n'estoit mie boine, comme ce fit cose ke vostre monnoie (celle du comte)
fu faite sous le piet le ditte roi de France, et ke jou et nostre gent
estiemes apparelliés de faire essai au fu (feu) d'une monoie et d'autre[340]. » Déjà en
1309 Philippe avait envoyé deux inspecteurs examiner si les monnaies des
seigneurs étaient de bon aloi[341]. En 1313
il défendit aux prélats et aux barons « d'allier ni empirer leurs
monnoies de poids de loi et de l'estat ancien, et s'ils font le contraire,
auront doresnavant leurs monnoies forfaites à toujours. » Il leur fut ordonné
de cesser de battre jusqu'à ce qu'ils eussent eu l'autorisation du roi qui devait
faire procéder à une enquête sur la loi et le poids légal des monnaies
baronales. En outre on établit dans chaque monnaie seigneuriale des gardes
aux dépens des seigneurs, pour veiller à l'exécution des ordonnances[342]. Louis X publia en 1315 la
liste de vingt-neuf feudataires qui avaient seuls droit de battre monnaie,
avec l'indication exacte de la taille et du titre des espèces seigneuriales.
Cette mesure, qui mettait la royauté à même d'exercer un contrôle sérieux sur
les monnaies baronales, était due à Philippe le Bel[343]. On a
voulu flétrir Philippe le Bel du nom de faux monnayeur, mais ce titre, il ne
le mérite pas exclusivement. On pourrait le donner à aussi bon droit au roi
Jean. Philippe n'inventa pas l'art d'altérer les monnaies, il fit ce qu'il
voyait faire autour de lui, ce que les rois anglo-normands avaient pratiqué
avec succès, ce que ses successeurs ne craignirent pas de faire. L'altération
des monnaies était un droit royal et seigneurial reconnu au moyen âge, que
les besoins pressants du trône et la gravité des circonstances semblaient
justifier. Il était même d'usage que les seigneurs pouvaient de temps à autre
changer leurs monnaies ; et ce droit était racheté par leurs vassaux, par un
impôt désigné ordinairement sous le nom de rouage. Aussi, lorsqu'en 1295 Philippe
diminua pour la première fois, d'une manière sensible, le titre de sa
monnaie, il n'en fit pas un mystère. Loin de là, il le dit hautement en
invoquant la pénurie du trésor qui le forçait de recourir à un expédient
avoué par la coutume. Toutefois, il faut reconnaître que Philippe le Bel
abusa d'une manière honteuse de l'altération des monnaies. L'expérience
aurait dû, ce semble, lui démontrer promptement l'inefficacité de cette
mesure, qui procurait de médiocres bénéfices et appauvrissait la nation en
entravant les transactions et en portant le désordre dans les fortunes
privées. Ces
conséquences désastreuses n'avaient pas échappé aux contemporains. Voici
comment s'exprimait Pierre Dubois dans un mémoire au roi : « Vos
sujets ont supporté récemment et supporteront encore, par le changement des
monnaies, des pertes auxquelles on ne saurait comparer celles qu'ils ont
faites par suite de la guerre. En effet, les revenus en argent, pour les
nobles comme pour les autres, ne sont pas augmentés, car ils reçoivent un
seul denier au lieu de deux ; d'un autre côté, les objets nécessaires pour se
nourrir et se vêtir sont deux fois plus chers, par la raison que ceux qui
exportaient du numéraire, préfèrent maintenant exporter des marchandises,
qu'ils laissaient autrefois dans le royaume. Ils les achètent plus cher parce
qu'il y a plus d'acheteurs, et ils les vendent en conséquence : c'est ainsi
que la présence d'une nombreuse armée fait renchérir les vivres. « Aujourd'hui,
quiconque apporte en France quelques produits des pays étrangers, remporte en
échange d'autres objets comme s'il n'y avait pas de numéraire chez nous ; car
pour les étrangers, la monnaie noire n'est pas de la monnaie, et la France
n'a de numéraire qu'autant qu'elle a de l'or et de l'argent blanc. Quiconque
doit transporter hors du royaume trois cents livres de revenu, en perd le
tiers, parce qu'avant le changement de la monnaie, on avait plus d'or et plus
d'argent pour deux cents livres qu'aujourd'hui pour trois cents. Des pertes
non moins grandes en sont résultées pour les pauvres et pour les églises, qui
se trouvent privés des aumônes et des largesses habituelles parce qu'on
manque de menue monnaie. Tous les sujets du royaume sont donc victimes de ces
changements, excepté le prince, les fermiers et les fabricants et la monnaie.
Comment donc réparer les pertes si grandes et si générales, qui ont frappé la
population entière du royaume ? C'est à quoi devraient réfléchir les
conseillers et les auteurs de ces mesures, s'ils pensaient qu'ils doivent un
jour mourir[344] ? » Les
mêmes considérations sont exprimées dans des termes presque semblables, dans
un mémoire remis à Philippe le Long par un homme versé dans la fabrication
des espèces, qui avait été consulté par le gouvernement sur les améliorations
à introduire dans cette branche importante du service public[345]. Dès
1294, quand, au début de la guerre contre les Anglais, le maître de la
monnaie proposa comme une ressource féconde l'altération des monnaies, les
habiles financiers italiens auxquels Philippe avait donné la direction des
finances, Bichet et Mouchet, s'opposèrent à cette mesure, dont ils
proclamèrent à la fois l'inutilité et le danger : ils parvinrent même à la
faire ajourner ; mais leurs sages conseils finirent par être mis de côté[346]. Enguerran de Marigny parait au
contraire avoir été persuadé de l'efficacité de cette misérable ressource,
qui jetait la perturbation dans le royaume, sans enrichir le trésor : du
moins, sous son administration, les monnaies furent continuellement altérées.
Je ne voudrais pas excuser Philippe le Bel, mais je dois rappeler que ses
successeurs partagèrent son erreur, en cherchant dans l'altération des
monnaies un expédient financier pour faire face dans des temps de crise aux
besoins urgents de l'État. * * * * * * * * * *
CHAPITRE SEPTIÈME. — ÉVALUATION DES RECETTES ET DES DÉPENSES.
Aperçu sur les
recettes et les dépenses de l'État. — Dépenses de l'hôtel du roi. —
Organisation de l'hôtel. — Tablettes de cire. — Comptes de l'argenterie. —
Évaluation des impôts extraordinaires. — Rentes sur le trésor. — Budget pour
l'année 1314.
Je vais
essayer de donner un aperçu des recettes et des dépenses ordinaires sous
Philippe le Bel : je dois déclarer que les évaluations que je vais soumettre
au lecteur ne sont qu'approximatives ; toutefois, elles reposent sur des
bases certaines. Les éléments de mes calculs sont puisés dans les documents
suivants : 1° un compte des recettes et des dépenses du roi pour le terme de
la Chandeleur 1287, intitulé Magna recepta et expensa regis. Ce compte
comprend le produit des bailliages et des prévôtés de France, plus des
versements faits par le Temple, consistant en une partie seulement des
recettes des bailliages de Normandie, des sénéchaussées de Quercy et de
Beaucaire, ainsi que plusieurs recettes extraordinaires. La seconde partie
est consacrée à l'énumération abrégée des dépenses de l'hôtel et des
bailliages, et de la guerre d'Aragon[347] ; 2° un compte des anciens
domaines du comte Alphonse de Poitiers et de Toulouse, de la Saint-Jean 1293
à la Saint-Jean 1294[348] ; 3° un compte des bailliages
et des prévôtés de France pour le terme de la Toussaint 1299[349] ; 4° un compte semblable pour
le terme de l'Ascension 1305, comprenant aussi pour un certain nombre de
bailliages et de prévôtés le terme précédent de la Chandeleur[350]. Voici
le tableau des recettes des bailliages et des prévôtés de France pour un des
trois termes de l'année financière ; j'ai ramené pour l'année 1305 toutes les
recettes à un seul terme ; j'ai retranché pour les années 1299 et 1305 le
produit des bailliages de Tours et de Mâcon, qui ne figurent pas dans le
premier compte ; j'ai déduit de ce même compte de 1286 les recettes du
bailliage de Gisors, qui, en 1299 et en 1305, était réuni aux bailliages de
Normandie ; enfin, j'ai supprimé plusieurs sommes qui étaient le produit
d'impôts extraordinaires, tels que décimes et cinquantièmes :
Cette
uniformité dans les recettes à trois époques différentes est une présomption
en faveur de l'exactitude des chiffres que j'ai obtenus. Il est
hors de doute que les dépenses et les recettes étaient divisées en trois
parties égales, correspondant chacune à une des trois périodes qui divisaient
l'année financière. Il suffit donc, pour avoir le produit d'une année, de
multiplier par trois la recette de l'un de ces termes. La
recette de l'année 1305 peut être évaluée à 135.274 l. 5 s. 6 d. ; mais à ce
chiffre il faut ajouter les recettes des bailliages de Tours et de Mâcon, que
j'avais omises pour mieux établir la comparaison entre les années 1287, 1299
et 1305, et l'on obtiendra la somme de 147.424 l. 33 s. 23 d. parisis. Passons
à l'ancien domaine d'Alphonse. Le compte de l'année 1293-1294 donne la
recette complète pour chaque sénéchaussée ; elle s'élève, déduction faite des
recettes extraordinaires, à 100.756 l. 14 s. 1 d. tournois, ou 80.604 l. 27
s. 3 d. parisis. Un fragment de compte de l'an 1299 donne des chiffres de
recettes plus élevés et des chiffres de dépenses inférieurs. Je n'ai
point trouvé de document qui fit connaitre exactement les recettes de la
Normandie. On verra bientôt que Philippe le Bel fixait le revenu net de cette
province à 100.000 livres tournois — 80.000 livres parisis —. Sous saint
Louis, les dépenses des bailliages de Normandie ne s'élevaient pas tout à
fait au quart de la recette[351]. En supposant que cette
proportion persista sous Philippe le Bel, on peut évaluer la recette brute de
la Normandie, à la fin du règne de ce prince, à 125.000 liv. tournois ou 100.000
livres parisis. Il y avait aussi les sénéchaussées de Beaucaire, de
Carcassonne, de Lyon et de Bigorre, sur lesquelles je n'ai pu me procurer
aucun renseignement. En
dehors des recettes des bailliages, le trésor faisait des recettes
éventuelles, telles qu'amendes du parlement, droits de sceau, régales,
produits du monnayage qu'il est impossible d'évaluer, et qui pourtant
devaient fournir des sommes importantes. Converties en valeurs modernes, et
en donnant à l'argent du treizième siècle cinq fois plus de valeur qu'il n'en
a maintenant, on aurait pour le produit annuel des bailliages de France, de
Normandie et des anciens États du comte Alphonse, 36,789,490 francs. Dans ce
chiffre, je n'ai compris, faute de documents, ni la Champagne, ni les
sénéchaussées de Beaucaire, de Carcassonne, de Lyon, etc. Je donne à la fin
de ce chapitre une évaluation due à Philippe le Bel lui-même. Les
dépenses se peuvent diviser en quatre catégories : 10 dépenses des bailliages
; 2° dépenses de l'hôtel ; 3° dépenses des grands corps de l'État, payement
des pensions et des rentes sur le trésor ; 4° dépenses diverses ne rentrant
pas dans une des classes précédentes, missions diplomatiques, etc. En 1305,
les dépenses des bailliages et des prévôtés de France s'élevèrent à 85,757
livres 13 sous 9 deniers ; en 1307, à 87.902 l. 19 s. 1 d. parisis ; en 1294,
celles des domaines d'Alphonse à 32.281 l. 81 s. 59 d. tournois, ou 25,828 l.
4 s. 8 d. parisis, ce qui donne pour l'année 1305 un excédent de recettes
pour les bailliages de France, de 59.522 l. 14 s. 19 d., et pour les domaines
d'Alphonse en 1294 de 68.471 l. 8 s. 2 d. parisis. Un chapitre des dépenses
des bailliages était consacré aux travaux publics, consistant surtout en
réparations aux châteaux royaux et entretien des routes, etc. ; on faisait
contribuer ceux auxquels les travaux devaient profiter[352]. En 1295, le roi fit rétablir
un canal entre Beaucaire et Saint-Gilles, et ordonna que ce serait aux frais
des habitants. Sous le règne de Philippe le Bel s'élevèrent des constructions
importantes, telles que le Louvre et le palais de la Cité, qui furent
reconstruits et agrandis, les monastères de Poissy et du Moncel, etc.[353]. La
composition et les gages des serviteurs de la maison du roi furent l'objet de
nombreux règlements, notamment en 1286, 1291, 1310 et janvier 1314[354]. Il y avait sous Philippe le
Bel, comme du temps de saint Louis, six métiers : la paneterie,
l'échansonnerie, la cuisine, la fruiterie, l'écurie et la fourrière. Les
différentes ordonnances que je viens d'énumérer avaient surtout pour but
d'introduire des économies dans la dépense. Voici quel était en 1286 le
personnel des métiers[355]. PANETERIE : cinq panetiers, un pour le
roi et deux pour le commun ; trois sommeliers chargés du linge de table,
trois porte-chapes, le pâtissier, qui faisait les pâtés ; l'oublier et la
lavandière des nappes. Une charrette était attachée au service de la paneterie. ECHANSONNERIE : quatre échansons, deux
barilliers, deux bouliers, un potier et un clerc ou comptable commun à la
paneterie. Les échansons étaient chargés d'acheter le vin. CUISINE : divisée en cuisine du roi et
cuisine du commun : un maitre queux, nommé Ysambart, quatre queux, quatre
ardeurs, quatre hasteurs, quatre pages, deux souffleurs, quatre enfants (marmitons), deux saussiers, deux
huissiirs, un pour la cuisine du roi et l'autre pour celle du commun ; deux
sommiers ou chevaux de charge et leurs conducteurs ; deux grandes charrettes
à quatre chevaux pour transporter les provisions, et une autre charrette dite
du petit diner à trois chevaux. Le poulaillier achetait la volaille. FRUITERIE : un fruitier et trois valets
pour faire la chandelle, deux sommiers, un pour le fruit, l'autre pour la
chandelle. La charrette du fruit fut supprimée. ÉCURIE : quatre écuyers, dont un
chargé d'acheter les chevaux ; deux maréchaux, trois valets de forge, quatre
valets d'écurie. Au commun (Tinel), un valet pour deux chevaux ; un bourrelier. FOURRIÈRE : deux fourriers, quatre
valets, deux huissiers de salle, trois portiers, trois valets de porte. Le
roi avait un chariot à cinq chevaux[356]. Dans
les comptes de l'hôtel, les dépenses ordinaires sont divisées en six
paragraphes : pain, vin, cuisine, cire, avoine, chambre. Dans les ordonnances
de l'hôtel, il n'y a pas de métier intitulé chambre, mais sous la rubrique
chambellans se trouve la liste de ceux qui composaient la chambre du roi : cinq
chambellans, six valets de chambre, dont deux barbiers et un tailleur ; deux
guettes venaient ensuite, — trente sergents d'armes, dont dix seulement de
service à la fois, deux huissiers d'armes et huit sergents ; quatre gardaient
le roi quand il prenait ses repas, et avaient toujours leur carquois rempli
de carreaux. — Sommeliers : dix pour la chambre du roi, deux pour la
chapelle, deux pour les registres et les écrits, deux pour le fruit, plus un
maitre des sommeliers. Outre
ces officiers qui rentraient dans la domesticité, la maison du roi comprenait
plusieurs catégories de personnes d'un rang plus élevé. D'abord les clercs,
dénomination sous laquelle étaient compris les notaires ou secrétaires, au
nombre de quinze, deux physiciens ou médecins, — maitre Fougues de la
Charité, médecin de la reine « devers madame », et maitre Dudes ; chacun
avait dix-huit deniers de gages par jour, trois provendes d'avoine et deux
valets ; trois chapelains et trois clercs de la chapelle. — Les clercs du
conseil ou conseillers du roi. — Les trois membres des plaids de la porte,
dont un laïque. — L'aumônier, les chirurgiens (surgiens) servant par quartier, les
portiers, le roi des ribauds, le chauffe-cire et son valet ; quatre messagers
ou courriers, dont un à cheval pour transmettre les ordres ; le passeur de
l'eau à Paris, le maître maçon ou architecte, « maistre Oeude de
Montereul », qui avait quatre sous de gages par jour et mangeait en cour ; le
maître charpentier, « maistre Richart ». Le train de chasse était composé
d'un furetier, d'un oiseleur, d'un louvetier, de six fauconniers, de trois
veneurs, de valets de chiens, de deux archers, de six chiens braques conduits
par deux valets, et de douze autres chiens de chasse. Philippe était passionné
pour la chasse. Les métiers obéissaient au maitre d'hôtel du roi. Nul n'avait
de chambre à l'hôtel, sauf celui qui portait le sceau, le grand maître de
l'hôtel, les comptables de la chambre aux deniers, le chapelain, le
confesseur du roi et l'aumônier[357]. La
reine avait une maison à part, qui fut réglée en même temps que celle du roi
et sur le même modèle, avec six métiers composés de vingt-sept personnes et
d'un comptable. Elle avait en outre deux dames, trois demoiselles, un
chapelain et son clerc, un maître d'hôtel et plusieurs autres officiers,
trois palefrois « pour son corps » et un chariot[358]. L'ordonnance
faite au bois de Vincennes en 1290, la semaine devant la Chandeleur (vieux style), n'apporta que peu de
modifications à la précédente ; on y trouve quelques particularités
curieuses. Quand on avait crié aux queux de servir, les huissiers devaient
faire vider la salle du banquet à toute personne étrangère, « se ce n'est du
commandement au maistre d'hostel ». Il fut défendu de porter du vin à la
suite du roi, « fors pour son cors seulement ». Pour manger à la cour,
il fallait être chevalier, « mais li escuier y porront menger I ou II
selonc ce que il est grans bons, qui seront aus barons ou aus prélas, les
quiex li rois feroit semondre pour manger avec lui. L'aumosnier prêtera
serment de faire le moins d'aumônes possibles, et il fera le moins de
pétitions au roy que il pourra[359]. » On établit un clerc
pour l'échansonnerie. L'écurie fut réglée en même temps. Le roi aura six
coursiers et trois grands chevaux pour son corps, et dix-huit chasseurs ou
chevaux de chasse. On n'achètera pas de chevaux sans l'ordre du maître d'hôtel[360]. Le roi n'avait encore, comme
en 1286, que deux médecins, Robert Lefèvre et Dudes. Dans l'équipage de
chasse figure un nouvel emploi, celui de perdriseur[361]. Frère Arnoul de Wisemale était
grand maître de l'hôtel. Une
autre ordonnance sans date fait mention des clercs de la paneterie, de
l'échansonnerie, de la cuisine et de l'écurie[362], de celui qui porte l'arbalète
du roi, d'une charrette pour transporter le bois à brûler[363]. Les denrées destinées à la
maison du roi étaient achetées au prix du roi, qui était souvent inférieur au
prix courant. Le droit de prise était partagé par quelques dignitaires ; il
fut, par ordonnance de 1308, restreint au roi, à la reine, à leurs enfants
estant en main bournie, et aux grands officiers de la couronne[364]. Les
clercs des métiers venaient chaque matin, à l'heure de la première messe du
roi, rendre les comptes de la veille ; s'ils manquaient, ils étaient punis
par le maître d'hôtel et privés d'une journée de gages[365]. Des
comptes de la maison du roi des années 1287, 1288, 1289 et 1313, publiés en
Allemagne au siècle dernier par Ludwig[366], viennent compléter ces
notions. Les grands officiers de la couronne et une centaine de chevaliers
aux gages du roi, appelés chevaliers le roi, recevaient à la Pentecôte et à
la Toussaint des manteaux : les grands officiers, de la valeur de dix livres
; les autres, de la valeur de cent sous. Parmi ces derniers figuraient les
maréchaux et le maître des arbalétriers. Les clercs du roi étaient assimilés
aux chevaliers. En 1289, on voit un clerc des arbalétriers, cinq médecins,
Dudes, Jean de Rosai, Robert Lefèvre, Fougue de la Charité et Guil.
d'Aurillac ; la musique du roi (ministerelli), composée de neuf personnes,
dont le roi des hérauts et le roi flageolet (rex flajoletus). En
1313, il est fait mention de sept clercs des comptes, de trois clercs du
Temple. Il n'y eut jamais que quatre clercs pour les six métiers[367]. En 1313 apparaît un clerc de
la sausserie du roi[368]. Outre ces règlements et les
comptes que je viens de citer, on a des renseignements précis sur la manière
dont se faisaient les dépenses de l'hôtel, dans les tablettes de cire
conservées à la Bibliothèque impériale, à Florence et à Genève. Je laisse de côté
celles qui sont communes aux règnes de Philippe le Hardi et de Philippe le
Bel, pour ne m'occuper que de celles qui concernent exclusivement ce dernier. Tablettes
de Florence du commencement de mai au 30 octobre 1301[369]. Tablettes
de Saint-Victor (quatorze tablettes), provenant de l'abbaye de ce nom, actuellement à la Bibliothèque
impériale ; du 31 octobre 1301 au 31 mars 1302[370]. Tablette
du 4 au 14 octobre 1303. Id.[371]. Tablettes
de Saint-Germain des Prés (au nombre de quatre), 1307[372]. Au siècle dernier, il y en
avait dix[373] ; on en a heureusement une
copie faite par dom Tassin. Tablettes de Genève de septembre 1307 au 1er
juillet 1308[374]. Sénebier,
qui a publié ces dernières, les donne à tort comme renfermant les dépenses
des six derniers mois de l'année 1308[375]. Les tablettes de la
Bibliothèque impériale ont été encadrées dans du cèdre ; la poussière qui les
rendait illisibles a été enlevée, et une longue durée est assurée à ces
fragiles monuments[376]. Ces tablettes, quoique
destinées dans l'origine à recevoir des comptes qui étaient ensuite
transcrits sur le parchemin, ont toujours été conservées avec soin. Les
registres de la chambre des comptes montrent qu'au quatorzième siècle on les
gardait dans les archives de cette cour et qu'on les y consultait. Le
registre Pater fait mention des tablettes de dépenses de l'hôtel, du milieu
du carême au jeudi, jour de Saint-Michel 1288, d'autres finissant trois
semaines après Pâques en 1293, d'autres du jour de l'Ascension au lundi après
l'Assomption de l'an 1294, d'autres des années 1302 et 1303[377]. Elles sont désignées sous le
nom de tablettes de maitre Jean de Saint-Just : c'est le titre que portent
aussi les tablettes de Florence ; en effet, Jean 'de Saint-Just était le
trésorier de l'hôtel ; il était aussi clerc de la chambre des comptes. Ces tablettes
ne sont pas de même nature, bien qu'elles se rapportent toutes aux dépenses
de la maison du roi ; elles se divisent en deux groupes. Celles de Florence,
de Saint-Victor et le n° 1387 contiennent jour par jour les dépenses
ordinaires des métiers[378]. Au bout
d'un certain laps de temps variable, mais qui ne dépassait pas vingt-cinq
jours, on faisait une récapitulation des dépenses des métiers. On y joignait
le montant des gages des gens de l'hôtel échus pendant le même intervalle, et
les menues dépenses. On établissait en outre la moyenne de la dépense pour
chacun des jours écoulés entre deux comptes. Cette somme obtenue, on en
déduisait les gages et les menus, et on avait la moyenne de la dépense des
six métiers. Les gages se divisaient en dépenses de l'aumônier et des pauvres
entretenus par le roi : gages des métiers, des chevaliers le roi et des
valets[379]. Les
autres tablettes — celles de Saint-Germain des Prés et de Genève —
s'appliquent aussi aux dépenses de l'hôtel. Elles donnent l'énumération
détaillée des dépenses autres que celles des métiers, et reproduisent les
totaux des autres tablettes, c'est-à-dire les dépenses ordinaires[380]. Quant
aux dépenses diverses, voici en quoi elles consistaient ; je suis l'ordre des
tablettes : dons, aumônes, restaur de chevaux ou sommes données pour
remplacer les chevaux qui mouraient ou devenaient hors de service. Partes
denariorum in cofris : sommes données au roi et aux princes pour le jeu,
pour les offrandes à l'église en dîmes ; somme représentant la valeur de la
dîme du pain et du vin, à laquelle avaient droit, en vertu de privilèges
royaux, certaines abbayes presque exclusivement de femmes, lorsque le roi
séjournait dans leur voisinage[381]. — Novi milites : sommes
données aux nobles que les rois venaient d'armer chevaliers[382]. On leur donnait ordinairement
cent sous, un frein doré, et quelquefois un cheval. Les largesses du roi
étaient plus grandes quand il conférait à un prince l'ordre de chevalerie[383]. La promotion était nombreuse,
et chacun des compagnons du prince recevait un cheval, un palefroi, un
manteau, un habillement complet et une gratification[384]. Chaque
jour on venait faire présent au roi d'un faucon dressé pour la chasse, ou
quelque autre oiseau de proie, et le roi faisait au donateur un don en argent[385]. Les tablettes indiquent les
officiers de l'hôtel qui remettaient ces dons. Tantôt c'était le chambellan
du roi, tantôt Enguerran de Marigny ; le confesseur ou l'aumônier faisait les
aumônes ou chargeait le portier de les remettre surtout aux nombreuses,
personnes attaquées des écrouelles (morbus regius), qui accouraient de toutes les
parties de l'Europe pour se faire toucher par le roi[386]. J'ai
dit que les tablettes de cire étaient plutôt des carnets que des comptes
définitifs. Je crois que les tablettes du premier groupe s'appelaient Itinera,
et celles du second Itinera, Doria. Le comptable rendait des comptes
trois fois par an : à l'Ascension, à la Toussaint et à la Chandeleur, et ces
états étaient transcrits sur des rouleaux de parchemin intitulés : Expensa
Hospitii domini regis. Ludwig a publié plusieurs extraits d'un de ces
comptes pour le terme de l'Ascension à la Toussaint 1287[387] ; pour le terme de la Toussaint
à la Chandeleur 1288-1289[388] ; et un fragment d'un compte de
même nature du 1er janvier au 1er juillet 1313[389]. Ce dernier document ferait
supposer que, vers la fin de son règne, Philippe apporta des modifications
dans la comptabilité de l'hôtel, et que les comptes généraux, au lieu d'être
rendus en trois termes, le furent seulement en deux termes : au 1er janvier
et au ter juillet. Un compte de l'hôtel de 1315, sous Louis le Mutin, est
d'après ce système ; il embrasse les six derniers mois de l'année[390]. On a vu plus haut que le
trésor du Temple était spécialement chargé d'alimenter les dépenses de
l'hôtel. Les deniers, après avoir été pris au Temple, étaient versés dans la
caisse de l'hôtel. Les agents de la comptabilité qui avaient le maniement et
la Surveillance des deniers de cette caisse formaient ce qu'on appelait la
chambre aux deniers, dont le chef était, en 1280, Pierre de Condé. Pierre de
Condé fut remplacé par Jean de Saint-Just. Voici comment une ordonnance sans
date fixe l'état de la chambre aux deniers : « Et est assavoir que
maistre Jeban de Saint-Just fera la paye, maistre Jehan Clersens contera aus
mestiers, et Martin Marcel recevra et contera l'argent, tous sous la
surveillance d'Oudart de Chambli[391]. » Le Journal du trésor
montre que tous les payements destinés à l'hôtel étaient faits au trésor à
Marcel, et marqués sur le compte ouvert au nom de Jean de Saint-Just[392]. Quelquefois, par exception,
d'autres officiers de la maison du roi touchaient directement au trésor ;
ainsi le 15 avril 1302 Robert de Meudon, panetier du roi, reçut des
trésoriers mille livres pour acheter des nappes : ces mille livres furent
inscrites au nom de Saint-Just[393]. La
chambre aux deniers payait non-seulement les gages des officiers de l'hôtel,
mais aussi les pensions que le roi faisait à d'anciens serviteurs. Philippe
le Bel assigna, par son testament, une rente viagère de deux cents livres à
prendre en la chambre aux deniers, à frère Renaud son confesseur[394]. Une
ordonnance donnée à Lorris en Gâtinais le vendredi 18 novembre, sans date
d'année, mais que l'itinéraire de Philippe le Bel permet d'inscrire sous
l'année 1310, porte que l'on doit bailler pour l'hôtel du roi, par mois,
quatre mille livres tournois, et pour l'hôtel de madame, c'est-à-dire de la
reine, deux mille livres[395]. Une
note d'un registre de la chambre des comptes apprend qu'en 1301 la dépense de
l'hôtel s'éleva à 267.888 l. 14 s. 10 d. parisis[396]. La faible monnaie avait cours
à cette époque ; en 1303, elle était prise seulement pour un tiers de sa
valeur nominale, mais elle n'avait pas atteint en 1301 ce degré d'altération.
En réduisant des deux tiers la somme exprimant les dépenses de l'hôtel en
1301, on opère une réduction peut-être un peu forte, mais qui ne doit pas
être très-éloignée de la réalité. Ces dépenses, ainsi réduites, s'élèvent
seulement à 89.296 l. 4 s. 12 d. parisis. Pendant le terme de la Chandeleur
1287, les dépenses de l'hôtel du roi furent de 26.851 l. 3 s. 4 d., soit pour
l'année 80.493 L 10 s., et celles de l'hôtel de la reine de 7.642 l. 11 s. 10
d., soit pour l'année 22.919 l 15 s. 6 d. Dans les dépenses de l'hôtel
n'étaient point compris les achats de joyaux et les autres dépenses faites
par l'un des chambellans du roi nommé argentier. Le
savant éditeur des comptes de l'argenterie, M. Douët d'Arcq, a prétendu qu'il
n'y avait pas eu d'argenterie avant 1316[397] ; c'est une erreur. On trouve
un argentier sous Philippe le Bel[398], et la table de Robert Mignon
atteste l'existence des comptes de l'argenterie à partir de 1293[399]. Quant
au produit des impôts et des recettes extraordinaires, je vais essayer d'en
tracer le tableau. H sera très-incomplet, mais je n'y admettrai aucune
évaluation arbitraire :
La
plupart des évaluations officielles ne sont pas complètes, et dans ce total
ne sont compris ni le produit des impôts pour la guerre d'Aragon, ni ceux de
l'aide pour le mariage d'Isabelle, et de la chevalerie de Louis le Hutin, ni
le produit de l'altération des monnaies après 1296, ni le produit de la
confiscation des biens des Juifs, ni certains impôts tels que la taille de
Paris, de cent mille livres, etc. Dix
millions six cent vingt-cinq mille livres tournois, en supposant que la
valeur de l'argent soit quintuple, ce qui n'est pas exagéré, vaudraient neuf
cent cinquante-cinq millions quarante-deux mille francs. On peut hardiment,
pour tenir compte des sommes pour lesquelles nous n'avons aucune évaluation
officielle, et déduction faite des contributions de guerre des Flamands,
évaluer à onze cents millions de francs le produit des impôts extraordinaires
sous Philippe le Bel. Dans
les dernières années de son règne, Philippe établit Enguerran de Marigny
surintendant des finances. Le 19 janvier 1314 il adopta un nouveau système
financier, dans un conseil réuni à Poissy et composé de ses fils, de ses
frères et de ses conseillers les plus compétents dans la matière.
L'ordonnance rendue à ce sujet est entièrement inédite et a une haute
importance ; elle fut sans doute proposée par Marigny. Elle établissait deux
budgets : l'un pour les dépenses ordinaires, la liste civile et le payement
des grands corps de l'État, des rentes sur le trésor et des pensions, etc. ;
l'autre pour les dépenses extraordinaires. Au moyen âge, on avait pour règle
d'assigner chaque dépense sur une recette déterminée. C'était un moyen qu'on
pourra regarder comme puéril, mais qui était excellent pour éviter les
déficits. Les dépenses de la maison du roi et de la reine, fixées à
soixante-huit mille livres parisis, et les gages des grands corps
judiciaires, les rentes, pensions, frais de messages, qui, joints aux dépenses
de l'hôtel, s'élevaient à un total de cent quarante-deux mille livres
parisis, ou cent soixante-dix-sept mille livres tournois, furent assignés sur
les revenus de la Normandie (sauf le rouage), des sénéchaussées de Toulouse,
de Rouergue, de Périgord, de Quercy et de Saintonge, et du bailliage
d'Auvergne, estimés à cent quatre-vingt mille livres tournois. Les deniers
provenant de ces provinces devaient être versés au trésor du Temple, qui fut
exclusivement chargé de fournir aux dépenses ci-dessus, et eut à sa tête deux
trésoriers que le roi nomma, et qui prêtèrent serment. Les recettes provenant
des autres bailliages, du rouage de Normandie, de Flandre, des amendes du
parlement et de l'échiquier, des émoluments du sceau, des droits féodaux
supérieurs à mille livres, des droits de francs-fiefs, aides, forfaitures de
monnaie, et les compositions ou transactions faites par les baillis
au-dessous de mille livres, celles d'un taux plus élevé étant appliquées au
trésor du Temple ; en un mot toutes les recettes extraordinaires allaient au
trésor du Louvre, chargé de fournir aux dépenses imprévues et
extraordinaires, qui dépassèrent malheureusement toute proportion. Les
trésoriers du Louvre, au nombre de deux, ne faisaient de payements que sur
une lettre ou une cédule scellée du petit sceau du roi représentant un lion,
ou du signet d'Enguerran de Marigny. Les trésoriers juraient de ne pas
révéler avant deux ans l'état de leurs recettes, sauf à Enguerran de Marigny
ou par l'ordre du roi[400]. Je ne
saurais mieux faire que de transcrire ce précieux document, qui est en
français et qui, contre l'usage du temps, est d'une grande clarté. Ordonnance fixant le budget des
recettes et des dépenses de l'État[401]. (19 janvier
1311). C'est
l'ordenance que li rois Philippe, père monseigneur qui ore est roy, fist à
Poissy par le conseil de ses nt filz, de ses n frères, de monseigneur Loys de
Clermont, de monseigneur de Saint Pol, monseigneur Mahieu de Trie,
monseigneur Engeiren de Marreigny, monseigneur Jehan de Grès, mareschal,
monseigneur Harpin d'Erquery, monseigneur Guillaume de Marcilly, monseigneur
Gille Granche, mestre Jean de Dampmartin, maistre Jean de Saint-Just,
Gieffroy de Briençon, Guillaume Dubois, Renaut Barbon, Gieffroy Cocatris,
Martin des Essars, Baudouyn de Roy, et maistre Michiel de Bourdeney, et fu
faite la dite ordenance le samedi me jour de janvier, l'an de grace mil CCC XIII. Premièrement
: Il est ordené du trésor le roy, que Guy Flourent et
maistre Gieffroy de Briençon seront chargié du trésor du Temple et paieront
les despens de Postel de roy qui furent estimez à C livres parisis par jour qui
montent par an : 36.500 liv. par. Et pour manteaux et robes de vides de l'ostel :
5.000 Et pour hernois, dismes et messaigers envoiez :
2.000 Et pour veneurs, archiers, fauconniers, maçons,
charpentiers, furetiers et oiseleurs : 3.600 Et pour les mises des maigres de l'ostel : 2.000 Et pour dons : 3.000 Et pour aumosnes, et le conte de l'aumosnier :
3.600 Et pour retour[402] de chevaux : 3.000 Et pour serjans d'armes : 3.000 Somme par estimacion : 60.000 liv. [Hôtel de la Reine.] Et pour
l'ostel de Madame de Navarre, qui fu estimé XX livres parisis par jour monte par estimacion :
8.000 liv. Et pour
gaiges de parlement, des comptes et despens de l’eschiquier : 10.000 Et
tonte manière de messaigeries par tout le résume, par estimacion : 2.000 Et
paieront aussi tous les fiés, et les aumosnes, deues sur le trésor, soit à
l'héritaige, à vie ou à volonté, par estimacion de : 60.000 Et
encore seront-il chargiez de paier des gaiges ou dons assignés en Ghastelet,
jusques à 2.000 livres parisis par an : 2.000 Somme
142.000 livres parisis, valant. 177.500 liv. t. Pour
faire et acomplir, il auront la recepte des v bail-lies de Normandie., sans
le touage, par estimacion : 100.000 Item la
sénéchauciée de Thoulouse, Rouergue, Caoursin[403], Pierregort, Xanctonge et la
balliée de Auvergne et de Limosin, et les fores[404] de ces lieus, par estimation de :
80.000 Somme :
180.000 livres tournois. Ce est
le serment que il ont fait faire. Il ont
juré sur saintes Évangiles, que il les choses des susdites feront bien et
loyaument à leurs povers et diligaument et le plus à I'enneur et au profit du
seigneur que il porront, et que des autres choses que de celle qui leur sont
ci-dessus assignées, il ne recevront ne feront recevoir par eus ne par autres
; et se il avient que eus on autre pour eus en reçoivent aucune chose par
ignorance, si tost comme il le pourront savoir, il le rendront enterinement
en deniers comptans à ceus qui sont députés à ce recevoir dont les noms sont
ci-dessouz nommés. Et
dèsorendroit, il doivent délivrer deniers en l'ostel le Roys et nos dames[405] et les choses dessus dites
paier, et on leur laisse les dites receptes déchargiées. Et ne paieront riens
des deptes ne des arriérages du temps passé. Et pour
toutes manières de deptes paier que li rois doit aujourd'hui, de quoy il fera
conscience et qui lui sembleront qui facent 8 paier et pour paier, et
parfaire les sevres du Palais, de Poissi et du Moncel, et du Chastel de Lille
et pour paier les soudoiers de Flandres sans guerre, Li roi
a ordené Guillaume Dubois et Baudouyn de Roy, pour estre trésoriers du
Louvre, et doivent recevoir toutes manières d'autres receptes, c'est assavoir
toutes les baillies de France, Paris, Senlis, Vermendois, Amiens, Sens,
Orliens, Musc«, Bourges et Tours, le fouaige de Normandie quand il aschevra,
les seneschiaucées de Biauquaire, Carcassonne et Lyon, la terre de Flandres,
les comptés de Retel et de Nevers, toutes manières de deptes deues au roy,
amendes de parlement et d'eschiquier, le émolument du seel, ruchas, quins,
devoirs et forfaitures par dessus mil livres, finances de fiez, l'aide de la
chevalerie, les forfaitures de monnoies, toutes manières de composicions,
excepté les composicions de dessus mil livres faites par les séneschaus et
baillis des lieus assignez cidessus aus trésoriers du Temple, les quiet le
trésorier du Temple recevront, et toutes les autres recevront li trésorier du
Louvre. Item
les lais fais au roy et toutes autres manières de receptes extraordinaires. Et ces
receptes ils doivent départir et distribuer selonc le mandement qui leur sera
fais par lettres du roy signées du seignet au lyon, ou du petit seignet
monseigneur de Marreigny, ou par cédule signée de l'un de ces u signez, et
non autrement. Ce est
le serement que les diz Guillaume et Baudouin doivent faire seur ce. Il
doivent jurer seur saintes Évangiles, que les choses dessus dites il feront à
leur povers, bien et loiaument et diligaument, et le plus au proffit et à
l'onneur du seigneur que il porront, et que des choses qui sont assignées aux
tresoriers du Temple cidessus nommez il ne recevront ne feront recevoir par
eus ne par autres, et se il avient que eus ne autres pour eus en reçoivent
aucune chose par ignorance si tost comme il le porroient savoir il le
rendroient en deniers comptans à cens qui à ce recevoir sont députés, c'est
assavoir maistre Gieffroy de Briençon et Guy Flourent. Encore
doivent-il jurer que nulle délivrance queles queles soient il ne feront, se
n'est par lettres de roy, signées de son signet au lyon, ou du petit signet
monseigneur de Marreigny. ou par cédule signée de l'un de ces n signés. Encore
doivent-il jurer que l'estat de leur recepte à home nul se n'est à
monseigneur de Marreigny il ne relèveront décy à n ans, se n'est ou cas que
li rois voudroit que il rendissent compte tout de plain et absoluement, en sa
présence, ou en la présence dei de nos grands seigneurs que li roy y voudroit
députer, et que les noms des persones de qui les empruns seront faix, il ne
revèleront devant autre temps. Les
devant diz maistre Gieffroy, Gui et Guillaume, jurèrent ehascuns pour tant
comme il li touche, en la présence de monseigneur de,Alarreigni, monseigneur
G. de Marscilly, monseigneur Gile Granche, mestre Jehan de Dampmartin,
maistre Jehan de Saint-Just, Renan Barbou, Gieffroy Cocatris et maistre
Michel de Bourdeney. Il est
bien à regretter que ce document ne fasse pas connaître le montant des
recettes et des dépenses du trésor du Louvre. Ainsi, Philippe évaluait
lui-même les dépenses de l'hôtel, des grands corps de l'État, et le payement
des rentes à cent soixante-dix-sept mille cinq cents livres tournois, soit en
monnaie moderne, en donnant à l'argent cinq fois plus de pouvoir que de nos
jours, quinze millions neuf cent mille francs (chiffre rond). A ces dépenses on faisait face
au moyen des recettes nettes de la Normandie et des anciens domaines
d'Alphonse, estimées cent quatre-vingt mille livres, soit dix-sept millions
cent soixante-treize mille francs. A
propos des rentes sur le trésor, qui étaient payées par le Temple, je ferai
remarquer qu'elles étaient susceptibles d'être transférées à des tiers par
ceux qui les possédaient, comme les rentes modernes sur l'Etat, et à des
conditions plus ou moins avantageuses pour le vendeur. Il y avait, en un mot,
une sorte de hausse et de baisse. Les transferts devaient toujours être autorisés
par le roi[406]. Les agents du prince,
profitant de sa faiblesse, achetaient à vil prix, ou même se faisaient donner
des rentes sur le trésor, en récompense de leurs services, et les faisaient
asseoir en terres, c'est-à-dire que pour cent livres de rente le roi leur
concédait en toute propriété une terre produisant cent livres de revenu, ou
même beaucoup plus, mais qu'une connivence coupable estimait au-dessous de sa
valeur[407]. Ce premier budget de la monarchie eut le sort de la plupart de ceux qui l'ont suivi ; les événements déjouèrent les prévisions les plus sages, les calculs les mieux combinés. La guerre vint, avec son cortège de dépenses, entraver ces antiques essais de la science financière. L'établissement de deux trésors fournissant, l'un aux dépenses ordinaires, l'autre aux dépenses extraordinaires, offrait l'avantage de faciliter la comptabilité ; mais ce système ne survécut pas à Philippe le Bel ; il fut en porté par la réaction qui s'éleva contre son administration et surtout contre ses ministres[408]. |
[1]
Mandement au bailli d'Orléans, 1311. Brussel, t. I, p. 427. Mémorial A,
p. 14.
[2]
Bouthors, Cout. loc. du baill. d'Amiens, t. I, p. 54.
[3]
Documents inédits pour l'histoire du tiers état, Amiens, t. I, p. 291.
[4]
Bail de la prévôté de Chaumont au maire et à la commune, moyennant une rente de
300 livres. 1205. Delisle, Catal., p. 216, n° 938. — Mantes, en 1201. Ibid., n°
680, etc.
[5]
Trésor des chartes, Reg. XLV1I, n° 21. Décembre 1310.
[6]
Issoudun, Reg. XLVI, n° 392.
[7]
Trésor des chartes, Reg. XLVII, n° 67. — Voyez un autre bail à ferme
perpétuelle d'une place pour construire des moulins, en 1303. Reg. XXXVII, n°
4.
[8]
Olim, t. III, p. 925 et 926 (1314).
[9]
Ord., t. I, p. 462, en 1310. — Voyez la condamnation du fermier des
fermes du roi à Compiègne, lequel était un tyran et infidèle. Olim, t.
III, p. 465 (1309).
[10]
Comptes de 1299, Arch. imp., K. 501. Voyez les comptes de 1294. Ibid. — Les
comptes des bailliages de France de 1299 et de 1305, etc.
[11]
Trésor des chartes, Reg. XLI, fol. 100 (5 septembre 1308).
[12]
Or. Trésor des chartes, J. 387, n° 17.
[13]
Voyez le Nouvel usage des fiefs de Brussel.
[14]
Varia, Archives de Reims, t. II, p. 2.
[15]
Amende de 100 sous contre Isabelle de Fouquedebeque : 1305. Roul. Baluze.
[16]
Reg. XXXVI, fol. 10, en 1302 ; et Baluze, compte de 1305 (bailliage d'Amiens).
[17]
Bail. de Bourges, ibid.
[18]
Compte original de 1299.
[19]
Compte de 1305. Bibl. imp., Baluze
[20]
En mars 1292, il racheta, moyennant une rente de 40 livres, le droit d'usage de
Raoul d'Orléans dans la forêt de Journes. Or. J. 148, n° 16. Voyez une
renonciation de l'abbesse de Fontevrault d'un usage dans la forêt de Rest. J.
163, n° 4. En janvier 1290.
[21]
Droit de chasse du sire de Crèvecœur dans la forêt de Vernon. Arch. imp., or.
J. 722, n° 16. — La même année, Laurent de Lyvet vendit son droit au roi « chaciam
leporis, vulpis, cati et martre », dans la même forêt. J. 732, n° 117.
[22]
Championnière, De la propriété des eaux courantes.
[23]
Permission à Guillaume Bateste, chevalier, d'avoir une garenne dans son bois de
Chacon. Mai 1312. Trésor des chartes, Reg. XLVIII, n° 22.
[24]
Olim, t. III, p. 1158.
[25]
Ord., t. I, p. 335, 336.
[26]
Voyez cette ordonnance publiée pour la première fois dans la Bibl. de
l'École des chartes, 3e série, t. IV, p. 43.
[27]
Lanigère a placé ce fragment en 1292, mais à tort. Ord., t. I. Voyez Bibl.
de l'École des chartes, ut supra, p. 46.
[28]
Cartul. de Choisy-au-Bac, Arch. imp., LL. 1033.
[29]
Ord., I, p. 385.
[30]
Privilèges de l'église de Narbonne. Ord., I, p. 404.
[31]
Brussel, p. 669.
[32]
Ord., t. I, p. 671.
[33]
Voyez l’original d'un amortissement de l’an 1293 au profit de Saint-Victor de
Paris. Il se compose de deux pièces, la composition avec les commissaires et la
patente royale qui la confirma. Arch. imp., K. 36, n° 26.
[34]
Brussel. Voyez une liste des sommes payées pour des acquisitions de fiefs par
des roturiers, dans la sénéchaussée de Toulouse en 1277. J. 1442, et J. 308, n°
81 et 89.
[35]
Ord., t. I, p. 354.
[36]
Novembre 1293. K. 36, n° 26.
[37]
Bibl. imp., Languedoc, 71, fol. 55. En 1291.
[38]
19 mars. Ord., t. XI, p. 373.
[39]
Reg. XLVII, n° 5. En 1300.
[40]
Ord., t. I, p. 3308. En 1302.
[41]
En faveur de Saint-Martin des Champs, en 1306, Olim, t. III, p. 1313 :
de l'abbaye Sainte-Geneviève, ibid., p. 1307, en 1306.
[42]
Or, Arch. imp., K. 362, n° 50.
[43]
Voyez l'histoire d'un chevalier et de sa femme injustement accusés d'avoir
trouvé sept pièces d'or. Olim, t. III, p. 686 (1311).
[44]
Octobre 1290. Doat, 155, p. 289.
[45]
Compte de 1299. Ordre au sénéchal de Carcassonne de faire observer la coutume
du salin de cette ville. 1298. Ord., t. IX, p. 175.
[46]
En 1290, le roi acheta à Rémond d'Uzès les salines de Peccais, valant 350
livres de rente. Vaissette, t. IV, Preuves,
col. 114.
[47]
Sur les diverses opinions au sujet de la gabelle, voyez Pastoret, préface du
tome XVI des Ord. Cet auteur invoque une ordonnance de 1318 qui supprime
la gabelle (Ord., t. I, p. 679), et une autre de Louis X (Ibid.,
p. 607) ; mais M. Bailly (Histoire fin. de la France, t. I, p. 89)
regarde Philippe le Bel comme l'inventeur de la gabelle. M. Dareste (Histoire
de l'administration, t. II, p. 93) l'attribue à Philippe de Valois.
[48]
Legs du cinquième des biens. Or. Trésor des charter, J. 392, n° 25 (en
1312).
[49]
Olim, t. I, p. 97 (1277).
[50]
Pour se persuader combien l'histoire des finances sous Philippe le Bel est
incomplète, ou plutôt entièrement à faire, on n'a qu'à lire le chapitre
consacré à ce règne dans l'ouvrage le plus étendu qui ait été publié sur cette
matière. Bailly, Histoire de l'administration financière de la France,
t. I, p. 66 et suiv.
[51]
Vaissette, t. IV, Preuves, col. 82.
[52]
A Nîmes. Mesnard, Histoire de Nîmes, t. I, preuves, p. 111.
[53]
Trésor des chartes, J. 392, n° 16.
[54]
Historiens de France, t. XXI, p. 14. Mala-tolta, mauvais impôt, et non
pas tout-mal.
[55]
Lettre de Philippe le Bel aux habitants.de Reims, en 1293. Varia, Arch.
administratives de la ville de Reines, t. I, p. 1081 et 1082.
[56]
Voyez la concession à la ville de Bordeaux d'une maltôte sur les marchandises
qui passaient par Bordeaux. Olim, t. III, p. 7794. En 1313. — J’ai même
vu le mot maltôte employé avec ce sens dans un document officiel antérieur à
Philippe le Bel.
[57]
Nangis, Historiens de France, t. XX, p. 575.
[58]
Varin, Arch. administratives de Reims, t. I, p. 1082. — Olim, t.
II, p. 447.
[59]
Rouleau original, suppl. du Trésor des chartes, J. 1024, n° 82.
[60]
Chronique G. de Fracheto, Historiens de France, t. XXI, p. 14.
[61]
Arch. adm., t. I, p. 1082.
[62]
Arch. adm., t. I, p. 1091. Quittance donnée par les receveurs du roi à
J. de Villedomange et P. Belmer, bourgeois de Reims, tailleurs et receveurs de
la paroche Saint-Ylaire, de LXXX livres pour le denier la livre. 1er avril
1295.
[63]
Voyez notre description de ce manuscrit dans Notices et extraits des manuscrits
publiés par l'Acad. des inscript., t. XX, 2e partie, n° III.
[64]
Olim, t. II, p. 412.
[65]
24 décembre 1301. Journal du trésor, fol. 125 V°.
[66]
Roul. orig., J. 1024, n° 1082.
[67]
Entre autres, le chapitre de Notre-Dame de Paris. Arch. de l’Emp., or. K. 36,
n° 37 (juillet 1295). Reconnaissance par le roi que ce don ne lui portera pas
préjudice. J. 152, n° 12 (jour de la Saint-Luc 1295).
[68]
En 1293. Arch. de la ville de Narbonne. Copie dans la collection Doat, t. LI,
p. 28, à la Bibl. imp.
[69]
Historiens de France, t. XXI, p. 522.
[70]
« Item, pour ce que Thomas Brichart, mastre de la monnoie, et aucuns du conseil
conseilloient et voloient que pour avoir chevance se faist la foible monnoie,
qui puis se Hst, monseigneur Mouche et aucuns autres qui sostenoient le
contraire ne toloient que la bone monoie se gastat... se leva prest qui fut mis
et levé sur les riches bourgois de toutes les bonnes villes et des baillies,
l'an 1293. Du quel prest se leva des bourgois environ 630.000 livres tournois,
et des prélat et autres du conseil le roy et mastres des cooptes et du
parlement, environ 50.000 livres tournois. » Or. Arch. de l'Emp., 1. 654, n°
16. Voyez Notices et extraits, n° VIII.
[71]
Historiens de France, t. XXI, p. 14.
[72]
Varia, Arch. adm., t. I, p. 1099.
[73]
Histoire de Bourgogne, preuves, p. CXI.
[74]
Les contributions atteignirent quelquefois un chiffre élevé. Voyez une
quittance de 150 livres pro subsidio regni donnée à Jean Royan,
demeurant à Saint-Pierre le Moutier, 1295. Trésor des chartes, or., J.
474, n° 56.
[75]
Ord., t. XII, p. 333.
[76]
Lettre du roi au sénéchal de Beaucaire, samedi après l'Épiphanie 1295-1296.
Bibl. imp., 8409, fol. 65.
[77]
Ord., t. XII, p. 333.
[78]
Ord., t. XII, p. 331.
[79]
On trouve de curieux renseignements dans une lettre écrite par le bayle de
Cassagne-Begoutes à Guillaume Gat, son sergent, en date de juillet 1296. Or,
aux archives de la Haute-Garonne.
[80]
La seule copie ancienne de ce document que je connaisse est dans un cartulaire
de la ville de Montpellier, où l'on inscrivait é mesure qu'ou les recevait les
ordonnances royales et les lettres des sénéchaux. Bibl. imp., n° 8409, n° 65.
[81]
Voyez le texte de la commission donnée à Robert de Fréauville et à Philippe
Martin. Arch. de l'Emp., K. i86, n° 88.
[82]
Rouleau original. Anciens rouleaux non cotés.
[83]
Ord., t. XII, p. 333. J'ai trouvé plusieurs mentions de cinquantième
levé par des seigneurs dans leur terre.
[84]
Ord., t. XI, p. 380.
[85]
Ord., t. XI, p. 380.
[86]
18 octobre 1299, Journal du trésor, fol. 98, — 26 novembre 1299, Ibid.,
fol. 105. — 22 novembre 1299, Ibid., fol. 105.
[87]
Notices et extraits, n° VII.
[88]
Ord., t. XII. p. 333.
[89]
De prima quinquagesima terre de domno Martino, fol. 4.
[90]
Vaissette, t. IV, Preuves, col. 109 et 110.
[91]
Gaujal, Histoire de Rouergue, t. I, p. 3.
[92]
Lettres de juin 1297. Or. Arch. imp., K. 362, n° 46.
[93]
Voyez l'acte de protestation du 31 mai 1297 dans Vaissette, Preuves, t.
IV, col. 107.
[94]
Cartulaire de Montpellier. Bibl. imp., n° 8409, fol. 6.
[95]
Journal du trésor, fol. 105, 29 novembre 1299. — Ibid., fol. 97,
11 octobre 1299.
[96]
25 mai 1301, Journal du trésor, fol. 116.
[97]
19 juin 1301, Journal du trésor, fol. 116.
[98]
15 juin 1301. Journal du trésor, fol. 117.
[99]
Mandement du 12 juin. Ord., t. I, p. 345.
[100]
Ord., t. I, p. 350. — Mandement au bailli de Caen, vendredi après
l'octave de la Toussaint.
[101]
Instruction du dimanche après la Saint-Martin d'été 1302. Ord., t. I,
p.350 et 351, note.
[102]
Mercredi après la Saint-Louis. Trésor des chartes, Reg. XXXVI, 13.
[103]
Samedi après la Chandeleur 1302-1303. Ord., t. I, p. 369, 579.
[104]
Instruction pour la mise en pratique de l'ordonnance du samedi après la
Chandeleur 1301-1303. Ord., t. I, p. 370, 371.
[105]
Mesnard, Histoire de Nîmes, preuves (mars 1303).
[106]
Ord., t. I, p. 373 ; et Arch. imp. Trésor des charter, Reg.
XXXVI, n° 18. — Mandement au bailli de Vermandois. JJ. 35, n° 108 (16 août
1303).
[107]
Ord., t. I, p. 373, 374.
[108]
9 octobre 1303 : le roi rendit une ordonnance plus détaillée que celle du 3. Ord.,
t. I, p. 383-385.
[109]
Original scellé par les prélats et barons. Trésor des chartes, J. 384,
n° 1 ; et Ord., t. I, p. 408, n° 6.
[110]
Ord., t. I, p. 412. Juillet 1304.
[111]
Ord., t. I, p. 383. Lettre à l'évêque de Paris, 9 octobre 1303.
[112]
Reg. XXXV, n° 172.
[113]
Vaissette, t. IV, Preuves, col. 133.
[114]
Ordonnance du 20 janvier 1303. Ord., t. I, p. 384.
[115]
9 juillet 1304. Mandement pour faire lever l'aida dans la terre de comte de
Dreux. Ord, t. II, p. 412.
[116]
Historiens de France, t. XXI, p. 584.
[117]
Lettre de P. Jourdain de file, sénéchal de Beaucaire, et de G. Adhémar,
chevalier, ordinatores et collectores subeidii domino regi in senescallia
predicta novissime concessi, contenant une lettre dans laquelle ils sont
institués en cette qualité par le comte de Forez et Foulques de Regni, deputati
ad superintendendum in negocio subsidii, in Caturcensihus, Petragor., Ruthim,
Carcasson.. et Bellicadr. senescalliis et in ballivia Alvernie. Jeudi après
la Saint-Mathias 1303. Mesnard, Histoire de Nismes, preuves, t. I, p.
147.
[118]
Historiens de France, t. XXI, p. 564.
[119]
Historiens de France, t. XXI, p. 564.
[120]
Le nombre des mandements aux baillis pour accélérer les rentrées est
considérable. 19 mai 1304, au bailli d'Orléans. Arch. imp., JJ. 35, n° 142. —
Même date, au bailli de Sens, n° 167. — 29 juin 1304, su prévôt de Paris et aux
collecteurs des subsides, JJ. 35, n° 178, 212 et 214. — Autres du 28 avril, n°
128, 165, 166, 168, etc.
[121]
Lettres en faveur de l'abbaye et des hommes de Saint-Germain des Prés, 19 juin
1304. Or. Arch. imp., K. 37, n° 32.
[122]
Le roi déclare qu'il a consulté la coutume du Vexin, et qu'elle lui est
favorable. Or. J. 384, n° 2.
[123]
Mandement à l'échiquier, 6 septembre 1308. Ord., I, p. 453.
[124]
Lettre, au bailli de Caen, après le dimanche Reminiscere 1309-1310. Trésor
des chartes, Reg. XLII, fol. 106.
[125]
Delisle, Revenus publics en Normandie. Bibl. de l'École des chartes, 3e
série, t. III, p. 123.
[126]
Mandement au bailli d'Orléans, 8 octobre 1311. Reg. A. de la chambre des
comptes. P. 2290, fol. 109.
[127]
Tout un carton du Trésor des chartes est rempli de ces procurations. J.
356.
[128]
Or. Trésor des charter, J. 392, n° 24 (en 1309).
[129]
Voyez l'aide levée à Tulle en 1309. JJ. 42, n° 72.— Dans le bailliage de Mâcon
en 1310. P. 2290, fol. 29. — A Charlieu. Olim, t. III, p. 362. — En
Normandie, 1309. JJ. 42, n° 68 et 106. — Ord., t. XI, p. 423 (6 octobre
1310). — Neuilly, délai, 18 mars 1310-1311. JJ. 42, n° 138. — Bourges, délai,
décembre 1309. JJ. n° 105 r°.
[130]
Compte intitulé : Novi milites facti per dominum regem Parlalis, die
Pentecostes anno 1313. Dans Ludwig, Reliquiæ manuscriptorum, t. XII.
p. 48 à 60.
[131]
Ludwig, Reliquiæ manuscriptorum, t. XII, p. 60.
[132]
Geoffroi de Paris, édit. Buchon, p. 192.
[133]
Olim, t. I, p. 804 et 805. Le roi demanda un subside à chaque ville en
particulier.
[134]
Reg. Pater de la chambre des comptes, fol. 152, année 1314, P. 2289,
fol. 159, pièce intitulée : « Ce sont les villes de la baillie de Sens qui se
dient franches de la subvention de la chevalerie le roy, et y sont contenues
les clauses de leurs privilèges : et c'est à savoir que le roy qui règne
présentement, Philippe le Bel, fut fait chevalier à la mi-août 1284 et le roy
Louis de Navarre à la Pentecoste 1314. »
[135]
Reg. Pater de la chambre des comptes, fol. 153.
[136]
C'est le livre de la taille des dix mile livres deus au roy nostre sire, pour
la chevalerie le roy de Navarre, son ainsné fils. Édit. Buchon, p. I.
[137]
Voyez le document provenant de la chambre des comptes intitulé : Nomina
villarum que habuerunt sufferentiam subsidii pro militia regis Navarre debiti
usque ad quindenam Omnium Sanctorum 1314. Arch. imp., P. 2289, fol. 170.
[138]
Arch. imp., P. 2289, fol. 170.
[139]
Subside pour l'ost de Flandre. Historiens de France, t. XXI, p. 566 et
suiv.
[140]
Ceux de mil livres paieroient vingt livres, et de plus plus. Historiens de
France, t. XXI, p. 587, D.
[141]
Historiens de France, t. XXI, p. 567, B.
[142]
Mandement du sénéchal de Carcassonne, en 1298. Ord., t. I, p. 329. —
Martène, Thesaurus, t. I, col. 1288. — Autre de l'an 1288. Mesnard, Histoire
de Nîmes, t. I, preuves, p. 114.
[143]
Ord., t. I, p. 302.
[144]
Coutumes de Beauvoisis, chap. L. — Ducange, dans ses Notes sur
Joinville, rapporte une sentence du bailli de Vermandois, de l'an 1290, contre
les clercs de la ville de Ham.
[145]
Arrêt du parlement d'octobre 1291. Vaissette, t. IV, Preuves, col. 9
[146]
On a cru que les décimes étaient le dixième des biens : c'est une erreur. Bulle
de concession du décime de 1289. — Voir la bulle de concession d'un décime en
1296 par Boniface VIII, P. 2591. Copie du reg. Saint-Just. — En 1304, bulle de
Benoît XI. Or. J. 459, n° 11. — En 1306, bau de Clément V. Arch. imp., copie du
temps, J. 938. — Voyez aussi les concessions de décimes par le concile
d'Aurillac, en 1294. Id., J. 456, n° 31. — Par les assemblées
ecclésiastiques de Paris, en 12961 Martène, t. I, col, 1277. — Concile de
Clermont en 1304. Arch. imp., or. J. 1025, n° 4. — Concession d'un décime par
Marmoutier, en 1296. J. 456, n° 31. -- Ces citations suffisent, pour établir un
point fort obscur, savoir : si le décime consistait dans la dixième partie de
la valeur on du revenu des bénéfices.
[147]
Tabula, R. Mignon.
[148]
Rainaldi, an. 1285, n° 28. — Vidimus de la bulle de Martin IV. Arch. imp., J.
938, n° 34.
[149]
Mandement des exécuteurs du décime aux collecteurs de la province de Sens,
dimanche après l'octave de l'Épiphanie 1289-1290. Or. Bibl. imp., Baluze,
décimes, n° 10. — Voyez, relativement à la perception du décime dans le diocèse
de Metz, une lettre de deux chanoines de Metz au sire de Beaumont, en 1291.
Arch. imp., J. 580, n° 1.
[150]
Rainaldi, an. 1290, n° 17.
[151]
Mémoire sur les réclamations du pape. Historiens de France, t. XXI, p.
324.
[152]
C'est ainsi que M. Kervyn de Lettenhove, voyant en 1292 Philippe le Bel exiger
un décime de l'ordre de Cîteaux, a supposé que le roi réclamait le payement du
décime accordé en 1274 par Grégoire X. Recherche sur la part que l'ordre de
Cîteaux a prise au procès de Boniface VIII, t. VIII, p. 8.
[153]
Mardi après la Saint-Pierre aux Liens 1294. Bibl. imp., n° 10312 A. fol. 16 r°.
[154]
Bibl. imp., Baluze, n° 10312 A. fol. 16 r°.
[155]
Lingard, Histoire d'Angleterre, t. III, p. 393.
[156]
Lettre de l'archevêque de Narbonne. Baluze, n° 10312 A. fol. 16.
[157]
Protestation du chapitre de Laon. Or. Bibl. imp., Laon, n° 94.
[158]
Lettre de l'archevêque de Narbonne. Baluze, 10312 A. fol. 16 v°.
[159]
Inventaire de Robert Mignon, Historiens de France, t. XXI, p. 225.
Mignon a attribué à tort au concile de Pons la concession du décime pour toutou
la France ; ce concile ne l'octroya que pour la province de Tours. Acte du
synode de Reims, mardi après la Saint-Remi 1294. Trésor des chartes,
Reg. XXXIII, fol. 49.
[160]
20 juin 1297. Journal du trésor, fol. 74 v° B.
[161]
Protestation du chapitre de Laon. Or. Bibl. imp., Laon, n° 94.
[162]
Or. Arch. de l'Emp., J. 456, n° 31. — Martène, Thesaurus, t. IV, p. 265.
[163]
Or. Arch. imp., J. 746, n° 3.
[164]
Or. Arch. imp., J. 938, n° 1. Lundi après la Saint-Jean 1294.
[165]
Apud Kervyn, op. cit., p. 20.
[166]
Charte en faveur de Cluny. Or. Supplément du Trésor des chartes, J.
938k, n° 1. — Mêmes restrictions dans la concession d'un décime par l'abbé de
Marmoutier. J. 746, n° 3.
[167]
Ordre au sénéchal de Beaucaire de donner mainlevée des Mens de l'ordre de
Cîteaux qui avaient été placés sous séquestre, les abbayes de cet ordre ayant
fini par promettre un subside. Veille de lit fête des saints Pierre et Paul
1295. Bibl. imp., Baluze, 10812 A. fol. 70.
[168]
Lettre du synode de la province de Sens au roi en date du mardi avant la
Saint-Barnabé 1287, peur demander la-mainlevée. Or. Trésor des charter,
n° 2.
[169]
Lettre du chapitre de Cîteaux, dans Kervyn, n° 10.
[170]
Martène, t. I, col. 1277-1279.
[171]
Kervyn, Recherches, p. 16.
[172]
Kervyn, Recherches, p. 16.
[173]
Kervyn, Recherches, p. 17.
[174]
Bulle Noverit circumspectio, adressée aux évêques de Paris et de Meaux.
Or. Arch. de l'Emp., Bullaire, L. 281, n° 86. Autre adressée aux Hospitaliers,
23 mai 1297. Ibid., n° 79.
[175]
Nangis, édit. Géraud, p. 303.
[176]
Inventaire de Robert Mignon, p. 325.
[177]
Au concile de Lyon. Inventaire de Robert Mignon, p. 325.
[178]
Lettre de l'abbé de Saint-Germain au pape, Kervyn, p. 24, d'après un manuscrit
provenant de l'abbaye des Dames.
[179]
Lettre à l'évêque d'Amiens, 15 avril 1303.
[180]
Tabula R. Mignon, p. 525.
[181]
Le roi amortit les nouveaux acquêts des exempts du diocèse de Noyon, en
récompense d'un décime qu'ils lui avaient accordé. Lettres datées de Péronne,
le vendredi après la Nativité de la Vierge (1303). Reg. XXXVI du Trésor des
chartes, n° 114.
[182]
Vaissette, Histoire de Languedoc, t. IV, p. 124. Bibl. imp., M. 55,
Baluze, décimes, n° 13.
[183]
Or. suppl. du Trésor des chartes, J. 1025, n° 4.
[184]
R. Mignon, p. 125.
[185]
Ord., t. I, p. 412. 15 juin 1304.
[186]
Trésor des chartes, rouleau original, J. 350, n° 5.
[187]
Or. Bibl. imp., Baluze, décimes, n° 13. 8 août 1304.
[188]
Ord., t. I, p. 406. Reims. — Ibid., p. 412. Narbonne.
[189]
Inventaire de Mignon.
[190]
Bulle de Nicolas IV du 31 mai 1289. Notices et extraits, n° 1.
[191]
Lettre de l'archevêque de Rouen nommant J. de la Broce, chanoine de Nevers.
[192]
Voyez la déclaration de Nicolas IV du 31 mai 1289. — Notices et extraits,
n° II.
[193]
Par les Templiers. Journal du trésor, fol. 78 r°. 8 juillet 1298. —
Boniface VIII ordonna aux Hospitaliers de payer les décimes. 23 mai 1297. Arch.
de l’Emp., Bullaire L. 281, n° 79 ; ainsi qu'à l'ordre de Cîteaux, malgré ses
éternelles réclamations. Ibid., L. 281, n° 97. Voyez les protestations
de Cîteaux dans Lenain, Histoire de Cîteaux, t. I, p. 254.
[194]
Concile de Bourges. J. 1025, n° 4. En 1804. — Voyez la lettre du roi aux
évêques, 15 août 1303. Ord., t. I, p. 383.
[195]
Bulle de Benoît XI du 2 des ides de mai 1304. Trésor des chartes, or. J.
459, n° 11. — On lit dans le tome XXI des Historiens de France, p. 541 et
suiv., un document intitulé Valor decimarum, provenant de la chambre des
comptes, qui donne deux évaluations différentes pour chaque diocèse. Cette
différence provient sans doute d'une révision du cadastre des biens de
l'Église.
[196]
Voyez la lettre où Jean Chocat, chanoine de Nevers, commissaire, nomme
collecteurs dans le diocèse de Lausanne deux chanoines de la cathédrale. Jeudi
avant la Saint-Martin 1289. Or. J. 938.
[197]
Ord., t. I, p. 331, 332 (23 avril 1299).
[198]
L'évêque d'Albi. Gallia, t. I, p. 12 ; et Preuves, p. 11 ; Vaissette, t.
IV, p. 125. — L'archevêque de Sens eut aussi son temporel saisi, en 1308, pour
le même motif. Olim, t. III, p. 356. Les officiers du roi prétendirent
que l'excommunication était encourue ipso facto, et qu'elle n'avait pas besoin
d'être prononcée pour autoriser les voies de rigueur contre les ecclésiastiques
retardataires. Cette théorie est émise par le roi lui-même dans une instruction
adressée à deux de ses sergents au diocèse de Chartres. Vendredi après la
Saint-Remi 1308. Trésor des chartes, Reg. XLI, n° 14.
[199]
Ord., t. I, p. 331. En 1299.
[200]
Mandement des exécuteurs aux commissaires dans la province de Sens de remettre
le produit de leurs recettes au bailli de Sens, le samedi après la Saint-André
1289. — Quittance donnée par le bailli aux commissaires d'une somme de 3.000
livres tournois. — Ordre du roi au bailli de remettre cette somme à ceux qu'il
lui désigne. Or. Baluze, Décimes, n° 11.
[201]
Bulle des ides de décembre de la deuxième année du pontificat, apud Montem
Flasconem. Or. Trésor des chartes, J. 446, n° 29.
[202]
Voyez le Mémoire, sans date, mais composé évidemment entre 1307 et 1313, dans
le tome XXI des Historiens de France, p. 531. Dans ce Mémoire, destiné à
repousser quelques réclamations de Clément V, le roi prétend que, loin d'être
redevable envers le pape, c'est le pape au contraire qui est son débiteur de
sommes importantes employées par ledit roi à la défense de la terre sainte
après la chute de Saint-Jean d'Acre, pour la guerre d'Aragon, pour la guerre de
Romagne, qui lui avait coûté plus de 54.000 livres tournois dont il n'avait pas
été payé, et pour une avance de 100.000 livres faite au pape Martin IV, à
l'occasion de cette dernière guerre.
[203]
Bulle du 4 juillet 1289. Suppl. du Trésor des chartes, J. 938, n° 14.
[204]
Inventaire de R. Mignon, p. 523.
[205]
Inventaire de R. Mignon, p. 523.
[206]
Voyez la lettre adressée à J. de Crispeio, Trésor des chartes, Reg. XLI,
n° 18.
[207]
Or. Trésor des chartes, J. 456, n° 32.
[208]
Voir le tableau du produit d'un décime du clergé français sous Philippe le Bel
: il y a deux évaluations que l'on trouve dans un registre officiel de la
chambre des comptes. Historiens de France, p. 541. Cîteaux, le Temple et
l'Hôpital n'y sont pas compris.
[209]
Historiens de France, t. XXI, p. 560, note 9.
[210]
Historiens de France, t. XXI, p. 562.
[211]
Historiens de France, t. XXI, p. 557, note.
[212]
Historiens de France, t. XXI, p. 545 E.
[213]
Historiens de France, t. XXI, p. 541 et suiv.
[214]
Historiens de France, t. XXI, p. 545 E.
[215]
« Monseigneur Mouche et Biche prestèrent de leur denier et qu'ils
empruntèrent sus euls aus foires de Champagne et à Paris, si com il apert par
les escriz, environ CCm
livres. » Trésor des chartes, J. 654, n° 16. Notices et extraits,
n° VII. — Voyez
d'autres emprunts à des Italiens. Gaignières, n° 567.
[216]
Lundi après la Saint-Pierre 1302. Reg. XXXV du Trésor des chartes, n° 15
; voyez aussi le n° 16.
[217]
En 1296. Bibl. imp., collection Doat, t. II, p. 207, pour 350 livres de monnaie
melgorienne, et p. 117, pour 200 livres de la même monnaie.
[218]
Arch. de l'Emp., K. 501.
[219]
Bibl. imp., collection Gaignières, n° 567, fol. 2 v°.
[220]
Reg. XXXV du Trésor des chartes, n° 49.
[221]
Rouleau original, supplément du Trésor des chartes, J. 770 (sans date).
[222]
Brussel, Nouvel usage des fiefs, liv. II, chap. XXXIX.
[223]
Dupuy, les Juifs au moyen âge, p. 222.
[224]
Bibl. imp., n° 4684, fol. 58.
[225]
Arch. de l'Emp. Trésor des chartes, J. 427, n° 13 et 14.
[226]
Ord., t. I, p. 317.
[227]
Ord., t. I, p. 317.
[228]
Arch. de l'Emp., K. 166, n° 186.
[229]
Avril 1293. Mesnard, Histoire de Nismes, t. I, preuves, p. 125.
[230]
Trésor des chartes, J. 227, n° 15.
[231]
Samedi après la Saint-Barthélemy 1295. Trésor des chartes, J. 227, n°
15.
[232]
Bibl. imp., 10312 A. p. 54.
[233]
Mesnard, t. I, p. 125. Mandement au sénéchal de Beaucaire, octave de la
Chandeleur 1294-1295.
[234]
Journal du trésor, fol. 5 v° ; du bailliage de Vitri, fol. 6 r° ; du
bailliage de Vermandois, fol. 8 r° ; de Paris, fol. 3 v°.
[235]
Voyez les plaintes de l'évêque de Nîmes de ce qu'on avait arrêté ses Juifs pour
les rançonner : le roi ordonna de ne pas les inquiéter. Mesnard, t. I, Preuves,
p. 125. Dimanche après Reminiscere 1294-1295.
[236]
Journal du trésor, 113 v°, 115.
[237]
Trésor des chartes, Reg. XXXV, n° 11.
[238]
Reg. XXXV, n° 67 (30 avril) ; K. 37, n° 152 ; et Reg. XXXVI, n° 22.
[239]
Historiens de France, t. XXI, p. 27. Cont. de Nangis, p. 355.
[240]
Lettre à Jean de Saint-Just et G. de Nogent, commissaires pour la vente des
biens des Juifs dans la sénéchaussée de Toulouse. 17 août 1306.
[241]
Reg. XL, n° 39, 97, 99 à 102, 135, 143 ; Reg. XLI, 17 ; Reg. XLIV, n° 143, 155,
166, etc.
[242]
Vente de l'école des Juifs à Dun. Février 1309. Reg. XLI, n° 192.
[243]
Vente en 1312 de la synagogue de Janville. Reg. XLVIII, n° 107.
[244]
Trésor des chartes, Reg. XLI, n° 113 ; et Reg. XL, n° 140.
[245]
Bibl. imp., 8409, fol. 9.
[246]
Lettres du 24 janvier 1309-1310. Bibl. imp., Doat, t. LI, p. 332 ; et Trésor
des chartes, Reg. XLII, n° 98.
[247]
14 septembre 1310. Mandement au sénéchal de Beaucaire. Bibl. imp., n° 8409,
fol. 9 v°.
[248]
Trésor des chartes, Reg. XLII, fol. 103 r°. En 1309. Voyez la
composition avec l'évêque de Mende. Reg. XLI, n° 16 (même année). L'abbé de
Saint-Gille eut le tiers. Mesnard, t. II, p. 15 (en 1314).
[249]
Chronique métrique, vers 3502 et suiv.
[250]
Depping, p. 246.
[251]
22 août 1311. Trésor des chartes, Reg. XLII, n° 14 ; et leurs biens
confisqués, Ibid., Reg. XLVIII, n° 213. En 1837 on trouva à
Saint-Maixent un pot renfermant plus de 2.000 monnaies dont les plus récentes
étaient de Philippe le Bel. Il y en avait de Philippe, comte de Poitou
(1311-1316). Les éditeurs de la Revue numismatique n'ont su comment expliquer
cet enfouissement. Il est probable qu'on doit l'attribuer aux Juifs lors de
leur deuxième bannissement.
[252]
Olim, t. III, p. 749 et 839.
[253]
Depping, p. 229.
[254]
Arch. imp. Trésor des chartes, carton 1030, n° 5.
[255]
Ord., t. I, p. 595. 28 juillet 1315.
[256]
Doat, 156, p. 12. Mardi après la Saint-Barthélemy.
[257]
Doat, 51, fol. 1. Protestation des conseils de Narbonne.
[258]
Trésor des chartes, Reg. XXXV, n° 109.
[259]
L'estat des deniers promis au roy et à ses prédécesseurs par les traictez faix
avec les Flamenz, pour cause des guerres de Flandres et les paiemens qui ont
esté fais.
Premièrement le roy Philippe le Bel en dut avoir par le
premier traictié fait devant Lille l'an 1296, 400.000 livres parisis.
Item pour les arrerages de 20.000 livres de rente que
le roy dut avoir par le traictié de la paix, dont les 10.000 furent rachatées,
et pour les 10.000 demorans, fu au roy assigné la terre de Lisle, de Douai, de
Bethune et des appartenances. Sont deuz pour les duz 1306 et 1307, que ladite
terre ne fu assignée ne rachetée es dites années 40.000 livres tournois valant
32.000 livres parisis.
Pour le rachat des dites 10.000 livres tournois de
terre, 600,600 livres tournois valant 480.000 livres parisis.
Pour le rachat des pelerinages 300.000 livres tournois
valant 240.000 livres parisis.
Somme 1.152.000 livres parisis.
Et tot Guy, commis du roy pour ce recevoir, en rendi au
roy en son premier compte 396.000 livres 15 sous 4 deniers tournois, du temps
des bourgois.
Et par son segond compte 268,183 livres 18 deniers
tournois.
Par son tiers compte 101.057 livres 18 sous 8 deniers
tournois forts. Par son quart compte 965 livres 2 sous 6 deniers tournois fors.
Somme que les Flamens ont paié avant la paix faicte
avec le roy Philippe le Grant de Long), 598,549 livres 12 sous 11 deniers
tournois.
Item le dit tot receut pour la ville d'Ypre 5,490
livres tournois fors.
Somme toute du paié jusques au traictié fait par le roy
Philippe le Grand, 604.039 livres tournois 10 sous 11 deniers, valent 483,231
livres 12 sons 9 deniers parisis. Reg, original de la chambre des comptes.
Bibl. imp., n° 8406, fol. 255.
[260]
Voyez la savante préface du tome XXI des Historiens de France, p. LXXVII
et suiv. Conf. de Wailly, Recherches sur le système monétaire de saint Louis
; et du même auteur, Variations de la livre tournois. Leblanc, Traité hist.
des monnaies de France, p. 190 et suiv.
[261]
18 janvier 1308-1309. Ord., t. I, p. 455.
[262]
Trésor der chartes, J. 459, n° 24. Ce mémoire paraît avoir été fait du
temps de Louis X, ou au plus tard sous le règne de Philippe le Long. Il est
intitulé : Rationes illorum qui certant pro debili moneta.
[263]
Ancienne table dans le manuscrit Baluze, n° 9612, fol. 19.
[264]
Autre preuve. En 1303, quand Philippe le Bel fit de nouvelle monnaie, qu'il
déclara bonne et conforme à celle de saint Louis, il ne voulut pas que les
anciens petits parisis et petits tournois eussent le même cours que les espèces
correspondantes de la nouvelle monnaie, attendu qu'ils étaient inférieurs à ces
dernières en poids et en valeur. Ces vieux petits tournois et parisis sont
évidemment ceux qui avaient été fabriqués avant 1295, puisqu'à partir de cette
année jusqu'à 1303, on ne frappa que de la monnaie forte. Ord., t. I, p.
379.
[265]
Ord., t. I, p. 444. 4 octobre 1306.
[266]
Trésor des chartes, Angleterre, rôles sans date, n° 16. — Notices et
extraits, n° VII.
[267]
Historiens de France, t. XXI, p. 634.
[268]
Ord., t. I, p. 314 ; et Bibl. imp., n° 10312 A., fol. 55.
[269]
Ord., t. I, p. 315. Mai 1295.
[270]
Mandement à tous prélas, ducs, contes, barons et antres justiciers. Bibl. imp.,
Baluze, 752, fol. 64 v°, vendredi après l'octave de Pâques 1295 ; et mandement
au comte de Nevers, Ord., t. I, p. 543.
[271]
Arch. de l'Emp., Z. 3147, fol. 70.
[272]
Mandement au comte de Nevers. Ord., t. I, p. 543.
[273]
Arch. de l'Emp., Z. 3147, fol. 70.
[274]
Arch. de l'Emp., Z. 3147, fol. 70.
[275]
Arch. de l'Emp., Z. 3147, fol. 64.
[276]
Voyez le bail de la monnaie d'or passé par Brunet de Florence et Jacques de
Chartaut, de la société des Perruches, 1er août 1310. Or. Arch. imp., Z. 2811.
— Autre en 1305 par des associés des Perruches. Ord., t. I, p. 433.
[277]
Villani, liv. VIII, chap. unir. Muratori, Scriptores, t. XIII, p. 390.
[278]
Lettre adressée au duc de Bourgogne, 6 mars 1298. Ord., t. II, p. 604.
[279]
Jeudi après la Saint-Denis 1301. Bibl. imp., n° 8409, fol. 82.
[280]
Bibl. imp., n° 8409, fol. 82.
[281]
Ord., t. I, p. 347. Jeudi avant la Saint-Louis 1302.
[282]
Ord., t. XII, p. 352. 12 octobre 1301.
[283]
Ord., t. I, p. 378.
[284]
Ord., t. I, p. 379.
[285]
Chronique métrique, vers 2206 et suiv.
[286]
Arch. de l'Emp., Reg. entre deux sis de la Cour des monnaies, Z. 3247,
fol. 70.
[287]
Mandement au bailli de Chaumont, 1er décembre (1303). Ord., t. 1, p.
389.
[288]
Or. Arch. de l'Emp., J. 459, 11. II des ides de mai.
[289]
Z. 3147, 70 v°.
[290]
Ord., t. I, p. 431. Mandement au bailli de Clermont. 25 mai 1305.
[291]
Z. 3147, fol. 70.
[292]
8 juin 1306. Ord., t. I, p. 444.
[293]
8 septembre 1306. Ord., t. I, p. 441, d'après Leblanc. Le texte de
l’ordonnance est perdu.
[294]
Z. 3147, fol. 70. — Voici ce qu'on lit dans un registre de la cour des monnaies
: « Au 1er mars en cel an 1305 à Pâques, couroit un denier pour III jusques à
la Saint-Remy l'an 1306. » Z. 3147, 70 v°. Conf. Historiens de France,
t. XXI, p. 27 et 647. Arch. imp., L 1240.
[295]
Ord., t. I, p. 441.
[296]
Ord., t. I, p. 441.
[297]
Historiens de France, t. XXI, p. 27 (cont, Chron. G. de Fracheto).
— Memor. hist. J. de. S. Victore. Ibid., p. 619.
[298]
Olim, t. III, p. 611.
[299]
4 octobre 1306. Ord., t. I, p. 443 et suiv.
[300]
16 février 1307. Ord., t. I, p. 446.
[301]
Ordonnance du 18 janvier 1309. Ord., t. I, p. 454.
[302]
Ord., t. I, p. 453.
[303]
Leblanc invoque à l'appui de son opinion « une infinité d'ordonnances » qu'il
ne cite ni n'indique, et le passage suivant d'un continuateur de Nangis ainsi
conçu : Philippus rex Franciæ simplicium ac duplicium turonensium fieri
fecit monetam pro simplicibus parisiensibus denariis currentem, etc. (p.
210). Ce texte dit que les bourgeois couraient pour des parisis, mais non
qu'ils eussent la même valeur. En effet, un autre continuateur de Nangis
raconte qu'au mois de septembre 1313 le roi voulut ramener à sa juste valeur sa
monnaie de bourgeois, qui pendant environ deux ans avait eu cours pour parisis,
ce qui était inouï, car leur valeur intrinsèque était égale seulement à celle
des tournois correspondants de double bourgeois valant le double tournois et le
simple bourgeois le petit tournois). Historiens de France, t. XXI, p.
39. Ce passage est concluant. Il est d'ailleurs confirmé par une ordonnance
portant que quatre bourgeois valaient une maille blanche ; or la maille blanche
valait un tiers de gros ou quatre deniers tournois (Ord., t. I, p. 421)
; donc le bourgeois était égal à un denier tournois.
[304]
Ord., t. I, p. 525.
[305]
Chronique métrique, vers 5754 et suiv.
[306]
Historiens de France, t. XXI, p. 658.
[307]
Voyez les plaintes de plusieurs marchands, fournisseurs du comte de Poitiers.
Leber, Recueil de dissertations, t. XIX, p. 49. Les habitants de Châlons
avaient injurié le prévôt de Laon au sujet de l'ordonnance sur le cours de la
forte monnaie, quand elle avait été publiée dans la ville ; des notables
étaient même réunis pour aviser au moyen d'empêcher l'ordonnance d'être mise à
exécution. Les habitants furent condamnés à 10.000 livres d'amende. Olim,
t. III, p. 611. 1310.
[308]
En 1313 le prévôt de Paris enleva 7.000 florins d'or de la maison d'un chanoine
nommé Guérin de Plaisance ; il paraît qu'il s'acquitta de cette commission
d'une manière malhonnête, et détourna une partie de la somme. Le roi ordonna
une enquête. Or. Arch. de l'Emp., K. 38, n° 9 bis.
[309]
Ord., t. I, p. 527.
[310]
Ord., t. I, p. 536.
[311]
Et demy est pour la rime.
[312]
Chronique rimée de Geoffroy de Paris, vers 5757 et suiv.
[313]
Arch. de l'Emp., Reg. de la cour des monnaies, Z. 3147, fol. 70. En 1313,
toutes les anciennes monnaies d'or et d'argent furent décriées, à l'exception
de l'agnel d'or (Ord., t. I, p. 536), dont on donnait quinze jours auparavant
vingt-deux petits bourgeois, et qui, par ordonnance, ne courut plus que pour
quinze sous tournois. (Chronique de G. de Frachet, Historiens de France,
t. XXI, p. 305.)
[314]
De Wailly, Variations de la livre tournois, p. 32.
[315]
Variations de la livre tournois, p. 35.
[316]
Ord., t. I, p. 549.
[317]
Trésor des chartes, J. 459, n° 22. Cf. de Wailly, Variations de la
livre tournois, p. 33 et 34.
[318]
Journal du trésor.
[319]
Le 24 juin 1294, Béthin et Jean Daimier, monnayeurs du roi, prononcèrent à
Paris une sentence par laquelle ils restituèrent à l'évêque de Viviers le droit
de battre monnaie à l'Argentière. Voyez ce jugement dans Mesnard, Histoire
de Nismes, t. I, preuves, p. 127. Jusqu'ici ou ignorait que la juridiction
de la cour des monnaies l'At aussi ancienne. — Sur les maîtres des monnaies, on
peut aussi consulter le premier carton de la cour des monnaies aux Arch. de
l'Emp. (nouveau classement), et le Reg. A. de la chambre des comptes, copie
moderne, P. 2290, fol. 1.
[320]
Ord., t. I, p. 478.
[321]
En 1310 (7 octobre), Philippe accorda cette exemption aux monnayeurs royaux de
Montpellier, tant qu'ils seraient en exercice. Arch. de l'Emp., K. 188, n° 15
ter. Copie moderne venant de la chambre des comptes.
[322]
Ord., t. XI, p. 385.
[323]
Les ouvriers auront du marc de bourgeois singles (simples) de deniers faire, 6
deniers. Item, des mailles des bourgeois, le tiers plus que des deniers
singles. Mémorial A. de la chambre des comptes, fol. 270. — P. 2290, fol. 1.
[324]
Ordre au sénéchal de Poitou de détruire les fourneaux où l'on fondait des
monnaies. 1308. Trésor des chartes, Reg. XLI, n° 7.
[325]
Ord., t. I, p. 432 (12 juillet 1305).
[326]
Olim, t. III, p. 149.
[327]
Compte de 1311. Leber, t. XIX, p. 57. Voyez aussi Compte du bailliage de France
de l'an 1305. Bibliothèque impériale, Baluze. Compte d'Auvergne en 1299. K.
501, etc.
[328]
Arch. de l'Emp., Reg. A. de la chambre des comptes, copie moderne, P. 2591,
fol. 162.
[329]
Reproduit dans Historiens de France, t, XXI, p. 563.
[330]
Journal du trésor, fol. 62 r°, et passim.
[331]
Journal du trésor, fol. 89 v°, 10 juillet 1299, et passim.
[332]
Arch. de l'Emp., J. 1031, 10. Procédure contre L. Bon, monnayeur à Sommières.
Année 1308. Cet hôtel fut réuni à Montpellier en 1340. Ord., t. IV, p.
152.
[333]
Historiens de France, t. XXI, p. 529.
[334]
Reg. Olim du parlement de Paris, t. III, p. 139. Année 1304. Voyez aussi
Journal du trésor, fol. 3 v°, 5 r° et v°, 13 v°, 62 v°, 71 v°, 96 v°, etc.
Ord., t. XII, p. 351 (en 1301) ; p. 442 (en 1306), etc. Ordre au duc de
Bourgogne de prohiber la monnaie étrangère. 1298 v. s. Ord., t. II, p.
604.
[335]
Ord., t. XI, p. 427. 13 avril 1313.
[336]
Octobre 1309, Reg. XLII, n° 71, et mars 1316, n° 137 bis.
[337]
Mandement à Johan Chamençon et à Raout Cocatrix, 8 mars 1310, Reg. XLII, n°
136, leur enjoignant d'envoyer à Paris ceux qui emportaient de la monnaie.
[338]
Journal du trésor, fol 118 v° (1er mai 1311).
[339]
Mandement sur la nouvelle monnaie adressé à tous ducs, contes, barons, à tous
justiciers, 1295. Samedi après la mi-carême (n. s.). Baluze, 10812 A. fol. 55.
— Lettre au duc de Bretagne, après Pâques 1308. Ord., t. I, p. 449. — Au
comte de La Marche, 1309. Reg. XLII, n° 48. — Au comte de Flandre, 1295, après
l’octave de Pâques. Or. Bibl. imp., chartes Colbert, Flandre, 10. — Ordre au
duc de Bretagne de prohiber les monnaies étrangères, 6 mars 1299. Ord.,
t. II, p. 604.
[340]
Dépêches des ambassadeurs flamands. Kervyn, Recherches, p. 69.
[341]
Trésor des chartes, Reg. XLI, n° 36.
[342]
Ord., t. I, p. 518 (juin 1313).
[343]
C'étaient : le comte de Nevers, le duc de Bretagne, la monnaie de Souvigny au
sire de Bourbon et au pais de Souvigny, le comte de La Marche, vicomte de
Brosse, le sire de Hiret de Saint-Sévère, l'archevêque de Reims, le comte de
Soissons, le sire de Châteauvillain, le sire de Meun-sur-Yèvre (Robert
d'Ailli), l'évêque de Maguelone, l'évêque de Clermont, la monnaie du Mans, le
vicomte de Limoges, l'évêque de Laon, le comte de Rethel, la monnaie d'Angers,
le comte de Vendôme, le vicomte de Châteaudun, la monnaie de Chartres au comte
de Valois, l'évêque de Meaux, le comte de Sancerre, le sire de Vierzon p le
sire de Châteauroux, l'évêque de Cahors, la dame de Fauquemberg, le comte de
Poitiers, le comte de Blois. Arch. de l'Emp., Reg. entre deux sis de la cour
des monnaies. Cette ordonnance a été publiée en 1840 dans la Revue
archéologique.
[344]
Bibl. imp., n° 6222, fol. 32 v°. Voyez le savant Mémoire de M. de Wailly, Mém.
de l'Académie des inscriptions, t. XVIII, 2e série, p. 35 du tirage à part.
[345]
Trésor des chartes, layette monnaies, J. 459, n° 24.
[346]
Voyez le Mémoire important sur la guerre d'Angleterre, Notices et extraits,
n° VIII.
[347]
Bibl. imp., Gaignières, n° 567.
[348]
Arch. de l'Emp., K. 501.
[349]
Bibl. imp., suppl. français, n° 4743².
[350]
Bibl. imp., Baluze, n° 109.
[351]
Historiens de France, préface, p. LXXIII et LXXVII.
[352]
Mesnard, Histoire de Nîmes, t. I, pr., p. 405.
[353]
Sur l'agrandissement du palais, voyez K. 38, n° 7, Notices et extraits,
et notre tramail sur le Palais de justice. (Extrait du t. XXIII des Mémoires
de la Société del antiquaires de France.)
[354]
Toutes ces ordonnances se trouvent dans le Reg. LVII du Trésor des chartes.
La première seule si été publiée par Ducange dans les Notes sur Joinville, et
par M. Leber, Dissertations, t. XVII, p. 1 et suiv.
[355]
C'est l'ordenance de Postel le roy Philippe, faite à Vicenes le lendemain de la
Saint-Vincent de l'an M. CC. IIIIXXV.
[356]
JJ. LVII, fol. 2 et 3.
[357]
JJ. LVII, fol. 7 v°.
[358]
JJ. LVII, fol. 8 r°.
[359]
Reg. LVII, fol. 11 v°.
[360]
Reg. LVII, fol. 15 r°.
[361]
Fol. 17 r°.
[362]
Fol. 54 r°.
[363]
En 1311, il est parlé dans un acte de la chancellerie de Pierre Paumier,
apothicaire et valet de chambre. JJ. 46, n° 73.
[364]
Trésor des chartes, JJ. 42, n° 49.
[365]
Ordonnance sans date. JJ. 57, fol. 55 v°.
[366]
Ludwig, Reliquiæ manuscriptorum. Hale, 1741, t. XII, p. 14 à 48.
[367]
Ludwig, p. 43.
[368]
Clericus salsariæ regis. Ludwig, p. 43.
[369]
Extraits dans Lettera critica sopra un manoscritto de cera (par Antonio
Cocchi). Florence, 1746, in-4° de 84 pages. — Extraits : Itinéraire du roi,
p. 25 à 34. Autres extraits, p. 43 à 60. Les lectures sont très-fautives.
[370]
Bibl. imp., suppl. latin, n° 1386. Voyez Nouveau traité de diplom., t.
I, p. 458 et 460 ; et Mém. de l'Acad. des inscript., t. XX, p. 277 et
292. Mém. de l'abbé Lebœuf.
[371]
Suppl. latin, n° 1387.
[372]
Suppl. latin, n° 1388.
[373]
Nouveau traité, t. I, p. 484. Voyez pour toutes ces tablettes Bordier, Archives
de la France, p. 187.
[374]
Sénebier, Catalogue raisonné des manuscrits de la bibliothèque de Genève,
p. 146 à 178. Voyez un commentaire sur ces tablettes par Baulacre, Œuvres,
t. I, p. 78 et suiv., ouvrage dont s'était servi Sénebier.
[375]
Sénebier, Catalogue raisonné des manuscrits de la bibliothèque de Genève,
p. 178.
[376]
Voyez le Moniteur du 9 mai 1857.
[377]
Arch. imp., P. 2591, fol. 112.
[378]
Voir quelle est leur disposition : Saint-Victor, fol. 14 r°.
[379]
Tablettes de Saint-Victor, n° 1386 passim, entre autres fol. 7. — Voyez aussi
le tableau figuratif dressé par Cocchi à la fin de sa Dissertation, et
qui donne une idée de la disposition des tablettes. Voyez aussi la tablette n°
1387.
[380]
Sénebier, p. 173 et 174.
[381]
Sénebier, p. 168 et 169.
[382]
Or. Trésor des chartes, J. 365, n° 8.
[383]
Voyez un fragment de compte de 1312 dans Ludwig, t. XII, p. 48.
[384]
Voyez le compte de la chevalerie des fils du roi en 1313 dans Ludwig, t. XII,
p. 48 et suiv.
[385]
Ludwig, t. XII, p. 48 et suiv. — Tablettes de Saint-Germain.
[386]
Sénebier, p. 150 et 152. Conf. Acad. des inscript., t. XXX, p. 307.
[387]
Reliquiæ, t. XII, p. 14.
[388]
Reliquiæ, t. XII, p. 18.
[389]
Reliquiæ, t. XII, p. 28.
[390]
Reliquiæ, t. XII, p. 60.
[391]
Leber, Collection des meilleures dissertations, t. XVII, p. 32.
[392]
Journal du trésor, 7 janvier 1300, fol. 4 r°. — Ibid., fol. 6 v°,
3 février 1300, etc.
[393]
Journal du trésor, fol. 1301.
[394]
Trésor des chartes, Reg. XLIV, fol. 59. Jeudi avant la Saint-André 1314.
[395]
Leber, p. 30.
[396]
Historiens de France, t. XXI, p. 366.
[397]
Comptes de l’argenterie, pour la Société de l'histoire de France.
[398]
Van Lokeren, Histoire de Saint-Bavon de Gand, pr., p. 52. Donatien faite en
1314 par « Baudouin Crespin, chambellan et argentier de Philippe le Bel ».
[399]
Historiens de France, p. 529.
[400]
Reg. LVII du Trésor des chartes, fol. 18.
[401]
Le registre dont ce document est tiré a été rédigé par ordre de Philippe le
Long, et renferme plusieurs ordonnances sur l'hôtel des rois de France, à
partir de saint Louis. Voyez Notices et extraits, n° XI.
[402]
Restor, remplacement.
[403]
Quercy.
[404]
Foires.
[405]
Les bras du roi, la reine de Navarre et les comtesses de Poitiers et de la
Marche.
[406]
Confirmation d'une vente par G., comte d'Auxerre, à J. Gencien pour 2,200
livres tournois d'une rente sur le trésor (pas tout à fait à 5 ½). Or. K. 37,
n° 26. Juin 1304. — Jeanne Karle vend 150 livres sur la recette de Toulouse
pour 1.200 tournois. Or. J. 295, n° 45 (1305). — P. de Druck vend à Jean de
Morville une rente de 75 livres pour 720 livres (1365). J. 149. Voyez d'autres
ventes, en 1290. J. 423, n° 26.— En 1297. J. 149, n° 22. — En 1298. Fournival, Trésoriers
de France, p. 31, etc. Vente de 62 livres de rente pour 120 livres.
[407]
Voyez les plaintes de Philippe le Long. Ord., t. I, p. 665, 1.
[408]
Philippe le Long ordonna qu'il n'y aurait qu'un trésor.