LA FRANCE SOUS PHILIPPE LE BEL

 

LIVRE HUITIÈME. — ORGANISATION JUDICIAIRE.

 

 

CHAPITRE PREMIER. — ATTRIBUTIOINS INFÉRIEURES.

 

On comptait trois degrés de juridiction. — Différents noms des juridictions inférieures. — La séparation du pouvoir judiciaire et de l'administration plus avancée dans le midi que dans le nord de la France. — Des juridictions municipales. — Leur origine. — Le jugement par le jury en matière civile et criminelle était de droit commun. — Des tribunaux municipaux. — Leur compétence. — Deux remarques essentielles.

 

A la fin da treizième siècle il y avait dans le domaine trois degrés de juridiction, qui portaient des noms différents suivant les provinces[1] ; mais au fond l'organisation était la même partout, car, ainsi que j'ai souvent eu occasion de le dire, lorsqu'une province faisait retour à la couronne, on ne changeait rien aux institutions qui la régissaient, mais on les ramenait pet à peu à l'unité, tout en laissant subsister les anciennes dénominations et les vieux usages. Trois degrés de juridiction supposent l'appel à deux degrés, c'est-à-dire que l'on pouvait appeler successivement du tribunal de première instance au tribunal intermédiaire, et de celui-ci au tribunal suprême c'est en effet ce qui se pratiquait. Dans le Nord, l'Ouest et le Centre, sauf la Normandie, les prévôts étaient juges de première instance[2] ; mais il était imprudent d'abandonner l'exercice de la justice criminelle à des agents qui, affermant le pro- duit des amendes, avaient intérêt à trouver des coupables. Aussi la grande ordonnance de 1303, confirmant ce qui existait déjà sous saint Louis, interdit tout acte de juridiction aux 'prévôts fermiers et leur défendit de juger les causes entraînant des peines pécuniaires. Ce droit était réservé aux baillis, aux hommes de fief ou aux échevins, suivant les coutumes locales[3].

Il résulte de là que la juridiction de première instance appartenait presque exclusivement aux échevins, c'est-à-dire aux juridictions municipales, ou bien aux hommes, c'est-à-dire à des jurés présidés par le prévôt. Dans quelques grandes villes, comme à Orléans, il y avait un garde de la prévôté, magistrat, recevant un traitement fixe : je ne parle point de Paris, dont le prévôt était à la fois bailli. En Normandie, les vicomtes, institués du temps de la domination anglaise, tenaient les plaids ; leur pouvoir était considérablement amoindri par l'institution du jury[4].

Dans les provinces méridionales appartenant à la couronne, il faut distinguer les anciens domaines du comte Alphonse des deux sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne, qui avaient été réunies à la couronne dès Louis VIII. Dans les premières, c'est-à-dire dans les comtés de Toulouse, de Quercy et de Rouergue, ainsi que dans la partie de l'Albigeois située au sud du Tarn, le dernier degré de la hiérarchie judiciaire était occupé par des juges exerçant la juridiction dans des circonscriptions appelées judicatures ou jugeries[5]. Ces juges avaient été établis, au milieu du treizième siècle, par le comte Alphonse, qui avait dépouillé du droit de rendre la justice les bayles ou prévôts. Dans le comté de Toulouse, il y avait, sous Philippe le Bel, cinq jugeries, plus la viguerie de Toulouse[6]. L'Albigeois, le Rouergue et le Quercy, formaient chacun une jugerie[7].

Dans les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne, les juges inférieurs étaient les viguiers, officiers qui répondaient aux vicomtes de Normandie, avec cette différence que dans le Languedoc, où les traditions administratives, entretenues par la conservation des lois romaines, avaient avancé le développement de la civilisation, et où la séparation des pouvoirs avait fait de plus grands progrès que dans le Nord, les viguiers ne rendaient pas seuls la justice : ils devaient être assistés par un juge royal. Ces juges, ainsi que ceux des vigueries, étaient annuels, ou du moins ils passaient chaque année d'un siège à un autre[8].

Passons à la juridiction exercée par les magistrats municipaux, et examinons la part plus ou moins grande que les citoyens pouvaient prendre, concurremment avec les officiers du roi ou des seigneurs, à la reddition de la justice[9]. Les barbares avaient détruit l'organisation judiciaire romaine, et y avaient substitué les plaids ou mâls germaniques. Dans les mâls, les juges étaient des hommes professant la même loi que les parties, présidés par le comte ou le centainier. Ces jurés s'appelaient scabins ou échevins : à la fin de la première race il arriva, ce qui se reproduira toutes les fois qu'il sera question de l'exercice d'un droit civil ou politique qui exige quelque dérangement : on trouva difficilement des échevins. Charlemagne institua des rachimbourgs, assesseurs choisis par les envoyés de l'empereur (missi dominici) ; mais les échevins ne disparurent pas complètement. Bientôt après, 'l'autorité des seigneurs se substitua à celle du roi dans la plus grande partie de la France.

L'avènement du régime féodal n'interrompit pas la participation des habitants aux jugements ; mais il ne donna pas naissance aux juridictions municipales, ainsi que l'ont cru certains savants, qui sont partis de cette idée, que les magistrats municipaux nommés échevins ont quelque rapport de filiation avec les anciens scabins ; mais dès lors chacun fut jugé par ses pairs, le noble par des nobles, le roturier par des roturiers. A la fin du treizième siècle, le jugement par jury était la règle ; on le trouve établi dans toutes les provinces de France, surtout en matière criminelle. Beaumanoir constate que les baillis — dans ce passage, bailli ne désigne pas un magistrat de second degré, mais un juge seigneurial — rendaient eux-mêmes la justice dans certains lieux, et dans d'autres que c'étaient les hommes du seigneur qui faisaient le jugement. Or, même dans le cas où le bailli jugeait, il devait « appeler à son conseil des plus sages et fere le jugement par leurs conseils ». Les Établissements de saint Louis montrent que, même dans les lieux où le prévôt avait l'exercice de la juridiction, il devait appeler des hommes suffisants, qui ne fussent point amis des parties, et juger d'après leur avis : » se aucun se plaint à justice (prévôt ou bailli) de aucun meffet... la justice doit mettre terme (assigner un jour), et à celuy terme se doit lever et appeler gens souffisans, qui ne soient de l'une partie ne de l'autre, et si doit faire la parole retrere ; et des paroles qu'auront dites, si leur doit faire droit, et si leur droit retraire ce qu'ils auront jugié. »

Dans un autre chapitre des Établissements, on lit ce qui suit : « Quant les parties seront coulées en jugement, li prévôt ou la justice si feront les parties mander, et appelleront souffisamment gent qui ne seront mie des parties> et doit la justice... livrer les paroles aux jugeeurs, et ils (les jugeeurs) doivent loyalement jugier[10]. » Ou reconnaît des jurés dans ces gens suffis/ms ou jugeeurs. La coutume de Normandie montre l'institution du jury fonctionnant dans cette province au treizième siècle en matière civile et criminelle[11]. Il en était do même dans la Picardie, l'Artois et la Flandre[12]. Philippe le Long prescrivit, en 1319, au bailli d'Auvergne, de prendre conseil en rendant la justice de chevaliers et de prud'hommes du pays[13].

L'antienne coutume d'Anjou, qui est aussi du treizième siècle, est conforme sur ce point aux Établissements. Dans tout le Midi, là, où il n'y avait pas de juridiction municipale, les juges royaux ou seigneuriaux étaient assistés par un certain nombre d'habitants notables[14]. On a des renseignements très-précis sur l'organisation du jury dans cette province à la fin du treizième siècle[15]. Mais le droit de chacun d'être jugé par ses concitoyens n'est nulle part mis dans un plus grand jour que dans un jugement de l'an 1299, inséré dans les preuves de l'Histoire de Languedoc. Il s'agissait d'un malfaiteur qui avait été pris par les bayles du vicomte de Lautrec. Il fut jugé, suivant l'ancien usage, sur la place publique, an pied d'un vieil orme. Le tribunal, présidé par le vicomte de Lautrec, était composé de chevaliers, de damoiseaux (nobles non chevaliers) et de bourgeois. Après l'interrogatoire de l'accusé, on alla aux voix. Un chevalier prononça la peine du bannissement, un damoiseau demanda que l'accusé fût mutilé ; mais le reste des assistants, au nombre de plus de deux cents personnes, parmi lesquels les syndics du Lautrecois, s'écrièrent qu'il méritait la mort. Cette acclamation populaire était le vote de la majorité, elle décida du sort du coupable. Il fut condamné à mort, et les bourgeois requirent le vicomte de faire rédiger par écrit cette sentence[16].

Nous avons vu que Philippe le Bel, dans la grande ordonnance de 1303, générale à tout le royaume, déclara que les prévôts ne pouvaient juger les causes qui entraineraient condamnation à une amende, droit qui était réservé aux baillis, aux hommes jurés ou aux échevins, selon la coutume des lieux[17]. Lui-même, dans les privilèges qu'il accorda aux nombreuses bastides nouvellement fondées dans le Midi, attribua au bayle assisté des consuls la juridiction de première instance, pour les causes civiles jusqu'à concurrence de soixante sous, et une compétence criminelle dont étaient exceptés les crimes de meurtre, de rapt et d'incendie[18]. Toutefois j'ai remarqué que dès le treizième siècle le jury commençait à être abandonné en matière civile. La difficulté de bien juger pour des hommes dépourvus des notions du droit fut un des motifs de cet abandon. Mais il y en eut un autre, il n'y avait pas d'inconvénient à laisser aux juges royaux ou seigneuriaux la connaissance des causes civiles, qu'ils n'avaient aucun intérêt à mal juger[19]. Il n'en était point de même en matière criminelle, la punition des crimes et des délits étant toujours accompagnée d'une amende, et quelquefois de la confiscation des biens an profit du seigneur. Philippe le Bel ne porta aucune atteinte à ce système qui ne contrariait pas le développement de l'autorité royale[20].

Occupons-nous maintenant de la juridiction municipale proprement dite, exercée par les magistrats des villes. J'ai dit qu'elle remontait au douzième siècle ; M. Augustin Thierry a reconnu que dans le Lyonnais et le Dauphiné ; pays pour lesquels on a les seules preuves authentiques, les seuls monuments du droit municipal antérieur à la grande rénovation communale du douzième siècle[21], les villes n'avaient pas de juridiction ; que le droit de rendre justice appartenait exclusivement aux seigneurs[22] ; j'ajoute, ce qui n'est pas dit par ces documents, parce que c'était un fait vulgaire, j'ajoute, avec le concours des citoyens. Dans le Languedoc et dans la Guienne, les jurys précédèrent les juridictions municipales. Je citerai Toulouse, qui peut être pris comme type de la cité méridionale. Au milieu du douzième siècle, les jugements y étaient rendus par le viguier du comte, assisté de quatre jurés choisis parmi les habitants de la ville et du bourg. Un peu plus tard, on trouve les consuls servant d'assesseurs au viguier : ils s'étaient substitués aux jurés ; un peu plus tard ils jugèrent seuls. Ce droit qui ne leur avait été concédé par aucune charte leur fut disputé[23]. Enfin Philippe le Hardi, en 1283, leur accorda l'exercice de la juridiction criminelle dans toute l'étendue de la ville, sauf sur les prêtres, les nobles et les agents du roi.

Les juridictions municipales étaient vues de mauvais œil par les rois à la fin du treizième siècle, et ils firent tous leurs efforts pour les détruire.

Philippe le Bel laissa subsister les juridictions municipales en matière criminelle ; il les confirma[24], mais il en changea le caractère, il en fit des juridictions royales. Les consuls rendirent la justice au nom du roi[25]. Ce fut à ce titre que les consuls des plus petits villages du Midi eurent une juridiction criminelle ; et la conservèrent jusqu'au siècle dernier par prévention avec les juges royaux[26]. Il en fut autrement dans le Nord, où l'anéantissement des libertés communales, poursuivi avec persévérance par Philippe le Bel, amena l'amoindrissement des juridictions municipales, qui en matière criminelle s'exerçaient seulement sur les membres de l'association communale, et en matière civile sur tous, même sur les nobles, en raison des immeubles situés dans l'étendue de la commune. Une des causes qui durent puissamment contribuer à la ruine des justices municipales, ce fut le droit d'appeler de leurs jugements[27]. Le parlement leur appliquait avec rigueur les principes féodaux et condamnait à d'énormes amendes les villes dont les échevins avaient prononcé des sentences qui étaient plus tard réformées sur appel par la cour du roi[28].

Je termine par deux remarques qui sont d'une importance capitale :

1° Ce que j'ai dit à propos du jury ne s'applique qu'aux hommes libres ou francs. « Nd homme coutumier (c'est-a-dire mil vilain) ne peut faire jugement », disent les Établissements de saint Louis. — « N'a-t-il entre toi, seigneur, et ton vilain, juge fors Dieu » est un axiome célèbre formulé par Beaumanoir. Les vilains, serfs, hommes coutumiers, costiers, en un mot tous ceux qui ne jouissaient point d'une entière liberté, n'étaient pas admis au bénéfice du jury_

2° Au moyen âge, il n'y avait point de règle absolue J'ai constaté les principes généraux, mais on rencontre de nombreuses exceptions. Dans certains lieux on voit des vilains jugés par leurs pairs ; dans d'autres, les hommes libres par les baillis seigneuriaux. Cela tient à ce que la condition sociale variait à l'infini. Les progrès que les classes serviles avaient faits et qu'elles faisaient tous les jours vers la liberté civile s'accomplissaient dans des conditions trop diverses pour être uniformes tous marchaient à l'émancipation, mais plus ou moins lentement :

Non passibus tequis.

 

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CHAPITRE DEUXIÈME. — JURIDICTIONS DE SECOND DEGRÉ.

 

Baillis et sénéchaux. — Leur compétence. — Ils tendent à perdre dès fa fin du treizième siècle l’exercice de la justice. — De l'appel dans les pays de droit écrit et de droit coutumier. — Histoire de l'appel an treizième siècle. — Appeaux volages de Laonnais. — Il ne pouvait y avoir plus de deux appels successifs dans le mérite cause. — Châtelet de Paris.

 

Les baillis et les sénéchaux étaient à la fois juges de première instance et juges d'appel : ils eurent les uns et les autres cette double compétence dès le milieu du treizième siècle, mais ils l'acquirent sous des influences diverses. Sous Philippe le Bel, ils exerçaient la même juridiction. et étaient soumis aux mêmes règlements. Ils tenaient des assises ambulatoires tons les deux mois, dans les principales localités de leur ressort, mais jamais dans le domaine, des abbayes et des seigneurs, à moins d'usage contraire consacré par le temps. Ils rendaient aussi la justice au chef-lieu de leur bailliage ou de leur sénéchaussée. A la fin de chaque assise, ils devaient indiquer quand se tiendrait la prochaine assise[29]. Ils jugeaient assistés d'hommes de fief, ou des juges inférieurs, selon les pays : une ordonnance faite en 1303 pour les sénéchaussées, du Midi trace des règles qui étaient sans doute applicables aux bailliages.

Les causes concernant le domaine royal étaient toutes, dans le principe, jugées par le parlement, mais la multiplicité de plus en plus grande de ces causes, qui avaient en partie leur source dans les nombreuses confiscations faites au profit du fisc, forcèrent le roi à eu abandonner la décision aux baillis, mais non sans leur tracer la marche à suivre, pour que les intérêts de la couronne ne fussent pas lésés par des jugements précipités[30]. Les procureurs du roi établis auprès des juridictions inférieures instruisaient ces causes, sous la surveillance des juges royaux dans chaque assise ambulatoire, les procédures faites à cet égard étaient montrées aux sénéchaux, qui prononçaient dans, les grandes assises tenues au chef-lieu de la sénéchaussée et dans lesquelles ils étaient assistés par les juges de première instance[31].

Les baillis du Nord devaient rendre la justice en personne. Dans le Midi, au contraire, les sénéchaux étaient assistés d'un juge nommé par le roi, appelé juge-mage, sorte de lieutenant de robe longue, qui connaissait des appels portés au sénéchal, même en l’absence de ce fonctionnaire[32]. A Toulouse, il y avait à la fin du treizième siècle toute une cour, désignée dans le pays sous le nom de cour des appeaux, pour recevoir les appels de premier degré. Nouvelle preuve que la séparation du pouvoir avait fait plus de progrès dans le Midi que dans le Nord. Il devait en être ainsi, car, comme je l'ai déjà fait remarquer, les sénéchaux étaient des chevaliers, des hommes' d'épée, dont le type brillant fut ce fameux Eustache de Beaumarchais, sénéchal de Toulouse, qui devint gouverneur de Navarre et acquit une juste réputation dans les armes : la justice n'était point leur fait, et leurs attributions judiciaires furent restreintes au profit d'hommes de loi[33]. Les baillis au contraire étaient des légistes, ce qui ne voulait pas toujours dire roturiers, car Beaumanoir et Pierre de Fontaine étaient de bonne noblesse[34] ; mais chez eux l'homme de loi l'emportait sur le noble.

La juridiction des baillis en première instance était civile et criminelle. Au civil ils n'avaient pas exclusivement la connaissance des causes des nobles, car dans le Nord on trouve aussi des nobles jugés par leurs pairs sous la présidence du prévôt et même par les juges municipaux, et dans le Midi par les viguiers et les juges des vigueries. — Au criminel, ils jugeaient surtout les cas royaux, les violations de la paix publique. Quand les atteintes au bon ordre offraient une haute gravité, ils les déféraient au parlement. Les sénéchaux méridionaux avaient, en vertu de leur éloignement de Paris, où siégeait le parlement, une compétence criminelle plus étendue que les baillis. En 1305, le sénéchal de Carcassonne condamna à être pendus les consuls de Narbonne, accusés de haute trahison pour avoir voulu livrer leur ville à l'infant de Majorque. Ce jugement fut rendu dans une, assise dans laquelle siégèrent les douze grands barons de la sénéchaussée[35]. Les baillis statuaient sommairement, à la fin de chaque assise, sur les plaintes qu'on leur adressait contre les prévôts, les bayles, les sergents et les notaires placés sous leurs ordres[36].

L'appel était admis dans tout le royaume, mais il n'était pas soumis partout aux mêmes lois. On sait que la France était partagée en pays de droit écrit et en pays de droit coutumier[37]. La coutume dominait dans le Nord ; les lois romaines régissaient le Midi ; mais elles n'étaient admises par la royauté qu'à titre de coutume, et avaient reçu de nombreuses modifications dans une foule de localités, surtout pour tout ce qui regarde l'organisation de la famille. Certaines provinces, même l'Auvergne par exemple, étaient partagées en deux régions, gouvernées l'une par les coutumes, l'autre par le droit écrit.

L'appel naquit dans les provinces du Midi, dès la fin du douzième siècle, par suite du renouvellement des études juridiques à Bologne et à Montpellier : ce fut l'appel tel qu'il existait à Rome.

L'abolition du duel par saint Louis favorisa singulièrement l'extension de l'appel dans les pays de droit coutumier.

Une ordonnance de l'an 1286 fixa la jurisprudence de l'appel dans les terres de la domination anglaise sur le continent, dont les unes étaient de droit écrit et les autres de droit coutumier[38]. On pouvait appeler en matière civile et criminelle.

Il faut distinguer les appels des justices royales et ceux des justices seigneuriales.

Les Olim constatent les appels des prévôts royaux aux baillis et des baillis au parlement. Les baillis recevaient aussi les appels des juridictions municipales et des justices seigneuriales ; mais il n'y avait pas de règle uniforme. Sous saint Louis, ces appels allaient au parlement ; sous Philippe le Bel ils n'y étaient déférés qu'après avoir été reçus une première fois par les baillis[39] ; mais cet usage souleva les protestations des seigneurs[40]. Les grands feudataires et les princes du sang obtinrent que les appels de leurs cours seraient directement portés au parlement[41]. Les agents royaux attiraient à eux avec empressement les appels des justices seigneuriales ; ils introduisirent même des usages qui ruinaient et anéantissaient la juridiction des seigneurs : les appeaux volages de Laonnais en sont un exemple. En Laonnais et en Vermandois, quand un procès était porté devant un juge seigneurial, le défendeur, au lieu de répondre à la partie adverse, pouvait appeler au bailli royal, avant qu'aucune sentence eût été prononcée. Philippe le Bel avait, sur les plaintes des seigneurs, défendu ces appellations ; mais il les rétablit en 1296 L'ordonnance de réformation de 1303 qui reconnaissait que les justiciables des prélats et des barons ne devaient être cités devant les tribunaux du roi que par voie d'appel ou dans un cas royal, prescrivit une enquête sur les appeaux de Laonnais ; mais ils continuèrent de subsister.

Les seigneurs revendiquaient aussi à leur profit l'appel de leurs vassaux on de leurs propres juges. Ces prétentions furent vivement combattues par la royauté. Philippe le Hardi défendit aux feudataires de Languedoc d'avoir trois degrés de juridiction, et cela pour qu'on pût appeler au roi. Il leur interdit même le droit de connaître des premiers appels, à moins qu'ils ne pussent justifier d'une longue possession[42]. Philippe le Bel fit sévèrement observer cette ordonnance.

L'appel fut entre les mains de la couronne une arme dont elle se servit pour grandir son pouvoir en intervenant entre les seigneurs et leurs vassaux, et en faisant éclater aux yeux de tous sa supériorité ; elle encouragea ces recours à la justice royale, elle les provoqua, elle les admit sans réserve et presque sans limite, au point que ses tribunaux finirent par en être accablés. Tel est le spectacle qu'offre le règne de Philippe le Bel. Louis X et ses successeurs durent, dans leur propre intérêt, régler et restreindre le droit d'appel, qui avait dès lors produit le grand résultat politique qu'on pouvait en espérer.

Je ne puis terminer l'exposé des juridictions de premier et de second degré sans toucher quelques mots du tribunal du prévôt de Paris, qui remplissait les fonctions de prévôt et de bailli. Le siège de sa juridiction était au Châtelet. Les nombreuses occupations de ce fonctionnaire le mirent dans l'obligation de se faire aider dans l'administration de la justice par des auditeurs, qui lui servirent d'abord de conseillers, mais qui à la fin du treizième siècle avaient reçu le droit de juger sans le prévôt[43]. Ii en résulta de graves abus, qui attirèrent à plusieurs reprises l'attention de Philippe le Bel. Une ordonnance du mois de novembre 1302 défendit aux auditeurs de terminer « nul gros ineffait », ils devaient se borner à instruire les causes. Le prévôt taxait les amendes, il connaissait aussi des causes qui intéressaient le domaine, mais uniquement d'après un ordre spécial du roi ; il lui fut défendu d'avoir un lieutenant permanent, sauf quand il serait absent[44]. Les abus continuèrent : les auditeurs rançonnaient les plaideurs et commettaient toutes sortes d'exactions. Une ordonnance de 1313 fixa leur compétence à soixante sous de capital. On appelait de leurs jugements au prévôt par voie d'amende. Mais ces sages prescriptions furent toujours violées. Le prévôt les laissait juger des causes qui excédaient leur compétence. La même ordonnance abolit aussi les examinateurs qui étaient chargés d'examiner les témoins, et les remplaça par les notaires du Châtelet, ou, à leur défaut, par des prud'hommes au choix du prévôt et des auditeurs[45]. Un autre fléau, c'étaient les sergents du Châtelet, dont le nombre atteignit des proportions inouïes. Une ordonnance de 1306 en restreignit le nombre à soixante sergents à cheval et quatre-vingt-dix à pied.

 

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CHAPITRE TROISIÈME. — PARLEMENT DE PARIS.

 

Philippe le Bel n'a pas rendu le parlement sédentaire. — Sessions du parlement. — Jours des baillages. — Qu'entendait-on par le mot président ? — Grand'chambre. — Auditoire de droit écrit. — Chambre criminelle. Chambre des enquêtes. — Chambre des requêtes. — Requêtes de l'hôtel. — Chambre des vacations. — Composition du parlement. — Les légistes n'y dominent pas. — Cour des pairs. — Compétence du parlement. Appels contentieux administratifs. — Interprétation des lois. — Enregistrement. — Révision des arrêts. — Le parlement juge en dernier ressort.

 

Philippe le Bel a été considéré pendant longtemps sinon comme le fondateur, du moins comme l'organisateur du parlement. Cette gloire lui a été enlevée. La publication du premier registre du parlement de Paris, connu sous le nom d'Olim, et les savants travaux de M. le comte Beugnot ont fait remonter à saint Louis l'honneur d'avoir donné à la cour du roi le caractère de tribunal suprême pour tout le royaume, et de l'avoir constituée sur des bases en harmonie avec le nouveau rôle qu'elle était destinée à jouer par suite de l'extension du droit d'appel[46]. Cependant, la part qui revient à Philippe le Bel dans le perfectionnement des institutions judiciaires est encore assez grande pour contribuer à sa gloire.

A partir de la fin du douzième siècle, la cour du roi rendit des arrêts en l'absence du souverain, d'abord durant la croisade qui retint Philippe-Auguste outre-mer, ensuite pendant la minorité de saint Louis. Sous ce dernier prince, elle cessa de suivre le roi dans ses nombreux voyages et devint en fait sédentaire à Paris. On compte soixante-neuf sessions, de l'année 1254 à 1302, dont trente-trois à Paris, une à Orléans, une à Melun. On ignore où se tinrent les trente-quatre autres, mais tout porte à croire que ce fut dans la capitale[47]. Une ordonnance de l'an 1278, relative à l'organisation du parlement, prescrit que les parties qui auraient à y plaider entreraient dans la grand'chambre « par l'huis jouxte la salle, et s'en isseront par-devers l'huis du vergier, après avoir plaidié. » Ces détails s'appliquent au palais de la Cité où la cour du roi était dès lors établie[48]. Cependant, en principe, le parlement était encore censé accompagner le roi, ainsi que le prouvent les assignations faites de 1272 à 1279 par des commissaires chargés de recouvrer les domaines royaux qui avaient été usurpés dans les provinces du Midi[49]. Cette commission, composée de clercs du roi, avait le droit de statuer sur les questions qui lui étaient soumises, mais dans les causes graves ou difficiles, elle citait la partie à la cour du roi, à Paris, ou bien là où serait le roi.

Dans l'ordonnance de l'an 1303 pour la réformation du royaume, Philippe le Bel fit connaître son intention d'établir deux parlements ou sessions par an à Paris[50]. C'est le plus ancien document législatif que nous ayons qui fixe à Paris le parlement ; mais il ne fit que confirmer ce qui existait auparavant. Toutefois, postérieurement à 1303, le parlement tint plusieurs fois ses séances hors de la capitale, mais toujours en présence du roi. La session officielle était à Paris : un certain nombre de conseillers se transportaient auprès du prince pour juger les affaires qu'il désirait voir décider sous ses yeux[51].

L'ordonnance de 1303 prescrivait deux sessions par an. De 1287 à 1300, il y eut, sauf en 1297, où le parlement ne se tint pas, chaque année au moins une session, quelquefois trois, ordinairement deux ; l'une commençant à Piques ou à la Trinité, l'autre à la Toussaint[52].

Un règlement de l'année 1296 porte que « en tens de guerre, li roi fera un parlement en l'an, et commencera aux octaves de Toussaints. — Item il tenra deux parlemens en tens de paix, desquiex li uns sera aux wictièves de Toussaints et li autres aux trois semaines de Pasques[53]. »

A partir de 1301, les Olim n'indiquent plus qu'une session annuelle, sauf pour l'année 1306, où il y en eut deux. On a cru, avec toute apparence de raison, que la multiplicité toujours croissante des affaires fit confondre les deux sessions prescrites par l'ordonnance de 1303 en une seule commençant ordinairement en novembre et se prolongeant jusqu'en avril et quelquefois plus tard, même en août. L'examen suivi du Mémorial du Parlement, registre dans lequel un greffier inscrivait toutes les causes soumises à la cour, m'a permis de constater que si, dans les quatorze dernières années du règne de Philippe le Bel, il n'y eut qu'une session annuelle, sauf en 1306, cet état de choses, loin d'être le résultat de l'activité du parlement, était anormal et dénotait la désorganisation de la justice ; c'était, en un mot, l'application du règlement de 1296, qui ordonnait la tenue d'un seul parlement en temps de guerre ; plusieurs années même furent privées de parlement par suite du malheur des temps.

Voici d'après des _documents officiels le tableau des sessions du parlement depuis l'année 1301 jusqu'à 1314 :

1301. — De la Toussaint au mardi après l'Annonciation (fin de mars 1302).

1302. — Pas de parlement.

1303. — De l'octave de la Chandeleur (9 février) au jeudi avant la Saint-Georges.

1304.. — De la Toussaint au vendredi après la Saint-Matthias (On de février) 1305. — 1305. Pas de parlement.

1306. — De l'octave de Pâques (10 avril) au samedi après la Nativité de saint Jean.

— De l'octave de la Toussaint au lundi après l'Épiphanie 1307.

1307. — De l'octave de la Toussaint au mardi avant la Chaire de saint Pierre 1308.

1308. — De l'octave de Noël au mardi après Pâques 1309.

1309. — De la Saint-André (30 novembre) au lundi après les Rameaux (13 avril 1310).

1310. — De la Saint-Martin au lundi après l'octave de la Chandeleur 1311.

1311. — Le parlement prorogé au carême de 1312.

1312. — De l'octave des Brandons au jeudi avant la Sainte-Catherine.

— De l'octave de là Saint-Martin à la Saint-Philippe (1er mai 1313). 1313. De la Saint-Martin au vendredi avant les Rameaux 1314. 1314. De l'octave de la Toussaint à....[54]

 

On voit que les sessions de chaque parlement avaient une durée de trois à quatre mois.

L'époque de la tenue de chaque parlement était solennellement annoncée à la fin du précédent ; les baillis portaient à la connaissance de leurs administrés les jours où les habitants de chaque bailliage seraient admis à plaider[55], car pour éviter de trop longs déplacements aux justiciables ainsi qu'aux baillis, qui étaient tenus de venir donner à la cour des éclaircissements, on partageait le temps de chaque session entre les bailliages et les sénéchaussées du royaume ; nul n'était reçu à comparaître qu'aux jours de son bailliage, jours dont le nombre était fixé d'avance d'après la quantité des causes que chaque province était présumée devoir fournir.

Voici pour le parlement de l'année 1308, prorogé au commencement de 1309, l'ordre des jours des bailliages, tel qu'il fut publié par les baillis. Le parlement ouvrit sa session à l'octave de Noël.

Bailliage de Vermandois, sénéchaussées de Périgord et de Saintonge, duché de Guienne, du 2 au 6 janvier.

Bailliage d'Amiens, du 7 au 14 janvier.

Bailliages de Senlis et de Gisors, du 15 au 18 janvier.

Prévôté de Paris, Bailliage de Sens et comté de Champagne, du 19 au 24 janvier.

Bailliage de Tours et sénéchaussée de Poitou, du 25 au 29 janvier.

Bailliage d'Orléans, de Bourges, de Mâcon et d'Auvergne, du 30 janvier au 4 février.

Normandie du 5 au 14 février.

Sénéchaussées de Carcassonne, de Beaucaire, de Rouergue et de Toulouse, du 15 février à la veille de la mi-carême, clôture du parlement[56].

 

Les causes sur enquêtes étaient jugées pendant toute la durée de la session.

Chaque année les membres du parlement étaient désignés par le roi, et ceux des conseillers dont les noms étaient portés sur le râle publié par le prince pouvaient seuls prendre part aux jugements. La cour était divisée en plusieurs chambres, et c'était encore le roi qui arrêtait la composition de ces chambres. Cependant un règlement de l'an 1296 laissait aux présidents le soin de désigner les membres de la cour qui recevraient les requêtes, ceux qui jugeraient les enquêtes ainsi que les auditeurs du droit écrit, mais cela ne dura pas, et le roi continua de se réserver la nomination aux différentes fonctions[57].

On a beaucoup disserté pour savoir ce qu'étaient les présidents, dont il est fait mention dans plusieurs ordonnances de la fin du treizième et du commencement du quatorzième siècle[58]. Une ordonnance de Philippe le Long, de l'an 1320, dit qu'il y aura à la grand'chambre huit clercs et douze laïques présidents[59]. L'ordonnance de mars 1303 porte qu'on établira un parlement à Toulouse, si les peuples du Languedoc consentent à ne pas appeler des présidents qui tiendront ce parlement. Dans les Olim, les membres de la chambre des requêtes sont appelés présidents — dilectis et fidelibus gentibus nostris presidentibus Parisius in camera requestarum[60] —. Dans les textes que je viens de citer, presidens est synonyme d'existens et doit se traduire par siégeant, mais d'autres textes prouvent qu'il y avait, dès Philippe de Bel, des présidents du parlement, dans le sens que nous attachons à ce mot.

Plusieurs documents leur donnent même ce nom, et appellent résidents les autres membres de la cour. L'ordonnance de 1296 montre que ces présidents étaient des barons et des prélats, que deux d'entre eux devaient assister à chaque séance, un prélat et un baron. Je cite :

« Il est ordené que en tems de parlement seront en la chambre des plaids le souverain ou président, certain baron et certain prélat, c'est à savoir, des barons, li dux de Bourgogne, le connétable, le comte de Saint-Pol ; item des prélats, l'archevêque de Narbonne, l'évêque de Paris, l'évêque de Taroënne, et li prélats des comtes (de la chambre des comptes), quand il y pourront entendre ; et seront tenus à estre au parlement continuement au moins 'uns des prélats et uns des barons, et départiront leur tems, si que, se il ne pueent tuit estre, au moins il y en ait deux présens toujours au parlement ; c'est à savoir un prélat et un baron, et li uns déporteront les autres, si comme ils ordeneront entre eux mesmes. »

Ils désignaient certains membres de la cour pour tenir les requêtes et l'auditoire du droit écrit, ils établissaient des greffiers en nombre suffisant. « Il est ordené que li souverain on li president du parlement, c'est à savoir li prélat ou li baron qui seront présent, ordoneront des résidens au parlement qui« offices ils auront, les uns retenans en la chambre et les autres envoyent au droit écrit, les autres aux requestes communes.... En la chambre aura notaires en souffisant nombre, selon ce que li président verront que sera mestiers. » Ces attributions leur furent enlevées, ainsi que je l'ai dit, et le roi nomma aux emplois du parlement : le chancelier ou le garde des sceaux désigna les greffiers ou notaires.

En cas de partage d'opinions, les présidents devaient faire adopter l'avis de la majorité. On sait que, dans un grand nombre de cours de justice du moyen âge, tous les juges devaient être d'accord pour que la sentence pût être prononcée, ce qui se pratique encore de nos jours dans les jurys anglais. « Se cil de la chambre ne sont tait d'un accord aux jugemens, li souverain ou li président, c'est à dire li prélats et li barons qui seront présens, tenront la plus grant partie, selon ce qu'il leur semblera le meilleur, selon la condition des personnes et la qualité de la besoigne[61].

A partir de l'an 1300, le titre de président paraît n'avoir pas été appliqué aux grands feudataires et aux évêques placés à la tête' de la cour ; mais il y eut toujours, sous d'autres noms, des présidents sans lesquels aucune assemblée ne saurait exister. L'ordonnance qui fixe la composition du parlement en 1306[62], place en première ligne, avant les clercs et les laïques de la grand'chambre, deux prélats et deux barons, l'archevêque de Narbonne, l'évêque de Rennes et les comtes de Dreux et de Boulogne. On reconnaît dans ces quatre personnages de véritables présidents, bien qu'ils ne soient pas désignés sous ce titre. Notez que dans le même rôle figurent d'autres évêques et des barons, entre autres le connétable, mais ils sont inscrits avec les autres membres du parlement, soit à la grand'chambre, soit à celle des enquêtes.

La première chambre du parlement était la grand'cbambre, ou chambre des plaids, qui jugeait sur plaidoiries.

Les causes venues des provinces du Midi, qui suivaient le droit écrit, demandaient, pour être jugées, la connaissance des lois romaines, connaissance qui était étrangère à la plupart des chevaliers de la chambre des plaids. On attribue à Philippe le Bel l'établissement d'un auditoire du droit écrit pour décider ces sortes de causes. Mais c'est encore là un honneur qui ne lui appartient pas. Un règlement de l'année 1278 porte en effet : « Cil de la terre qui est gouvernée de droit écrit soient oys par certains auditeurs de la cour, si comme il a été autrefois ordené ». Philippe le Hardi parle de l'institution d'une chambre du droit écrit comme d'une chose ancienne, qui remonte peut-être à saint Louis, mais qui sans doute fut une conséquence de la réunion de tout le Languedoc à la couronne en 1271[63]'.

En 1291, l'auditoire du droit écrit était composé de quatre membres, dont un chevalier et un greffier[64] ; en 1297, de trois seulement, dont « deux clercs très-bien lettrés et un lay lettré, especiaument pour les causes de sang[65] ». On sait que les canons défendaient aux ecclésiastiques de prendre part aux jugements entraînant peine de mort. L'auditoire formait donc deux chambrés, l'une civile et l'autre criminelle, ce qui nécessitait la présence de deux greffiers. On s'est demandé comment se jugeaient les procès criminels à la grand'chambre, car il n'y avait pas encore de chambre criminelle[66] ; mais plusieurs laïques paraissent avoir été plus spécialement désignés pour juger les criminels déférés à la cour[67].

Un grand nombre de causes ne pouvaient être jugées qu'après des informations ou enquêtes. Ce mode de preuve était surtout en usage par suite de la rareté des preuves écrites ; en outre, la plupart des questions de propriété se réduisaient à des questions de possession qu'on ne pouvait prouver que par témoins. Certains membres de la cour étaient désignés par le roi pour s'occuper de ces causes. Les uns faisaient les enquêtes eux-mêmes et se transportaient dans les provinces pendant l'intervalle d'une session à l'autre ; mais, comme ils ne pouvaient instruire eux-mêmes toutes les causes qui exigeaient des informations par écrit, la cour faisait faire aussi des enquêtes par des personnes étrangères au parlement, par des officiers royaux, quelquefois par la chambre des comptes[68].

La chambre des enquêtes fut organisée de bonne heure. Le travail fut réparti de manière â accélérer l'expédition des procès. Les membres des enquêtes furent divisés en rapporteurs et en jugeurs. Les rapporteurs recevaient les enquêtes et les examinaient à domicile pendant les vacances, de sorte que lorsque le parlement rentrait en séance, il y avait un certain nombre de causes prêtes à être jugées. Ils continuaient l'examen des enquêtes pendant la tenue de la cour ; il leur était même interdit de venir au parlement sans y être mandés, tant on craignait de les détourner de leurs fonctions [69].

Dès Philippe le Bel, les jugeurs des enquêtes prononçaient des sentences, sauf dans certains cas, « se ce ne sont, dit l'ordonnance de 1296, par adventure aucunes (causes) qui soient de grièves chauses, ou entre Brant personnages, ou telles qui à force soient à recorder au commun conseil par la force de les apprendre. » Le rôle du parlement de 1306 est plus explicite : « Est à entendre que il ne délivreront toutes les enquestes qui ne toucheront honneur de cors ou héritage, et de ce mesme prendront il bien leur conseil et leur avis ensemble, mes ançois que il les délivrent il en auront le conseil de ceux qui tendront le parlement[70]. » Dans ce passage, parlement est synonyme de grand'chambre, ainsi que dans l'ordonnance du mois de décembre 1320[71]. Longtemps après, alors que la chambre jugeait tous les procès qui lui étaient soumis, elle conserva un usage qui rappelait le temps où elle ne décidait que les causes sans importance : les jugements qu'elle rendait étaient encore, sous Charles VI, prononcés à la grand'chambre[72].

En 1291, les enquêtes étaient divisées en deux sections : l'une, composée du doyen de Tours, de l'archidiacre de Saintonge, du châtelain de Nesle et de Robert de Résignie, chevalier, siégeait le lundi et le mardi ; l'autre, composée du doyen de Sens, du chantre d'Orléans, du sire de Hellecourt et de Matthieu de Trie, ces deux derniers chevaliers, tenait sa séance le mercredi et le jeudi. Deux juges suffisaient pour prononcer un jugement. L'ordonnance de 1303 prescrivit que les enquêtes seraient jugées dans les deux années qui suivraient leur remise au parlement. Les enquêtes étaient jugées toute l'année, même pendant les vacances. La chambre des enquêtes instruisait aussi les causes obscures[73].

Les rois regardèrent longtemps comme un de leurs premiers devoirs de recevoir eux-mêmes les griefs de leurs sujets. Nul n'ignore saint Louis rendant la justice assis sous un chêne dans le bois de Vincennes, et Louis XII dans le jardin du palais accueillant les plaintes du peuple. Le recours à la justice du prince était populaire au moyen âge. Les rois déléguaient quelques personnages de leur cour pour exercer en leur nom cette juridiction, qui s'appelait les plaids de la porte. Joinville nous apprend que saint Louis l'envoyait souvent avec le sire de Nesle et le comte de Soissons tenir les plaids de la porte. S'il se présentait à eux quelque cause dont la décision offrit des difficultés, ils en faisaient un rapport an roi, qui envoyait chercher les parties et prononçait lui-même. Un état de la maison du roi de l'an 1285 indique que cette institution subsistait encore à cette époque ; les plaids de la porte étaient alors tenus par Pierre de Sergines, Gille de Compiègne et Jean Maillière. Nul doute que les membres des plaids de la porte n'aient exercé les mêmes fonctions que les magistrats qui furent plus tard appelés maures des requêtes de l'hôtel, et qui firent partie du grand conseil[74]. On ne les trouve pas désignés sous ce nom avant l'année 1340. Quelques membres du parlement, devenu sédentaire, furent désignés pour recevoir et juger sommairement les requêtes qui leur seraient adressées. Les requêtes du palais étaient déjà établies en 1278. L'ordonnance de 1291 désigna trois membres du parlement pour recevoir les requêtes chaque jour pendant la durée de la session[75]. « A oïr les requêtes, dit une ordonnance de 1296, seront deux clercs et deux lais, et deux notaires, qui néant ne recevront par leur serment, et auront un seing, et délivreront ce que il pourront par eux. Et ce que il délivreront, le chancelier sera tenu à sceller ; et ce que il ne pourront délivrer, il rapporteront à ceux de la chambre[76]. »

En 1306, il y avait deux chambres des requêtes : celle de la Langue d'oc, composée de quatre membres, et celle de la Langue française, composée de cinq personnes[77]. Dans un rôle du temps de Louis le Hutin, en tête des membres du parlement, figurent six personnages, quatre clercs et deux laïques, qui sont qualifiés suivants, c'est-à-dire suivant le roi[78]. Ce sont les maîtres des requêtes de l'hôtel. Un autre rôle de la même époque, cité par Étienne Pasquier, apprend que parmi ces suivants deux accompagnaient toujours la cour, un laïque et un clerc, « liquel prendront à la cour en la manière accoustumée au temps le roy le père ». Ainsi, à la fin du règne de Philippe le Bel, les maîtres des requêtes de l'hôtel avaient séance au parlement[79].

Quelle était à l'origine la compétence des maîtres des requêtes de l'hôtel et des maîtres des requêtes du palais ? C'est là un point fort obscur. Un article d'une ordonnance de l'an 1296 que j'ai -cité plus haut donne peu de lumière sur cet objet. On y voit que les maîtres des requêtes de l'hôtel délivraient certaines requêtes, et que celles qu'ils ne pouvaient délivrer, ils les rapportaient à ceux de la chambre. Une ordonnance de Philippe le Long est plus instructive. « Pour ce que moult de requestes, dit ce prince, ont été souvent faites à 'nos prédécesseurs et à nous, qui passées ont été frauduleusement sous ombre d'aucune couleur de raison, lesquelles se discutées eussent esté par devant ceux qui sont instruits et ont connaissance des besoignes, n'eussent pas été passées, comme de moult de gens qui requièrent compensation de services, restitution de dommages, grâces de dire contre arrêts en notre parlement, et plusieurs autres choses semblables, où moult de fraudes et déceptions ont été faites au temps passé[80]... » Les maîtres des requêtes de l'hôtel empiétaient donc sur les attributions des tribunaux ordinaires, et même des grandes administrations, telles que le trésor.

Quant aux maîtres des requêtes du palais, leur compétence était purement judiciaire. Aux termes d'une ordonnance du 17 novembre 1318, ils ne devaient pas prendre connaissance des causes a ne de querelles espécianment dou principal des causes qui doivent estre démenées au parlement, ou devant les baillis et les sénéchaux. » Ils délivraient des lettres de justice an nom du roi pour autoriser une partie à citer son adversaire au parlement. En cas d'appel, le juge et la partie étaient intimés en vertu de lettres délivrées par la chambre des requêtes. On pouvait s'opposer à la délivrance des lettres de justice, et les maîtres des requêtes statuaient sur les oppositions de ce genre. S'il se présentait quelque difficulté, ils consultaient la grand'chambre[81].

Dans l'intervalle de deux sessions, la chambre des requêtes remplissait souvent les fonctions de chambre des vacations[82]. En 1315, année où il n'y eut pas de parlement, elle expédia les affaires urgentes ; mais elle n'agissait dans ces circonstances qu'en vertu de commissions spéciales. Quelquefois des membres de la grand'chambre expédiaient après la clôture du parlement les causes dont l'instruction n'avait pas été terminée à temps[83]. La chambre des enquêtes jugeait aussi des enquêtes pendant les vacances, mais pour cela l'autorisation du roi était nécessaire, et cette autorisation' était restreinte à un petit nombre de causes déterminées d'avance[84].

On peut prendre une idée de la composition du parlement dans un rôle inédit des membres du parlement que l'on peut rapporter â l'année 1306.

« C'est l'ordenance des Parlemenz.

« Il aura II parlemenz en l'an, des quez li uns commancera as octaves de Pasques et li autres as octaves de la Toussainz, et ne durra chascun que II mois.

« Il aura ans parlemenz II prélaz, c'est assavoir l'arcevesque de Narbone et l'avesque de Reynes ; et II lays, c'est assavoir le conte de Dreux et le conte de Bouloigne.

« Il aura XIII clers (lisez XI) et XIII lays (lisez XI), sans eulx, et seront li XIII (XI) clercs :

Messire Guillaume de Nogaret, qui porte le grant scel. Le doian de Tours. Mestre P. de Laon. Mestre P. de Latilly. Le chantre d'Orliens. Mestre Audry Porcheron. Mestre Jehan le Duc. Mestre Robert de Foylloy. Mestre Denise de Sens. Mestre Philippe le Convers. Mestre Gérart de Cortonne.

« Li XIII (XI) lays du parlement seront :

Le connestable. Messire Guillaume de Plasian. Messire Étienne de Bienfaite. Messire Pierre de Blavon. Messire Jehan de Woissy. Messire Guillaume de Marcilli. Messire G. Courteheuse. Monseigneur Hugue de la Celle. Monseigneur Ph. de Blaveau. Jehan de Montigni. Pierre de Dyci.

« Aus enquestes seront :

L'avesque de Constances. L'avesque de Soissons.  Le chantre de Paris.  Mestre Courrart de Crespy. Mestre Jaque de Saint-Abert. Mestre P. de Moncy. Mestre Goulard de Mey. Mestre Pierre de Blarru. Bernart du Mes.

« Aus Enquestes (lisez Requestes) de la Langue d'oc seront :

Le prieur de Saint -Martin des Champs. Mestre Raoul Rousselet. Messire Ph. de Mornoi. Messire G. Flote.

« Aus Requestes de la Langue Françoise seront :

Mestre Raoul de Mullent. Mestre G. du Buisson. Mestre Lambert de Voissy. G. de Vin. Le chastelain de Neelle[85].

 

Cette liste prouve que la cour du roi n'était pas, ainsi qu'on le croit généralement, envahie par les légistes, roturiers imbus de droit romain et de maximes despotiques ; à la tête du parlement figurent deux hauts barons et deux prélats. Le roi ne pouvait se dispenser d'appeler quelques représentants du baronnage et de l'épiscopat à siéger dans sa cour ; c'était le seul moyen de lui conserver l'autorité qu'elle avait conquise. Les grands feudataires ne se seraient certainement pas soumis à comparaître devant un parlement exclusivement composé d'hommes de loi. Philippe le comprit et en fit l'aveu dans la grande ordonnance de 1303. « Attendu, dit-il, qu'un granit nombre de causes importantes, concernant de grands personnages, sont décidées par notre parlement, nous ordonnons et voulons que, pendant la durée de chaque parlement, deux prélats et deux autres laïques de distinction et membres de notre conseil, ou au moins un prélat et un laïque y assistent avec assiduité, pour entendre et juger les procès[86]. »

La noblesse et le clergé forment encore la majorité ; mais ces nobles et ces clercs étaient eux-mêmes dévoués de corps et d'âme au roi, et choisis parmi les familiers. Cependant les nobles étaient malgré eux les représentants des idées féodales ; une curieuse note d'un des rédacteurs des Olim fait connaitre qu'un arrêt fut rendu malgré la vive opposition de plusieurs membres de la cour, qui prétendaient que dans cet arrêt les droits des seigneurs étaient lésés. Cette opposition venait, sans aucun doute, des chevaliers qui siégeaient au parlement[87]. L'élément féodal était plus directement représenté par ces grands barons que nous avons vus décorés du titre de présidents, mais qui étaient aussi désignés par le roi. Quelques membres du haut clergé avaient aussi droit de séance ; c'étaient, selon l'ordonnance de 1296, les abbés de Cîteaux, de Saint-Germain des Prés, de Saint-Corneille de Compiègne, le trésorier de Saint-Martin de Tours, le prévôt de l'église de Lille et celui de Normandie, c'est-à-dire le doyen du chapitre de Rouen ; ils pouvaient prendre part aux arrêts. Joignez-y l'abbé de Saint-Denis, qui jouit de ce privilège jusqu'à la révolution.

Le nombre des laïques et des ecclésiastiques se balançait. Chaque membre recevait chaque jour, les laïques, dix sons, et les clercs, cinq sous, pendant la durée des sessions. Ce traitement fut augmenté pendant les années, où la faible monnaie eut cours ; mais après la mort de Philippe le Bel, il fut rétabli, et subsista sur le même pied jusqu'au milieu du quatorzième siècle[88].

Il se produisait des circonstances dans lesquelles le parlement ne pouvait rendre d'arrêts sans l'adjonction de certains personnages étrangers à sa composition ordinaire, c'était quand un pair de France était eu cause, car, en principe, les pairs n'étaient justiciables que de leurs pairs ; mais peu à peu la cour du roi arriva à prendre part au jugement des pain. En 1224, les officiers de la couronne obtinrent de siéger dans la cour des pairs ; les autres membres de la cour reçurent plus tard le même droit, mais la présence de pairs était nécessaire. On, appliqua les règles du droit féodal, qui déclarait la cour des barons suffisamment garnie de pairs pourvu qu'un seul fût présent, et même lorsque aucun ne s'était présenté, pourvu qu'ils eussent été régulièrement semons ; dans ce cas, le baron tenait sa cour « avec le conseil de son hôtel ». En 1290, le parlement jugea un procès où le comte de Flandre était intéressé ; un seul pair, le duc de Bourgogne, prit part au jugement, mais un grand nombre de barons siégèrent pour donner plus de solennité à l'arrêt. On distinguait, dans les causes où les pairs étaient parties, si le procès touchait aux droits de la pairie ou non. Le parlement ayant prononcé en 1259 dans un procès entre l'archevêque de Reims et l'abbé de Saint-Remi, au sujet de la garde de cette abbaye, l'archevêque prétendit que ce jugement n'était point valable, attendu qu'il n'avait point été rende par ses pairs ; le parlement repoussa ce moyen et confirma sa première sentence, « parce que la querelle dont le jugement était fait n'était mie de pairie ». C'est ainsi qu'il parvint à juger seul des causes où les pairs étaient intéressés. En se déclarant compétent, malgré les protestations des pairs, il était juge dans sa propre cause ; mais dans ces circonstances, la cour était présidée par le roi lui-même. Philippe le Bel posa nettement le droit du parlement de décider quand il y aurait lieu de convoquer les pairs ; contrairement à la demande du comte de Flandre, il fit déclarer par le parlement, en 1295, que c'était à lui de décider par l'organe de son conseil quelle était la juridiction compétente[89].

Le parlement avait dès le milieu du treizième siècle remplacé la cour féodale du roi. Sa juridiction s'exerçait en première instance et par voie d'appel[90]. En première instance, les causes des prélats et des grands seigneurs y étaient portées directement. Philippe le Bel accorda, en 1290, aux prélats le privilège de n'être pas contraints de plaider devant les autres juridictions royales[91]. Quand les barons et les hauts dignitaires ecclésiastiques venaient au parlement pour leurs propres affaires, leurs procès devait être jugés le plus promptement possible au jour de leur bailliage. Ils pouvaient même obtenir un tour de faveur[92]. En dehors de cette compétence personnelle, il n'y avait pas de règles fixes ; les causes des églises, des communautés, de simples particuliers même étaient portées au parlement, quand elles offraient quelque importance. L'ordonnance de 1278 défendit vaguement « que nulles causes ne fussent retenues en parlement qui pussent être démenées devant baillifs. » Celle de 1297 exclut nominativement les complaintes de nouvelle désaisine qui étaient du ressort des baillis[93]. Les causes où le domaine se trouvait intéressé étaient en principe abandonnées au jugement des baillis, mais quand elles présentaient quelque gravité la cour du roi les revendiquait[94]. Une ordonnance de Louis X régla que celles dont l'objet dépassait cent livres de rente seraient seules admises au parlement[95].

La même incertitude régnait pour les causes criminelles. On voit le parlement juger en première instance des crimes privés, tandis que les baillis connaissaient quelquefois des crimes de trahison ; mais en général il s'occupait des crimes qui troublaient la paix publique. Il intervenait surtout contre les seigneurs que les baillis n'auraient peut-être pas osé condamner. II était surtout un tribunal d'appel.

« En la cort le roy, disent les Etablissements de saint Louis, pueent toute gent demander amendement de jugement par droit[96]. »

Les appels n'étaient admis qu'après vérification préalable qu'ils présentaient quelque apparence de raison, et qu'ils avaient été faits dans les délais voulus[97].

Quelquefois le parlement, remplissant le rôle de notre cour de cassation, cassait la sentence et renvoyait la cause à juger de nouveau, mais à une autre juridiction que celle dont émanait le jugement frappé d'appel[98].

Je me suis souvent demandé comment faisaient les habitants des provinces méridionales du royaume pour profiter du droit d'appel, qui semble avoir été pour eux un droit presque dérisoire, car quels frais énormes entraînait un procès devant la cour du roi ! le voyage seul eût suffi pour effrayer les plaideurs - les plus obstinés. Des intérêts considérables mis en jeu pouvaient seuls décider à une pareille démarche. Les Olim n'offrent en effet que peu de procès pour les sénéchaussées de Toulouse, de Beaucaire et de Carcassonne, et cependant dans ces pays l'appel jouissait d'une tout autre faveur que dans le Nord. Cela s'explique par un fait peu connu, c'est que le roi désignait des personnes étrangères au parlement et même à l'ordre judiciaire, pour connaître en son nom des appels interjetés à lui-même dans ces provinces éloignées et que le parlement aurait dû juger. Ces juges en dernier ressort recevaient une commission spéciale pour chaque cause. Un des articles du traité conclu en 1286 entre Philippe le Bel et le roi d'Angleterre, au sujet de l'appel des cours anglaises de Guienne, porte « que deus les pays de droit écrit les appels portés à la cotir du roi ne seront pas donnés à juger à d'autres qu'à la cour, quand ils intéresseront le roi d'Angleterre. Quant à ceux qui concernent des particuliers et surtout les pauvres, on pourra en attribuer la connaissance à d'autres qu'à la cour, mais à condition que ceux qui recevront cette commission ne pourront déléguer leurs pouvoirs[99]. » Plusieurs mandements de Philippe le Bel adressés au sénéchal de Beaucaire font voir que cet usage était aussi en vigueur dans le Languedoc[100].

Le parlement n'attirait donc à lui que les causes importantes. Ses attributions s'étendaient en dehors de la justice dans le domaine de l'administration. Il connaissait du contentieux administratif. Un seigneur, Robert de Meulan, avait obtenu du roi l'établissement d'un marché à Bruyères-sur-Mer ; un seigneur du voisinage se plaignit du tort que ce marché lui faisait, le parlement après enquête révoqua la concession[101]. Dans une autre circonstance, le roi ayant nominé dans la ville d'Arques un auneur de toiles, les habitants prétendirent que cette nomination était contraire à leurs privilèges ; le parlement leur donna gain de cause[102]. Il annula aussi la nomination d'un procureur du roi faite par Philippe le Bel[103]. En 1311 il refusa à Guillaume de Plasian, le compagnon de Nogaret, sa demande de prolonger de quelques jours une foire qui se tenait dans sa seigneurie de Vicenobre[104]. Je pourrais citer un grand nombre d'arrêts dans lesquels le parlement ne craignait pas de mettre à néant des actes de l'autorité royale avec une liberté qui l'honore, ainsi que la royauté qui reconnaissait hautement l'existence des lois.

Le patientent n'est plus au quatorzième siècle le pouvoir législatif, mais il fut consulté pour la rédaction des ordonnances relatives à la justice. Il jouissait en certains cas du droit d'interpréter les ordonnances. On lit dans une ordonnance de l'an 1288, que si quelque difficulté se présentait dans l'exécution on consulterait la cour et les tuera. Mais le roi se montrait jaloux de ce droit[105]. En 1314, le parlement rendit un arrêt de règlement sur certains points de procédure, mais ce fut en présence du roi[106].

Dans les derniers temps de la monarchie, le parlement réclamait le droit d'enregistrer tous les actes législatifs émanés de l'autorité royale. Il prétendait aussi avoir la faculté de refuser l'enregistrement, et d'arrêter par ce refus l'exécution des actes qui en étaient frappés. Le plus ancien registre officiel spécial date de la fin du quatorzième siècle : ce ne fut qu'à partir de Charles VI qu'on enregistra avec quelque régularité les ordonnances envoyées au parlement. C'était là une simple formalité qui n'avait pas pour but de donner une plus grande force aux décrets royaux et encore moins de les soumettre à l'approbation de la cour, mais dont l'effet était d'en assurer l'exécution en leur donnant une notoriété plus grande, car l'enregistrement était précédé d'une lecture publique et solennelle[107]. Dès le principe certaines ordonnances furent envoyées au parlement : les Olim en renferment plusieurs ; mais cette insertion dans les registres de la cour n'était pas, je le répète, une sanction donnée par le parlement, qui, sous Philippe le Bel, n'avait pas même de conseils â donner, sauf quand on les lui demandait, et qui était vis-à-vis de la royauté dans une entière dépendance.

Le roi convoquait souvent sa cour en sa présence ; on soumettait au prince les procès concernant les grands feudataires ; on le consultait quelquefois sur l'application des peines[108]. Toutefois, l'intervention du roi n'enlevait à la justice aucune de ses garanties. On ne doit voir dans ces séances royales que la preuve de l'infériorité du parlement, qui ne formait pas encore un pouvoir distinct. La justice émanait du roi, qui reprenait quand il lui plaisait l'exercice du pouvoir judiciaire. Le monarque pouvait même annuler les arrêts de sa cour. Bien qu'en principe les arrêts du parlement fussent en dernier ressort, on pouvait obtenir un ordre du roi qui prescrivait d'examiner de nouveau la cause ; mais un arrêt ne pouvait être attaqué que lorsqu'il y avait présomption d'erreur[109].

La révision d'un arrêt devait être demandée par voie de requête[110]. Il y avait aussi la pétition, appel direct au roi, qui parait avoir été admise, même quand une requête avait été rejetée[111].

« La prééminence du parlement, dit excellemment M. le comte Beugnot, et le droit dévolu à cette cour d'interpréter ses arrêts, furent heureusement reconnus à propos de l'ordonnance de 1303. La suprématie du parlement, subordonnée au pouvoir qui anime et régit la société tout entière, resta, malgré d'impuissantes dénégations, un des principes fondamentaux de la monarchie, et Philippe le Bel est le premier qui, en l'inscrivant dans un acte public de l'autorité royale, lui donna la forme rigoureuse d'un dogme politique[112]. »

 

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CHAPITRE QUATRIÈME. — HAUTES COURS PROVINCIALES.

 

Échiquier de Normandie et grands jours de Champagne, anciennes cours féodales conservées par le roi. — On appelle de leurs sentences au parlement. — Pourquoi ? — Ces appels sont peu fréquents. — L'échiquier et les grands jours sont des commissions du parlement de Paris. — Les prélats normands refusent de siéger à l'échiquier. — L'échiquier devient en 1315 cour souveraine. — Origine du parlement de Toulouse. — Ce n'est pas l'ancienne cour féodale des comtes de Toulouse. — Philippe le Bel n'eut jamais l’intention de créer à Toulouse un parlement souverain.

 

La juridiction du parlement de Paris s'étendait en principe sur tonte la France, c'était le tribunal souverain. Cependant, il y avait dans le royaume plusieurs autres hautes cours, l'échiquier de Normandie, les grands jours de Champagne et le parlement de Toulouse, qui jugeaient les -appels des bailliages de Normandie, de Champagne, de Languedoc.

L'échiquier et les grands jours avaient une origine commune. L'un était la cour du duc de Normandie, l'autre celle du comte de Champagne ; quand ces provinces furent réunies au domaine, l'échiquier et les grands jours subsistèrent, mais ils conservèrent leur caractère seigneurial. Je m'explique. Nous avons vu que lorsqu'une province était dévolue à la couronne, elle n'y était pas unie irrévocablement : les rois se réservaient le droit de l'aliéner en faveur des princes du sang. Tant qu'elle restait entre les mains du roi, celui-ci ne l'administrait qu'à titre de comte ou de duc. C'est la raison pour laquelle on appelait sons Philippe le Bel des arrêts de l'échiquier et des grands jours de Troyes, exactement comme du temps où la Normandie et la Champagne obéissaient à de grands feudataires[113]. Et cette mesure était sage, car si os avait attribué la souveraineté à ces cours provinciales pendant leur accession momentanée à la couronne, que serait-il arrivé quand ces provinces auraient été données à quelque prince ? Elles auraient perdu alors leur souveraineté, mais elles auraient conservé des traditions qui seraient devenues un danger pour la suprématie du roi.

Il faut reconnaître que les appels de l'échiquier et des grands jours au parlement étaient peu fréquents. L'ordonnance de 1303 déclarait que ces deux cours auraient deux sessions par an. L'échiquier, qui n'était pas sédentaire, se tenait ordinairement à l'octave de la Saint-Michel et à l'octave de Pâques ; les grands jours, le lendemain des Brandons (premier dimanche de Carême) et le lendemain de l'Assomption. Des membres du parlement, dans l'intervalle des sessions, venaient présider ces cours provinciales. Un article de l'ordonnance de 12'97 donne à ce sujet des renseignements qui, je crois, ajoutent à ce qu'on sait de la composition de ces cours.

« Tous les ans, le jour de la Saint-Michel et le lendemain de Pâques, tait li président et li résident don parlement s'assembleront à Paris, et d'illec li uns iront à l'échiquier.... Li jour de Troyes vers la fin de chacun parlement seront assenez ordonnéement en telle manière que de la fin de chacun parlement, cil qui devront aller au jour de Troyes, et qui y seront députés par commun accord des présidents, puissent avoir suffisant teins. »

L'usage d'envoyer une partie des membres du parlement aux grands jours et à l'échiquier subsista pendant tout le règne de Philippe le Bel ; mais ce fut le roi qui les désigna lui-même[114].

On lit en effet dans le rôle du parlement pour l'année 1306 : « Aux eschiquiers iront, l'archevêque de Narbonne, l'avesque de Mieux, mestre Pierre de Latilli, mestre Philippe Le Convers, le conte de Saint-Pol, messire Mahy de Trie, le seigneur de Chambli, monsieur Estienne de Bienfait, P. de Dici, Renaut Barbon. »

« Aus jours de Troyes, qui sont à la quinzaine de la SaintJehan, seront : l'avesque de Nevers, l'avesque de Soissons, le chantre d'Orliens, mestre Denise de Sens, messire G. de Nogaret, messire Hague de La Celle, Bernard do Mes, P. de Dicy. »

Les grands jours et l'échiquier étaient donc de véritables assises du parlement de Paris, et si on appelait de leurs sentences, c'était sans doute pour maintenir le principe de leur infériorité vis-à-vis de la cour du roi. Les barons et les prélats qui y siégeaient avant la réunion de ces provinces à la couronne n'y figurèrent plus que pour la forme. En Champagne même les comtes avaient organisé leur cour à l'instar de celle du roi et désignaient ceux qui devaient en faire partie. En Normandie, la composition de l'échiquier était plus féodale, mais comme les membres du parlement y dominaient, les prélats normands humiliés refusèrent d'y siéger sans un ordre formel du roi, et cette prétention fut consacrée par plusieurs arrêts du parlement[115].

En 1315, les Normands se plaignirent du rôle secondaire auquel leur échiquier avait été réduit, et obtinrent de Louis X qu'on ne pût désormais appeler des sentences qui y seraient rendues. Cette conquête fut inscrite dans la fameuse charte aux Normands.

Toulouse eut pendant une partie du règne de Philippe le Bel un parlement dont le ressort comprenait toute la Langue d'Oc, c'est-à-dire le pays qui parlait la langue romane, sauf les possessions anglaises de Guienne, qui continuèrent de dépendre du parlement de Paris. Des savants distingués ont cru que ce parlement était l'ancienne cour des comtes de Toulouse, qui, après la réunion du Languedoc, fut présidée par des membres du parlement de Paris, comme l'échiquier et les grands jours de Champagne ; cela n'est pas exact. Le dernier comte de Toulouse, Alphonse, frère de saint Louis, avait bien un parlement, commun à ses États, qui comprenaient une partie du Languedoc et de l'Auvergne, le Rouergue, l'Agenais, la moitié du Quercy, l'Aunis, la Saintonge et le Poitou. Des travaux récents ont démontré que ce parlement ou conseil ne connaissait que des causes où le comte était intéressé[116]. Celles qui concernaient uniquement des particuliers étaient jugées en dernière instance, non par ce parlement, mais par des personnes étrangères ordinairement à l'ordre judiciaire et qui recevaient du comte une commission spéciale pour chaque cause[117]. Nous avons vu que ce système était encore en vigueur sous Philippe le Bel. Les Toulousains supplièrent Alphonse d'établir dans le Languedoc des juges chargés de juger en dernier ressort les causes de la province. Cette demande leur fut accordée, mais resta sans exécution, la mort du comte étant arrivée peu après. En 1270 le parlement d'Alphonse tint ses séances à Toulouse, mais il ne s'occupa point des affaires des particuliers[118]. Après 1271, le parlement de Paris devint la cour suprême de tout le Languedoc. Les Méridionaux se plaignirent des frais considérables et des déplacements qu'il leur fallait subir pour intenter ou défendre une action à Paris. Philippe le Hardi, cédant à leurs vœux, envoya à Toulouse, en 1280, plusieurs membres de son conseil, c'est-à-dire du parlement[119], pour y tenir un parlement à partir de l'octave de Pâques. Sauf quelques interruptions, ce parlement fonctionna jusqu'en 1287. Il était tenu par l'abbé de Moissac, le chevécier de Chartres, et Jean de Nausone, chanoine de Laon[120]. Ce dernier fut remplacé en 1288 par P. de Lachapelle, chanoine de Paris[121]. En 1290 figure un chevalier, Pierre de Blanot. Pierre de Flote y siégea à une époque qu'il ne m'est pas possible de déterminer.

Passé 1293, on ne trouve plus de parlement à Toulouse. Ce n'était pas là une cour indépendante, mais une commission du parlement de Paris, l'auditoire du parlement de Paris rendu ambulatoire. Ce tribunal avait aussi des attributions administratives. En 1293, Philippe le Bel, en désignant ceux de ses conseillers qui devaient tenir le parlement de Toulouse, déclara que les causes qu'ils n'auraient pas le temps de terminer seraient ajournées à la prochaine session, et, au cas où l'on ne tiendrait pas de parlement à Toulouse, renvoyées au parlement de Paris, au jour de leur sénéchaussée. A la fin de la même année, le juge mage de la sénéchaussée de Carcassonne fit publier un mandement royal ordonnant à tous ceux qui avaient des causes pendantes au parlement de Toulouse de les poursuivre au parlement de Paris.

Le parlement de Toulouse n'eut donc sous Philippe le Bel qu'une existence précaire et momentanée. Cependant, en 1303, le roi promit d'établir un parlement à Toulouse, à condition qu'on n'appellerait pas des sentences qui y seraient prononcées. Cette ordonnance ne fut pas exécutée. On a supposé que ce furent les Méridionaux qui refusèrent de considérer le parlement de Toulouse comme une cour souveraine : je suis plutôt porté à croire le contraire. Quand on voit les sentences de l'échiquier de Normandie et des grands jours de Troyes soumises à l'appel, quoique rendues par des commissions prises dans le sein du parlement de Paris, et le parlement lui-même tenu dans une étroite dépendance, on est fondé à conjecturer que Philippe le Bel n'aurait pas consenti volontiers à investir de la souveraineté une cour qui, placée loin de l'action du gouvernement, aurait pu prendre une autorité funeste à la concentration des pouvoirs qui était le but légitime auquel la royauté tendait avec autant de persévérance que d'habileté.

 

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CHAPITRE CINQUIÈME. — MINISTÈRE PUBLIC. - AVOCATS. - NOTAIRES. - GREFFIERS.

 

Procureurs du roi. — Avocats. — Notaires. — Greffiers.

 

Les procureurs du roi qui furent placés sous Philippe le Bel, non-seulement dans chaque bailliage, mais encore au siège des prévôtés importantes et auprès des juridictions ecclésiastiques[122], n'étaient point, comme les procureurs du roi des derniers temps de la monarchie, chargés de provoquer au nom de la société la punition des crimes et des délits. Ils étaient simplement les agents du roi, poursuivaient et défendaient en son nom en matière civile. L'ordonnance de 1303 leur enjoignit de prêter le serment de calomnia, comme les autres plaideurs, toutes les fois qu'ils intenteraient une action, et leur défendit de se mêler des causes des particuliers[123].

Ils poursuivaient les usurpateurs du domaine ou des autres droits du roi[124]. Ils devaient assister à l'instruction et au jugement des causes où le roi était intéressé ; ils étaient assistés d'un avocat[125]. Ils n'intentaient de procès criminels que dans les cas royaux, tels que violations de la paix publique[126], et cela concurremment avec les prévôts et les baillis[127] ; mais il ne faudrait pas croire que la poursuite des crimes privés fût négligée par le pouvoir royal : non ; elle n'était pus confiée aux procureurs- de roi, mais. aux baillis et aux prévôts[128]. Le premier registre criminel du parlement fait de fréquentes mentions de poursuites, d'office, ex officia.

L'ordonnance de 1278, après avoir fixé les règles à suivre par les avocats dans leurs plaidoiries au parlement, ajoute : « Ez causes à oyr, parlera tant seulement le baillis derraine (dernier), se il n'advient que à lui dévoyant soit nécessairement amendement de son recors. » Les baillis avaient donc la parole les derniers, comme de nos jours le ministère public ; on les appelait alors gens du roi, et ils avaient au parlement un banc appelé banc des gens du roi, qui fut plus tard occupé par le procureur et les avocats du roi, lesquels reçurent eux-Mêmes ce titre de gens du roi.

La complication de la procédure et la multiplicité des coutumes nécessitèrent pour les plaideurs le concours d'hommes versés dans la connaissance des lois, surtout devant le parlement. En 1274, Philippe le Hardi avait fait des statuts sur la profession d'avocat. Les avocats, établis auprès du parlement, des bailliages et des autres tribunaux royaux, renouvelaient chaque année le serment de ne point se charger de causes injustes, et même d'abandonner celles dont ils reconnaîtraient plus tard l'injustice. Leur salaire était fixé suivant la difficulté de la cause et le talent de l'avocat ; en aucun cas, il ne pouvait excéder trente livres[129]. L'ordonnance de 1278 leur défendit d'alléguer le droit romain « là où coutumes agent lieu, mais usent de coutumes u ; de répéter ce qu'un de leurs confrères aurait dit à l'audience, dans l'intérêt de la même cause, « mais d'acljouter quelque chose de nouveau, s'il y avoit à adjouter », ce qui prouve que plusieurs avocats plaidaient quelquefois dans la même cause[130]. L'ordonnance de 1291 reproduisit ces règles et en ajouta de nouvelles. Ils purent être punis comme parjures s'ils citaient les coutumes à faux. Leur absence n'empêchât pas le prononcé du jugement[131]. L'ordonnance de 1296 leur recommanda de plaider brièvement et honnêtement[132].

Ils se multiplièrent et devinrent une puissance sous Philippe le Bel, au scandale de la noblesse et à l'étonnement du peuple. Le bourgeois Geoffroi de Paris s'écrie :

En France a tous plein d'avoquas :

Les chevaliers de bons estats,

Qui France voient trestournée

Et en serveté atournée,

Vident le pais et s'en vont[133].

La profession d'avocat devint dès lors un degré pour parvenir aux plus hautes dignités : Flote, Nogaret, Plasian, qui furent ministres, étaient de simples légistes qui avaient préludé par, l'étude des lois et les luttes du barreau.

Pendant longtemps les notaires ou greffiers des tribunaux rédigèrent les actes de la juridiction contentieuse et de la juridiction volontaire. Dans le Midi, il y eut dès le douzième siècle de véritables notaires ou tabellions, dont le seing, sorte de paraphe représentant ordinairement un losange ou une circonférence accompagnée de barres et de points, donnait l'authenticité aux actes[134]. Dans le Nord, ce qui rendait les actes authentiques, c'était l'apposition du sceau d'une juridiction royale ou seigneuriale. Le notaire était donc un simple écrivain. Sous le même règne on établit dans un grand nombre de bailliages et de prévôtés des sceaux spéciaux pour sceller les actes passés devant notaires, appelés sceaux aux contrats, pour les distinguer des autres sceaux qui furent désignés sous le nom de sceaux aux causes[135].

En 1291, Philippe déclara avoir seul le droit d'instituer des notaires, mais le 20 mars de l'année suivante il fut obligé de le reconnaître aux seigneurs dans leurs terres[136]. Enfin, une ordonnance du mois de juillet 1304 compléta la législation sur les notaires. J'ai trouvé de grands secours pour l'intelligence de ce document, dans l'examen de registres de notaires un peu postérieurs, il est vrai, mais rédigés d'après les principes de l'ordonnance de 1304. Les notaires ou tabellions — ces deux mots étaient alors synonymes — inséraient dans leurs cartulaires ou protocoles la substance des actes qui leur étaient demandés par les parties ; s'ils n'étaient pas au lieu de leur résidence et s'ils n'avaient pas avec eux leur registre, ils rédigeaient la minute en présence des contractants, et la transcrivaient ensuite dans leur cartulaire. Les registres devaient être en bon papier, l'écriture lisible, sans abréviations ni grandes marges : les notaires, en cas de décès leurs héritiers, étaient tenus de transmettre à leurs successeurs les protocoles. Les noms et les signatures étaient enregistrés dans les tribunaux du roi pour qu'on pût vérifier l'authenticité des actes. Un article portait que les notaires ne pourraient être bouchers ni barbiers. Les tabellionnages s'achetaient[137] : les fils de notaires succédaient à leur père, mais s'ils refusaient ou étaient incapables, ils touchaient la moitié du prix de vente de l'office. Dans les lieux où le roi était seul seigneur, les notaires seigneuriaux ne pouvaient instrumenter sous peine de faix[138]. Les sceaux aux contrats étaient confiés à des gardes du sceau qui affermaient cette charge et qui étaient quelquefois des ecclésiastiques[139]. Philippe, pour augmenter ses revenus, défendit d'ajouter foi aux •actes non scellés, même dans le Midi, où jusqu'alors la signature des notaires avait suffi.

L'ordonnance de 1304 s'occupait aussi des greffiers des tribunaux et leur enjoignait d'écrire les procès dans des registres, qu'ils remettaient entre les mains des juges. Ils entendaient aussi les témoins [140].

Le greffe du parlement reçut une organisation définitive. La transcription des arrêts sur des registres, commencée officieusement sous saint Louis par Jean de Montluçon, fut érigée en règle sous Philippe le Bel. Il y eut plusieurs séries de registres répondant aux principales matières : la collection des jugés ou arrêts rendus sur enquête, celle des arrêts proprement dits, enfin les registres criminels ; ces derniers ne commencent qu'en 1312. Jusqu'à cette époque, les arrêts criminels étaient mêlés aux arrêts civils[141].

 

 

 



[1] Olim, t. III, p. 1515, note 9.

[2] Olim, t. III, p. 93, t. II, p. 88.

[3] Ord., t. I, p. 360.

[4] Revue anglo-française, 2e série, t. I, p. 232 et 313.

[5] Bibl. de l'École des chartes. Organisation judiciaire du Languedoc, 4e série, t. I, p. 205 et suiv.

[6] Bibl. de l'École des chartes. Organisation judiciaire du Languedoc, 4e série, t. I, p. 210.

[7] Bibl. de l'École des chartes. Organisation judiciaire du Languedoc, 4e série, t. I, p. 213. A. I., K. 501. Rouleau orig. de l'an 1294.

[8] Mesnard, Histoire de Nismes, preuves, p. 86 ; et Arch. de l'Emp., J. 329, n° 43.

[9] Le seul auteur qui ait fait un travail d'ensemble sur la juridiction municipale est M. Pardessus, Essai, p. 331.

[10] Établissements, liv. II, chap. XV.

[11] Couppey, mémoire inséré dame la Revue anglo-française, 2e série, t. I, p, 232 et suiv., et p. 313 et suiv.

[12] Voici l'indication de quelques jugements rendus par les hommes dont les originaux. sont aux Arch. l'Emp., S. 1542„ n. 4, à Clermont en 1297 ; M. 582, à Lille en 1317 ; J. 529, n° 38², id. en 1294 ; J. 529, n° 52, à Boulogne en 1314 ; J. 235, n° 98., à Abbeville en 1309.

[13] Ord., t. I, p. 691, § 13.

[14] Bibl. de l'École des chartes, 4e série, t. I, p. 231 et suiv.

[15] Coutumes d'Albi, Giraud, Histoire du droit, preuves, t. I, p. 93 ; Russifies, Libertés et coutumes de Limoux.

[16] Vaissette, t. IV, Preuves, col 124.

[17] Ord., t. I, p. 330.

[18] Voyez les privilèges de Tournai, Ord., t. XIII, p. 371 ; Gardemont, ibid., p. 383. etc.

[19] Sur l'universalité du jury on peut encore consulter les indications de mademoiselle de Lésardière, Lois politiques, 2e édit., t. IV, p. 331.

[20] Voyez un jugement capital prononcé par le prévôt d'Issoudun et les hommes de la prévôté en 1309, Olim, t. III, p. 491.

[21] Documents pour l'histoire du tiers état, t. II, p. 67.

[22] Documents pour l'histoire du tiers état, t. II, p. 48.

[23] Voyez Bibl. de l'École des chartes, 4e série, t. II, p. 222.

[24] En 1308 les consuls de Cahors furent condamnés à une amende de 2,000 livres pour avoir fait pendre un homme nonobstant appel. Olim, t. III, p. 299. Mais ils ne furent pas privés de leur juridiction. — Voyez la confirmation de la justice des capitouls de Toulouse en janvier 1304, Ord., t. I, p. 392.

[25] Bibl. de l'École du chartes, p. 229. Ord., t. II, p. 105.

[26] Vaissette, t. IV, p. 509.

[27] Voyez un jugement des échevins de Roie entre un écuyer et un chanoine. Olim, t. II, p. 443. En 1300.

[28] Je prends un exemple au hasard : « Scabini de Fresneio, quia succubuerunt in causa appellacionis a Roberto de Lacooigne contra 'ipsos interposita de judicio contra ipsum per ipsos facto, taxata fuit amenda cc librarum parisiensium. » Olim, t. II, p. 347. En 1292.

[29] Ordonnance de 1303. Ord.. t. I, p. 360.

[30] Trésor des chartes, J. 329, n° 43. Conf. Bibl. de l'École des chartes, 4e série„ t. I, p. 543, note 2. Ce document, (Lui est sans date dans l’exemplaire du Trésor des chartes, porte la date de 1303 dans une copie de Doat.

[31] Trésor des chartes, J. 329, n° 43.

[32] Bibl. de l'École des chartes, ut supra, p. 548 et 549.

[33] Cependant ils devaient tenir eux—mêmes les assises ambulatoires et juger certaines causes, entre autres celles qui intéressaient le fisc. Ord., t. XI, p. 427, 11 août 1312.

[34] Beaumanoir était noble, quoique n'appartenant pas à la famille bretonne de ce nom. Il s'appelait Philippe de Rémi ou de Rémin ; Beaumanoir était le nom d'un fief qu'il tenait de l'abbaye de Saint-Denis. Voyez la notice de M. Bordier dans le Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, année 1855.

[35] Besse, Histoire des ducs de Narbonne, p. 496.

[36] Trésor des charter, J. 3294.

[37] Lettres de Philippe le Bel concernant l'étude du droit à Orléans. Ord., t. I, p. 501.

[38] Sur la différence de l'appel en droit écrit et en droit coutumier, voyez Stylus curie parlementi, Dumoulin, Opera, t. II, p. 431. Sur les formes tout à fait romaines de l'appel dans le Midi sous Philippe le Bel, voyez les textes rapportés par M. Y. Lenormant, des Voies de recours, p. 111.

[39] Olim, t. II, p. 355, etc.

[40] Voyez un arrêt qui déboute le seigneur de Profundo vico de ses prétentions en 1290-1291. Ord., t. VII, p. 703. — Olim, t. II, p. 123, relativement aux appels de la juridiction de l'abbé de Figeac.

[41] En 1185, le roi accorda au roi de Majorque que les appels de sa seigneurie de Montpellier ne seraient pas portés au sénéchal, mais au parlement. Vaissette, t. IV, col. 78. Les appels du duché de Bretagne étaient portés, an parlement. Olim, passim, entre autres, t. Ill, p. 488.

[42] Ord., t. I, p. 328. Conf. Olim, t. II, p. 218, et t. III, préface, p. XXVII. 6 Vaissette, t. IV, col. 16 (en 1278).

[43] Olim, t. II, p. 517, n° XXXVI et suiv., t. III, p. 1514 et 1515, notes 8 et 9.

[44] Ord., t. I, p. 352.

[45] Une ordonnance du 18 décembre 1311 avait défendu aux clercs des auditeurs et des notaires du Châtelet d'examiner les témoins au préjudice des examinateurs. Ord., t. XI, p. 426. Règlement fait par Guill. de Hangest et P. le Fêron,. 12 juin 1309. Ord., t. I, p. 465.

[46] Beugnot, Institutions de saint Louis. Olim, préfaces des t. I, II et III. Voyez aussi Pardessus, Essai historique sur l’organisation judiciaire, p. 95 et suiv. Cet ouvrage est la reproduction de la préface du t. XXI des Ordonnances. — Gibert, Recherches historiques sur les cours qui exerçaient la justice souveraine, Mém. de l'Acad., t. XXX, p.-603 et 604 ; excellent mémoire, quoique confus.

[47] Olim, t. III, p. XI.

[48] Ord., t. XII.

[49] Je prends une de ces assignations au hasard : « Dicti judices assignaverunt diem ad audiendam in curie domini regis Parisius, vel ubi rex exit, primam diem assignatam hominibus senescaltie Tholose, videlicet die veneris ante festum Penthecostis. » Procès-verbaux orig., A. I., KK. 1288, fol. 92.

[50] Ord., t. I, p. 366.

[51] Voyez l'indication de ces séances auprès du roi dans la note 1 de la p. 1517 du t. III des Olim.

[52] Olim, t. III, p. XVIII.

[53] Ord., t. XII, p. 353. Ce document se trouve aussi dans le Reg. XXXIV du Trésor des chartes, n° 49 vu. Il a été publié pour la première fois dans les preuves du Mémoire de Gibert sur les cours souveraines. Mém. de l'Acad., t. XXX, p. 624.

[54] Ce tableau a été dressé à l'aide du Mémorial inédit du parlement. Arch. de l'Emp., X 4, p. 3 et suiv.

[55] Mandements aux baillis de faire publier l'ordre des jours du parlement en 1302. Trésor des chartes, Reg. XXXVI, fol. 9 v°, et Reg. XXXV, n° 30. — En 1304. Ibid., Reg. XXXV, n° 190 et 191.

[56] Reg. XLII du Trésor des chartes, fol. 114. Mandement du jeudi après la Saint-Michel 1308.

[57] Voyez l'ordonnance de 1319. Ord., t. I, p. 320 ; et le rôle de 1306, Ord., t. XII, p. 353.

[58] Voyez la note 29 du t. III des Olim, p. 1537.

[59] Ord., t. I, p. 728.

[60] Olim, t. III, p. 1046 ; et note 29, p. 1537.

[61] Ord., t. XII, p. 351.

[62] Bibl. imp., Cart. 170, fol. 169.— Ord., t. XII, p. 353.

[63] Mém. de l'Acad., t. XXX, preuves du Mémoire de Gibert, déjà cité.

[64] Ord., t. I, p. 320.

[65] Ord., t. XII, p. 353.

[66] Olim, p. III, p. 1516, note.

[67] Olim, t. III, p. 678 et 679 (en 1311). Voyez surtout le premier registre criminel de 1312 à 1317.

[68] Voyez la commission donnée le jeudi avant les Rameaux 1294 v. s. à Jean Lefèvre et au maire de Montdidier pour faire une enquête, or. Suppl. du Trésor des chartes, J. 1034, n° 54, et aussi X. 8832, fol. 50 (en 1314). Quand les enquêtes étaient mal faites, le parlement les faisait recommencer. Olim, t. III, préface, p. XIII.

[69] Ord., t. I, p. 321, § 4.

[70] Cart. 170, fol. 169.

[71] Pardessus, p. 157 ; Ord., t. I, p. 732.

[72] Boutillier, Somme rurale, titre 39. Conf. Lepaige, Lettres sur le parlement, t. II, p. 205.

[73] Olim, t. III, p. 1508 et 1505.

[74] Pasquier, Recherches, p. 55. Pardessus, Essai, p. 157 et suiv.

[75] Ord., t. I, p. 320.

[76] Ord., t. XII, p. 351.

[77] Ord., t. XII, p. 351.

[78] Bibl. imp., Clairambault, n° 346 bis, fol. 335. Original. Ces quatre suivants étaient Michel de Mauconduit, Pierre de Chapes, Pierre Bertrame, G. de Broce.

[79] Recherches de la France, p. 53.

[80] Ord., t. I, p. 733. Décembre 1320.

[81] Pardessus, Essai, p. 159. — On trouve les requêtes fonctionnant en 1313. Cause requestarum in curia nostra pendentes, etc. Voyez surtout le premier registre du Criminel.

[82] Olim, t. III, p. 1523 et 1045.

[83] Olim, t. III, p. 1538.

[84] Olim, t. III, p. 62 et 625.

[85] Bibl. imp., Cartul. 170, fol. i69. — Voyez des extraits incomplets de ce document dans Pasquier, Recherches de la France, liv. II, chap. nt, reproduits dans le Recueil des ordonnances, t. I, p. 547, et plus complètement t. XII, p. 353.

[86] Ord., t. I, p. 366, art. 56. — Cont. Olim, t. III, préface, p. XXIX.

[87] Olim, t. II, p. 875 et 328.

[88] Journal du trésor, 28 février 1299, fol. 37 r°, B. Ce qui fait 10 sous par jour. — Autre, ibid., fol. 3 v°, en 1300. — « Voulons que li simple clercs qui seront à nostre parlement, qui solaient prendre 5 sols par jour, à la fort monnaie, preignent 10 s. par jour, tant que la monnaie qui à présent a cours soit, ramenée au point de l'ancienne ; et que li simples lais qui prenaient 10 sols, en aient 15. » Cartul. 170, fol. 169.

[89] Différend des pairs avec les présidents à mortier, p. 166.

[90] Olim, t. III, p. 1525.

[91] Ord., t. I, p. 319, § 3.

[92] Ord., t. I, p. 358, § 7 et 8 (1303).

[93] « Les querelles de nouvelles desaisines ne viennent pas en parlement, mais chacun baillif en sa baillie, appelés avec soy bonnes gens... prenne la chose en la main du roi et face droit aux parties. » Ord., t. XII.

[94] Ord., t. XII, p. 416 ; et Vaissette, Histoire du Languedoc, t. IV, preuves, col. 146.

[95] En 1315. Vaissette, t. IV, col. 146.

[96] Liv. I, chap. LXXVIII.

[97] Mémorial, fol. 60 ; Olim, tell, p. 888. Voici la formule : Auditis partibus precepit curia quod processus in causa appellationis inter N. et N. videatur et judicetur.

[98] Olim, t. II, p. 6.

[99] Olim, t. II, p. 40. — Reg. XXXIV du Trésor des chartes, fol. 32.

[100] Mandement du lundi de la Quasimodo 1295. Bibl. imp., n° 10312, fol. 61.

[101] Olim, t. III, p. 18. En 1299.

[102] Olim, t. III, p. 879.

[103] Olim, t. III, p. 1532.

[104] Olim, t. III, p. 681.

[105] Ord., 4. I, p. 311. — Ordonnance portant défense d'emprisonner les Juifs par l'ordre de religieux sans l'autorisation du bailli.

[106] Olim, t. II, p. 613 et 615.

[107] Voyez le registre A des ordonnances du parlement. — Conf. Encyclopédie méthodique, Jurisprudence, t. IV, p. 295.

[108] Olim., t. III, p. 708, 825, 1516, 1519. Ibid., p. 823.

[109] Ord., t. I, p. 359, art. 12 (1303). — Conf. Olim, t. II, p. 328 et 561. — Pardessus, Essai, p. 115. Dans l'ordonnance de 1303, le roi déclare que la correction des arrêts appartient ad nos vel nostrum commune consilium. Ici, commune consilium désigne non pas le grand conseil, qui n'était pas encore organisé en tant que corps, ainsi que nous l'avons vu, mais le parlement lui-même. Nous suivons cette interprétation qui est celle de M. le comte Beugnot, mais qui a été combattue par M. Pardessus. Le doute n'est pas possible.

[110] Olim, t. III, p. 624. — Procès criminel.

[111] Olim, t. II, p. 895. — Procès de Robert d'Artois contre la comtesse d'Artois.

[112] Olim, t. III, p. XXVIII.

[113] Pour l'échiquier, voyez Olim, t. II, p. IV et suiv., 897 ; Pardessus, p. 124 et 125. Pour les grands jours, Olim, t. II, p. XIII, XIV ; t. III, 7, 765, etc. C'est bien à tort que M. Boutiot, auteur d'une Notice sur les grands jours (Troyes, 1852), a prétendu que les arrêts de cette cour étaient sans appel.

[114] Bibl. imp., Cartul. 170, fol. 169 v°. Ordonnance de 1306.

[115] Floquet, Histoire du parlement de Normandie, t. I, p. 41 (en 1288).

[116] Voyez dans la Bibl. de l'École des chartes, 4e série, t. II, p. 101 et suiv., mon travail sur l'organisation judiciaire du Languedoc au moyen âge.

[117] Bibl. de l'École des chartes, 4e série, t. II, p. 115 et 116.

[118] Voyez le rôle des affaires décidées dans ce parlement, Arch. imp., J. 1031, n° 11.

[119] Vaissette, t. IV, col. 72.

[120] Vaissette, t. IV, col. 84 et 85

[121] Vaissette, t. IV, col. 88.

[122] Procureurs du roi en Périgord en 1313, Olim, t. III, p. 855 ; au bailliage de Bourges en 1314, ibid., p. 914 ; au bailliage de Touraine en 1313, ibid., p. 868 ; dans la jugerie de Verdun en 1313, ibid., p. 807 et 903, etc.

[123] Ordonnance de 1303, § 20, Ord., t. I, p. 416 (1303).

[124] Olim, t. III, p. 613 (en 1310).

[125] Olim, t. III, p. 66.

[126] En 1311, le procureur du roi en Auvergne accusa le vicomte de Polignac d'avoir attaqué la nuit un village appartenant à l'église de Brioude. Olim, t. III, p. 667.

[127] Voyez un prévôt qui intente au parlement un procès contre une commune, pour rébellion (1310). Olim, t. III, p. 611. Voyez pourtant un procès intenté par le procureur du roi contre un meurtrier. Trésor des chartes, Reg. XLI, fol. 112 (1309).

[128] En 1311, le bailli de Créci accuse une femme d'avoir empoisonné son mari et la dénonce au parlement. Olim, t. III, p. 678.

[129] Ord., t. I, p. 300.

[130] « Nul avocat ne ose recorder ou recommencier ce que son compaignon, à qui il aydera, aura dit. » Ord., t. XII, p. 9.

[131] Ord., t. I, p. 322.

[132] Ord., t. XII.

[133] G. de Paris, v. 1781 et suiv.

[134] Voyez donation à Narbonne en 1178, rédigée par Johannes Ademari, publicus Narbone tabellio, hoc scripsit. Bibl. imp., Doat, t. LVII, p. 137. Originaux d'actes de notaires du treizième siècle, Trésor des chartes, layette de Languedoc, passim, et Reg. XXI.

[135] Beaumanoir, t. I, p. 42 (édit. Beugnot).

[136] Ord., t. XI, p. 37 !. — Voici la formule du serment qu'on faisait prêter aux notaires royaux : Juro ego notarius quod ero fidelis domino meo Philippo D. G. R. F., illustri et heredi suo regi Francie, personam, honorera, statum et jura ipsius et regni sui in hiis que ad meum spectant officium pro posse meo diligenter observabo (1304). Reg. XXXV du Trésor des chartes, fol. 78.

[137] Ordre aux sénéchaux du Midi de vendre à plus juste prix les offices de notaires. Bibl. imp., Doat, t. CLV, p. 293 (3 février 1290 v. s.).

[138] Ord., t. I, p. 416 et suiv.

[139] Le garde du sceau de la sénéchaussée de Poitou était en 1308 un chanoine de Sainte-Radegonde. Trésor des chartes, Reg. XLIV, n° 165.

[140] Ord., t. I, p. 417. En conséquence de cette ordonnance, il prescrivit de faire des sceaux et de les confiera des personnes qui rendissent un compte exact de ce qu'ils produiraient. Bibl. imp., Doat, t. CLV, p. 244 (samedi avant les Rameaux 1291 n. s.).

[141] Notes prises sur les registres originaux déposés aux Archives de l'Empire. L'histoire des origines du greffe du parlement sera traitée avec les plus grands détails par M. Grün, chef.de la section judiciaire aux Archives de l'Empire, en tête du premier volume de l'Inventaire analytique des registra du parlement, dont la rédaction nous a été confiée. Le premier volume des Olim est le plus ancien registre du parlement non-seulement qui soit comas, mais encore qui ait existé ; en effet, un registre signalé dans la Bibliothèque de l'École des chartes, 3e série, t. III, p. 376, comme renfermant des enquêtes, registre actuellement perdu, n'était, selon toute vraisemblance, qu'un recueil d'actes divers, parmi lesquels figuraient des actes judiciaires.