CHAPITRE XVI. – NOTES COMPLÉMENTAIRES.

 

 

[note 1] — Le culte des Séleucides n’a jamais pris l’assiette régulière — doctrinale et pratique — que celui des Lagides a héritée d’une tradition vingt fois séculaire, telle que l’expose en dernier lieu J. BAILLET, Le régime pharaonique etc., Blois, 1913. Les rois chaldéens et assyriens n’avaient jamais été des dieux vivants au même titre que les Pharaons, et les Séleucides représentaient, par surcroît, une civilisation qui, tout en admettant l’apothéose, répugnait à une pareille idolâtrie. Ils durent se contenter de la légende qui faisait du fondateur de la dynastie un fils d’Apollon, telle que la racontent Justin (XV, 4, 2-9) et Appien (Syr., 56). D’après Justin, Laodice, mère de Séleucos, avait rêvé qu’elle avait conçu d’Apollon  un fils, auquel le dieu avait laissé comme attestation de sa paternité un anneau portant gravée sur le chaton une ancre. L’enfant portait aussi une empreinte en forme d’ancre sur la cuisse, et ses descendants de même. Appien ne parle plus d’Apollon, mais d’une ancre gravée sur fer, vue en songe par Laodice et trouvée, en effet, à son réveil ; ancre perdue par Séleucos dans l’Euphrate, retrouvée dans une roche, etc. Ce qui ressort des on-dit colligés par Appien, c’est que l’ancre était un emblème babylonien, probablement le signe de ralliement des bateliers de L’Euphrate, et que ce sceau des Séleucides commémorait la prise de possession de Babylone. 

 

[note 2] — A. VON GUTSCHMID (Ueber die Beinamen, etc.), a proposé un système d’interprétation des surnoms qui lie chaque prédicat à la biographie du roi qui le porte. Ces surnoms sont empruntés, par exemple, à des divinités dont ceux qui les portent sont censés être l’incarnation ou reproduire le caractère, comme Ζεύς Νικάτωρ, Νικηφόρος, Άπόλλων Σωτήρ, Ήρακλής Καλλίνικος, Έπιφανής s’applique au roi qui apparaît comme le deus ex machina et s’impose pour mettre fin à une période de troubles : les Épiphanes sont généralement des usurpateurs (?). Les titres de Σωτήρ et d’Εύεργέτής, s’expliquent d’eux-mêmes : ceux de Φιλάδελφος, Φιλομήτωρ, Φιλοπάτωρ, supposent une royauté de frères (ou sœurs) associés, ou une régence de la mère, ou un roi désigné comme héritier légitime par son père. Ainsi Antiochos IX Philopator et son fils Antiochos X Philopator invoquent leur bon droit, comme héritiers d’Antiochos VII, contre deux autres Philopators, Démétrios III et Antiochos XII, qui se réclament d’Antiochos VIII. De même, Antiochos XI et Philippe Ier sont Philadelphes, comme héritiers de leur frère Séleucos VI. Un Θεοπάτωρ proclame la divinité de son père : un Διόνυσος est un roi monté enfant sur le trône, etc., etc.

La thèse est spécieuse, mais les arguments sont fragiles. L’auteur semble avoir fouillé l’histoire des Lagides, Séleucides, Attalides, Arsacides et autres, pour chercher des preuves à des idées préconçues. On accordera aisément que les prédicats isolés furent choisis avec intention la première fois : plus tard, ils se répètent par tradition et s’accumulent par abus comme nos prénoms. Qui se chargerait de justifier les titres du roitelet Antiochos (XII) Dionysos Épiphane Philopator Callinicos ? Gutschmid convient lui-même que, passé le milieu du IIe siècle a. C., on n’a plus conscience de leur signification. Les théories mystiques expliqueraient peut-être l’accumulation de ces adjectifs, qui se remarque chez les derniers Lagides et Séleucides. Chaque prédicat leur constituait pour ainsi dire une personnalité distincte ; en les multipliant, ils prenaient autant d’aspects ou attributs divins, éléments de force et de vitalité.

Le sujet a été traité dans ces derniers temps, sans être précisément renouvelé, par tous ceux qui se sont occupés des cultes dynastiques chez les Lagides, Séleucides, Attalides, etc. Voyez les listes de prédicats ou surnoms et des sobriquets dans E. BRECCIA (op. cit., pp. 95-98. 126-131). Beaucoup de questions ont été posées qui ne peuvent être ramenées à des solutions uniformes pour toutes les dynasties et toutes les époques.

Il est certain que les cognomina — défalcation faite des sobriquets[1] — ont été des noms cultuels, les étiquettes des rois hellénistiques et des couples royaux en tant qu’objets de culte. C’est même là ce qui caractérise les cultes monarchiques, conservés en pays barbares ou introduits en pays hellénisés — sauf en Macédoine — par les successeurs d’Alexandre. L’apothéose ou plutôt héroïsation des morts, et parfois même des vivants, était un genre d’hommages depuis longtemps familier aux Grecs, surtout depuis que les idées dont Evhémère fit un système doctrinal effaçaient peu à peu la distance entre les hommes et les dieux. Tout le monde savait que Héraklès avait mérité par ses exploits de prendre rang parmi les dieux. Lui du moins était fils d’un dieu. Cette condition ne parut pas nécessaire n ceux qui décernèrent les honneurs divins à Lysandre, à Agésilas, à Philippe II de Macédoine, qui eut son Φιλίππειον à Olympie (Pausanias, V, 20, 9-10), à Démétrios Poliorcète, pour qui les Athéniens ont dépassé les limites de la servilité. Les rois hellénistiques remplirent la condition qui simplifiait le raisonnement : ils se dirent fils des dieux. Cléarque tyran d’Héraclée, un disciple de Platon, parait-il, leur en avait donné l’exemple (FHG., III, p. 526). Alexandre fit savoir qu’il était fils de Zeus Ammon, dieu à la fois hellène et barbare : on apprit par la suite que les Lagides descendaient de Zens par Héraklès et Dionysos, que les Séleucides avaient pour ancêtre Apollon, et les Attalides, Dionysos. Après Alexandre le Grand, qui fut simplement le dieu Alexandre, le culte des rois commença par assimilation ou association de leur personne à la personne et au culte des ancêtres divins.

Ce régime de transition apparaît çà et là, notamment chez les premiers Séleucides. C’est là qu’est l’origine, sinon des prédicats eux-mêmes, qui ont pu être antérieurs au culte, du moins de leur caractère cultuel, devenu bientôt prédominant. Le premier que l’on rencontre, celui de Σωτήρ, décerné dès 304 a. C. par les Rhodiens à Ptolémée Ier (Pausanias, I, 8, 6), par les Athéniens à Antigone le Borgne et à Démétrios Poliorcète, n’est pas, à vrai dire, un surnom, mais la définition d’une qualité quelque peu inférieure à celle de dieu. Antiochos Ier, comme son père Séleucos, n’est encore que σωτήρ ; son fils est θεός, ou θεός καί σωτήρ. Aussi, Ptolémée Ier, complètement dieu chez lui, fut-il haussé par la suite en pays grec à la double titulature de σωτήρ καί θεός (BCH., IV, p. 400)[2]. C’est à tort, à mon sens, que l’on porte sur la liste des surnoms cultuels les titres de σωτήρ, symbole de l’héroïsation, de θεός, sous-entendu pour tous les êtres divinisés, et même celui de μέγας. Ce sont des qualités, non des prédicats constituant une personnalité. On peut donc soutenir, à volonté, que les prédicats ont été, en fait ou en théorie, cultuels ou non cultuels à l’origine. Ce qui est à remarquer, c’est que les rois ne s’en servent pas dans leurs actes personnels. Il y a plus. Les Biens, dans la charte même par laquelle ils instituent des fêtes et un τέμενος en l’honneur des rois Antiochos Ier et Stratonice ne leur donnent aucun surnom. Des inscriptions de Pergame nous présentent des prêtres de culte dynastique dont l’un se dit ίερεύς βασιλέως Εύμένου, l’autre ίερεύς τοΰ βασιλέως Άττάλου, sans employer les prédicats officiels (CIG., 3068) ; ce qui démontre jusqu’à l’évidence, dit BRECCIA (op. cit., pp. 109-110) dans une conclusion excessive, que le surnom n’a rien à faire avec le culte.

Le fait démontre, en tout cas et tout d’abord, que les prédicats n’ont pas été inventés ni multipliés pour distinguer les rois homonymes. Les contemporains n’en sentaient pas le besoin, et nous avons eu assez d’occasions de regretter qu’ils n’aient pas été d’usage courant. Ici surgissent nombre de questions de détail. Les rois ont-ils choisi eux-mêmes leur prédicat caractéristique, ou leur a-t-il été conféré, et, en ce cas, par qui ? Dans rune comme dans l’autre hypothèse, à quel moment fut-il pris ou accepté ? On cherche d’ordinaire les solutions dans les exemples des Lagides, qui étaient dans des conditions spéciales, successeurs des Pharaons beaucoup plus que d’Alexandre. Les uns en ont conclu que les rois prenaient eux-mêmes leur surnom, à leur gré, dès leur avènement ou peu après (Champollion, Gutschmid, Strack) ; les autres, qu’ils le recevaient d’un décret sacerdotal (Lepsius, Révillout, Beurlier, Wilcken). Cette dernière opinion parait suffisamment réfutée aujourd’hui : l’autre ne peut s’appliquer qu’avec quantité d’exceptions, ou même pas du tout, aux autres dynasties, du moins dans la période initiale de leur existence. De la thèse de Gutschmid, il reste que bon nombre de prédicats significatifs, comme Νικάτωρ, Καλλίνικος, Νικηφόρος, Έπιφανής, Εύσεβής, ont dû perpétuer le souvenir de quelque incident, de quelque phase de la biographie des rois ainsi dénommés, et non pas être arboré, comme affaire de protocole, dès l’avènement. La tradition veut que tels d’entre eux proviennent de l’adulation des cités ou de t’acclamation des soldats. En revanche, ceux qui visent les relations de famille, c’est-à-dire une situation préexistant à l’avènement, comme Φιλάδελφος, Φιλομήτωρ, Φιλοπάτωρ, Θεοπάτωρ, ont pu être pris d’office avec le diadème. De bonne heure, à partir de Ptolémée IV en Égypte, d’Alexandre Bala en Syrie, les prédicats ne sont plus qu’une monnaie dépréciée, qui s’accumule pour suppléer à la qualité par la quantité.

Au surplus, le culte des rois hellénistiques, comme plus tard le culte impérial à Rome, n’a jamais été vivifié par le sentiment religieux. C’était une formalité dégénérée en habitude, qui n’impliquait même pas le respect de la légitimité, et dont les sceptiques s’accommodaient aussi bien ou mieux que les autres. Si bas que fut tombée la valeur du titre de θεός, ni les Séleucides, ni les empereurs — sauf exceptions notées comme anomalies — ne furent officiellement et légalement dieux de leur vivant. Dans des pays où bientôt on élèvera des temples etiam proconsulibus (Suétone, Auguste, 52), ce titre n’était pas nécessairement lié au culte, qui était devenu simplement le culte de l’autorité. Libre à chacun de considérer celle-ci comme usurpant la place des dieux ou comme émanation et représentation des puissances divines. Les Romains essaieront plus tard de substituer à ces idées confuses une doctrine juridique, en reconnaissant dans les empereurs vivants des hommes providentiellement investis d’une mission divine, ayant droit d’ores et déjà à un culte légal, et réservant aux empereurs défunts le titre de Divi, c’est-à-dire d’êtres non pas dieux par nature, mais associés et assimilés aux dieux dans l’autre monde. C’était là l’apothéose proprement dite, la consecratio, qui s’est appelée depuis la canonisation.

 

[note 3] — DITTENBERGER (OGIS., 230) estime que le Ptolémée fils de Thraséas avait été ainsi récompensé par Antiochos le Grand pour avoir trahi Ptolémée IV Philopator au cours de la campagne de 218/7 a. C., alors qu’il commandait une phalange égyptienne avec l’Aspendien Andromachos (Polybe, V, 65, 3-4). Polybe dit bien, en effet, que les subordonnés de Ptolémée, Cérfeas d’abord, Hippolochos ensuite, firent défection et amenèrent à l’armée syrienne des déserteurs τών ύπό Πτολεμαΐον ταττομένων (V, 70, 10-11) : mais il me semble indiquer par là que leur chef ne suivit pas leur exemple. Ptolémée put se rallier au nouveau régime sans être pour cela un traître. Antiochos le Grand était assez intelligent pour se défier des traîtres et apprécier la fidélité, même relative, de Ptolémée. Je n’accepte pas non plus, comme le fait Kornemann, l’autre hypothèse de Dittenberger, à savoir que le cumul de la stratégie et du sacerdoce a été inauguré par les Séleucides ; cela, sous prétexte que l’on ne rencontre à Cypre un [στρατηγός καί άρχιερ]εύς τής νήσου (OGIS., 93) que sous Ptolémée V Épiphane. Un argument de carence ne vaut guère. Il n’est pas probable, en tout cas, que ce Ptolémée fils de Thraséas soit le Πτολεμαΐος ό Κοίλης Συρίας καί Φοινίκης στρατηγός mentionné, une cinquantaine d’années plus tard, vers 166 a. C., dans II Macchabées, 8, 8.

 

[note 4] — Le marbre nous a conservé un curieux document gravé pour l’éternité en lettres inviolables au dos des statues colossales qui ornent le tombeau d’Antiochos Ier de Commagène. La vanité de ce roitelet, qui s’appelle le grand Roi Antiochos, dieu Juste, Illustre, Romanophile et Philhellène, s’étale à l’aise dans les 235 lignes de l’inscription. Il épuise pour lui-même toutes les formules d’éloges et vante surtout sa piété, voire, sa sainteté. Aussi a-t-il été un homme heureux, protégé par les dieux des trois pays auxquels le rattache sa généalogie, la Perse, la Macédoine et la Commagène. Comme il a passé sa vie à multiplier leurs images et leurs fêtes, sans oublier d’associer sa divinité à la leur, il termine sa carrière en rédigeant une loi que lui ont dictée les dieux. Cette loi précise les privilèges, devoirs et revenus des prêtres et familles de musiciens hiérodules, voués au culte des dieux et héros, ainsi que le rite des fêtes qui seront célébrées en leur honneur et en l’honneur du roi avec commémoration des ancêtres. Il pense, en effet, avoir donné et donner présentement un modèle de piété envers les dieux et les ancêtres.

Cela ne ressemble que de loin au culte dynastique, qui s’applique à une série de souverains et se suffit à lui-même. C’est même à peine un culte monarchique ; il n’est officiel que parce que le fondateur est le roi. Le législateur se constitue à perpétuité un culte funéraire ; mais il ne fait que saluer en passant les ancêtres, et ne s’occupe pas du tout de ses descendants, si ce n’est pour leur enjoindre de respecter ses dernières volontés.

 

[note 5] — Au moment de poser la plume, j’ai un dernier scrupule à satisfaire. Je n’ai pas pris à mon compte le réquisitoire que l’on pourrait faire contre les Séleucides pris individuellement : j’ai même réagi contre l’excès de sévérité qu’implique le mot et esquissé le thème d’une apologie. Mais cette esquisse est si sommaire que je saisis avec plaisir l’occasion de la compléter, dans le sens de l’indulgence, en me reportant à l’article, déjà cité (C. RADET), d’un homme que les souvenirs rapportés de ses explorations aident à comprendre l’Orient ancien. Au fond, quelles que fussent leurs aptitudes personnelles, les Séleucides étaient voués à l’insuccès final, vu la disproportion entre leur tâche et leurs moyens d’action. Campés plutôt qu’assis dans un assemblage incohérent de peuples hétérogènes dépendants du pouvoir central à des titres divers, depuis la pleine soumission jusqu’à la simple tutelle, ils ne pouvaient imposer leur domination que par la force ou par le prestige d’une civilisation supérieure, de l’hellénisme dont ils se faisaient les propagateurs intéressés. Pour être forts, il leur eût fallu s’appuyer, comme les Achéménides, sur un peuple de leur race, c’est-à-dire, disposer de la Macédoine, ce réservoir de peuples où puisait Alexandre. D’autre part, la voie frayée à l’hellénisme tournait bientôt au cercle vicieux, car la culture grecque importait avec elle un esprit d’indépendance des plus dangereux pour le pouvoir royal. Rééditant l’empire achéménide et figurant déjà l’empire turc, l’empire séleucide fut comme eux une des manières d’être, tourmentée, mais éminente, de cette partie de l’Asie qui s’ouvre aux souilles méditerranéens (op. cit., p. 311).

Je ne sais jusqu’où il serait prudent de pousser la comparaison avec l’empire turc. Il y a en tout cas une différence plus que notable, en Orient et ailleurs, entre les temps anciens et les siècles postérieurs. L’antiquité, en dehors du judaïsme, n’a pas connu les haines religieuses. Les religions d’autrefois n’avaient pas de dogmes à imposer, et elles ne tenaient pas à propager les coutumes ancestrales dont elles étaient faites, chaque peuple, cité ou État ayant ses dieux à lui, intéressés à sa prospérité et faisant en toute occasion cause commune avec lui. Sua cuique civitati religio est, nostra nobis, disait Cicéron (Pro Flacco, 28), d’accord en cela avec le sens commun de l’époque. Aucune de ces religions nationales n’a fait à ses adhérents un devoir d’exécrer les autres, ni prétendu revendiquer le monopole de la morale et déclarer de nulle valeur la vertu sans la foi. Les Séleucides ont respecté les divers cultes de leur empire, et je n’ai pas songé à leur en faire un mérite : ils étaient de leur temps. Ce n’est pas, on le sait de reste, à l’intolérance religieuse qu’il faut imputer les spoliations sacrilèges qu’ils se sont permises de temps à autre, ni même la proscription du judaïsme, essayée un instant en Judée par Antiochos Épiphane. Il en va autrement depuis. Aux antipathies de races et aux conflits d’intérêts s’est ajoutée l’intolérance dogmatique, propre aux religions dites universalistes, un fléau qui, même atténué, reste encore redoutable.

 

 

 



[1] Les sobriquets sont plus intéressants pour l’historien que les prédicats, attributs ou surnoms officiels. Ce sont des fiches signalétiques, qui ont chance de représenter ce que nous connaissons le moins, l’opinion populaire. On comprend de suite ce que pensait le public d’un Κεραυνός ou d’un Ίέραξ. Mais il faut se défier des jeux de mots, probablement inventés après coup, comme Κακεργέτης pour Εύεργέτης, Άκαιρος pour Εΰκαιρος, et laisser à Polybe, qui a l’air de s’en vanter, le calembour Έπιμανής pour Έπιφανής.

[2] On a remarqué que l’apothéose du Christ — du moins, dans la terminologie adaptée par les prédicateurs de la Bonne Nouvelle aux habitudes d’esprit des Gentils — a suivi la même gradation. Jésus est tout d’abord et surtout, comme l’empereur Auguste et tant d’autres avant lui, un σωτήρ (Luc., 2, 11), σωτήρ τοΰ λαοΰ (Math., 1, 21), σωτήρ τοΰ κόσμου (Joann., 4, 42). Plus tard, ceux qui, sous le nom de Paul, firent croire que l’apôtre avait devancé l’avenir parlent du Christ comme du σωτήρος ήμών θεοΰ (I Tim., 2, 3-4), et même du μεγάλου θεοΰ καί σωτήρος ήμών Ίησοΰ  Χριστοΰ (Tit., 2, 13). Mais le titre de θεός est toujours associé à celui de σωτήρ, lequel est seul employé dans les Évangiles (Cf. P. WENDLAND, op. supra cit., p. 512).