[note 1] — L’identité d’une Laodice prête trop souvent aux
discussions. On arrive à supposer celle-ci épouse-sœur de Démétrios par
argument a silentio. Personne ne dit
que Démétrios ait épousé une princesse étrangère. Or, on ne connaît de
Laodice séleucide, à l’époque, que la fille d’Antiochos IV, celle qui servit
d’instrument à Héraclide pour conspirer contre Démétrios. Ce n’est
certainement pas la princesse que celui-ci a épousée.
La date du mariage de Démétrios ne peut être antérieure à
162 et lui est probablement postérieure. Son fils aîné, Démétrios II, avait
au plus dix-sept ans en 145. Mais Eusèbe (I,
p. 255 Sch.) assure que son fils cadet, Antiochos VII, est mort en 129/8
a. C., à l’âge de trente-cinq ans, ce qu le fait naître en 161. L’assertion
du chronographe est inconciliable avec toute une série avérée de faits, et le
mieux est de la lui laisser pour compte, avec de bien d’autres inadvertances.
Des scrupules analogues et même plus graves s’attachent au
récit des intrigues de la cour de Cappadoce. Diodore est seul garant de ces
révélations, qui sont passablement romanesques, comme Tite-Live de la date à
laquelle le jeune Ariarathe fut amené à Rome. Si ce prince était encore
enfant (puer)
en 172, il parait bien que ce ne pouvait être l’aîné des enfants supposés,
comme l’affirme Diodore. Je n’admettrais même pas aisément que le fils
légitime, pour lequel le père voulait abdiquer avant 163, fît encore puer en 172. Il y a nécessairement erreur, soit
sur l’âge du prince, soit plutôt sur la date de son arrivée à Rome. Cette
rectification ne résout pas la question d’identité. La tradition romaine,
représentée par Tite-Live, ne met pas en doute que l’Ariarathe amené à Rome fit
le fils légitime du roi Cappadoce, d’autant que son père l’y envoie pour son
éducation et veut qu’il soit traité en prince. Ce qui a été la vérité
officielle à Rome n’oblige pas à rejeter comme pure fable le secret éventé
par Diodore. Il eût été bien imprudent de la part d’Ariarathe IV, inquiet
pour sa succession, d’éloigner précisément l’héritier légitime, et en vue
d’un séjour prolongé, puisqu’il s’agit d’une éducation à faire et que le
préteur Cn. Sicinius loue une maison meublée pour le prince et sa suite. Au
contraire, confier à la garde des Romains celui qu’il s’agissait de retenir
loin de Cappadoce, c’était leur demander un service qu’ils étaient fort
capables de rendre à un protégé, surtout s’ils étaient au courant du mystère
et d’autant plus attentifs à ne pas le révéler. Nous savons d’autre part que
Ariarathe V fut élevé, non pas à la romaine, mais à la grecque. Il suivit à
Athènes les cours de Carnéade, avec lequel il entretint plus tard une
correspondance (Diogène Laërte, IV, 9, § 65),
et Diodore le loue d’avoir ouvert la Cappadoce à la culture hellénique.
[note 2] — Ce sujet épineux a été traité avec compétence
dans une étude, qui m’avait échappé jusqu’ici, de U. MAGO, La regina Antiochide di Cappadocia e la cronaca degli
Ariaratidi (Atti d. R. Accad. di Torino,
XLIII [I907], pp. 216-226). L’auteur considère la version de la chronique royale, accréditée par Diodore, comme
suspecte, œuvre ou même arme du parti qui mit sur le trône Mithridate (Ariarathe V), au mépris des droits de son
aîné Oropherne. II est bien difficile de croire, dit-il, à la colossale mystification, ourdie par la πανοΰργος
μάλιστα (Diodore, XXXI, 19, 7), dont Ariarathe IV aurait été longtemps
la dupe ; encore plus d’expliquer pourquoi Antiochis dut se réfugier à
Antioche au moment où elle avait, pense-t-on, réussi à faire entrer le roi
dans ses plans. La supposition (ou bâtardise)
d’Oropherne — et de son aîné Ariarathe, sans doute mort avant lui (?) — est un bruit mis en circulation par le
parti qui, pour plaire an roi (et aux Romains,
semeurs de zizanie intéressée), fit, malgré la reine Antiochis,
déshériter Oropherne. A ce moment, Antiochos Épiphane, hors d’état de
soutenir à la cour de Mazaca la cause de sa sœur, dut laisser se consommer
l’usurpation. La thèse est hardie, intéressante et ingénieusement motivée.
[note 3] — Il parait que Alexandre Bala ressemblait d’une
manière frappante à Antiochos V Eupator. Attale II était peut-être sincère en
le présentant comme un fils d’Antiochos Épiphane. Ce qui s’était passé chez
son beau-frère Ariarathe IV (ci-dessus)
et même chez lui, où il n’était plus le père de son fils et héritier Attale
III, devait le rendre assez indifférent en matière de légitimité ou de
bâtardise. Il voulait à la fois punir Démétrios — et par les mêmes moyens —
de ses intrigues en Cappadoce, et soutenir la branche cadette que son frère
Eumène Il et lui avaient intronisée dans la personne d’Antiochos Épiphane. Le
Sénat avait ses raisons de le croire sur parole. Il se pourrait même que
Héraclide ait joué cartes sur table, car il donne le couple fraternel des enfants royaux pour des descendants
selon la nature du roi Antiochos et il ne demande pour eux que la
permission d’aborder en Syrie (Polybe, XXXIII,
16, 9). On ne voit pas qu’il plaide la légitimité. Quant à Laodice, —
un nom que portent toutes les princesses de l’époque, — elle était
probablement fille légitime d’Antiochos Épiphane, si c’est bien elle qui
épousa par la suite Mithridate V Philopator Philadelphe (Évergète), roi de Pont, et fut la mère du
célèbre Mithridate VI, appelé, comme feu son oncle, Eupator (Th. Reinach).
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