HISTOIRE DES LAGIDES

TOME TROISIÈME. — LES INSTITUTIONS DE L'ÉGYPTE PTOLÉMAÏQUE. - PREMIÈRE PARTIE

 

CHAPITRE XXVI. — L’ADMINISTRATION FINANCIÈRE.

 

 

Nous avons passé en revue jusqu’ici les sources de revenus qui alimentaient le Trésor royal, dénombré ses propriétés, ses monopoles, et les droits qu’il s’arrogeait sur tout ce qu’il consentait à ne pas considérer comme étant sa propriété pleine et entière, hommes et choses. Il nous reste maintenant à analyser les organes de la machine fiscale, à recenser les diverses catégories d’agents qui recueillent sur toute la surface du territoire le produit de l’impôt et l’acheminent, d’étape en étape, à travers des monceaux d’écritures et de pièces comptables, jusqu’à la caisse centrale d’Alexandrie.

Aucun État, dans l’antiquité[1] et presque jusqu’à nos jours, n’a entrepris de percevoir lui-même, par des agents directement commissionnés par lui M jusque dans l’infime détail, les taxes imposées par ses règlements. Cette tâche, jugée impossible alors, n’est devenue exécutable dans les États modernes que par la constitution d’un corps de fonctionnaires exclusivement voués à cet office, lequel était adjoint jadis à d’autres compétences. Le régime ordinaire autrefois, celui que nous rencontrons dans l’Égypte ptolémaïque, était celui de la ferme contrôlée par des officiers royaux. Ce système était appliqué aux monopoles et, en dehors des monopoles, à toutes ou presque toutes lès taxes payables en argent, la perception directe ou régie étant usitée de préférence pour la rente du Domaine, l’impôt foncier et, en général, pour les contributions payées en nature[2]. Celles-ci, en effet, affectaient pour la plupart la forme de locations de terres domaniales ou de prélèvements sur le revenu de possessions particulières, et l’État, seul détenteur du cadastre, c’est-à-dire de la base officielle de l’impôt, avait seul qualité aussi pour fixer et modifier au besoin, par des dégrèvements ou des surcharges, les conditions et mesures de ses exigences. En outre, le produit des contributions en nature était le plus souvent consommé sur place, et l’État seul pouvait ordonnancer les dépenses imputées sur les recettes. Il était donc au moins inutile d’interposer entre le contribuable et le Trésor des traitants qui n’auraient pu remplacer les administrateurs ou agents du Trésor et n’auraient fait qu’aggraver les charges du contribuable[3].

On peut môme constater que ni le système de la ferme ni le système de la perception directe n’ont jamais été appliqués dans l’Égypte ptolémaïque à l’état autonome et nettement distingués l’un de l’autre. La bureaucratie héritée des régimes antérieurs était si puissante et les fonctionnaires si nombreux que le contrôle exercé sur les traitants par cette armée de scribes fut dès le début une ingérence perpétuelle et tracassière, guettant pour ainsi dire les occasions de substituer à l’autorité précaire concédée temporairement aux fermiers l’action directe des agents de l’État sur les contribuables. On a vu plus haut comment les fermiers des monopoles n’étaient, à vrai dire, que des garants sur lesquels l’État rejetait les chances de perte, en leur mesurant parcimonieusement les chances de bénéfice. De même, la perception .directe, au moins pour ce qui concerne les revenus du Domaine et les offices mis aux enchères, ne s’exerçait que sur des contribuables préalablement transformés en fermiers[4]. Il y eut comme une pénétration et contamination réciproque des deux systèmes, l’un vraisemblablement importé par les Lagides, l’autre légué par la tradition et ancré dans des habitudes séculaires que le corps des fonctionnaires avait intérêt à conserver.

Aussi, le départ entre ces régimes concurrents n’est pas toujours facile à faire. Disons, comme règle générale susceptible d’exceptions, que toutes les taxes régulières, à tarif fixe[5] et perçues ordinairement en numéraire, étaient affermées par voie d’adjudication. Le système de la ferme était employé de même pour les travaux publics à exécuter aux frais de l’État, avec cette différence que l’adjudication avait lieu au rabais, et non au plus offrant.

 

§ I. — SYSTÈME DE LA FERME (ώνή)[6].

Tous les ans, dans le courant du mois de Thoth, premier de l’année égyptienne, l’État mettait en adjudication dans les divers nomes la ferme des divers impôts qu’il renonçait à percevoir lui-même[7]. On ne voyait pas d’inconvénient à conclure avec un léger retard des traités valables à partir du i Thoth, sauf à régler le mode de perception intérimaire, et on y trouvait l’avantage d’être mieux renseigné sur les résultats de l’exercice précédent. Une ordonnance royale portait à la connaissance du public la liste des impôts à affermer, l’étendue des lots à adjuger en détail ou en bloc, les conditions générales exigées des soumissionnaires, et le délai à l’expiration duquel aurait lieu l’adjudication.

En dehors des fonctionnaires royaux, qui, devant être chargés du contrôle, ne pouvaient être intéressés à aucun titre dans ces sortes d’affaires, et probablement des esclaves[8], il était loisible à quiconque, régnicole ou étranger, de prendre part à l’adjudication, pour une ou plusieurs fermes, pourvu qu’il pût fournir les garanties nécessaires. Les illettrés même n’étaient pas exclus. On a une quittance signée par un certain Dellus pour le compte du fermier juif Simon, parce que celui-ci ne sait pas écrire[9]. Sans aucun doute, les fermiers de l’année précédente pouvaient concourir comme les autres et renouveler leur pacte sur nouvelles offres. Il devait arriver souvent que la ferme restât ainsi longtemps dans les mêmes mains.

Durant le délai imparti entre l’édit royal et l’adjudication, ceux qui se proposaient de soumissionner prenaient leurs renseignements auprès des bureaux compétents ou des contribuables eux-mêmes ; ils calculaient les chances de bénéfice et faisaient leurs offres en conséquence. L’État entendait leur faciliter cette enquête : fonctionnaires et contribuables étaient invités à fournir des indications exactes et loyales. Philadelphe, dans sa célèbre ordonnance de l’an 263, inflige une amende de 6.000 dr. d’argent (1 talent) au basilicogrammate qui aurait induit le fermier en erreur[10]. Le projet de soumission de chaque amateur devait être adressé par mémoire écrit à l’administration[11]. Sur le vu de ces pièces, celle-ci, renseignée de son côté parles rapports de ses agents et les pièces comptables, fixait la mise à prix, et, au jour dit, les conditions et tous détails utiles étant spécifiés et proclamés par le héraut, on procédait à l’adjudication au chef-lieu du nome.

Il n’y avait pas en Égypte de fonctionnaires spéciaux, analogues aux πωληταί athéniens, pour présider aux ventes faites pour le compte de l’État. Le plus ancien document sur la matière, le papyrus des Revenus, parlant de l’apuration mensuelle des comptes entre les fermiers et le Trésor, charge de cette besogne ceux qui auront vendu quoi que ce soit appartenant au roi[12], sans préciser autrement. En règle générale, l’adjudication était faite par l’économe, qui, assisté ou non d’une commission spéciale, était seul responsable des résultats de l’opération. Sa responsabilité était engagée lorsqu’il adjugeait une ferme au-dessous de la mise à prix sur laquelle s’ouvraient les enchères. Il était tenu, en pareil cas, de combler à ses frais le déficit, à moins que la vente ne fût annulée et recommencée pour provoquer des surenchères[13]. Naturellement, les acheteurs cherchaient à empêcher la hausse par des manœuvres plus ou moins frauduleuses, soit en disqualifiant leurs concurrents, soit en convenant entre eux de ne pas surenchérir les uns sur les autres[14]. Le plus offrant et dernier enchérisseur obtenait le rameau, symbole de sa victoire et de la prise de possession ou location de son lot.

Mais cette victoire était loin d’être assurée encore. Elle pouvait lui être enlevée par le retour offensif d’un concurrent, soit dans un délai de dix jours, soit même séance tenante, pourvu que cette dernière surenchère fût au moins de 1/10[15]. Utile dans tous les cas, ce mode de rescision avait surtout pour but de déjouer les calculs des coalitions à la baisse, en provoquant au dernier moment la trahison de quelqu’un des coalisés. Ensuite, l’adjudicataire ne pouvait prendre possession de sa ferme qu’après avoir fourni au Trésor les garanties nécessaires, sur ses biens, sur ceux de ses associés et sur ceux de ses cautions ou répondants.

Les fermes pouvaient être de valeur très variable, comprendre les recettes d’une espèce de taxe dans toute l’étendue d’un nome[16], ou seulement la perception dans un simple bourg[17]. C’est une question non résolue encore de savoir si les fermes étaient ainsi détaillées en parcelles lors de l’adjudication, ou si l’adjudicataire, ayant soumissionné en bloc, partageait ensuite son lot entre ses associés ou mémo en revendait des portions à des sous-traitants[18]. Quoi qu’il en soit, il est certain que, en Égypte comme en pays grec ou romain, les perceptions étaient affermées le plus souvent par des sociétés financières organisées dans ce but, ce que les Romains appelaient sociétés de publicains. Elles offraient à l’État plus de garanties que de simples particuliers, et elles pouvaient asseoir leurs calculs sur de plus larges bases, en soumissionnant pour plusieurs fermes à la fois, avec faculté de combler éventuellement le déficit de l’une avec les bénéfices de l’autre[19]. Il va de soi que les dites sociétés étaient formées d’ordinaire avant l’adjudication et par des engagements précis contractés entre leurs membres ; autrement, il pouvait arriver qu’un concessionnaire présomptueux, comptant recruter des associés et trouver des cautions après coup, se trouvât hors d’état de fournir dans le délai voulu les garanties exigées par le Trésor. En pareil cas, la ferme à lui adjugée était remise en vente à la folle enchère, et, s’il y avait déficit, c’est-à-dire, si la nouvelle adjudication n’atteignait pas le prix auquel il avait soumissionné, il devait verser immédiatement la différence[20]. De même, en sens inverse, pour les adjudications de travaux publics : si l’adjudicataire ne pouvait pas exécuter le contrat, l’État faisait appel à de nouveaux entrepreneurs, et si ceux-ci exigeaient un plus haut prix, l’adjudicataire déchu devait payer la différence ainsi que tous les frais occasionnés par la nouvelle adjudication et restituer l’argent déjà reçu avec un ήμιόλιον en sus, à titre d’amende[21].

D’une étude très documentée sur la constitution des sociétés de traitants[22], Wilcken a tiré les conclusions suivantes :

1° En fait, les perceptions sont toujours ou presque toujours affermées par des sociétés[23] : mais l’État ne traite qu’avec le représentant ou chef de la société. C’est lui seul qui est adjudicataire ; lui seul est proprement τελώνης ; lui seul est responsable envers le Trésor, et non pas ses associés. Ceux-ci ne sont que des bailleurs de fonds ; ils n’ont pas qualité pour faire en leur nom les perceptions et donner ou recevoir quittance[24].

2° Les associés s’engagent, non envers l’État, mais envers le fermier, par un contrat de participation, où sont stipulés les droits et obligations des contractants, l’apport de chacun et la part, soit de gain, soit de perte, qui doit lui revenir. Mais c’est l’État qui veille à l’exécution de ces clauses, et notamment qui se charge de répartir les profits et pertes entre les associés[25].

3° En conséquence, le fermier est tenu, sous peine d’amende, de faire connaître à l’administration, de lui présenter ses associés et de lui communiquer les stipulations du contrat passé entre eux. Si sur la liste des associés figurait une personne disqualifiée pour ce rôle, — par exemple, un fonctionnaire ou un esclave, — le fermier et l’intrus seraient frappés chacun d’une amende de 30 mines[26]. La contravention serait plus grave et l’amende beaucoup plus élevée (20 talents) si le fermier introduisait après coup dans l’association un sociétaire non inscrit sur la liste présentée à l’administration et dans le contrat passé avec elle[27].

4° Si le fermier pouvait à la rigueur se passer d’associés, il n’était pas admis à soumissionner sans constituer une ou plusieurs cautions, répondants ou fidéjusseurs, et cela dans le délai de trente jours à partir de l’adjudication : faute de quoi, celle-ci était annulée[28]. L’économe et le basilicogrammate examinaient la valeur de ces cautions ; ils avaient à vérifier si les répondants n’étaient pas disqualifiés par quelque empêchement légal, et si leur avoir suffisait à garantir le paiement de la somme que le fermier s’était engagé à verser au Trésor, plus le vingtième ou dixième à percevoir, comme τέλος έγκύλιον, pour enregistrement du contrat[29]. Cette enquête était obligatoire : si les intéressés cherchaient à l’esquiver, les cautionnements non vérifiés étaient retenus quand même, et le fermier était obligé d’en fournir d’autres par surcroît[30].

Chaque répondant spécifiait pour quelle somme et sur quelles propriétés il donnait hypothèque, en déclarant par serment royal que ces propriétés étaient libres de toute autre hypothèque. Ces déclarations devaient être mises par écrit, et l’acte contresigné était déposé à la banque royale. Le dépôt était obligatoire et l’omission punie d’une amende de 1 talent par chaque répondant[31]. Enfin, il semble que parfois, sinon toujours, l’État ait exigé encore — à l’instar des contrats privés — une contre-assurance, fournie par des βεβαιωταί, qui certifiaient les déclarations des répondants[32]. Quant aux conditions auxquelles les uns et les autres prêtaient leur assistance au fermier, le Trésor n’avait pas à s’en préoccuper : c’était affaire de conventions privées entre les intéressés[33].

La responsabilité des cautions entrait en jeu lorsque le fermier était insolvable en fin d’exercice. Les papyrus du Fayoum nous ont conservé trois actes qui nous montrent comment se contractait un engagement de cette espèce et la prise qu’avait le Trésor sur les signataires[34]. Au début du règne d’Épiphane, un certain Philippe soumissionnait pour la ferme de l’άπόμοιρα à percevoir en l’an II (204/3 a. Chr.) dans les districts de Philadelphie et de Boubastis, et il s’était fait cautionner par un militaire à 80 aroures (quelque chose comme un capitaine), qui avait souscrit l’engagement suivant :

Moi, Théotime fils d’Euphron, Thrace, des cavaliers non encore enrôlés sous un hipparque, doté à 80 aroures, je reconnais avoir cautionné pour le paiement Philippe, qui prend la ferme de l’άπόμοιρα, l’an II, sur les vignes et vergers environnant Philadelphie, et cela pour 1 talent 3.000 dr. Je reconnais aussi l’avoir cautionné pour la soumission des vignes et vergers environnant Boubastis, et cela pour 3.000 dr., soit au total 2 talents. Pour cela, j’hypothèque la maison m’appartenant et la cour et ses dépendances, le tout situé à Évergétis. Et j’ai juré le serment royal tel qu’il était dans la pièce ci-jointe.

Le serment prêté par Théotime est des plus solennels[35] :

Moi Théotime fils d’Euphron (Thrace, etc.), je jure par le roi Ptolémée, fils de Ptolémée et d’Arsinoé, par les dieux Philopators, les dieux Évergètes, les dieux Adelphes, les Soters, et par Sérapis, Isis et tous les autres dieux et déesses, que le gage que j’ai hypothéqué pour Philippe sur mes terres d’Évergétis est bien à moi, net, et que je ne l’ai hypothéqué pour rien d’autre. Si j’ai bien juré concernant la caution précitée, que tout me soit prospère ; si j’ai mal juré, tout au contraire.

Il paraît que Philippe fit de mauvaises affaires et que le Trésor se rabattit, pour combler le déficit, sur le répondant Théotime ; car le bien que celui-ci avait hypothéqué fut vendu l’année suivante, ainsi qu’en témoigne une pièce de comptabilité émanant de l’administration des finances et datée du 21 Choiak an IV (3 févr. 201 a. C.), dont voici la teneur :

Choiak 24. A Python. Ci-joint copie du mémoire qui nous a été remis par Maraios, fils de Ptolémée, colon à 100 aroures. Il a acheté de nous, en l’an III, 10 Épeiph (17 août 202 a. C.), la maison, cour et dépendances appartenant à Théotime le Thrace, colon à 80 aroures : le tout sis à Évergétis et vendu pour la caution par laquelle il a cautionné Philippe fils de Peucallès, qui a perçu l’άπόμοιρα revenant à Arsinoé Philadelphe et aux dieux Philopators sur les terroirs avoisinant Philadelphie et Boubastis, le tout pour l’an II. Le reliquat de la dette était de 1 talent 516 dr., et 1 ½ ob. de cuivre pour argent, somme pour laquelle il a été taxé immédiatement ci, 1 talent 516 dr. 1 ½ ob. Cela a été versé à la banque royale de Crocodilopolis, gérée par Euronax, l’an 1V, le 12 Thoth (24 oct. 202 a. C.), à savoir : 1 talent 516 dr. 1 ½ ob., plus le vingtième pour l’έγκύκλιον, 325 dr. 5 ob., et les autres frais. Que la vente soit (ratifiée ?) selon l’usage.

Le fisc s’était borné à récupérer le montant exact du déficit, augmenté des frais de mutation, sur le cautionnement de Théotime ; mais la propriété hypothéquée avait été vendue en entier, et peut-être, comme il arrive dans les ventes forcées, au-dessous de sa valeur[36].

4° De même que le fermier était obligé de présenter ses associés, ses répondants, et de faire connaître les stipulations contenues dans le pacte des sociétés, de même il devait fournir à l’administration la liste nominative des agents qu’il comptait employer. Cette liste était révisée par les fonctionnaires royaux, qui, après entente avec le fermier, fixaient le nombre et les émoluments du personnel. Les employés recevaient l’investiture, à l’exclusion de tous autres, par le fait qu’ils étaient mentionnés dans le contrat final, signé après accomplissement de toutes les formalités. Si l’économe et le contrôleur, dit le Papyrus des Revenus, surprennent fonctionnant un individu qui n’aurait pas été signalé sur la liste, qu’ils l’amènent au roi avant qu’il ait fait tort à quelqu’un[37].

5° Le fermier était autorisé à sous-louer des parties de son lot, sous le contrôle des fonctionnaires ; mais à la condition que les sous-traitants fourniraient également des cautions en la forme accoutumée et que leur responsabilité ne déchargerait pas le fermier de la sienne[38].

6° En retour des engagements contractés par le fermier, l’État s’engageait de son côté à lui fournir les moyens de contraindre au besoin le contribuable ; soit par des moyens de droit, en l’autorisant à pratiquer des saisies, soit en mettant à sa disposition la force publique, ou encore, en se chargeant de percevoir lui-même les arriérés pour le compte de la ferme[39].

7° Durant les délais nécessités par l’accomplissement des formalités légales, — délais qui pouvaient être assez longs au cas où surgissaient des difficultés obligeant à recommencer l’adjudication, — il est probable que l’ancien fermier continuait à percevoir pour le compte du nouveau[40]. D’ailleurs, comme il a été dit plus haut, la ferme restait souvent dans les mêmes mains, et il n’y avait de changé, s’il y avait lieu, que les tarifs.

Le personnel aux ordres d’un fermier se compose, en général, d’abord, des percepteurs proprement dits[41], dont les appointements étaient, au temps de Philadelphe, de 30 dr. d’argent par mois ; ensuite, de domestiques ou appariteurs, appointés à 20 dr. par mois ; de gardiens des quittances, à 15 dr., et, au besoin, d’auxiliaires ou secrétaires particuliers[42]. Enfin, le fermier avait un chef de bureau ou inspecteur, qui touchait 100 dr. par mois, et un contrôleur, sorte de surveillant imposé sans doute par l’État aux fermiers comme à ses propres agents, le contreseing de l’άντιγραφεύς étant obligatoire pour les actes importants[43]. Il va sans dire que les percepteurs étaient tenus de délivrer aux contribuables des quittances en bonne forme[44].

L’argent perçu ne faisait que passer par les mains des employés du fermier : celui-ci était obligé de le déposer par versements mensuels[45] aux banques royales, qui lui en donnaient quittance[46]. Pour les impôts perçus en nature, comme la perception n’avait lieu qu’en certaines saisons et dans un laps de temps assez court, les denrées acheminées sur les magasins royaux étaient portées en compte, jour par jour[47], par les σιτολόγοι et οίνολόγοι. Le bilan était ainsi constamment à jour.

Le système de la ferme comporte nécessairement pour le fermier des chances de gain ou de perte : il n’a même été imaginé que pour mettre les recettes du Trésor à l’abri de ces fluctuations aléatoires. On a vu plus haut par quel luxe de précautions l’État assurait le solde intégral de sa créance. Le règlement de comptes définitif pour l’année écoulée devait être fait avant le 10 Thoth de la nouvelle année, et, en cas de déficit, l’État avait trois mois pour saisir et confisquer les gages surabondants dont il était muni. Comme compensation aux risques encourus, les fermiers avaient droit, leur dette une fois payée, aux bénéfices constatés par leur bilan en fin d’année, bénéfices partagés entre les membres de la société, au prorata de leur mise, et, en outre, à une gratification personnelle de 5 ou même 10 % du prix d’adjudication[48].

Nous n’avons pas de renseignements particuliers sur le système de la ferme appliqué au budget des dépenses, autrement dit, sur l’adjudication de travaux publics à exécuter par des entrepreneurs. Ce que nous savons de la corvée donne à penser que l’État seul était en mesure d’exiger l’obéissance des travailleurs ainsi recrutés et n’entendait pas remettre ce pouvoir de coercition aux mains d’un fermier qui n’aurait pu l’exercer sans son assistance. Il en était de même, et à plus forte raison, des travaux de mines, exécutés par la main-d’œuvre des forçats. On peut donc tenir pour certain que, d’une façon générale, les travaux publics exécutés par des corvéables ou par la main-d’œuvre pénale étaient mis en régie, et que contremaîtres, vérificateurs et tâcherons, étaient directement au service de l’État. Mais, comme on l’a vu, les corvéables pouvaient se racheter par des taxes substituées aux prestations, et d’ailleurs il restait encore nombre de travaux, exigeant moins de forces et plus d’intelligence, que l’État trouvait avantage à confier à des entrepreneurs employant la main-d’œuvre libre.

Les momies de Gourob nous ont rendu un certain nombre de papiers provenant des bureaux de l’ingénieur Cléon, qui paraît avoir été directeur des travaux du nome Arsinoïte durant quelques années au temps de Philadelphe, et d’autres fragments de la correspondance de l’ingénieur Théodore, probablement successeur de Cléon. Ce sont des pièces comme on en trouverait par centaines dans les bureaux de nos ingénieurs des ponts et chaussées : indications de travaux urgents à faire aux canaux, digues et bâtiments ; de vannes à ouvrir ou fermer ; de mesures à prendre pour obvier à diverses dégradations ; mandats à ordonnancer, doléances d’ouvriers libres qu’on oublie de payer, etc. Dans le nombre, il en est qui font allusion à des entreprises à mettre en adjudication, pour alléger le roi, autrement dit, pour diminuer la dépense incombant au Trésor en adjugeant les travaux au rabais[49]. Nous n’avons pas, bien entendu, les règlements sur la matière : mais les textes parlent d’entrepreneurs associés et d’engagements avec cautions exigés d’eux comme condition préalable, avant qu’ils puissent toucher les mandats délivrés par le Trésor[50].

 

§ II. — SYSTÈME DE LA RÉGIE.

Le système de la perception directe n’était appliqué qu’à défaut du précédent, lorsque l’intermédiaire des traitants eût été onéreux sans être utile. On a même pu dire qu’il était tombé en désuétude à l’époque ptolémaïque et n’a été remis en vigueur que par les Romains[51]. Cela est vrai en ce sens — mais en ce sens seulement — que les cultivateurs du domaine royal sont aussi des fermiers, lesquels avaient, dans chaque village, loué leur lot aux autorités locales[52]. Mais c’est aussi à ces fonctionnaires qu’ils versaient le montant de leur redevance, et c’est un abus de langage que de faire rentrer ce mode de perception dans le système de la ferme. Les papyrus de Tebtynis nous ont rendu quantité de rapports officiels, inventaires de récoltes, listes de redevances avec mention des à-compte payés, etc., rédigés par le comogrammate de Kerkéosiris, sans qu’il soit fait nulle part mention de traitants interposés.

Au surplus, la location des terres domaniales ou des biens de mainmorte appartenant aux temples n’a de commun que la forme avec l’adjudication annuelle des fermes d’impôts. Une partie du domaine royal était louée à bail emphytéotique à des particuliers aisés qui pouvaient fournir caution et qui, dès lors, considéraient cette tenure héréditaire comme leur patrimoine[53]. Ces quasi-propriétaires n’étaient probablement pas le plus grand nombre, et, en général, les baux à longue échéance n’étaient guère employés que pour les terrains nus, sur lesquels les locataires ne pouvaient évidemment construire ou planter sans être garantis contre une éviction prochaine. Il n’en allait pas de même des terres arables, dont l’État entendait estimer chaque année le revenu et régler l’assolement. Les baux à court terme et renouvelables étaient mis en adjudication au plus offrant, et on retrouve là, sauf peut-être en ce qui concerne les cautions[54], les formalités usuelles, notamment des offres préalables. Il arrivait que des terrains dépréciés par manque ou excès d’irrigation se louaient à des prix inférieurs au taux du précédent bail, ou même ne trouvaient pas preneur et étaient déclassés, mis έν ύπολόγω, à moins que l’on n’en fît des κλήροι pour catœques, ou que l’administrateur local, voulant faire parade de zèle, ne les prît à son compte[55].

Un rapport entre autres, daté de l’an 118/7 a. Chr. et déjà utilisé plus haut[56], nous met au courant des fluctuations, parfois considérables, de la rente domaniale. Tel lot fournissant précédemment une redevance de près de 100 artabes est détaxé de moitié ; tel autre, après avoir été loué au tarif de 1 ½ artabe par aroure, a été reloué pour dix ans à ½ artabe par aroure, après quoi le tarif a été relevé à 1 artabe. En revanche, il arrivait que des terres louées à un bon marché relatif étaient sous-louées avec bénéfice : en ce cas, le fisc haussait ses exigences à la prochaine adjudication, mais c’était là le cas le plus rare à l’époque. Parfois le ministre des finances ou diœcète, inquiet du fléchissement de la rente et soupçonnant peut-être quelque connivence entre ses subordonnés et les cultivateurs, révoquait les concessions faites et donnait ordre de reprendre les anciens tarifs ; mais, personne ne couvrant la mise à prix, l’adjudication ne pouvait avoir lieu et le fisc en était réduit à laisser cultiver sans bail, taxant seulement la récolte en proportion de sa valeur. En général, l’administration évitait de recourir à la contrainte, qui eût aggravé le mal en provoquant l’exode des fellahs. Les baux réguliers étaient transmis aux fonctionnaires spécialement chargés de tenir le cadastre au courant, le topogrammate et le basilicogrammate. De même, toutes les modifications apportées à la distribution des terres par jonction, séparation, aliénation de lots immobiliers.

On peut donc affirmer que nul traitant ne s’interposait entre le Domaine et ses locataires : l’έκφόριον était taxé et perçu par les fonctionnaires royaux. L’impôt foncier, établi d’après les mêmes données que la rente domaniale, c’est-à-dire proportionnellement aux surfaces et au revenu présumé de la terre, et soumis aux mêmes fluctuations, était perçu par les mêmes moyens[57]. Mais l’impôt foncier est si difficile à reconnaître sous ses divers déguisements et nous sommes si mal renseignés sur la question, qu’on ne saurait préciser davantage pour le moment.

En dehors de l’administration des domaines de la couronne ou des biens du clergé et de l’impôt foncier, le système de la perception directe n’était employé que dans des cas exceptionnels quoique prévus, et pour suppléer à l’insuffisance de l’autorité conférée aux traitants des fermes générales, ou pour protéger contre eux le contribuable. Nous avons relaté, à l’occasion, un certain nombre de ces cas. L’économe royal intervient toujours et s’attribue la perception quand il y a contestation entre le contribuable et le fermier[58]. C’est toujours lui aussi qui perçoit le montant des amendes, soit pour le compte du fermier, si l’amende est au bénéfice de la ferme, soit pour le compte du Trésor, si elle frappe le fermier lui-même. Enfin, c’est l’État qui se charge de percevoir, aux lieux et place des fermiers, les arriérés d’impôts ou les reliquats d’amendes, désormais exigibles en argent. Il y emploie ses πράκτορες, espèce d’huissiers auxquels l’économe délègue ses pouvoirs et qui ont le droit de saisir les biens ou la personne des débiteurs de l’État[59]. L’économe avait, du reste, intérêt à stimuler leur zèle, car il était, en certains cas tout au moins, personnellement responsable du déficit, et dans un délai très court[60]. Pour la saisie et mise en vente des gages hypothéqués lors de l’adjudication de fermes générales, il avait un délai de trois mois à partir de la fin de l’exercice en déficit[61].

 

§ III. — LES BANQUES ET MAGASINS ROYAUX.

Quel que soit le mode de perception, ferme ou régie, les règles de comptabilité étaient les mêmes, c’est-à-dire que les percepteurs devaient verser l’argent dans les banques royales et les contributions en nature dans les magasins royaux.

La Banque royale est un rouage essentiel de l’administration financière en Égypte. Elle est instrument de contrôle et d’enregistrement, en même temps que le réservoir où afflue par les recettes, d’où reflue par la voie des dépenses, l’argent de l’État. La banque royale, au sens abstrait du mot, se compose d’une multitude de banques particulières, disséminées dans le pays, jusque dans les villages[62], et reliées entre elles, les banques communales à la banque du chef-lieu ou métropole du nome, celle-ci à la banque ou caisse centrale d’Alexandrie, directement ou par l’intermédiaire d’une banque rayonnant sur un groupe de nomes[63]. C’est dans ce réseau continu que circule le numéraire mis à la disposition du gouvernement. Il est depuis longtemps reconnu que les banques n’étaient pas des bureaux de perception, mais des caisses où les fermiers et les agents de la régie venaient verser les sommes perçues par eux sur les contribuables ou faisaient verser à leur compte par les contribuables le montant des sommes inscrites sur un bordereau portant leur signature. Non seulement les banques étaient chargées de payer les dépenses ordonnancées par le gouvernement, mais on est fondé à croire qu’elles étaient autorisées à faire fructifier leurs capitaux en faisant des avances d’argent à des particuliers, ce qui est la fonction propre des banques modernes[64].

Ainsi, comme caisse de recettes, une banque royale recueillait tout le numéraire produit par la perception de l’impôt dans les limites de son ressort : ceci est surabondamment démontré par plus d’un millier de quittances. Comme trésorier-payeur, le trapézite soldait tous les mandats tirés sur sa caisse pour dépenses incombant à l’État dans le même ressort, traitements de fonctionnaires, salaires d’ouvriers, subventions au clergé, solde et entretien des troupes, etc. Les textes sont ici beaucoup plus rares, mais ceux que le hasard nous a conservés nous autorisent à convertir en règles générales les exemples dont ils apportent le témoignage[65].

L’État n’avait pas manqué d’imposer des règles de comptabilité propres à prévenir les détournements et fraudes quelconques. Nous ne connaissons d’assez près que les usages du siècle avant notre ère, et il est infiniment probable que ces règlements ont subi des retouches successives, en vue de multiplier les contrôles et de ne pas laisser passer par plusieurs mains l’argent acheminé vers la banque. Pour les recettes perçues en régie, le trapézite n’encaissait que sur bordereau libellé par l’économe ou tel autre fonctionnaire de rang égal ou supérieur, contresigné par son άντιγραφεύς et par un ou plusieurs de ses subordonnés, ceux sur le rapport desquels le mandat a été établi. C’est au contribuable que le trapézite donnait quittance du versement fait en numéraire argent ou cuivre, après avoir calculé, s’il y avait lieu, l’agio à prélever sur le cuivre.

Il est bon de citer au moins un de ces documents, où se trouvent réunis dans l’ordre habituel, inverse de l’ordre chronologique, les pièces comptables. Il s’agit d’une surcharge d’impôt avec amende édictée le 24 décembre de l’an 112 a. C., par l’Intendant des Revenus en personne, et payée d’urgence le 26 à la banque d’Hermonthis[66]. Les formalités ont été accomplies avec une rapidité exceptionnelle, tous les rapports étant datés du môme jour, et le cas est intéressant, parce que l’on y rencontre quantité de détails relatifs à l’administration du Domaine, et notamment que l’argent est versé au compte particulier du roi, dont nous aurons à nous occuper plus loin, au titre des amendes dont il a déjà été question plus haut.

L’an VI, Choiak 8, a été versé à la banque d’Hermonthis gérée par Dionysios, pour le compte particulier du roi, d’après l’ordre d’Hermias l’intendant des Revenus et de Phibis le basilicogrammate, dont la copie est ci-jointe, par Senpoéris fille d’Onnophris, pour surtaxe sur une palmeraie de 2 coudées, 1200 dr. de cuivre et, pour frais, 180 dr. — Dionysios banquier.

Hermias à Dionysios, salut. — Dès notre arrivée dans le nome Pathyrite, nous avons envoyé nos agents dans les toparchies pour veiller à la rentrée des créances concernant la rente en nature et le revenu en argent, et, comme ils procédaient au recouvrement dans les Memnonia, il leur fut signalé que certains lieux avaient été enclos pour plant de palmiers. Je fis venir alors Totoès le comogrammate et nous allâmes au terrain de Senpoéris fille d’Onnophris, lequel, mesuré par nous, dépassait 2 coudées. Nous fîmes venir la susdite et, grâce à la contrainte employée au sujet de l’amende convenable, étant donné que le terrain avait été pris sur sol inculte, le taux fut fixé à 10 talents (l’aroure), soit au total 1200 dr. de cuivre, ce que celle-ci accepta. En conséquence, vu le sous-seing de Phibis le basilicogrammate et le rapport signé du topogrammate constatant les mesures et aboutissants et certifiant qu’il n’y a aucune omission, veuillez encaisser à la banque d’Hermonthis la somme de 1200 dr. de cuivre pour argent et la porter aux recettes pour amendes, avec celles que nous avons fait rentrer comme il convient ; moyennant quoi la personne aura le terrain à fin de plant[67] pour palmiers et n’aura aucune contestation avec nous sur n’importe quel point. Percevez aussi les frais d’usage au double et autres suppléments, s’il y a lieu. — Portez-vous bien. An VI, Choiak 6. — Recevez 1200 dr. de cuivre pour argent et suppléments y afférents.

Phibis. Si le topogrammate certifie sous sa signature que tout est ainsi, que rien n’a été omis, et joint les mesures et les attenants, recevez douze cents dr. de cuivre pour argent : ci, 1200, et autres frais accessoires. An VI, Choiak 6.

Pamonthès. Recevez de Senpoéris, pour estimation des lieux susdits, douze cents dr. de cuivre pour argent : ci, 1200, et les autres frais d’usage. Les attenants sont, d’après le rapport de Totoès le comogrammate : au midi, la maison de Senpoéris elle-même ; au nord, l’esplanade du corps de garde ; au levant, la maison de Ha[....]s ; au couchant, un sentier. An VI, Choiak 6.

Pour les sommes perçues en banque sous le régime de la ferme, vu la défiance qu’inspirait le traitant interposé entre le contribuable et le Trésor, les règlements ont dû être plus compliqués dès l’origine et plus souvent retouchés. Le régime le plus simple était de laisser le fermier percevoir les taxes, dont il apportait ensuite le montant par versements successifs à la banque. Ou rencontre, en effet, un certain nombre de quittances délivrées par les fermiers aux contribuables[68], et un nombre beaucoup plus grand de quittances officielles délivrées par les banquiers aux fermiers[69]. Mais pour que le contrôle fût possible avec ce système, il fallait que le fermier détaillât dans le bordereau présenté à la banque les sommes perçues par lui sur chaque contribuable et la nature de la taxe payée. Avec un contrôle sérieux, les traitants n’avaient plus intérêt à percevoir eux-mêmes le montant des taxes ; ils pouvaient se dispenser d’avoir des caissiers à. eux et de les surveiller en adressant directement les contribuables à la banque, où ils avaient leur compte courant et où s’établissait leur bilan à la fin de chaque mois. Aussi, les quittances délivrées par la banque aux contribuables munis d’un bordereau individuel se multiplient dès le Ille siècle. Mais, de cette façon, le fermier n’était plus garanti contre les négligences possibles de la banque par les quittances restées aux mains des contribuables. C’est à cet inconvénient que remédiait un troisième système, qui est peut-être le plus ancien des trois : le versement fait, au nom du contribuable nommément désigné, par le fermier ou un de ses employés également nommé sur la quittance qui lui était remise. Par exemple, — un exemple qui date du IIIe siècle a. C., — πέπτωκεν άλικής διά Πτολεμαίου Τιτοίς Άρπαίσιος (4 ob. ½)[70]. En somme, ces divers modes paraissent avoir été pratiqués concurremment au gré des intéressés : la banque ne courait aucun risque en aucun cas. Elle ne craignait pas la multiplicité des écritures et ouvrait complaisamment ses guichets pour des versements de quelques oboles, en échange desquelles elle remettait un reçu sur tesson donnant décharge soit au collecteur, soit au contribuable, mais toujours sur ordre et au compte du fermier. Régulièrement les bordereaux apportés à la banque devaient porter, outre la signature du fermier, le contreseing d’un άντιγραφεύς[71], et les quittances signées du banquier ou d’un de ses scribes devaient être contresignées de même par un acolyte[72] ou assistant qui se déclarait témoin oculaire du versement : mais, pour les petites sommes, sans doute les fermiers et certainement les banquiers se dispensaient de la formalité de la double signature. On observait mieux les régiments pour les affaires plus importantes, surtout lorsque les acquits, comme dans l’exemple cité plus haut et dans les papyrus de Zoïs, sont joints à la διαγραφή qui motive le versement[73].

Pour les mandats à payer, les formalités étaient plus minutieuses encore. Les hauts fonctionnaires de l’administration des finances ne les ordonnançaient que sur le vu d’un compte détaillé des dépenses faites ou à faire, et le mandat était contresigné par les organes de transmission en suivant la voie hiérarchique. Le banquier payait alors contre reçu du créancier de l’État[74]. Les formalités étaient ici aussi minutieuses pour les petites sommes que pour les mandats importants. Le trapézite Apollonios ne verse les 7.020 dr. de cuivre allouées au T. d’Amon à Thèbes en mai 134 a. C. que sur ordonnance du diœcète, contresignée par le basilicogrammate Héliodore et l’acolyte Hippalos[75]. Un autre papyrus de Thébaïde nous a conservé un ordre de payer également transmis à la banque par la voie hiérarchique. Il s’agit de soldes et rations à fournir aux équipages de deux bateaux chargés par le diœcète de convoyer du blé. Le diœcète Ptolémée écrit à l’hypodiœcète Hermonax, à la date du 24 Choiak an IX (10 janv. 108), d’ordonnancer pour les équipages un salaire mensuel de 8 talents 3.000 dr. de cuivre et 25 artabes de blé. Hermonax, sans se presser, adresse la pièce à Hermias, que nous supposerons être le stratège, à la date du 5 Pharmouthi (21 avril), l’invitant à ordonnancer, pour quatre mois de salaires, des mandats de 34 talents et 100 artabes de blé à verser, contre reçu en bonne forme, par les trésoriers de Latopolis. Hermias fait contresigner le mandat de 34 talents par le basilicogrammate Phibis, à la date du 16 Pachon (1er juin) et l’adresse le même jour non pas à la banque de Latopolis, mais à celle de Pathyris, sans doute parce que les bateaux se trouvaient alors dans ces parages, en recommandant bien, lui aussi, au banquier (?) Démétrios d’avoir les pièces comptables en règle[76]. Recettes et dépenses devaient être inscrites jour par jour dans le grand-livre ou journal et le bilan relevé tous les mois pour être soumis au contrôle des autorités compétentes[77].

On a vu plus haut que, suivant l’opinion de Wilcken, les trapézites royaux étaient non pas des traitants, mais des fonctionnaires. Il me parait plus exact de dire qu’ils étaient à la fois l’un et l’autre[78]. Il est évident, en effet, que l’État devait prendre avec eux des sûretés et exiger un cautionnement quelconque. On voit, par la circulaire que représente le papyrus 62 du Louvre, quel rôle capital jouait la banque dans la procédure des adjudications et quelle responsabilité encouraient les banquiers qui auraient laissé se glisser des irrégularités dans leurs pièces comptables. Cette responsabilité suppose que l’État ne les nommait pas sans garanties pécuniaires. En tout cas, ce n’est pas en raison de leurs capacités qu’ils étaient choisis, s’il est vrai que le trapézite Diodolos, par exemple, dont la signature est représentée par trois croix au bas des reçus, ne savait pas écrire[79]. Enfin, il parait bien que le trapézite en titre avait non seulement un chef de bureau et des scribes, mais des associés ou fondés de pouvoirs, qui accolaient parfois leurs signatures à la sienne[80] et partageaient, par conséquent, sa responsabilité. Ainsi s’atténue et disparaît presque la distinction proposée plus haut entre les banques royales et les banques affermées ou plutôt patentées. Les unes et les autres devaient être, non pas des fermes soumises à l’adjudication annuelle, mais des offices achetés dans des conditions analogues, et pour un laps de temps plus long ou indéfini[81].

Les magasins royaux, destinés à recevoir les contributions en nature, étaient gérés de la même façon que les banques et avaient aussi une double comptabilité pour les recettes et pour les dépenses, comptabilité soumise au même contrôle[82]. En fait, le régime de la perception en nature ayant été pratiqué des siècles avant l’autre, c’est la comptabilité des magasins qui avait servi de modèle à celle, plus simple, des banques.

Un Trésor[83] comprenait des réceptacles appropriés pour chaque espèce de fourniture, des greniers et des silos pour les céréales, des celliers pour le vin dans les régions à vignobles, et probablement, comme nous le verrons, un dépôt annexe pour la menue paille. La manutention des céréales était le service de beaucoup le plus important ou même le seul dans la plupart des établissements, et l’on s’en aperçoit au titre que portent les administrateurs en chef. Le rôle de trésorier receveur et payeur, en tout comparable à celui du trapézite, y était tenu par un ou plusieurs σιτολόγοι, agents commissionnés par l’État[84]. Ce ne sont pas, comme l’a pu faire croire l’étymologie, des percepteurs, ayant uniquement pour mission de lever les contributions en nature[85], mais des gérants qui s’acquittent d’une tâche plus compliquée en écoulant les produits emmagasinés par diverses voies, suivant les destinations indiquées par l’administration supérieure. Comme receveurs, les sitologues avaient à recevoir et enregistrer les denrées fournies par le contribuable. C’étaient les autorités des bourgs qui étaient chargées de la perception proprement dite, y compris le recouvrement des arriérés[86], qui était une véritable corvée. La part de l’État était faite et mesurée sur place, sur les aires mêmes où avait lieu le battage des récoltes, étroitement surveillé par des γενηματοφύλακες assermentés. Le cultivateur n’en pouvait rien emporter avant que le comogrammate, assisté du comarque et de gardes prêts à manier au besoin la courbache, n’eût prélevé le nombre d’artabes prévu par ses calculs et porté sur son registre, soit pour la rente seule, soit avec un surcroît pour remboursement des avances faites au moment des semailles[87]. Le transport même de la part de l’État aux greniers royaux était à la charge du contribuable[88]. A l’entrée des magasins, les sitologues procédaient à un nouveau mesurage pour vérifier celui qui avait été fait sur place et prévenir les détournements en cours de route ; après quoi ils prenaient livraison et délivraient aux intéressés des quittances contresignées par leurs άντιγραφεΐς. Le contrôle des sitologues était une garantie pour l’État, mais non pour les contribuables qui, là encore, en dépit des doubles signatures, pouvaient avoir affaire à de malhonnêtes gens[89].

Les sitologues avaient des attributions analogues de tout point à celles des trapézites et étaient soumis aux mêmes règles de comptabilité. Ils devaient adresser au basilicogrammate de la région des rapports mensuels dans lesquels ils mentionnaient ce qui avait été versé et ce qui restait dû par les contribuables, en spécifiant les diverses espèces de recettes, impôts, loyers des terres domaniales, restitutions de prêts, frais de perception[90]. Comme payeurs, ils portaient au chapitre des dépenses les rations qu’ils avaient dû fournir sur mandat soit adressé à eux directement, soit transmis par l’intermédiaire d’un banquier[91]. Enfin, ils devaient, suivant les ordres reçus, soit expédier les denrées emmagasinées aux destinations requises, soit les mettre en vente[92].

Là se bornaient les opérations faites pour le compte de l’État : mais les sitologues, comme les banquiers, spéculaient pour leur propre compte. Peu de particuliers étaient assez riches pour avoir des magasins à eux. Les sitologues pouvaient entreposer leur récolte et même se charger de tenir leur comptabilité, d’encaisser et de payer en leur nom. Ainsi l’on voit, au premier siècle avant notre ère, le sitologue Ptolémée, sur ordre de Ptolémée, greffier des cultivateurs, verser au propriétaire d’un κλήρος la rente que lui doit son locataire. Ici, le sitologue a pris soin d’écrire au dos : en grain non criblé[93]. De même, des sitologues font des paiements sur ordre d’un greffier des cultivateurs et d’un greffier des éleveurs[94]. Ils pouvaient aussi consentir des prêts, soit comme agents du Trésor, soit sous leur propre responsabilité et à leur bénéfice[95].

Le rôle des sitologues se restreignit à mesure que s’amplifiait le rôle complémentaire des banquiers. Le système de la perception en nature, hérité des Pharaons, fut peu à peu remplacé par le régime plus commode de la perception en argent. Il ne fut guère conservé, en dehors du domaine royal, que pour l’impôt foncier ou plutôt pour une partie de l’impôt foncier, et il ne fut remis en pleine vigueur que sous le Bas-Empire, au temps où les empereurs l’appliquaient partout. La sitologie, à laquelle l’annona romaine avait donné une importance spéciale, devint une corvée gratuite imposée, comme aussi la πρακτορία, aux décurions[96]. Au fond, le changement, par comparaison avec le régime ptolémaïque, était moins grand qu’on ne l’a dit : la responsabilité des autorités locales était seulement accrue de celle qui incombait jadis aux sitologues fonctionnaires.

Nous sommes mal renseignés ou pas du tout sur les dépôts annexés aux magasins des céréales et placés sans doute sous la gérance directe ou la surveillance des sitologues. Des celliers pour le vin, que le papyrus des Revenus met à la disposition de l’économe, nous n’avons rien à dire, sinon que les sitologues, subordonnés de l’économe σιτικών, étaient qualifiés pour en assumer la gestion. Il est bien question d’οίνολογία dans un reçu d’un magasin de Thèbes, mais le signataire Hermias ne dit pas s’il est σιτολόγος ou peut-être οίνολόγος[97]. En revanche, on rencontre des fonctionnaires spéciaux pour la manutention de la menue paille ou balle, dont le vannage opéré sur les aires devait produire des quantités et qui était réquisitionnée, au besoin, à titre d’impôt, pour la fabrication des briques et le chauffage d’établissements publics, notamment des bains pour militaires. On l’amenait par charges (άγωγαί) είς τό βασιλικόν. Ce service était assez important pour avoir ses dépôts et ses employés spéciaux, άχυροπράκτορες, παραλήμται άχύρου, άχυράριοι, titres qu’ils portent sur les quittances de l’époque romaine, alors que la perception était mise en régie. Sous les Ptolémées, cet impôt devait être affermé comme les autres. On lit sur des quittances de cette époque : a livré un tel et ses associés[98].

Tout ce qui n’était pas consommé ou réservé pour semence ou vendu et converti en argent sur place, s’il s’agit des denrées ; l’excédent des recettes sur les dépenses, s’il s’agit d’impôt perçu en argent ; était acheminé sur Alexandrie et mis à la disposition du roi[99].

L’idée de distinguer dans le roi le chef de l’État, impersonnel comme sa fonction, et la personne du roi, entre son intérêt comme individu ou comme père de famille et celui de l’État, et conséquemment de faire dans les revenus dont la totalité était à sa disposition comme souverain une part qui fût sa propriété particulière, cette idée n’est pas de celles qui naissent d’elles-mêmes dans une monarchie despotique et héréditaire. Elle emporte une sorte de déchéance du pouvoir souverain, limité par la résistance de l’intérêt général qui, à un moment et pour des raisons quelconques, a pris conscience de lui-même et s’est senti opposé à l’arbitraire royal. Nous ignorons à quelle époque il fut institué une gérance particulière pour la cassette royale, qui formait dans le Trésor comme un compartiment à part, placé sous une direction autonome, distincte de l’administration générale[100]. On savait que l'ΐδιος λόγος existait sous les Romains[101] et on se doutait bien qu’ils n’avaient fait que conserver une institution antérieure ; mais l’existence de cette cassette particulière sous les Ptolémées n’est connue que depuis peu et par des documents qui ne remontent pas au-delà du règne de Philométor[102].

Comme on vient de le dire, les rois absolus n’échangent pas spontanément contre une liste civile leur droit de disposer de tout le produit. Aussi est-il probable que la distinction entre les fonds de l’État et ceux de la cassette royale ne s’est pas faite tout d’un coup. La question s’est posée tout d’abord à propos de l’entretien de la famille royale. Les premiers Ptolémées y avaient pourvu à leur gré, soit par des revenus assignés sur le Trésor, soit par des donations[103]. On a vu plus haut que, sous le règne d’Épiphane, des portions du domaine royal ont été mise à part comme revenu des enfants du roi, et que ces apanages reparaissent plus tard, dans les papyrus de Tebtunis, sous la rubrique κεχωρισμένη πρόσοδος. Ce revenu séparé a déjà, non seulement une comptabilité distincte, mais des administrateurs ou préposés spéciaux, qui relèvent probablement d’un οίκονόμος τοΰ βασιλεως[104].

Il restait peu à faire pour transformer la caisse des apanages en cassette royale. Il suffisait d’y inclure les revenus destinés à pourvoir aux dépenses du roi lui-même, considéré non plus comme souverain, mais comme fonctionnaire privilégié de l’État. Le besoin de limiter ces dépenses dut paraître urgent lorsque fut inauguré, par accommodement entre Philométor et Évergète II, le régime de la royauté en partie double ou triple, avec pouvoir indivis et compétence égale. Au cours de cette paix fourrée, sans cesse rompue par des expulsions et des restaurations alternantes, le Trésor risquait d’être dilapidé par chacun des maîtres du moment au profit d’ambitions rivales qui, au lendemain de transactions précaires, se préparaient encore à la lutte. C’est, ce semble, durant ces discordes intestines, passées plus tard en habitude, que les Alexandrins, devenus par la force des choses et souvent par l’émeute arbitres du conflit, ont pu imposer aux rois une liste civile et les dessaisir de la libre disposition du Trésor tout entier.

La cassette royale n’était pas remplie par un prélèvement fait sur les recettes de la Trésorerie, mais, comme autrefois la κεχωρισμένη πρόσοδος, par les revenus d’un domaine détaché du Domaine royal, revenus perçus à part dans les banques et probablement accrus, de temps à autre par les déshérences et les confiscations[105]. Il n’est pas sûr que la création de l'ΐδιος λόγος ait été favorable aux finances publiques. Nous verrons que, sous Ptolémée Aulète, la moitié peut-être des revenus de l’Égypte allait s’engouffrer dans la caisse où puisaient alors tant de mains[106].

 

§ IV. — LA HIÉRARCHIE ADMINISTRATIVE.

Nous pouvons maintenant essayer de reconstituer la hiérarchie des fonctionnaires qui consacraient tout ou partie de leur activité à l’administration des finances. L’exposé à chance d’être plus clair en commençant par le sommet et suivant le fractionnement des compétences dans l’ordre descendant.

Le chef suprême de la hiérarchie ou ministre des finances était le diœcète résidant à Alexandrie[107]. On se heurte ici, dès le début, à une question longtemps débattue et qui s’achemine, à l’aide des documents nouveaux, vers une solution définitive. On rencontre si souvent dans les papyrus des ordonnances de diœcète réglant des affaires d’infime détail[108], que, en vertu du principe de minimis non curat prætor, il semblait nécessaire d’admettre l’existence de diœcètes provinciaux, représentants directs du ministre alexandrin[109]. L’objection est de peu de valeur en elle-même, et elle se trouve comme réfutée par le papyrus des Revenus, ordonnance royale rédigée et corrigée par le diœcète, qui entre dans les derniers détails sur la procédure des adjudications, le mode de perception des taxes et des amendes et la tenue de la comptabilité. On peut faire observer, par contre, qu’admettre — comme le fait Wilcken — un diœcète par nome oblige à multiplier dans la même proportion les subordonnés immédiats du diœcète, l'ύποδιοικητής et l'έκλογιστής[110], et que vraiment, sous prétexte de décharger l’administration centrale, on encombre l’administration locale de fonctionnaires faisant double emploi avec ceux dont nous parlerons tout à l’heure. Dans l’affaire dite des Jumelles, les pétitions parties du Sérapéum de Memphis reviennent du roi à l’hypodiœcète sans passer par un diœcète provincial. De même, dans un papyrus connu depuis, un ordre du diœcète central est adressé directement à l’hypodiœcète[111]. Cicéron, à coup sûr, ne se doutait pas qu’il pût y avoir en Égypte plus d’un diœcète ; il sait que son client Rabirius, une fois pourvu de ce titre, régissait toute l’administration royale en matière de finances[112]. Enfin, il est véritablement inexplicable que, sur une vingtaine de diœcètes connus, aucun ne soit qualifié autrement que diœcète tout court, sans mention aucune de nome ou ressort quelconque.

La compétence du diœcète, émanation directe de l’autorité royale, était comme illimitée. Il réglait par ses ordonnances toute la matière fiscale, recettes et dépenses, en Égypte et dans les possessions coloniales ; il nommait, surveillait, frappait de peines disciplinaires pour négligence ou malversations, révoquait au besoin tous les fonctionnaires de l’ordre financier, c’est-à-dire la majeure partie des fonctionnaires[113]. C’est comme diœcète que, au début du règne de Ptolémée V Épiphane, Tlépolème avait exercé une véritable régence[114]. Les nominations faites par le diœcète étaient libellées en forme solennelle et notifiées à tous les fonctionnaires de l’ordre intéressé. Celle du sous-ingénieur Théodore, auxiliaire de l’ingénieur Cléon et préposé au service des irrigations, est adressée aux économes, nomarques, basilicogrammates, phylacites à (ayant autorité sur ?) 10.000 aroures, comarques et comogrammates[115].

Les bureaux du diœcète, substitut permanent du roi, étant le centre de l’administration tout entière, devaient s’encombrer par reflux de tous les dossiers concernant les questions contentieuses qui n’étaient pas tranchées sur place par les fonctionnaires inférieurs, pétitions et rapports de toute sorte. Aussi un fragment très mutilé et sans date d’une circulaire que je suppose émanée du diœcète recommande aux scribes des divers bureaux de ne pas envoyer au roi de longues épîtres, ni à tout propos, mais sur les choses nécessaires et urgentes et le plus brièvement possible, en expliquant les objections qui méritent créance : car tu sais toi-même, ajoute la circulaire, qu’on nous apporte quantité d’assertions absurdes et mensongères[116]. Pour les nominations de fonctionnaires, le diœcète est censé les avoir toutes connues et approuvées. Un rapport sévère sur des abus à réprimer constate que les délinquants sont des individus qui, pour la plupart, se sont installés dans leur office άνευ διοικητικών χρηματισμών et dont certains ont usurpé les fonctions d’économe, toparque, sitologue, comarque, épistate, ou les ont déléguées à leurs fils ou ont élargi indûment leur ressort[117].

Au-dessous du diœcète, la hiérarchie se complique avec le temps. L’édit de Philadelphe connu sous le nom de Papyrus des Revenus, énumérant les fonctionnaires auxquels il est adressé, ne signale dans l’ordre financier que les administrateurs du Domaine, nomarques et toparques, et les agents du fisc, économes, contrôleurs, avec les basilicogrammates[118]. Le roi a pu oublier des fonctionnaires subalternes, mais non pas des diœcètes et hypodiœcètes de nomes. Il est naturel que l’édit lancé par l’administration centrale n’ait pas compris dans ces adresses ses propres rédacteurs, c’est-à-dire le diœcète lui-même et son auxiliaire, le chef de la comptabilité. Ce fonctionnaire de haut rang[119], connu depuis longtemps par d’autres documents, est nommé dans le Papyrus des Revenus à côté du diœcète, le roi ordonnant aux économes d’envoyer à l’un et à l’autre, sous pli cacheté, copie des comptes mensuels arrêtés avec les fermiers[120]. Un autre passage, qui parle au pluriel des subordonnés du diœcète Satyros et de l’éclogiste Dionysodore, a donné occasion de soutenir qu’il s’agit ici de diœcètes et d’éclogistes provinciaux. On pourrait aussi bien en tirer la conclusion contraire, et, pour le diœcète, il n’y a pas lieu de revenir sur l’opinion exprimée plus haut. Mais il n’en va pas tout à fait de même pour l’éclogiste. Le texte se sert d’expressions très différentes pour désigner ceux qui fonctionnent près le diœcète, employés anonymes, et les éclogistes institués près ou par l’éclogiste Dionysodore[121]. Les premiers peuvent être les nombreux fonctionnaires qui, dans les nomes, relèvent du diœcète à un titre quelconque ; les autres ont le titre spécifique d’éclogistes. On pourrait soutenir que ces éclogistes sont les comptables employés dans les bureaux de l’éclogiste alexandrin ; mais il y a invraisemblance à admettre que les déclarations ne fussent recevables que dans les bureaux d’Alexandrie. Nous savons, d’autre part, qu’il y avait au Fayoum, au temps du premier Évergète, un λογιστήριον ; car Ammonios, un scribe de Phlyé près d’Oxyrhynchos, se plaint à son supérieur l’économe Phaiès d’avoir été insulté έν τώ λογιστηρίω, alors qu’il y allait rendre ses comptes[122]. Le même économe reçoit la plainte de χηνοβοσκοί royaux, exploités par un économe en voyage, sous prétexte de ξένια, lesquels demandent que leur requête soit renvoyée pour examen au λογιστήριον[123]. Évidemment, ils désirent que l’on consulte dans ce bureau les rôles de répartition de l’impôt et les registres de perception, comparaison d’où il résultera que les exigences de l’économe Ischyrias dépassent leurs obligations. La Cour des Comptes d’Alexandrie avait donc des succursales dans les nomes, où des éclogistes commissionnés par l’éclogiste alexandrin vérifiaient provisoirement les écritures.

Au siècle suivant, la hiérarchie s’est complétée et un effort a été fait pour spécialiser les compétences, jusque-là plus ou moins indivises et enchevêtrées. Le diœcète, dont la compétence est accrue d’une juridiction spéciale en matière de finances[124], a pour subordonnés immédiats des sous-diœcètes, qui paraissent avoir eu autorité chacun sur une circonscription comprenant souvent plusieurs nomes. Les fonctions de ces sous-diœcètes sont jusqu’ici assez mal connues et leur rang même dans la hiérarchie n’est pas assuré ; mais ils devaient être plus que des agents de transmission[125].

Le chef administratif du nome, le stratège, conserve théoriquement sa compétence financière, jointe à ses autres attributions : il est l’intermédiaire officiel entre les diverses administrations de son département et l’administration supérieure. Mais, en ce qui concerne les finances, il a comme chef de service et suppléant un Intendant des Revenus, auxiliaire dont il se passe quand il cumule les titres de stratège et d’intendant, comme il cumule parfois ceux de stratège et d’hypodiœcète[126]. L’intendant aussi peut être en même temps épistate ou sous-préfet du nome[127], ou épistolographe[128], etc. La distinction des offices, maintenue en théorie, pouvait être et était assez souvent annulée en fait[129].

C’est au-dessous des bureaux de l’Intendant que commence la division des pouvoirs. Les fonctions remplies autrefois dans chaque département par un économe unique — sauf dans le nome Arsinoïte[130] — sont réparties entre deux fonctionnaires de même nom, l’οίκονόμος άργυρικών, qui contrôle la perception des impôts payables en argent, et l’οίκονόμος σιτικών, chargé de surveiller la perception en nature. Celui-ci avait une tâche particulièrement ardue, car il devait s’occuper de tout ce qui peut influer sur la valeur des produits du sol, irrigation et entretien des canaux, rotation des cultures, ensemencement, surveillance des récoltes par les γενηματφύλαες ; contrôler le mesurage des grains et autres denrées dans les magasins royaux ; vérifier les comptes des dits établissements, etc. Pour l’administration du domaine royal, il semble avoir laissé peu de chose à faire aux nomarques, dont les fonctions, du reste, étaient le plus souvent absorbées dans la compétence des stratèges[131]. Il a sous ses ordres, comme administrateur du Domaine, les toparques et comarques ; comme responsable de la perception et de l’emploi des recettes en nature, les receveurs des Trésors, sitologues et œnologues. Son collègue, de même, dirigeait le personnel de la perception en argent, trapézites et exacteurs des arriérés[132]. On a vu, par ce qui a été dit des monopoles et de la procédure des adjudications, comment était partout requise l’intervention des économes. Le partage des compétences allégeait pour eux la tâche qui incombait autrefois à leurs prédécesseurs. La responsabilité des économes, mise en jeu à l’occasion, autorise à supposer qu’ils devaient fournir un cautionnement au Trésor[133].

Enfin, l’un et l’autre communiquaient, soit directement, soit par l’intermédiaire du scribe ou greffier royal, installé comme eux au chef-lieu du nome[134], avec le personnel des bureaux chargés de dresser les rôles de répartition et les rapports de statistique ; d’enregistrer les modifications et mutations dans les tenures et propriétés ; de proposer, suivant l’état des terrains, dégrèvements ou augmentations[135] ; en un mot, de tenir à jour le cadastre et de fournir tous les renseignements intéressant l’administration des finances. Le basilicogrammate, qui centralisait tous ces documents dans les archives du département, était de rang égal ou supérieur à celui des économes. Subordonné, comme eux, à l’Intendant des Revenus, il était le chef hiérarchique des topogrammates et comogrammates, qui contrôlaient et convertissaient en écritures tous les actes administratifs des toparques et comarques. C’est lui qui fournit à toute réquisition les détails précis, qui indique les règles à suivre, les solutions à adopter, bref, qui conserve, en même temps que les dossiers, les traditions et la jurisprudence administratives[136]. Enfin, comme il était dans les habitudes de l’administration égyptienne de mêler et surcharger les compétences, de façon que les fonctionnaires fussent perpétuellement contrôlés les uns par les autres et pussent, au besoin, être substitués les uns aux autres, les basilicogrammates contresignent aussi, comme on l’a vu plus haut, les mandats présentés aux banques.

Nous ne saurions dire, en l’état actuel de nos connaissances, quel rôle était dévolu et sous quelle direction étaient placés les fonctionnaires désignés sous le titre banal d’έπιμεληταί[137]. C’étaient, ce semble, des curateurs à tout faire, au service tantôt de l’économe pour procéder à des adjudications de fermes ou terres domaniales[138], tantôt du basilicogrammate pour recevoir et contrôler les déclarations minutieuses exigées des contribuables ; tantôt en tournée pour vérifier les écritures des bureaux de perception et d’enregistrement relevant soit des économes, soit du basilicogrammate. Comme il arrive souvent, même de nos jours, l’inspecteur en tournée trouvait prévenus ceux qu’il comptait surprendre. L’épistate de Kerkéosiris, Polémon, prévient son frère le comogrammate Menchès, à la date du 11 Payni, que l’épimélète arrivera le 15 à Bérénicis et passera le 16 à Kerkéosiris. Tâche, dit-il, de mettre en ordre tous les arrérages à valoir sur le bourg, afin que tu ne le retiennes pas longtemps et que tu évites par là de grosses dépenses[139].

Nous arrivons ainsi, en passant à côté du topogrammate, considéré comme un représentant local du basilicogrammate, à la cheville ouvrière de tout le système et spécialement de la régie directe, au comogrammate. Le hasard qui a fait parvenir jusqu’à nous les paperasses d’un comogrammate de Kerkéosiris a mis en lumière les multiples attributions de ce modeste fonctionnaire. Sa principale occupation était d’établir chaque année les Mes des contributions à percevoir sur ses administrés, en notant la contenance des lots affermés ou concédés par le Domaine, la nature des terrains, leurs assolements, les circonstances qui pouvaient les déclasser et faire varier les cotes fiscales ; de préciser dans le dernier détail la répartition nominative des fermages et taxes, de façon à parfaire ou à dépasser les sommes prévues par les projets budgétaires élaborés dans les bureaux d’Alexandrie. Muni de tous ces renseignements, il était le mieux placé pour faire ou contrôler dans son ressort les locations annuelles de terres domaniales. Il pouvait même, suivant une règle générale en matière de finances, être rendu responsable sur sa bourse des mécomptes survenus dans le rendement des impôts. En l’an 111 a. C., tous les comogrammates du nome Arsinoïte, à l’exception de treize qui en avaient appelé au diœcète, ont dû fournir à frais communs 1.500 artabes de blé[140]. En outre, comme, en Égypte, les fonctionnaires sont tout à tous, il n’a pas seulement à étudier et à transmettre, au besoin, à ses supérieurs les réclamations des contribuables qui se croient lésés ; il reçoit encore des plaintes et dénonciations de toute sorte, avec mission de saisir les autorités compétentes[141]. Enfin, les hauts fonctionnaires et les tribunaux peuvent à tout moment lui demander les renseignements intéressant les affaires les plus diverses[142], ou le mettre lui-même en jugement sur plainte de ses administrés[143]. La multiplicité de ses fonctions fait présumer qu’il avait, lui aussi, dans son bureau des employés subalternes, mais sans responsabilité personnelle et d’autant plus à l’aise pour intriguer avec ou contre leur chef. Nous avons atteint le niveau inférieur de la hiérarchie, le niveau au-dessous duquel il n’y a plus de fonctionnaires, mais des manœuvres du calame[144].

En somme, toute la machine administrative est montée de façon que ses divers organes, au risque de se gêner et de faire double emploi, collaborent et se surveillent réciproquement. Non seulement nous avons rencontré dans un même ressort deux séries parallèles et concurrentes d’administrateurs, — toparques et topogrammates, comarques et comogrammates, — mais les contribuables lésés par un fonctionnaire pouvaient avoir recours à l’ingérence d’un collègue de compétence identique. Dans un cas déjà cité, deux χηνοβοσκοί royaux portent plainte contre l’économe Ischyrias auprès de l’économe Phaiès et lui demandent non pas, il est vrai, d’interposer son autorité, nuis de saisir de l’affaire la Cour des comptes. Par contre, le moyen employé pour diminuer la pléthore des fonctionnaires sans simplifier le mécanisme, c’est-à-dire le cumul des offices, annulait les avantages du système en laissant subsister ses inconvénients[145].

Mais les précautions les mieux calculées, les serments[146], les contrôles superposés ou juxtaposés, ne peuvent suppléer à l’honnêteté des agents, contrôleurs et contrôlés. Dépositaires d’une autorité despotique, qu’ils exerçaient sur une plèbe servile, courbée sous le bâton[147], ceux-ci ne pouvaient résister indéfiniment à la tentation d’en abuser. Les fonctionnaires, qui achetaient leur nomination par des pots-de-vin ou présents obligatoires, récupéraient leurs déboursés par des exactions. Ils trouvaient naturel de faire cultiver les terres dont le revenu leur servait de traitement par des corvéables, de troquer des terrains maigres qui se trouvaient dans leur lot contre de meilleurs, par échange forcé[148]. Ils majoraient les taxes ou en levaient qui n’étaient pas dues. On voit le topogrammate Marrès se livrer à un véritable brigandage à main armée dans le bourg de Kerkéosiris, si bien que comarque et habitants se sont réfugiés dans les environs et n’osent plus revenir[149]. Nous connaissons ces abus par les plaintes des intéressés et surtout par les ordonnances rendues pour les réprimer. Nous en avons qui datent des temps les plus reculés, attestant que les mêmes causes produisent en tout temps les mêmes effets[150]. Celles de Philométor et d’Évergète II notamment signalent une lamentable série de méfaits des dépositaires de l’autorité[151]. Elles témoignent de louables intentions, mais elles font penser aux menaces perpétuellement répétées que prodigua la chancellerie du Bas-Empire romain : elles ne firent guère que pallier un instant un mal chronique, inhérent au caractère national. La collaboration de fonctionnaires à compétence mixte, l’usage des cumuls et des suppléances, la multiplicité même des écritures, des signatures et contreseings, rendaient difficile, même pour des supérieurs de bonne volonté, la recherche des responsabilités. En tout cas, le vice était dans les hommes plutôt que dans les institutions : comme remède aux abus de pouvoir, les rois avaient largement ouvert le recours à leur justice, comme en témoignent les nombreuses pétitions retrouvées dans les papyrus, et ils s’étaient gardés d’édicter l’irresponsabilité des fonctionnaires, qui restaient soumis au droit commun[152].

Les réformateurs qui, comme Évergète II, ont déployé un zèle louable pour remédier aux abus ne paraissent pas avoir songé à réformer un abus qui engendrait tous les autres, la vénalité — effective, sinon légale[153] — des charges, et cela, parce qu’ils en profitaient eux-mêmes. Ils avaient trouvé bon de multiplier les occasions de soutirer à leurs sujets, en sus de l’impôt régulier, des gratifications soi-disant volontaires. La nomination des fonctionnaires était une occasion toute trouvée et qui se renouvelait à volonté. Autant qu’on en peut juger par nos textes, il n’y avait point en Égypte d’offices viagers et de fonctionnaires inamovibles. Dès lors, il semblait tout naturel que la gratitude du fonctionnaire investi une première fois ou renouvelé se manifestât par quelque présent, et le fonctionnaire à son tour jugeait aussi naturel de récupérer ses déboursés en mettant ses faveurs à prix[154]. Ainsi s’établit, en dehors des règlements, une sorte de tarif, qu’on retrouve dans l’empire romain sous le nom d’æs honorarium - summa honoraria, en vertu duquel les hauts dignitaires exploitaient leurs subordonnés, et ceux-ci le contribuable.

Ces usages, résultant d’une entente tacite, n’ont guère laissé de traces dans les documents, en ce qui concerne les fonctionnaires. On a vu plus haut qu’une gratification était exigée des clérouques entrant en possession de leur κλήρος, sous peine de déchéance, et aussi de ceux qui recevaient une promotion de classe, et même des cultivateurs royaux : toute faveur se paie, théoriquement au Trésor, pratiquement à ses agents. Il a été constaté aussi que la collation des sacerdoces entraînait le versement d’un τελεστικόν. C’était une sorte de patente payée en une fois par une espèce de fonctionnaires. Le principe admis, il n’y avait pas de raison pour que l’investiture des autres fonctionnaires fût gratuite, et nous avons sur ce point des indices utilisables[155]. Quantité de quittances pour στέφανος ne portent aucune mention de la personne pour qui les sommes sont encaissées ; mais on rencontre des cas où certainement la gratification exigée ne va pas au Trésor. Des πράκτορς sont commis pour recouvrer le στέφανος promis à Nouménios, qui pourrait bien avoir été le stratège : à la date du 30 Tybi an XLVI (19 févr. 124 a. C.), ils signifient à Philéas fils de Tryphon qu’il ait à payer sa cotisation de 4 dr.[156] Nous sommes mieux renseignés par le précieux Menchès, comogrammate de Kerkéosiris.

En l’an LI d’Évergète II, Menchès arrivait sans doute à l’expiration de son mandat, et il se préoccupait de le faire renouveler par le diœcète. De peur que les autorités du bourg n’y fissent obstacle en donnant sur son compte des renseignements défavorables, il s’engage, le 29 mai 119 a. C., à donner à la commune 50 artabes de blé, et autant de graines et légumes divers. De plus, un certain Dorion ajoute à ce cadeau 50 artabes de blé et 10 artabes de fournitures diverses. Le 20 août, la nomination est faite, mais à des conditions que le basilicogrammate (?) Asclépiade spécifie au topogrammate Marrès, pour être communiquées à Menchès en même temps que sa nomination  Menchès devra prendre à sa charge 10 aroures de terre improductive aux environs de Kerkéosiris, la cultiver à ses frais et payer au Trésor une rente annuelle de 50 artabes. Un reçu de Menchès à Dorion, qui non seulement lui a fourni 100 artabes de blé et 61 de légumes pour l’an LI, mais s’engage à lui livrer chaque année 50 artabes de blé en bonne qualité et juste mesure, nous autorise à penser que Menchès faisait payer ses libéralités par Dorion, en échange de services probablement inavouables[157]. Peut-être Menchès avait-il encore besoin, sept ans plus tard, de quelque faveur, car on trouve sur un compte particulier, où il mélange ses dépenses de ménage et ses frais de bureau, 1.200 dr. déboursées en deux fois, pour volailles blanches au messager du basilicogrammate[158]

Enfin, une disposition contenue dans les décrets d’amnistie et indulgences d’Évergète II ne s’explique bien qu’en admettant l’application légalisée du système des στεφανοί aux investitures de fonctionnaires. Évergète dispense les stratèges de solder ce qu’ils doivent encore de reliquat pour ce qui leur a été conféré[159]. Naturellement, les subalternes suivaient l’exemple des chefs : ils se contentaient seulement de pots-de-vin plus modestes, chacun suivant son grade. Les brasseurs d’affaires le savaient bien. L’un d’eux, voulant, à ce qu’il semble, connaître les propositions d’un concurrent afin de l’écarter, écrit à quelque associé, à la date du 26 Pachon an VI (12 juin 111 a. C.), qu’avec l’aide des dieux il a bon espoir de réussir. En attendant que le basilicogrammate se décide, un employé subalterne, l’hypomnématographe qui a la garde des dossiers, moyennant un cadeau de 200 dr. de cuivre, lui a communiqué le mémoire en question, où figure une surenchère de 400 artabes. Pour supprimer ce pli gênant, il a offert 42 dr. d’argent au dit employé. On touche au but : Grâce aux dieux, le règlement des comptes aura lieu le 30 Pachon (16 juin)[160].

En somme, on a l’impression que, dans l’Égypte ptolémaïque, les fonctionnaires, comme les promagistrats de la République romaine, avaient permission sous-entendue de récupérer sur leurs administrés les dépenses qu’ils avaient faites pour se hausser à des dignités peu ou mal rétribuées. Il nous manque, pour asseoir plus solidement cette conjecture, un élément essentiel d’information, des données sur le traitement des fonctionnaires[161]. Le Trésor, très ménager de son argent, parait les avoir pourvus, comme les militaires, de rentes imputées sur des biens-fonds, leur donnant par là même la tentation de pressurer ceux qui cultivaient leurs terres et d’ajouter à leur rente une foule de corvées ou de surtaxes illégales.

Les scribes de l’époque pharaonique se sont chargés eux-mêmes de faire l’éloge de leur profession, commode et lucrative, comparée à celle du paysan taillable et corvéable à merci : ce sont les bourgeois, et à peu près les seuls, du pays. Ils se vantent encore d’être honnêtes[162], mais on a de fortes raisons de ne pas les croire sur parole. Ceux du temps des Lagides ne valaient ni plus ni moins. Tout a été dit sur la plaie bureaucratique qu’entretenait le despotisme royal, cause et effet d’un mal que le despotisme transporte partout avec lui.

 

Il y a beaucoup de conjectures, sans compter les lacunes, dans l’exposé qui vient d’être fait. Il en faudrait ajouter d’autres pour calculer approximativement le produit total de l’impôt et la proportion de l’impôt au revenu pour les différentes catégories de contribuables. Cette proportion, nous avons pu l’entrevoir seulement, au bas de l’échelle sociale, chez les cultivateurs du Domaine, et encore, en omettant toutes les surcharges et incidences des contributions indirectes, dans un pays où, comme le dit Wilcken, on se demande s’il y avait un objet imposable qui ne fût imposé[163]. Quant au produit total de l’impôt, nous ne pouvons qu’accepter sans contrôle possible les évaluations données en chiffres ronds par les auteurs.

D’après Hérodote, sous la domination persane, l’Égypte, la Libye et la Cyrénaïque ensemble produisaient 700 talents babyloniens d’argent et 120.000 artabes de blé, plus 240 talents provenant des pêcheries du lac Mœris. Le blé était consommé sur place par les troupes d’occupation, et la majeure partie de l’argent allait au Trésor des rois de Perse. De Ptolémée Soter, on sait seulement que, accueilli sans résistance en Égypte, il s’attacha à ménager les indigènes[164]. La dynastie une fois affermie, Philadelphe, qui aimait à entendre vanter son opulence, dut renforcer et multiplier les tentacules de la machine fiscale. D’après S. Jérôme, de l’Égypte seule (de Aegypto) — sans les possessions extérieures — il tirait annuellement 14.800 talents d’argent, environ 71 millions de francs, et un million et demi d’artabes de blé[165], plus que, au dire d’Hérodote, Darius ne tirait de tout son empire, y compris l’Égypte et les dépendances[166]. Les tributs du dehors, variables comme les limites du protectorat égyptien, ne peuvent être estimés, même approximativement[167]. En tout cas, ils ne comptaient plus dans le budget de Ptolémée Aulète, budget que les Romains devaient bien connaître, car c’était le gage de leurs créances et le compte courant de leurs politiciens. Cicéron estimait le revenu du roi d’Alexandrie à 12.500 talents ; mais, bien que, plaidant la cause du roi contre les partisans de l’annexion, il n’eût pas intérêt à surfaire la valeur économique du royaume, on l’a soupçonné d’avoir exagéré de moitié, parce que Diodore, parlant d’après les comptables eux-mêmes et croyant vanter la richesse du pays, estime le revenu prélevé par le roi sur l’Égypte à plus de 6.000 talents[168]. Ces deux allégations n’étant pas inconciliables, si l’on veut bien faire porter celle de Diodore soit sur là contribution de la capitale exclusivement, soit plutôt sur la part faite à la cassette royale, il reste que le revenu du Trésor royal avait notablement fléchi au cours de deux siècles, ce dont l’histoire des Ptolémées, à partir du règne de Philopator, rend parfaitement raison. Aussi Ptolémée Aulète et sa fille Cléopâtre eurent-ils trop souvent recours à des exactions, confiscations et spoliations de toutes sortes, qui achevèrent de ruiner le pays et, dans le pays, le prestige d’une dynastie sans patriotisme comme sans scrupules, dupe et complice de l’étranger.

 

FIN DU TROISIÈME VOLUME.

 

 

 



[1] Je ne parle ici que du monde gréco-romain, ne connaissant pas les régimes adoptés dans les monarchies orientales et notamment dans l’Égypte pharaonique. Tout ce que nous savons sur la perception des impôts dans l’ancienne Égypte, dit Erman (ap. Wilcken, I, p. 512, 3), c’est qu’elle était faite par des soldats. Wilcken (I, p. 536) pense que le système de la ferme, général en Grèce (Ziebarth), a été importé en Égypte par les Ptolémées.

[2] Cf. dans Wilcken (I, pp. 575-582) la liste des impôts affermés et celle des impôts perçus directement, à l’époque impériale, alors que le système de la régie supplantait peu à peu celui de la ferme.

[3] Un troisième mode de perception particulier aux corps autonomes soumis à la suzeraineté, c’est-à-dire aux villes libres qui géraient elles-mêmes leurs finances et payaient tribut au suzerain, n’a pu être appliqué en Égypte qu’aux villes grecques pourvues d’une charte, comme Naucratis et Ptolémaïs, et peut-être Alexandrie (cf. Wilcken, I, pp. 433-434, 516). Nous ignorons, du reste, si ce régime, normal pour les villes libres des possessions coloniales, a été octroyé aux dites cités égyptiennes.

[4] Même des γεωργοί ont parfois des associés. Cf. Tebt. Pap., n. 100, de 117/6 a. C.

[5] La fixité des tarifs, au moins dans le cours d’une année, est une condition essentielle pour que l’affermage soit possible. C’est la raison pour laquelle le produit des charges ou patentes mises aux enchères comme les τιμαί des prophètes, ibiobosques, etc. n’était pas affermé. Les arriérés d’impôts même affermés, qui étaient matière à contestation, étaient aussi perçus par les officiers royaux.

[6] Voyez Lumbroso, pp. 329-339, et l’étude beaucoup plus complète de Wilcken (I, pp. 515-555). Nous possédons deux documents d’une importance capitale sur la question, le papyrus des Revenus et le Pap. Par., n. 62, publié à nouveau par Grenfell dans l’Appendix I des Rev. Laws, pp. 177-186. Il y a au moins un siècle d’intervalle entre ces deux règlements, et on ne doit pas les combiner sans tenir compte des modifications apportées par Évergète II aux édits de Philadelphe.

[7] Il n’y a pas de doute sur ce point pour le IIe siècle a. C., le calendrier macédonien étant alors réglé sur le calendrier égyptien et le 1er Dios correspondant au 1er Thoth. Mais, dans le papyrus des Revenus, l’année fiscale étant comptée άπό Δίου έως Ύπερβερεταίου, il s’agit de savoir si l’on a affaire à l’année lunisolaire, mesure variable du temps et particulièrement incommode pour cette raison, ou si l’expression officielle signifiait simplement d’un bout de l’année à l’autre, c’est-à-dire, en pratique, de Thoth à Mésori. Wilcken opte pour cette seconde interprétation, qui me parait tout à fait vraisemblable. L’avantage d’une mesure fixe, en usage depuis des siècles, saute aux yeux, et Ptolémée Soter, organisateur du système, n’était pas aveugle. Tant que le calendrier macédonien fut le calendrier officiel, — c’est-à-dire jusqu’au règne d’Évergète II, — il put y avoir des différences entre le comput des années de règne et le comput égyptien des années fiscales. C’est ainsi que dans le Pap. Petr., I, n. 28 (2). III, n. 58, c-d, l’an de règne XI de Ptolémée III est compté XII comme année fiscale. Cf. Smyly, in Hermathena, X (1899), pp. 432-433.

[8] Rev. Laws, col. 13. L’état du texte ne permet pas de décider si l’interdiction vise les esclaves en général ou seulement les esclaves des fonctionnaires, qui auraient pu se servir d’eux comme d’hommes de paille et tourner ainsi la loi.

[9] Wilcken, I, p. 525. Ostr., n. 1233 (de 143/2 a. C.). Liste de 16 fermiers juifs, ou en tout cas sémites, du IIe siècle a. C. (ibid., pp. 523-524).

[10] Rev. Laws, col. 33, 9-18. Le règlement concernant l’ύπόμνημα (col. 26) invite les vignerons à indiquer le montant de la précédente récolte et à montrer, au besoin, leur cave et leur vignoble. La durée de cette période d’enquête n’est pas déterminée. Il était, du reste, loisible aux intéressés de se renseigner avant l’ouverture de la dite période.

[11] On possède un type (unique) d’ύπόμνημα, de l’an 46 p. Chr. (Pap. Grenf., II, n. 41. Wilcken, I, pp. 587-588), offrant 288 dr. et deux brocs de vin pour les έταρίσματα.

[12] Col. 20, 12. Nous rencontrerons chemin faisant quantité de fonctionnaires pouvant se suppléer mutuellement dans cet office.

[13] Pap. Louvre, ap. Révillout, Mélanges, p. 302-303. S. de Ricci, in Archiv. f. Ppf., II, pp. 519-520 : de 116 a. C. Un certain Ptolémée ayant soumissionné pour l’ίχθυηρά de Péri-Thèbes au prix de 25 talents et se trouvant déchu, la ferme est adjugée en seconde vente à Agrœtas pour 22 talents L’économe reçoit un Mme du basilicogrammate. Celui-ci lui rappelle que, bien loin d’adjuger au rabais, il aurait dû exiger une surenchère d’un dixième, et il l’invite à recommencer l’adjudication s’il ne veut être mis en demeure de solder le déficit de ses propres deniers. Régulièrement, la perte aurait dû être supportée par le premier adjudicataire, mais Ptolémée était peut-être insolvable et déchu précisément faute de cautions.

[14] On cite des exemples de ces manœuvres à Athènes (Plutarque, Alcib., 5. Andocide, Myst., § 133). Pour l’Égypte, nous avons, outre le fait légendaire, mais calqué sur la réalité, du fermier Joseph dénonçant au roi le pacte soi-disant conclu entre ses concurrents pour baisser les prix (Joseph., A. Jud., XII, 4, 4), les confidences édifiantes de Tebt. Pap., n. 58.

[15] Pap. Par., n. 62, col. 3, lig. 14-15. Dans un autre texte, cité par Wilcken (I, p. 527, 1), il y a un délai fixé pour la surenchère. C’est ce délai de dix jours pour surenchère que vise le Pap. Par., n. 62, col. 8. Cf. dans nos codes, en cas de saisie immobilière : Toute personne pourra, dans les huit jours qui suivront l’adjudication, faire, par le ministère d’un avoué, une surenchère, pourvu qu’elle soit du sixième au moins du prix principal de la vente (Cod. de Procéd., art. 708). Tout créancier hypothécaire, après la vente d’une propriété hypothéquée, peut requérir la mise aux enchères et adjudications publiques ; à la charge que cette réquisition contiendra soumission du requérant de porter ou faire porter le prix à un dixième en sus de celui qui aura été stipulé (Code civil, art. 2185). Je ne crois pas que, comme le pense Wilcken (loc. cit.), la surenchère de l'έπιδέκατον ne soit prévue que pour la revente, et qu’elle puisse être offerte alors par n’importe qui. Étaient seuls admis à surenchérir ceux qui avaient soumissionné éventuellement par offres écrites (Actenstüke, I, 25. III, 14).

[16] C’est le mode ordinaire pour la ferme des monopoles dans le Papyrus des Revenus (col. 60, 23 etc.) ; voyez les textes cités par Wilcken (p. 520), Pap. Leid. F. Ostr., n. 1087-1090. Dans le récit bien connu de Josèphe (A. J., XII, 4, 2-4), le juif Joseph afferme en bloc (à Alexandrie) toutes les recettes de la Cœlé-Syrie, Phénicie et Judée. Une fiction n’est pu nécessairement absurde, surtout quand elle veut être de l’histoire. Qu’il ait doublé la mise à prix de 8.000 talents, et que le roi, adjugeant en personne, lui ait servi de caution, ce sont là des enjolivements suspects.

[17] Rev. Pap., col. 54, 12. Théotime cautionne Philippe (Pap. Petr., III, n. 46 b-c, ann. 200 a. C.).

[18] Wilcken (I, p. 520) est pour l’adjudication parcellaire, contre Grenfell, partisan de l’adjudication en bloc et de la répartition après coup. En tout cas, le droit pour les fermiers de se substituer des sous-traitants par reventes, sous contrôle des officiers royaux, n’est pas douteux, et le Pap. Par., n. 62, col. 3, 17, l’affirme nettement (cf. Wilcken, I, p. 547).

[19] Rev. Laws, col. 19.

[20] Pap. Par., n. 62, col. 3, lig. 11-13. Je suis persuadé que ce n’était pas le moment d’exiger la surenchère du 1/10, et que la phrase suivante (τοΐς δέ βουλομένοις ύπερβάλλειν κτλ.), se rapporte à la πράσις normale, passible de l’impôt du dixième, comme toutes les ventes. En tout cas, l’économe qui avait laissé rabattre 3 talents sur 25 en έπανάπρασις ignorait que la surenchère fût obligatoire.

[21] Pap. Petr., III, n. 43 (2), pp. 117-129 (col. I).

[22] Wilcken, Ostr., pp. 536-548. La procédure se retrouve à peu près identique dans les adjudications aux publicains de Rome, pour lesquels on pourrait renvoyer à une ample bibliographie. Voyez dans les Indices du t. II des Ostraka, la liste des fermiers de l’époque ptolémaïque, environ 170 noms (pp. 451-454).

[23] Wilcken (pp. 536. 547) laisse ouverte la question de savoir si la constitution d’une société était juridiquement obligatoire, bien qu’il réfute les arguments des partisans de l’obligation et enseigne que le fermier seul est tenu de fournir des cautions.

[24] Comme on rencontre dans les ostraka des quittances délivrées soit par les fermiers aux contribuables, soit par les banques royales aux fermiers, qui portent plusieurs (deux ou trois) noms, Wilcken (p. 545), pour maintenir sa théorie sur le rôle passif des μέτοχοί, est obligé d’admettre, contrairement à sa théorie sur l’unité de direction, qu’il peut y avoir association de plusieurs fermiers ou membres actifs, dont un peut être quand même άρχώνης.

[25] Rev. Laws, col. 34, 14 sqq. L’économe doit même donner à chacun des associés copie des comptes (trimestriels ?) apurés entre le Trésor et les fermiers (ibid., col. 17, 17).

[26] Rev. Laws, col. 14, 15 sqq. De ce passage, rapproché d’autres expressions tirées du Pap. Par., n. 62, où il est question de άναπληροΰν τάς ώνάς, Mahaffy et Grenfell ont conclu que les fermiers étaient obligés de se procurer des associés, et autorisés à inscrire d’office des gens capables de supporter cette charge (supposée onéreuse), jusqu’à ce que la liste fût remplie. Wilcken (I, pp. 532-536) proteste contre cette interprétation et maintient, après Lumbroso et Révillout, que άναπληροΰν τάς ώνάς signifie bien remplir les conditions du contrat. Le passage de Pap. Par., n. 62, col. 5, 3, qui destine une gratification de 10 % τοΐς άναπληρώσουσιν τάς ώνάς, en expliquant que ceux-ci doivent avoir parfait les paiements et fourni les cautions convenues, me parait décisif en ce sens.

[27] Pap. Par., n. 62, col. 6, 10 sqq. En pareil cas, en effet, il y avait lieu de soupçonner une manœuvre frauduleuse en sus de l’illégalité.

[28] Rev. Pap., col. 34, 2 sqq. Pap. Par., n. 62, col. I, 13. II, 1. III, 11. VI, 8 sqq. Grenfell (Rev. Laws, p. 87) croit que la règle était un répondant par fermier. Ce serait plutôt une exception dont il n’y a pas d’exemple certain (Wilcken, I, p. 550). Le système des cautions, inconnu en droit national égyptien (Révillout, Précis, p. 608), était d’importation grecque.

[29] Voyez les textes précités. Il y a là deux points en discussion. Lumbroso (p. 325) pense que les cautions ne garantissaient que le surplus de la somme garantie par l’avoir du fermier et de ses associés, et n’étaient pas indispensables au cas où celui-ci était suffisant. D’après Wilcken (Ostr., I, p. 549), les cautions étaient toujours nécessaires, et le total des engagements devait garantir la somme globale en entier, plus un excédent de 5 ou 10 %, prévu comme gratification éventuelle au fermier qui avait rempli tous ses engagements. Il est évident que s’ils garantissaient un excédent, ils garantissaient à plus forte raison la somme globale. Mais on peut trouver singulier que l’État songe à puiser dans la bourse des contribuables, et, au besoin, des répondants, pour procurer un bénéfice supplémentaire au fermier. Ce prétendu excédent doit entrer dans la caisse royale, à titre de droit d’enregistrement : on reconnaît à ces taux de 5, plus tard, 10 %, le τέλος έγκύλιον. J. C. Naber (in Archiv. f. Ppf., I, p. 88) va même plus loin. Il fait observer que le Trésor, percevant le revenu des fermes pour le compte du fermier, ne risquait jamais de tout perdre et pouvait se passer de cautions pour une partie de la somme globale (Rev. Law., col. 17, 3). Ce texte, resté énigmatique pour Wilcken (p. 550, 1), trouve ainsi une explication plausible. Quant à l’όψώνιον de 10 % (Pap. Par., 62, 1, 15. V, 3), ce ne peut être qu’une restitution de l’impôt, prévue à titre de mesure gracieuse par Évergète II, peut-être au moment où il relevait le tarif de l’έγκύλιον à 10 %. Il n’est pas question de cette gratification dans les Revenue Laue, à propos des vingtièmes (Col. 34, 3. 56, 15).

[30] Pap. Par., n. 62, col. III, 2-5. Précaution prise à la suite d’abus.

[31] Pap. Par., n° 62, col. III, 6-8. Le cautionnement et l’hypothèque étaient aussi d’usage dans les contrats entre particuliers (ci-après, ch. XXVIII), mais non l’όρκος βασιλικός. Cependant le serment royal est inséré dans des contrats entre Égyptiens (Révillout, Précis, p. 713).

[32] Wilcken, Ostr., I, p. 553, d’après Pap. Par., n° 62, col. III, 7-8.

[33] L’État, qui se charge de répartir les bénéfices entre le fermier et ses associés, ne s’occupe des έγγυοι qu’en cas de déficit (Rev. Laws, col. 34, 15). Nous ignorons comment les έγγυοι entendaient être rémunérés : il n’en est pas question — non plus que de βεβαιωταί — dans le σύμβολον de Théotime, qui est bien un engagement envers l’État, et non une convention entre lui et le fermier.

[34] Pap. Petr., II, n. 46, a. b. c. III, n. 57 a-b. Voyez les corrections et traductions de Révillout (Mélanges, pp. 306-310. Précis, pp. 774-778). Dans le texte, l’όρκος précède le cautionnement. Autres formules de cautions dans Pap. Par., III, n. 58, pp. 167-172.

[35] Cf. la formule semblable (sauf la variante thébaine Isis et Osiris ou Osiri-Hapi au lieu de Sérapis-Isis), dans des serments démotiques du 30 Phamenoth an XVII d’Évergète Ier = 17 mai 230 a. C. (Révillout, Précis, p. 716) et du 21 Méson an XXXVII d’Évergète II = 10 sept. 133 a. C. (Révillout, Précis, p. 1213. Spiegelberg, Berl. dem. Pap., Taf. 28, p. 13). Sur l’όρκος βασιλικός, toujours écrit, voyez Rev. Laws, col. 42. Pap. Petr., II, n. 46 a, 47. III, n. 56-57 a. Pap. Par., n. 62, col. IV, 12 ; 63, l. 40. Wilcken, Actenstücke, n. XI. Tebt. Pap., n. 27, 1. 53. Pap. Amherst, I, n. 35. Sous l’Empire, l’όρκος κατά τόν νόμον (Pap. Reinach, n. 44), se prêtait par la Τύχη de César. Cf. L. Wenger, Der Eid in den griech. Papyrusurkunden (in Zeitschr. f. Rechstw., XXXII, 2 [1902], pp. 158-274).

[36] Pour les ventes ainsi ordonnées par le Trésor, voyez les papyrus de Zoïs. Ces ventes publiques ne pouvaient être attaquées par personne, sous aucun prétexte, et n’avaient pas besoin pour cela de στυρίωσις ni de βεβαίωσις (Révillout, Précis, p. 609), c’est-à-dire, de la garantie d’un tiers. La restitution [βεβαιούσθω] ή ώνή καθότι εΐθισται devrait donc s’entendre d’une ratification usuelle ipso facto, spéciale à ces ventes.

[37] Rev. Laws, col. 12. Aucune précaution ne parait excessive quand on songe au jugement porté par Polybe (VI, 56, 13) sur les fonctionnaires grecs de son temps qui ont le maniement des fonds publics. Pour un talent qu’on leur confierait, dit-il, on mettrait dix contreseings, autant de cachets et le double de témoins, qu’ils ne pourraient s’empêcher de frauder. Ici, le Trésor avait affaire à des Grecs doublés d’Égyptiens. Le fermier n’était même pas sûr de ses associés. Apollonios, fermier du φυλακιτικόν dans le district de Themistès au Fayoum, se plaint à l’économe Héraclide des agissements de son associé Philon, qui perçoit pour son compte personnel à l’insu des bureaux (Pap. Petr., III, n. 32 f).

[38] Pap. Par., n. 62, col. 111, 17-IV, 4.

[39] Pour la pignoris capio à l’époque ptolémaïque, il n’y a d’autre texte que Josèphe (A. J., XII, 4 [§ 176 Niese]), mais la ferme ne se comprend pas sans ce droit. De même, en Égypte, l’emploi de la courbache (cf. Ammien Marc., XXII, 16, 23). Le fermier juif dont Josèphe admire les exploits emmène des soldats et met à mort sans scrupule les contribuables récalcitrants pour intimider les autres. Sur la perception des arriérés par les πράκτορες, voyez Wilcken (I, p. 564).

[40] Cf. Wilcken, I, pp. 566. 618. Cela n’est que probable, et il reste encore à savoir si la perception se faisait d’après l’ancien tarif ou d’après le nouveau, que le διάγραμμα royal pouvait faire connaître avant le 1er Thoth.

[41] Cf. Tebt. Pap., n. 100, de 117/6 a. C.

[42] Conjecture de Wilcken (I, pp. 171, 558), d’après la taxe τό τοΰ βοιθοΰ [sic] τέλος (Ostr., n. 1084. 1089 : de Koptos, 137/6 et t35/4 a. Chr.). Il est assez singulier que le fermier ait été autorisé à lever une taxe spéciale pour payer ces auxiliaires. Les sitologues ont aussi des βοηθοί (Wilcken, in Archiv. f. Ppf., III, 1, p. 124). Tarif des appointements dans Rev. Laws, col. 12.

[43] Les banques royales n’acceptent que les versements κατά διαγραφήν τοΰ τελώνου, ύφ' ήν ύπογράφει ό άντιγραφεύς (Zoïs Pap., ap. Wilcken, I, p. 639). Les économes ont aussi chacun un άντιγραφεύς, et il n’est pas toujours aisé de discerner à quelle espèce de contrôleur on a affaire.

[44] Types de quittances dans Wilcken (I, pp. 60-63. 97).

[45] Rev. Laws, col. 34, 2 sqq. Cf. Pap. Par., n. 62, col. 5, 12.

[46] Sur la forme des quittances délivrées par les banquiers ou fermiers, voyez Wilcken, I, pp. 63-80, 118-119. Cf. les Actenstücke et les Accounts of the Royal Bank dans Pap. Petr., III, n. 63-66, pp. 183-190.

[47] Rev. Pap., col. 56, 14 sqq. Il s’agit de la ferme de l’huile. Formules de quittances délivrées par les θησαυροί dans Wilcken, I, pp. 98-103. 125.

[48] Il reste des points obscurs dans la thèse de Wilcken. Il n’est pas douteux que l’excédent ait été reversé par la banque à l’άρχώνης et à chacun de ses associés dans la proportion prévue par leur contrat (Rev. Laws, col. 34, 14 sqq.). On sait, d’autre part, qu’au IIe siècle une gratification de 10 % est promise (Pap. Par., n. 62, col. 5, 3), et que Philadelphe exigeait des cautions la garantie d’un vingtième ou 5 % en sus de la somme stipulée par le contrat d’έγληψις (Rev. Laws, col. 34, 3 ; 56, 15). Ce vingtième devait probablement servir d’όψώνιον. Mais il n’est pas évident que cet όψώνιον s’ajoute à l’έπιγένημα (Wilcken, I, p. 533, 2). On ne comprend pas bien non plus que l’État, pour ne pas prélever l’όψώνιον sur son revenu, prit ces 5 ou 10 % sur les répondants auxquels il ne garantit aucun bénéfice, même en cas d’excédent. Il me semble que l’έπιγένημα exclut l’όψώνιον et réciproquement. L’όψώνιον intervient quand il n’y a ni déficit, ni excédent, et les cautions, légalement obligées de le fournir, pouvaient très bien avoir obligé, par convention particulière, le fermier à le leur restituer.

[49] Archestrate, subordonné de Cléon, à propos de travaux dans des carrières de pierres, estime ότι εΐη λυσιτέλης ή έργολαβία. Le texte mutilé porte à l’avant-dernière ligne βασιλέα κουφίζομεν (Pap. Petr., II, n. 13, 6). Proposition d’inviter τοΰς βουλομένους έργολαβεΐν à Crocodilopolis et Ptolémaïs à faire des offres au rabais (ibid., n. 13, 18 b). Un certain Dionysios a entrepris la démolition et la reconstruction (en employant pour les fondations les vieilles briques utilisables) d’une auberge royale à Ptolémaïs (ibid., n. 14, 1 b) ; charroi des briques par les πλινθοΰλκοι οί έξειληφότες έλκΰσαι (ibid., 1 c). Entrepreneurs de travaux — pose de fascines — à la grande digue de Psenarys (ibid., 1 d) : les trois fragments réunis, avec corrections, dans Pap. Petr., III, n. 46, 1.

[50] Des entrepreneurs associés ont fourni des cautions (Pap. Petr., II, n. 14, 1 c). Invitation à réclamer d’abord les cautions, συντάξας διεγγυήσαι (ibid., 1 b), et ordre de ne payer que εΐ διεγγυηκάσι (1 d).

[51] Wilcken, I, p. 572 (avant la publication des papyrus de Tebtynis, qui nous montrent la régie à l’œuvre).

[52] Il semble que les locations aient pu être faites, suivant les cas, par nombre de fonctionnaires, depuis le comarque jusqu’à l’économe, le fisc ayant intérêt à simplifier les formalités. Cf. la pétition d’un γεωργός au κωμομισθωτής (probablement un délégué de l’économe ou de l’épimélète : cf. Tebt. Pap., n. 61 b, lig. 23, 45) chargé de faire les locations sur place. Il se plaint d’avoir été forcé par le comarque et le comogrammate de fournir au βασιλικός θησαυρός plus de blé qu’il ne devait, et peut-être exproprié (Tebt. Pap., n. 183). Il n’a pas affaire à des traitants, mais aux administrateurs officiels. Un rapport de l’an 114/3 a. C. fait mention de terres louées à trois pastophores par un suppléant du stratège et de l’intendant (Tebt. Pap., n. 72).

[53] Tebt. Pap., n. 5, lig. 12. Évergète II fait remise de l’arriéré des redevances en nature et en argent à tous ses tenanciers. Bail à terme de 99 ans (Pap. de Magdala, n. 29, de l’an 218 a. C., in BCH., XXVII [19031, pp. 189-191). On rencontre aussi l’expression έχειν έν φυτεία (Pap. Amh., II, n. 31), définissant le bail héréditaire. Sur ces questions à l’époque romaine, voyez L. Mitteis, Zur Gesch. der Erbpacht im Altertum (Abh. d. Sachs. Ges., XX, 4 [1901], pp. 1-66). The Amherst Papyri, Nr. 68 (Z. f. Rechlsw., XXII [1901], pp. 151-160). M. Rostowzew, Gesch. des Staatspacht in der römischen Kaiserzeit bis Diokletian (Philol. Supplbd., IX, 3 [1902], pp. 329-512). S. Waszynski.

[54] On ne pouvait demander à des cultivateurs royaux, simples paysans pour la plupart, des cautions comme celles qu’on exigeait des traitants. Cependant un texte cité plus haut me fait hésiter sur ce point. J’ai supposé que l'État pouvait prendre ses garanties sur le στέφανος de l’individu ou d’une collectivité. Il en trouvait peut-être de meilleures dans la responsabilité soit de gros fermiers qui sous-louaient à des γεωργοί, soit des fonctionnaires qui avaient fait les locations. Une circulaire du diœcète de l’an 113 a. C. fait mention d’άσφάλειαι déposées en banque (Tebt. Pap., n. 21, l. 58).

[55] Pour être de nouveau nommé comogrammate de Kerkéosiris, en l’an 119 a. C., Menchès a promis de faire don au village de 50 artabes de blé et autant de légumes. De plus, il doit cultiver à ses frais 10 aroures de terre classée comme improductive et payer pour cela une redevance annuelle de 50 artabes. Le basilicogrammate a soin d’avertir le topogrammate que la redevance sera exigée intégralement et que Menchès comblera le déficit, s’il y a lieu, de ses propres deniers (Tebt. Pap., n. 9-10).

[56] Tebt. Pap., n. 61 b. Pour le détail, nous ne pouvons que renvoyer au texte, qui est fort long (430 lignes) et au copieux commentaire des éditeurs.

[57] Rostowzew (in Archiv. f. Ppf., III, 2, pp. 206-7) se demande si peut-être il n’y avait pas un impôt foncier affermé, celui qui aurait été levé sur les propriétaires libres. Mais il doute fort qu’il y ait eu de ces propriétaires, — en quoi je pense qu’il exagère, — et il voit aussi, avec raison, un obstacle à l’adjudication dans l’instabilité des tarifs susceptibles d’être réduits ou majorés en cours d’année par l’administration, suivant l’état des récoltes.

[58] Wilcken (I, p. 563-4) propose de supprimer l’anomalie impliquée par le passage des Rev. Laws (col. 29, 11) qui charge l’économe de percevoir l’έκτη sur les παράδεισοι, au prix convenu entre le contribuable et le fermier, en admettant soit une exception dont les motifs ont disparu, soit une erreur du scribe, qui aurait écrit ό οίκονόμος pour ό τελώνης.

[59] Les πράκτορες opéraient aussi le recouvrement des créances particulières par autorité de justice, ou en vertu d’exécution parée. Voyez ch. XXVIII.

[60] Dans le cas prévu par les Rev. Laws, col. 19, — quand un traitant pour plusieurs fermes ne peut mettre son compte en règle par des virements de l’une sur l’autre, — l’économe est tenu de combler (provisoirement ?) le déficit dans les trois jours, sous peine de payer le triple. D’après un texte déjà visé plus haut (Wilcken, I, p. 563), il aurait été tenu de parfaire de ses deniers tous les chapitres des rôles en fin d’année. C’est là peut-être une menace, plutôt qu’une règle.

[61] Rev. Laws, col. 34.

[62] Rev. Laws, col. 75, 1. Les banques de villages étaient des succursales de la banque du nome, gérées par un délégué du trapézite (Pap. Petr., II, n. 26. III, n. 64 a : huit pièces datant de Ptolémée II et III). Cf. Wilcken, Ostr., I, p. 633.

[63] La Thébaïde, qui apparaît toujours comme une province à part, avait un τραπεζίτης τής Θηβαΐδος, distinct du banquier de la ville de Thèbes (Wilcken, I, p. 636, 3). Sur les banques royales ou autres, voyez Lumbroso, Rech., ch. XIX : Des banquiers royaux, pp. 330-338. Wilcken, Aktenstücke aus der königl. Bank zu Theben (Abh. d. Berl. Akad., 1886, pp. 1-68). Ostr., I, pp. 630641. Dans les Indices de Ostr., II, liste de trapézites de l’époque ptolémaïque (une trentaine de noms, p. 446, et liste plus longue (pp. 447-448) pour l’époque romaine. Révillout, Textes relatifs aux banques royales dans les Mélanges (1895), pp. 280-353. L. Mitteis, Trapezilika (in Zeitschr. f. Rechtswiss., XIX [1898], pp. 220 sqq.). Sur les banques en Grèce et pays grecs, voyez Isocrate, Orat., XVII et E. Breccia, Storia delle banche e dei banchieri nell’ elà classica (Riv. di Stor. antica, VII [1902], pp. 107-132, 283-309). C’est sur la banque centrale d’Alexandrie que nous sommes le moins renseignés. L’existence même en est hypothétique, en ce sens que les ταμίαι du Trésor remplaçaient peut-être les trapézites.

[64] Voyez Lumbroso, pp. 316-317. Wilcken, I, pp. 419-420, 669. Cf., chez les Romains, les prêts (gratuits) consentis par Tibère aux sénateurs (Dion Cassius, LVIII, 21) et les propositions de Pline à Trajan (X, 54-55), ne pecuniæ publicæ otiosæ jaceani. Les arguments (Diodore, I, 84. Appien, Sicel., 1. Pap. Par., n. 63, col. 6, Ill) ne sont pas probants. Ils le deviendraient davantage s’il était démontré que le roi avait monopolisé le commerce de l’argent. Il semble que les Lagides y soient arrivés, au moins à partir du règne de Philadelphe, — Wilcken suppose que Philadelphe a pu faire ainsi des bénéfices énormes, — en ne tolérant, à côté des banques royales, que des banques autorisées et affermées par l’État. La mise en adjudication des banques est nettement attestée par le Papyrus des Revenus (col. 73, 1 ; 75, 1) ; mais la question est de savoir si l’affermage ne s’applique pas précisément aux banques royales (cf. col. 15, 1-4) ; si, dans l’autre hypothèse, tout commerce libre de l’argent était interdit ; si les banques affermées n’avaient comme fonds de roulement que le capital de la société fermière ou maniaient aussi l’argent de l’État, etc. ; toutes questions encore obscures. L’État ne peut affermer que ce qui lui appartient ; si les banques privées n’avaient rien à percevoir ou à prêter pour son compte, il leur vendait simplement le droit d’exercer leur négoce : c’était une patente spéciale qu’il leur faisait payer. On sait maintenant, d’après les Oxyrh. Pap., III, n. 513, 37 sqq., que les banques d’État étaient encore affermées sous l’Empire, mais qu’il existait nonobstant des ίδιωτικαί τράπεζαι (ibid., n. 305).

[65] Cf. Révillout, Mélanges, pp. 327-336. Rev. Laws, col. 32, 12. Pap. Grenf., II, n. 23. Pap. Petr., II, n. 14, 1, b-d. III, n. 46 (1) ; II, n. 26, 3-6. III, n. 64 a. Wilcken, Actenst., V-VII, IX-X. Ostr., I, pp. 633-638. Tebt. Pap., n. 168, pp. 182-3.

[66] Pap. Amherst, II, n. 31. Parmi les exemples antérieurement connus et classiques, cf. les papyrus de Zoïs (droits de mutation) et les Actenstücke, I-IV.

[67] Ce qui suppose un bail indéfini, emphytéotique.

[68] Cf. Wilcken, Ostr., I, pp. 60-63 (de Thèbes et Hermonthis) : quittances avec la formule έχω ou άπέχω. Cf. H. Erman, Die 'Habe'-Quittung bei den Griechen (in Archiv. f. Ppf., I, pp. 78-84). Dans Tebt. Pap., n. 100, relevé de quittances diverses délivrées par des λογευταί de fermiers.

[69] Wilcken, Ostr., I, pp. 63-80 : quittances avec la formule τέτακται ou πέπτωκεν, ou, exceptionnellement (Ostr., n. 1528), διαγέγραφεν.

[70] Wilcken, Ostr., II, n. 314.

[71] Quittance de la banque d’Hermonthis (Pap. Par., n. 5, du 12 sept. 113 a. C.). L’année suivante (8 mars 112 a. C.), quittance de la banque de Thèbes, bordereau contresigné par le même Asclépiade (Pap. Amherst, II, n. 54).

[72] Sur la formule Ν. έπηκούθηκα, voyez Wilcken, I, pp. 76-77. 640. Régulièrement la signature de l’acolyte, qui joue le rôle d’un άντιγραφεύς, devait doubler celle du banquier. Cf. les papyrus de Zoïs. Dans les deux exemples que fournissent les Ostraka ptolémaïques (n. 1362. 1525), la signature de l’acolyte remplace celle du banquier.

[73] Le terme διαγραφή est employé en sens divers — au moins divers en apparence — qu’il n’est pas toujours facile de distinguer. Sur cette question depuis longtemps controversée, voyez A. Peyron, in Pap. Taur., I, pp. 144-148. Pap. di Zoide, pp. 21-22. Franz, in CIG., III, p. 298. Droysen, Kl. Schriften, pp. 10 sqq. Lumbroso, Rech., pp. 89-91. Wilcken, Actenstücke, p. 30. Ostr., I, pp. 89-91. 633. Naber, in Archiv. f. Ppf., II, pp. 34 sqq. H. Erman, ibid., pp. 458-462. Gradenwitz, Einführung in die Papyruskunde, pp. 139-142. Eine neue διαγραφή, aus Hermupolis (Mélanges Nicole, pp. 193-210). Étymologiquement, διαγραφή est une description, un exposé des motifs pour lesquels l’argent doit être perçu. Pratiquement, διαγραφή parait avoir eu le sens propre de bordereau, note explicative, ou, suivant les cas, de mandat, ordre de versement à faire, soit à la banque, soit, plus souvent peut-être, par la banque. Ces deux espèces sont libellées ou par un fonctionnaire ou par un fermier. Mais il en est une autre, résumant les deux et d’origine différente, celle des avis adressés par la banque à tel client pour l’avertir que le banquier a encaissé telle somme portée à son compte et la tient à sa disposition. Enfin, il est des διαγραφαί appelées telles par celui qui les mentionne ; mais bon nombre ne se reconnaissent qu’à leur contenu, apprécié d’après des définitions litigieuses, et c’est ainsi que se perpétue le débat. Peyron entendait par διαγραφή, un bordereau (partitio tributi) dressé par les employés du banquier, considéré comme fermier et receveur des droits, et enregistré par lui à titre de constat officiel pouvant remplacer au besoin les contrats eux-mêmes. Révillout (Procès d’Hermias, pp. 14. 40. 94-101), réfutant Lumbroso, qui lui-même avait réfuté Peyron, cite des quittances démotiques délivrées au temps d’Épiphane pour l’impôt du vingtième par le τελώνες, sans mention ni de l’άντιγραφεύς ni du banquier, et veut en conclure que la banque n’avait pas à intervenir, jusqu’à ce qu’une réforme accomplie entre l’an VI et l’an XXIII de Philométor lui donnât un droit de contrôle. A partir de ce moment, la quote ou cédule du fermier aurait été contrôlée par l’άντιγραφεύς et soumise au trapézite, lequel affirmait que la taxe avait été légitimement fixée. C’était ensuite au publicain à se faire payer de cette somme comme il voulait. Cela ne regardait plus l’État. Le trapézite aurait eu simplement pour mission de savoir ce que produisait la taxe afin d’établir les moyennes utilisables pour la mise à prix des adjudications futures. C’est encore la confusion, introduite par Peyron, entre la tenue des livres de caisse et l’enregistrement par transcription ordonné sous Philométor (ci-après, ch. XXVIII), aggravée d’une confusion entre les άποχαί et les σύβολα.

[74] Wilcken, Actenstücke, V-VII. Ostr., I, p. 638. Pap. Petr., II, n. 26, n. 64 a (huit reçus pour sommes touchées à la banque de Ptolémaïs Hormou par des entrepreneurs de travaux publics, au temps de Philadelphe). Reçus de sommes payées pour entretien des troupes, dans Révillout, Mélanges, pp. 329-334.

[75] Révillout, Mélanges, p. 327.

[76] Pap. Grenfell, II, n. 23. Nous n’avons pas le mandat pour les fournitures de blé. Tout porte à croire que l’an IX est du règne de Ptolémée Soter II.

[77] Wilcken, I, p. 641. Cf., ci-après, l’office de l’έκλογιστής.

[78] C’est aussi, comme je m’en aperçois après coup, l’avis de J. Beloch, Gr. Gesch., III, 1 (1904), p. 313, 2, qui compare les βασιλικαί τράπεζαι à nos banques d’État, entreprises privées, simplement soumises au contrôle de l’État, et obligées envers lui à certains services. La Banque de France a ses actionnaires, mais le gouverneur est nommé par l’État. Sous l’Empire, les trapézites faisaient fonction de notaires, concurremment avec les agoranomes que nous rencontrerons plus loin, au ch. XXVIII (cf. Naber, in Archiv. f. Ppf., II 11903), p. 35) et nous verrons qu’à l’époque ptolémaïque les reçus de la banque ont été la première forme de l’enregistrement.

[79] Wilcken, I, p. 71. Ostr., n. 329, 331, 1338 (époque de Philadelphe ou d’Évergète Ier). Les croix en forme de xxx : au-dessous, la signature du γραμματεύς.

[80] Wilcken, I, p. 636-637. Les grandes banques pouvaient avoir plusieurs caisses — par exemple, celle de l’État et celle du clergé — et plusieurs trapézites comme chefs de service (ibid.).

[81] Sur la multiplication des banques privées à l’époque impériale, où même les petites gens avaient un compte courant άπό τραπέζης, voyez Wilcken, I, p. 679. Les banquiers officiels, comme les agoranomes (ci-après, ch. XXVIII), se succèdent assez rapidement dans le même bureau. Lumbroso (p. 332) constatait déjà qu’en cinquante ans environ, on rencontre au moins six titulaires de la banque de Diospolis, et cinq de la banque d’Hermonthis. Voyez la statistique refaite par Wilcken avec les nouveaux documents.

[82] Reçus de sitologues, du temps de Philométor ou d’Évergète II, dans Pap. Amherst, II, n. 59 (signé par l’άντιγραφεύς) ; n. 60. Ordre de fournir πρός τά σπέρματα (n. 61).

[83] Le θησαυρός royal est appelé en démotique la Porte du Roi (Révillout, Précis, p. 1286).

[84] Un rapport de l’an 117 a. C. signale les abus commis par des individus qui, sans nomination régulière, se sont emparés de certains offices incompatibles avec leur profession (Tebt. Pap., n. 24, lig. 62 sqq.).

[85] . Wilcken (Ostr., I, pp. 653-654) rectifie sur ce point une opinion qu’il a lui-même partagée.

[86] La πρακτορία exercée par le comarque et les πρεσβύτεροι (Tebt. Pap., n. 48, 128).

[87] Cf. dans les Pap. Petr., II, n. 9 (5), une requête de cultivateurs (du 14 juin 239 a. C.) demandant la permission d’enlever leur récolte, probablement sans attendre le vérificateur officiel.

[88] Cf. M. Rostowzew, Kornerhebung und- transport im griech.-röm. Aegypten (in Archiv. f. Ppf., III, 2 [1904], pp. 201-224). Sur le transport ultérieur, des magasins à Alexandrie, par des agences de muletiers et de bateliers, voyez (pour l’époque impériale) Fr. Preisigke, Kornfrachten im Fayum (ibid., pp. 44-54).

[89] Voyez l’ordonnance royale (Tebt. Pap., n. 5, lig. 85 sqq.) rendue par Évergète II pour réprimer les exactions que pratiquaient les sitologues à l’aide de fausses mesures. Le roi admoneste τοΰς πρός τάς σιτολογίαις καί άντιγραφείας, sitologues et contrôleurs. Il exige qu’ils se servent de mesures en bronze aiment vérifiées par les autorités du nome. Légalement, ils avaient droit d’exiger un έπίμετρον de 2 % (Tebt. Pap., n. 91, 92) pour compenser les déchets du criblage et un κοσκινευτικόν pour frais dudit criblage, qui servait principalement à séparer le froment de l’orge dans le κριθοπυρός (cf. Pap. Petr., III, p. 218). Les autorités du village n’étaient pas moins sujettes à caution. Un cultivateur se plaint d’avoir été victime d’une entente entre le comarque, le comogrammate et le γενηματοφύλαξ, qui ont majoré sa dette (Tebt. Pap., n. 183).

[90] Voyez le rapport mensuel du sitologue Collouthos, receveur dans le Fayoum en l’an XLII d’Évergète (119/8 a. C.) et l’apostille du basilicogrammate Asclépiade (Goodspeed, n. 7). Cette pièce nous donne : 1° le compte de l’arriéré pour Mésori, en blé et en orge ; 2° de ce qui est payé en sus comme loyer des terres royales ; 3° des frais (ce qui est payé pour les frais par le contribuable). Suit une constatation d’arriéré par le basilicogrammate. P. Jouguet, in Rev. d. Ét. anc., 1905, p. 280, 1).

[91] On a vu plus haut que le stratège Hermias adresse des instructions pour fournitures mixtes (argent et blé) au banquier de Pathyris. On peut supposer que le banquier se chargeait de prévenir son collègue le sitologue. Du reste, les fonctions de banquier et de sitologue peuvent se cumuler (BGU., n. 992).

[92] Pap. Petr., II, n. 20. III, n. 36 à (correspondance officielle, de 252 a. C., au sujet de bateaux de transport de σΐτος φορικός du Fayoum à Memphis) ; II, n. 48. III, n. I16 (Reçus de janv. et févr. 187 a. C., délivrés par un patron de bateau, Polycrate, transportant du froment pur provenant de la récolte de l’an 189 et destiné à être en partie vendu pour le compte de Dorion. C’est une explication plausible de ces termes qui semblent former antithèse. Je croirais assez que les sitologues ne maniaient pas d’argent et que le prix du blé vendu était versé à la banque. Pour simplifier leurs écritures, ils devaient compter comme dépenses tout ce qui sortait des magasins.

[93] Fayûm Towns, n. 16.

[94] Fayûm Towns, n. 18 a-b, à la date des 15 et 16 Thoth de l’an XXI (de Ptolémée Alexandre ? = 30 sept.-1er oct. 94 a. C.).

[95] A l’exemple unique et douteux (Pap. Par., II, n. 48, de l’an XVIII d’Épiphane (188/7 a. C.) cité par Wilcken (Ostr., I, p. 653) s’ajoute maintenant le prêt de 15 artabes de froment consenti à Harbéchis (Tebt. Pap., n. 111 : le reçu est du 18 Payni LIV = 5 juillet 116 a. C.). Le sens d’έργαστήριον — qui se rencontre aussi ailleurs — est douteux. Grenfell le traduit par granary. La manutention d’un grand entrepôt peut bien être, en effet, assimilée à celle d’une usine.

[96] Sur la sitologie à l’époque impériale, voyez Wilcken, Ostr., I, pp. 653-663. Le Bas-Empire a partout des præpositi horreorum (Cod. Theod., XII, 1, 49).

[97] Ostr., n. 711. Cf. Wilcken, I, pp. 99, 269-270.

[98] Ostr., n. 715. 744. 751. 1549. Cf. Wilcken, I, pp. 102. 109. 162-164. Les Orientaux ayant l’habitude de ne couper en moissonnant que les épis, les chaumes restaient sur le terrain. L’άχυρον ne désigne que la balle.

[99] De même, en France, sous l’ancien régime, les charges étaient réservées pour les dépenses locales, et les revenans bons centralisés par le Trésor de l’Épargne (Cf. J. H. Mariéjol, Histoire de France [de E. Lavisse], t. VI, 2, p. 63).

[100] Cf. Paul M. Meyer, Διοίκησις und ΐδιος λόγος (Festschr. z. Otto Hirschfeld, pp. 131-163). La majeure partie de cette étude consacrée à l'ΐδιος λόγος sous la domination romaine, l’auteur s’attachant à démontrer que l'ΐδιος λόγος était alors non pas la res privata, mais le patrimonium Cæsaris, distinct du fisc. Cf. les rectifications de l’auteur dans Archiv. f. Ppf., III, pp. 86-88. Il fait de l'ΐδιος λόγος nur ein Ressort der διοίκησις et n’admet plus qu’il y ait eu un domaine terrien distinct du domaine royal, comme la κεχωρισμένη πρόσοδος (= ούσιακός λόγος). A son tour, O. Hirschfeld (Die kais. Verwaltungsbeamten, pp. 353-356) reprend la première opinion de Meyer : il fait observer que l'ΐδιος λόγος est nommé immédiatement après le préfet d’Égypte et le juridicus, et que sa compétence devait s’étendre à l’ensemble des domaines impériaux, ressortissant soit au fisc, soit au patrimoine de César. On sait même aujourd’hui (par Pap. Oxyrh., IV, n. 721) que, comme l’avait présumé Meyer, la ίεγά γή était aussi administrée par l'ΐδιος λόγος romain.

[101] Strabon, XVII, p. 797.

[102] L’éveil a été donné par deux proscynèmes de Philæ, publiés en 1871 par K. Wescher (C.-R. de l’Acad. d. Inscr., 1871, pp. 289 sqq. Dittenberger, OGIS., n. 188. 189). Ce sont des hommages à Isis, portés à Philæ par un certain Tryphon, le 25 Payni an XXV (27 juin 56 a. C.). Tryphon et Castor étaient déjà connus par des proscynèmes datés de l’an 71 et de l’an 61 a. C. (Letronne, Recueil, II, pp. 47, 65) comme contemporains de Ptolémée Aulète. Depuis sont venus s’ajouter d’autres témoignages ; le plus ancien (Pap. Grenf., I, n. 16), de l’an XXXV (de Philométor = 147/6 a. C., ou d’Évergète = 136/5 a. C.) ; un autre, de 131/0 a. C. (Wilcken, Actenstücke, n. 1, lig. 21) ; deux autres, des années 112 a. C. (Pap. Amherst, II, n. 31) et 95 a. C. ? (BGU., n. 992). Dittenberger (OGIS., n.188) fait observer qu’en juin 56, Ptolémée était exilé et qu’il est étonnant de voir Castor qualifié οίκονόμος τοΰ βασιλέως καί τής άδελφής à pareille date. Il est tenté de reporter cette date à l’an XXV d’Alexandre Ier (89 a. C). Mais je ne trouve pas si étonnant qu’un intendant ait conservé, sous un gouvernement provisoire, ses titres accoutumés, y compris celui d’intendant de la reine, qui, à mon sens, était alors défunte.

[103] En l’an XXXVI de Philadelphe (250-49 a. C.), un certain Théaristios de Cyrène est au service de Lysimaque et administre ses revenus (Pap. Petr., I, n. 22, 1). Ce Lysimaque pourrait être le fils de Philadelphe. On doit supposer que Philotéra, sœur du roi, était largement pourvue. Les apanages pouvaient se composer de revenus très divers et dispersés. Cf. la dotation de la princesse Nitocris, au temps de Psammétik Ier, dans Révillout (Précis, pp. 439-443).

[104] Cf. Letronne, Recueil, pp. 412-413.

[105] Les papyrus précités (Pap. Amh., II, n. 31 et BGU., n. 992, de 112 et 162 [Schubert] ou 95 [Meyer] a. C.) relatent des versements faits à la banque d’Hermonthis, pour usurpation ou location de terres appartenant au domaine spécial. Ils sont faits sur bordereau dressé par le chef de l’administration financière de la Thébaïde et contresigné par le βασιλικός γραμματεύς de la région, c’est-à-dire que, au-dessous de l’administrateur général de la cassette, les fonctionnaires de la διοίκησις gèrent en même temps l'ΐδιος λόγος. Le domaine de Sébennytos qui, en 142/3 de notre ère, s’appelait encore βασιλέως Πτολεμαίου, devait avoir appartenu à la cassette royale avant de passer dans le patrimoine de l’empereur (J. Nicole, Le domaine du roi Ptolémée, in Archiv f. Ppf., III, 2, pp. 225-226). On sait par le Pap. Lond. (Catal., II, p. 167) que Livie et Germanicus possédaient des domaines dans le Fayoum. Cf. M. Rostowzew, Die kaiserl. Patrimonialverwaltung in Aegypten (Philologus, LVII [1898], pp. 564-577). O. Hirschfeld, Der Grundbesitz der römischen Kaiser in den ersten drei Jahrhunderlen (Beitr. z. alt. Gesch., II [1902], pp. 292-295).

[106] En 1607, Henri IV prélevait environ le tiers des revenans bons pour l’entretien de sa cour et pensions à la noblesse (Mariéjol, op. cit., p. 64). Par l’exemple de ce roi économe on peut juger de la façon dont ses successeurs usèrent des acquits de comptant.

[107] Le diœcète est le successeur du dja de l’époque pharaonique (Révillout, Précis, p. 43). Le titre διοκητής a prévalu, comme plus court, sur le titre ό έπί τής διοικήσεως τεταγμένος, emprunté à Athènes et employé concurremment dans le Papyrus des Revenus. Liste provisoire des diœcètes de l’époque ptolémaïque, avec les références, dans H. Maspero (op. cit., p. 245), dix-sept noms : Satyros, Apollonios, Théogène, Eutychès (sous Philadelphe) ; Cléandre (vers 250 ?) ; Diogène, Chrysippe (sous Ptolémée III) ; Tlépolème (sous Épiphane) ; Hérode, Dioscouride, Dionysios, Archibios, Ptolémée (sous Philométor et Évergète II) ; Irénée (sous Soter II) ; Ptolémée (sous Ptolémée Alexandre) ; C. Rabirius Postumus, Pothin (sous Ptolémée Aulète). J’y ajouterais Sosibios, Hippalos (sous Épiphane) et Lycarion. Sur les diœcètes de l’époque romaine, voyez G. Brandis, art. Διοίκησις, Διοικητής, dans la R.-E. de Pauly-Wissowa, V, p. 790.

[108] Par exemple, il fixe le prix des jarres à fournir pour le transport du vin.

[109] C’est la thèse soutenue, contre Lumbroso, Robiou, Révillout et P. M. Meyer, par Mahaffy, Grenfell, Wilcken, Strack, Dittenberger (dans les Addenda de OGIS., I, p. 649). Grenfell, commentant les papyrus de Tebtynis (p. 33, note 27), est tenté de revenir sur son opinion ; mais Strack (in Archiv. f. Ppf., II [1903], p. 559) estime, au contraire, que les trouvailles récentes font pencher la balance en faveur de la thèse de Wilcken et cela, sans apporter aucun argument nouveau. Brandis (loc. cit.) s’en rapporte à Wilcken. En dernier lieu, H. Maspero tient pour la thèse du diœcète unique, et Smyly (in Pap. Petr., III, p. 152) la juge très probable. Qu’un ou deux diœcètes aient été simplement τών φίλων, cela ne prouve pas que le grade fût insuffisant pour le diœcète alexandrin : nos ministres actuels, en France, sont généralement peu décorés, ou pas du tout.

[110] Wilcken, I, p. 494.

[111] Pap. Grenf., II, n. 23. Le diœcète Ptolémée a grade de συγγενής et le sous-diœcète Hermonax est όμότιμος τοΐς συγγενέσι. Ce ne sont pas des fonctionnaires de petite envergure.

[112] Si curationem et quasi dispensationem regiam auscepisset. Id autem facere non poterat, nisi diœcetes : hoc enim nomine utitur qui a rege esset constitutus (Cicéron, Pro Rabir. Post., 10). A Athènes, où il y avait beaucoup de ταμίαι, il n’y eut ordinairement qu’un seul έπί τή διοικήσει.

[113] Ce que dit le diœcète Irénée à l’Intendant (?) Asclépiade (Tebt. Pap., n. 27, lig. 20-21 : cf. 38-39) ne prouve pas que les économes — à plus forte raison les archiphylacites — fussent nommés par l’Intendant. Irénée demande qu’on ne lui propose que des gens honorables. Nous ignorons dans quelle mesure il déléguait ses pouvoirs pour la nomination des agents inférieurs. Les γενηματοφύλακες recevaient sans doute leur investiture temporaire de l’économe (ibid.). Les comogrammates — comme Menchès (Tebt. Pap., n. 10, I. 1-2) — étaient nommés par le diœcète. Un comogrammate est frappé d’amende par le diœcète (Wilcken, Ostr., I, p. 220) : amende collective de comogrammates (Tebt. Pap., n. 58). Voyez, dans Tebt. Pap., n. 27, l’admonestation adressée par le diœcète Irénée à l’intendant (ou aux intendants) des Revenus au Fayoum, mercuriale dont l’effet se transmet de proche en proche jusqu’aux comogrammates.

[114] παραλαβών τήν τών χρημάτων έξουσίαν (Polybe, XVI, 21, 6) est l’équivalent paraphrasé de διοικητής. Tlépolème affirme sa compétence en matière de dépenses en dilapidant l’argent du roi. C’est sans doute au même titre que Sosibios, Agathocle, et plus tard Pothin, ont joué le rôle de maires du palais. Rien ne caractérise mieux un gouvernement dont l’unique affaire était l’exploitation fiscale de ses sujets.

[115] Pap. Petr., II, n. 42 a, milieu du IIIe siècle a. C.

[116] BGU., n. 1011. La suite semble contradictoire. Mais il s’agit, ce semble, des pièces justificatives provenant des comptables militaires. Au lieu d’un rapport détaillé sans les pièces, la circulaire demande un rapport sommaire, borné aux points principaux, avec les pièces à l’appui.

[117] Tebt. Pap., n. 24. Sur l’organisation des bureaux en général, voyez F. Preisigke, Griech. Papyruskunden und Bureaudienst in griech.- röm. Aegypten, tirage à part de l’Archiv. f. Post und Telegraphie, 1904, n° 12-13 : esquisse rapide (18 pp.) des formalités bureaucratiques, rédaction des minutes, copies, annotations, sigles sténographiques, ratures, sceaux, adresses aux revers des rouleaux, accusés de réception, classement dans les archives, etc. A propos d’une lettre du diœcète Irénée, que le basilicogrammate Horos a fait porter par messagers à ses subordonnés (Tebt. Pap., n. 26, du 3 nov. 114 a. C.), l’auteur conjecture qu’il y avait une poste administrative, transportant aussi, à l’occasion, des lettres privées, contre une taxe ou un pourboire aux messagers.

[118] Rev. Laws, col. 37, 2-5. Cf. le rapport du nomarque du nome Arsinoïte sur les semailles de l’an 235/4, Pap. Petr., II, n. 30 d. III, n. 75.

[119] C’est probablement le même Irénée qui d’éclogiste (Tebt. Pap., n. 72) devient diœcète (ibid., n. 26) la même année (114 a. C.).

[120] Rev. Laws, col. 18, 7. Cf. 19, 6-7. Le Tebt. Pap., n. 61 à est un rapport annuel (de 118/7 a. C.) sur les revenus du Domaine à Kerkéosiris, rapport soumis au diœcète Archibios et annoté dans ses bureaux.

[121] Rev. Laws, col. 37, 11. Wilcken (Ostr., I, p. 494) voit là des diœcètes et éclogistes des nomes.

[122] Pap. Petr., II, n. 10, 2. Document sans date, classé approximativement vers 240 a. C. Cf. un texte du IIIe siècle a. C. (Pap. Land., n. 23, p. 41 Kenyon).

[123] Pap. Petr., II, n. 10, 1. Sous l’Empire, il y avait dans chaque nome un λογιστήριον, où le stratège venait régler différentes affaires (Pap. Par., n. 69). Les éclogistes continuent, comme par le passé, à vérifier les comptes, en prenant peut-être une part plus active à la répartition de l’impôt, attendu que le tribut de l’Égypte, dont le total est maintenant fixé à l’avance, devient un impôt de répartition (cf. Wilcken, I, pp. 496. 504).

[124] Par édit du 23 Phamenoth an III (11 avril 114 a. C.), Ptolémée Soter II fait défense aux tribunaux ordinaires de recevoir les plaintes portées contre les employés de la διοίκησις, plaintes qui doivent être renvoyées au diœcète (Tebt. Pap., n. 7). Le diœcète avait déjà un droit de coercition, car une circulaire du temps d’Évergète II déclare que tout fermier convaincu de frauder le Trésor sera non seulement puni d’amendes énormes ou de confiscation, mais conduit par les gendarmes au diœcète (Pap. Par., n. 62, col. 3 et 8). Sous Philadelphe, c’était le roi qui se réservait cette cognitio extraordinaria (Rev. Laws, col. 13).

[125] Je suis tenté de croire que les hypodiœcètes étaient appelés diœcètes par leurs inférieurs. C’est ainsi qu’une liste d’arriérés d’impôts est remise έν Μέμφει τώι διοικητήι (Tebt. Pap., n. 72, 1. 463). En tout cas, elle a pu être remise à Memphis pour être transmise au diœcète d’Alexandrie. Dans sa circulaire (Pap. Par., n. 62), Hérode semble classer les sous-diœcètes après les curateurs dont nous parlons plus loin.

[126] Phanias (Tebt. Pap., n. 61 b, l. 46, 362 ; n. 72, l. 359) : Irénée, de même (ibid., n. 72, l. 242), plus tard diœcète (ibid., n. 26), et aussi Lysanias (Strack, n. 145). Dans le nome Arsinoïte, cependant des plus importants, Apollonios est στρατηγός καί περί τών προσόδων (Pap. Amherst, II, n. 35, an. 112 a. C.). Mais le Fayoum parait avoir eu plusieurs intendants : on en rencontre deux, Hermias et Asclépiade, en l’an 114 a. C. (Tebt. Pap., n. 27). Le stratège peut être en même temps administrateur des domaines.

[127] Pap. Taur., I, 1, lig. 2-3.

[128] CIG., n. 4717. Strack, n. 157.

[129] On rencontre des cumuls étonnants : par exemple, Théodotos économe et archiphylacite ou suppléant de l’un et de l’autre (Tebt. Pap., n. 27, I. 29).

[130] Dans le nome Arsinoïte, divisé en trois μερίδες et en νομαρχίαι (cf. Grenfell, Rev. Laws, p. 133. Wilcken, I, p. 336, 432, 2), subdivisées elles-mêmes en μερίδες ? (cf. Pap. Petr., I, n. 22 (2). III, n. 37 a, col. I, de l’an 258/7 a. C.), il y avait au début un économe par nomarchie : plus tard, après la réforme, deux économes par chacune des trois μερίδες. Déclaration de Théogène, débiteur de l’État (Pap. Petr., I, n. 16, 2). III, Introd., p. 14, de l’an 230 a. C.). Pantaléon (Strack, n. 144 : règne de Ptolémée XI). De même, Anicétos (n. 145). Au temps de Ptolémée III, l’économe de Ptolémaïs faisait de longues et coûteuses tournées, comme l’attestent les reçus du voiturier Képhalon (Pap. Petr., II, n. 25, a-i. III, n. 61-62 a).

[131] Les nomarques n’ont pas disparu, mais c’est à peine s’il est fait mention d’eux de temps à autre (cf. Tebt. Pap., n. 72, 108). Quant à leurs subordonnés, les toparques et comarques, nous n’avons à peu près rien à ajouter à ce qui en a été dit ci-dessus. On voit, au Fayoum, le comarque Horos s’adresser à son supérieur le toparque Polémon (Tebt. Pap., n. 48) ; mais on ne dit pu que les avances de semences faites sur le rapport du comarque Archibis (Pap. Petr., II, n. 39 a. III, n. 88. n. 89), aient été ordonnées par un toparque, et la collaboration des chefs et des scribes de même ressort ne laisse pas apercevoir aussi nettement que le pense H. Maspero (op. cit., pp. 201. 214) le départ des compétences : l’autorité aux nomarques, toparques, comarques ; le contrôle aux basilicogrammates, topogrammates et comogrammates.

[132] Il y a une espèce particulière de πράκτορες, dits ξενικών (Pap. Taur., lig. 1. 15. Tebt., n. 5, lig. 221. Magdol., n. 41), dont le titre reste encore énigmatique. On s’accorde seulement à suppléer ξενικών, revenus perçus sur (?) des ξένοι. Mais quels sont ces ξένοι ? Les Grecs et autres étrangers, pour lesquels est institué à Thèbes un ξενικόν άγορανόμιον (Pap. Taur., VIII, lig. 6), d’après Peyron (II, pp. 50-52, 11) ; les Égyptiens, par opposition aux Grecs, suivant Révillout (Rev. Égyptol., II, p. 140) ; des étrangers à la localité, Grecs ou Égyptiens, poursuivis au nom de créances contractées ailleurs (Grenfell-Hunt, Jouguet). Gradenwitz (in Archiv f. Ppf., III, 1, p. 30) rejette toutes ces solutions et fait des πράκτορες ξενικών des porteurs de contraintes exécutoires contre des contumaces. On sait qu’Évergète II leur défend de saisir le matériel des cultivateurs royaux et les outils des ouvriers (Tebt. Pap., n. 5, lig. 221). Ceux-ci ne sont pas des étrangers à la localité et peuvent être indifféremment des indigènes ou des Grecs ; mais les créanciers peuvent être étrangers à la localité, et c’est là, ce me semble, l’explication la plus plausible : l’argent est perçu non sur des ξένοι, mais au nom de ξένοι.

[133] Cf. Révillout, Mélanges, p. 314.

[134] Dans le Fayoum, plusieurs basilicogrammates : par exemple, Asclépiade (Goodspeed, n. 7).

[135] Cf. les textes surabondants des Tebt. Papyri. C’est le basilicogrammate que le diœcète charge de faire enquête sur une demande en dégrèvement (Tebt. Pap., n. 72, I. 197, an. 114/3 a. C.).

[136] Tebt. Pap., n. 61 b, lig. 40 sqq. : an. 118/7 a. C. Le basilicogrammate, consulté par le diœcète, est d’avis qu’on ne doit pas recouvrer par confiscation les arriérés remontant au delà d’une certaine date (Tebt. Pap., n. 72, l. 465).

[137] Un texte de l’an 252 a. C. (Pap. Petr., II, n. 20, col. 1-2) semble indiquer que tel épimélète avait rang au-dessus de l’économe. Des matelots employés au transport des grains ayant été arrêtés à Héracléopolis par l’archiphylacite Héraclide, se sont adressés à l’économe Héraclide, qui a donné l’ordre de les relâcher. Mais l’archiphylacite a refusé d’obtempérer à l’ordre écrit. Cf. le Dorion des papyrus Zoïs (I, lig. 15. II, lig. 15). Il y avait des épimélètes commissionnés pour diverses besognes. Ce n’était sans doute pas une fonction permanente. Dans les nomes subdivisés, il y avait probablement un épimélète par subdivision. Cf. Pap. Par., n. 63, col. 7.

[138] Cf. Pap. Par., n. 62, col. 3, 15. Zoispap., I, l. 15, etc. Wilcken, I, p. 517. On rencontre des locations faites par des épimélètes (Tebt. Pap., n. 61 b, l. 36, 45, 51, 57 ; n. 72, l. 48, 212), par les épimélètes et les économes (n. 61 b, l. 22), par un nomarque (n. 72, l. 205), par un suppléant du stratège et intendant (n. 72, l. 21-25), par le stratège et intendant (n. 72, l. 46). Ce que peut faire l’inférieur peut être fait, a fortiori, par le supérieur.

[139] Tebt. Pap., n. 17, du 28 juin 114 a. C. Cf. Tebt. Pap., n. 18, où Polémon, chargé lui-même de quelque révision analogue, avertit Menchès dans des termes semblables. Les grands personnages coûtaient gros à héberger, et l’épimélète était de haut rang. Dorion, épimélète au temps de l’affaire des Jumelles, est promu par la suite eeco8tocxrortiç (Pap. Par., n. 63, 7), s’il n’y a pas confusion entre homonymes (ibid., p. 349).

[140] Tebt. Pap., n. 58.

[141] Par exemple, plaintes du βασιλκόν γεωργός Haruotès, qui a reçu des coups de béton d’un certain Horos (Tebt. Pap., n. 44), — d’autres dévalisés par des maraudeurs (ibid., n. 46, 47, 126, 127, 129), — du comarque et des πρεσβύτεροι brutalisés par des contribuables (ibid., n. 48, 128), d’un fermier maltraité par des fraudeurs (n. 39). Plaintes pour vol (ibid., n. 53, 127) : rapport au basilicogrammate sur des violences commises (n. 15), etc. Voyez ci-après, au chapitre de la Juridiction (ch. XXIX).

[142] Dans le procès d’Hermias et de son parent Apollonios contre les choachytes, on voit Hermias produire aux débats un certificat du basilicogrammate, attestant sur le rapport du topogrammate et du comogrammate qu’un certain champ était inscrit au nom d’Hermon, grand-père de la mère d’Hermias (Pap. Taur., I, p. 4 du texte). Plus loin (p. 4, l. 26-27), l’avocat d’Hermias cite encore un certificat du topogrammate Pamonth concernant un immeuble. De leur côté les choachytes demandent aux fermiers de l’έγκύλιον de vérifier sur leurs registres si telle vente a bien eu lieu (Révillout, Le procès d’Hermias, pp. 162-165 : cf. ci-après, ch. XXIX).

[143] Procès intenté au comogrammate Polémon par des contribuables près le tribunal des chrématistes (Tebt. Pap., n. 29, vers 110 a. C.).

[144] Le rédacteur qui vend ses faveurs pour 12 dr. était un employé de cette catégorie.

[145] On a déjà signalé plus haut divers cas de cumul. Même les suppléants ou délégués intérimaires exercent plusieurs fonctions à la fois. Cf. Tebt. Pap., n. 13. 15. 16. 38. 61 b, lig. 287. n. 43. n. 72, lig. 25. Avec leur compétence à limites flottantes, les fonctionnaires peuvent se doubler ou se suppléer.

[146] Serment écrit (Pap. Par., n. 63, lig. 38-40), et même en double expédition (Tebt. Pap., n. 27, lig. 53).

[147] Erubescit apud eos, si quis non infiliando tributa plurimas in corpore vibices ostendat (Ammien Marc., XXII, 16, 23). Le fouet faisait partie des attributs royaux. Emploi avoué de la πειθανάγκη.

[148] Tebt. Pap., n. 5.

[149] Tebt. Pap., n. 41 (Pétition à Kronios archiphylacite, vers 119 a. C.).

[150] Voir le décret d’Ousirkhâou, de la Ve dynastie, interdisant d’imposer des corvées supplémentaires aux hiérodules et serfs des temples, pour les canaux et les travaux du domaine : car, dit le roi, les hiérodules sont sous la protection de mes mains pour l’éternité (Fl. Petrie, Abydos, II [1903] ; texte traduit par Maspero, in Rev. Crit., XXXVIII (1904], p. 192-3). Cf. les exactions réprimées, pour un moment, par Horemhebi, de la XVIIIe dynastie (Révillout, Précis, pp. 48-56). Édit de Ramsès III pour la protection des paysans (ibid., p. 115), etc.

[151] Pap. Par., n. 63. Tebt. Pap., n. 5 et 6. Cf. la circulaire du diœcète Dioscouride, Pap. Par., n. 61, et ailleurs Pap. Par., 63, col. 9.

[152] L'exception signalée plus haut a dû viser des cas spéciaux, probablement le cas d’inspecteurs délégués par le diœcète qui auraient pu être entravés dans leur mission par des intrigues procédurières. Au surplus, elle a pu être un expédient temporaire, car on voit par la suite les contribuables déférer les abus de pouvoir aux chrématistes (Tebt. Pap., n. 29. Grenfell, ad loc., p. 65. Pap. Amherst, II, n. 331.

[153] On a vu plus haut que l’économe Anicétos stipulait l’obligation pour ses successeurs de continuer ses libéralités envers le temple du grand dieu Soknopaios (Strack, n. 145. Dittenberger, OGIS., n. 119).

[154] Cf. les dons abusivement prélevés sur les administrés pour άνανεώσεις (Tebt. Pap., n. 5, lig. 186). Il semble bien que les nominations étaient faites pour un temps limité.

[155] Sur le προσλήψεως στέφανος, voyez Grenfell in Tebt. Pap., pp. 223-225. Un χρυσικός στέφανος de 1 talents 4800 dr., provenant de 14 clérouques de Kerkéosiris, est versé au crédit du stratège Parthénios (Tebt. Pap., n. 101, du 20 Thoth LI = 12 oct. 120 a. C.). J’imagine que Parthénios s’est substitué au Trésor, suivant une pratique qu’Évergète II interdit en défendant à quiconque d’exiger des cadeaux ou des services gratuits (Tebt. Pap., n. 5, l. 184-6).

[156] Fayûm Towns, n. 14. On ne sait à qui un certain Peteuris de Pathyris promet 15 talents de cuivre pour le tirer d’affaire (Pap. Grenf., I, n. 41. Goodspeed, n. 5). La somme est στέφανος χαλκοΰ τάλαντα δεκάπεντε dans Grenfell (qui y a vu un présent fait au roi), πέντε dans Goodspeed. Ces deux billets ont-ils été écrits à la même occasion ?

[157] Tebt. Pap., n. 9-10. On comprend quel genre de services pouvait rendre un scribe chargé de dresser les rôles de l’impôt foncier et des rentes domaniales. Cf. le fragment énigmatique Petr. Pap., II, n. 23 (4). III, n. 53 c : Héraclide avertit Androsthène qu’un supérieur s’est aperçu d’une omission peut-être voulue, et qu’il serait bon de la combler en inscrivant sur les rôles la maison d’Horos au nom du nouvel acquéreur, Asclépiade.

[158] Tebt. Pap., n. 112, de l’an 112 a. C. Preisigke (op. cit.) soupçonne ici un pot-de-vin et suppose que l’expression έκ τοΰ μαρσί(που), lig. 31, signifie un retrait de fonds à la banque.

[159] Tebt. Pap., n. 5, 11. 19-21. On était loin de l’idéal soi-disant réalisé par Philadelphe, qui demandait aux interprètes de la Bible des conseils comme celui-ci : Qui faut-il nommer stratèges ? et recevait la réponse : Ceux qui baissent l’iniquité et font justice (Aristeas, Ep. ad Philocr., § 280 Wendland).

[160] Tebt. Pap., n. 58.

[161] On en trouve, éparpillées dans les comptes mensuels du comogrammate Menchès, du 6 Méchir au 6 Phamenoth an V (22 févr. — 24 mars 112 a. C. Tebt. Pap., n. 112). Ce sont des allocations, en nature et en argent, soit pour le traitement du comogrammate lui-même ou de collègues, soit pour rétribution de besognes spéciales accomplies par les employés de divers bureaux (l. 25. 57. 61. 104. 118. 119). Une mention des plus énigmatiques est celle d’indemnités en argent (l. 48. 59. 88. 105).

[162] Le scribe juge et décide. Il dirige les travaux de chacun. Il tient compte de ces travaux par écrit. Il n’en tire pas profit, tu sais cela. (Correspondance d’Ameneman et Pentaour : Révillout, Précis, p. 91 ; cf. p. 124). Parlant de la morgue des bureaucrates, Révillout ne distingue plus les temps et les lieux quand il ajoute : Rien n’est puant comme le gratte-papier qui n’est que cela, et cependant gouverne tout avec une égale incompétence (p. 111). Un peu vif, mais non pas tout à fait injuste.

[163] Wilcken, I, p. 410 (à la suite d’un relevé de 218 espèces de taxes).

[164] Diodore, XVIII, 14, 1. Droysen et Wilcken ont démontré, contre Lumbroso et Rühl, que la suite du texte ne donne pas l’estimation du revenu de Ptolémée Soter, mais la somme qu’il trouva dans la caisse de Cléomène de Naucratis.

[165] Hieron., In Dan., XI, 5. Wilcken (I, p. 412) récuse, comme Droysen, la valeur de l’artabe (quæ mensura tres modios et tertiam modii partem habet) donnée par S. Jérôme, qui substitue l’artabe de son époque à celle du temps des Ptolémées, celle-ci valant 4 ½ modii. Les 1.500.000 artabes de blé peuvent être estimées de 400 à 500 talents (Bœckh-Wilcken, I, p. 668). On peut se demander si l’expression de Aegypto doit être prise absolument à la lettre. Sur le montant du Trésor de Philadelphe ou réserve en caisse, voyez ci-dessus, loc. cit., et Wilcken (pp. 416-420), qui tient pour les talents d’argent, mais suspend ici son jugement sur la valeur du témoignage d’Appien (Proœm., 10).

[166] Hérodote, III, 95 (14.560 talents dont 1.400 talents et 120.000 artabes pour l’Égypte, Libye et Cyrénaïque).

[167] Bœckh proposait 4.170 talents : somme que Rühl trouve trop forte et Wilcken trop faible.

[168] Cicéron ap. Strabon, XVII, p. 798. Diodore, XVII, 52, 6. On a supposé que Diodore s’est trompé, ou a retranché les dépenses (Mannert) ; que les deux sommes, calculées en monnaies différentes, sont équivalentes (Varges, Bœckh, Gutschmid) ; que Diodore vise seulement le produit de la douane alexandrine (Sharpe) ; qu’il a raison contre Cicéron (Rühl, Mommsen). Wilcken (pp. 413-416), élargissant la conjecture de Sharpe, pense que les 6.000 talents étaient fournis par la population d’Alexandrie, mais sur les revenus que les capitalistes et industriels alexandrins tiraient de leurs propriétés et usines disséminées dans le pays. Mais il faut admettre que les πρόσοδοι κατ' Αΐγυπτον sont les revenus des particuliers, et c’est une torture infligée au texte. Ce flot de conjectures me semble pouvoir en porter une nouvelle. Diodore vient de parler de la grandeur, de la beauté d’Alexandrie, et des grosses dépenses qu’y font les rois depuis Alexandre. Les trésoriers alexandrins, dans leur orgueil de citoyens d’Alexandrie, lui ont dit que, pour ces dépenses et l’embellissement de la capitale, le roi prélève sur les revenus de l’Égypte plus de 6.000 talents, qui ont d’abord, j’imagine, à sa cassette particulière.