Au lendemain des triomphes de César, la lamentable théorie des orphelins royaux trouva un asile auprès de la femme qui avait le plus à se plaindre de leur mère. L’épouse délaissée d’Antoine, Octavie, avec une générosité dont s’accommodaient apparemment les calculs de son frère, réunit sous son toit tout ce qui restait de la postérité du triumvir, c’est-à-dire, outre ses deux filles à elle (les deux Antonia[1]), Jullus Antonius, le fils cadet de Fulvie, et les enfants de Cléopâtre. Un tel asile était inviolable, et si, comme on en est réduit à le conjecturer, Alexandre-Hélios et son frère Philadelphe moururent jeunes, il n’en faut sans doute accuser que le caprice de la destinée. Ils eurent pour précepteur, s’il l’on en croit un témoignage incontrôlable, l’historien Nicolas de Damas[2], un familier du roi Hérode. Quant à Cléopâtre-Séléné, Octavie lui trouva, quand elle fut en âge, un époux assorti à sa condition. Elle épousa Juba de Numidie, un fils de roi, comme elle amené jeune à Rome et élevé à la romaine dans la maison de Jules César, après avoir figuré (en août 46) dans le cortège triomphal du dictateur à la place d’un père qui avait, lui aussi, échappé par le suicide à l’humiliation suprême[3]. Le jeune homme, qui devait prendre rang plus tard parmi les érudits et polygraphes de son temps[4], — on l’a appelé le Varron africain, — avait, en suivant ses goûts studieux, tenu la conduite la plus propre à avancer ses affaires. César jugea qu’il y aurait avantage pour Rome à replacer sur le trône de Numidie un prince aussi complètement converti à la civilisation gréco-romaine. Il est probable que la restauration du royaume de Numidie et le mariage de Juba avec Cléopâtre, qui associait si heureusement les débris de deux dynasties africaines, furent décidés peu de temps après le retour de César. Cléopâtre-Séléné n’avait peut-être alors que onze à douze ans ; mais les mariages politiques n’ont pas à compter avec certains obstacles, et, en fait de précocité, la race des Lagides avait fait ses preuves. Le couple royal dut partir bientôt pour la Numidie[5]. Quelques années plus tard (25 a. Chr.), César, devenu César Auguste, jugeait à propos de remanier la carte de l’Afrique et de déplacer le trône de ses protégés. La mort des rois maurétaniens Bocchus († 33) et Bogud († 31), qui avaient été entraînés par leurs patrons dans le tourbillon des guerres civiles, — Bocchus du côté d’Octavien, Bogud du côté d’Antoine, — laissait disponible le vaste royaume de Maurétanie. Le prince hésitait à annexer au domaine provincial de Rome un pays remuant et pauvre, où il faudrait maintenir plus de troupes qu’on n’en tirerait de revenus[6]. Le régime du protectorat promettait d’être plus avantageux à tous points de vue, et Juba, apparenté à l’ancienne dynastie, était tout désigné pour le rôle vacant. D’autre part, la Numidie, qui avait porté durant quinze ans le nom d’Africa nova, pouvait être administrée directement par le proconsul d’Afrique. La province d’Afrique ainsi agrandie n’en offrirait que plus de résistance, et les Numides, déjà romanisés à demi, achèveraient de perdre jusqu’au souvenir de leur autonomie[7]. Quant à Juba, il échangerait un petit royaume contre un plus grand, et il aurait, en tout état de cause, la prudence de paraître satisfait[8]. Juba et Cléopâtre quittèrent donc leur résidence de Cirta (Constantine) pour aller s’installer au-delà de Saldæ, limite orientale de leur nouveau domaine. Ils choisirent pour capitale un vieux port phénicien, Iol, protégé par une petite île qui put rappeler à Cléopâtre le Phare d’Alexandrie. Ils en firent, avec beaucoup de temps, de goût et de dépenses, une ville magnifique, non pas une Alexandrie, mais une Césarée (Ίώλ Καισάρεις - Cherchel), la première en date probablement des nombreuses villes qui échangèrent leur ancien nom contre la livrée du maître[9]. Du reste, le docte Juba n’ignorait pas que, en droit strict, il n’était qu’un affranchi de César et s’appelait C. Julius Juba[10], fils du roi Juba. En donnant à sa plus belle œuvre le nom de son patron, il faisait acte de correction autant que de reconnaissance. Il eut soin de doter sa capitale d’un Musée, dont le nom (Isæon) était plus égyptien que celui du musée alexandrin, et d’une Bibliothèque, que les faussaires, mis au courant de ses goûts de pythagoricien, l’aidèrent à remplir[11]. Certains indices portent à croire que Cléopâtre-Séléné oublia moins facilement ses origines. Si son époux avait dû à l’infortune passée de ne pas rester un « Barbare », elle pouvait, au contraire, regretter son exil en pays barbare. Elle voulut du moins s’appeler, comme sa mère, la reine Cléopâtre, et, sur les monnaies qui lui donnent ce titre figurent des symboles égyptiens, le crocodile, l’ibis, le sistre d’Isis, la vache d’Hathor. De temps à autre, une Lune rappelle le nom de Séléné qu’elle avait reçu jadis, aux temps heureux où elle devait être l’épouse de son frère, le Roi-Soleil. Il semble bien que ce droit de battre monnaie pour son propre compte, à son effigie seule, elle l’ait usurpé ou arraché, à l’état de privilège spécial, à la condescendance du gouvernement impérial[12]. Même lorsque, par une dérogation moins grave, mais apparente encore, aux usages antérieurs, autrement dit, par retour aux usages de l’Égypte ptolémaïque, les monnaies portent les effigies associées des deux époux, l’inscription, grecque du côté de Cléopâtre, latine du côté de Juba (qui pourtant écrivait en grec), révèle encore l’espèce de discorde intestine que perpétuait dans le ménage royal l’obstination de Cléopâtre à raviver les vieux souvenirs. Elle se considérait comme reine par droit de naissance, et non par la grâce d’Auguste, qu’elle ne s’habitua sans doute jamais à tenir pour un bienfaiteur. On dirait que Juba et Cléopâtre se firent réciproquement leur part dans leur postérité. Le fils issu de leur union s’appela Ptolémée, et la fille, Drusilla (le nom de Livie) ; si toutefois — tant il y a de place ici pour la conjecture — la Drusilla connue par ailleurs est bien la fille des rois de Maurétanie[13]. Cléopâtre-Séléné mourut jeune, trois ou quatre ans avant l’ère chrétienne[14]. Peut-être, toujours hantée par les souvenirs de son pays natal, s’était-elle fait construire de son vivant le magnifique mausolée dont les ruines, connues sous le nom de Qbour Roumis (Tombeau de la Chrétienne) se dressent encore aujourd’hui entre Cherchel (Césarée) et Alger (Icosium). Il était destiné à être le Sema de la dynastie égypto-maurétanienne, le monumentum commune regiæ gentis[15]. Veuf, Juba parait avoir quitté un instant ses livres et son écritoire pour suivre en Orient le petit-fils d’Auguste, C. Cæsar, chargé d’une mission militaire et diplomatique en Arménie et pays circonvoisins (1 p. Chr.). C’était pour lui une occasion de voir du pays et de recueillir, chemin faisant, des notions moins livresques sur les questions d’histoire et d’histoire naturelle qui le préoccupaient. Il y fit une expérience imprévue et, à ce qu’il semble, malencontreuse. Il épousa une princesse qui en était aussi à ses secondes noces, Glaphyra, fille d’un ancien favori d’Antoine, Archélaos dit Sisinès, maintenu par Auguste sur le trône de Cappadoce et fort empressé auprès de C. Cæsar[16]. Le premier mari de Glaphyra, Alexandre fils d’Hérode le Grand, avait été mis à mort par son terrible père, et Juba se rencontrait à propos pour assurer à la veuve un rang digne de sa naissance. Le père de Glaphyra était en littérature un confrère de Juba[17], et c’est peut-être en échangeant leurs ouvrages que les deux savants couronnés eurent l’idée de se lier d’une façon plus intime, une idée faite pour plaire à la belle-mère de Glaphyra, la reine de Pont Pythodoris, petite-fille, elle aussi, d’Antoine et remariée avec Archélaos de Cappadoce. Mais ce mariage de circonstance et mal assorti fut — toujours autant qu’on peut le conjecturer — promptement dénoué par un divorce. La perspective de s’exiler en pays barbare, même pourvu d’une bibliothèque, n’avait rien de séduisant pour la nouvelle épouse. De son côté, Juba put rompre ou laisser défaire sans regret, après la mort de C. Cæsar (4 p. Chr.), une union qui avait probablement fait partie de combinaisons diplomatiques improvisées par le jeune prince[18]. Cette reine Glaphyra, à qui, par reconnaissance pour les libéralités et le philhellénisme de Juba[19], les Athéniens s’empressèrent de décerner des honneurs officiels, ne figure nulle part sur les médailles de Maurétanie, et il est probable qu’elle ne mit jamais le pied dans le royaume de son second époux. Elle s’en consola en convolant en troisièmes noces avec son beau-frère l’ethnarque juif Hérode Archélaos, fils d’Hérode le Grand comme son premier mari. En somme, Cléopâtre-Séléné ne fut pas remplacée en Maurétanie : aucun blason nouveau ne vint faire concurrence aux souvenirs glorieux des Lagides, dont l’auréole ceignait maintenant la tête du jeune Ptolémée. Des monnaies frappées du vivant de Juba II, sur lesquelles l’héritier du trône porte le diadème et le nom de roi[20], montrent que Juba eut soin de s’associer son fils et de reconstituer ainsi la représentation vivante des deux dynasties. Nous ne savons rien sur les dernières années de Juba, et la date même de sa mort est controversée. On se doute bien que cet écrivassier couronné préférait le cabinet d’étude aux champs de bataille, et l’on ne s’étonne pas d’apprendre que, comme cavalier, il était bien dégénéré de ses ancêtres numides[21]. Quand les Gétules et Musulames envahirent son territoire (5/6 p. Chr.), ce furent les troupes romaines commandées par Cossus Cornélius Lentulus qui les refoulèrent et reculèrent de ce côté les limites du protectorat romain[22]. Ptolémée de Maurétanie succéda à son père. A la fois indolent et présomptueux, ami du faste et des plaisirs, gouverné par ses affranchis, on eût dit qu’il retournait d’instinct aux vices héréditaires des Lagides. Mais ces vices orientaux ne pouvaient pas être impunément transplantés hors d’Égypte. Les Maurétaniens, n’étant plus contenus par la main à la fois ferme et douce de Juba, se révoltèrent et contre leur roi et contre les Romains, dont ils l’accusaient d’être l’esclave. Ils firent cause commune avec le Numide Tacfarinas, qui, depuis près de huit ans déjà (17-25 p. Chr.), tenait en haleine les légions envoyées dans la province rebelle. Les Romains obligèrent Ptolémée à combattre avec eux contre leurs sujets et les siens. La révolte étouffée, ils le récompensèrent de ses services par des honneurs propres à flatter sa vanité et peut-être aussi à le rendre plus impopulaire encore. Sur le rapport qui fut fait des services de Ptolémée dans cette guerre, on renouvela pour lui un usage des premiers temps : un sénateur fut envoyé pour lui octroyer le sceptre d’ivoire, la toge brodée, antiques présents du Sénat, et le saluer des noms de roi, d’allié et d’ami[23]. C’était une façon de lui donner ostensiblement l’investiture et de lui rappeler que le titre de roi était, en Maurétanie, inséparable de celui d’ami de Rome. Ptolémée fut si flatté de ces décorations qu’il les fit reproduire sur ses monnaies[24]. Mais cette toge triomphale devait être la cause, ou l’occasion, ou le prétexte de sa perte. Elle lui fit oublier qu’il ne fallait pas porter si haut la tête devant l’empereur romain, surtout quand cet empereur était Caligula, et Caligula à court d’argent, en quête d’un héritage à confisquer. Caligula, qui était son cousin[25], l’avait sans doute habitué à une certaine familiarité. Suétone raconte que l’empereur le mit de moitié dans une mystification inoffensive, qui dut les faire rire tous deux aux dépens d’un chevalier romain, puni d’une incartade par une mission soi-disant officielle en Maurétanie. La lettre de recommandation que le chevalier devait remettre à Ptolémée au nom de l’empereur était ainsi libellée : A l’individu que j’ai envoyé là-bas ne fais ni bien ni mal[26]. Un jour, Ptolémée reçut une lettre plus sérieuse. Son cher cousin éprouvait le désir de le voir à Rome. Il y fut accueilli d’une façon cordiale ; mais, comme il assistait à des jeux de gladiateurs, donnés probablement en son honneur, l’effet produit sur l’assistance par son superbe manteau (abolla) de pourpre excita soudain la mauvaise humeur de Caligula, qui n’aimait pas à être éclipsé par un voisin à son gré trop riche. Jamais catastrophe ne fut plus imprévue, du moins pour la victime. Ptolémée fut arrêté, disgracié, dégradé, envoyé en exil. L’exil était un euphémisme. Sur la route, Ptolémée tomba dans quelque guet-apens, imprévu aussi, et y resta avec bon nombre de gens de sa suite[27]. Caligula aurait pu le séquestrer dans son palais et l’y laisser mourir de faim, comme il fit, dit-on, pour hériter du riche Pompée[28] ; mais l’empereur aimait à varier ses procédés, et le moyen qu’il employa dut lui paraître une de ses meilleures plaisanteries (40 p. Chr.)[29]. Ainsi périt le dernier rejeton des Lagides, laissant son palais, ses trésors, ses belles tables de thuya[30], aux mains des recors impériaux et le trône de Maurétanie en déshérence. Soit qu’il n’eût pas eu de femme légitime, soit que la nature eût trahi ses intentions, il ne paraît pas avoir laissé de postérité. Ce n’est pas un fils, c’est un affranchi de Ptolémée, Ædémon, qui souleva le pays, à la fois pour venger son maître et sauvegarder l’indépendance de la Maurétanie[31] Au bout de deux ans de luttes (40-42), Rome victorieuse fit du pays deux provinces, la Maurétanie Césarienne et la Maurétanie Tingitane, administrées par des procurateurs impériaux. Ce fut Claude qui organisa le nouveau régime, le poignard de Cassius Chæréa ayant débarrassé le monde, quelques mois après la mort de Ptolémée, du fou qui trônait au Palatin (24 janvier 41). C’est lui sans doute aussi qui, ne sachant que faire de la reine Drusilla, sœur de Ptolémée, eut l’idée de la marier à son affranchi — ou plutôt affranchi de sa mère Antonia — et favori Antonius Félix. L’histoire de la dynastie des Lagides est définitivement close. Comme une proie assaillie par la louve romaine, la descendance de Ptolémée Lagide avait été traquée, spoliée, exterminée par celle de César, et pas une parcelle de ses domaines n’avait échappé à la rapacité de ses persécuteurs. Il ne restait plus à ceux-ci qu’une façon d’exploiter leurs victimes : c’était de leur emprunter des procédés de gouvernement et des recettes administratives. L’étude des institutions impériales prouve que les Césars n’y manquèrent pas[32]. En examinant de plus près, au cours du troisième volume, celles de l’Égypte ptolémaïque, nous aurons de temps à autre l’occasion de noter et d’expliquer par l’imitation les progrès de la bureaucratie romaine, qui finit par imposer aux Romains eux-mêmes un joug façonné pour les fellahs des bords du Nil. FIN DU TOME DEUXIÈME. |
[1] De ces deux filles, Antonia major épousa L. Domitius Ahenobarbus et fut la grand-mère de Néron : Antonia minor épousa Drusus, frère de Tibère, et fut la mère de Germanicus. Une autre Antonia, née du mariage d’Antoine avec sa cousine Antonia et de dix ans au moins plus âgée, avait épousé, en 34, Pythodore de Tralles : leur fille, Pythodoris, devint, par la suite, la femme de Polémon, roi de Pont, et, veuve de ce premier mari, épousa ensuite Archélaos Sisinès, fait roi de Cappadoce par Antoine, pour complaire à la belle Glaphyra. Cf. Mommsen, De titulo reginæ Pythodoridis Smyrnæo. Jullus Antonius épousa Marcella, la fille d’Octavie et de Marcellus, et fut plus tard (2 a. Chr.) mis à mort ou contraint au suicide comme amant de Julie.
[2] Sophron. in Mai, Spicileg., III, p. 548. Cf. Lumbroso, Egitto, p. 115, 2. Il semble bien que Nicolas n’a pu séjourner à Rome que passé l’an 20 a. Chr.
[3] Plutarque, Ant., 87. Cæsar, 55. Appien, B. Civ., II, 101. Dion Cassius, XLIX, 16. LI, 15. Suidas, s. v. Ίόβας. Cf. R. de la Blanchère, De rege Juba regis Jubæ filio, Paris, 1883.
[4] Pline, V, 16. — Athénée, III, p. 83 b. — Avien., Ora marit., 280, et Plutarque, Anton., 87. Fragments de ses œuvres dans FHG., III, p. 465-484. Cf. Sevin, Recherches sur la vie et les œuvres de Juba le Jeune (Mém. de l’Acad. d. Inscr., IV (1717), pp. 457-466). Il écrivit beaucoup (πόλλα πάνυ : Suidas), mais avec plus d’érudition que de critique. Cf. H. Peter, Ueber den Wert der historischen Schriftstellerei des Königs Juba II. Meissen, 1879. M. Wellmann, Juba, eine Quelle des Aelian (Hermès, XXVII [1892], pp. 389-406).
[5] Il me parait difficile de rapporter au mariage de Cléopâtre et de Juba — et non au mariage de Ptolémée III Évergète et de Bérénice — l’épigramme où Crinagoras célèbre la réunion de l’Égypte et de la Libye, en souhaitant aux descendants du couple royal de conserver à perpétuité ces deux couronnes (Anthol. Palat., IX, 235). Crinagoras, qui appartenait à la société d’Octavie et de Marcellus (cf. VI, 161. 242) se serait singulièrement mépris sur les intentions du prince. Il est vrai, d’autre part, qu’on ne voit pas pourquoi il serait allé réveiller les souvenirs de l’époque glorieuse de l’Égypte maintenant vaincue, si ce n’est à l’occasion de ce mariage. Il a procédé par allusion, au risque d’être maladroit.
[6] C’est une leçon qui a été perdue pour nous lors de la conquête de l’Algérie et que nous commençons à. mieux comprendre, à mesure que l’esprit politique prend le dessus dans l’opinion sur l’esprit militaire. Provisoirement, de 33 à 25, la Maurétanie fut administrée comme domaine romain (Dion Cassius, XLIX, 43).
[7] La révolte du Numide Tacfarinas sous Tibère montra que même cette annexion était prématurée.
[8] Il y a là des questions litigieuses qu’il est bon d’exposer, en partant des données premières. Dion Cassius (LI, 15) place à la date de 30 a. C. le mariage de Juba avec Cléopâtre et sa réintégration en Numidie, et en l’an 25 l’échange de la Numidie contre les Maurétanies et une partie de la Gétulie (LIII, 26). Strabon (VI, p. 288. XVII, p. 828) est d’accord avec lui, sauf qu’il suppose non pas l’échange, mais l’adjonction des Maurétanies au royaume héréditaire de Juba (p. 828), inadvertance facile à rectifier. Th. Mommsen (R. G., V3, p. 628, 1) récuse les assertions de Dion Cassius et soutient : 1° que Cléopâtre, née vers 35, n’a pas pu être mariée en 30 ; 2° que Juba n’a jamais été réintégré en Numidie, attendu qu’il ne compte ses années de règne qu’à partir de l’an 25. Gardthausen (Augustus, II, 2, pp. 387388) lui répond : 1° que Cléopâtre est née avant 35, au plus tard à la fin de l’an 40, et que Dion Cassius n’a pas nécessairement anticipé de beaucoup en parlant du mariage de Cléopâtre-Séléné à propos de la mort de sa mère ; 2° que Juba a pu être envoyé en Numidie, avant la bataille d’Actium, pour la défendre au besoin contre Antoine (ceci pour expliquer que Juba ait fait campagne avec César, Dion Cassius, XLIX, 16), mais sans le titre de roi, octroyé seulement en l’an 25. Cette dernière concession ne me parait même pas nécessaire. Juba, une fois le régime définitif établi, était assez bon courtisan pour effacer la trace des tâtonnements du maître.
[9] Strabon, XVII, p. 831. Oppidum celeberrimum Cæsarea, ante vocitatum Jol, Jubæ regia (Pline, V, § 20). Cf. V. Waille, De Cæsareæ monumentis quæ supersunt, vel Cæsarea ex titulis reliquiisque a tempore regis Jubæ usque ad annum a Christo 372, Alger, 1891.
[10] Ses affranchis à lui portent les nom et prénom de C. Julius (R. de la Blanchère, pp. 86-91).
[11] Il y eut à Césarée un Isæon, dans lequel Juba exposa des curiosités naturelles (Pline, V, § 51). C’était une sorte de Musée, qui rappelait celui d’Alexandrie et les goûts de Ptolémée Philadelphe. Juba dédia à C. Cæsar, petit-fils d’Auguste (ad C. Cæsarem Augusti filium), un gros ouvrage sur les curiosités naturelles de l’Arabie (Pline, VI, § 441. XII, § 56. XXXII, § 10. Solin., p. 33, 8 Mommsen). Un scoliaste d’Aristote (coll. Brandis, Berlin, 1836, p. 28) dit que les supercheries dont Ptolémée avait été dupe pour les œuvres d’Aristote se renouvelèrent pour Juba colligeant les œuvres de Pythagore. On lui apportait des volumes auxquels on donnait artificiellement un air de vétusté.
[12] Sauf Tryphæna, reine de Pont, et Gepæpyris, reine du Bosphore, aucune reine d’État fédéré n’apparaît sur les monnaies. Encore ces reines n’y figurent-elles jamais seules (R. de la Blanchère, op. cit., p. 94). En tout cas, elles auraient suivi et non pas donné l’exemple. On a cru reconnaître le couple Hélios-Séléné sur des monnaies de Cléopâtre (L. Millier, Numismatique de l’Afrique ancienne, III, p. 120). Ce n’est pas une raison pour prétendre savoir (comme le fait R. de la Blanchère, p. 103) que Alexandre et Philadelphe partirent avec leur sœur en Libye et restèrent toujours chez Juba. Ces monnaies seraient plutôt un hommage posthume et un équivalent d’apothéose.
[13] La controverse roule sur deux textes, l’un de Tacite, l’autre de Suétone, rapprochés d’un passage de Josèphe. Tacite (Hist., V, 9), parlant de l’affranchi Antonius Félix, fait procurateur de Judée par Claude, dit de lui qu’il avait épousé une petite-fille d’Antoine et de Cléopâtre appelée Drusilla (Drusilla Cleopatræ et Antonii nepte in matrimonium accepta). Suétone (Claude, 28) cite comme exemple de favoritisme sous Claude Felicem, quem cohortibus et alis provinciæque Judææ præposuit, trium reginarum maritum. D’autre part, Josèphe, qui parait bien renseigné sur les affaires de Judée, raconte que le procurateur Félix épousa Drusilla, fille du roi Hérode Agrippa II, préalablement divorcée d’avec Aziz, roi d’Émèse (A. Jud., XX, 7[5], 1-2) et auparavant destinée au prince royal de Commagène Antiochos Épiphane, qui avait refusé de se faire circoncire pour l’épouser (XIX, 9, 1). Comme cette Drusilla avait pour mère une petite-fille d’Hérode le Grand, Cypros, née d’un mariage entre le neveu et la fille d’Hérode, il est impossible de remonter par elle à Antoine et Cléopâtre. Si l’on veut maintenir côte à côte les assertions de Tacite et de Josèphe, il faut admettre que Félix a épousé successivement deux reines du nom de Drusilla et mettre Suétone d’accord en corrigeant trium en duarum (II au lieu de III). Mais, si l’existence de la Drusilla juive, qui figure aussi dans les Actes des Apôtres (XXIV, 24), est hors de doute, on cherche de qui l’autre pourrait descendre. Cléopâtre-Séléné étant morte aux abords de l’ère chrétienne, sa fille aurait approché de la cinquantaine au moment où l’on veut qu’elle ait épousé Félix. Cependant, Tacite, qui nous montre Félix devenu parent de Claude par alliance (Claude étant lui-même petit-fils d’Antoine par sa mère Antonia), parait sûr de son fait. R. de la Blanchère (p. 103) songe à faire de Drusilla une fille d’Alexandre-Hélios ou de son frère Philadelphe, de qui on ne sait rien. E. Schürer (I, p. 418, 22) se débarrasse au moins du nom de la Drusilla romaine, en supposant que Tacite a confondu la première reine avec la princesse juive. Il serait étrange que ce nom très romain n’eût été porté que par la Juive. La solution la plus raisonnable est d’admettre que, pour se pousser aux honneurs, Félix épousa d’abord (avant 52) la vieille fille, parente de Claude, et, par la suite, la princesse juive homonyme. La troisième reine, parfaitement inconnue, nous importe peu : nous la laissons pour compte à Suétone. Nous ignorons également par quelle généalogie, par quelle greffe vraie ou supposée, Zénobie, la reine de Palmyre, pouvait, au IIIe siècle de notre ère, se dire issue de Cleopatrarum Ptolemæorumque gente (Trébellius Pollion, Tyr. trig., 30). 11 y a une raison qui dispense d’en chercher d’autres : c’est que Zénobie, maîtresse de l’Égypte de 269 à 271, voulait non seulement imiter Cléopâtre, mais légitimer sa conquête en se donnant pour une descendante des Lagides. Cf. L. Homo, Essai sur le règne de l’empereur Aurélien (270-275). Paris, 1904.
[14] Sur la date de la mort de Cléopâtre, voyez Th. Mommsen, à propos de la dédicace à Glaphyra (Eph. Epigr., I [1873], pp. 276-278).
[15] Pomponius Mela, I, 6. Le géographe ne dit pas de quelle dynastie. On a songé à Syphax ou à Massinissa, et l’attribution du monument à Juba II reste encore aujourd’hui à l’état d’hypothèse. Voyez la description et la photographie des ruines dans S. Gsell, Les monuments antiques de l’Algérie, I (Paris, 1901), pp. 69-74. Ces ruines, déblayées en 1865-6 par Berbrugger et Mac-Carthy, ont encore actuellement 33 m. de hauteur sur 64 m. de diamètre. La forme générale est celle d’un tambour circulaire posé sur une large base carrée. Les aménagements intérieurs (caveau central, dalles-portes, etc.) rappellent ceux des pyramides égyptiennes (Gsell, p. 72). Il ne me semble pas nécessaire d’admettre que celui qui fit construire un mausolée aussi grandiose était un souverain puissant (Gsell, p. 69). Cléopâtre et Juba ont pu mesurer l’entreprise non à leur puissance réelle, mais à l’orgueil de leurs souvenirs. Juba avait assez d’argent pour faire, toujours à l’instar des Ptolémées, des libéralités aux Athéniens.
[16] Cette Glaphyra, arrière petite-fille de l’Archélaos qui avait régné six mois en Égypte avec Bérénice IV, portait le nom de sa grand-mère, la belle Glaphyra, qui avait obtenu d’Antoine le trône de Cappadoce pour son fils.
[17] Sur les ouvrages du roi Archélaos, ό χωρογράφος (Diogène Laërte, II, § 17), dont Pline (XXXVII, § 46) cite une opinion sur l’origine du succin, ouvrages utilisés par Juba, voyez Susemihl, I, p. 700 sqq., et les références données par Berger, in Pauly-W’s R.-E., II [1896], p. 451-2, s. v. Archelaos. On sait par Strabon (XII, p. 556) qu’Archélaos épousa Pythodoris veuve de Polémon Ier, et je ne vois pas d’inconvénient à admettre que ce mariage était déjà conclu à l’époque où nous sommes. Archélaos pâtit plus tard d’avoir délaissé Tibère, alors en disgrâce, pour faire sa cour à C. Cæsar. Il fut dès lors invisus Tiberio, quod eum Rhodi agentem nullo officio coluisset, — quia florente Gaio Cæsare missoque ad res Orientis intuta Tiberii amicilia credebatur (Tacite, Ann., II, 42).
[18] Josèphe affirme expressément (A. Jud., XVII, 13, 4) que Glaphyra épousa Juba ; mais il affirme aussi qu’elle ne se remaria avec Hérode Archélaos qu’après le décès de Juba (μεταστάντος, ou plus nettement encore, τελευτήσαντος τοΰ Λιβύος), et, sur ce dernier point, on refuse de l’en croire, attendu que, d’après son propre témoignage, Glaphyra est morte très peu de temps après son troisième mariage (incestueux selon la loi judaïque), en tout cas, avant la destitution et l’exil d’Archélaos l’ethnarque (6 p. Chr.), c’est-à-dire, longtemps avant la mort de Juba. Dès lors, il ne reste plus guère que l’hypothèse du divorce avec Juba, proposée par C. Müller (FHG., III, p. 466).
[19] C’est probablement en passant par Athènes qu’il mérita par quelque libéralité la statue à lui érigée dans le gymnase Ptolémæon (Pausanias, I, 17, 2), un lieu choisi avec intention pour honorer le savant et le père d’un Ptolémée. La dédicace à Glaphyra est restituée par Mommsen (Eph. Epigr., I [1873], p. 278). Il y a là des conjectures assez aventureuses ; mais les honneurs décernés à Juba rendent vraisemblable l’hommage à Glaphyra.
[20] Sur les monnaies de Juba II, de Cléopâtre et de Ptolémée, voyez L. Müller, Numismatique de l’ancienne Afrique, III (Copenhague, 1862), pp. 103-137, avec Supplément (Copenhague, 1874), pp. 74-78. Les monnaies sont classées en monnaies de Juba seul (n° 18-83) ; de Juba et Cléopâtre (n° 84-102) ; de Cléopâtre seule (n° 103-104) ; de Juba et Ptolémée associés (n° 105-108) ; de Ptolémée et Juba défunt (n° 109-111) ; de Ptolémée seul (112-207). Les monnaies de Juba seul portent des dates qui ne dépassent pas l’an XLVIII (23 p. Chr.), et les monnaies de Ptolémée seul enregistrées par L. Müller donnent pour date extrême l’an XVIII, de sorte que ces 18 ans ajoutés aux 48 de Juba aboutissent à l’an 40 de notre ère, date certaine de la mort de Ptolémée. La date indiquée par les monnaies pour la mort de Juba est en parfait accord avec les textes de Tacite, qui donne Juba comme vivant en l’an 23 (Ann., IV, 5) et son successeur Ptolémée comme ayant déjà fait preuve d’incapacité l’année suivante (Ann., IV, 23-24. Cf. Strabon, XVII, pp. 828. 840). Mais la découverte d’un denier de Ptolémée portant la date de l’an XX (Bull. des Antiq. Afric., 1889, p. 348. Bull. Archéol. du Comité des Trav. Hist., 1889, pp. 388-392) a remis en question la date initiale du règne de Ptolémée, et elle obligerait à déplacer aussi celle de la mort de Juba, si l’on considérait l’avènement de Ptolémée comme suivant le décès de son prédécesseur. De là, des calculs aventureux, avançant la mort de Juba en 20, ou même 18 p. Chr., si l’on fait entrer dans ses 48 ans de règne le temps où il était roi de Numidie. Mais ces hypothèses sont superflues : la date de l’an XX, qui, considéré comme dernier et correspondant à 40 p. Chr., reporte l’an I à 21 p. Chr., ne fait que confirmer la thèse, indiquée par le n° 106 de Müller (les deux rois, avec la date a. XLVIII) et probable a priori, de l’association au trône, association qui remonterait à trois ans au moins avant la mort de Juba. Elle remonterait même beaucoup plus haut, si (comme le propose Mommsen après Eckhel) on traduisait par roi, et non par prince royal (comme le fait Müller), le titre Rex Ptolemæus inscrit sur une monnaie de Carthago Nova en Espagne, qui date du temps d’Auguste (n° 204 Müller). Sur les portraits de Juba II, ou attribués à Juba (en dehors des monnaies), voyez V. Waille (op. cit., photographie de la tête en frontispice), et P. Gauckler (Musée de Cherchel [Paris, 1895], pp. 112-114. Bulletin d’Oran [20e Anniversaire, Oran, 1898], pp. 128-133). M. Gauckler s’occupe aussi de Ptolémée et estime qu’aujourd’hui grâce à de récentes trouvailles, le problème de l’iconographie des derniers rois de Maurétanie peut être considéré comme résolu (Bull., p.131). Cf. P. Monceaux, Le musée grec des rois de Maurétanie (Gaz. Archéol., 1886).
[21] Il disait de lui-même, en plaisantant : Quid ? Tu me Hippocentaurum (Quintilien, VI, 3, 90).
[22] Dion Cassius, LV, 28. Florus, II, 31. Orose, VI, 21, 18.
[23] Tacite, Ann., II, 52, III, 20-21. 73-74. IV, 13, 24-26. Le vainqueur de Tacfarinas, P. Cornélius Dolabella, était probablement fils et petit-fils des Dolabella amis de la grande Cléopâtre.
[24] La découverte d’une monnaie d’or de Ptolémée, datée de l’an XVII du règne (Bull. de Corr. Afric., I [1882], pp. 201-205. II [1883], p. 80. III [1884], p. 20. SB. der Berlin. Akad., nov. 1883, p. 1145-7), a soulevé une grave question de droit public. L’authenticité de la médaille une fois admise, il a fallu enregistrer une seconde exception à la règle qui réservait à l’empereur la frappe de la monnaie d’or dans toute l’étendue de l’empire, y compris les pays de protectorat. Le privilège qu’avaient conservé (et non pas acquis) les rois du Bosphore aurait été conféré au roi de Maurétanie, sans doute, croyait-on, par l’amitié démonstrative et capricieuse de Caligula. Mais une nouvelle pièce d’or datée de l’an I de Ptolémée (Revue Africaine, XLI [1897], pp. 386-387) écarte cette explication plausible, et ce serait alors Tibère, l’administrateur vigilant, incapable de fantaisies impolitiques, qui, sans raison discernable, aurait concédé ce privilège impérial à un jouvenceau mal noté à Rome, dès l’an 23, avant la défaite de Tacfarinas, ou peut-être plus tôt, du vivant même de Juba ! Il y a là une invraisemblance qui légitime tous les doutes sur l’authenticité de la seconde médaille et, par contrecoup, rend la première fort suspecte.
[25] Par son père Germanicus, fils de Drusus et d’Antonia, Caligula était arrière-petit-fils d’Antoine, lequel était le grand-père maternel de Ptolémée.
[26] Suétone, Caligula, 55.
[27] Sénèque, De tranguill. an., II, 10. Pline, V, §11. Suétone, Caligula, 35. Dion Cassius, LIX, 25. Zonaras, XI, 6. Il y a, comme toujours, quelques variantes. Sénèque seul fait une allusion discrète au guet-apens : Ptolemæum Africæ regem, Armeniæ Mithridatem, inter Caianas custodias vidimus : alter in exsilium minus est ; alter, ut meliore fide mitteretur, optabat. Comme on sait que Mithridate, sauvé par la mort de Caligula, fut réintégré en Arménie par Claude (Dion Cassius, LX, 8), la déloyauté vise la mort de Ptolémée. Suétone dit simplement : Ptolemæum... repente percustit, et Dion Cassius (Πτολεμαΐον) μεταπέμψας καί μαθών ότι πλουτεΐ, άπέκτεινε, καί άλλους πόλλους μετ' αύτοΰ. Cf. B. Willrich, Caligula, in Beitr. z. alt., Gesch., III, 2 (1903), p. 316-7. Il se peut, comme le dit Willrich, que Ptolémée eût commis une incorrection grave en portant à Rome un manteau de pourpre ; mais ce n’est pas une raison pour récuser Dion Cassius et Zonaras, en soutenant que Ptolémée ne pouvait ni être riche ni en avoir la réputation. Il avait sans doute fait aux Athéniens, comme son père Juba, des libéralités récompensées par un décret honorifique (CIG., 360. CIA., III, 555). L’opinion de Böckh, à savoir qu’il s’agit d’un petit-fils de ce Ptolémée, est tout à fait invraisemblable, έκγονος étant ici synonyme de descendant à un degré quelconque des rois d’Égypte (cf. L. Müller, op. cit., p. 82, n. 3). Les quelques inscriptions africaines concernant Juba (CIL., VIII, 9344. 9348. 9349. 9350) et Ptolémée (8927. 9257. 9342. 9350) sont insignifiantes.
[28] Sénèque, op. cit., II, 8. Peut-être le consul suffect de l’an 31 ?
[29] La date est assurée non seulement par le récit de Dion Cassius, mais par le fait que l’ère de la Maurétanie Césarienne part du 1er janvier 40.
[30] Pline (XIII, §§ 91-93), parlant de l’arbor citri (citrus corruption de cedrus, en grec θύον, θύα, θυΐα, θύεια), un arbre de Maurétanie, et de la mensarum insania, cite comme une merveille de grandeur et de perfection dans l’assemblage des deux moitiés une table a rege Mauretaniæ Ptolemæo, de 4 pieds ½ (1 m. 38) de diamètre et d’un quart de pied (0 m. 074) d’épaisseur.
[31] Dion Cassius, LX, 9. Pline, V, § II. Dion Cassius ne cite pas le premier instigateur de la révolte, Ædémon, mais seulement le général maure Salabos, deux fois battu par Cn. Hosidius Geta en 42. En 69, à la faveur de l’anarchie déchaînée par la chute de Néron, le procurateur Albinus essaya de refaire le royaume de Maurétanie. Du moins, le bruit en courut à l’époque : spargebatur insuper, spreto procuratoris vocabulo Albinum insigne regis et Jubæ nomen usurpare (Tacite, Hist., II, 58).
[32] Les Romains de race ne se vantaient pas d’être les disciples des Égyptiens : mais Appien, qui était d’Alexandrie, se plaît à remarquer que César a appris en Égypte à connaître les institutions du pays et s’en est servi comme de modèle (Appien, B. Civ., II, 154).