ÉTUDE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE M. T. VARRON

 

CHAPITRE IX. — LE DE RE RUSTICA.

 

 

I

De l'écrivain dans le De re rustica. — Caractère de la composition littéraire de cet ouvrage. — Analyse des trois livres qu'il contient.

 

Le traité sur l'agriculture n'est pas le dernier qu'ait écrit Varron ; c'est cependant par lui que je vais finir. Il est le seul qui nous soit parvenu tout entier ; or, après s'être si longtemps arrêté sur des fragments confus et des phrases mutilées, on éprouve le besoin de sortir enfin de ces conjectures, on ne croirait pas avoir porté sur l'écrivain qu'on étudie un jugement solide, si, avant de finir, on n'établissait son opinion sur quelque ouvrage complet, qui ne laisse point de place aux doutes et aux controverses.

Malheureusement le De re rustica, par le sujet même qu'il traite, échappe en partie à notre étude. J'avoue que je connais peu l'art dont Varron fait ici des leçons, et mon ignorance m'empêche de décider s'il y est bon maître. Il faut sur ce point s'en référer aux habiles[1], qui déclarent que son livre est bien fait et rempli d'excellents préceptes qui n'ont pas cessé d'être utiles aujourd'hui. Pour moi, ma compétence ne s'étend pas si loin, et, laissant de côté le fond du sujet, je me bornerai à prendre le De re rustica comme une œuvre littéraire, et à y étudier la composition même de l'ouvrage et le caractère de l'auteur.

Caton, en écrivant pour les agriculteurs, ne se préoccupait que d'être utile. Son traité n'est qu'un recueil de préceptes et de remarques qui n'ont presque aucune suite. A mesure qu'il se souvient de quelque pratique qui lui a réussi ou qu'il apprend quelque recette nouvelle, il l'ajoute à son livre, et place ainsi, sans plus de façons, les formules de sa médecine magique à côté des moyens de saler les jambons et de conserver les asperges. Quant à chercher à se faire lire par les charmes du style ou les artifices de la composition, Caton n'y songeait pas. Mais, au temps de Varron, la littérature régnait ; les esprits, plus cultivés, étaient devenais plus exigeants ; il fallait les instruire avec agrément, et, jusqu'en ces ouvrages où le sérieux et l'utile dominent, rester littérateur. Varron suivit l'exemple que lui donnait Xénophon dans ses Économiques, et, plus récemment, Cicéron, dans ses ouvrages de rhétorique et de philosophie, il employa pour son traité la forme commode et animée du dialogue.

Mais, en vérité, je crains de lui nuire, en rappelant ici le nom de Cicéron. Si l'on abordait la lecture du De re rustica avec le souvenir des Tusculanes ou du De oratore, Varron s'en trouverait mal. Celui qui se rappelle avec quel art admirable le dialogue est amené et conduit dans ces beaux ouvrages, comme il s'y déroule sans effort, et passe naturellement des généralités ordinaires à des gens qui s'abordent au sujet même qu'on veut traiter, comment enfin on y sent toujours, à mille incidents adroitement imaginés ; que ce sont d'honnêtes gens qui conversent, et non pas des savants qui exposent une question de parti pris, celui-là court le risque de trouver bien souvent Varron maladroit et ennuyeux. J'ai dit ailleurs que le dialogue n'est' chez lui qu'un artifice trop visible pour tenir l'attention du lecteur en éveil, qu'il prend peu de souci de lier lai partie dramatique ou dialoguée à la discussion des idées, et qu'on pourrait la supprimer sans que le reste en souffrît. Cependant, malgré ces défauts, qui sont fort apparents, il faut bien lui accorder une certaine fécondité d'invention, un goût souvent heureux pour le dramatique et la mise en scène, et de l'esprit et du piquant dans le détail du dialogue. En somme, ces entretiens ne donnent pas une mauvaise idée de l'imagination de Varron, quand elle était plus jeune, qu'il pouvait lui donner carrière, et l'appliquer à des sujets plus capables de l'exciter.

Le De re rustica contient trois livres. Dans chacun d'eux l'entretien est amené par une histoire différente, et Varron s'est donné la peine d'inventer à chaque fois un petit drame nouveau. Le premier livre, qui traite de l'agriculture en général, s'ouvre par un prologue intéressant. Pendant la fête des semailles, le gardien du temple de Tellus[2] a rassemblé chez lui quelques amis, Varron, Fundanius, son beau-père, Agrasius, Licinius Stolon, etc. Mais au moment de les recevoir, il est appelé lui-même par l'édile, qui avait le soin du temple dans ses attributions. En attendant son retour, ses amis s'assoient dans l'édifice, en face d'une carte de l'Italie tracée sur la muraille. L'éloge de ce beau pays si riche, si bien cultivé, amène naturellement à parler de l'agriculture. Dès ce moment l'exposition sérieuse commence. Chacun traite à son tour une partie du sujet ; tout se fait avec ordre et méthode. On enferme d'abord l'agriculture dans ses véritables limites, on en sépare soigneusement ce qui en est distinct ; puis on divise et on subdivise le sujet, comme c'est la manie de Varron, et on se met enfin à le traiter. Une fois qu'on y est entré, on ira méthodiquement et sans dévier jusqu'au bout. Il faudra s'occuper successivement de l'emplacement et de la construction de la ferme, des moyens d'exploiter les champs, des instruments de travail, des diverses cultures et des soins qu'elles réclament ; et même le raisin cueilli et le blé coupé, vous n'êtes pas tout à fait quittes. Voilà bien longtemps, dit Agrasius à Stolon, qu'assis à la porte de la ferme, et les clefs à la main, j'attends que vous fassiez rentrer les récoltes[3]. Il faut donc, après les avoir coupées, installer les moissons au logis, porter le foin et le blé dans les greniers, l'olive au pressoir, le vin à la cuve, et ramener les échalas prendre, sous les toits, leurs quartiers d'hiver[4]. Cependant l'entretien a duré bien longtemps, pendant soixante-neuf chapitres, et aucun des interlocuteurs ne semble s'en être aperçu, ni se souvenir du gardien, qu'ils sont venus chercher, où du dîner qui se fait tant attendre. Mais une fois le fourrage enfermé et la matière bien épuisée, un esclave arrive tout en pleurs ; il annonce, au grand étonnement des assistants et du lecteur, que son maître vient d'être assassiné, et tout le monde se retire, plus ému, dit Varron[5], du malheur de cet homme, qu'étonné de voir de pareils événements se passer à Rome. C'était au fort des guerres civiles, et cet événement, qui nous paraît étrange, et qui clôt ce premier livre d'une manière un peu trop dramatique, pouvait bien alors sembler très-naturel.

Le second livre traite des troupeaux. Varron y entame le dialogue avec une brusquerie singulière. Ménas venait de sortir, Cossinius se tournant vers moi : Nous ne vous laisserons pas partir, me dit-il, avant que vous n'ayez achevé ce que vous aviez commencé à nous apprendre, quand on vous a interrompu. Schneider suppose qu'il y a ici quelque lacune, mais je n'en crois rien, et cette vivacité de début me semble assez conforme aux goûts de Varron et à son désir de piquer la curiosité du lecteur. Il entre brusquement en matière, comme Homère dans l'Odyssée, et jette le lecteur au milieu des événements. Si quelques explications nous sont nécessaires sur le lieu-de la scène et le nom des personnages, il nous les donnera plus tard. Nous sommes en Épire, le pays des grands troupeaux ; Varron, qui commande la flotte, pendant la guerre des Pirates, a réuni quelques grands propriétaires de la contrée, et l'on cause de ce qui les intéresse. Tout s'y passe avec le même ordre que dans le premier livre. Chacun prend la parole à son tour, sans jamais être interrompu, épuise le sujet qu'il veut traiter, et y met même tant de conscience qu'au moment de finir il se recueille en lui-même et regarde autour de lui, pour savoir s'il n'a rien oublié[6]. C'est Varron qui commence par des considérations générales sur l'élève des bestiaux, l'origine de cette science et la haute estime qu'elle mérite. On reconnaît, à ce rôle qu'il s'était attribué à. lui-même, son goût ordinaire pour les développements généraux placés en tête d'un sujet et qui l'embrassaient dans son ensemble. Atticus parle ensuite des brebis. Lorsqu'il a assez bêlé, suivant l'expression de Cossinius[7], on passe aux chèvres, aux chiens, aux ânes. Lucienus ouvre la barrière et lance les chevaux[8], et Scrofa s'occupe des porcs et des truies. Celui-là semblait, par son nom même, désigné pour cette tâche. A cette occasion, Varron, qui a la mémoire pleine de l'histoire de son pays, raconte comment ce surnom devint chez les Tromellius un titre d'honneur : Sachez, dit Scrofa, que ce beau nom n'est pas originaire dans ma famille, et que je ne suis pas un descendant d'Eumée. Le premier de nous qui l'ait porté est mon grand-père. Il était en Macédoine, questeur de Licinius Nerva, qui lui avait laissé le commandement de l'armée jusqu'à son retour. Les ennemis voulurent profiter de cette occasion, et, croyant tenir la victoire, entreprirent de forcer le camp. Mais mon grand-père encouragea les siens à prendre les armes et à sortir contre l'ennemi, en disant qu'il les repousserait comme la truie chassé ses petits d'auprès d'elle. Et, en effet, l'ennemi fut si bien battu et dispersé que Licinius Nerva en reçut le titre d'imperator, et mon grand-père le nom de Scrofa (la truie[9]).

Il ne s'agit plus des grands troupeaux au troisième livre, mais seulement des animaux privés que nourrit la basse-cour, la garenne ou lé vivier. Mais si le sujet parait moindre, l'entretien durant lequel on le traite est Phis vif, plus dramatique que jamais. Pendant l'élection d'un édile, Varron et son ami Axius, pour éviter la Chaleur et attendre le retour de leur candidat, se réfugient dans la villa publique, située au milieu du champ de Mars. Ils y trouvent l'augure Appius Claudius prêt à répondre aux consuls, s'ils ont besoin de lui, et, sans autre prétexte qu'un calembour[10], la conversation s'engage. Pendant qu'elle dure, l'élection se poursuit avec ses mille incidents. Tantôt c'est une grande rumeur qui s'élève au champ de Mars parce qu'on a saisi un assistant jetant dans l'urne des bulletins qui portent le nom du candidat qu'il préfère ; tantôt c'est un appariteur des consuls qui se présente pour avertir Appius que les augures sont mandés. Les interlocuteurs sortent et rentrent tour à tour, mais l'entretien n'en continue pas moins, au milieu de tous ces bruits d'élection qui le traversent sans le troubler. Il y a là évidemment deux sujets qui ne se mêlent pas. Tous ces mouvements de gens qui s'agitent, tous ces incidents qui se croisent sont en dehors de la question qu'on traite, qui n'a aucun rapport avec eux, et qui, au milieu de tout ce bruit, continue à se dérouler avec calme et régularité. Varron s'est donné la tâche de la traiter ; il ira jusqu'au bout, et, quoi qu'il se passe autour de lui, il ne se lèvera pas tant qu'il restera quelque chose à dire. Au dernier moment, tous les interlocuteurs l'abandonnent pour aller entendre proclamer le nom de l'édile vainqueur ; mais lui refuse de les suivre : on n'a pas encore parlé des viviers, et, quoique réduit à son ami Axius, il achève de traiter le sujet. C'est alors seulement, et quand tout est terminé, qu'il va se jeter dans les bras du nouvel édile et l'accompagner au Capitole.

Ces défauts, que je n'ai pas dissimulés, prouvent que ce fécond écrivain n'était qu'un littérateur incomplet, ou qu'il ne se donnait pas le temps d'achever ses livres. Ils n'empêchent pas cependant que ces dialogues ne soient souvent une œuvre piquante et curieuse, et qu'on ne puisse leur refuser une certaine originalité d'invention. Mais ce n'est là, après tout, que le cadre même de l'ouvrage. Puisque le fond ne nous est pas accessible, cherchons du moins à saisir, dans son œuvre, la figure de l'auteur ; elle y ressort avec assez de relief et mérite qu'on s'y arrête.

 

II

L'homme dans le De re rustica. — Amour et regret de la vie rustique. — Comparaison de Varron et de Caton. — En quoi ils se ressemblent et en quoi ils diffèrent. — Concessions que fait Varron au luxe de son époque. — Varron et Virgile.

 

Varron se trouvait à l'aise dans un traité sur l'agriculture pour étaler son amour des mœurs antiques. On sent partout qu'il veut se rattacher à cette forte race.de porchers italiens, porculatores italici[11], à ces gens dont il disait : Leurs paroles sentaient l'ail et l'oignon, mais c'étaient des gens de cœur[12]. Il parle des champs en homme qui se souvient qu'ils ont été la rude école des vertus antiques ; il les aime par reconnaissance et patriotisme. Les débuts de ses deux derniers livres sont remplis des souvenirs du passé, et du regret de les voir oubliés. La vie agricole n'est pas seulement la plus ancienne, elle est encore la meilleure. Ce n'est pas sans motifs que nos aïeux renvoyaient sans cesse les citoyens de la ville aux champs. Rome trouvait dans ces paysans des gens qui la nourrissaient pendant la paix et la défendaient pendant la guerre. Aussi donnaient-ils à la terre le nom de Mère, et disaient-ils, qu'il n'y a pas de vie plus honorable et plus utile que la vie des champs, et que les laboureurs sont les derniers restes de la race de Saturne[13]. Et ailleurs : les grands hommes, de qui nous sommes nés, avaient bien raison de mettre le campagnard au-dessus de l'habitant des villes, et de même que, dans la vie rurale, ils accordaient moins d'estime à celui qui reste à la ferme qu'à celui qui travaille aux champs, de même les gens qui demeurent assis dans les villes leur semblaient des paresseux, au prix de ceux qui cultivent la terre. Aussi avaient-ils partagé le temps de manière à ne s'occuper des affaires civiles qu'une fois tous les neuf jours, et de donner le reste aux travaux rustiques. Tant qu'ils ont conservé cette coutume, ils y ont gagné ce double profit d'avoir des champs plus fertiles et de plus robustes citoyens, sans avoir besoin de recourir aux gymnases des Grecs. Mais aujourd'hui que les pères de famine se sont glissés dans les villes, laissant la faux et la charrue, et que ces mains, qui cultivaient le froment et la vigne, ne sont plus occupées qu'à applaudir au théâtre et au cirque, il nous faut payer pour qu'on veuille bien nous apporter des blés étrangers ; c'est l'Afrique et la Sardaigne qui nous font manger ; et le vin que nous enfermons dans nos caves, des navires vont le chercher au loin : c'est Chios et Cos qui vendangent pour nous[14].

Ces plaintes honnêtes et énergiques, où l'éloquence naît du patriotisme, font souvenir du vieux Caton, pie Varron cite souvent dans son ouvrage, et sur le caractère duquel il voulait évidemment se régler. Non qu'il prétende l'imiter en tout ; Varron comprenait trop la différence des temps pour vouloir pousser jusqu'au bout une imitation impossible. Par exemple, on aperçoit, dès le début, qu'il est bien plus éclairé que son devancier. Tout en accordant beaucoup à l'expérience personnelle, il y joint deux autres sources de connaissances dont Caton faisait moins d'usage, celle qui vient des livres, et celle qu'il a puisée dans ses voyages. Il connaît Aristote, et s'en sert sans le nommer[15]. Il sait les diverses manières de faire la moisson en Italie, et comment on conserve le blé en Espagne et dans l'Afrique[16]. Ses connaissances aussi l'ont- rendu moins crédule. Il ne croit, pas, comme Caton, aux propriétés merveilleuses du chou, et, malgré son respect pour d'antiquité, il se moque de ceux qui, pour guérir le mal au pied, répètent pieusement et à jeun une formule magique[17]. On voit enfin qu'il appartient à une époque plus douce, en même temps que plus éclairée. Qu'on se, rappelle avec quelle inhumanité Caton parle de ses esclaves qu'il assimile, sans plus de façon, à la vieille ferraille et au vieux bétail. Varron est bien plus tendre pour eux. Il ne faut pas, dit-il quelque part, permettre au chef d'employer les coups, quand il peut arriver au même résultat par les remontrances.... Quant aux chefs eux-mêmes, on fera bien de flatter leur amour-propre, et de leur donner de temps en temps quelque marque de considération. Il est bon également, lorsqu'un ouvrier se distingue, de le consulter sur ce qu'il faut faire. Cette déférence le relève à ses yeux et lui prouve que le maître le compte pour quelque chose. Il faut lui donner plus de cœur au travail en le traitant mieux, en lui accordant une meilleure nourriture, des vêtements moins grossiers, quelques moments de relâche, ou même la permission de faire paître à son profit quelques bestiaux sur votre terrain. C'est par ce moyen qu'on leur fait oublier un ordre un peu dur, une punition un peu sévère, et qu'en les relevant à leurs yeux on leur rend le bon vouloir et l'affection pour leurs maîtres[18]. Il fait plus, et à deux reprises il insiste soir la nécessité de leur permettre de se marier et d'élever une famille, cette dernière consolation de l'esclavage. Caton aussi y consentait, car l'enfant qui naît de ces unions est un revenu pour le maitre, mais Plutarque nous apprend qu'afin de gagner de tous les côtés, le vieux Romain exigeait de ses esclaves une assez forte redevance, avant de leur accorder une permission qui devait l'enrichir.

Quelque importantes que soient ces différences, les deux écrivains. se ressemblent pour l'essentiel, c'est-à-dire dans leur manière de comprendre et d'aimer la vie rustique. Certes, au temps même de Varron, on se plaisait aux champs. Les riches Patriciens mettaient leur luxe à posséder partout des maisons de campagne, et ils passaient leur temps à se faire porter de l'une à l'autre. Ils n'y venaient pas visiter les travailleurs ou veiller aux récoltes, mais chercher l'oubli de la vie publique, un air plus sain, une société plus libre, et surtout des plaisirs différents qui reposaient de ceux de la ville. Accoutumés au bien-être, ennemis de la peine, épris des beaux-arts, ils ne songeaient qu'à faire construire leurs maisons dans des sites agréables, à s'y ménager de beaux points de vue, à les orner de marbres précieux, à y placer tout ce qui rend la vie plus commode. Les champs et les moissons n'étaient pour eux qu'une perspective, les arbres et les troupeaux qu'un embellissement au paysage. Pline le jeune, qui tenait pourtant à se rattacher aux usages anciens, nous a laissé la description de deux de ses maisons de campagne. Il n'y est pas question d'étables ni de basse-cour ; mais en revanche on y trouve des jardins enfermés dans de longues colonnades, des statues peuplant les massifs, des salles à manger placés sur les flots ou parmi les fleurs, des chambres d'été et des chambres d'hiver. Certainement Pline aimait la campagne, mais en poète, en artiste, en curieux : Varron l'aimait en paysan. Il ne se préoccupe pas, dans la construction de sa ferme, de la beauté des sites, mais de la commodité des terrains et de la proximité des marchés. Au lieu de colonnes et de statues, on y trouve des vendanges dans les celliers, et du foin séchant sur les planchers[19]. Il y parle à peine des logements du maître, mais s'étend longuement sur la distribution des étables, sur la construction des hangars où l'on met à couvert toute la récolte, sur les deux cours, l'une intérieure, avec un bassin où les bœufs revenant des champs pourront boire et se baigner, ainsi que les oies et les porcs à leur retour des pâturages[20], l'autre en dehors de la ferme, avec une mare pour faire tremper le lupin, et deux fosses à fumier, destinées à recevoir le fumier nouveau, lorsqu'il sortira de l'étable, et le fumier ancien, avant qu'on ne le porte aux champs. Nos ancêtres, ajoute-t-il, avaient soin de pourvoir la métairie de tout ce que réclame la culture. Maintenant, au contraire, on cherche à rendre l'habitation du maître aussi vaste, aussi élégante que possible, on rivalise de luxe avec les maisons des Metellus et des Lucullus, construites pour le malheur de la république. L'unique souci est d'exposer au vent frais du levant les salles à manger pour l'Été, et de tourner au soleil couchant celles où l'on prend ses repas l'hiver, tandis que nul ne songe à donner une exposition convenable aux fenêtres des greniers à vin et à huile, ainsi que faisaient nos ancêtres[21].

Voilà les sentiments d'un vieux Romain ; mais prenons garde. Faut-il prendre à la lettre tous ces regrets de Varron ? N'y avait-il pas dans cette simplicité sévère, dans cet éloge des mœurs antiques, et dans ce soin de paraître les reproduire, plus d'ostentation que de vérité ? Nous fait-il bien connaître ses véritables sentiments et sa vraie manière de vivre, ou ne faut-il pas plutôt croire qu'il continuait à jouer un rôle qu'il s'était imposé ? J'avoue que quelques passages du troisième livre pourraient le faire penser. Et même, le troisième livre tout entier ne semble-t-il pas une concession aux mœurs de ce temps ? A coup sûr Caton aurait eu quelque répugnance à s'occuper de ces garennes, de ces volières, de ces viviers qui étaient la cause de tant de folies. Je sais bien que Varron les déplore ; il raille Hortensius qui avait plus de souci de ses poissons malades que de ses esclaves, et Lucullus qui avait ménagé à ses murènes chéries un séjour plus frais pendant l'été, et prenait pour elles la même peine que les pâtres d'Apulie pour leurs troupeaux[22]. Il regrette le temps où l'on n'avait qu'une basse-cour avec des poulets et quelques pigeons dans son colombier, et il oppose à ces viviers[23]. Si coûteux Ces bons ânes de Réate ou de Roséa qui ne réclament d'autre dépense de leurs propriétaires qu'une poignée d'orge et un peu d'eau de puits '. Néanmoins il parle des garennes et des viviers, et nous apprend qu'il en possède lui-même. Il avait, dans sa villa de Tusculum, non-seulement des bœufs et des ânes, mais des sangliers et des chevreuils, qui se rassemblaient à heure fixe, au son du cor, pour prendre leur nourriture, tandis que, du haut d'un tertre, on leur jetait de la vesce et du gland[24]. Après avoir, en censeur rigoureux, attaqué.ces volières destinées à satisfaire une sensualité fatiguée, et exigeante, et qui occupent plus de place à elles seules que toute la villa d'autre fois[25], il nous fait naïvement la description de la sienne, dont il est très-fier, et qui dépasse de beaucoup celles de Strabon et de Lucullus. Il nous dépeint surtout avec bonheur cette admirable salle à manger, placée dans la volière même, entre deux rangs de colonnes, où la table et les lits des convives sont entourés d'une eau courante, en sorte qu'en mangeant les mets les plus délicats, on peut voir à ses pieds les poissons les plus rares, et entendre autour de soi chanter les merles et les rossignols[26]. Que nous sommes loin de la ferme rustique du premier livre, et de toutes ces invectives éloquentes contre le luxe des Lucullus et des Hortensius ? Varron répondrait sans doute qu'en somme tous ces animaux que nourrissait la garenne, tous ces oiseaux précieux de la volière peuvent beaucoup rapporter. C'est le malheur des temps qu'on mette tant de prix à un paon et à un surmulet, mais, puisqu'on ne peut pas changer ces habitudes, il faut au moins en profiter. Il y avait des Romains qui gagnaient jusqu'à soixante mille sesterces par an en vendant des grives, et les occasions ne manquaient pas de les vendre et d'en tirer un bon profit. Est-il une seule année, dit Varron ; où l'on ne voie quelque festin de triomphe, ou quelqu'un de ces repas de corps qui font augmenter les vivres au marché ? En vérité, la vie à Rome n'est plus qu'une bombance de tous les jours[27]. Ces festins et ces fêtes, sans cesse renouvelés, permettaient de vendre très-cher les produits de ces belles volières et de ces viviers. Ainsi, jusque dans cette somptuosité qui nous scandalise, se retrouve le vieux fermier romain qui calcule et cherche à tirer un bon revenu, même de son luxe et de ses plaisirs. Mais cette excuse ne suffit pas, et il faut bien reconnaître qu'ici encore il y avait un peu d'ostentation dans ce zèle qu'affichait Varron pour le maintien des mœurs anciennes. Il s'était donné la tâche d'y ramener ses concitoyens, et, dans son ardeur de moraliste, peut-être se faisait-il plus sévère, plus rigoureux qu'il ne l'était réellement. Nourri de la lecture des vieux écrivains, plein de l'admiration des temps antiques, son âme, comme celle de Tite Live, se faisait ancienne sans efforts ; il devenait par l'imagination le contemporain de Caton, mais, en réalité, il ne pouvait entièrement s'empêcher d'être l'ami et le voisin des Lucullus et des Hortensius. Pardonnons quelque chose à ce dangereux voisinage ; avouons qu'il a pu se laisser entamer par les mœurs des gens qui l'entouraient — on ne les traverse pas impunément — et tempérons, par le souvenir de sa volière de Casinum, ses éloquentes invectives contre les excès de son temps. Nous serions peut-être tentés de lui faire quelques reproches, si nous le jugions avec les idées de Caton. Mais, pour être désarmés. et lui rendre pleine justice, il suffit de le remettre au milieu de ses contemporains et de leur luxe scandaleux.

Il est certain qu'alors l'amour du luxe, le goût de la vie mondaine et désordonnée furent poussés à un tel excès que le pouvoir lui-même, qui pourtant profitait de ces mœurs nouvelles, en fut alarmé. Quoiqu'il eût beaucoup d'intérêt à faire oublier l'époque républicaine, il affecta d'en vanter les vertus et d'en rappeler les maximes. Pour résister au scepticisme général, on essaya de ranimer le culte des dieux ; dans cette société éprise de plaisirs mondains, on voulut réveiller le goût de la vie rustique. Mais cette restauration du passé, venant d'un prince qui avait achevé de le détruire, ne pouvait pas être sincère. On sent, quoi que fasse Auguste, qu'il joue un rôle, et que lui-même ni aucun de ceux qui le secondent ne sont dupes de cette comédie. C'est une situation fausse, un mensonge officiel ; aussi en sort-il de plaisants contrastes. J'ai dit qu'on avait confié le soin de célébrer les dieux et leurs fêtes au poète de l'Art d'aimer ; c'est le plus efféminé des hommes, celui qui scandalisait les vieux Romains par la recherche de sa parure et sa toge toujours flottante, c'est Mécène, qui se chargea de ramener ses contemporains aux austères vertus de la vie rustique, et qui, pour en ranimer l'amour, chercha quelqu'un autour de lui qui pût la chanter. Au moins choisit-il bien son poète ? Personne, certainement, n'était mieux fait pour remplir les vues de Mécène que ce jeune homme qui aimait les champs, et déjà les avait célébrés, qui, du milieu de cette Parthénope, toute brillante du luxe des arts, tout agitée du bruit des écoles et des théâtres, songeait toujours aux vallées tranquilles du Pô, où sa jeunesse s'était passée. Aussi obéit-il avec empressement à Mécène ; et de tous ses souvenirs, de tous ses regrets, il composa, non pas le plus beau, peut-être, mais le plus complet de tous les poèmes anciens, les Géorgiques.

Les Géorgiques ont paru vers l'an 726. Varron a donc pu les lire. Il était alors très-vieux, sans doute, mais d'une vieillesse verte et vaillante ; il écrivait et publiait toujours, il n'avait pas cessé de prendre intérêt aux choses littéraires : comment voudrait-on qu'il eût négligé de connaître un poème célèbre dés son apparition, et qui parlait des champs et de leur culture ? Il l'a donc lu, assurément, et j'ajoute qu'il l'a lu avec joie. Quand il n'aurait pas été reconnaissant envers ce poète qui faisait aimer la vie rustique, il se retrouvait trop souvent dans ses vers, pour ne pas éprouver quelque plaisir à les lire. Virgile doit beaucoup à ses devanciers. C'est même grâce à eux et à sa manière de les imiter que son ouvrage sort du genre faux et aride des poèmes didactiques ordinaires, où le sujet, choisi sans goût décidé, traité sans connaissance particulière, n'est qu'un prétexte à des digressions piquantes, un lien qui rapproche, plus qu'il ne les unit, des épisodes agréables. On sent, au contraire, chez Virgile, que le sujet est étudié à fond et plaît pour lui-même. Les préceptes y sont vraiment des préceptes, et la savante précision des détails dont son livre est plein permet d'en tirer un enseignement véritable. Or, Ces détails, de qui les tient-il, sinon de ces vieux écrivains qui avaient recueilli et publié les observations et les pratiques des laboureurs, après les avoir expérimentées eux-mêmes ? Virgile les imite, et il le reconnaît : Je puis te rapporter ici beaucoup de préceptes des anciens :

Possum multa tibi veterum præcepta referre[28].

Évidemment c'est de Caton et de Varron qu'il veut parler, de Varron surtout, le plus moderne de tous ces anciens ; et aussitôt il lui emprunte presque mot à mot sa description de l'aire pour battre le blé, le tableau des diverses occupations du laboureur pendant l'année, et plus loin les signes auxquels on reconnaît les meilleurs bœufs et les meilleurs chevaux.

Ils sont loin de se ressembler cependant. Je ne veux Pas parler seulement des différences qui viennent de ce que l'un des deux ouvrages est un poème, et l'autre un traité scientifique : elles ne doivent pas nous surprendre. Où Virgile prodigue les plus gracieux tableaux pour décrire les travaux du laboureur pendant chaque saison de l'année, Varron se contente d'une sèche nomenclature, bonne à être affichée sur les murs de la ferme[29] ; je le crois bien : Varron ne veut pas être ici un poète. Je ne pense pas qu'on puisse trouver dans tout son ouvrage une seule expression descriptive à propos de la nature et de ses beautés. Ce n'est pas son dessein de chanter, comme Virgile, la gloire divine des campagnes, divini gloria ruris[30], mais d'indiquer l'utilité qu'on en peut tirer. La terre est pour lui un rapport plus qu'un spectacle, et quand il regarde avec plaisir les épis de ses champs, c'est moins pour le bel effet qu'ils produisent que pour le profit qu'il en espère. Mais, je le répète, ces différences ne doivent pas nous surprendre. Il y en a d'autres plus graves, et qui tiennent au caractère même et aux dispositions des deux écrivains. Prenons, par exemple, deux morceaux qui sont presque semblables chez eux, l'éloge qu'ils font tous deux de la vie rustique. Virgile et Varron l'aiment certainement l'un et l'autre, mais de quelle façon diverse ! Varron, nous l'avons vu, la regrette parce qu'elle donnait à Rome d'excellents citoyens et de vaillants soldats. Virgile la chante parce qu'on y trouve le repos et l'oubli des affaires. C'est moins un citoyen qu'un homme paisible, qui a vu la guerre civile, qui. la détesté pour en avoir souffert, et qui sait gré à la vie rustique de nous tenir éloignés des discordes et des combats, procul a discordibus armis. Après ces violentes secousses qui ont troublé si mal à propos ses rêves poétiques, il veut les reprendre ; il lui faut à tout prix le loisir et le silence dans les vastes campagnes, latis otia fundis ; il lui faut, après ces terribles agitations, le sommeil sous les arbres, et les mugissements lointains des bœufs, au lieu du bruit des trompettes. Quant aux intérêts de la patrie, ils né l'occupent guère. Dans ce tranquille repos qu'il souhaite, il se promet bien de ne plus songer aux affaires de Rome. Non-seulement le désir des faisceaux et de la pourpre ne viendra pas le distraire de son bonheur, mais il ne sera pas même ému si le Dace et ses voisins descendent des bords de l'Ister pour attaquer les frontières[31]. Tout ceci est peu digne d'un citoyen, et, quoiqu'on ait souvent loué Virgile de son patriotisme, et qu'en effet quelquefois les vieux souvenirs latins, soient rappelés chez lui avec émotion, qu'il est loin d'avoir les sentiments d'un Romain comme Varron ! La différence se marque dès le début des deux ouvrages. Varron invoque, en commençant le sien, des divinités bien romaines, entre autres Robigus et Flore, Lymphe et Bonus Eventus. Les dieux grecs tiennent bien plus de place dans l'invocation de Virgile que ceux du Latium : c'est Aristée pour lequel cent génisses broutent les pâturages de Céos, c'est Triptolème, l'inventeur de la charrue recourbée, c'est Pan qui aime les hauteurs du Ménale. La Grèce, introduite ainsi par le poète au commencement de son livre, est, dans la suite, partout présente. Il y est question à tout moment de ses traditions religieuses, de ses souvenirs patriotiques, de la fertilité de ses champs et des procédés de sa culture. Et, ce qui est plus significatif encore, quand Virgile se livre à son rêve poétique, dans ce moment admirable d'enthousiasme et d'abandon, la Grèce est encore le pays entrevu et souhaité qu'il voudrait habiter ; il songe au Sperchius, au Taygète, et aux frais vallons de l'Hémus. Ce n'est pas là, à ce qu'il me semble, que Varron aurait voulu vivre et mourir, mais plutôt dans quelqu'une de ces riches campagnes qu'il a célébrées, auprès de ces vignes de trois cents amphores, à Réate, au bord du lac Vélins où l'herbe dépasse la hauteur d'une perche, et vient si vite qu'il en croît dans la nuit autant qu'on en fauche dans le jour[32] ; dans ces beaux pays de la Sabine où la terre était plus fertile et les hommes moins corrompus qu'ailleurs.

Une différence plus importante encore entre Virgile et Varron, est celle qui vient de leur position et de leur fortune. Varron est un grand propriétaire ; il a de vastes domaines à Casinum, à Réate, à Tusculum, un peu partout ; il possède d'immenses troupeaux qui passent de l'Apulie dans la Sabine pendant les chaleurs ; ses fermes sont des villages qu'habite un personnel nombreux d'esclaves, laboureurs ou bergers, enrégimentés sous des chefs que dirige le villicus ; en un mot, il fait de la grande culture, et c'est pour les riches propriétaires que son livre est écrit. L'agriculteur pour lequel Virgile a composé le sien, celui qu'il veut instruire et encourager, c'est le pauvre paysan. Il n'a qu'un seul champ, et bien petit, exiguum colitos[33], c'est de là qu'il tire sa nourriture de l'année et les offrandes pour ses dieux. Ce champ, il le cultive lui-même, car je ne vois pas qu'il soit beaucoup question d'esclaves dans les Géorgiques ; il est bien parlé quelque part d'un moissonneur qu'on envoie couper le blé quand il est mûr[34], et de chefs du troupeau auxquels on distribue des récompenses les jours de fête[35] ; mais ce sont plutôt des aides, des compagnons, que des serviteurs, et il ne semble pas que le maître se distingue d'eux en rien. Il bêche et moissonne comme eux ; c'est lui qui brise les mottes avec le hoyau, et promène le râteau et les claies sur le sol ; c'est lui qui tourne et retourne la terre, afin qu'elle sente deux fois le froid et le soleil. Aussi, comme on s'intéresse au laboureur de Virgile et à ses travaux ! Le grand propriétaire, comme Varron, peut perdre : il est riche. Si les blés et les vignes souffrent, il lui reste le produit des troupeaux, et, comme dernière ressource, les oiseaux précieux de la volière, et les poissons dés viviers qui se vendent si cher. Mais l'autre n'a que son petit domaine de quelques arpents. La récolte de son champ, c'est vraiment l'espoir de l'année, le pain des petits enfants[36]. A la pensée des dangers qui la menacent, nous nous sentons tout émus. Si le poète nous parle des orages de l'été et nous en dépeint les signes précurseurs, nous ne l'écoutons pas seulement en gens curieux qui veulent s'instruire, mais nous tremblons pour les sillons que la pluie va noyer, pour ce chaume si frêle que le vent peut emporter dans son noir tourbillon[37]. Nous suivons ce vaillant laboureur dans sa lutte avec une terre rebelle, nous prenons part à toutes ses fatigues, à toutes ses craintes, et nous participons aussi à ses plaisirs quand, la récolte faite et le raisin coupé, aux derniers beaux jours de l'automne, il s'étend sur l'herbe, avec ses voisins, auprès des coupes couronnées, et chante le dieu de la vendange[38]. Nous aimons aussi à le suivre dans sa petite maison où Virgile nous fait discrètement entrer. L'été, nous le voyons revenir de l'ouvrage le soir, embrasser ses petits enfants qui se pendent à son cou, tandis que les vaches apportent leurs mamelles pleines et que les chevaux luttent sur la pelouse touffue[39]. L'hiver, il travaille auprès du foyer et apprête des torches pour les longues soirées, tandis que sa femme, à ses côtés, égayant le travail par ses chansons, tisse la toile ou fait bouillir le moût, et, avec un rameau, écume la chaudière d'airain qui bouillonne[40].

Tous ces tableaux ne contiennent pas seulement une poésie charmante ; j'y vois comme un élan d'humanité généreuse que jusqu'alors le monde avait peu connue. Varron est bon pour ses esclaves et recommande de les épargner ; Virgile fait plus, il se rapproche de l'humble laboureur, il nous dépeint sa vie, il prend intérêt à ses travaux, il l'aime et le fait aimer. A ce que je crois, ce n'est pas exagérer la portée de cette généreuse poésie que de dire qu'elle prévoit l'avenir et annonce des temps meilleurs. Les travaux de Varron n'ont pas ce caractère. Au contraire, il se tourne obstinément vers le passé. Mais rendons-lui au moins le témoignage qu'il en défend les plus beaux souvenirs, et qu'il essaye d'en faire revivre les maximes les plus honnêtes. Dans ses regrets de la vie rustique, comme dans tout le reste, il faut lui accorder la gloire d'avoir été un des derniers Romains.

 

 

 



[1] Dureau de La Malle, Mémoire sur l'agriculture romaine. Acad. des inscr., Mss., t. IX.

[2] À ce propos, Varron ne néglige pas d'attaquer, en passant, les jeunes gens qui se permettent de changer les mots anciens : Regatus ab æditumo, ut dicere didicimus a patribus nostris, ut corrigimur a recentibus urbanis, ab ædituo.

[3] De R. R., I, 56.

[4] I, 8. Dominus simul ac vidit occipitium vindemiatoris furcillos reducit hibernatum ira tecta. On remarquera facilement le piquant de ces expressions.

[5] I, 69.

[6] II, 9.

[7] II, 3 : Cui Cossinius : quoniam satis balasti.

[8] II, 7 : Ego quoque adveniens aperiam carceres.

[9] II, 4. Macrobe raconte différemment cette petite histoire (Saturnales, I, 6).

[10] A propos des noms des personnages qui entourent l'augure, Cornelius Merula, Fircellius Pavo, Minucius Pica, Petronius Passer, noms qui sont tous empruntés à l'ornithologie.

[11] II, 4.

[12] Ménippées, p. 100.

[13] III, début.

[14] II, début.

[15] Il l'imite quand il parle des esclaves et des animaux, mais il l'imite sobrement. Ce n'est pas un traité spéculatif qu'il veut faire, mais un livre pratique. Voir ce qu'il dit à propos des ouvrages de Théophraste (I, 5) : Isti libri non tam idonei iis qui agrum colere volunt, quam iis qui scolas philosophorum.

[16] I, 50 et 57.

[17] I, 2.

[18] I, 17.

[19] III, 2.

[20] Je trouve ailleurs, à propos des porcs et du plaisir qu'ils éprouvent à se baigner dans la fange, une bien spirituelle expression : Volutantur in lido, quæ est illorum requies, ut lavatio hominis.

[21] I, 12 et 13.

[22] III, 17.

[23] III, 17. Ego enim uno servulo, ordeo non multo, aqua domestica, meos multinumos alo asinos.

[24] III, 13. Ici encore Varron allait moins loin que ses contemporains. Voir le récit qu'il fait au sujet d'Hortensius et de ses cerfs et de ses sangliers.

[25] III, 3.

[26] III, 5.

[27] III, 2. Voir tout ce qu'il dit sur ces profits : il est visible que l'abondance du gain lui en fait oublier l'origine.

[28] Georg., I, 174. Cette imitation de Varron par Virgile est constatée par Servius, in Georg., I, 43.

[29] I, 36 : Quæ dixi, scripta et proposila in vida habere oportet, ut villicus norit.

[30] Virgile, Georg., I, 167.

[31] Georg., fin du IIe livre. Sans doute Virgile rappelle, en cet endroit, comme Varron, que les champs ont été l'école où se sont formés les Sabins, et que c'est par eux que Rome est devenue la maîtresse du monde. Mais ces souvenirs patriotiques et guerriers ne l'occupent qu'un moment, il semble ne les rappeler que malgré lui, et se hâte de remonter plus haut, au temps de Saturne, où l'on ne connaissait pas le bruit dès trompettes, où l'on ne savait pas forger les épées ; voilà son idéal.

[32] Servius, in Æn., VII, 712.

[33] Georg., II, 410.

[34] Georg., I, 315.

[35] Georg., II, 528.

[36] Georg., II, 513 :

Hinc patriam parvosque nepotes

Sustinet. . . . . . . . . . . . .

[37] Georg., I, 320.

[38] Georg., II, 525.

[39] Georg., II, 522.

[40] Georg., I, 292.