ÉTUDE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE M. T. VARRON

 

CHAPITRE VIII. — OUVRAGES DIVERS D'ÉDUCATION.

 

 

I

Caractère commun de ces ouvrages.

 

Je réunis dans ce chapitre des ouvrages très-différents. Ils ont cependant un lien commun : ils sont plus visiblement composés pour répandre la science, et Varron y parait, si l'on peut ainsi parler, plus professeur que dans ses autres écrits. C'était son goût naturel d'enseigner. Il n'apprenait pas pour lui seul ; il aimait' à faire part aux autres de ses connaissances. Mais nulle part ce dessein n'est aussi évident qu'ici. Si, dans ses grands ouvrages, il s'adressait plutôt aux esprits distingués qu'une éducation toute grecque avait préparés à des études sérieuses, il pensait aussi à ce grand public d'ignorants qui formait la majorité des Romains. Il prenait soin de leur rendre accessibles ses doctes recherches ; c'est pour eux qu'il écrivait ces résumés de ses grands travaux dont saint Jérôme nous a révélé l'existence, ouvrages plus courts, et, sans doute aussi plus simples, dans lesquels la science se laissait mieux saisir. Ils sont perdus, mais la peine que prit Varron de les composer nous indique qu'il cherchait à se mettre à la portée de tout le monde, à faire pénétrer la science au-delà de ce public d'élite auquel songeaient uniquement les littérateurs de ce temps, et jusqu'à ceux qu'un grand poète appelle dédaigneusement le profane vulgaire qu'il ne faut pas laisser approcher de soi. C'est donc le caractère commun des écrits que je vais étudier dans ce chapitre, que ce dessein d'enseigner, de répandre la science même chez les moins savants, y est plus visible. Quelques-uns étaient faits pour une circonstance particulière et s'adressaient à quelques personnes qui consultaient Varron sur des questions difficiles. Les plus nombreux sont, à proprement parler, des traités élémentaires, composés pour tout le monde et qui devaient être d'un usage journalier et d'une utilité générale. Dans les uns et dans les autres, Varron, comme je le disais, est avant tout professeur, et ils se ressemblent tous en ce point, malgré l'extrême diversité des sujets.

 

II

Correspondance de Varron. — Lettres diverses. — Partie intime et familière de ces lettres. — Partie savante. — Epistolicée quæstiones : leur caractère. — Lettre à Oppianus.

 

On pourra d'abord s'étonner de voir ranger parmi les ouvrages de ce genre la correspondance de Varron. Je ne veux pas dire assurément que l'érudition en fit tous les frais, et qu'il n'y fut jamais question que de recherches sur la langue et les antiquités de Rome. Ce serait mal connaître Varron que de se le représenter toujours en robe, comme dit Pascal, et de le croire incapable d'un commerce d'amitié d'où la science fût quelquefois bannie. Quand son caractère ne l'y aurait pas porté, le rang qu'il tenait à Rome et le monde qu'il y fréquentait lui auraient rendu nécessaire de rechercher cette qualité qu'on prisait tant alors sous le nom d'urbanité, et qui s'accommoderait mal du pédantisme d'un enseignement continu. Varron plaisantait donc quelquefois dans ses lettres, et l'on y retrouvait cette gaieté franche des Ménippées qu'il tenait de son heureux naturel et aussi de son commerce avec Plaute et les comiques du vieux temps. Quelques fragments des Lettres diverses, malheureusement bien courts, rappellent le ton libre et populaire de cette ancienne école, et ces plaisanteries qui semblaient à Cicéron plus salées que celles des Attiques et vraiment romaines[1]. Ici, c'est un ami que Varron remercie gaiement de sa complaisance : Si je n'avais pas eu ta voiture, lui dit-il, j'aurais attrapé des varices[2]. Là, il prend à part un malheureux poète, déjà raillé dans les Ménippées, et dont les vers lui semblent de l'eau claire et un vrai gargarisme[3]. Ailleurs, une expression charmante apprend à quelques amis qu'on prend part à leurs espérances et qu'on se réjouit de leurs joies : In votum anticorum domus fumat, hilaresco[4]. C'est assez pour nous prouver que ces lettres étaient souvent, comme celles de Cicéron, une causerie familière entre des gens d'esprit, semée de quelques confidences d'amitié et relevée par des propos piquants. Soyons assurés néanmoins que l'érudition y tenait une place importante. Varron pouvait-il prendre sur lui d'oublier ses chères études et de ne pas entretenir ses amis des sujets qui l'occupaient sans cesse ? Quand il l'aurait voulu ; ses amis eux-mêmes semblaient prendre plaisir à l'y ramener. Sa science était la ressource de tout le monde, et il la distribuait si libéralement qu'il invitait à y aller puiser. On le consultait sur toutes les difficultés, et il mettait probablement dans ses réponses autant d'obligeance que de savoir. Tantôt on lui demandait de résoudre une question de grammaire ; par exemple, fallait-il employer capillus au pluriel ? Varron répondait que non ; Virgile plus tard lui a donné tort[5]. Quelquefois la question était plus futile : A quelle heure boit-on avec le plus de plaisir, lui demandait un de ses amis qui se souvenait sans doute que le grave érudit n'avait pas dédaigné de discourir, dans ses Ménippées, sur les conditions d'un bon repas ? Et Varron répondait avec un sérieux un peu comique : Locus, actus, advenius declarabit[6]. Il faut croire pourtant que d'ordinaire la question était plus importante, venant d'un Fabius, d'un Néron ou d'un César. Un curieux passage d'Aulu-Gelle nous montre comment les plus grands personnages de Rome avaient recours à lui pour éclairer leurs doutes et quel soin il mettait à les satisfaire. Servius Sulpicius, jurisconsulte célèbre et bon littérateur, écrivit à Varron pour lui demander l'explication d'un mot qu'il avait trouvé dans les tables des censeurs. Ce mot était favissæ Capitolinæ. Varron répondit qu'il se souvenait avoir entendu dire que Quintus Catulus, quand il fut désigné pour réparer le Capitole, avait voulu faire baisser le terrain pour multiplier le nombre des degrés qui conduisent au temple et afin que l'élévation du perron répondit à la hauteur du faîte ; mais qu'il en fut empêché par ce qu'on appelait favissæ. C'étaient des espèces de caves ou de citernes, creusées sous le temple de Jupiter, où l'on avait coutume de déposer les statues des dieux qui étaient tombées de vieillesse et quelques offrandes sacrées. Il assure ensuite qu'il n'a trouvé nulle part l'étymologie de favissæ ; seulement, ajoute -t-il, il a entendu dire à Q. Valerius Soranus que ces endroits que, d'un mot grec, nous appelons aujourd'hui trésors, les anciens les appelaient flavissæ, parce qu'on y cachait, non pas de l'or ou de l'argent brut, mais des pièces de monnaie fondues et frappées au coin de l'État (flata signataque pecunia). D'où il conjecturait que le retranchement de la seconde lettre de Harissa avait produit le mot favissa qui servait à désigner ces caves ou cavernes pratiquées sous terre, et dans lesquelles on gardait les objets consacrés qui avaient été employés au-culte de Jupiter Capitolin[7].

On voit donc que Varron n'écrit souvent à ses amis que pour les instruire. Mais si l'érudition occupe une si grande place dans le recueil de ses Lettres diverses, on peut affirmer qu'elle est le fond de ses Epistolicæ quæstiones. Aulu-Gelle place ce titre parmi ceux qu'avaient inventé les savants pour désigner l'ensemble de leurs recherches sur des sujets variés[8]. La forme épistolaire n'était plus ici qu'un prétexte, une sorte d'agrément destiné à rendre la science plus vivante, une manière habile d'attirer à des écrits qui d'ordinaire tentent moins l'attention publique. Comme les lettres étaient alors fort à la mode, on croyait recommander un livre en le présentant sous cette forme. Je vois qu'un certain Valgius Rufus avait écrit sous ce titre : De rebus per epistolam quæsitis, un ouvrage entier dans lequel il discutait des questions de grammaire[9]. Ce titre sert de commentaire à celui de Varron. Dans les fragments qui restent des Epistolicæ quæstiones toute trace de correspondance familière a disparu. On ne retrouve plus ces détails de la vie privée, ces plaisanteries qui conservaient aux Lettres diverses, malgré toute l'érudition qu'elles contiennent, quelque apparence d'un commerce d'amitié ; ici, la science parait seule. Parmi Ces fragments, la grammaire, comme toujours, tient le plus de place, et l'on voit que Varron y descendait quelquefois à des minuties singulières[10]. Il ne négligeait pas non plus de revenir sur ses études théologiques et d'éclairer quelques points qu'il avait pu omettre dans ses Antiquités divines : Quand on est tourné vers le midi : on a à sa gauche les régions du levant, et celles du couchant à sa droite. C'est sans doute la raison qui a fait considérer comme plus favorables les auspices qu'on reçoit à gauche que ceux qui se présentent du côté droit[11]. Mais le plus important débris des Epistolicæ quæstiones, c'est sans contredit cette lettre à Oppianus ; dont Aulu-Gelle nous a conservé l'analyse. Je vais la citer tout entière, car c'est elle qui fait le mieux connaître ce que devait être le savane recueil de Varron. On se souvient que Varron avait composé pour son ami Pompée un traité sur la manière de tenir les assemblées du Sénat. Ce traité disparut au temps des proscriptions, dans le pillage de sa bibliothèque. Varron, dit Aulu-Gelle, raconte cette disparition dans sa lettre à Oppianus, qu'il a placée dans le quatrième livre des Epistolicæ quæstiones, et il ajoute que, son ouvrage se trouvant perdu, il va rappeler ce qu'il contenait de plus essentiel. Il commence par nommer les magistrats qui, d'après les usages anciens, ont le droit d'assembler le Sénat ; ce sont les dictateurs, les consuls, les préteurs, les tribuns du peuple, l'interroi, le préfet de la ville. Aucun autre, hors ceux-là, n'a le droit de faire un sénatus-consulte ; et, lorsque le hasard les réunit tous à la fois à Rome, alors on suit l'ordre indiqué ci-dessus et le premier jouit de la prérogative de convoquer le Sénat. Cependant, par un privilège extraordinaire, le même droit fut concédé aux tribuns militaires et aux décemvirs qui remplirent quelque temps la place des consuls, ainsi qu'aux triumvirs nommés pour rétablir la paix publique. Le droit d'opposition aux sénatus-consultes, ajoute-t-il, n'appartient qu'aux magistrats qui ont un pouvoir égal ou supérieur à ceux qui peuvent les faire rendre. Quant au lieu où l'on doit se 'réunir pour faire un sénatus-consulte, il faut que ce soit un endroit consacré par les augures, qu'on appelle un temple. C'est pour cela que la curie Hostilia, celle de Pompée, celle de César, ayant été jusque-là des lieux profanes, furent solennellement consacrées par les augures, afin que le Sénat pût y exercer légitimement ses fonctions. Il faut remarquer, dit-il, que tous les édifices sacrés ne sont pas pour cela des temples, et le monument même où s'accomplit le culte de Vesta ne porte pas ce nom. Ensuite il apprend qu'un sénatus-consulte, rendu après le coucher du soleil ou avant son lever, n'est pas valide, et que, selon quelques-uns, les censeurs devaient punir celui.qui aurait entraîné le sénat à une telle irrégularité. Il enseigne longuement quels sont les jours pendant lesquels il convient d'assembler le Sénat, quels sacrifices il faut faire, quels auspices il faut prendre, avant de le réunir. Dans la discussion des affaires, dit-il, celles qui ont rapport aux dieux doivent passer avant celles qui regardent les hommes ; on doit traiter celles qui concernent la république en général avant d'en venir au détail des questions particulières. Enfin le sénatus-consulte se fait de deux manières, par le vote immédiat, si l'affaire n'est pas discutée, ou, si elle est douteuse, en laissant chacun parler à son tour. On doit demander à chacun son avis, selon l'ordre des dignités, en commençant par les consulaires, et même, parmi ceux-là, il faut interroger avant les autres celui qui a été nommé le premier du Sénat. Mais Varron ajoutait qu'au moment où il écrit une nouvelle mode s'établit, et qu'on voit celui qui convoque le Sénat donner tout d'abord la parole à quelque consulaire dont il veut se ménager l'appui ou s'attirer les bonnes grâces[12].

Ce dernier trait est curieux. C'était au temps d'Auguste que Varron parlait ainsi ; il osait être mécontent et se plaindre ouvertement des abus et des injustices. On voit que la vieillesse ni le malheur n'avaient pu le faire tout à fait renoncer à la liberté de ses propos.

 

III

Traités de science maritime, — Ephemeris navalis. — Libri navales. — De æstuariis. — De ora maritima. — Littoralia. — Utilité de ces divers ouvrages.

 

Avec le peu de fragments qui nous restent de l'Ephemeris dédiée à Pompée et des Libri navales dont parle Végèce, il nous est impossible de savoir en quoi ils différaient l'un de l'autre. C'était peut-être le même ouvrage. Varron y décrivait ; nous dit-on, les divers changements qu'éprouve la mer, les agitations de l'atmosphère, et les faisait connaître par avance, afin que l'on pût mieux s'en garantir[13]. Les signes précurseurs des tempêtes que Virgile a plus tard si divinement indiqués dans ses Géorgiques, il les exposait avec soin et en détail[14]. Comme Pline, qui le cite, et semble l'avoir imité en cet endroit, il avait sans doute montré comment on peut prévoir l'orage par les vents qui soufflent, la forme et la direction des nuages, le vol de certains oiseaux, surtout par l'éclat et les divers aspects de la lune. Si, le quatrième jour, ses cornes sont droites et menaçantes, attendez-vous à une grande tempête sur la mer, à moins qu'elle ne soit entourée d'une auréole dont la lumière soit transparente ; en ce cas la tempête est reculée jusqu'à la pleine lune : Quand elle est presque entièrement claire, elle présage le beau temps ; quand elle est rouge, le vent ; quand elle est sombre, la pluie. Un nuage qui cache tout son disque annonce que le vent soufflera du côté où le nuage commence à crever. Craignez une tempête, si, au lieu d'un nuage, il y en a deux ou trois qui se heurtent et se séparent en tout sens. Regardez la lune naissante ; quand sa corne supérieure est un peu noire, c'est le signe qu'il pleuvra à sa dernière phase ; si c'est.la corne inférieure, il pleuvra au premier quartier ; si ce petit nuage est au milieu, c'est de la pluie pour la pleine lune. Si, quand elle est dans son plein, elle est entourée d'un cercle lumineux, du côté où le cercle est le plus brillant, le vent va se lever. Si, quand elle se lève, ses cornes sont plus larges que de coutume, c'est une tempête qui s'approche. N'a-t-elle pas encore paru à la quatrième heure, quand souffle le zéphyr, tout le mois sera orageux. La voit-on se lever rouge et tout enflammée le dix-huitième jour, craignez de terribles ouragans[15]. Son sujet l'amenait naturellement à parler des vents qui soufflent à certaines époques de l'année, les Étésiens, par exemple[16], et surtout du lever et du coucher des astres qui sont accompagnés de certaines circonstances atmosphériques utiles ou nuisibles à la navigation. Le dix-huitième jour des Calendes de février, disait-il, il y a tune lutte de vents ; aux nones de mars, dès le point du jour, la Couronne se couche-et Borée souffle avec force. Le premier jour des Calendes de novembre, la Lyre se lève avec le soleil[17]. On peut voir dans Lydus tout ce calendrier astronomique qu'il devait en partie à Varron, ainsi qu'il le reconnaît lui-même. Ce n'est pas là de la science pure, mais le résumé de l'expérience qu'avaient acquise les hommes de mer. Il y entrait peu de principes généraux, beaucoup d'observations particulières et assez de hasard et de superstition. C'est, je me le figure, de ces éléments divers que se composait l'Ephemeris de Varron.

Il avait écrit d'autres livres encore sur la navigation ; un traité des marées (De æstuariis), dans lequel il exposait la loi des mouvements réguliers de la mer tous les jours et tous les mois[18] ; et deux ouvrages sur les rivages maritimes (De ora maritima, Littoralia) que MM. Krahner et Ritschl réunissent en un seul. Mais, comme je ne vois aucun témoignage assuré qui nous autorise à les confondre, je les laisse séparés, et je crois même qu'en les étudiant de près on peut trouver entre eux quelque différence.

Les fragments que Servius a conservés du De ora maritima semblent indiquer que ce n'était pas un simple ouvrage de géographie, comme son titre pourrait le faire croire. Varron y traitait Viles phénomènes physiques que le navigateur observe le long des côtes[19] ; il y parlait des bas fonds et des écueils nommés autels par les gens du pays, et où vont se perdre les vaisseaux qui voyagent de Sardaigne en Sicile[20]. Il s'y était surtout fort étendu sur les vents, qu'il essayait de classer et de définir, les divisant en quatre vents principaux qui soufflent des quatre parties du monde, et qui ont chacun sous eux deux autres vents intermédiaires. Il enseignait le nom qu'on leur donne dans les différentes contrées, et étudiait partout leur direction et leurs effets[21].

Solinus est le seul qui parle de l'ouvrage appelé Littoralia. Dans ce livre, dit-il, Varron affirme que de son temps encore on allait visiter le tombeau de Jupiter dans la Crète. Et plus, loin : Au milieu des Sporades s'étend la mer d'Icare. Entre Samos et Mycone, cette mer, hérissée de rochers inhospitaliers et qui n'a pas de port commode, est tristement célèbre par les dangers de ses rivages. Aussi Varron dit-il que le Crétois Icare y mourut dans un naufrage et qu'on a donné son nom aux flots dans lesquels il périt[22]. Il s'agit donc ici d'un ouvrage géographique où Varron, comme Solinus lui-même, qui le cite et paraît l'avoir imité, avait décrit en détail les rivages et les mers, en suivant un ordre méthodique, celui, par exemple, d'un voyage véritable dans lequel on parcourrait ces bords l'un après l'autre, sans négliger de nous faire connaître les rapports ou les différences entre les divers pays et la nature des hommes et des animaux qui les peuplent[23]. Pline est rempli de citations de Varron qui peuvent se rapporter à cet ouvrage. S'il avait parlé de la Crète, il ne négligeait pas les autres îles de la mer Égée, Cos, où l'on fabrique dès vêtements plus délicats pour les femmes, et Délos deux fois agitée par des tremblements de terre[24]. Il marquait exactement les distances entre les différents endroits des côtes de la Méditerranée, comptait combien de pas séparent l'Italie de l'Istrie, de la Liburnie, de l'Épire, de l'Afrique, de la Sardaigne et de la Corse[25], quelle est l'étendue des rivages de la Grande-Grèce[26], de combien de milles le Bosphore de Thrace est éloigné du Bosphore Cimmérien[27]. De là il pénétrait naturellement dans le Pont-Euxin qu'il mesurait aussi dans toute sa longueur[28], il parlait enfin de la mer Caspienne et de la mer Rouge[29].

Ces Citations nous donnent l'idée d'un ouvrage où l'auteur cherchait avant tout à être utile. C'est du reste la pensée de Varron dans tous ces traités de science mari time. Le voyageur y trouvait des observations précises sur la position et la distance des pays qu'il allait parcourir, et des souvenirs curieux sur l'histoire des villes qu'il allait visiter. On lui faisait connaître par avance les dangers qu'il allait courir et les moyens de s'y soustraire. On sait combien ces voyages sur mer causaient alors d'effroi. C'est une grosse affaire que de s'embarquer, disait Cicéron, dans une lettre où il nous apprend qu'il a mis cinq jours pour aller d'Athènes à Délos[30]. Cependant ces dangers qu'on connaissait et qu'on redoutait, on était souvent contraint de s'y exposer. Je ne parle pas seulement de ces marchands intrépides, dont Horace s'est souvent moqué, et que le désir de s'enrichir poussait aux extrémités du monde. Mais, tous les jours, les plus grands personnages partaient de Brindes ou d'Ostie pour la Grèce, l'Espagne, l'Afrique où le Sénat les envoyait comme préteurs et proconsuls. C'est pour ceux-là surtout que Varron avait composé ses traités maritimes. Il avait certes écrit d'autres ouvrages plus étendus, plus originaux, plus consultés des savants et des curieux ; il n'en avait fait aucun que tout le monde eût plus pratiqué et qui eût rendu des services plus réels.

 

IV

Traités scientifiques. — Caractère de ces traités. — Leur étendue. De astrologia. — De mensuris. — Mensuralia. — De principiis  numerorum. — Libri numerorum. — De geometria.

 

Le même caractère se retrouve dans tout ce qui reste des traités scientifiques de Varron. Il n'était assurément ni un Euclide, ni un Archimède, mais il avait lu leurs ouvrages et s'appliquait à les faire connaître. Là aussi il mettait son ambition moins à inventer lui-même qu'à répandre les inventions des autres. Toutes les sciences, avait-il dit quelque part, ont été créées pour l'utilité des hommes[31]. C'est à ce point de vue qu'il les étudiait, et, dans les spéculations des grands génies de la Grèce, il cherchait avant tout le côté pratique et l'application, se conformant tout ensemble au génie de ses compatriotes et à sa propre nature qui le portait à être utile.

Ces traités scientifiques n'étaient donc, pour la plupart, que des ouvrages élémentaires. La lecture des fragments nous fait voir qu'ils ne dépassaient guère les notions les plus faciles et les mieux accommodées à l'intelligence des gens peu lettrés. Ils sont d'ordinaire aussi courts que simples. Nous le savons du moins pour deux d'entre eux, le De geometria qu'il appelait lui-même un petit livre libellus, et le De mensuris où la matière, dit Boèce, n'était qu'effleurée[32]. Le De astrologia aussi ne se composait que d'un livre ; il n'était guère passible d'approfondir dans un espace aussi peu étendu un aussi vaste sujet.

Nous n'avons presque plus rien dé ces livres. Il ne reste du De astrologia que le souvenir de l'étymologie du mot scella que Varron faisait venir du verbe stare[33]. Boèce parle d'un traité De mensuris, et Priscien mentionne les Mensuralia, c'était probablement le même ouvrage[34]. Le De principiis numerorum, cité dans une lettre de saint Jérôme et qu'il faut peut-être confondre avec les libri numerorum dont parle saint Augustin, parait avoir été un ouvrage plus important et plus étendu ; il avait neuf livres. M. Ritschl conjecture, d'après le titre, que c'était quelque exposition de la doctrine pythagoricienne sur les nombres, et que Varron y marchait sur les pas de Nigidius Figulus, son illustre rival, qui faisait profession d'appartenir à l'école de Pythagore. Si cette conjecture était vraie, ce traité aurait été mêlé de mathématique et de philosophie, et dépasserait de beaucoup tous ces résumés scientifiques dont je m'occupe en ce moment[35]. Le De geometria, quoique beaucoup plus court, a laissé plus de traces que l'ouvrage précédent. C'était un traité adressé à un certain Silvius Rufus, personnage inconnu, qu'on a quelquefois confondu avec Cœlius. Rufus, un des amis et des correspondants de Cicéron. On sait 'que ce livre avait fait beaucoup d'honneur à Varron, car, en ce temps, la géométrie était à Rome une science inconnue. Si vous exceptez Varron et quelques autres personnages illustres, dit Martianus Capella[36], il n'y a aucun fils de Romulus dont elle ait franchi le seuil. Elle était du reste bien plus étendue qu'aujourd'hui, et, sous le nom de géométrie, on réunissait.des sciences que les modernes ont distinguées. Varron, dit Cassiodore, raconte qu'on commença par mesurer les terres et établir des limites fixes, ce qui rendit la paix aux peuples, qui jusque-là se disputaient la pos, session des champs. Plus tard on sépara le cercle entier de l'année en intervalles égaux qu'on appela mois, du mot qui veut dire mesurer (mensis, a metiri). Ensuite la curiosité de l'esprit s'éveillant, les savants s'élevèrent plus haut et voulurent connaître quelle est la distance de la terre à la lune, de la lune au soleil, du soleil aux limites les plus recelées du ciel, et les plus habiles parvinrent à le savoir. C'est ainsi qu'on arriva peu à peu à mesurer le monde tout entier. Cette vaste science avait pris à son début le nom de géométrie ; elle l'a gardé pendant tous les siècles et le porte encore aujourd'hui[37]. Ainsi on pouvait, dans un livre de géométrie, parler de géographie et d'astronomie ; c'est ce qu'avait fait Varron. Dans son De geometria, dit Cassiodore[38], il avait décrit avec le plus grand soin la ligure de la terre, la comparant à un œuf qui est arrondi dans sa largeur et allongé dans.sa longueur. De là, Varron descendait à la géométrie véritable, traitait en détail des différentes figures, définissait la ligne, qui est, disait-il, une longueur sans largeur ni hauteur, parlait des triangles, des carrés, des cubes, qui ressemblent à ces dés (κύβοι) dont on se sert pour jouer et doivent le nom qu'ils portent à cette ressemblance[39]. Mais la géométrie proprement dite, même quand on la séparait de l'astronomie, était encore fort étendue, et contenait plusieurs sciences qui lui sont en réalité étrangères. On appelle optique, dit Aulu-Gelle d'après Varron, cette partie de la géométrie qui traite de ce qui a rapport à la vue, canonique, celle qui concerne l'ouïe et que les musiciens regardent comme le fondement de leur art. Les principes de ces deux sciences s'expliquent par des lignes et par des nombres. La première offre un grand nombre, de phénomènes singuliers : par exemple, tel miroir répète plusieurs fois l'image du même objet ; tel autre, placé dans une position particulière, ne reproduit rien, et, transporté ailleurs, reprend sa faculté de reproduire ; d'autres, quand vous vous tenez droit devant eux, vous font paraître la tête en bas et les pieds en haut. L'optique rend raison de toutes ces bizarreries, et nous explique encore pourquoi un objet nous paraît plus grand lorsqu'il est aperçu dans l'eau, et plus petit quand on le découvre de loin. La canonique s'applique à mesurer la portée de la voix en durée et en intensité. On appelle rythme la mesure du temps le plus long pendant lequel elle peut soutenir le son, et mélodie celle des tons extrêmes qu'elle peut atteindre. La canonique contient encore une autre partie qu'on appelle métrique. C'est celle qui, d'après les principes généraux de la géométrie, combine les longues et les brèves, de manière à en former un mélange qui plaise à l'oreille[40]. Aulu-Gelle termine en citant ces paroles de Varron qui nous font connaître combien ces sciences étaient alors négligées : Ou bien nous délaissons ces sortes d'études, ou nous nous arrêtons avant de voir le but où elles peuvent conduit. Or, il n'est possible de découvrir l'agrément et l'utilité de ces sciences que lorsqu'on les connaît à fond et qu'on en a achevé l'étude. Les éléments nous en paraissent inutiles et rebutants.

 

V

Traités élémentaires de grammaire et de critique. — Disciplinarum libri.

 

Ce que Varron avait fait pour les sciences mathématiques, il ne pouvait négliger de le faire pour lés autres genres de connaissances. S'il avait essayé de mettre à la portée de tous les Romains l'arithmétique et la géométrie, à plus forte raison devait-il tenir à répandre des études qui les touchaient de plus près et les intéressaient davantage, par exemple la connaissance de leur langue et l'histoire de leurs antiquités.

Il est probable que plusieurs des ouvrages de critique et de grammaire dont j'ai  cité les titres, plus haut n'étaient que des livres élémentaires destinés à faire pénétrer la science parmi les gens moins lettrés. On peut l'affirmer pour le De grammatica en un livre, dont parle Cassiodore[41]. En renfermant dans un si court espace un sujet sur lequel il était si riche, et qu'il avait ailleurs si longuement traité, Varron montrait bien qu'il s'adressait aux ignorants et voulait les instruire. C'était aussi, je le suppose, le but d'un ouvrage important, souvent cité par les anciens, les Disciplinarum libri. Quoiqu'il contînt neuf livres, je n'hésite pas à le ranger parmi les ouvrages élémentaires de Varron ; l'étendue qu'il lui a donnée s'explique suffisamment par la variété même des sujets qu'il y abordait. Comme il est probable que chaque livre était consacré à une science particulière, aucune n'y pouvait être approfondie ; c'est tout au plus s'il avait le temps d'en exposer les principes généraux pour les faire comprendre du plus grand nombre. Les Disciplinarum libri étaient un cours complet d'études, un résumé de toutes les connaissances qu'il était convenable alors de posséder. On voit que Varron ne tenait pas à en faire un ouvrage original, car il y reproduit sans scrupule les idées qu'il avait exposées ailleurs[42], et la simplicité des notions qu'il y donne nous montre bien qu'il n'avait pas l'intention de s'adresser à un public de savants.

De quoi s'occupait-il dans ces neuf livres ? M. Ritschl a écrit à ce propos un mémoire plein de vues ingénieuses et d'un profonde érudition[43]. Il veut que d'abord Varron ait traité les sept arts libéraux que le moyen âge appelait disciplinæ liberalium artium, c'est-à-dire la grammaire., la dialectique, la rhétorique, la géométrie, l'arithmétique, l'astrologie et la musique, et que, dans les deux livres qui restent, il se soit occupé de l'architecture et de la médecine. Ensuite, réunissant avec soin une foule de citations éparses qui ne sont point réclamées par les autres ouvrages de Varron, il les distribue habilement, suivant leur sujet, dans les divers livres des Discipline, et finit par former de toutes ces pièces isolées un ensemble assez respectable. Malheureusement cette hypothèse ingénieuse ne s'appuie pas sur des raisons bien solides. M. Ritschl lui-même, dans un travail plus récent, est revenu sur beaucoup de ses assertions[44] ; les autres ne me semblent pas beaucoup plus probables. Pourquoi veut-il que les sept premiers livres aient traité des sept arts libéraux, comme les entendait le moyen âge, quand il ne peut pas lui-même prouver que cette division remontât au delà de saint Augustin ? Il serait bien étrange, si elle était déjà dans Varron, qu'on l'y eût laissé si longtemps, et qu'on n'eût songé que trois siècles plus tard à en faire le fondement des études. Je crois qu'à ce, sujet le meilleur est de ne pas se perdre en conjectures et de s'en tenir à ce qu'on sait de positif sur l'ouvrage de Varron.

Le dessein de l'ouvrage n'est pas douteux ; il ressort du titre même. C'était un livre d'éducation qui traitait de sciences diverses. Il y était question de la grammaire, on n'en peut douter : c'était la science chérie de Varron, et, avec la rhétorique, le fond de l'éducation romaine. Aulu-Gelle nous apprend qu'au cinquième livre, il discutait une difficulté de langage. Ce n'est pas la même chose, disait Varron, d'écrire quarto prætorem fieri ou quartum. Celui qui met quarto veut marquer l'ordre dans lequel un citoyen est arrivé à la préture, dire qu'il n'a été nommé que le quatrième. Quartum fait entendre que c'est la quatrième fois qu'il est revêtu de cette dignité. Ennius a donc eu raison de dire :

Quintus pater quartum fit consul.

et Pompée fut trop timide, lorsque, sur le frontispice de son théâtre, n'osant décider s'il fallait mettre Consul tertium ou tertio, il se contenta de faire graver les trois premières lettres et omit les autres[45]. La rhétorique y avait aussi quelque place, ainsi que la dialectique. Isidore de Séville a conservé un passage des Disciplinæ, dans lequel Varron compare entre elles ces deux sciences à l'aide d'une formule stoïcienne : La rhétorique, disait-il, c'est la main ouverte ; la dialectique, c'est le poing fermé[46]. La première était depuis longtemps enseignée à Rome avec éclat, l'autre y était presque inconnue. C'est, à ce qu'on croit, Varron qui l'apprit le premier aux Romains, et qui créa des expressions pour la faire entendre. Martianus Capella, qui a introduit la dialectique dans sa satire, la fait ainsi parler : Je ne suis qu'une femme grecque, et, si je n'avais pour me soutenir le talent et l'érudition de Varron, cet homme si célèbre parmi les gloires du Latium, j'aurais peine à trouver des mots pour m'exprimer dans cette langue encore rude et barbare. C'est Varron le premier, qui, s'abreuvant aux flots de l'éloquence de Platon, et étudiant l'art d'Aristote, m'a introduite dans la langue latine. C'est grâce à lui et aux mots qu'il a créés que les écoles de l'Ausonie peuvent me comprendre[47]. Ce passage est une preuve de plus que l'ouvrage de Varron était une sorte de manuel qui résumait les doctrines grecques et devait principalement servir à la jeunesse qui s'exerçait dans les écoles de l'Ausonie. Parmi les sciences qu'il était surtout utile d'apprendre aux jeunes gens, Quintilien place la géométrie et la musique. Je suis tenté de croire que toutes les deux entraient dans les Disciplinæ. Acron dit qu'il y était question, dans le troisième, des flûtes anciennes qui n'étaient percées que de trois trous[48], et Aulu-Gelle qu'il y expliquait quelque part les règles du vers hexamètre d'après les principes de la géométrie[49]. Enfin, nous savons par Vitruve qu'un livre entier était consacré à parler de l'architecture[50]. C'était, on le voit, sortir du cercle de l'éducation ordinaire des Romains ; et comme assurément nous n'aurions jamais pensé, sans l'affirmation de Vitruve, qu'il y eût quelque place pour l'architecture dans un ouvrage pareil, je crois qu'il est sage de ne pas essayer de deviner quelles étaient-les quatre autres sciences exposées dans les quatre livres des Disciplinæ dont on n'a point conservé de fragments.

 

VI

Traités élémentaires d'histoire. — Ætia. — Ce que c'était. — Essai de restitution de ce livre au moyen des Questions romaines de Plutarque. — Hebdomades, seu imaginum libri. — Comment Varron y avait imité Aristote. — Portraits qui étaient joints aux Hebdomades. — Comment faut-il entendre le texte de Pline à ce sujet ? — Prologue et fragments des Hebdomades. — De la manière dont Varron avait conçu et exécuté tous ces traités élémentaires.

 

Le nom tout grec que porte l'Ætia (αΐτια) ou Ætion liber montre clairement d'où venait l'ouvrage. Ce titre semble avoir été assez commun en Grèce ; Callimaque et Plutarque, un certain Butas, fort inconnu du reste, et le poète Denys de Corinthe, s'en sont successivement servis. C'est aux Grecs que Varron l'avait emprunté. Plusieurs critiqués pensent même que ses emprunts ne s'arrêtaient pas au titre, et, sur Fe témoignage de Servius, qui le montre imitant une fois Callimaque, on a prétendu qu'il n'avait fait, dans ce livre, que suivre fidèlement le poète Alexandrin. Cette opinion me semble tout à fait invraisemblable, quand on se souvient que l'ouvrage de Callimaque, comme celui de Denys et de Butas, était écrit en vers, et quand on sait de quelles histoires il était surtout rempli. C'était un recueil de fables mythologiques, et nous voyons que Martial, s'adressant à quelque amateur de ces récits merveilleux, lui dit : Tu ne trouveras chez moi ni Centaures, ni Gorgone, ni Harpies ; c'est de l'homme que mon livre s'occupe. Mais toi, Mamurra, tu ne tiens pas à connaître ta nature, tu ne veux pas savoir qui tu es ; lis les Αΐτια de Callimaque[51]. Varron avait écrit son livre en prose et abandonné la mythologie pour l'histoire romaine, dans laquelle Callimaque ni les autres ne pouvaient le servir. Si l'on veut que, dans l'Ætion liber, il ait imité quelqu'un, disons qu'il s'est imité lui-même. On a vu qu'il avait consacré un grand nombre d'ouvrages à écrire la vie du peuple Romain, à exposer ses lois, ses usages, avec leur origine, leur raison d'être et leur histoire. Il alla chercher ces explications, et les reproduisit dans l'Ætion liber, en les abrégeant. Ainsi, il devait aux Grecs l'idée même de l'ouvrage et cette forme commode qui permet de réunir, dans un court volume et sans beaucoup de liaison, la réponse aux difficultés que peuvent soulever les esprits curieux ; mais, comme les problèmes eux-mêmes étaient changés, et qu'il y traitait le plus souvent des questions dont les Grecs ne s'étaient pas occupés, c'est dans ses propres ouvrages qu'il en allait chercher la solution, et il ne prenait sa science que chez lui-même.

Pour se faire quelque idée du livre de Varron, on n'a qu'à lire l'opuscule de Plutarque intitulé : Αΐτια 'Ρωμαΐκά. Varron y est souvent cité, et, bien qu'il y soit quelquefois combattu, nous pouvons être assurés que presque partout Plutarque lui emprunte les opinions qu'il expose, et qu'en tous cas il avait fidèlement reproduit le plan et l'ordre général de l'ouvrage de son devancier[52]. C'est par là surtout que les deux livres devaient se ressembler, et celui qui reste nous fait deviner et peut nous aider à reconstruire celui que nous avons perdu. L'Ætion liber de Varron, comme les Αΐτια de Plutarque, était un recueil d'explications par demandes et par réponses, dans lequel on rendait compte de l'origine et de la raison de certains usages. Pourquoi les anciens ont-ils établi l'habitude de se saluer en se serrant la main ? Parce que le courage se montre par la main, et que les premiers hommes estimaient, par-dessus tout le courage[53]. — Pourquoi regarde-t-on les murailles d'une ville comme sacrées et inviolables ? Afin que l'on combatte et que l'on meure généreusement pour les défendre[54]. — Pourquoi porte-t-on des torches dans les mariages ? En souvenir des mariages anciens, qui ne se célébraient que de nuit. — Pourquoi fait-on franchir la porte à la mariée, en ayant soin qu'elle n'en touche pas le seuil ? Parce que le seuil est consacré à Vesta, la plus chaste des déesses, et qu'il ne convient pas qu'une jeune fille qui va être femme le souille par son contact[55]. — Pourquoi répand-on des noix le jour des noces ? Parce que les mariages ont lieu sous les auspices de Jupiter, et que l'on souhaite à la fiancée d'être une mail-one vénérable comme Junon ; or, les noix sont consacrées à Jupiter, et de là leur est venu leur nom de juglandes (quasi Jovis glandes)[56]. — Pourquoi défend-on aux jeunes tilles de se marier pendant les fêtes, et le permet-on aux veuves ? C'est que les jeunes filles pleurent toujours un peu en se mariant, et que les femmes, sont au contraire fort contentes ; or, il n'est pas permis de s'attrister pendant les fêtes[57]. — Pourquoi, dans les funérailles, a-t-on coutume de se déchirer le visage avec les ongles ? Parce que la vue du sang réjouit les Mânes et les apaise. Voilà pourquoi aussi on immole des victimes autour des bûchers[58]. — Pourquoi entoure-t-on le bûcher de cyprès ? Pour que l'odeur du cadavre qu'on brûle incommode moins les assistants. C'est la coutume que la foule reste auprès du bûcher, et réponde aux chants funèbres de la præfica jusqu'à ce que le cadavre ait été entièrement consumé, les cendres recueillies, et qu'on ait dit à tout le monde : Vous pouvez vous en aller (ilicet, ire licet)[59]. Ces citations, que je pourrais multiplier en me servant des Αΐτια de Plutarque[60], font, je crois, clairement connaître pour qui l'ouvrage était écrit. Des savants n'auraient pas eu besoin de ces réponses toutes formulées à propos des usages les plus ordinaires de la vie. Aussi, Varron, en composant son Ætion liber, ne travaillait-il pas pour des savants. Il voulait satisfaire ces hommes curieux mais occupés, qui désirent savoir la raison des choses, sans se donner la peine de la chercher loin, qui n'ont pas le temps ou la patience de suivre la science dans ses recherche, mais en veulent cependant connaître les résultats ; il travaillait à accroître et à éclairer l'érudition des gens du monde.

C'est encore au même public que s'adressait un des ouvrages les plus importants de Varron, et je le place ici sans hésiter, bien que, par son étendue, il diffère tout à fait de ceux que je viens d'étudier. Je veux parler des Hebdomades seu imaginum libri qui se composaient de 101 livres selon les uns, de 51 selon les autres[61], et, en tous cas, peuvent être mis parmi les plus longs ouvrages que Varron ait publiés.

Ce livre était encore une imitation grecque. Cicéron, qui en parle, au temps même où Varron y travaillait, et lorsque sans doute il n'avait pas encore choisi le titre sous lequel il l'a plus tard publié, l'appelle Πεπλογραφία Varronis. C'est nous dire assez que Varron en avait pris l'idée dans le Πέπλος d'Aristote. On sait que cet ouvrage, aujourd'hui perdu, avait été inspiré au grand philosophe par son étude assidue d'Homère. Il contenait, dit Porphyre, les généalogies des chefs grecs qui assiégèrent Troie, avec le nombre de leurs vaisseaux ; et, pour chacun d'eux, une inscription en vers, courte et simple, qui se composait généralement d'un distique[62]. Ce nom de πέπλος rappelait la voile de la galère Panathénaïque sur laquelle étaient brodés le combat de Minerve contre les géants et les exploits des héros de l'Attique. Le livre et le tissu se ressemblaient en ce qu'ils racontaient tous les deux à leur manière les grands souvenirs du passé.

Selon son habitude, Varron, en s'emparant de l'idée d'Aristote, ne se fit pas scrupule de la changer. Il prit de lui ce mélange de la prose et des vers, essayant, après une courte notice sur le personnage, de résumer sa pensée sur lui par un distique qui restât dans l'esprit du lecteur. Mais il ne se borna plus aux héros de l'époque homérique. Il eut la prétention de comprendre dans son livré les grands hommes de tous les pays et de tous les temps, en quelque genre qu'ils se fussent illustrés. C'était singulièrement agrandir, c'était presque renouveler le plan d'Aristote. L'autre innovation qu'il imagina eut plus de succès encore ; ce fut une nouveauté piquante qui donna plus de prix à son livre, et dont il eut l'idée en observant le goût de ses contemporains. Depuis quelque temps les Romains s'étaient fort épris de la sculpture grecque. Les amateurs se ruinaient à réunir les marbres les plus rares, les bronzes les plus précieux, pour en décorer leurs jardins, leurs vestibules, leurs appartements et surtout leurs bibliothèques. On sait avec quelle insistance Cicéron recommande à son ami Atticus de lui acheter des Hermapollons et des Hermathènes, quel désir il a de les voir, quel souci de les faire arriver sans accident, quel soin de les bien choisir et de les bien placer. Atticus lui-même était un amateur éclairé de ces objets d'art, et il avait écrit sur ce sujet tout un volume. Enfin Asinius Pollion donna à cette mode une sorte de consécration en plaçant les bustes des grands hommes à côté de leurs écrits, dans la bibliothèque qu'il venait de fonder. Il voulait, dit Pline, qu'on retrouvât leur image dans le lieu où leur âme immortelle semblait encore parler. Varron qui était témoin de ce goût de ses contemporains, et qui le partageait sans doute[63], eut l'idée d'en profiter pour donner plus d'attrait à son livre. Je me figure qu'en parcourant les bibliothèques, dont il devait être un des hôtes les plus assidus, il aura vu l'empressement du public autour des bustes d'airain qui les décoraient, et remarqué, comme Pline, que tout le monde désire connaître les traits des grands hommes qu'on admire[64]. C'est pour satisfaire un si légitime désir qu'il plaça dans les Hebdomades, à côté de la notice qu'il consacrait à quelque grand personnage, un dessin qui le représentait. S'il s'agissait d'un héros des temps anciens dont il ne restait pas de portrait véritable, il le peignait avec les traits que lui prête l'imagination. Mais toutes les fois qu'on en connaissait quelque image fidèle, quelque statue authentique, il la faisait copier exactement. Son scrupule allait jusqu'à ne rien vouloir changer aux moindres détails du costume, et nous savons, par exemple, qu'à propos d'Énée, il s'était astreint à reproduire fidèlement une vieille statue de marbre blanc qu'il avait vue auprès de la fontaine d'Albe[65].

Pline célèbre cette invention, comme il l'appelle, en termes si magnifiques que quelques savants se sont laissé aller à en exagérer l'importance. Ils ont cru que Varron, quinze siècles avant Gutenberg, avait découvert l'art d'imprimer sur toile au moyen de planches gravées sur bois. M. Letronne a fait justice de cette opinion qui ne repose que sur une mauvaise interprétation des textes[66]. Comment pourrait-on croire que cet art précieux, une fois découvert, à une époque si savante et si lettrée, tant de grands esprits n'en aient pas deviné la portée, tant dé savants curieux l'aient négligemment laissé perdre ? Tout au plus peut-on admettre, comme le veut M. de Lahorde, que Varron, pour simplifier l'ouvrage, et rendre la reproduction des figures plus facile, ait eu recours à un patron découpé, ainsi que le faisaient probablement les Égyptiens pour leurs hiéroglyphes[67]. Mais même quand on s'en tiendrait à l'interprétation de M. Letronne, et qu'on ne laisserait à Varron que la gloire d'avoir songé à placer le premier des portraits dessinés dans ses livres, et à faire ainsi concourir deux arts à la fois à l'éducation littéraire de ses contemporains, ce serait encore une importante innovation et qui méritait bien d'être signalée. Je suis frappé surtout de voir qu'elle rentre dans le sens général des travaux de Varron et qu'elle achève et complète tous les ouvrages que j'ai analysés dans ce chapitre, car elle est un effort de plus pour mettre la science et ses plaisirs à la portée du plus grand nombre. Les bustes des grands hommes étaient chers, nous le voyons par les lettres de Cicéron, et c'était un luxe fort coûteux que de pouvoir les posséder chez soi. Les placer dans une bibliothèque, et, selon l'expression de Pline, en faire une chose publique, c'était déjà les rendre plus accessibles. Mais il n'était pas possible à tout le monde de les aller visiter. Varron, en reproduisant leurs traits dans son livre, d'une manière grossière sans doute (aliquo modo), mais qui en donnait quelque idée, en rendait la connaissance facile et populaire. Il faisait imparfaitement encore pour les bustes les plus célèbres de l'antiquité ce que la gravure fait aujourd'hui pour les tableaux des maîtres ; il appelait un plus grand nombre de 'personnes aux jouissances que donnent les arts. C'est en ce sens que Pline a pu appeler son invention la plus utile et la plus généreuse de toutes (benignissimum inventum), et dire qu'elle est digne d'être enviée par les dieux, car, en reproduisant ainsi les traits des grands hommes, il ne leur a pas seulement donné l'immortalité dans le temps, mais il les a répandus dans toutes les nations, en sorte qu'ils sont présents à la fois dans toutes les parties de l'univers.

Cet ouvrage qui, on le voit, lit de son temps une si grande sensation, a péri comme les autres. Le seul morceau un peu long qui en reste vient du premier livre et a été conservé par Aulu-Gelle[68]. Il nous donne quelque idée de ces proœmia ou prologues que Varron aimait à placer en tête de ses grands ouvrages, sortes de hors d'œuvres qui, quelquefois, se rattachaient mal au reste et dans lesquels il se livrait sans mesure à toute l'abondance de ses souvenirs et de son érudition. Il est ici question du nombre sept dont Varron énumère toutes les vertus. H le retrouve dans le ciel où sept cercles entourent l'axe du monde, dans la constellation des Pléiades, qui se compose de sept étoiles, dans le cours de la lune et dans la marche du soleil. Descendant ensuite sur la terre, il cherche l'influence de cc nombre climatérique dans la conception de l'homme, dans la formation du germe, dans l'accroissement du corps qui ne dépasse pas sept pieds, dans la conformation des veines et des artères, dans les maladies, où les crises décisives se produisent tous les sept jours, et jusque dans les accidents funestes ou imprévus, dans lesquels les Chaldéens avaient remarqué que le nombre sept entrait toujours pour quelque chose. A ces observations qu'Aulu-Gelle trouve fort ingénieuses, Varron en avait ajouté d'autres qui lui semblent plus froides et moins bien imaginées ; comme, par exemple, qu'il y avait sept merveilles dans le monde, sept chefs au siège de Thèbes, et qu'il fallait faire sept fois le tour du stade pour remporter le prix. Il terminait eu disant qu'il avait accompli ses douze fois sept années (84 ans) et qu'il avait écrit soixante et dix fois sept volumes (490 livres).

Pour qu'il fût conséquent avec lui-même, le nombre sept devait se retrouver dans toutes les divisions de son ouvrage. Il y avait placé, selon Pline, les portraits de 700 hommes illustres, et un passage d'Ausone nous autorise à croire que chaque livre contenait sept portraits. Il s'occupait successivement des poètes[69], des guerriers et des politiques[70], puis des philosophes[71]. Les artistes aussi y avalent quelque place, et nous savons que le dixième livre contenait le portrait des principaux architectes[72]. Les grands hommes de Rome, on le comprend, n'y étaient pas oubliés. Il commençait par Énée, l'auteur de la race[73] ; il partait aussi, dit Symmaque, de ce Curius si pauvre, mais qui commandait à des rois, du sévère Caton, de la famille des Fabius, des exploits de Scipion, enfin de tout ce sénat de triomphateurs'[74]. On peut dire que cette galerie de portraits contenait, pour ainsi parler, toutes les gloires du genre humain. Mais, pour pouvoir les réunir ainsi dans un seul ouvrage, Varron devait nécessairement se contenter de les effleurer. Aussi lisons-nous, dans Symmaque, que les notices qu'il leur consacrait étaient courtes et qu'il avait à peine le temps de leur donner quelques éloges[75]. Ce n'était donc pas aux érudits que s'adressaient les Hebdomades. Qu'auraient-ils pu apprendre dans une si Courte compilation sur des personnages si connus ? Varron écrivait cet ouvrage, comme les précédents, pour les gens moins lettrés, qui, au milieu des affaires, ont à peine le temps d'apprendre, ou pour ceux que d'autres soucis occupent et qu'il faut aider à se souvenir. Aussi ne racontait-il, à propos de chacun de ses héros, que les incidents les plus marquants de sa vie. Quant aux inscriptions en vers, les deux qui restent des sept cents qu'il avait composées, semblent indiquer que la poésie des Hebdomades, comme celle de certains de nos ouvrages élémentaires, n'était qu'un moyen de mnémotechnie.

Tels sont les traités que Varron avait écrits pour l'éducation des Romains. Ils n'avaient pas, sans doute, l'importance de ses grands ouvrages, ils ne contenaient rien de bien original ni de bien nouveau ; mais ils ont été utiles. Il en a composé la plus grande partie pendant sa vieillesse, c'est-à-dire en ce -temps où, éloigné de la vie publique, il ne pouvait plus servir son pays qu'en s'occupant, à lui faire, s'il était possible, des citoyens honnêtes et éclairés. Quel meilleur, quel plus grand service, écrivait alors Cicéron, pouvons-nous rendre aujourd'hui à la république, que d'instruire et de former la jeunesse ![76] Varron l'essaya et y réussit. Ses livres élémentaires ont élevé toute une génération, qui a puisé chez eux une science plus commode, présentée dans la langue qu'elle parlait, et avec assez de simplicité pour qu'elle pût la comprendre. Je suis surtout frappé de voir que ce désir de rendre la science plus générale avait fait découvrir ou entrevoir à Varron presque tous les moyens dont nous nous servons aujourd'hui pour la vulgariser. Il a connu ces précis d'histoire, ces résumés scientifiques, dont nous faisons un si grand usage. Il a songé aussi à composer de ces guides du voyageur, qui remplacent l'expérience et nous empêchent d'être étrangers dans les pays que nous ne connaissons pas. Son Ætion liber, ses Disciplinæ, ses Hebdomades, qu'est-ce autre chose, à les regarder de près, que ces manuels, ces encyclopédies, ces dictionnaires historiques qui, de nos jours, permettent à tout le monde de savoir ? Et, si l'on ne craignait pas de pousser trop loin la comparaison, ne pourrait-on pas dire que ce dernier ouvrage nous fait songer à nos livres illustrés, où le dessin cherche à nous intéresser à l'étude, et nous rend la science plus facile à comprendre et à retenir ? Il est probable, enfin, que tous ces ouvrages de Varron contenaient non-seulement des notions précises et utiles, mais aussi des pensées morales, et, par moment, des enseignements élevés, et qu'en rendant ses concitoyens plus éclairés, il voulait les rendre meilleurs. C'est du moins le témoignage que lui rend un philosophe chrétien, Mamert Claudien. Il affirme qu'en étudiant les sciences mondaines et périssables, Varron savait élever rame de ses disciples jusqu'à la contemplation de Celui qui est la science certaine et éternelle[77].

 

 

 



[1] Cicéron, Ad fam., IX, 15 : Salsiores quam illi Atticorum et vere Romani sales.

[2] Nonius, v. Rheda.

[3] Nonius, v. Gargarid. : Quintiporis Clodiani forias et poemata gargaridians. On voit que le mot latin est plus fort, plus Plautinien encore, et qu'il échappe à la traduction.

[4] Nonius, v. Hilaresco.

[5] Charis., I, 18.

[6] Nonius, v. Obla.

[7] Aulu-Gelle, II, 10.

[8] Aulu-Gelle, Épilog.

[9] Aulu-Gelle, XII, 3.

[10] Il cherche pourquoi on doit préférer corona navali à corona navale (Charis., I, 21), quintum tricesimum annum à quintum et tricesimum (id., 17) ; dans quel cas il faut dire quo loco et quo loci (id., 18), que signifient proprement le mot multa (Festus, v. Multa) et l'expression pignoriscapio (Aulu-Gelle, VII, 10).

[11] Festus, v. Sinistræ aves.

[12] Aulu-Gelle, XIV, 7.

[13] Itiner. Alex. magn., 6.

[14] Végèce, V, 11 : Prognostica tempestatum signa quæ Virgilius divino pœne comprehendit ingenio et Varro in libris navalibus diligenter exeoluit.

[15] Pline, XVIII, 79.

[16] Nonius, v. Etesiæ.

[17] Lydus, De mens., IV, 13 ; De ostent., p. 357.

[18] Varron, De Ling. lat., IX, 26.

[19] C'est l'opinion qu'exprime Wernsdorff (Poet. lat. minor., édit. Lemaire, IV, 563). Ego vero non tam geographicum quam physicum opus fuisse existimaterim.

[20] Servius, in Æn., I, 108.

[21] Servius, in Æn., VIII, 710 et Sénèque, Quæst. nat., V, 16.

[22] Solin., II.

[23] Solin., II. Voir comment Solinus annonce son ouvrage : Locorum ita commeminisse visum est ut inclitos terrarum sinus et insignes tractus maris, servata orbis distinctione, suo quoque ordine redderemus. Inseruimus et pleraque differenter congruentia ; inter hæc hominum et aliorum animalium naturas expressimus.

[24] Pline, IV, 12.

[25] Pline, III, 5.

[26] Pline, III, 10.

[27] Pline, IV, 12.

[28] Pline, IV, 12.

[29] Pline, VI, 13 et 33.

[30] Ad Att., V, 12 : Negotium est magnum narigare !

[31] Cassiodore, p. 528 : Scire autem debemus, sicut Varro dicit, utilitatis alicujus causa omnium artium extitisse principia.

[32] Boèce, De geomet. Quæ de mensuris a Varrone ostensa sunt.

[33] Cassiodore, p. 560.

[34] Je le crois d'autant plus volontiers que Boèce ne donne pas formellement le titre de l'ouvrage qu'il cite, mais dit que Varron y avait parlé de mensuris ; il pouvait donc être appelé Mensuralia. Cependant M. Ritschl suppose que le premier de ces livres était un ouvrage d'économie rustique et complète ainsi son titre : De mensuris agrorum. Mais ce n'est qu'une conjecture.

[35] De tous les fragments de Varron, je n'en vois qu'un qui puisse se rapporter au De principiis numerorum. C'est celui où il est question du nombre 9 et de 27, qui est le cube de 3. Ce dernier nombre, disait Varron, est celui d'après lequel Pythagore prétend que la lune accomplit sa révolution (Aulu-Gelle, I, 20, et Favon., Eulog., in somm. Scip., éd. Orelli, 407).

[36] Martianus Capella, VI, 190.

[37] Cassiodore, VI, p. 558.

[38] Cassiodore, VI, p. 560.

[39] Aulu-Gelle, I, 20.

[40] Aulu-Gelle., XVI, 18.

[41] De orth., I.

[42] Par exemple, une discussion sur quartum et quarto, dont il va être question plus tard. On sait par saint Augustin (De grammat., p. 2008) qu'elle se trouvait déjà dans les Libri numerorum. Atron (in Art. pœf. Hor., 203), cite un passage qui se trouvait à la fois dans le De sermone lat. et dans les Disciplinæ.

[43] Quæstiones Varronianæ, Bonn, 1845.

[44] Dans son article du Rheinisches museum que j'ai déjà cité.

[45] Aulu-Gelle, X, Tiron racontait la même anecdote. Seulement il disait que, comme Pompée était incertain, il s'adressa à Cicéron, qui, ne voulant mécontenter aucune opinion, conseilla à son ami de se servir du moyen qu'indique et que blême Varron. On reconnaît bien, même dans les questions les moins importantes, l'homme qui, selon Laberius, avait coutume de s'asseoir sur deux sièges.

[46] Orig., 11.

[47] Martianus Capella, IV, 95.

[48] In Art. pœt. Hor., 203.

[49] Aulu-Gelle, XVIII, 15.

[50] Vitruve, VII, préface.

[51] Martial, X, 4.

[52] Voir, sur les rapports des deux ouvrages, la dissertation de M. Lagus : Plutarchus Varronis studiosus, Helsingfort, 1847.

[53] Servius, in Æn., I, 408. C'est cette réponse que Varron avait empruntée à Callimaque.

[54] Plutarque, Quæst. rom., 27.

[55] Servius, in Bucol., VIII, 29.

[56] Servius, in Bucol., VIII, 30.

[57] Plutarque, Quæst. rom., 105, et Macrobe, Sat., I, 15.

[58] Servius, in Æn., III, 67.

[59] Servius, in Æn., VI, 26.

[60] L'autorité de Varron est encore alléguée dans les Quæst. rom., 2, 4, 5, 14, 90, 101, 106.

[61] Il est plus probable que l'ouvrage contenait 101 livres. On en verra les raisons plus loin.

[62] Eustathe, Iliad. B', 215.

[63] On sait que Varron possédait quelques statues de grands artistes, dont il parlait lui-même avec complaisance.

[64] Pline, XXXV, 2 et sq.

[65] Lydus, De magist., 74.

[66] Revue des Deux-Mondes, 1er juin 1837.

[67] Revue archéologique, Ve ann., 1re part., p. 120. M. de Laborde s'appuie surtout sur le texte de Pline, et tout son raisonnement repose sur le mot inventum employé par cet auteur pour désigner l'innovation de Varron. Il lui semble qu'une découverte importante pouvait seule être appelée inventum. Mais Pline ne paraît pas donner à ce mot autant d'importance. Il l'a appliqué, quelques lignes plus haut, au simple fait déplacer des portraits dans des bibliothèques. Je remarque aussi que l'expression aliquo modo, qu'on trouve dans Pline, et qui semble indiquer que ces images étaient grossières, conviendrait mieux à l'opinion de M. Letronne qu'à celle de M. de Laborde. Avec des patrons découpés on pouvait arriver à une certaine perfection qu'il était bien difficile d'atteindre s'il fallait copier chaque portrait épart pour chaque exemplaire.

[68] Aulu-Gelle, III, 10.

[69] Voir, pour Homère, Aulu-Gelle, III, 11.

[70] Il reste les deux vers, fort mutilés, qu'il avait consacrés à Démétrius de Phalères (Nonius, v. Luces.)

[71] Symmaque, II, 4.

[72] Ausone, Mosell., 307.

[73] Lydus, De mag., I, 12.

[74] Symmaque, II, 4 : Totumque triumphalem senatum.

[75] Symmaque, II, 4 : Sobria.... parca laude perstringit.

[76] De divin., II, 2.

[77] De statu animæ, II.