L'EMPIRE ROMAIN - ÉVOLUTION ET DÉCADENCE

 

PREMIÈRE PARTIE — LES EMPEREURS

CHAPITRE III — La crise après Néron. L’ébranlement de l’empire. L’entrée en scène des armées provinciales (68-69).

 

 

§ 1. — Les armées vers la fin du premier siècle.

Les événements qui suivirent le règne de Néron ont laissé aux contemporains une impression d’épouvante. Tacite, qui en a été le témoin, entame en ces termes son récit : J’aborde une époque féconde en catastrophes, époque de combats atroces et de séditions, etc. Et il poursuit sur le même ton, énumérant, dans un raccourci effrayant, toutes les secousses qui, durant une mortelle année, ébranlèrent dans ses fondements le monde romain. Il ajoute : Le secret de l’État était dévoilé : on apprit qu’on pouvait faire un empereur ailleurs qu’à Rome. L’entrée en scène des armées provinciales est en effet le fait dominant de cette période, la grande et formidable .nouveauté, le premier accès d’un mal dont l’empire ne devait pas guérir.

Pour comprendre ce qui va se passer, il faut se rendre compte de l’état des armées vers la fin du premier siècle.

Deux traits sont à noter : 1° l’élimination progressive de l’élément plus spécialement romain ; 2° la prédominance de plus en plus marquée du recrutement régional.

De tout temps l’armée avait été divisée en deux portions : l’une toute romaine et qui se composait des légions ; l’autre formée des contingents des peuples sujets ou alliés. Cette distinction subsista dans l’armée impériale avec cette différence que la légion elle-même perdit son caractère essentiellement romain. Elle n’avait reçu longtemps que des citoyens de naissance. Si elle s’était ouverte aux Italiens, c’est parce que les Italiens étaient entrés dans la cité. Il en fut autrement pendant les guerres civiles. Les généraux n’osèrent pas rompre manifestement avec, la loi. Mais ils la tournèrent. Ils s’étaient arrogés le droit de faire des citoyens. Ils en firent tout exprès pour grossir les légions ou pour en créer de nouvelles.

Les Italiens cessèrent dès lors de recruter les légions à eux seuls. Ils renoncèrent sans regret à ce privilège onéreux. Un grand changement s’était produit dans leurs dispositions morales. Ils n’aspiraient plus qu’an repos. Auguste leur donna satisfaction. L’armée ne se recrutait plus, en dehors de certaines circonstances exceptionnelles, que par des engagements volontaires. Il réserva aux volontaires italiens dans la garnison de Rome, dans les cohortes prétoriennes et urbaines, un service facile, agréable, et largement rémunéré. Il ne les exclut pas des légions, et ils ne demandaient pas tous à en être exclus. La décadence de l’esprit militaire n’était pas encore assez avancée. Beaucoup d’Italiens continuaient à être inscrits dans les légions durant la deuxième moitié du premier siècle.

Voilà déjà deux armées distinctes : les cohortes prétoriennes et urbaines, exclusivement italiennes, et les légions qui ont un caractère mixte, qui sont composées d’Italiens et de provinciaux et où, parmi les provinciaux, les uns sont nés citoyens tandis que d’autres le sont devenus à leur entrée en service. Pourtant, tout en élargissant le recrutement de la légion, Auguste s’était préoccupé de lui maintenir son caractère original, c’est-à-dire romain. Pour cela il avait pris les précautions suivantes. Les légions étaient recrutées en général dans les provinces sénatoriales, qui étaient les plus romanisées. De plus, même dans ces provinces, et à plus forte raison dans les provinces impériales, on affecta plus volontiers au service légionnaire les habitants des villes. C’est par les villes en effet que se propageaient l’influence et les mœurs de Rome. La romanisation était plus lente en dehors des centres urbains.

Viennent maintenant les contingents alliés, les auxilia, qui ne forment point une armée à part, mais qui sont attachés aux diverses légions. La condition de ces troupes était moins relevée que celle des légionnaires. La solde y était moindre, le service plus long, le titre de citoyen n’était pas requis, il était même exclu par définition. Tandis que les non-citoyens devenaient citoyens à leur entrée dans la légion, les auxiliaires ne le devenaient qu’à la sortie, en récompense de leur bonne conduite. Les troupes auxiliaires se recrutaient, soit dans les provinces, parmi les sujets de Rome, soit même en dehors de l’empire, parmi les peuples soumis à son protectorat. Et de même que les légionnaires provinciaux étaient recrutés de préférence dans les provinces sénatoriales et parmi les habitants des villes, de même c’étaient les provinces impériales et les cantons ruraux qui fournissaient les troupes auxiliaires. Ces troupes n’étaient pas non plus organisées comme les légions. Elles formaient des corps de cinq cents hommes ou de mille, les uns de cavaliers, appelés ailes, les autres de fantassins ou mixtes appelés cohortes. Leur manière de combattre, leur uniforme, leur armement n’étaient pas romains et variaient suivant les pays. Ils avaient des chefs de leur nation, sinon toujours, au moins très souvent, citoyens romains en général, mais n’ayant très souvent aussi du citoyen que le titre.

Les armées se recrutaient pour la plus grande partie dans les pays qu’elles devaient protéger. On évitait ainsi des déplacements coûteux, sauf en cas de nécessité absolue. Nous ne sommes pas encore au temps où la zone du recrutement se réduisait aux populations de la frontière, les moins civilisées, mais les plus belliqueuses. Le recrutement restait donc largement régional. Il l’était assez néanmoins pour donner aux armées une individualité, une physionomie distincte.

Tout cela explique le rôle des armées dans le conflit qui va s’ouvrir. Il y en a trois dont l’intervention est décisive, l’armée du Rhin ou de Germanie, l’armée du Danube ou d’Illyrie, l’armée d’Orient.

L’armée du Rhin comprenait huit légions. Il y faut distinguer plusieurs éléments :

D’abord la légion : Les Gaulois affectés au service légionnaire ne se rencontrent pas seulement dans cette armée. Ils se rencontrent un peu partout en Occident. En Orient jamais. On les trouve dans les légions d’Illyrie, d’Afrique, d’Espagne, de Bretagne, mais en bien plus grand nombre dans celles du Rhin. Ils sont originaires pour la plupart de la Gaule Narbonnaise et Cisalpine, de la Gaule la plus complètement romaine.

Ensuite les auxiliaires. Ici le caractère gaulois s’accentue. Mais il faut encore distinguer. Aucun de ces corps n’est fourni par la province sénatoriale de la Narbonnaise. Il n’y a d’exception que pour les Voconces qui précisément ont conservé le plus longtemps leurs institutions nationales. Ils sont tous tirés lies trois provinces impériales, les uns des régions de l’ouest et du centre, qui commencent à s’assimiler, les autres de la Belgique et de la Germanie, en deçà et même au delà de la frontière. Le premier de ces deus groupes est purement gaulois et le second plus ou moins germain. Ce dernier est très nombreux, soit qu’il comprenne encore des Gaulois, comme les Lingons, les Helvètes, les Morins, les Trévires, les Séquanes, les Rauraques, les Ménapes, ou des Germains, les Bataves, les Sicambres, les Mattiaques, les Ubiens, les Vangions, les Némètes.

L’armée du Rhin n’est donc pas homogène. Entre ces divers éléments l’accord n’est pas, ne sera pas parfait. Mais il se soutiendra en face de l’ennemi commun, c’est-à-dire en face d’une autre armée. Car elle a son unité. Elle est l’armée Gallo-Germanique, l’armée d’Occident.

L’armée d’Orient se compose, comme l’armée de Germanie, de huit légions, trois qui font la guerre en Judée, deus qui tiennent garnison en Égypte, trois en Syrie. Des cinq qui occupent la Syrie et l’Égypte nous savons que quatre ont été reconstituées sous Néron à l’aide de levées faites en Asie et particulièrement chez les Galates et les Cappadociens. Les deux légions d’Égypte ne comptent guère que des Asiatiques d’Asie-Mineure, en grande partie des Galates, et des Égyptiens. Il en est de même des corps auxiliaires. C’est l’armée d’Orient, non pas seulement parce qu’elle est cantonnée en Orient, mais parce qu’elle y est recrutée. Tacite nous montre la troisième légion, qui fait partie de cette armée, adorant le soleil, au lever du jour, le matin de la bataille de Crémone, comme c’est l’usage en Syrie.

L’armée d’Illyrie, — on entend par là l’ensemble des provinces danubiennes —, se partage en deux fractions, l’une, à l’est, qui est en contact permanent et en échange perpétuel de contingents avec l’armée d’Orient, l’autre, à l’ouest, qui emprunte quelques-unes de ses recrues à la Gaule, mais surtout à l’Italie qu’elle couvre du côté des Alpes juliennes. Elle n’a donc pas l’unité ethnique des deux autres armées et leur servira d’appoint à l’une ou à l’autre, suivant qu’elle recevra l’impulsion de l’un ou de l’autre des deux éléments qui la composent.

L’esprit de corps est très puissant dans chacune de ces armées ou fractions d’armée. Il ne tient pas seulement aux traditions communes, aux épreuves subies, aux victoires remportées ensemble. Il est fondé encore sur quelque chose de plus fort, sur la communauté de race. Leur patriotisme militaire ressemble beaucoup à un patriotisme provincial. Par là s’explique l’acharnement de la lutte.

N’exagérons pas. Les armées, à part quelques corps étrangers, barbares ou à peine romanisés, et à l’exception de quelques défaillances passagères amenées par les circonstances, sont fermement attachées à Rome. Ce qu’elles veulent, ce n’est pas le démembrement de l’empire, c’est un empereur de leur choix. Leur intérêt y est engagé autant que leur amour-propre. Car cet empereur sera leur œuvre, leur créature, et devant la pourpre il leur devra ses faveurs. Elles veulent cela énergiquement, plus énergiquement que les prétendants pour qui elles se battent. Ces prétendants ne sont pas des ambitieux très décidés. Ils sont menés par leurs soldats plus qu’ils ne les mènent. Et si les armées sont des individualités provinciales, ils sont eux de vrais Romains, des Italiens.

Seulement, derrière les armées commencent à s’agiter les nations. Les armées ne s’identifient pas aux nations d’où elles sont tirées : elles sont trop dévouées & la grande patrie, au drapeau. Mais il y a des peuples qui ne sont pas tout à fait résignés. Le spectacle auquel ils assistent est fait pour ranimer leurs espérances. La guerre civile se déchaînant jusque dans les rues de Rome à la lueur de l’incendie du Capitole, quatre empereurs se culbutant en dix-huit mois, autant de symptômes qui semblent annoncer la fin de l’Empire. De là une agitation qui, en certains pays, prend un caractère séparatiste plus ou moins prononcé, dans le Pont, en Afrique, mais surtout en Gaule, parce que la Gaule est récemment conquise, et en Judée parce que les passions religieuses ont amené avec Rome un divorce complet.

Tel était l’état des armées quand s’ouvrit la crise déclenchée par le règne de Néron.

 

§ 2. — Le soulèvement de la Gaule. La fin de Néron.

Julius Vindex, légat d’Aquitaine, souleva la Gaule. Pas plus que les opposants de Rome il ne parait avoir songé à rétablir la République. Sans doute il avait à la bouche le mot de liberté, mais ce mot pouvait s’entendre de la chute du tyran et de la tyrannie sans impliquer nécessairement le retour en arrière, au delà d’Auguste. Il offrit la direction du mouvement à Sulpicius Galba, légat de la Tarraconaise, la plus importante des provinces espagnoles et la plus fortement occupée. Galba avait refusé la pourpre après le meurtre de Caligula. Il n’est pas à présumer que l’ambition lui soit venue sur le tard, à soixante-treize ans. Il fallut pour triompher de ses hésitations des instances pressantes, et le bruit que Néron avait donné l’ordre de l’assassiner. Les circonstances, plus que sa volonté, firent de lui un prétendant. Pour le moment il affecta de n’être que le lieutenant du Sénat et du peuple romain. Empire ou République, c’était aux pouvoirs légaux à en décider.

Bien que Gaulois d’origine, Vindex ne prétendait pas se détacher de Rome. Du moins, dans les paroles que lui prêtent les historiens, ne troue-t-on pas une allusion à un réveil possible de la nationalité gauloise. Il parla en Romain, se bornant à dénoncer les forfaits et les ignominies de Néron. Pourtant il est difficile de croire que les aspirations à l’indépendance n’aient pas été pour beaucoup dans l’adhésion qu’il rencontra. Une insurrection avait éclaté sous Tibère, et une autre tentative plus sérieuse va se produire grâce aux troubles de l’heure présente. Il ne pouvait ignorer ces sentiments. Il dut les exploiter sans les encourager ni les partager. De même il faut chercher dans les appréhensions qu’ils suscitèrent la principale raison de l’opposition à laquelle il se heurté, dans certaines parties de la Gaule et dans l’armée du Rhin.

L’élan fut unanime dans l’ouest, le sud et le centre, sauf une exception, Lyon. Cette ville venait d’être reconstruite par Néron après avoir été détruite par un incendie. Elle lui en savait gré. Mais surtout elle était la grande colonie romaine, placée, comme une sentinelle vigilante au cœur du pays conquis, et il était naturel qu’elle se méfiât d’un mouvement dont les tendances séparatistes devaient lui être suspectes. Les peuples du nord étaient également réfractaires. Non qu’ils eussent, comme les Lyonnais, des obligations à Néron, ni qu’ils fussent, comme eux, dévoués à l’Empire. Mais ils, faisaient cause commune avec l’armée du Rhin à laquelle ils fournissaient un grand nombre de ses corps auxiliaires. Par là une solidarité étroite s’était établie entre l’élément militaire et l’élément civil. Or, cette armée était nettement hostile à Vindex. Non seulement elle voyait la patrie romaine menacée, mais elle n’entendait pas abdiquer devant l’armée d’Espagne, moins nombreuse, moins vaillante, en tout cas moins illustrée par ses services et ses succès, et elle était moins disposée encore à s’incliner devant les milices gauloises ; levées à la hâte parmi des populations déshabituées du métier des armes, et qui n’avaient ni instruction ni prestige.

L’armée de la Germanie inférieure était, par sa proximité, la mieux désignée pour intervenir. Elle était commandée par Verginius Rufus, un homme .d’une haute probité, entouré du respect de tous, et, dont Tacite devait prononcer l’éloge quand il mourut sous Nerva ; Fidèle au devoir militaire, et d’ailleurs obéissant à l’impulsion de ses soldats, il marcha contre Vindex. La rencontre eut lieu sur le territoire des Séquanes. Avant d’en venir aux mains Vindex sollicita de Verginius une entrevue. On ne sait pas ce qui se passa dans ce colloque, mais ils étaient faits pour, s’entendre. On soupçonna qu’ils s’étaient mis d’accord contre Néron. Malheureusement les passions de l’armée germanique étaient fort excitées. A la suite d’un malentendu un violent combat s’engagea. L’armée gauloise n’était pas de force : elle fut écrasée. Vindex vit sa cause perdue, le tyran raffermi. Il se tua sur les cadavres des siens. Verginius le pleura. Les soldats qui ne voulurent pas avoir vaincu pour Néron lui offrirent l’Empire et essayèrent même de lui faire violence. Il leur persuada de remettre tout entre les mains du peuple et du Sénat, soit qu’il dédaignât le souverain pouvoir, soit qu’il ne voulût pas qu’il fût conféré par les soldats. Il n’était pas l’ennemi de la monarchie, mais il voulait rester dans la légalité, dans la constitution.

Vindex avait désespéré trop tôt. Il s’était tué en mai 68. Le 9 juin de la même année Néron succomba à Rome.

Il avait conservé dans les basses classes une popularité malsaine, mais il avait amassé trop de haines. Il s’était aliéné même les prétoriens, jaloux de la préférence qu’il manifestait pour la garde privée composée de Germains. Le préfet du prétoire était alors Nymphidius Sabinus, personnage infâme, qui aspirait à jouer les Séjans. Pour le moment il se contenta de trahir son maître. Il promit aux prétoriens des sommes énormes au nom de Galba et leur persuada que Néron s’était enfui. Il n’en était rien : Néron apprit la trahison dans son palais. C’est alors qu’il alla se réfugier dans la villa de son affranchi Phaon ou un autre de ses affranchis lui porta le coup mortel qu’il n’osait se porter lui-même. Le rôle du Sénat dans cette révolution avait été nul, Il ne s’était prononcé qu’après les prétoriens, et déjà ceux-ci avaient acclamé Galba.

 

§ 3. — Galba. Le soulèvement de l’armée germanique et l’opposition à Rome.

Galba avait pris son parti. En traversant la Gaule il avait reçu une députation du Sénat lui apportant, avec les hommages de l’assemblée, les titres et pouvoirs impériaux.

Tacite a dit de lui qu’il eût paru digne de l’Empire s’il ne l’avait obtenu. Il arrivait porté par une faveur qui ne se soutint pas. On vantait sa sagesse. On rappelait son refus après Caligula, et l’on remarquait que, même à présent, il avait fallu lui forcer la main. On vantait aussi son humanité, parce qu’il s’était préoccupé du bien-être de ses administrés. Il passait, il est vrai, pour dur dans le service ; mais, après Néron, la réaction pouvait être salutaire s’il eût procédé avec tact. Malheureusement il fut prodigieusement maladroit, à la fois violent et faible il faut reconnaître d’ailleurs que la situation était difficile, et qu’il fut desservi par ses qualités non moins que par ses défauts.

Aussitôt après son avènement une double révolution éclata, à Rome et au dehors.

Au dehors, c’est-à-dire en Gaule et en Germanie. Ce pays était fort troublé. Il s’était partagé en deux camps. Galba ne fit rien pour apaiser le conflit, tout au contraire. Dans son passage à travers la Gaule il prit les mesures les plus impolitiques, prodiguant les récompenses à ses partisans, ce qui pouvait s’admettre, mais, en même temps, n’épargnant aucune rigueur à ses adversaires. Tout cela n’eut d’autre effet que de rendre le dissentiment plus âpre entre les deux portions de la Gaule.

L’armée du Rhin avait reconnu Galba parce que, après le refus de Verginius Rufus, elle n’avait pas de rival à lui opposer. Le légat de la Germanie inférieure avait essayé de prendre ce rôle, mais il était impopulaire et fut tué par ses lieutenants. Galba le remplaça par Vitellius, un homme médiocre, bien qu’il ait exercé d’importantes fonctions, connu pour ses basses adulations envers Néron, l’énormité de ses dettes, et sa goinfrerie proverbiale. Galba ne se méfiait pas de lui, et sans doute Vitellius par lui-même n’était pas redoutable. Mais il commit la faute de rappeler Verginius Rufus. Il n’oubliait pas qu’il avait combattu Vindex et il voyait toujours en lui un prétendant possible, en quoi il se trompait lourdement. Verginius avait donné assez de preuves de son désintéressement. Sa présence était une garantie contre le mauvais vouloir des soldats. L’empereur, dans son aveuglement, crut assurer sa tranquillité en mettant à sa place un vieillard, faible de corps et d’esprit, Hordeonius Flaccus. Les soldats furent violemment irrités, et leur nouveau chef n’avait pas l’autorité nécessaire pour lutter contre la révolte. Les légions de la Germanie supérieure brisèrent les images de Galba sous les yeux de Hordeonius impuissant. Puis elles prêtèrent serment au Sénat et au peuple romain, ce qui ne veut pas dire qu’elles fussent animées de sentiments ,républicains, mais simplement qu’elles n’avaient pas de prétendant qualifié, et qu’elles ne voulaient pas avoir l’air de se mettre en dehors de l’Empire. Les légions de la Germanie inférieure leur donnèrent Vitellius. Il fallut la contrainte pour le tirer de son indolence et obtenir son consentement.

Cela se passait le 2 Janvier 69. Le 15 du même mois Galba fut renversé à Rome par Othon. L’armée de Germanie s’était soulevée contre Galba, mais c’est Othon qu’elle devait rencontrer sur son chemin.

Il y avait à Rome deux puissances : le Sénat et les prétoriens. Galba n’avait sa se concilier ni l’une ni l’autre.

Il semblait pourtant qu’il dût être l’empereur selon le cœur du Sénat. Mais il était mal entouré. Il avait accordé sa confiance, avec un entêtement sénile, à une camarilla dont les agissements sans scrupules lui firent un tort immense. Faveurs publiques et privées étaient à l’encan. C’étaient les anciens abus qui reparaissaient. Les exécutions sommaires, sans autre forme de procès, avaient repris également. Elles rappelaient trop aux sénateurs ce qu’ils avaient souffert récemment.

Galba avait à cœur de restaurer les finances. Mais les basses classes peu touchées des calamités qui s’étaient abattues sur la noblesse, reconnaissantes à Néron de la fête perpétuelle dont il avait fait les frais, en voulaient à son successeur de sa stricte économie. Il avait imaginé de faire rendre gorge à ceux que Néron avait enrichis. L’idée n’était pas mauvaise, mais elle aboutit dans la pratique à des contestations, à des vexations qui furent un nouveau grief.

Il avait à cœur aussi de rétablir la discipline. Dès le premier jour il avait déployé une rigueur qui était allée jusqu’à la cruauté. Il avait vu venir au-devant de lui une légion que Néron avait formée avec les équipages de la flotte. Ces hommes lui demandèrent la confirmation de leur nouvel état, plus avantageux que l’ancien. Ils le demandèrent tumultueusement, et comme Galba les ajournait, ils menacèrent. Sur ce, il les fit sabrer par sa cavalerie. Ce fut un épouvantable carnage.

Les prétoriens n’avaient pas à venger les injures de ce corps qui ne leur était point sympathique. Mais cet incident leur donna à penser. Ils étaient déjà assez anal disposés pour un empereur dont l’élévation était l’ouvrage des légions et qui devait, se disaient-ils, leur faire la meilleure part dans ses faveurs. Et puis ils s’apercevaient qu’on les avait trompés. On leur avait fait croire que Néron s’était enfui et que Galba les paierait richement. Or Néron n’avait pas quitté son palais quand ils s’étaient prononcés contre lui, et Galba ne les payait pas. Je choisis mes soldats, avait-il dit, je ne les achète pas. Belle parole, fait observer Tacite, mais bien imprudente, et d’autant plus que le reste de sa conduite ne répondait pas à cette maxime. C’était donc par des mensonges qu’on les avait amenés à trahir un prince qu’ils aimaient pour sa générosité et, avec lui, cette illustre famille Julio-Claudienne à laquelle ils restaient attachés, malgré tout, par une longue tradition de fidélité.

Les esprits étaient mûrs pour une révolution quand on apprit la révolte des légions de Germanie et la proclamation de Vitellius. Galba était vieux et perclus. Il imagina, pour raffermir son autorité, de se donner un collaborateur qui serait en même temps son héritier. Il adopta Calpurnius Piso, un homme jeune, recommandable par ses talents, par ses vertus, par une réputation d’austérité qui lui valut aussitôt l’antipathie des prétoriens, si bien que ce choix, par lequel le vieil empereur avait cru se consolider, ne fit que précipiter sa chute.

Les prétoriens étaient excités par Salvius Otho. Une curieuse figure que ce noble de la décadence, un composé étonnant de bien et de mal, d’énergie et de mollesse, de vices et de sentiments généreux. Ancien compagnon des débauches de Néron, il s’était rallié à Galba et lui avait prêté un concours précieux. Il s’estima frustré par l’adoption de Pison et dès lors travailla pour son propre compte. Cinq jours après cette adoption Galba fut tué avec Pison. Il avait régné six mois à Rome. Le Sénat, à son ordinaire ; ratifia, ce qui n’empêcha pas les prétoriens de vouloir massacrer les sénateurs. Othon eut grand peine à les sauver.

 

§ 4. — Othon et Vitellius. La réaction des prétoriens. L’armée germanique et l’Italie.

La nouvelle révolution était le fait de tous les éléments impurs de la capitale. Avec Othon la grande, fête, allait recommencer. Et en effet son avènement fut le signal d’une réaction néronienne. Il releva les statues de Néron. La populace lui donna le nom de son idole qu’elle voyait revivre en lui. Il n’en témoigna pas de mécontentement, il signa même de ce nom ses premiers actes. Mais ce ne fut pas pour longtemps.

Ce n’était pas un Néron. Il était trop intelligent pour consentir à revêtir purement et simplement un tel personnage. Il surprit le Sénat par ses avances. Quand il prit possession du consulat il s’associa comme collègue Verginius Rufus, ce qui était tout un programme.

Il n’était pas facile de tenir la balance égale entre le Sénat et les prétoriens, de rompre avec Néron et de le continuer. Othon néanmoins réussit à se maintenir dans cet équilibre instable et dangereux. Il y fut aidé par le dévouement des prétoriens, un dévouement exalté, farouche, dont ils lui donnèrent des preuves jusqu’à la mort, et au delà, puisqu’on en vit plusieurs se tuer après lui, pour ne pas lui survivre. L’argent qu’il prodiguait ne suffit pas pour expliquer ce sentiment passionné. Il tenait à sa personnalité, à la séduction qui émanait de cet homme étrange. Toutefois ce fut une autre raison qui opéra le rapprochement des lieux partis. Ce qui rattacha le Sénat à Othon et les prétoriens au Sénat, ce fut Vitellius et son armée.

Elle s’était partagée en deux corps, sous le commandement des deux instigateurs de la révolte, Fabius Valens et Cæcina. Vitellius restait en arrière. Sa présence n’était point nécessaire. Ce n’était pas pour lui qu’on se battait. On se battait pour l’honneur du drapeau, pour la petite patrie militaire qui faisait oublier la grandie, et aussi et surtout pour le pillage. La Gaule, l’Helvétie furent horriblement foulées.

Quand les deux armées firent leur jonction sur la rive gauche du P6, elles apparurent à l’Italie comme une armée étrangère, tant le mouvement qui tendait à la transformation de l’armée romaine était déjà avancé, tant les éléments proprement nationaux étaient noyés déjà dans l’élément barbare du altérés à son contact. C’étaient des Celtes, des Teutons qui venaient se jeter sur le midi, comme aux jours de Camille et de Marius. Pour se rendre populaire Cæcina affectait les allures d’un chef gaulois, vêtu des braies et du sagum, avec les bracelets et les colliers d’or. Les soldats, avec leurs énormes javelines et leurs peaux de bêtes, offraient un spectacle formidable et imprévu.

Les prétoriens, recrutés en Italie et dans les parties les plus anciennement romanisées, et avec eux le Sénat, se serrèrent autour d’Othon. Ils étaient, en face de la barbarie, la civilisation, en face de la rébellion, la légalité. Othon avait obligé la plupart des magistrats et des consulaires à l’accompagner. Il avait imaginé ce moyen de couper court à leurs intrigues, mais surtout il montrait par leur présence que le Sénat était avec lui.

L’animosité était très vive entre les deux armées, et pourtant des scrupules, des remords leur vinrent au cours de cette lutte fratricide. Il y eut unie scène touchante où les députés de l’un et de l’autre camp se répandirent en larmes, maudissant les calamités de la guerre civile. Ce fut un éclair de patriotisme qui dura peu.

Le choc se produisit à Bédriac. Othon était vaincu d’avance. Il s’était jeté dans cette aventure en joueur, en sceptique blasé. Nerveux, pressé d’en finir, il voulut, malgré l’avis de ses généraux, livrer, dans de mauvaises conditions, une bataille à laquelle, bien que très brave, il n’assista même pas. Rien encore n’était perdu. Son armée n’était ni détruite ni découragée. Mais il était las, dégoûté. Ajoutons à sa louange qu’il en avait assez de cette effusion du sang romain. Pour fui et pour tous, il ne vit à la situation d’autre issue que le suicide. Il annonça sa résolution à ses amis avec fermeté, avec douceur, sans ostentation ni faiblesse. On peut dire que, par cette fin, il racheta, dans une certaine mesure, les tares de sa vie.

Les Othoniens n’avaient plus d’empereur, mais ils avaient Verginius Rufus. Cette fois il dut se dérober par la !fuite. Vitellius était arrivé. Il fallut se soumettre. Il dispersa dans leurs garnisons les légions ennemies, licencia les prétoriens avec de l’argent. Le corps fut reconstitué et recruté, contrairement à la règle, en dehors de l’Italie, avec les soldats du vainqueur. Ce fut un nouveau grief pour les prétoriens congédiés. On devait les retrouver parmi les plus vaillants soldats de Vespasien.

L’invasion s’abattit sur l’Italie avec toutes ses horreurs. Vitellius entra dans Rome en conquérant. La capitale offrit l’aspect d’une ville prise d’assaut. Il essaya du double jeu qui avait réussi à Othon. Il affecta quelques égards pour le Sénat et fit étalage de son culte pour la mémoire de Néron. Il l’imita, non dans ses cruautés, — il n’était pas sanguinaire, — mais dans ses goûts, ses plaisirs crapuleux, ses dépenses folles et ses rapines. Il ne fit rien, ou ne put rien faire pour réprimer l’indiscipline croissante de ses troupes. Comme il n’avait que peu d’argent à leur donner, il fallait bien tout leur permettre. Les excès, les chaleurs, trop dures pour ces hommes du nord, — on était en plein été, — eurent raison en quelques semaines de cette belle armée du Rhin. Quand elle sortit pour de nouveaux combats, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même.

 

§ 5. — L’intervention de l’armée d’Orient. Vespasien.

L’armée d’Orient jusque-là n’avait pas bougé. Elle était, par l’éloignement et par la composition, assez étrangère aux choses d’Occident. Moins aguerrie d’ailleurs que l’armée germanique, elle n’avait pas au même degré conscience de sa force. Elle avait reconnu Galba et Othon. Elle avait reconnu aussi Vitellius, mais à contrecœur. Elle était blessée par l’arrogance de cette armée rivale, jalouse des avantages qui lui étaient exclusivement réservés. Toutes les faveurs étaient pour elle. On venait de lui ouvrir le service privilégié de la garde prétorienne. Maintenant le bruit courait qu’il était question de la transporter en Syrie pour’ appeler à sa place les Orientaux sur le Rhin. Cette menace, peu fondée sans doute, fut décisive. Le contraste était trop violent entre les camps rhénans, sous l’âpre climat de la Germanie, et leurs paisibles garnisons, dans ce riche et beau pays, où il faisait bon vivre, et où ils avaient au surplus toutes leurs attaches, leurs relations de famille et d’amitié. L’hostilité contre Vitellius était également très marquée dans l’armée du Danube. On a vu que la fraction orientale était portée à faire cause commune avec l’armée d’Orient, et quant à la fraction occidentale qui, en raison de ses affinités italiennes, s’était prononcée pour Othon, elle ne pouvait qu’être fort mal disposée pour son adversaire et successeur.

Les deux personnages les plus en vue en Orient étaient Mucien, Licinius Mucianus, légat de la province de Syrie, et Vespasien, T. Flavius Vespasianus, à qui l’on avait taillé une province spéciale dans la Judée, pour faire la guerre aux Juifs, à la tête de quatre légions. Mucien, par l’éclat de sa naissance, était le plus qualifié des deux pour l’empire. Non seulement il n’en voulut pas, mais il l’offrit à Vespasien et le contraignit, en quelque sorte, à l’accepter. Vespasien de son côté hésita longtemps. Les mobiles de Mucien sont assez obscurs. Le cas n’était pas le même que pour Verginius Rufus. On peut attribuer la conduite de Rufus à trois motifs, son origine modeste, — il sortait d’une famille de chevaliers, — le respect qu’il professait pour la légalité, la peur de se compromettre. Mais Mucien avait une ascendance illustre, il ne respectait pas la légalité puisqu’il faisait un empereur sans le concours du Sénat, et il ne craignait pas de se compromettre puisqu’il se lançait dans une aventure où les risques étaient aussi grands pour lui que s’il avait travaillé pour lui-même. Peut-être trouvera-t-on la vraie raison dans le discours que, d’après Tacite, il tint à Vespasien pour vaincre ses résistances. Il n’avait pas de fils, tandis que Vespasien en avait deux, et par conséquent il ne voyait pas d’avenir pour sa dynastie. Les hésitations de Vespasien se comprennent mieux, d’autant que Tacite cette fois a pris soin de nous les expliquer. Parti d’assez bas, il avait fait une carrière brillante, plus qu’il n’eût osé l’espérer. II n’était plus jeune. Il lui répugnait, à son âge, de livrer ce résultat au hasard. Et puis il n’osait compter ni sur la vaillance de son armée qu’il savait inférieure à l’armée de Germanie, ni même sur sa fidélité. Bref le cœur lui manquait. II fallut pour le décider, outre les instances de Mucien, les manœuvres de l’aîné de ses fila, Titus.

Il s’était établi à Alexandrie, l’incertitude de la situation l’obligeant à laisser traîner les opérations contre Jérusalem. C’est là qu’il fut proclamé empereur le 1er juillet 69, deux jours avant l’entrée de Vitellius à Rome. L’exemple donné par la garnison d’Alexandrie fut suivi immédiatement par les légions de Judée et de Syrie, et le mouvement se communiqua dans toutes les directions à la population civile. Tout avait été préparé par les intrigues de Titus et de son entourage. Le père et le fils faisaient la guerre aux Juifs exaltés, mais nullement aux modérés dont ils recherchaient l’alliance et possédaient la sympathie. De ce nombre étaient Josèphe, le futur historien, le préfet d’Égypte Tiberius Alexander, et la princesse Bérénice, fille du roi Agrippa I, dont Titus s’était épris et qui travaillait pour lui. Les petits rois d’Emèze, de Sophène, de Commagène, plus ou moins convertis au judaïsme, mais également hostiles à la révolution hiérosolymite, étaient du complot. Il fut favorisé parla popularité des prédictions messianiques détournées de leur sens religieux et exploitées dans des vues politiques. On répétait que l’Empire appartiendrait à un homme venu d’Orient. Les oracles païens à Paphos, au Carmel, ne voulurent pas rester en arrière. Ils annoncèrent à la maison Flavienne les plus hautes destinées. Vespasien n’avait rien d’un mystique, mais il était superstitieux, comme tous les hommes de’ ce temps. Et puis l’ambition avait fini par s’éveiller en lui. L’occasion était trop belle, la tentation trop forte.

Un conseil de guerre se tint à Beyrouth. On décida que Vespasien resterait dans l’expectative, à Alexandrie. Par l’Égypte, dont le blé alimentait Rome, il pourrait au besoin couper les vivres à la capitale et y susciter, au moyen de la famine, un mouvement favorable à sa cause. En cas d’échec le pays, enclos par la mer et le désert ; serait une citadelle difficile à forcer, et on des ressources abondantes permettraient une longue résistance. Titus devait assiéger Jérusalem et Mucien conduire la guerre. Il n’emmenait que peu de troupes, complant sur le concours de l’armée du Danube. Elle n’attendit pas son arrivée pour s’ébranler. Le chef de l’avant-garde était le légat légionnaire Antonius Primus, un aventurier sans foi ni loi. Le désordre était tel qu’il put se débarrasser par la sédition de ses deus supérieurs, les légats de Pannonie et de Mésie, et assumer le commandement suprême. Le succès excuserait tout. En mémo temps il semait la trahison dans les rangs ennemis. La flotte de Ravenne fit défection. Il y avait à Rome un frère de Vespasien, Flavius Sabinus qui, comme lui, s’était haussé aux plus grandes situations et exerçait depuis Néron les fonctions de préfet de la ville. C’était un agent indiqué. Il réussit à détacher de Vitellius ce même Cæcina qui avait contribué à lui apporter .l’Empire, et qui maintenant était jaloux de son compagnon d’armes, Fabius Valens. Il essaya, sans y parvenir, d’entraîner l’armée, demeurée tenace dans ses haines. La bataille, une bataille furieuse qui ne dura pas moins de deux jours, s’engagea dans ces mêmes champs de Bédriac déjà ensanglantés par le choc des Othoniens et des Vitelliens. La défaite de ces derniers eut pour épilogue le sac de Crémone. Jamais, depuis les guerres civiles de la fin de la République, l’Italie n’avait rien vu de pareil.

Il ne restait à Vitellius que les cohortes prétoriennes, ces cohortes qu’il avait formée avec les troupes amenées de Germanie. Il les avait gardées auprès de lui, à Rome, et elles étaient intactes. II essaya avec ces forces de disputer le passage de l’Apennin. Mais un nouveau coup lui fut porté par la défection de la flotte de Misène. A cette nouvelle, les officiers de celles des cohortes qui s’étaient portées au-devant de l’armée des Flaviens désertèrent. Les soldats eux-mêmes finirent par capituler à Narni. Mucien, Antonins Primus promettaient à Vitellius la vie sauve, une retraite opulente en Campanie. Il n’eût pas demandé mieux. En apprenant la capitulation de Narni il était sorti de son palais, comme s’ii avait abdiqué. Mais les quatre cohortes qui formaient encore la garnison ne voulurent rien entendre. Il dut revenir. Flavius Sabinus se retrancha alors dans le Capitole avec les cohortes urbaines dont le commandement lui appartenait, et qui étaient toujours disposées à prendre parti contre les prétoriens. Le Capitole fut pris d’assaut et incendié. Sabinus fut tué. Le plus jeune fils de Vespasien, Domitien, qui était auprès de lui, échappa par la fuite. Cependant Antonius Primas approchait. Le lendemain il entra. La bataille recommença plus violente. La populace, indifférente au résultat, suivait les péripéties de la lutte, tour à tour applaudissant les vainqueurs et huant les vaincus, nomme aux tueries de l’amphithéâtre. Le spectacle était affreux et odieux. Les ripailles, la débauche s’étalaient dans les rues on le sang coulait à flots. Le dernier épisode fût l’assaut donné au camp des prétoriens. Vitellius fut massacré et son corps traîné aux gémonies, le 20 décembre. Le 22, Mucien fit son entrée. Il était le souverain intérimaire jusqu’à l’arrivée de Vespasien qui se fit attendre jusqu’en octobre 70. Il avait voulu laisser à son représentant le soin d’effacer les traces de la guerre civile. Il pouvait maintenant, libre de ce souci, se consacrer tout entier à la grande tâche qui lui incombait et qui était de reconstituer l’empire au dedans et au dehors.