HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE SEIZIÈME

 

CHAPITRE III. — VICTOIRE DES THERMIDORIENS SUR LES ROYALISTES

 

 

Décrets des 5 et 13 fructidor. — Agitation. — Les sections ; leurs meneurs ; leurs journaux. — Physionomie de Paris. — Manœuvres pour affaiblir le parti thermidorien ; leur succès. — Mesures violentes. — Aspect de l'intérieur des sections. — La nouvelle Société mère. — La démagogie dans le royalisme. — Acte de garantie. — Rumeurs sinistres. — La Convention insultée. — Troubles en province. — Sédition à Chartres. — Suicide héroïque de Le Tellier. — Attitude de la Convention. — La Constitution de l'an III proclamée. — Protestations. — Troubles au Palais-Égalité. — La Jeunesse dorée dans les spectacles. — Attitude du peuple. — Expédition du comte d'Artois. — Manifeste lancé par la section Lepelletier. — Faiblesse de la Convention. — Fête funéraire. — Réunion séditieuse de sectionnaires dispersée. — Bataillon des Patriotes de 89. — Démarche menaçante de Menou. — Paris, le 12 vendémiaire. — Troupes envoyées contre la section Lepelletier ; leur retraite. — Bonaparte ; sa situation à cette époque. — Inexactitudes du Mémorial de Sainte-Hélène. — Barras mis à la tête des forces de l'intérieur. — Bonaparte nommé commandant en second. — Soulèvement des sections. — Préparatifs de défense. — Murat dans la plaine des Sablons. — Danican, général en chef des sectionnaires. — Il conseille aux sections la défensive ; est regardé comme un traître. — Positions occupées par les sectionnaires. — Projet de proclamation proposé par Gamon. — Lanjuinais forcé de descendre de la tribune. — Le poste du pont Neuf est abandonné par le général Carteaux. — Dépêche envoyée par Danican aux Comités ; leur réponse. — Premiers coups de fusil. — La canonnade de Saint-Roch. — Scène de trahison, rue de l'Échelle. — Colonnes de sectionnaires mitraillées sur les quais. — Fin du combat. — Paris, le 14 vendémiaire.

 

Toutefois, comme les royalistes ne cherchaient dans la Constitution nouvelle qu'un moyen d'opérer la contre-révolution[1], les plus intelligents d'entre eux ne virent pas beaucoup d'inconvénient à l'adopter, à cause de ses défauts mêmes. Le partage du pouvoir législatif entre deux Chambres de Députés[2] leur plut, précisément parce que c'était là une conception absurde, et ils aimèrent à se persuader que les cinq Directeurs seraient bien vite amenés, soit par leurs dissensions intestines, soit par l'effet du mouvement des choses sur un pouvoir divisé, à abandonner la puissance suprême à un seul[3].

Que la Convention disparût, ils ne désiraient pas davantage pour le moment ; mais cela, ils le désiraient avec passion.

Les Thermidoriens s'en émurent. Ils comprirent qu'on n'attendait que la retraite de la Convention pour renverser son ouvrage, et, avertis par l'exemple de l'Assemblée Constituante, dont l'œuvre avait péri dès que la scène s'était trouvée occupée par de nouveaux acteurs, ils songèrent à garder, suivant l'expression de Thibaudeau, le gouvernail du vaisseau qu'ils venaient de lancer[4].

Qu'arriverait-il, d'ailleurs, à ceux des conventionnels dont le zèle avait été si farouche et l'autorité si pesante ? Pouvaient-ils, sans dire adieu à toute prudence, retourner, comme simples citoyens, dans des provinces où, comme proconsuls, ils avaient semé d'implacables ressentiments[5] ?

Sur ces entrefaites, Dupont (de Nemours) émit l'idée que, pour imprimer un caractère de stabilité à la Constitution, il fallait renouveler l'Assemblée tous les ans par tiers. Ce projet, publié par les journaux et affiché avec profusion, ouvrait à la majorité conventionnelle une voie où elle se précipita. Il fut décrété d'abord que les deux tiers de la Convention seraient réélus[6] ; et ensuite, qu'ils le seraient par les assemblées électorales. Baudin (des Ardennes) avait proposé de laisser ce choix à la Convention elle-même[7] ; mais l'autre système avait pour lui de paraître plus conforme au principe de la souveraineté du peuple[8] : il prévalut. La rédaction définitive du décret par lequel on tranchait cette importante question fut votée le 5 fructidor (22 août) ; et un second décret, rendu le 13 fructidor (30 août), régla la mise à exécution du premier.

A cette nouvelle, ce fut, parmi les royalistes, une effroyable explosion de colères. Ainsi, c'était la Convention qui allait gouverner encore ! Toujours la Convention ! D'ardentes protestations s'élevèrent du sein de presque toutes les sections de Paris, d'où les Jacobins avaient été chassés et où, depuis la défaite du peuple en prairial, l'influence des royalistes dominait. La presse opposante se répandit en imprécations contre les conventionnels qu'elle affecta de ne plus appeler que les exclusifs, les perpétuels[9]. A ces clameurs se joignit le cri de tous ceux qui brûlaient de devenir, à leur tour, représentants du peuple, et auxquels on barrait tout à coup le passage[10]. C'était une puissante corde à faire vibrer que le mécontentement de l'ambition déçue : les royalistes le sentirent, redoublèrent de violence, et l'agitation prit bientôt des proportions formidables.

Une députation de la section des Champs-Élysées courut dire insolemment à la Convention, par l'organe de Lacretelle jeune : Méritez le choix du peuple, et ne le commandez pas. Le bruit avait été répandu que Paris était entouré de baïonnettes, et les paroles de Lacretelle jeune se rapportaient aux sentiments tyranniques dont on supposait la Convention animée. Chénier occupait, ce jour-là, le fauteuil. Il répondit que l'Assemblée ne laisserait pas avilir la puissance qu'elle tenait du peuple entier. De son côté, Thibaudeau demanda où étaient les signes de cette oppression dont parlait l'orateur sectionnaire, et il lui opposa, en preuve de sa mauvaise foi, la licence de son propre discours[11].

Mais ce scandale n'était que le prélude de scènes plus indécentes encore et d'attaques sans frein. Pendant que Saladin, devenu fougueux réacteur de fougueux révolutionnaire qu'il avait été, dénonçait, dans un écrit imprimé, les décrets des 5 et 13 fructidor[12], des agitateurs dont la certitude de l'impunité centuplait l'audace, allaient soufflant partout l'esprit de révolte. De ce nombre étaient Richer de Sérizy, Lacretelle jeune, le général Servan, Fiévée, Quatremère de Quincy, Morellet, Tronçon Du Coudray ; La Harpe, qui avait tant admiré le discours de Robespierre sur l'immortalité de l'âme ; Lemaître, qui correspondait avec le prétendant ; l'ex-prêtre Poncelin ; l'Espagnol Marchena, provocateur d'un 31 mai en sens inverse, et Ladevèze, qui, jusqu'au 10 août, avait rédigé l'Ami du roi[13].

Chaque jour, c'était quelque nouvelle brochure, dans laquelle la Convention était traînée aux gémonies. Dans un de ces amers pamphlets, il était dit que les votants pour la mort ne mourraient pas dans leur lit, à moins qu'ils ne mourussent bientôt. Et l'auteur s'écriait, comme conclusion : Tuez-les ![14]

Aux appels meurtriers des libelles se joignaient les meurtrières malédictions des journaux sectionnaires. Le Courrier républicain, le Bulletin républicain, le Messager du soir, le Courrier universel, la Gazette universelle, la Quotidienne, le Postillon des armées, s'étudiaient à présenter les actes des Conventionnels sous un jour affreux[15] ; et le concert de leurs anathèmes était plus qu'il ne fallait pour couvrir la voix de Louvet, qui, dans la Sentinelle, défendait avec un courage désespéré la Révolution, déjà morte.

Jamais Paris n'avait vu autant d'étrangers. Les hôtels du faubourg Saint-Germain, qui, six mois auparavant, étaient déserts, avaient peine maintenant à contenir la foule des Chouans, des émigrés, des prêtres réfractaires, des femmes divorcées et des jeunes gens riches employés ans les charrois[16], qu'attirait dans la capitale la perspective d'un renouvellement complet des idées et des choses.

Habit gris à revers, collet de couleur noire ou verte, tel était le costume des royalistes : ils l'avaient emprunté des Chouans[17].

Quant aux points de réunion, c'étaient : Garchy, rue de la Loi ; le théâtre de la rue Feydeau ; le boulevard des Italiens, et, surtout, le Palais-Égalité (Palais-Royal)[18].

Dans ce dernier lieu, étincelant et infâme repaire des agioteurs, des usuriers et des filles de joie, la Jeunesse dorée était toujours en force. On n'y entendait guère retentir que les refrains du Réveil du peuple. Si des soldats, se souvenant de l'hymne de leurs victoires, y entonnaient la Marseillaise, les collets verts leur répondaient par des huées. Plusieurs rixes s'ensuivirent[19].

En général, la Jeunesse dorée dominait partout où, pour dominer, il ne fallait que de l'argent et du loisir. Dans les spectacles, par exemple, elle acquit un tel ascendant, que la musique même de la Convention fut obligée de renoncer à la Marseillaise[20].

Encore si aux périls dont elle était environnée la Convention avait opposé une force unie et compacte ! Mais non : elle avait dans ses propres rangs les plus dangereux alliés de ses ennemis. Après leur victoire sur Robespierre et Saint-Just, les Thermidoriens, comme pour mieux accentuer leur empressement à déserter la Révolution, avaient quitté la Montagne et passé au côté droit, où étaient venus les renforcer, lors de leur rentrée dans la Convention, les 75 signataires de la protestation contre le 31 mai, de sorte — écrit Thibaudeau — qu'on avait vu combattre dans les mêmes rangs Tallien et Lanjuinais, Fréron et Boissy d'Anglas, Legendre et Henri Larivière, Barras et Lesage (d'Eure-et-Loir), Rovère et Louvet[21] : la tactique des royalistes divisa ce que le 9 thermidor avait rapproché. Ils se mirent à combler d'éloges les 73, tandis qu'ils vouaient les Thermidoriens à l'exécration et au mépris. Ces habiles manœuvres réussirent. Louvet, esprit emporté mais sincère ; Daunou, âme sérieuse et ferme, aimèrent mieux se réunir aux Thermidoriens que livrer ce qui restait encore de la République ; mais leur conduite trouva peu d'imitateurs parmi leurs anciens amis, dont les uns se prêtèrent aux tentatives des sectionnaires par faiblesse, et les autres parce qu'ils étaient vendus en secret au royalisme[22].

Toutefois, les Thermidoriens exerçaient encore un grand pouvoir dans l'Assemblée. L'énergie qu'ils avaient perdue quand ils avaient la Révolution à défendre, ils la retrouvèrent pour se défendre eux-mêmes. Pressée par eux, la Convention prit coup sur coup des mesures auxquelles on n'était plus accoutumé et qui étonnèrent. Sur la proposition de Daunou, le bannissement à perpétuité des émigrés, et la garantie des acquéreurs de biens nationaux furent décrétés en principe[23]. Les prêtres furent signalés du haut de la tribune comme un fléau, et l'ordre fut donné aux frontières, par le Comité de sûreté générale, de mettre en arrestation ceux d'entre eux qui, déportés, étaient rentrés[24]. Un autre décret prononça la peine du bannissement contre tout ecclésiastique qui troublerait l'ordre public[25]. En même temps, Chénier faisait l'éloge de Talleyrand, qui avait figuré parmi les prêtres révolutionnaires, et son nom était rayé de la liste des émigrés[26]. Parmi les royalistes qui avaient livré Toulon, soutenu un siège de quatre mois contre la République, porté les armes pour le roi et pris la fuite sous la protection des Anglais, beaucoup avaient réussi, depuis quelque temps, à rentrer en France comme fugitifs du 31 mai : le 19 fructidor (5 septembre), Fréron les dénonça et fit rendre un décret contre eux[27]. Désespéré de la violence d'un torrent qu'il avait tant contribué à déchaîner, il s'écria : Il ne faut plus que la Convention se déguise sa position : nous sommes dans un défilé. Le royalisme, les prêtres s'agitent. Êtes-vous fermes ? on dit que vous voulez la Terreur. Êtes-vous indulgents ? on tourne votre indulgence au profit de la contre-révolution[28].

De leur côté, les sections de Paris se préparaient ouvertement à la lutte, ce déploiement d'une vigueur que ne soutenait plus ni l'enthousiasme ni le génie, les irritant sans les effrayer. Beaulieu a peint l'intérieur des sections en homme qui suivait leur drapeau. Il les représente composées de personnages décemment couverts, appartenant tous à des familles propriétaires ou commerçantes, et distingués par leur éducation ; il assure que les orateurs s'exprimaient bien, et qu'on délibérait aussi paisiblement qu'il est possible de le supposer dans des assemblées de cette nature. Il ajoute : Je n'ai vu de ma vie rien de plus imposant[29].

Mais ce témoignage, en ce qui touche le caractère imposant des délibérations est en désaccord complet avec le témoignage du comte Pierre François Réal, qui, ainsi que Beaulieu, fut témoin des scènes qu'il a décrites. Suivant Réal, tout n'était que violence et désordre dans l'intérieur des sections. Le royalisme s'y montrait paré des couleurs de la démagogie, dont il affectait les allures et prenait le langage ; on n'y parlait que de souveraineté du peuple ; on y combattait le pouvoir, au nom du peuple souverain ; et c'était comme représentants du peuple souverain, que les royalistes et les nobles s'arrogeaient le droit d'insolence à l'égard de l'Assemblée. Le nom de la Convention, — écrit Réal[30], — ne pouvait être prononcé dans les sections sans exciter des huées. J'ai entendu applaudir, appuyer, et renvoyer à des commissaires la proposition faite, à la Halle aux Blés, par l'escroc Rozambourg, d'exiger que le gouvernement donnât à l'instant aux sections l'état exact des troupes, des armes, des munitions, des subsistances, et la connaissance des articles secrets des différents traités !

Au reste, Beaulieu lui-même explique ce qu'il y a d'obscur dans cette phrase : aussi paisiblement qu'il est possible de le supposer dans des assemblées de cette nature, lorsqu'il dit : Les orateurs retracèrent la conduite des Conventionnels sous les plus épouvantables couleurs, et lorsqu'il ajoute : On a lieu de croire que les meneurs de la Convention avaient eux-mêmes soufflé ces dangereux discours, trop imprudemment applaudis, pour être en état de justifier les actes de violence qu'ils méditaient 2[31].

Des discours et des applaudissements d'un caractère tel qu'il a fallu les excuser par la supposition que ceux-là les inspirèrent contre qui ils étaient dirigés, ne pouvaient présenter rien ni de bien calme, ni de bien imposant. La vérité est que, s'armant des procédés révolutionnaires pour opérer la contre-révolution, les royalistes étaient revenus à l'organisation du club des Jacobins ; et le club des Jacobins, royaliste, ce fut la section Lepelletier.

Cette section avait marqué, dans les premiers orages de la Révolution, sous le nom de Filles Saint-Thomas ; c'était elle qui, le 10 août, avait fourni au château ces grenadiers qu'écrasèrent les Marseillais. Elle s'était effacée, depuis ; mais, quand le 9 thermidor eut produit ses résultats logiques, elle reparut, et visa tout d'abord à jouer à l'égard des sections de Paris le rôle que le club des Jacobins avait joué à l'égard des clubs de province : elle se fit centre ; elle fut une autre Société mère.

Un arrêté, dont l'ancien club des Jacobins n'aurait désavoué ni le principe ni la rédaction, signala l'entrée en scène de la section Lepelletier. Elle appela cet arrêté Acte de garantie. Il reposait sur la maxime : Les pouvoirs de tout corps constituant cessent devant le peuple assemblé[32].

Communiqué aussitôt aux 47 autres sections de Paris, l'Acte de garantie est accueilli avec transport par la plupart d'entre elles. Toute la journée se passa en ambassades. Le nom de souverain — raconte Réal[33]se donnait, se rendait, avec une complaisance, une naïveté, qui auraient excité le rire de l'observateur, si les suites de cette ivresse n'eussent commandé l'indignation. Dans toutes les sections, on prit des actes de garantie. C'était le délire de la souveraineté.

Ceci se passait le 20 fructidor (6 septembre). Le lendemain, l'arrêté de la section Lepelletier est lu à la Convention par Colombel, au nom du Comité de sûreté générale. Il concluait à ce que l'Assemblée se déclarât en permanence. Cette proposition fut repoussée comme annonçant la peur ; mais, en décidant qu'il y aurait séance le soir, l'Assemblée parut trahir ses alarmes[34].

En effet, la section Lepelletier, décidée à heurter de front la Convention, invita, sans plus de retard, les autres sections à former un Comité central, ce qui provoqua, de la part de l'Assemblée, un nouveau décret comminatoire : malheur aux citoyens qui se réuniraient en comité central ! ils seraient jugés coupables d'attentat contre la souveraineté du peuple[35]. Mais il suffisait que la Convention se prononçât contre un arrêté de section pour qu'il fût à l'instant adopté par la majorité des sectionnaires, se proclamant souverains. Ils cassèrent le décret qui interdisait la création d'un comité central[36].

L'anarchie était au comble, et, pour l'augmenter, on répandait toutes sortes de rumeurs sinistres et de mensonges ridicules : tantôt, on avait délivré à chaque député deux livres de poudre fine, tantôt on avait planté des potences rue de l'Arbre-Sec[37]. Arriva la nouvelle, la glorieuse nouvelle, que le Rhin venait d'être franchi par l'armée française ; mais, comme le fait amèrement remarquer le général Jourdan, c'est à peine si l'on prit garde à cet éclatant fait d'armes, accompli au milieu d'obstacles regardés comme presque insurmontables[38]. L'attention des sectionnaires était toute à la question des décrets de fructidor, à celle de la poudre fine, à celle des potences de la rue de l'Arbre-Sec !

Le 27 fructidor (13 septembre), la section du Théâtre-Français envoya dire à la Convention que l'Assemblée primaire de cette section avait rejeté les décrets relatifs à la réélection des deux tiers. L'orateur de la députation était un comédien nommé Du pont. Voici en quels termes il apostropha la représentation nationale : Convention nationale, encore quelques jours, et la vérité éclatera ! Tu la connaîtras, mais trop tard[39]. Et il demandait à lire une adresse. Thibaudeau, qui occupait le fauteuil en cette occasion, consulta l'Assemblée. Elle refusa d'entendre une lecture dont l'annonce seule était un outrage. Thibaudeau s'était contenté de répondre : La Convention ne craint pas le jour de la vérité ; elle appelle de ses calomniateurs au peuple français[40].

Le contre-coup des agitations de Paris se fit sentir dans les départements de l'Eure, d'Eure-et-Loir, de Seine-et-Oise, du Loiret, c'est-à-dire dans le voisinage des pays que ravageaient les Chouans et où l'on attendait les forces que le comte d'Artois devait amener d'Angleterre[41]. A Nonancourt, à Dreux, des patriotes furent assassinés en plein jour, et l'on traîna la statue de la liberté dans la boue[42]. A Mantes, dans un repas splendide, un plat de cocardes blanches fut servi, et, en sortant de la salle du festin, les convives répondirent au qui vive ? des sentinelles : Chouans ![43] A Châteauneuf, non contents de couper les arbres de liberté et de jeter la statue de la liberté dans le ruisseau, les royalistes s'emparèrent des caisses publiques[44]. L'Assemblée primaire du canton correspondait avec la section Lepelletier ; elle lui avait envoyé des commissaires[45].

Poncelin ayant fait un voyage à Chartres[46], de grands troubles ne tardèrent pas à y éclater, soit qu'il eût reçu secrètement mission d'en semer le germe, soit pure coïncidence. Ce qui est certain, c'est que, le premier jour complémentaire de l'an III (17 septembre), Chartres fut en proie à une horrible sédition, où l'on entendit pousser des cris de : Vive le roi ![47] Mais la faim était dans la ville, et là où une semblable cause agit, on peut se dispenser d'en chercher une autre.

Avertie du danger, la Convention avait envoyé à Chartres un de ses membres, Le Tellier, homme d'un caractère doux et d'une âme toute virile. Après d'inutiles efforts pour calmer les esprits, Le Tellier est assiégé dans la maison commune par une multitude de femmes désespérées, furieuses, qui hurlaient des paroles de mort. Elles le somment de signer un arrêté portant que le pain sera distribué à trois sous la livre. Lui, résiste, invoque la loi : la violer serait une honte. Les clameurs augmentent, le sang va couler. Le Tellier, remarquant qu'il est environné de fonctionnaires publics, accourus pour partager ses périls, signe l'arrêté fatal, rentre chez lui avec beaucoup de sérénité, écrit deux lettres touchantes où il explique qu'il a voulu sauver la vie des uns et épargner un crime aux autres, saisit un pistolet et se tue[48]. Sa lettre aux autorités constituées de Chartres se terminait ainsi : Je sors de la vie avec un héritage de probité que je transmets à mes enfants aussi pur que je l'avais reçu de mon respectable père[49]. Il avait violé la loi pour sauver ses concitoyens, et l'avait vengée en se donnant la mort. Le suicide, tant vanté, de Caton d'Utique, offre-t-il rien de plus magnanime ?

Cependant, telle est l'injustice, telle est la cruauté de l'esprit de parti, que le nom de cet homme héroïque ne fut prononcé, dans les sections, qu'avec insulte[50]. Elles ne lui pardonnaient pas d'avoir honoré les derniers moments de la République par un acte qui rappelait de quelles vertus ses inspirations avaient été la source.

Le moment était venu, pour les Thermidoriens, de comprendre que, le 9 thermidor, ils avaient creusé un gouffre qui risquait de les dévorer. Tallien adjura tous les républicains de se rallier, déclarant avec une tardive franchise, qu'il n'existait plus en France que deux partis : celui de la République et celui de la royauté[51]. Defermon lui-même, dont le zèle révolutionnaire paraissait si douteux qu'on le soupçonna d'avoir trempé dans les intrigues de Lemaître, Defermon n'hésita pas à dire : Nous sentons tous que nous n'avons à attendre d'une monarchie que proscriptions et assassinats[52].

Ainsi pressée par des influences contraires, la Convention hésitait, avançait, reculait, passait tour à tour de la faiblesse à la vigueur et d'une condescendance pusillanime à des mesures acerbes. Bion ayant demandé l'arrestation de l'auteur ou de l'imprimeur de la brochure : Tuez-les ! cette motion n'eut pas de suite[53] ; et deux jours, rien que deux jours après, l'Assemblée rendait un décret ordonnant aux pères, fils, frères, oncles, neveux ou époux des émigrés, et aux ministres du culte insermentés, de cesser toutes fonctions administratives, municipales, judiciaires, sous peine de forfaiture ou de faux[54].

La lutte en était là, lorsqu'eut lieu la proclamation du vote des assemblées primaires touchant la Constitution de l'an III. Le résultat, tel qu'il fut proclamé solennellement par le président de la Convention, était celui-ci :

CONSTITUTION DE L'AN III.

Nombre des votants

958.226

Pour

914.853

Contre

41.892

DÉCRETS DES 5 ET 15 FRUCTIDOR.

Nombre des votants

265.131

Pour

167.758

Contre

95.373[55]

 

La publication de ces chiffres jeta les royalistes dans des transports de fureur. Ils avaient beaucoup compté sur les assemblées primaires de province. Le vole de ces assemblées, en ce qui concernait les décrets des 5 et 13 fructidor, était le levier au moyen duquel le comité secret d'émigrés, établi à Bâle, avait conçu l'espoir de renverser la Conventions[56].

Le désappointement des sectionnaires parisiens fut d'autant plus vif, qu'en attaquant les décrets, ils avaient toujours prétendu parler au nom de la France, exprimer les sentiments du Peuple Souverain. Aussi prirent-ils le parti de nier hardiment leur défaite. Ils affirmèrent que les décrets avaient été rejetés ; qu'on avait présenté à la Convention de faux calculs ; et Crétot, Poncelin, les rédacteurs du Messager du soir, opposèrent à la correspondance officielle des Comités leurs correspondances particulières[57].

Beaulieu ne craint pas d'accuser le gouvernement d'alors du crime de faux, mais il ne fonde cette accusation que sur ce qu'il dit tenir de personnes parfaitement instruites de ce qui se passait dans l'intérieur des Comités, personnes qu'il ne nomme pas[58]. Les faussaires et les imposteurs, dans ce cas, auraient été : Cambacérès, La Réveillère-Lépeaux, Daunou, Berlier, Merlin (de Douai), Letourneur (de la Manche), Marec, Gamon, Larivière, Blad, Louvet, Jean Debry, Lesage (d'Eure-et-Loir), Sieyès, Rewbell, Boissy d'Anglas, tous membres du Comité de Salut public à cette époque ; et Quirot, Montmayou, Colombel, Hardy, Barras, Lemont, Rovère, Mariette, Boudin, Calès, Pémartin, Gauthier (de l'Ain), Ysabeau, Bailly, Bailleul, Delaunay, tous membres, à la même époque, du Comité de sûreté générale.

Et ce n'était pas le pouvoir exécutif seulement que les sections vilipendaient ainsi, c'était la Convention tout entière. Un jour, les meneurs de la section Lepelletier lui envoyaient dire, en lui demandant l'arrestation de Pache et de Bouchotte : Nous vous apportons le dernier cri de la justice outragée[59] ; un autre jour, l'Assemblée était insolemment rappelée à la décence, au nom de la section de la Halle aux Blés, par un homme perdu de réputation[60].

Au Palais-Égalité (Palais-Royal), on passa bientôt des paroles à l'action, de l'invective à la révolte. Le 2 vendémiaire, une patrouille des grenadiers de la Convention est assaillie ; trois coups de feu sont tirés sur la troupe ; un sergent est blessé à l'épaule : il fallut que les soldats missent la baïonnette en avant ; et les agresseurs, chassés de la rue, se réfugièrent dans les spectacles, qu'ils remplirent du bruit de leur colère[61].

Il était temps que l'Assemblée songeât à se défendre. Sur la motion de La Réveillère-Lépeaux, elle vota un décret qui rendait la Commune responsable de la sûreté de la représentation nationale et ordonnait aux généraux de se tenir prêts à marcher[62].

Cependant, le peuple se livrait à ses travaux ordinaires, sans paraître prendre part à la querelle. Les sectionnaires n'avaient garde de l'appeler dans l'arène, sachant bien que le drapeau royaliste n'était pas le sien ; et les Conventionnels, qui l'avaient désarmé en prairial, s'abstenaient de recourir à lui, par pudeur[63]. Toutefois, à mesure que la crise approchait, les vaincus de prairial sentaient s'évanouir leurs ressentiments ; ils se disaient qu'après tout la Convention représentait le principe révolutionnaire, et, noblement émus de ses périls, ils faisaient des vœux pour elle. Ce fut une section des faubourgs qui, le 5 vendémiaire (27 septembre), vint à la barre protester de son dévouement à la représentation nationale. Les Quinze-Vingts, Popincourt et Montreuil, telles furent les sections qui, avec les Thermes et les Gardes Françaises[64], restèrent fidèles à ce qui n'était déjà plus la Révolution, mais en rappelait du moins le souvenir.

Du reste, si les royalistes n'avaient pas à compter sur le peuple de Paris, ils se croyaient assurés de l'appui du dehors : espoir qui soutenait leur audace. C'était précisément à cette époque que Pichegru écrivait : J'ai des gens à moi auprès des sections[65] ; et c'était aussi à cette époque qu'une escadre anglaise, portant quelques milliers d'Anglais et d'émigrés, se dirigeait vers l'Ile-Dieu, située à trois lieues des côtes de la Vendée. Voilà ce que les agitateurs savaient bien ; mais ce dont ils ne se doutaient probablement pas, c'est que le comte d'Artois se souciait fort peu de se joindre à Charette, et avait résolu d'attendre le succès d'une insurrection à Paris, pour paraître au milieu des insurgés vendéens. Plus tard, un des agents du prétendant exhalait en ces termes le mépris que la conduite du frère du prétendant inspirait aux vrais royalistes : Cadet (le comte d'Artois) a fait parade ou a été forcé par les épiciers (les Anglais) de faire mine seulement de venir chez Charles-Quint (Charette). Il est démontré à tout Français qu'il pouvait y venir. Quelques-uns de sa compagnie se sont réunis à Charles-Quint (Charette), et un prince devait y venir sur la tête, si ses pieds s'y refusaient[66]. De fait, comment aurait-on pu prévoir que l'expédition du comte d'Artois se bornerait à une parade ?

Quoi qu'il en soit, ce fut le 10 vendémiaire (2 octobre) que le comte d'Artois vint débarquer à l'Ile-Dieu ; et, ce jour-là même, la section Lepelletier lança son appel à l'insurrection : coïncidence d'autant plus remarquable que le motif donné à cet appel violent n'avait rien de sérieux, et trahissait le parti pris de frapper un dernier coup.

Le 1er vendémiaire (23 septembre), la Convention avait fixé au 20 l'ouverture des assemblées électorales[67] : ce fut le prétexte choisi par la section Lepelletier. Dans un manifeste conçu en termes furieux, elle déclara :

Que le but de la Convention, en fixant cette date, était de reculer la convocation des corps électoraux et de prolonger de la sorte sa tyrannie ;

Qu'après avoir versé le sang à Dreux, à Nonancourt, à Verneuil, elle voulait se ménager les moyens de le verser encore ;

Que la disette et ses affreuses suites avaient leur source dans l'impéritie des gouvernants, dans leur brigandage ;

Qu'il n'y avait qu'un moyen de couper court à ces fléaux : mettre la Constitution nouvelle en mouvement, et cela sans délai ;

Que toute prétendue loi tendant à retarder les opérations devait être regardée comme nulle et non avenue ;

Que le peuple, trompé, trahi, égorgé, par ceux qu'il avait chargés de ses intérêts, n'avait plus à demander son salut qu'à lui-même.

Suivait une invitation hautaine aux électeurs des assemblées primaires de Paris, de se rendre le lendemain, bien accompagnés, dans la salle du Théâtre-Français[68].

L'arrêté est expédié sur-le-champ par la section Lepelletier aux quarante-sept autres sections. Celles des Gardes-Françaises et des Quinze-Vingts étaient fermées. Quelques-unes, celle de Bon-Conseil entre autres, passent à l'ordre du jour. Celles du Théâtre-Français, de la Butte-des-Moulins, de la Halle-aux-Blés, de Bondi, de Brutus, répondent au signal avec enthousiasme. Sur quarante-huit sections, trente-deux sont prêtes pour la guerre civile[69].

L'attitude de la Convention, en ce moment de crise, fut pitoyable. Désobéie, bravée, menacée, le moins qu'elle pût faire était de maintenir son décret du 1er vendémiaire, et d'interdire la réunion annoncée, au nom de la loi, — de la loi qu'on osait regarder comme non avenue ; — et c'est ce qu'elle fit, à la suite d'un rapport assez énergique de Daunou, le 11 vendémiaire (3 octobre). Mais, loin de montrer aux agitateurs un front sévère, elle descendit à la déclaration suivante, où l'affirmation d'une fermeté mal jouée était employée à couvrir une conclusion presque suppliante : La Convention nationale, toujours pénétrée des obligations d'un gouvernement paternel, mais en même temps invariablement décidée à faire respecter la loi et à punir ses infracteurs, déclare qu'il ne sera fait aucune recherche ni poursuite contre ceux qui, jusqu'à ce jour, se sont laissé entraîner à des mesures illégales à l'occasion des assemblées tenues en cette commune[70].

Amnistier les violateurs de la loi, comme preuve de l'inébranlable résolution où l'on était de la faire respecter, et parler des obligations d'un gouvernement paternel, en réponse à des cris de mort, c'était montrer une faiblesse qui touchait au ridicule. Pour combler la mesure, la séance où de la sorte on vota la peur, fut consacrée à la célébration d'une fête funéraire en l'honneur des amis de la liberté, morts sous le régime décemviral ; et tandis que la section Lepelletier, s'érigeant en assemblée souveraine, notifiait ses ordres dans Paris, les conventionnels en costume, un crêpe au bras, et les yeux fixés sur une urne funéraire[71], passaient leur temps à écouter des chants d'église ! D'où cette remarque d'un auteur du temps : J'ai cru un instant qu'en célébrant cette fête, la Convention assistait à ses propres funérailles[72].

Heureusement, l'énergie de l'action, chez les sectionnaires, fut loin de répondre à la hardiesse du langage. Les électeurs qui, à la voix de la section Lepelletier, et au mépris des décrets de l'Assemblée, se réunirent dans la salle du Théâtre-Français (Odéon), se trouvèrent ne pas dépasser le nombre de cent[73]. Le vieux duc de Nivernais, lorsqu'ils étaient allés lui demander de venir les présider, leur avait d'abord répondu : Vous me menez à la mort[74] ; puis, s'animant aux discours de ceux qui l'entouraient, il avait dit qu'à la vue du péril il sentait fondre les glaces de l'âge[75] : il dut éprouver quelque surprise, sinon quelque frayeur, en s'apercevant que les sections n'avaient pas fourni à cette tentative de révolte plus de trois ou quatre cents hommes, et que la garde des électeurs fidèles au rendez-vous consistait en quelques jeunes gens errant çà et là avec de grands sabres[76].

Tels étaient néanmoins les ménagements que les Comités crurent devoir garder, que, pour donner à la réunion séditieuse le temps de se disperser d'elle-même, on apporta dans les opérations une lenteur calculée[77]. La publication du décret rendu le matin aurait dû être faite avant deux heures[78] : elle ne se lit que le soir très-tard, aux flambeaux. Ainsi qu'on pouvait s'y attendre, les conjurés n'en tinrent aucun compte. Ils sortent de la salle en tumulte, repoussent les magistrats, les poursuivent de huées, éteignent les flambeaux[79]. On envoya des troupes alors ; mais, quand elles arrivèrent, la salle était vide[80].

Pendant ce temps, un grand nombre de républicains, de ceux-là même qu'en prairial la Convention avait désarmés, couraient lui demander des armes pour la défendre. L'enthousiasme des anciens jours s'était rallumé en eux. Mais la Convention en était venue à craindre le dévouement de ses défenseurs autant que la colère de ses ennemis. Elle ne distribua des fusils qu'aux citoyens munis d'une carte de sûreté[81].

En dépit de ces précautions soupçonneuses, la scène de la distribution des fusils sur la terrasse des Feuillants fut très-émouvante. Réal, qui était présent, vit un vieillard fondre en larmes, au moment où il recevait un fusil, et 'entendit s'écrier : Je suis donc encore libre ![82] De ces citoyens, dits les patriotes de 89, on forma trois bataillons, dont le commandement fut confié au général Berruyer. On comptait beaucoup sur leur valeur, en cas de besoin, et cette attente ne fut pas trompée[83].

Les sections menaient à cette époque la vie des camps ; la nuit, leurs factionnaires correspondaient l'un avec l'autre et poussaient les mêmes cris que dans une place de guerre[84] : il était donc naturel que l'Assemblée se mît sur la défensive. Cependant l'armement des patriotes de 89 fut dénoncé par les sectionnaires comme annonçant des projets atroces. Plus de doute ! les égorgements de septembre, les mitraillades de Lyon, les noyades de Nantes, allaient recommencer[85] !

Sinistre fut l'aspect de Paris le 12 vendémiaire (4 octobre). Des émissaires couraient çà et là d'un air éperdu, affirmant que l'heure du pillage allait sonner. Des placards, partout affichés, disaient que la Convention s'était jetée dans les bras des buveurs de sang. De nombreuses patrouilles parcouraient la ville. Les boutiques s'étaient fermées, en signe d'effroi. A l'approche de la nuit, les rues retentirent des appels du tambour. Dans plusieurs sections, l'on délibérait en armes ; celle de Brutus fit battre la générale. La pluie tombait par torrents[86].

Quoique personne ou presque personne n'accompagnât les tambours, pas un seul d'entre eux ne fut arrêté, tant la torpeur de certains généraux était grande[87] ! Le général Desperières, chargé du commandement d'une colonne, écrivit que la fièvre venait de le prendre et de le mettre au lit[88]. Menou, qui était à la tête de la force armée, ne se mit pas au lit, mais il alla trouver la Commission créée pour veiller à la sûreté publique, et d'un ton arrogant : Je suis informé qu'on arme tous les bandits. Je vous déclare que je n'en veux, ni sous mes ordres ni dans mon armée, ni marcher en compagnie d'un tas de scélérats et de brigands organisés en bataillons de patriotes de 89. La Commission, qui se composait de cinq membres : Barras, Colombel, Daunou, Letourneur et Merlin (de Douai), répondit : Ces sincères amis ne seront pas sous ses ordres ; ils marcheront sous ceux d'un général républicain et resteront près de la Convention pour la défendre. Menou sortit la figure altérée[89].

La section Lepelletier ayant déclaré et fait déclarer par les autres sections que le décret du 11 était tyrannique[90], ordre est donné de l'investir dans le lieu ordinaire de ses séances. Il fallut que Menou se mît en marche à la tête de trois colonnes. Vers dix heures, celle du centre arrivait par la rue Vivienne, et celle de droite par la rue Notre-Dame-des-Victoires, celle de gauche occupant déjà le côté gauche de la rue des Filles-Saint-Thomas. Bientôt la section fut cernée de toutes parts. Convertie en force armée, elle semblait résolue à défendre le lieu de ses séances et se tenait rangée en bataille devant la porte, au nombre d'environ huit cents hommes[91]. Un jeune homme, nommé Delalo, s'avance vers le représentant du peuple qui accompagnait Menou, et lui dit : Que nous demandez-vous ? Nos armes, que nous n'avons jamais employées que pour votre défense. Quels sont vos défenseurs ? Ceux qui vous ont égorgés, que nous avons vaincus à vos côtés, que nous avions désarmés par vos ordres. Quels canons nous opposez-vous ? Les nôtres, que nous vous avons rendus volontairement. Que nous reprochez-vous ? L'exercice légitime de nos droits. Nous avons, au prix de notre sang, maintenu la liberté de vos délibérations, et, au mépris de toutes les lois, vous violez les nôtres[92].

Ce discours enflammant les sectionnaires, au lieu de rendre leurs armes, ils présentent la baïonnette[93]. Les instructions données au représentant Laporte étaient précises : la section devait être désarmée. En conséquence, il ordonne aux troupes de charger ; et déjà elles s'ébranlaient, lorsque Menou s'écrie : Je passerai mon épée au travers du corps du premier qui osera insulter ces Messieurs[94]. Il harangue alors le bataillon Lepelletier, l'invite à se retirer, et lui promet que, le lendemain, les délibérations ne seraient pas troublées[95]. Laporte, pour éviter l'effusion du sang, autorise le général à faire retirer les troupes républicaines, après la retraite des sectionnaires. Les choses sont convenues ainsi ; mais, tandis qu'une partie des forces de la section fait mine de défiler, l'autre partie reste à son poste[96], attend que les troupes aient disparu, et, demeurée de la sorte maîtresse du champ de bataille, se proclame victorieuse[97].

A la nouvelle d'un résultat si peu attendu, l'indignation dans l'Assemblée nationale fut extrême. Chénier insiste sur l'arrestation des principaux factieux et le désarmement des autres[98]. L'arrestation de Menou ! c'est un traître ! s'écrient plusieurs voix[99]. Menou n'inspirait aucune confiance aux patriotes[100], et plaisait, au contraire, aux royalistes, qui se louaient fort de sa tiédeur républicaine[101]. Dans les cours des Tuileries, on l'avait vu défendre aux musiciens sous ses ordres de continuer la Marseillaise, par égard pour les huées de la jeunesse royaliste[102]. Il fut destitué. Mais par qui le remplacer ? Bentabolle, au milieu des applaudissements, prononça le nom de Barras. Il était alors minuit un quart environ[103].

Arrêtons-nous ici un instant pour noter les commencements d'une carrière qui fut et restera sans doute le plus grand prodige de l'Histoire.

Il y avait alors à Paris un homme qu'on rencontrait frappant à toutes les portes, et qui, très-peu taciturne de sa nature, ou plutôt très-indiscret, aimait à raconter à tout le monde les injustices dont il prétendait être victime[104]. Ses vêtements négligés annonçaient le découragement ou la misère, et il logeait dans une maison de chétive apparence, rue des Fossés-Montmartre, hôtel de la Liberté[105]. Sa taille était voûtée, son teint livide, mais la vie, dans tout ce qui constitue sa puissance, éclatait en son regard. Général d'artillerie, il s'était vu rejeter dans les cadres de l'infanterie par le représentant du peuple Aubry, qui lui reprochait sa jeunesse, et auquel il avait fait cette réponse, devenue fameuse : Citoyen représentant, on vieillit vite sur le champ de bataille, et j'en arrive[106].

Aubry était alors à la tête de la section de la guerre ; et Bonaparte, ou, comme on l'appelait à cette époque, Buonaparte[107], revenait de l'armée d'Italie. Sa carrière menaçait d'être brisée, lorsque Doulcet de Pontécoulant fut appelé à remplacer Aubry. Doulcet cherchait quelqu'un qui lui pût donner des renseignements sur l'armée d'Italie : Boissy d'Anglas lui indiqua Bonaparte. Le jeune général est aussitôt mandé ; on l'interroge. Lui, prend une plume, et, en quelques lignes, trace le plan de cette célèbre campagne d'Italie qu'il exécuta plus tard[108]. Doulcet devina sur-le-champ l'homme de génie. Bonaparte fut placé à la tête du Bureau topographique qu'avait créé Carnot, et chargé de tous les détails concernant les armées d'Italie et des Alpes !

Mais les fonctions de Doulcet au Comité de salut public ayant cessé le 15 fructidor (1er septembre), Letourneur, de la Manche, écarta Bonaparte du Bureau topographique, et lui expédia l'ordre de se rendre en Vendée comme général de brigade dans l'arme de l'artillerie. Or, le 29 fructidor (15 septembre), le Comité de Salut public prenait l'arrêté suivant :

Le Comité de Salut public arrête que le général de brigade Bonaparte, ci-devant en réquisition près le Comité de salut public, est rayé de la liste des officiers généraux employés, attendu son refus de se rendre au poste qui lui a été désigné.

Signé à la minute,

LETOURNEUR, SIEYÈS, CAMBACÉRÈS, etc.[109].

 

Ainsi frappé pour violation du premier devoir d'un soldat, l'obéissance aux ordres des chefs, Bonaparte, sans emploi, sans solde, sans rations, presque sans moyens d'existence[110], semblait un homme perdu, lorsque la lutte engagée entre la Convention et les sectionnaires vint tout à coup lui ouvrir un chemin vers la fortune.

Étrange influence des petites choses sur les grandes ! Bonaparte avait eu l'idée d'aller à Constantinople prendre du service dans l'armée du sultan ; il en avait sollicité l'autorisation ; il l'avait obtenue : la difficulté de réaliser certaines conditions financières liées à l'exécution de ce projet, changea peut-être, en le faisant échouer, les destinées du monde[111]... Mais non : la singularité tragique de tous les rapprochements de ce genre est illusion pure. Les accidents n'occupent pas en réalité dans l'Histoire la place qu'ils semblent y occuper. Les personnages historiques, auxquels les courtisans du succès et du bruit font un piédestal si haut, ne sont, au fond, que les serviteurs sans le savoir d'une force mystérieuse qui se joue de leur orgueil, au moment même où elle les emploie. L'importance qu'on leur donne et qu'ils se donnent leur vient du milieu qui les enveloppe. L'impulsion qu'ils s'imaginent créer, c'est eux qui la reçoivent. Ils ne font que représenter ce qu'on leur suppose le pouvoir de produire. Ne confondons pas l'image aperçue dans le miroir avec l'objet que le miroir reflète. Les destinées du monde ne dépendent pas d'un seul, elles dépendent de tous. S'il y avait des hommes si grands, l'homme serait trop petit !

Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, Napoléon a raconté que, le soir du jour où la section Lepelletier fut investie, il était dans une loge à Feydeau ; qu'averti de ce qui se passait, il courut aux tribunes de l'Assemblée ; qu'il y entendit attribuer à la trahison de Menou le résultat de mesures mal prises ; que di vers représentants parurent successivement à la tribune, pour y peindre l'étendue et l'imminence du péril ; que chacun des membres proposa le général qui avait sa confiance ; que ceux qui avaient été à Toulon, à l'armée d'Italie, et les membres du Comité de salut public en relations journalières avec lui, Bonaparte, le proposèrent comme l'homme le plus capable de les sauver par la promptitude de son coup d'œil et l'énergie de son caractère ; qu'en conséquence on l'envoya chercher dans la ville, tandis que lui, qui avait tout entendu, délibérait en lui-même sur le parti qu'il devait prendre[112].

Ce récit est en désaccord complet, et avec les témoignages contemporains, et avec le procès-verbal de la séance. Le seul nom prononcé dans cette nuit célèbre fut celui de Barras, il le fut par Bentabolle[113], et aussitôt les applaudissements retentirent[114]. Rien de plus naturel : Barras, le 9 thermidor, avait tenu l'épée de la majorité conventionnelle, et lui, Letourneur, Delmas, étaient les hommes vers qui la Convention avait coutume de tourner les yeux dans les moments critiques[115]. Aussi Danican dit-il que la nomination de Barras avait été préparée d'avance[116]. Comment, d'ailleurs, l'Assemblée aurait-elle songé à Bonaparte, qui, destitué comme terroriste par Aubry, écrit Thibaudeau[117], végétait à Paris pauvre et inconnu ?

Cependant voici comment les choses sont présentées dans le Mémorial de Sainte-Hélène :

Napoléon se rendit au Comité, auquel il peignit vivement l'impossibilité de pouvoir diriger une opération aussi importante avec trois représentants qui, dans le fait, exerçaient tous les pouvoirs et gênaient toutes les opérations du général. Il ajouta qu'il avait été témoin de l'événement de la rue Vivienne ; que les commissaires avaient été les plus coupables et s'étaient pourtant trouvés, au sein de l'Assemblée, des accusateurs triomphants. Frappé de ces raisons, mais dans l'impossibilité de destituer les commissaires sans une longue discussion dans l'Assemblée, le Comité, pour tout concilier, détermina de prendre le général dans l'Assemblée même. Dans cette vue, il proposa Barras à la Convention comme général en chef, et donna le commandement à Napoléon, qui par là se trouvait débarrassé des trois commissaires, sans qu'ils eussent à se plaindre[118].

 

Tout concourt à démentir ce récit. L'événement de la rue Vivienne ayant eu lieu entre dix heures du soir[119] et minuit, et Napoléon, qui était dans une loge à Feydeau ce soir-là, n'ayant quitté le théâtre que pour courir à l'Assemblée, il est difficile de comprendre comment il aurait pu être témoin de l'événement de la rue Vivienne. Il ne l'est pas moins de concevoir qu'après avoir rayé Bonaparte de la liste des officiers, pour mépris de la discipline et désobéissance, le Comité de salut public eût jugé ses services nécessaires au point de subir ses conditions, et presque ses ordres. D'après le Mémorial de Sainte-Hélène, le Comité n'aurait proposé Barras à la Convention comme commandant en chef que pour tout concilier. Or, on lit dans le rapport de Barras sur les journées de vendémiaire, que ce fut, au contraire, sur sa proposition, que Bonaparte fut nommé commandant en second[120] ; et, dans le rapport de Merlin (de Douai) sur les mêmes journées, on lit[121] : Dans cette crise violente et terrible, les regards de vos Comités se sont tournés vers le général du 9 thermidor. Barras leur a paru par son activité, par ses talents, par son âme aussi brûlante que pure, par son dévouement profond et absolu à la liberté, l'homme le plus propre à tirer la république du précipice où elle était sur le point de tomber.

Le décret qui plaçait Barras à la tête des forces conventionnelles fut rendu à quatre heures et demie du matin[122] ; autre circonstance qui montre combien peu l'Histoire doit tenir compte des souvenirs de Napoléon, quand on rapproche cette circonstance du passage suivant du Mémorial : Aussitôt que Napoléon se trouva chargé du commandement des forces qui devaient protéger l'Assemblée, il se transporta dans un des cabinets des Tuileries où était Menou, afin d'obtenir de lui les renseignements nécessaires sur les forces et la position des troupes et celle de l'artillerie. Il était une heure après minuit[123].

Quant aux motifs qui l'auraient, après une longue hésitation, décidé à défendre l'Assemblée, savoir : la crainte que la défaite de la Convention ne ceignît le front de l'étranger, crainte qui l'aurait emporté à la fin dans son esprit sur celle de se faire le bouc émissaire de tant de crimes auxquels on fut étranger[124], le comte de Pontécoulant fait remarquer avec raison, dans ses Souvenirs posthumes, que, l'assertion de Napoléon sur ce point est démentie par l'autorité du plus simple raisonnement et le témoignage des contemporains[125].

Quoi qu'il en soit, la situation s'offrait sous un aspect des plus menaçants. Les royalistes s'étaient hâtés de répandre le bruit que la section Lepelletier, cernée par trente mille conventionnels, les avait forcés à une retraite déshonorante ; ils ne parlaient que de l'énergie indomptable du président de cette section libératrice ; ils ne nommaient la Convention qu'avec l'accent du mépris et du dégoût. Une commission, dite des onze, s'était organisée sous la présidence de Richer de Sérizy, et une commission militaire sous la présidence d'un ancien garde du corps, Lafond. L'Assemblée nationale, sauf quelques membres, mise hors la loi ; des représentants arrêtés ou gardés en otage ; un hussard d'ordonnance tué d'un coup de fusil dans la rue Saint-Honoré ; un envoi d'armes à la section fidèle des Quinze-Vingts intercepté ; la fermeture des barrières ; l'occupation de la trésorerie nationale ; l'enlèvement des subsistances destinées aux troupes ; la création d'un tribunal révolutionnaire… tels furent, de la part des sections en révolte, les actes qui marquèrent la nuit du 12 au 13 vendémiaire. A trois heures du matin, dans une nuit sombre, au milieu d'une pluie affreuse, on entendait partout le son des tambours détendus arrachant les citoyens au sommeil, et la voix stridente des émissaires de la rébellion, criant sous les fenêtres : Armez-vous, armez-vous contre les terroristes ![126]

La garde nationale, organisée après le 9 thermidor, en dehors des Jacobins et contre eux[127], constituait une force contre-révolutionnaire ; ceux-là seuls étaient appelés au service qui étaient en état de s'habiller et de s'équiper : leur nombre s'élevait à environ vingt mille. Le reste formait ce que l'on appelait les basses compagnies et n'était guère organisé que sur le papier[128]. Vingt mille hommes, bien enrégimentés et bien armés ! c'était plus qu'il ne fallait pour renverser la Convention, si le peuple demeurait neutre ; car, la Convention n'était défendue que par cinq mille hommes environ, y compris les quinze cents patriotes de 89[129]. Il est vrai qu'elle avait des canons ; mais l'artillerie dont elle pouvait disposer était encore au camp de la plaine des Sablons, gardée par une poignée d'hommes[130]. Les magasins ne contenaient pas plus de quatre-vingt mille cartouches. Point de vivres. Point d'eau-de-vie[131]. La communication avec l'état-major établi aux Tuileries était interrompue[132].

C'en était fait de la Convention, si l'activité de Barras et de Bonaparte eût été au-dessous de ce qu'exigeait la gravité des circonstances. Il n'en fut pas ainsi. Un chef d'escadron du 21e de chasseurs, — c'était Murat, — fut envoyé en toute hâte aux Sablons, avec trois cents chevaux, pour en ramener l'artillerie. Au moment même où il y arriva, une colonne de la section Lepelletier s'y trouvait déjà, prête à saisir le parc. Mais la troupe de Murat était à cheval, et l'on était en plaine : la section se retira. A six heures du matin, quarante pièces de canon entraient aux Tuileries. Elles furent placées à toutes les issues. En prévision du cas où quelqu'un des débouchés serait forcé, on établit des feux masqués. Deux pièces de huit et deux obusiers furent laissés dans la place du Carrousel, tant pour suivre les colonnes que pour foudroyer les maisons d'où l'on voudrait tirer sur la place. On disposa des batteries au pied des murs du Jardin de l'Infante, au guichet-neuf, sur le pont National (Royal). Du côté de la rue Saint-Honoré, Bonaparte fit placer deux pièces près de l'hôtel de Longueville, deux pièces sur la place du Petit-Carrousel. Deux autres battaient la rue de l'Échelle, et deux défendaient la rue du Dauphin. Enfin, un obusier fut pointé dans le haut de la rue de Chartres, pour battre, s'il le fallait, la place et le Palais-Royal, Ces dispositions faites, les canonniers attendirent, mèche allumée[133].

La Convention, si elle succombait, devait se retirer sur Saint-Cloud : Barras lui avait ménagé cette retraite, en faisant occuper toutes les hauteurs[134].

Ordre exprès fut donné par les Comités aux troupes conventionnelles de ne point attaquer, et même d'éluder autant que possible les provocations[135]. Mais ce combat que les Thermidoriens voulaient éviter, les royalistes le cherchaient. L'attaque allait venir des sections[136].

Le chef qu'elles se donnèrent, dans la nuit du 12 au 13 vendémiaire, était Danican, ce général de qui Hoche disait, le 25 pluviôse an III, dans une lettre au général Kricq : Danican est le plus mauvais sujet que nous connaissions. Méprisez-le, en attendant son successeur[137]. Il avait protesté contre les décrets ; il se vantait d'avoir donné sa démission, à la tête de sa brigade[138] : ce furent là probablement ses titres à la confiance des sectionnaires ; car il n'avait ni l'audace, ni les talents de son rôle. Toutefois, comme il avait fait la guerre, il ne lui échappa point que les préparatifs de la Convention étaient bien conçus et formidables. Il représenta donc aux membres assemblés des sections qu'attaquer l'Assemblée dans l'enceinte où elle était retranchée n'offrait aucune chance de succès ; qu'au lieu de prendre l'offensive, les sectionnaires devaient songer à organiser vigoureusement leurs moyens de défense, et forcer les conventionnels, s'ils prenaient l'initiative de l'attaque, à perdre l'avantage de leur position par la dissémination de leurs forces[139]. Mais ces conseils furent fort mal accueillis ; il entendit murmurer autour de lui les mots de traître, d'homme envoyé par la Convention ; et c'est lui-même qui nous apprend que, le 13, au moment où le canon du cul-de-sac tonnait, la section Lepelletier donnait l'ordre de lui casser la tête[140]. Il dut donc tout préparer pour un combat, et, s'il est vrai qu'en assignant leurs postes aux divers bataillons, il les fit jurer de ne point attaquer, on se demande dans quel but les sectionnaires furent rangés en bataille. Or, il est bien certain que, dès la nuit du 12 au 13 vendémiaire, ils occupaient en force, et Saint-Roch, et le Théâtre-Français, et l'hôtel de Noailles ; que leurs colonnes se formaient à tous les débouchés par où la Convention pouvait être assaillie ; qu'ils cernaient les jardins, qu'ils cernaient le palais, et que leurs tambours portaient l'audace jusqu'à venir battre la générale sur la place du Carrousel et sur la place Louis XV[141].

Pendant ce temps, les alliés secrets que le royalisme en armes comptait au sein de l'Assemblée mettaient tout en œuvre pour donner à la Convention l'attitude d'un accusé qui demande grâce. Dans un projet de proclamation, que Gamon ne rougit pas de venir présenter, on supposait que de mauvais citoyens avaient pu en effet se glisser parmi les patriotes de 89 ; on promettait de les chasser des rangs, d'accueillir les réclamations des bons citoyens : Retournez dans vos foyers, disait la proclamation, et les armes qu'on a délivrées rentreront dans les arsenaux. Des murmures éclatent. Baraillon ne voit dans ce projet de manifeste qu'une lâche capitulation et le flétrit. Roux (de la Marne) s'écrie : Les hommes qui sont armés dans la rue sont-ils les bons citoyens dont on nous parle ! Et ceux qui sont venus nous défendre, veut-on leur faire un crime de leur dévouement ? A son tour, Chénier rappelle la Convention au sentiment de sa dignité. Lanjuinais, au contraire, appuie la proposition comme moyen d'éviter la guerre civile. Vingt membres lui répondent à la fois : C'est toi qui fais la guerre civile, et Garan ajoute : Ne vois-tu pas, Lanjuinais, que c'est un 31 mai en sens inverse qu'on prépare ? Lanjuinais monte à la tribune ; des cris de : A bas ! partis de tous les points de la salle, le forcent à en descendre, et la Convention passe à l'ordre du jour[142].

A midi, Fréron, de retour du faubourg Saint-Antoine ; vint annoncer que les sections des Quinze-Vingts, de Montreuil et de Popincourt, étaient rangées sous les murs de la Convention[143].

Cette nouvelle, donnée en termes qui semblaient faire de la Convention une forteresse, était une exagération ridicule. Ce que Fréron aurait dû dire, pour rester dans le vrai, c'est que le représentant du peuple Garot, envoyé au faubourg Saint-Antoine, en avait ramené, entre deux piquets de dragons et tambour battant, deux cents hommes des Quinze-Vingts, dont cinquante seulement étaient armés[144].

Le peuple désirait bien que les Thermidoriens l'emportassent sur les royalistes, mais il n'avait pas perdu la mémoire au point d'offrir son sang à ceux qui, en prairial, l'avaient foulé aux pieds ; et en se bornant à faire des vœux pour leur victoire, il se montrait certes assez généreux !

Tandis que l'Assemblée perdait son temps en vains débats, le général Carteaux, qui occupait le Pont-Neuf jusqu'au jardin de l'Infante avec trois cent cinquante hommes et deux pièces de quatre, se trouva menacé par trois colonnes de sectionnaires, dont l'une s'avançait du côté de la rue de Lille, la seconde par la rue de la Monnaie, et la troisième par le quai de la Ferraille. Avant d'en venir aux mains, les deux partis entrent en pourparlers. Carteaux, ne se sentant pas assez fort pour garder sa position, prend le parti de battre en retraite. Il laissait derrière lui les canons. Lafond, le bras droit de la section Lepelletier, veut s'en emparer ; mais Danican survient, s'écrie qu'on ne saurait enlever à des soldats leurs canons, sans humilier l'armée, sans rendre tout rapprochement impossibles[145] ; et les redoutables instruments de mort sont emmenés par Carteaux, qui se retire en bon ordre vers le jardin de l'Infante[146].

A trois heures, Danican écrivit aux Comités que les sectionnaires avaient pris les armes seulement dans la crainte d'être massacrés par les Terroristes, dont la Convention s'était entourée, et qu'il proposait de faire tout rentrer dans l'ordre, si on lui envoyait une réponse de nature à rassurer les habitants de Paris[147]. La dépêche fut portée par un parlementaire, qui traversa les postes, les yeux bandés, selon toutes les formes de la guerre[148].

Introduit de la sorte devant les membres du gouvernement, ce parlementaire, s'il faut en croire Napoléon, les émut beaucoup par ses menaces[149]. Ce qui est certain et fut avoué par Merlin (de Douai) lui-même dans son rapport officiel, c'est que, la dépêche de Danican donna lieu à une ample discussion[150]. Boissy d'Anglas était d'avis qu'il fallait accorder une entrevue au général des sections ; et elle aurait eu lieu si Colombel (de la Meurthe) ne s'était écrié : Les ennemis n'auraient pas tant d'audace s'ils n'étaient sûrs d'être soutenus par quelques membres de la Convention[151]. Bailleul alla jusqu'à proposer un arrêté tendant à désarmer sur-le-champ tous les patriotes accourus autour de la Convention pour la défendre, et dont la conduite, durant la Révolution, aurait été répréhensible ![152] C'était unir l'ingratitude à la peur ; c'était se déshonorer deux fois : les Comités se bornèrent à répondre qu'ils enverraient vingt-quatre représentants chargés d'éclairer les citoyens[153].

Il était quatre heures quand le parlementaire fut renvoyé avec cette réponse. En ce moment, répandus confusément dans la salle des délibérations, les membres de la Convention s'entretenaient des dangers de la chose publique et de leurs propres périls, lorsque soudain le cri : Aux armes ! retentit autour du palais. En séance ! crie le président. Au dehors, les militaires et les citoyens armés se rangent en bataille. Quelques minutes s'écoulent dans l'attente, au milieu d'un silence tragique. Bientôt, des décharges de mousqueterie se font entendre aux environs de la salle du Manège. Puis c'est le bruit du canon. Recevons la mort, dit Legendre, comme il convient aux fondateurs de la République. Profond silence. Le feu continue au dehors. Quelques députés sortent, le sabre à la main. Coups de canon. Toujours même silence de la part de l'Assemblée. Une voix, au fond de la salle : Les officiers de santé, membres de la Convention, sont appelés à panser les blessés. On venait de porter dans une salle voisine, le salon de la Liberté, plusieurs défenseurs de la Convention couverts de sang[154].

Sur la question de savoir lequel des deux partis commença le feu, les récits diffèrent. Les uns assurent que l'initiative du combat fut prise par les sectionnaires[155], les autres assurent qu'elle le fut par les conventionnels[156]. Il y en a qui accusent Bonaparte d'avoir précipité le dénouement, ennuyé qu'il était d'une longue expectative[157]. On a prétendu aussi que Louvet, Chénier, Dubois-Crancé, qui, contre l'avis de Lanjuinais, Boissy d'Anglas, Rovère, ne voulaient entendre à aucune proposition, firent donner le signal par une fusée lancée d'un des pavillons des Tuileries ; mais l'écrivain royaliste Beaulieu dit, à ce sujet[158] : J'ai vu beaucoup de choses dans cette journée ; mais je n'ai point vu cette fusée. Toujours est-il que l'action s'engagea par des coups de fusil qui partirent de chez le restaurateur Venua[159]. Et, si l'on se rappelle que l'ordre exprès des Comités était de ne pas attaquer ; si l'on se rappelle, d'autre part, que Danican fut regardé comme un traître par beaucoup de sectionnaires pour leur avoir conseillé la défensive ; enfin, si l'on réfléchit que les sectionnaires ne pouvaient être venus assiéger la Convention que dans l'intention formelle d'en finir avec elle, on aura quelque peine à croire que les premiers coups de fusil soient venus du côté des conventionnels.

Quoi qu'il en soit, au moment où, aux environs de la cour du Manège, le feu commençait, une colonne de sectionnaires, que conduisait Lafond, débouchait par le quai Voltaire, et marchait sur le Pont-National (Pont-Royal). Alors, écrit Bonaparte, on donna l'ordre de tirer[160].

A peu près à la même heure, on apportait dans l'Assemblée, pour armer les représentants du peuple, sept cents fusils, des gibernes et des cartouches[161].

Rien de plus propre à attester la grandeur du péril. Et, en effet, l'engagement ne tarda pas à devenir furieux. Une grêle de balles pleuvait des alentours de l'église Saint-Roch, qu'occupaient les sectionnaires, et de toutes les fenêtres de la rue du Dauphin : la pièce de quatre qui battait la rue avait fait une première décharge, la foule répandue sur les degrés de Saint-Roch fut culbutée. Les assaillants se sauvent dans l'église. Un feu de file s'engage et se soutient des deux côtés. Mais, en ce genre de combat, les sectionnaires avaient l'avantage. Car ceux qui étaient retranchés dans les maisons pourraient ajuster sans se montrer ; et quant à ceux qui étaient retranchés dans l'église, dont le canon du cul-de-sac Dauphin ne frappait que l'encoignure, ils n'avaient qu'à attendre que le coup fût parti. Alors ils descendaient sur les marches, foudroyant les canonniers. Beaucoup de conventionnels furent tués de cette manière. Impatients, quelques Marseillais s'écrient : Marchons sur Saint-Roch ! et ils s'élancent intrépidement dans la rue Saint-Honoré, ayant à leur tête le représentant Cavaignac, le général Vachot, Rouget de Lisle. Ils n'étaient qu'une poignée, et la mort les enveloppait de toutes paris. Pris en tête, en revers et sur les deux flancs, ils reculent. Presque tous ceux qui servaient la pièce de canon ayant été tués ou blessés, elle allait être abandonnée : un commandant marseillais, le commissaire Yon, la ramène dans les rangs. Le général Berruyer a son cheval percé de trois balles : il met pied à terre, et le vieux guerrier reste un moment presque seul à l'entrée du débouché sanglant. Trois fois la pièce de canon fut abandonnée ; trois fois les sectionnaires perdirent l'occasion de s'en emparer, soit manque de résolution, soit, comme s'en plaint Beaulieu, que personne ne les commandât. Enfin, après plusieurs décharges, Saint-Roch fut enlevé[162].

Du récit de P.-F. Réal, confirmé par le rapport officiel de Merlin (de Douai), il résulte qu'à un autre poste, devant la maison occupée par la section de police du Comité de sûreté générale, une horrible trahison fut commise et châtiée. Des républicains étaient là avec une pièce de canon : les sectionnaires, qui se trouvaient en force dans la rue de l'Échelle, eurent l'idée de s'emparer de cette pièce sans coup férir. Fusils sous le bras, chapeaux en l'air, drapeau baissé, ils arrivent, de la rue Saint-Honoré, par pelotons, criant : Ne tirez pas ! nous sommes vos frères. On les laisse avancer, on leur tend les bras. Mais à peine sont-ils à portée de la pièce, que deux d'entre eux, s'élançant, la saisissent, et, d'un ton de triomphe, s'écrient : Nous la tenons ! En même temps deux décharges de mousqueterie étendent par terre vingt-trois républicains. Les conventionnels, indignés, répondent par un feu terrible. La pièce est reprise, elle joue, et la rue est balayée en un instant[163]. Réal constate que les morts qui furent dépouillés, à ce poste, étaient presque tous habillés comme des ouvriers, mais portaient le linge le plus fin[164].

Peu s'en fallut que Barras ne fût tué dans la rue Saint-Nicaise, en allant haranguer les sectionnaires, qui en occupaient la partie basse. Mais ils ne purent s'y maintenir longtemps. Deux coups de canon à balles et une vive charge à la baïonnette les refoulèrent sous les arcades du théâtre de la République[165].

Sur les quais, l'action de l'artillerie ne fut ni moins prompte ni moins décisive. Les colonnes du faubourg Saint-Germain y furent écrasées par le feu des canons que Bonaparte avait fait placer à la hauteur du guichet du Louvre et à la tête du pont National. Les trois mille hommes qui formaient ces colonnes avaient été fournis par les sections de l'Unité, du Théâtre-Français, de Fontaine-Grenelle et de Bon-Conseil[166]. Cette petite armée marchait sous les ordres de l'émigré Colbert Maulevrier[167] et de Lafond. Elle déploya une grande intrépidité. Prise en tête et en écharpe par l'artillerie des conventionnels, elle se reforma trois fois sous la mitraille, avant de se disperser tout à fait[168].

Restait le théâtre de la République, où les sectionnaires tenaient encore. Le général Brune y fut envoyé avec une division et deux obusiers. Les ténèbres commençaient à tomber sur Paris, lorsque ces troupes, composées de grenadiers de la Convention unis aux patriotes de 89, débouchèrent par la rue Saint-Nicaise et la rue de Rohan. Les sectionnaires voulurent résister : quelques obus les dissipèrent[169].

Pendant la nuit, à la barrière des Sergents, c'est-à-dire au même endroit où, du temps de la Fronde, les bourgeois de Paris établirent les premières barricades, des barricades furent essayées, mais abandonnées presque aussitôt[170]. Les rues étaient désertes. Çà et là quelques fuyards au visage effaré. Tout était fini.

Le nombre des morts ne fut jamais constaté d'une manière précise. Il est dit dans le Mémorial de Sainte-Hélène qu'il y eut environ deux cents hommes tués ou blessés du côté des sectionnaires, et presque autant du côté des conventionnels[171]. Pas un chef ne périt[172], excepté Lafond, qui ne fut un des chefs que pour se battre et mourir. Ceux que l'incendie consuma ne furent pas ceux qui l'avaient allumé ! Pendant que les sections de l'Unité, du Théâtre-Français, de Fontaine-Grenelle et de Bon-Conseil livraient à l'artillerie de Bonaparte leur contingent de victimes obscures, la section Lepelletier délibérait[173].

Parmi les représentants qui montrèrent de la résolution, le prisonnier de Sainte-Hélène nomme Fréron, Louvet et Sieyès[174]. Il oublie Barras, que Réal représente payant de sa personne partout, partout donnant des ordres, intrépide, infatigable[175].

Danican assure que, dans cette journée, il ne fut point question de retour à la monarchie[176]. Mais si les sectionnaires n'eurent pas le cri de : vive le roi ! sur les lèvres, leurs chefs l'avaient dans le cœur. Ceux d'entre eux qu'on vit parcourir la ville, pour y souffler la révolte, portaient l'habit gris à revers, le collet noir[177] ; et le représentant du peuple Paganel rencontra un des révoltés qui courait les rues à cheval, ayant au pommeau de son épée un drapeau blanc d'un pied et demi de longueur[178].

Aussi le peuple ne se mêla-t-il point à la lutte. Il n'avait pas pris le château, le 10 août, au profit de la République, pour le reprendre, le 13 vendémiaire, au profit de la monarchie.

Le 14, les curieux affluaient sur tous les points où l'on s'était battu. Durant la nuit, les cadavres avaient été enlevés. Il y eut encore quelques rassemblements, mais ils furent dissipés en un clin d'œil. Avant la chute du jour, il n'y avait plus même, dans Paris, cette agitation que les flots conservent après le passage de la tempête. Le soir, les spectacles étaient remplis comme à l'ordinaire[179].

 

 

 



[1] Mémorial de Sainte-Hélène, ch. V. p. 307 ; 1842, in-4°.

[2] C'est le mot caractéristique dont se sert Beaulieu en parlant des deux Conseils. Voyez ses Essais historiques sur la Révolution de France, t. VI, p. 205, 206.

[3] Essais historiques sur la Révolution de France, t. VI, p. 205, 206.

[4] Mémoires de Thibaudeau, t. I, ch. XV, p. 187.

[5] Beaulieu, Essais historiques sur la Révolution de France, t. VI, p. 207.

[6] Le 4 fructidor (21 août) 1795.

[7] Moniteur, an III, n° 338.

[8] Mémoires de Thibaudeau, t. I, ch. XV, p. 188.

[9] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 208.

[10] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 208.

[11] Mémoires de Thibaudeau, t. I, ch. XV, p. 189. Voyez aussi sur cette séance l'Histoire parlementaire, t. XXXVII, p. 18.

[12] Mémoires de Thibaudeau, t. I, ch. XV, p. 188.

[13] Voyez Essai sur les journées de vendémiaire, par Pierre-François Réal, depuis comte Réal. — L'Histoire parlementaire, t. XXXVII, p. 19. — Le Moniteur, an IV, n° 1, discours de Tallien.

[14] Discours de Tallien dans la séance du troisième jour complémentaire, Moniteur, an IV, n°1.

[15] C'est l'expression même dont se sert Beaulieu, écrivain dont le témoignage n'est pas suspect, puisqu'il était du parti des agitateurs. Voyez ses Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution de France, t. VI, p. 205.

[16] C'est une chose bien bizarre que la plupart des jeunes millionnaires, qui ont été arrêtés, étaient dans les charrois. Note de Réal, page 7 de son Essai sur les journées de vendémiaire.

[17] Note de Réal, page 7 de son Essai sur les journées de vendémiaire.

[18] Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 7.

[19] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 203.

[20] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 203.

[21] Mémoires de Thibaudeau, t. I, ch. XV, p. 127-200.

[22] C'est ce que Thibaudeau dit en propres termes, Mémoires, t. I. ch. XV, p. 197-200.

[23] Moniteur, an III, n° 318.

[24] Moniteur, an III, n° 353.

[25] Moniteur, an III, n° 354.

[26] Moniteur, an III, n° 351.

[27] Moniteur, an III, n° 352.

[28] Moniteur, an III, n° 352.

[29] Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution de France, t. VI. p. 209.

[30] Essai sur les journées de vendémiaire, p. 16.

[31] Essais historiques, etc., t. VI, p. 210-211.

[32] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 10-11.

[33] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 10-11.

[34] Histoire parlementaire, t. XXXVII, p. 21. — P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 11-12.

[35] Mémoires de Thibaudeau, t. I, ch. XV, p. 190.

[36] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 12.

[37] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 13.

[38] Manuscrit de Jourdan. — Voyez plus haut le chapitre intitulé LES ARMÉES PENDANT LA RÉACTION.

[39] Histoire parlementaire, t. XXXVII, p. 22.

[40] Mémoires de Thibaudeau, t. I, ch. XV, p. 193.

[41] C'est ce que fit observer Tallien, dans la séance du troisième jour complémentaire (19 septembre 1795). Voyez le Moniteur, an IV, n° 1.

[42] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 19.

[43] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 23.

[44] Rapport d'Ysabeau dans la séance du troisième jour complémentaire (19 septembre 1795). Voyez Moniteur, an III, n° 366.

[45] Moniteur, an III, n° 366.

[46] Discours de Tallien. Voyez le Moniteur, an IV, n° 1.

[47] Procès-verbal de l'administration du département. Voyez le Moniteur, an III, n° 566.

[48] Moniteur, an III, n° 566.

[49] Moniteur, an III, n° 566.

[50] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 15.

[51] Discours de Tallien dans la séance du troisième jour complémentaire (19 septembre 1795). Voyez le Moniteur, an IV, n° 1.

[52] Même séance. Moniteur, an IV, n° 1.

[53] Même séance. Moniteur, an IV, n° 1.

[54] Séance du cinquième jour complémentaire. Moniteur, an IV, n° 3.

[55] Séance du 1er vendémiaire (23 septembre) 1795. Moniteur, an IV, n° 4.

[56] Rapport de Delaunay (d'Angers) dans la séance du 25 vendémiaire (15 octobre 1795). Voyez le Moniteur, an IV, n° 28.

[57] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 16.

[58] Essais historiques, etc., t, VI, p. 211.

[59] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 17.

[60] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 18.

[61] Voyez le rapport de Delaunay, séance du 3 vendémiaire (Moniteur, an IV, n° 7), et le récit de P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 20.

[62] Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XV, p. 203.

[63] Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XVI, p. 209.

[64] Moniteur, an IV, n° 15.

[65] Instructions à M. Courant. Voyez le livre de Montgaillard sur la trahison de Pichegru, p. 33.

[66] Mémoire sur l'agence de Paris. Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. Manuscrits du British Museum.

[67] Rapport de Merlin (de Douai) dans la séance du 14 vendémiaire an IV (6 octobre 1795). Moniteur, an IV, n°18.

[68] Voyez le texte dans l'Histoire parlementaire, t. XXXVII, p. 28-30.

[69] Voyez P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 27.

[70] Voyez le Moniteur, an IV, n° 15.

[71] Voyez le Moniteur, an IV, n° 15.

[72] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 28.

[73] Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 30.

[74] Thibaudeau, Mémoires, t. I, chap. XVI, p. 208.

[75] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 29.

[76] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 30.

[77] Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XVI. p. 208.

[78] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 30-31.

[79] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 30-31.

[80] Ibid. — Thibaudeau, Mémoires, t. I, chap. XVI, p. 208. — Rapport de Merlin (de Douai) dans la séance du 14 vendémiaire (6 octobre 1795), Moniteur, an IV, n° 18.

[81] Rapport de Merlin (de Douai) dans la séance du 14 vendémiaire. — P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 32.

[82] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 32.

[83] Voyez le Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 315.

[84] Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XVI, p. 208.

[85] Beaulieu, dans ses Essais historiques, etc., t. IV, p. 218, écrit, en vrai sectionnaire qu'il était, que la Convention arma les égorgeurs de septembre, de Lyon, d'Arras et de Nantes, sans prendre garde qu'après un combat où la Convention ne fit que se défendre, ces prétendus égorgeurs, devenus maîtres du pavé, n'égorgèrent personne.

[86] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 35-37.

[87] Rapport de Merlin (de Douai) dans la séance du 14 vendémiaire (6 octobre 1795).

[88] Rapport de Merlin (de Douai) dans la séance du 14 vendémiaire (6 octobre 1795).

[89] Rapport de Barras dans la séance du 30 vendémiaire (22 octobre 1795) Moniteur, an IV, n° 55.

[90] Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 35.

[91] Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 40.

[92] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 219.

[93] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 219.

[94] Ce furent les propres termes dont il se servit, selon Réal. Voyez Essai sur les journées de vendémiaire, p. 39. — Le rapport de Barras reproduit la réponse avec une légère variante : Si quelque soldat s'avise d'insulter les bons citoyens de la section Lepelletier, je lui passerai mon sabre à travers le corps.

[95] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 219.

[96] Voyez le rapport de Merlin (de Douai) dans la séance du 11 vendémiaire (6.octobre 1795).

[97] Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 309, édition in-4° de 1842, les choses sont présentées sous des couleurs un peu différentes. Napoléon montre l'infanterie, la cavalerie et l'artillerie entassées dans la rue Vivienne ; les sectionnaires occupant les fenêtres de cette rue ; la force militaire que commandait Menou compromise, et ce dernier se retirant, par une espèce de capitulation, sans avoir ni désarmé ni dissous le rassemblement. De la protection accordée par Menou aux sectionnaires, de sa désobéissance aux instructions qu'il avait reçues et de son empressement à se retirer avant l'accomplissement de la condition mise à sa retraite, pas un mot. En donnant à la résistance de la section Lepelletier le caractère d'une victoire, et à la retraite de Menou celui d'une nécessité subie, Napoléon a-t-il voulu relever, par le contraste, son succès du 13 vendémiaire, ou seulement laver Menou, un soldat, du soupçon d'avoir trahi l'Assemblée ? Ce qui est sûr, c'est que le récit de Napoléon, très-inexact d'ailleurs en d'autres points, est contredit par les témoignages rapprochés de Barras, Merlin (de Douai), Réal et Beaulieu.

[98] Moniteur, an IV, n° 15.

[99] Moniteur, an IV, n° 15.

[100] Thibaudeau, Mémoires, t. I, chap. XVI, p. 210-211.

[101] L'écrivain royaliste Beaulieu dit de lui, Essais historiques, etc., t. VI. p. 203 : Le général Menou, qui, dans tous ces troubles, s'est conduit de la manière la plus honorable et la plus pacifique, etc.

[102] C'est Beaulieu lui-même qui constate le fait, Essais historiques, etc., t. VI, p. 203.

[103] Moniteur, an IV, n° 15.

[104] Voyez Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant, t. I, p. 324.

[105] Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant, t. I, p. 326.

[106] Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant, t. I, p. 326.

[107] C'est le nom que lui donna Barras en le recommandant à la Convention dans la séance du 18 vendémiaire (10 octobre 1795).

[108] Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant, t. I, p. 327.

[109] Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant, t. I, p. 345-346.

[110] Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant, t. I, p. 346.

[111] Nous lisons dans les Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant : On ne conçoit pas que, dans le Mémorial de Sainte-Hélène, il (Napoléon) ait dit ou que Las Cases lui ait fait dire : Jamais je n'en ai eu seulement la pensée, pas plus que d'aller me faire Turc à Constantinople. Tous ces récits sont de purs romans. Il existe dans les dépôts publics des documents, écrits et signés de la main même de Napoléon, qui prouvent invinciblement le contraire. Et, en effet, non-seulement le registre des actes du Comité de salut public contient un arrêté du 27 fructidor an III, autorisant Bonaparte à passer à Constantinople, mais on a la rédaction par Bonaparte lui-même des conditions du projet. Voyez le livre sus-mentionné n° VIII des pièces historiques.

[112] Voyez le Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 310.

[113] Voyez le Moniteur, an IV, n° 15.

[114] Moniteur, an IV, n° 15.

[115] Voyez les Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XVI, p. 212.

[116] Les Brigands démasqués, p. 39.

[117] Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XVI, p. 212.

[118] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 311.

[119] Le Mémorial de Sainte-Hélène dit sept ou huit heures du soir, V chap. V, p. 311. — Réal, qui s'attache à être précis, écrit dix heures.

[120] Séance du 50 vendémiaire (22 octobre 1795). — Moniteur, an IV, n° 35.

[121] Séance du 14 vendémiaire (6 octobre 1795). — Moniteur, an IV, n° 18.

[122] Moniteur, an IV, n° 15.

[123] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 312.

[124] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 311.

[125] Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant, t. I, p. 336.

[126] Rapport de Merlin (de Douai), séance du 14 vendémiaire (6 octobre 1795). — P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 45 et 46.

[127] Voyez le Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 508.

[128] Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XVI, p. 209.

[129] Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XVI, p. 210.

[130] Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 44, dit 150. — Napoléon, dans le Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 312, dit 15 seulement.

[131] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 44. — Ce qui contredit cette assertion de Beaulieu que les troupes ne se battirent que parce qu'on les gorgea d'eau-de-vie. Voyez Essais historiques, etc., t. VI, p. 222.

[132] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 44.

[133] Voyez, sur les dispositions de la défense, le rapport de Barras dans la séance du 30 vendémiaire (22 octobre 1795) ; le récit de P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 47, et le Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 313.

[134] Rapport de Barras dans la séance du 30 vendémiaire (22 octobre 1795).

[135] Rapport de Merlin (de Douai), Moniteur, an IV, n° 16.

[136] Thibaudeau, Mémoires, t. I, chap. XVI, p. 211.

[137] Correspondance de Hoche.

[138] Danican, les Brigands démasqués, p. 33.

[139] Danican, les Brigands démasqués, p. 41.

[140] Danican, les Brigands démasqués, p. 41.

[141] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 313.

[142] Voyez le Moniteur, an IV, n° 16.

[143] Moniteur, an IV, n° 15.

[144] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 49.

[145] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 222.

[146] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 51.

[147] Danican, les Brigands démasqués, p. 45.

[148] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 314.

[149] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 314.

[150] Rapport de Merlin (de Douai) dans la séance du 14 vendémiaire, an IV (6 octobre 1795).

[151] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 56.

[152] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 57.

[153] Rapport de Merlin (de Douai) dans la séance du 14 vendémiaire, an IV.

[154] Voyez le Moniteur, an IV, n° 15.

[155] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 63. — Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 315.

[156] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 224. — Danican, les Brigands démasqués, p. 58.

[157] Souvenirs historiques et parlementaires du comte de Pontécoulant.

[158] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 225.

[159] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 224. — P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 63.

[160] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 315.

[161] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 315.

[162] Voyez en les rapprochant, le récit de P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 61-67, et celui de Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 227.

[163] Voyez le récit de P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 68, et le rapport de Merlin (de Douai), Moniteur, an IV, n° 16.

[164] Essai sur les journées de vendémiaire, p. 70.

[165] Essai sur les journées de vendémiaire, p. 70.

[166] Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 74.

[167] Rapport de Merlin (de Douai) dans la séance du 24 vendémiaire, an IV.

[168] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 317.

[169] Ibid. — Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 76-77.

[170] P.-F. Réal, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 78.

[171] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 316.

[172] Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XVI, p. 214.

[173] C'est Réal qui en a fait la remarque, Essai sur les journées de vendémiaire, p. 74.

[174] Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 316.

[175] Voyez Essai sur les journées des 13 et 14 vendémiaire, p. 63, 71, 72, 75.

[176] Les Brigands démasqués, p. 42.

[177] P.-F. Réal, Essai sur les journées des 13 et 14 vendémiaire.

[178] Déclaration de Paganel, Moniteur, an IV, n° 17.

[179] Voyez le Mémorial de Sainte-Hélène, chap. V, p. 316, et les Mémoires de Thibaudeau, t. I, chap. XVI, p. 214.