HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE SEIZIÈME

 

CHAPITRE II. — LUTTE ENTRE LES THERMIDORIENS ET LES ROYALISTES

 

 

Rapprochement entre les Thermidoriens et les Girondins fidèles à la République. — Attitude menaçante des royalistes. — Temps d'arrêt dans la marche du royalisme, immédiatement après l'affaire de Quiberon. — Sortie violente du Bonhomme Richard. — Décret relatif à la célébration du 10 août. — La réaction royaliste reprend son cours. — Organisation de la presse royaliste. — La Convention attaquée avec fureur. — Ce qui servait le royalisme ; curieuse appréciation de l'abbé Brottier. — Le salon de madame de Staël. — Paris, foyer de l'agitation. — Admiration excitée à l'étranger par Charette. — Il est nommé général en chef de l'armée catholique et royale par le prétendant. — Les bureaux de Charette. — Importante lettre qu'il écrit au prétendant, à propos du grade à lui conféré. — Lettre du prétendant au duc d'Harcourt sur la nécessité pour le roi de France de conquérir son royaume. — Défiances du prétendant et de son entourage à l'égard de l'Angleterre. — Expédition confiée au comte d'Artois par le gouvernement anglais. — Le royalisme place ses espérances dans l'agitation du dedans plus que dans les secours du dehors. — On prépare une Constitution nouvelle. — Commission des Onze ; ses travaux. — Projet présenté par Sieyès ; il est rejeté. — Résumé de la Constitution de l'an III. — Dispositions caractéristiques. — Défauts de la Constitution de l'an III. — En quoi son vice fondamental consistait aux yeux des royalistes. — Elle leur fournit le prétexte qu'ils cherchaient pour essayer d'abattre la Convention.

 

La tentative de Quiberon était venue apprendre aux Thermidoriens ce qu'ils avaient à craindre de ces royalistes que, le 9 thermidor, ils avaient acceptés pour alliés. Aussi cherchèrent-ils, dès ce moment, d'autres appuis.

Parmi les Girondins auxquels la réaction avait rouvert les portes de l'Assemblée, tous ne penchaient pas vers le royalisme, comme Henri Larivière ; et il y en avait qui, tels que Louvel, avaient conservé l'ancienne ferveur de leur foi républicaine : ce fut avec ceux-ci que les Thermidoriens, menacés par les royalistes, cherchèrent à faire alliance. Dans un banquet destiné à célébrer l'anniversaire du 9 thermidor, Lanjuinais ayant porté un toast aux représentants qui, dans ce jour mémorable, avaient abattu le tyran et la tyrannie, Tallien en proposa un, lui, aux députés hors la loi sous la tyrannie de l'ancien gouvernement ; aux 75 — ils avaient été sauvés par ce même Robespierre dont on fêtait la mort ! — ; aux autres victimes de la Terreur et à tous ceux qui, dans ces temps désastreux, étaient restés fidèles aux lois de l'amour et de l'amitié. — Et à leur union intime avec les hommes de thermidor, ajouta Louvet[1].

Les événements qui suivirent montrent de reste combien ce rapprochement était nécessaire.

Que n'avait-on pas déjà concédé aux royalistes ? Le parti thermidorien avait consenti, pour leur plaire, à l'humiliation de tous les aveux exigés de lui ; il avait flétri, presque aussi souvent qu'on le lui avait demandé, le passé de la Révolution ; il avait prêté les mains à l'annulation d'une foule de sentences prononcées par les tribunaux révolutionnaires ; il avait volé la restitution des biens des condamnés à leurs familles[2] ; il s'était laissé dire en face par Doulcet de Pontécoulant que ces tribunaux n'avaient jugé personne[3], et Legendre, un de ses orateurs, s'était écrié à cette occasion : Ah ! si je possédais des biens qui eussent appartenu à l'une des victimeset n'en est-il pas que nous voudrions racheter de tout notre sang ;jamais je ne pourrais trouver de repos : le soir, en me promenant dans un jardin solitaire, je croirais voir dans chaque goutte de rosée les pleurs de l'orphelin dont j'occuperais l'héritage ![4]

Mais, comme il arrive, plus on accordait aux royalistes, plus ils devenaient, impérieux et menaçants. Ils avaient commencé par demander qu'on épargnât leurs têtes, et ils en étaient venus à demander qu'on abattît celles de leurs ennemis.

Le 6 thermidor (24 juillet), la Convention ayant décidé, sur la proposition de Gourdan, qu'une commission, prise dans son sein, serait chargée d'examiner les arrestations pour faits révolutionnaires, ce fut, parmi les royalistes des sections une véritable explosion de fureur. Eh quoi ! on mollissait, on hésitait, on osait croire qu'au nombre des révolutionnaires arrêtés, il pouvait se trouver des innocents ! Quoi ! on parlait d'examiner, quand c'était de frapper qu'il s'agissait ! Une députation de la section du Mont-Blanc courut presser l'Assemblée d'en finir avec les satellites du farouche Robespierre. Leur impunité lasse notre patience, dit insolemment l'orateur, et il insista pour qu'on achevât sans tarder l'épuration tant promise[5]. Deux jours après, une députation de l'Observatoire venait présenter les mêmes réclamations et poussait l'audace jusqu'à sommer la Convention d'être juste. Est-ce que nous sommes injustes ? s'écrie Dubois Crancé hors de lui, et, accompagnant ces paroles d'un jurement grossier, il traite les pétitionnaires de brigands. Un mouvement d'indignation éclate à la barre. Des interpellations violentes sont adressées à Dubois Crancé.

Il s'éloigne. La séance fut levée au milieu d'un tumulte effroyable[6].

Cependant, nul n'osait encore prononcer le nom de roi. Dans la séance du 21 floréal (10 mai), la section du Mont-Blanc était venue demander le rapport du décret qui punissait de mort les provocateurs à la royauté ; mais ce décret, Marie-Joseph Chénier l'avait fait maintenir[7]. C'était donc à mots couverts que les partisans du rétablissement de la monarchie exprimaient leurs vœux. Le Courrier républicain, journal que Poncelin rédigeait, et dont le titre était un mensonge calculé, disait, par exemple, dans son numéro 593 : La dénomination de roi, qui vient de regere, et qui signifie régisseur, n'exclut pas celle de République, et s'accorde même avec elle toutes les fois que l'individu qu'on appelle roi n'est que le ministre du souverain[8].

Ce langage artificieux ne trompait personne. Poncelin reçut une lettre, signée : Un de vos abonnés qui vous lit et vous juge : elle commençait ainsi : Quelques phrases que vous employiez, vous ne nous tromperez pas. Puis, répondant aux accusations de terrorisme dont les royalistes ne cessaient de poursuivre indistinctement tous leurs adversaires, l'auteur de la lettre disait : On ne guillotine pas continuellement, il est vrai ; mais on guillotine quelquefois, et l'on assassine tous les jours... Je félicite la Convention d'avoir, par un décret, fait disparaître de dessus les murailles ce mot effroyable la mort, légende atroce inventée par des plébéculaires furieux, mais je ne la félicite pas de tolérer les assassins sans nombre qui, le soir, au coin d'une rue où l'humanité est écrite en gros caractères, vous plongent, en son nom, un poignard dans le sein[9].

Là était en effet le grand scandale. Pour mieux prouver qu'on n'était pas du parti des égorgeurs, on égorgeait.

On a vu dans un chapitre précédent quel accès de délire produisit la réaction née du 9 thermidor, à combien d'assassinats elle donna lieu, et comment les Thermidoriens finirent par craindre que ce réseau sanglant ne les enveloppât eux-mêmes. Ils avaient d'abord fermé les yeux, el, selon le mot de Mallet du Pan, combattu les royalistes avec mollesse et les Jacobins avec fureur[10]. Mais le moment vint où Mallet du Pan put écrire triomphalement à l'abbé de Pradt : L'Accusateur public, qui se publie par numéros, a repris le ton que j'avais dans le Mercure ; il a écrasé Sieyès. C'est avec votre Déclaration des droits à la main, lui a-t-il dit, qu'on a égorgé vos collègues, vos bienfaiteurs, vos parents, une génération entière. Regardez, avide métaphysicien, vous avez du sang jusqu'aux genoux[11].

Quand Sieyès était accusé d'avoir du sang jusqu'aux genoux, pour sa participation à la Déclaration des droits de l'homme, et qu'on l'appelait à rendre compte, comme métaphysicien, de l'extermination d'une génération entière, comment Tallien, Fréron, Legendre, Merlin (de Douai), Cambacérès, ne se seraient-ils pas émus ? Les collets noirs et les cravates vertes devinrent donc pour les Comités, où les Thermidoriens dominaient encore, un sujet sérieux d'inquiétude[12].

Beaulieu, parlant de choses dont il fut témoin, écrit :

Quelques jours après le 4 prairial et le désarmement des Terroristes, les adroits Comités avaient engagé les sections à remettre leurs canons au gouvernement, en leur faisant entendre que la Révolution étant finie et le régime constitutionnel allant commencer, ces armes devenaient inutiles et pouvaient devenir dangereuses pour la stabilité de la Constitution, si quelque faction nouvelle parvenait à s'en emparer. Les bons Parisiens trouvèrent ce raisonnement sage et remirent leurs canons. Ce fut la section Lepelletier qui donna l'exemple, la même qui va bientôt montrer le plus de résistance aux fameux décrets des 5 et 13 fructidor. Maîtres de ces terribles canons, les Comités levèrent absolument le masque[13].

Mais comment furent-ils amenés à lever le masque ? Le passage suivant l'explique :

Après la victoire de prairial, un décret chargea les sections de désarmer les Terroristes. C'était donner à chaque citoyen, dans un moment de fermentation et de souvenirs déchirants, la facilité d'assouvir sa vengeance ; c'était nous précipiter — c'est un royaliste qui parle — hors des mesures de toute raison, pour avoir ensuite le droit d'improuver notre conduite et d'armer contre nous ceux qui pourraient être victimes de nos erreurs. Je ne prétends pas dire que telle fut l'intention de ceux qui firent rendre ce décret ; mais ce que je sais bien, c'est qu'ils profitèrent de nos fautes pour armer contre nous ceux contre qui ils nous avaient armés[14].

 

Il suffit de rapprocher ces deux passages pour comprendre que, si les Thermidoriens en vinrent à se mettre sur la défensive, ce que Beaulieu appelle lever le masque, ce ne fut pas sans motif, puisque l'écrivain royaliste avoue l'abus fait par son parti de la facilité donnée à chaque citoyen d'assouvir sa vengeance, laquelle pouvait aller loin, on le conçoit, dans un moment de fermentation et de souvenirs déchirants.

A cet égard, on trouve les inquiétudes des Thermidoriens et de ceux des Girondins qui n'avaient point passé au royalisme exprimées avec une vivacité naïve par Doulcet de Pontécoulant, dans la séance du 2 messidor (20 juin 1795) :

On a abusé du nom de Terroriste comme on a abusé de celui de fédéraliste. Tel administrateur qui s'était insurgé contre la journée du 31 mai a été accusé de terrorisme. Il s'élève de petites sociétés d'amis de Jésus qui accusent de terrorisme les patriotes. Et vous-mêmes, si vous n'y prenez garde, vous serez leurs victimes[15].

De son côté Legendre disait :

Sous le nom de Terroristes on a enveloppé quelques patriotes vertueux, mais dont l'énergie leur a fait beaucoup d'ennemis[16].

Et, deux jours après, revenant à ce sombre sujet, il s'élevait d'un ton indigné contre les royalistes, qui, suivant ses propres paroles, voulaient gagner sans mettre au jeu. Il ajoutait : Ce sont eux qui commettent tous les crimes dont la France est le théâtre depuis quelque temps : il faut punir les égorgeurs du temps passé, mais ne pas oublier ceux d'aujourd'hui[17].

C'est dans cette situation d'esprit que l'expédition de Quiberon avait trouvé les Thermidoriens. Le royalisme en armes ayant été écrasé sur les côtes de Bretagne, il y eut naturellement un temps d'arrêt dans la marche ascendante de la réaction monarchique ; et les Thermidoriens, maîtres momentanés de la situation, crurent pouvoir le prendre sur un ton très-haut avec des alliés, devenus des ennemis, et qu'ils ne jugeaient plus aussi nécessaire de ménager. Ceux des Girondins qui n'avaient pas fait divorce avec leurs principes d'autrefois agirent de même. On lut sur tous les murs de Paris des placards où les soldats étaient excités contre la Jeunesse dorée. Ils portaient pour titre : Frond, défenseur de la patrie. L'auteur, c'était Louvet[18]. Le Journal du Bonhomme Richard, feuille qui soutenait le gouvernement et passait pour être subventionnée par lui, publia un article qui comparait les royalistes aux républicains en ces termes :

Ils font des cadenettes : nous faisons dix mille prisonniers d'un coup de filet.

Ils font de petits articles bien maussades dans de petits journaux bien tristes : nous leur enlevons fusils, caissons, munitions, bagages, équipements.

Ils criaillent dans les spectacles : nous les écrasons au camp.

Ils mettent des cravates : nous avons des moustaches.

Ils égorgent dans les prisons : nos généreux volontaires les portent à l'hôpital sur leurs épaules.

Ils fabriquent à Paris des lettres royales et des jérémiades monarchiques : nos drapeaux flottent sur les forts escaladés qui les protégeaient.

Ils chantent des grand'messes et des vêpres dans des chapelles remplies de vieilles bigotes : nous entonnons la Marseillaise dans les champs de la Victoire.

Ils mangent des bonbons pour se consoler : nous lançons sur leurs phalanges une grêle de dragées foudroyantes.

Ils font la chapelle : nous manœuvrons.

Ils attendent un roi comme le messie : nous allons avoir une constitution républicaine.

Ils sont une poignée : nous sommes des millions[19].

 

Lorsque, dans la séance du 3 pluviôse (25 janvier 1795), Cambacérès avait repoussé les imputations de royalisme à l'adresse de l'Assemblée, elle s'était levée tout entière, en criant : Vive la République[20] ! Nul doute cependant qu'elle ne renfermât des royalistes. Mais, ne croyant pas leur heure venue, ils couvraient d'un enthousiasme faux leurs sentiments vrais.

L'hypocrisie et la fureur, écrivait à ce sujet Mallet du Pan, occupent alternativement la scène. Chaque séance est un mensonge de plusieurs heures, à l'aide duquel on déguise ses propres intentions. La crainte d'être soupçonné d'idées contraires à celles que l'on professe fait exagérer encore la dissimulation[21].

 

Ainsi s'explique la facilité avec laquelle les Thermidoriens firent adopter le décret relatif à la célébration du 10 août. En voici les dispositions principales :

Le 25 thermidor, jour correspondant au 10 août, à huit heures et demie du matin, moment auquel le trône a été renversé, une salve d'artillerie annoncera la victoire du peuple sur la tyrannie.

La Convention siégera en costume. L'Institut national exécutera des hymnes en l'honneur de la liberté.

L'anniversaire du 10 août sera célébré dans toutes les communes de la République et aux armées, avec toute la pompe et toute la solennité que les localités comportent[22].

 

Ce décret fut adopté au milieu des plus vifs applaudissements.

Dans la Convention, il en coûtait peu aux royalistes non déclarés d'applaudir ou d'avoir l'air d'applaudir à des mesures semblables, rien n'étant mieux calculé que leur adhésion aux formules ou aux pratiques révolutionnaires pour voiler des projets dont la révélation prématurée eût compromis le succès. Que leur importait, d'ailleurs, la célébration de tel ou tel anniversaire républicain, pourvu que, trompé par leur empressement même à y consentir, le parti thermidorien n'hésitât pas à leur livrer des victimes ! Le 15 thermidor, ils battaient des mains au souvenir de la victoire du peuple sur la tyrannie ; et, dans les séances suivantes, le parti thermidorien les aidait à dresser une liste de proscrits sur laquelle on voyait figurer des patriotes intègres à côté d'hommes farouches, Massieu à côté de Lequinio, Chaudron-Rousseau à côté de Fouché[23] !

Au surplus, la réaction royaliste était trop dans la nature des choses pour qu'elle tardât à reprendre son cours. L'impression produite par la descente de Quiberon n'était pas encore entièrement effacée, que déjà les partisans de la monarchie relevaient la tête. La presse qui servait leurs desseins s'était organisée de manière à agir sur les esprits avec la puissance que donne l'unité. Il avait été convenu entre les journalistes de ce parti qu'à des jours dits ils s'assembleraient, tantôt dans un quartier, tantôt dans un autre, chez l'un d'entre eux ou chez un ami, et qu'après un déjeuner ou une collation ils chercheraient à se mettre d'accord sur les points qu'il convenait de traiter en commun le lendemain ; de telle sorte que l'opinion fût ébranlée par les mêmes coups, partis de différents côtés[24]. Ce plan, exécuté avec beaucoup de suite et d'intelligence, porta ses fruits. L'ensemble des attaques en couvrit le péril. La Convention fut assaillie dans une multitude d'écrits dont la violence croissait de jour en jour ; et la presse royaliste sonna si bien le tocsin, que les Comités comprirent enfin qu'après avoir fait la Révolution, la liberté d'écrire allait tuer son propre ouvrage[25]. Ils voulurent alors, coûte que coûte, arrêter le mouvement ; mais l'impulsion était donnée. Rien ne leur réussit, ni les menaces, ni les arrestations, ni les scellés sur les presses. La Gazette universelle, passant toutes les bornes, même de la licence, le rédacteur avait été arrêté : il fut réclamé par la section de l'Arsenal tout entière. Ceux qui, dans l'Assemblée, n'avaient pas voté la mort du roi, retrouvèrent la parole que, le lendemain de la défaite de leurs amis à Quiberon, ils avaient perdue. Ils firent abolir les certificats de civisme ; ils firent rapporter le décret qui donnait à examiner à une commission prise dans l'Assemblée la culpabilité des Montagnards arrêtés, de peur qu'on ne les sauvât. Enfin les dénonciations de royalisme cessèrent d'être reçues par les sections, et bientôt, le 10 août, dont le décret du 15 thermidor avait si pompeusement ordonné l'anniversaire, fut mis, presque à voix haute, au nombre des horreurs de la Révolution[26].

Ce n'est pas que les royalistes en fussent venus à être la majorité : loin de là ; mais ce qui constituait leur force, c'était, indépendamment de la faiblesse du gouvernement thermidorien, la lassitude publique. Nous avons découvert, parmi les papiers de Puisaye, un mémoire royaliste qui peint la situation avec une singulière franchise. Ce mémoire, qui est évidemment de l'abbé Brottier, contient le passage suivant. Rien de plus caractéristique :

On peut dire, en toute vérité, que l'ouvrage (le royalisme)[27] domine en France dans tous les esprits, sinon dans tous les cœurs. On remarquera cette différence que j'établis ici, parce que aucun personnage, ni parmi les instituts (les princes), ni parmi ceux dont on les fait, ne se montre capable de se concilier les affections ni d'exciter l'enthousiasme. Mais en revanche, la cruelle nécessité subjugue tous les esprits et entraîne toutes les opinions en leur faveur. Ceci est la suite de la conviction générale où l'on est que l'ouvrage (le royalisme) peut seul donner le repos, dont chacun a le besoin le plus pressant. Car si un gouvernement quelconque pouvait procurer une lueur seulement de repos, on enverrait au diable et l'ouvrage (le royalisme), et les ouvriers (les agents) et les instituts (les princes)[28].

 

Rien n'était plus propre que cette disposition générale à favoriser les intrigues du parti royaliste ; et il mit à en profiter une activité brûlante. Les émigrés commencèrent à rentrer en foule ; les uns assuraient qu'ils n'avaient jamais quitté la France ; les autres, qu'ils ne l'avaient quittée que comme victimes du 31 mai.

Madame de Staël était alors à Paris, où son mari représentait, en qualité d'ambassadeur, la Suède, par qui la République française avait été reconnue. Cette circonstance, et, plus encore, l'intelligence toute virile dont elle était douée, semblaient devoir rattacher madame de Staël au parti républicain ; mais son habitude du grand monde et ses rapports de société l'attiraient vers l'aristocratie. Ce n'était pas d'ailleurs au service de la République que M. Necker avait acquis la réputation dont sa fille était si fière, et la plupart de ses amis servaient la cause royaliste. Toutefois elle n'eut garde de se compromettre par des préférences trop décidées. Elle correspondait avec les émigrés, et entretenait des relations amies avec mainte célébrité révolutionnaire ; elle tendait une main à Jaucourt et l'autre à Legendre. Celui-ci reçut d'elle des avances que non-seulement il repoussa, mais qu'il crut devoir dénoncer du haut de la tribune, les regardant comme des tentatives de séduction[29].

Cette sortie de Legendre contre madame de Staël eut lieu à l'occasion d'un projet de décret contre les émigrés, présenté par Delaunay, au nom des Comités réunis, et qui fut adopté. Il portait que les émigrés seraient mis sous la surveillance de leur municipalité, tenus de sortir de Paris dans trois jours, et obligés de s'en éloigner de dix lieues au moins[30].

C'était effectivement à Paris que l'agitation royaliste avait son véritable foyer ; et, là, les divisions sourdes de l'Assemblée, la faiblesse du gouvernement thermidorien, la proscription qui avait frappé les hommes énergiques, l'essor des ambitions nouvelles, la frayeur des uns, l'incertitude des autres, la lassitude du plus grand nombre, après une tourmente si prolongée, promettaient au royalisme un succès qu'on n'avait guère à attendre, ni de l'émigration armée, ni de l'insurrection vendéenne.

A la vérité, Charette avait relevé le drapeau de la monarchie, qu'il tenait maintenant d'une main ferme. Et, certes, les encouragements ne lui manquaient pas. Jamais exploits déshonorés par la cruauté et la perfidie n'avaient été, dans les régions monarchiques, l'objet d'un enthousiasme aussi passionné. Marie-Anne, archiduchesse d'Autriche, faisait savoir à Charette, par Delafarre, évêque de Nancy, qu'elle avait pour sa conduite sublime et ses vertus une admiration profonde, et que telle était, à son égard, la façon de penser de toute la famille impériale[31]. On le désignait comme le second fondateur de la monarchie[32]. Souvarow lui écrivait : Héros de la Vendée ! illustre défenseur de la foi de tes pères et du trône de tes rois ! salut. Que le Dieu des armées veille à jamais sur toi ; qu'il guide ton bras à travers les bataillons de tes nombreux ennemis, qui, marqués du doigt de ce Dieu vengeur, tomberont comme la feuille que le vent du nord a frappée[33].

Malheureusement, ces éloges pompeux et ces vœux poétiques ne donnaient pas à Charette des soldats en nombre suffisant, des munitions de guerre, des fusils, des canons, et une autorité que, dans son propre parti, personne ne contestât.

Sur ce dernier point, le prétendant avait cru lever toutes les difficultés en envoyant à Charette, et cela dès son soi-disant avènement à la couronne, le titre de commandant en chef de l'armée royale et catholique[34]. Mais des bandes d'insurgés qui combattent volontairement, à leurs frais, loin des princes pour qui leur sang coule, ne se gouvernent pas selon les règles applicables à une armée régulière. Le garde-chasse Stofflet n'avait dû qu'à son épée de marcher l'égal du marquis de Lescure ; et Cathelineau n'avait pas de brevet dans sa poche, lorsque la Rochejaquelein et d'Elbée l'avaient accepté pour leur chef. Voilà ce que les gens de l'ancienne Cour étaient incapables de comprendre. Ils se formaient une idée si fausse du genre de guerre dont le succès devait décider de leur fortune, que, dans une lettre du 18 aoùt 1795, le duc de Polignac, ministre du prétendant près la Cour de Vienne, priait Charette d'avoir la complaisance de faire faire dans ses bureaux le bulletin des opérations qui auraient lieu. — Les bureaux de Charette ! s'écrie Puisaye à cette occasion[35], qu'ils sachent donc que les bureaux des insurgés étaient la terre sur laquelle ils couchaient !

Il est certain que le grade conféré à Charette, loin d'ajouter à son autorité, ne pouvait que l'affaiblir, par la jalousie qu'une telle distinction devait naturellement éveiller dans le cœur de ses émules. Charette le sentit bien lui-même, comme le prouve le passage suivant d'une lettre qu'il écrivit plus tard au prétendant, du camp de Montorgueil, et que nous tirons des papiers de Puisaye. C'est un document curieux à plus d'un titre.

Vous m'avez décoré de la qualité de généralissime de vos armées ; mais, vu la connaissance que j'ai des esprits qui les composent, j'ai cru qu'il était sage de temporiser, et de différer à leur manifester mon titre, jusqu'à ce que je fusse encore plus assuré de la confiance et de l'amitié de leurs chefs. J'ai lieu de me féliciter d'en avoir usé ainsi, puisque j'apprends aujourd'hui que l'autorité que vous m'avez confiée est restreinte par la nomination ultérieure que Monsieur (le comte d'Artois) a faite, depuis peu, de quatre généraux de vos armées qu'il fait égaux en titre et en autorité. Il me fait l'honneur et la grâce de me comprendre dans le nombre des quatre. Je ne suis pas moins reconnaissant de ses bontés que de celles de Votre Majesté, mais il paraît qu'il ignorait la qualité de généralissime dont vous m'aviez décoré précédemment... Quelque cher que soit à mon cœur le titre dont vous m'avez honoré, j'en ferai le sacrifice, si vous jugez vous-même, sire, qu'il puisse effectuer le parfait accord qui doit nécessairement régner entre les coopérateurs du bien public[36].

 

Quelle tragique histoire contiennent ces quelques lignes, où s'épanche dans un langage respectueux l'amertume d'une âme blessée ! Ce titre dont Charette se croit obligé de faire un secret, ces trois généraux dont on oppose le pouvoir au sien, les décisions de Louis-Stanislas-Xavier contrariées par celles de son frère, l'offre que fait Charette de sacrifier son rang, si ce sacrifice est jugé nécessaire par le prétendant lui-même, tout cela ouvre à l'esprit les portes d'un monde en proie au démon de la jalousie, des ambitions vulgaires et de l'intrigue.

Une seule chose aurait pu remédier au mal : la présence d'un des deux princes, de l'aîné surtout, à la tête des insurgés. Mais, de toutes les difficultés, la plus grande était précisément celle-là.

On doit cette justice au prétendant qu'il ne se fit pas illusion sur ce qui était la véritable nécessité de la situation. Il existe de lui une lettre qui le prouve. Quoiqu'elle ait été écrite postérieurement à l'époque qui nous occupe[37], nous la citerons ici, parce que son importance historique gît dans les sentiments qu'elle exprime, et non dans les faits auxquels elle se rapporte. Elle était adressée au duc d'Harcourt.

J'ai reçu, mon cher duc, votre réponse à ma lettre du 15 août. J'ai voulu prendre quelques jours avant d'y répondre. Je ne peux qu'être reconnaissant de l'intérêt que le gouvernement anglais prend à ma conservation ; mais je vois en même temps qu'il est dans l'erreur sur l'importance qu'il y met ; et cette erreur est bien naturelle, parce que l'Angleterre se trouve, comme l'Europe entière, à la fin du dix-huitième siècle, tandis que la France, en moins de six années, est revenue à la fin du seizième, et, peut-être, à une époque plus éloignée, sans que l'on puisse comprendre comment elle y est arrivée.

Ma situation est semblable à celle de Henri IV, sauf qu'il avait beaucoup d'avantages que je n'ai pas. Suis-je comme lui dans mon royaume ? Suis-je à la tête d'une armée docile à ma voix ? Ai-je toujours porté les armes depuis l'âge de seize ans ? Ai-je gagné la bataille de Coutras ? Non. Je me trouve dans un coin de l'Italie. Une grande partie de ceux qui combattent pour moi ne m'ont jamais vu. Je n'ai fait qu'une campagne dans laquelle on a à peine tiré un coup de canon. Mon inactivité m'expose à des jugements défavorables de la part de ceux qui me sont restés fidèles, jugements que je ne peux pas appeler téméraires, parce que ceux qui les portent ne sont pas instruits de la vérité. Puis-je conquérir ainsi mon royaume ? Et, supposé que mes fidèles sujets obtiennent un tel secours que je n'aie qu'à me présenter pour recevoir une couronne, pourrai-je par là acquérir la considération personnelle qui me serait si nécessaire ?

On vous dira que si les progrès de Monsieur[38] me promettent une entière sécurité, on me conduira dans mes États ; mais cela signifie uniquement que l'on me fera venir lorsque les grands dangers seront passés. Dieu m'est témoin, et vous le savez, mon cher duc, vous qui connaissez le fond de mon cœur, que j'entendrais avec la plus vive satisfaction répéter le cri des Israélites : Saül a tué mille hommes, et David dix mille ; mais ma joie comme frère ne fait rien à ma gloire comme roi, et, je le répète, si je n'acquiers pas de gloire personnelle, si mon trône n'est pas entouré de considération, mon règne sera peut-être tranquille par l'effet de la lassitude générale, mais il ne sera pas long, et il sera peut-être plus malheureux que celui de Henri III.

Le passage du Rhin, la saison qui s'avance, tout se réunit pour me persuader qu'au moins, pour cette année, le corps du prince de Condé n'agira pas. D'ailleurs, M. de Thugut a dit depuis peu, sans y être provoqué, que je ne jouerais pas auprès de ce corps un rôle convenable ; et je sens, en effet, que j'y serais aussi déplacé qu'à Vérone.

Que me reste-il donc ? La Vendée. Qui peut m'y conduire ? Le roi d'Angleterre. Insistez de nouveau sur cet article. Dites aux ministres, en mon nom, que je leur demande mon trône ou mon tombeau : tout autre parti, quel qu'il soit, est dangereux pour ma gloire, dangereux pour le bonheur présent et futur de mon royaume, dangereux même pour la tranquillité de l'Europe, incompatible avec l'état présent de la France.

Faites sentir tout ceci au Cabinet de Saint-James ; ajoutez une réflexion, moins importante puisqu'elle ne regarde que moi : dites que j'éprouverai une bien douce satisfaction de devoir mon trône, ma gloire, le salut de mon royaume, à un souverain aussi vertueux que le roi d'Angleterre, et à des ministres aussi éclairés que les siens.

Portez-vous bien, mon cher duc, et comptez sur mon amitié

Signé : LOUIS[39].

 

Le prétendant se faisait une bien étrange idée des conditions de la légitimité du pouvoir, lorsqu'il parlait de conquérir son royaume, et de le conquérir par l'appui d'un gouvernement armé contre la France ; mais la partie de sa lettre où il témoignait de son vif désir de partager les périls de ceux qui combattaient pour lui était à la fois très-noble et très-sensée. Seulement, il est permis de douter qu'en adressant au gouvernement anglais une pareille demande, Louis-Stanislas-Xavier comptât beaucoup sur une réponse favorable. En réalité, il croyait peu à la sympathie des Puissances pour la cause de la Maison de Bourbon ; et il se défiait, en particulier, de la sincérité de l'Angleterre.

Les sentiments de son entourage à cet égard se font jour avec une netteté caractéristique dans la lettre que le comte d'Avaray adressait, de Vérone, à Charette, le 13 août 1795 ; il y était dit, en propres termes : Atténuez le mauvais effet que peut produire en France la confiance apparente accordée aux Anglais. Si vous apprenez que le roi est à l'armée de Condé, que cela ne vous étonne pas. Il est essentiel que l'Angleterre n'en soit pas prévenue ; car, voyant le roi avec M. le prince de Condé, elle pourrait le laisser sur le Rhin, dans la dépendance de l'Empereur[40].

De son côté, si Louis-Stanislas-Xavier mandait à Charette qu'il travaillait à prolonger la guerre extérieure, ce n'était pas sans ajouter qu'il la regardait comme un mal nécessaire, jusqu'au jour où le bandeau serait tombé des yeux d'un plus grand nombre de ses sujets[41].

Nous avons sous les yeux une note écrite de la propre main de Louis-Stanislas-Xavier, et nous y lisons : Finir le mémoire que M. Brottier a demandé à M. d'Entraigues, sur le moyen de se passer des Puissances étrangères, si elles venaient à faire la paix[42].

Le prétendant ne disait donc pas le fond de sa pensée lorsqu'il insistait, dans une missive destinée à être lue par les membres du Cabinet britannique, sur la satisfaction qu'il éprouverait à devoir le salut de son royaume à un souverain aussi vertueux que le roi d'Angleterre et à des ministres aussi éclairés que les siens. La lettre au duc d'Harcourt fut-elle communiquée par lui au Cabinet de Saint-James ? Des écrivains royalistes assurent que non[43]. Peut-être le duc, prévoyant l'insuccès de la démarche, crut-il devoir s'abstenir, par égard pour la dignité de son maître, qu'un refus aurait compromise. Toujours est-il que les ministres anglais ne firent rien de ce que le prétendant paraissait si vivement désirer, soit qu'ils ne connussent pas sa demande ; soit qu'ils fussent instruits de ses dispositions secrètes ; soit enfin qu'ils ne fussent pas fâchés de voir se prolonger des divisions intestines qui, en épuisant la France, promettaient de la livrer à leurs coups.

Il est à remarquer, toutefois, qu'ils ne jugèrent pas contraire à leur politique de placer sous les ordres du comte d'Artois une nouvelle expédition qui, de même que celle de Quiberon, devait jeter sur les côtes de France plusieurs milliers d'émigrés en armes et qui, en outre, portait ces régiments anglais que Puisaye avait sollicités avec tant d'instance. Il est vrai que le comte d'Artois n'était pas homme à leur inspirer les mêmes ombrages que son frère : les molles habitudes de ce prince, la faiblesse de son caractère, et sa répugnance, bien connue, à chouanner, ainsi qu'il le disait lui-même[44], étaient de sûrs garants qu'avec lui l'Angleterre ne risquait pas de voir ses sacrifices tourner au profit exclusif de la famille des Bourbons.

Quoi qu'il en soit, le parti royaliste, depuis le désastre de Quiberon, avait cessé d'attendre du dehors ses principales chances, de succès. Tous les patriotes ayant été désarmés, à Paris, sous prétexte de terrorisme, la pique, arme du peuple, y ayant fait place au fusil, arme de la bourgeoisie, et l'élément royaliste s'y étant substitué, dans les sections, à l'élément révolutionnaire, quiconque brûlait de renverser le gouvernement établi avait maintenant les yeux fixés sur la capitale. Il ne fallait qu'une occasion pour faire éclater lamine : les meneurs du parti se tinrent prêts à la saisir ; et ce fut la nouvelle Constitution qu'on discutait alors qui la fournit.

On se rappelle que des lois organiques de la Constitution de 1793 étaient promises : une Commission de onze membres avait été nommée pour préparer le travail, et, le 17 floréal (6 mai), elle s'était mise à l'œuvre.

Les onze membres étaient Lesage (d'Eure-et-Loir), Daunou, Boissy d'Anglas, Creuzé-Latouche, Berlier, Louvet, La Réveillère-Lépeaux, Lanjuinais, Durand-Maillane, Baudin (des Ardennes) et Thibaudeau[45].

Ce dernier nous apprend dans ses Mémoires que Lesage (d'Eure-et-Loir), Boissy d'Anglas et Lanjuinais représentaient, dans la Commission, l'élément monarchique[46]. Le travail préparatoire se ressentit de cette influence.

Le premier acte de la Commission fut de mettre de côté la Constitution de 1793. Au nombre des griefs que les Onze, par l'organe de Boissy d'Anglas, articulèrent contre elle, il y en avait de singuliers. Ils lui reprochaient, par exemple, d'avoir subordonné le pouvoir exécutif au pouvoir législatif[47] ; comme s'il y avait folie à subordonner le bras à la tête ! Et aussi, de n'avoir donné à la Convention aucune garantie contre la tyrannie d'un de ses membres[48] : grief dont il n'est pas facile de comprendre le sens, surtout quand on le rapproche du premier.

Les véritables torts de la Constitution de 1793 n'étaient point là, aux yeux des législateurs du moment. Elle rappelait une époque de laquelle ils ne voulaient rien accepter ; elle faisait revivre le souvenir d'hommes qu'ils avaient pris l'habitude de ne plus nommer que pour les vouer aux dieux infernaux ; et, sur ce terrain, on était toujours sûr de rencontrer les républicains tels que Louvet à côté des royalistes tels que Boissy d'Anglas.

Aussi la Constitution de 1793, quoique votée par la Convention et acceptée par le peuple, fut-elle rejetée par la Commission des Onze, tout d'abord et unanimement[49].

C'était une belle idée que celle d'une Déclaration des Devoirs ; mais on ne saurait en faire honneur aux onze commissaires, quand on songe qu'ils ne l'adoptèrent que pour remédier aux inconvénients d'une Déclaration des Droits ; et, suivant les propres termes de Thibaudeau, comme une sorte de contrepoison[50].

La question s'étant élevée de savoir si la législature aurait le droit d'agrandir ou de démembrer le territoire, les avis se partagèrent, quelques-uns rappelant avec raison combien étaient dangereux pour la liberté le culte de la gloire militaire et l'ardeur des conquêtes. Ces considérations ne prévalurent pas sur le désir de conserver la Belgique et d'acquérir la rive gauche du Rhin. Faute d'oser prendre une conclusion à cet égard, les Onze laissèrent la question indécise[51] ; mais elle fut résolue en fait par le décret de la Convention du 10 vendémiaire (1er octobre) 1795, portant : que tous les pays conquis en deçà du Rhin, ainsi que la Belgique, l'État dé Liège et le Luxembourg, seraient réunis au territoire de la République et formeraient neuf départements. Par cette extension, le nombre des départements s'élevait à 98.

La Constitution de 1793 avait déclaré partie intégrante du corps social tout homme né et domicilié en France, et âgé de vingt et un ans accomplis : les Onze ne jugèrent pas ces conditions suffisantes pour donner la qualité de citoyen français. Thibaudeau assure dans ses Mémoires que les uns, tels que Lesage et Lanjuinais, voulant subordonner l'exercice des droits politiques à la condition de payer une contribution, et Baudin à celle de savoir lire et écrire, les autres opinèrent pour qu'on laissât à l'égalité, sa plus grande latitude[52]. Il faut que, sur ce point, les souvenirs de Thibaudeau l'aient trompé ; car, dans le rapport présenté, depuis, par Boissy d'Anglas à la Convention, au nom des commissaires, ceux qui ne payent pas de contributions sont mis sur la même ligne que les banqueroutiers, lesquels sont réputés ne faire point partie du corps social, quoique ayant droit à la protection du gouvernement[53]. En tout cas, ce ne fut point le principe de l'égalité dans sa plus grande latitude qui prévalut dans l'Assemblée, puisque la Constitution de l'an III, telle qu'elle fut définitivement votée, range au nombre des conditions requises pour être citoyen français, celle de payer une contribution directe, personnelle ou foncière. Les pauvres n'étant pas des citoyens, qu'entendait-on qu'ils fussent ? Des Ilotes ? On aurait dû au moins avoir le courage de le dire.

En adoptant le système des deux Chambres, la Commission des Onze, si l'on en croit Thibaudeau, ne se laissa influencer par aucune idée d'aristocratie. Ce qui la détermina, ce fut, indépendamment de l'exemple de l'Angleterre et de l'Amérique, l'expérience des entraînements dangereux auxquels une assemblée unique est sujette à s'emporter[54].

Elle crut, selon l'expression de Baudin (des Ardennes), que deux Chambres étaient nécessaires : l'une pour représenter l'imagination de la nation ; l'autre pour représenter sa raison[55]. De fait, après s'être prononcée pour l'établissement de deux Chambres, qui furent nommées : la première Conseil des Cinq-Cents, du nombre des membres dont elle devait se composer, et la seconde Conseil des Anciens, parce qu'on n'y devait être admis qu'à un certain âge, la Commission eut soin de ne conférer à cette dernière que le droit d'accepter ou de rejeter les lois proposées par le Conseil des Cinq-Cents, les deux branches de la législature ayant d'ailleurs pour commune origine l'élection par les citoyens, et ne se distinguant l'une de l'autre par aucune prérogative d'essence aristocratique.

Les Onze ayant emprunté des États-Unis l'idée des deux Chambres, il semblait naturel qu'ils empruntassent également des États-Unis l'idée d'un président. C'est ce que proposèrent Lesage, Lanjuinais et Durand-Maillane ; mais dans un président, leurs collègues virent l'ombre d'un roi : l'établissement d'un Directoire exécutif composé de cinq membres naquit de la frayeur qu'inspirait le retour possible de la royauté[56].

Restait la question de savoir par qui serait nommé le pouvoir exécutif ou Directoire. La crainte que le pouvoir exécutif ne fût trop puissant, s'il sortait de l'élection populaire, fut le motif qui porta la Commission des Onze à confier à la législature le choix des cinq Directeurs[57].

Telles étaient les bases du projet de Constitution que Boissy d'Anglas fut chargé de présenter à la Convention, ce qu'il fit dans la séance du 5 messidor (23 juin). La discussion s'ouvrit le 16, et elle était déjà avancée, lorsque Sieyès vint proposer un nouveau travail qui renversait celui de la Commission de fond en comble.

Nommé, dès l'abord, membre de cette Commission, il avait refusé d'en faire partie, pour n'avoir pas à quitter le Comité de salut public, dont il était à cette époque, et, peut-être aussi, parce qu'il répugnait à son orgueil de partager avec d'autres l'honneur de construire un édifice politique qu'il voulait paraître seul capable d'élever sur des fondements solides. Cet homme, de qui Mirabeau avait dit tout haut : que son silence était une calamité publique, et, tout bas : qu'il lui ferait une renommée qu'il ne pourrait supporter[58], jouissait alors d'une réputation colossale. On le regardait comme le penseur par excellence, comme l'invisible moteur de la Révolution, comme l'âme cachée des événements. Thibaudeau, qui ne fut pas dupe de cette grande mystification, représente Sieyès affectant de ne pas prendre séance avec ses collègues dans les Comités, se promenant en long et en large pendant les délibérations, et, quand il condescendait à donner son avis, s'éloignant aussitôt, comme si tout eût été dit dès qu'il avait parlé[59]. Mirabeau s'était montré un charlatan de vices : Sieyès fut un charlatan de gravité. L'immense réputation qu'il acquit montre assez avec quel succès il joua la comédie de la profondeur.

Son plan, néanmoins, ne fut pas adopté, mais il reparut plus tard.

Ce fut le 5 fructidor (22 août) que la Convention vota la Constitution dite de l'an III, sauf acceptation par le peuple. En résumé, cette Constitution portait :

Que la République française était une et indivisible ;

Que l'universalité des citoyens français était le souverain ;

Que la division de la France en départements serait maintenue, chaque département devant être distribué en cantons et chaque canton en communes ;

Que tout homme né et résidant en France, âgé de vingt et un ans, s'étant fait inscrire sur le registre civique de son canton, ayant demeuré, depuis, pendant une année sur le territoire de la République, et payant une contribution directe, foncière ou personnelle, était citoyen français, appelé comme tel à voter dans les assemblées primaires ;

Qu'il y aurait au moins une assemblée primaire par canton ;

Que toutes les élections se feraient au scrutin secret ;

Que chaque assemblée primaire nommerait un électeur jusqu'au nombre de trois cents citoyens inclusivement ; deux électeurs, depuis trois cent un jusqu'à cinq cents ; trois, depuis cinq cents jusqu'à sept cents ; quatre, depuis sept cent un jusqu'à neuf cents ;

Que, pour être électeur, il faudrait être âgé de vingt-cinq ans accomplis et être, soit propriétaire, soit usufruitier, soit locataire d'un bien évalué à un revenu de cent, cent cinquante, ou deux cents journées de travail, suivant la population des communes et les localités ;

Qu'il y aurait une assemblée électorale par département ;

Que les assemblées électorales éliraient les membres des deux branches du Corps législatif, ceux du tribunal de cassation, les hauts-jurés, les administrateurs des départements ; les président, accusateur public et greffier du tribunal criminel, et les juges des tribunaux civils ;

Que la législation serait confiée à deux Conseils, l'un, celui des Cinq-Cents, chargé de proposer les lois ; l'autre celui des Anciens, chargé de les accepter ou de les rejeter, et tous les deux renouvelables par tiers chaque année ;

Que le Conseil des Cinq-Cents resterait invariablement fixé à ce nombre, et que le Conseil des Anciens se composerait de deux cent cinquante membres ;

Que, pour être membre du Conseil des Cinq-Cents, il faudrait être âgé de trente ans accomplis ;

Que, pour être membre du Conseil des Anciens, il faudrait être âgé de quarante ans accomplis, et, de plus, être marié ou veuf ;

Que les membres du Corps législatif recevraient une indemnité annuelle de la valeur de trois mille myriagrammes de froment ;

Qu'aucun corps de troupes ne pourrait passer ou séjourner dans la distance de six myriamètres de la commune où le Corps législatif tiendrait ses séances, à moins que ce ne fût sur sa réquisition ou avec son autorisation ;

Que le Corps législatif aurait une garde qui ne pourrait être au-dessous de quinze cents hommes en activité de service ;

Que le Conseil des Anciens aurait le droit de changer la résidence du Corps législatif ;

Qu'aucune proposition, dans le Conseil des Cinq-Cents, ne pourrait être délibérée ni votée qu'après trois lectures, à dix jours d'intervalle l'une de l'autre ;

Que les citoyens membres ou ayant été membres du Corps législatif ne pourraient être recherchés, accusés ni jugés en aucun temps pour ce qu'ils auraient dit ou écrit dans l'exercice de leurs fonctions ;

Que le pouvoir exécutif serait délégué à un Directoire de cinq membres âgés de quarante ans au moins ;

Que les membres du Directoire seraient nommés par le Conseil des Anciens, au scrutin secret, sur une liste présentée par le Conseil des Cinq-Cents ; formée aussi au scrutin secret, et décuple du nombre des membres à élire ;

Que le Directoire serait partiellement renouvelé par l'élection d'un membre chaque année ;

Qu'il nommerait hors de son sein et révoquerait les ministres, dont les attributions et le nombre seraient d'ailleurs déterminés par le Corps législatif ;

Que la mission du Directoire serait de pourvoir, d'après les lois, à la sûreté intérieure et extérieure de la République, de surveiller et d'assurer l'exécution des lois dans les administrations et tribunaux, par des commissaires à sa nomination, mais sans qu'il fût admis pour cela à entrer en partage du pouvoir législatif ;

Que les cinq Directeurs seraient logés dans le même édifice, aux frais de la République ; qu'ils auraient une garde de cent vingt hommes à pied et de cent vingt hommes à cheval, et que le traitement annuel de chacun d'eux serait de cinquante mille myriagrammes de froment.

Quant au pouvoir judiciaire, il était confié à des juges électifs. Au lieu d'assemblées communales, il ne devait y avoir que des administrations municipales et départementales, procédant aussi du principe électif. La presse était déclarée libre ; mais on interdisait toute société populaire tenant des séances publiques. Dès le 26 thermidor (13 août), et sous l'influence de l'effet produit par la descente de Quiberon, l'Assemblée avait adopté une clause additionnelle, conçue en ces termes : La nation française déclare que jamais, en aucun cas, elle ne souffrira la rentrée des Français qui, ayant abandonné la patrie depuis le 15 juillet 1789, ne sont pas compris dans les exceptions faites aux lois contre les émigrés. Les biens des émigrés sont irrévocablement acquis à la République.

La Constitution de l'an III renfermait beaucoup d'autres articles, pour lesquels nous renvoyons le lecteur au texte même, parce que ces articles, ou se rapportent à de purs détails d'organisation, ou rentrent dans les Constitutions précédentes. Les dispositions signalées sont celles qui dessinent la physionomie politique de la législation thermidorienne et en caractérisent plus particulièrement la portée.

Une chose frappe d'abord dans cette œuvre : c'est l'absence de tout ce qui serait de nature à indiquer un but social commun, et à rappeler, fût-ce indirectement, le principe de la fraternité humaine. Pas une clause importante qui ne soit marquée au coin de l'individualisme, et de l'individualisme dans ce qu'il a de plus étroit. La Déclaration des Devoirs, donnée pour préface à la Constitution de l'an III, disait, article 8 : C'est sur le maintien des propriétés que repose tout l'ordre social, ce qui revenait à déclarer étranger à l'ordre social quiconque n'est pas propriétaire : cette théorie conduisit naturellement, d'abord à priver les pauvres du titre de citoyen, puis à faire dépendre de certaines conditions de fortune, en le combinant avec l'élection à deux degrés, l'exercice du droit de souveraineté. Il y avait loin de là aux principes qui avaient constitué l'esprit ou, plutôt, l'âme de la Révolution française !

En adoptant le système des deux Chambres, les législateurs de l'an III avaient cru faire acte de sagesse, et ils ne s'étaient pas aperçus que leur Conseil des Anciens n'avait aucune raison d'être. La raison d'être du Sénat, en Amérique, c'est la nécessité de ne pas laisser le principe unitaire absorber trop complètement le principe fédéral, et d'assurer, dans la constitution politique, la représentation des divers États dont la confédération se compose. La raison d'être de la Chambre des Lords, en Angleterre, c'est l'existence, dans ce pays, d'une aristocratie puissante, maîtresse du sol, et appuyée sur le droit de primogéniture. Mais en France, où il n'y avait ni fédération ni aristocratie, à quel principe politique où à quelle force sociale pouvait répondre une seconde Chambre ayant même origine que la première, provenant de la même source et composée des mêmes éléments ? Rien de plus futile que l'idée d'assigner un caractère distinctif au Conseil des Anciens, en n'y admettant que des hommes âgés de quarante ans, mariés ou veufs : cette clause n'aurait eu un sens que si l'on avait exclu du Conseil des Cinq-Cents les pères de famille et les vieillards.

Il est vrai que le double examen est une garantie contre les entraînements auxquels se laissent quelquefois emporter les assemblées délibérantes, et, à ce point de vue, l'existence d'une seconde Chambre avait pu paraître désirable, mais sa nécessité devenait tout au moins douteuse, dès qu'on admettait — disposition très-sage — qu'aucune loi ne serait discutée, au Conseil des Cinq-Cents, qu'après trois lectures préalables. D'ailleurs, le droit donné à une assemblée d'accepter ou de rejeter les lois fait de cette assemblée un des pouvoirs de l'État, et présente, sous le rapport politique, plus d'inconvénients qu'il ne présente d'avantages sous le rapport purement législatif. Tel qu'il fut institué, le Conseil des Anciens, s'il n'était pas un rouage inutile, risquait de devenir un embarras.

Les législateurs de l'an III ne furent guère mieux inspirés dans cette partie de leur travail qui concernait la formation du pouvoir exécutif.

Et d'abord, le composer de cinq membres, c'était en faire presque un corps délibérant ; c'était briser le nerf de l'action ; c'était affaiblir outre mesure la responsabilité à force de la diviser ; c'était déposer un germe d'anarchie au sein même du pouvoir qu'on chargeait de réprimer l'anarchie.

Ensuite, il était peu sage de rendre complètement étrangers à la confection des lois ceux à qui l'on confiait la mission de les mettre en mouvement ; car on aurait dû prévoir le cas où, mieux placés que les législateurs pour apprécier ce que commandaient les circonstances, les Directeurs répugneraient à faire exécuter certaines mesures décrétées en dehors d'eux, et se trouveraient de la sorte en opposition ouverte avec les Conseils.

Un article, dans la Constitution de l'an III, mérite qu'on s'y arrête : c'est celui qui met les membres du Corps législatif à l'abri de toute recherche pour ce qu'ils auraient dit ou écrit dans l'exercice de leurs fonctions. Comment les réacteurs purent-ils voter un pareil article sans que le rouge leur montât au front ? Comment purent-ils oublier à ce point que c'était en s'armant contre leurs adversaires de ce que ceux-ci avaient dit ou écrit dans l'exercice de leurs fonctions, qu'ils étaient parvenus à mettre, selon le langage du temps, la proscription à l'ordre du jour ? Il était un peu tard pour s'apercevoir que la liberté de la tribune est une condition sans laquelle il n'est pas d'assemblée délibérante possible !

Il y aurait trop à dire s'il fallait relever tout ce qui prête à la critique dans la Constitution de l'an III. Mais ce qui est caractéristique, c'est qu'elle fut attaquée par les royalistes, non dans ce qu'elle avait de mauvais, mais, au contraire, dans ce qu'elle avait de bon. L'on en jugera par le passage suivant, résumé fidèle de leurs plaintes et de leurs anathèmes :

Qu'est-ce donc que ce Directoire du pouvoir exécutif qui tiendra son existence du pouvoir législatif ? Il sera donc son agent naturel ! Il ne lui manque plus que d'être à sa solde ! Si le Corps législatif est factieux, ou, ce qui est la même chose quant à l'effet, l'esclave d'un parti factieux, le pouvoir sera donc le vil agent d'une législative détestable ! Dans cette hypothèse, très-naturelle, où la nation ira-t-elle chercher ses garanties ?[60]

 

Ainsi, les royalistes trouvaient monstrueux que, dans le corps politique, le bras dépendît de la tête ! Et l'esprit de faction ne leur paraissait à craindre que dans les représentants du peuple !

Il est juste de reconnaître que les arguments des ennemis de la Révolution n'étaient pas sans tirer quelque force du drame qui se jouait alors sur la scène politique. Mallet du Pan né consultait certainement que sa haine et ne parlait que le langage plein de fiel de l'esprit de parti, lorsqu'il disait des vainqueurs de Robespierre : Ce sont des valets qui ont pris le sceptre de leurs maîtres après les avoir assassinés[61]. Mais il est certain que la Convention donnait au monde, depuis quelques mois, un spectacle peu fait pour recommander à l'admiration des hommes le gouvernement des assemblées. L'occasion parut admirable aux royalistes pour faire un essai hardi de leurs forces : le chapitre suivant dira le résultat de cette tentative.

 

 

 



[1] Moniteur, an III (1795), n° 313.

[2] Décret du 14 floréal (3 mai) 1795.

[3] Voyez le discours qu'il prononça dans cette circonstance, p. 315 des Souvenirs, extraits de ses papiers et de sa correspondance.

[4] Doulcet de Pontécoulant, Souvenirs, p. 320.

[5] Séance du 11 thermidor (29 juillet) 1795.

[6] Séance du 15 thermidor (31 juillet) 1795.

[7] Moniteur (an III), n° 235.

[8] Courrier républicain, n° 593.

[9] Courrier républicain, n° 595.

[10] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan.

[11] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. II, ch. V, p. 143.

[12] Voyez dans le Courrier républicain, n° 599, la réclamation d'un citoyen arrêté, puis mis en liberté, après un long interrogatoire sur sa cravate verte.

[13] Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution de France, t. VI, p. 201, 202.

[14] Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution de France, t. VI, p. 192, 193.

[15] Courrier républicain, n° 594.

[16] Courrier républicain, n° 594.

[17] Courrier républicain, n° 596.

[18] Beaulieu, Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution de France, t. VI, p. 169.

[19] Journal du Bonhomme Richard, n° 22.

[20] Moniteur, an III, n° 125.

[21] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. II, ch. V, p. 125, 126.

[22] Moniteur, an III, n° 321.

[23] Séances des 21 et 22 thermidor (8 et 9 août) 1795.

[24] Beaulieu, Essais historiques, etc., t. VI, p. 194-196.

[25] Mallet du Pan, Mémoires et correspondance, t. II, chap. VIII, p. 178, 179.

[26] Mallet du Pan, Mémoires et correspondance, t. II, p. 178, 179. Lettre au comte de Sainte-Aldegonde.

[27] Nous avons déjà donné, dans le chapitre AGENTS DE PARIS, la clef du langage mystérieux employé par les agents dans leur correspondance.

[28] Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. — Mémoire sur l'agence de Paris. Manuscrits du British Museum.

[29] Voyez son discours dans la séance du 1er fructidor (18 août) 1795.

[30] Séance du 1er fructidor (18 août) 1795.

[31] Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres. — Lettre de Delafarre à Charette. Vienne, 19 aoùt 1795.

[32] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 120.

[33] Correspondance secrète de Charette, Stofflet, etc., t. I, p. 33.

[34] Puisaye, dans ses Mémoires, t. IV, p. 120, assigne à la lettre de nomination la date du 8 janvier 1795. C'est une erreur ; cette lettre, qu'on trouve textuellement reproduite dans la Correspondance secrète déjà citée, porte la date du 8 juillet 1795.

[35] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 121.

[36] Papiers de Puisaye, vol. LVII. — Manuscrits du British Museum.

[37] La copie de cette lettre se trouve parmi les Papiers de Puisaye (Manuscrits du British Muséum). Elle porte la date du 28 octobre 1795. Montgaillard se trompe en lui assignant, dans son Histoire de France, t. IV, p. 575, 374, la date du 28 septembre 1795 ; et Michaud jeune se trompe bien plus gravement encore dans sa Biographie de Louis XVIII (Biographie universelle, supplément), en la donnant comme écrite antérieurement à l'expédition de Quiberon.

[38] C'était le titre du comte d'Artois, depuis le prétendu avènement de son frère à la couronne.

[39] Papiers de Puisaye, vol. LVII. Manuscrits du British Museum.

[40] Lettre du comte d'Avaray au chevalier Charette, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, t. I, p. 23, 25.

[41] Lettre du prétendant à Charette. Vérone, 18 septembre 1795, Correspondance secrète, etc., t. I, p. 22.

[42] Papiers de Puisaye, vol. I. Manuscrits du British Museum.

[43] Montgaillard, Histoire de France, t. IV, p. 474-475.

[44] Voyez plus haut le chapitre intitulé LES ÉMIGRÉS.

[45] Mémoires de Thibaudeau, t. I, ch. XV, p. 177.

[46] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 179.

[47] Rapport de Boissy d'Anglas, dans la séance du 5 messidor (23 juin), Courrier républicain, n° 597.

[48] Rapport de Boissy d'Anglas, dans la séance du 5 messidor (23 juin), Courrier républicain, n° 597.

[49] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 179.

[50] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 180.

[51] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 181.

[52] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 182.

[53] Voyez le Courrier républicain, n° 597.

[54] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 182 et 183.

[55] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 183.

[56] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 183.

[57] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 183.

[58] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 178.

[59] Mémoires de Thibaudeau, t. I, p. 178.

[60] Courrier républicain, n° 595. — Il ne faut pas oublier que. malgré son titre, ce journal, rédigé par Poncelin, était un des principaux organes du royalisme.

[61] Mémoires et Correspondance de Mallet du Pan, t. II, ch. V, p. 116.