HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE QUINZIÈME

 

CHAPITRE II. — LES AGENTS DE PARIS

 

 

Concert entre Pitt et le comte de Puisaye. — Pouvoirs donnés à Puisaye par le comte d'Artois. — Puisaye prépare la guerre civile en Bretagne. — Régiments d'émigrés à la solde de l'Angleterre ; contrat passé à ce sujet avec le gouvernement britannique. — Formation des régiments d'émigrés ; difficulté de les compléter. — Faction d'Espagne, dans le parti royaliste, opposée à la faction d'Angleterre. — Document curieux sur les tendances et l'origine de la faction d'Espagne. — L'Espagne, Tallien et la fille de Cabarrus. — Politique de la faction d'Espagne. — Les agents de Paris. — L'abbé Brotier. — Duverne de Praile. — Le chevalier Despomelles. — Exigences des conspirateurs. — Pouvoirs donnés aux agents de Paris par Louis-Stanislas-Xavier. — Lemaître. — Machiavélisme des partis. — De la Villeheurnoy. — Le comte d'Entraigues et le duc de la Vauguyon à la tête de la faction d'Espagne. — Le duc d'Avaray et les agents de Paris. — Autre agence dirigée par Précy. — Plan des agents. — Leur opinion sur Tallien et Cambacérès. — Dangers courus par les agents. — Haine secrète que les agents et leur parti nourrissent contre l'Angleterre. — Leur ardeur à la décrier, tout en profitant de ses secours. — Efforts des agents pour perdre Puisaye. — Leur mauvaise foi. — Noires pratiques. — Ce que Puisaye pensait d'eux et de leur faction. — Conclusion.

 

Le comte Joseph de Puisaye fut, dans le parti royaliste, l'âme de la faction qui s'appuyait sur l'Angleterre. Actif, habile, spirituel et léger de scrupules, Puisaye était parvenu à inspirer au ministre anglais Windham une confiance presque absolue, et convint tout d'abord à Pitt.

Le chef du ministère britannique et le conspirateur français s'entendirent dès la première entrevue. Il y fut décidé :

Que le séjour de Puisaye en Angleterre serait tenu sous le plus grand secret ;

Qu'on lui fournirait les moyens de faire passer aux Bretons soulevés tous les secours nécessaires, soit en armes, soit en argent ;

Que le prince de Bouillon, connu en Angleterre sous le nom de capitaine d'Auvergne, serait spécialement chargé de la correspondance avec l'armée catholique et royale de Bretagne, et qu'à cet effet, un commandement particulier lui serait assigné à la pointe de l'île de Jersey ;

Que, quant à l'ensemble des mesures à prendre pour assurer le triomphe des royalistes de l'Ouest par l'appui des Anglais, Puisaye aurait à présenter ses vues à cet égard dans un mémoire qui pût servir de point de départ aux résolutions du Conseil[1].

Toutes les facilités que pouvait désirer Puisaye, on les lui donna, jusque-là que l'arsenal et la Tour de Londres, toujours fermés à l'étranger en temps de guerre, lui furent ouverts, afin qu'il y choisît les armes à envoyer aux royalistes[2].

Dans une première lettre, datée du 15 octobre 1795, le comte d'Artois, en qualité de lieutenant général du royaume, et en vertu des pouvoirs à lui confiés par celui qu'il nommait le régent, avait écrit à Puisaye : Vous pouvez compter fermement, monsieur, que je confirmerai avec plaisir, lorsque je vous aurai rejoint, tout ce que le conseil militaire et vous aurez jugé utile au bien du service du roi[3].

Dans une seconde lettre du 6 novembre, datée du château de Zipendal, près Arnheim, il lui écrivait, en termes plus explicites encore :

Je vous autorise à vous considérer comme lieutenant général au service du roi de France, et à vous faire obéir en cette qualité par l'armée de Sa Majesté très-chrétienne[4].

 

Puisaye se mit à l'œuvre sans autres pouvoirs que ceux qu'il tenait du comte d'Artois. Or il semble qu'ils auraient dû plutôt lui venir de Louis-Stanislas-Xavier, ce dernier étant, aux yeux des royalistes, régent de France. D'où vient qu'il n'en fut pas ainsi ? La raison en est dans les jalousies et les dissensions qui rongeaient le parti des émigrés. Puisaye dit dans ses Mémoires : Je ne sais par quelle fatalité le régent n'avait pas encore reçu, au commencement de 1797, une seule des lettres que j'ai eu l'honneur de lui adresser dans toutes les occasions qui se sont offertes à moi depuis le mois d'octobre 1794[5]. Cette fatalité, c'était, on le verra plus loin, la haine profonde que nourrissaient contre Puisaye les correspondants du soi-disant régent et les hommes de son entourage.

Quoi qu'il en soit, il se crut ou affecta de se croire suffisamment autorisé, et fut obéi. Les missives qu'on va lire donneront une idée de la nature de ses communications avec le Comité central, catholique-royal, établi en Bretagne, et des intrigues qui ranimèrent dans ce pays la guerre civile.

Ne discontinuez pas d'agir. Étendez-vous le plus que vous pourrez. Multipliez les cantons où vous envoyez des jeunes gens, dont vous ferez des chefs. Je vais faire partir trois prêtres du diocèse d'Avranches, qui vous aideront à donner la main à la Normandie. Ayez surtout les yeux sur le Morbihan. Il peut se faire qu'il devienne le point le plus important. Qu'on s'assure de toute cette côte, et qu'on m'envoie un détail du pays, en embouchant la Vilaine et la Loire. Qu'on y répande les assignats, et que l'intérieur de toute cette baie soit travaillé avec le plus grand soin[6].

— Vous recevrez par cet envoi à peu près dix millions, des vestes, des habits, pantalons, écharpes blanches, culottes de peau, ceintures de cuir, deux lettres imprimées de monseigneur le comte d'Artois, dont une vous est adressée et dont je vous porterai l'original (les redingotes ne sont pas encore faites) ; l'habit rouge, boutonné sur la poitrine, avec l'écharpe blanche en bandoulière ; la veste vert-pâle, la culotte de peau ; le pantalon vert, garni de basane ; la redingote verte ; le chapeau rond, surmonté d'une queue de renard blanc, avec un panache blanc. Je joins à cela soixante paires de bottes, et, successivement, vous aurez tout ce qu'il vous faudra[7].

Dans une autre lettre, il annonçait l'envoi de trente mille paires de souliers, de deux cents espingoles, de deux mille havresacs, et mandait à ses complices, sur un ton triomphal, qu'il venait de conclure un marché pour cinquante mille fusils[8].

Les agents de Puisaye et du gouvernement anglais, dans ce commerce de trahisons, étaient Houard, Bertin, Tarillon, Maincent, Gouin, Macé, Dufour[9], et surtout Prigent, officier distingué, que Pitt estimait fort et par qui Puisaye lui avait été présenté[10]. Leur chef direct était, comme nous l'avons dit, Philippe d'Auvergne, prince de Bouillon.

Ces intrigues étaient puissamment secondées par quelques dames royalistes, par une comtesse de Gouyon notamment, dont la famille était très-répandue en Bretagne[11].

Dès 1793, du Dresnay avait été autorisé à lever en Angleterre un corps d'émigrés[12] : le 22 janvier 1795, le ministre Windham obtint, pour leur solde, de la Chambre des Communes, quatre cent vingt-sept mille livres sterling[13]. De tous les membres du gouvernement britannique, Windham était le plus ardent à soutenir la cause des royalistes français. Pitt, Dundas, Grenville, hésitèrent quelquefois : Windham jamais[14] !

Les régiments d'émigrés à la solde de l'Angleterre devaient être composés de quinze cent cinquante hommes. Ils furent fixés tout d'abord au nombre de sept, et mis sous les ordres du marquis d'Autichamp, du comte de Viomesnil, du marquis de Béthisy, du duc de Mortemart, du duc de Castries, de du Dresnay et du comte d'Hervilly[15].

Voici quelles furent les principales dispositions du contrat passé, à ce sujet, avec le gouvernement britannique :

Les corps français qui sont à former le seront sous l'autorité dont Sa Majesté le roi d'Angleterre a été investie par acte de la présente session du Parlement, intitulé : Acte pour mettre les sujets de France en état de s'enrôler dans des régiments destinés à servir sur le continent de l'Europe — on n'avait pas ajouté, par pudeur sans doute : contre la France.

Chaque régiment se composera de deux bataillons.

On recrutera parmi les paysans, les déserteurs et les troupes de ligne.

Les fonds nécessaires pour la levée des quinze cent cinquante hommes dont chaque régiment doit être composé, sans compter les officiers d'état-major, seront fournis au taux de trois livres dix shellings par homme, et seront payés entre les mains des colonels.

Les colonels nommeront leurs officiers, sauf approbation de Sa Majesté ; mais, pour être élevé à un rang quelconque, tout officier devra posséder, au service de France, le rang immédiatement supérieur. Ainsi, les lieutenants-colonels seront choisis parmi les colonels, les capitaines parmi les lieutenants-colonels, etc.

Les colonels s'engagent à compléter leurs régiments dans l'espace de trois mois, à partir du jour où ils auront reçu leurs lettres de service, sous peine de perdre leur position.

L'uniforme sera rouge, doublé de blanc, avec gilet et culottes de même couleur que la doublure, sans autre ornement que les signes employés pour différencier les rangs. La cocarde sera blanche. Les drapeaux seront blancs et ornés de trois fleurs de lis. Les couleurs distinctives des régiments seront : pour d'Autichamp, le bleu clair ; pour Viomesnil, le blanc ; pour Béthisy, le jaune ; pour Mortemart, le noir ; pour de Castries, le vert gai ; pour du Dresnay, le vert foncé ; pour d'Hervilly, la couleur peau de buffle.

Les corps dont il s'agit devront servir pendant toute la durée de la guerre et un an après la cessation des hostilités, à moins que Sa Majesté ne puisse se passer plus tôt de leurs services.

Pour les cas non prévus et en tout ce qui n'aura point été spécifié dans le présent règlement, les corps à la solde de l'Angleterre auront à se conformer aux ordres de Sa Majesté Britannique, relatifs à ses propres troupes, et seront sur le même pied que les troupes anglaises.

Approuvé, le duc d'HARCOURT, GRENVILLE, et W. WINDHAM[16].

 

Les émigrés craignaient, plus que toute chose, qu'on ne les confondît avec les troupes de la Coalition : ce fut à cause de cela qu'on leur donna le drapeau blanc et la cocarde blanche[17].

L'article du règlement qui autorisait les colonels à enrôler des déserteurs et des paysans témoigne des difficultés qu'avait, tout d'abord, présenté le recrutement.

Et en effet, l'idée de périr avec une épaulette ne répugnait pas trop à l'orgueil des émigrés ; mais descendre au métier de simples soldats, eux bercés dans le luxe, et sacrifier à la cause du roi jusqu'aux souvenirs de leur éducation, jusqu'aux fiers préjugés de leur naissance, ils n'y pouvaient consentir. En s'adressant à eux, les colonels n'auraient réussi à lever que des régiments... d'officiers[18].

Le gouvernement anglais, pour obvier à cet inconvénient, fournit aux recruteurs des différents corps toutes les facilités nécessaires pour enrôler, en Brabant, dans le Palatinat, dans l'électorat de Trêves et le long des frontières de France, déserteurs et paysans. Mais, ainsi que le remarque Puisaye lui-même, les armées de la Coalition fuyaient devant les armées de la République, et les vainqueurs ne désertent pas aux vaincus[19]. Quant aux paysans — et c'est encore Puisaye qui l'avoue — il ne s'était manifesté dans ces pays aucune disposition à la révolte : si les plus braves y avaient pris les armes, c'était uniquement contre les maraudeurs des armées combinées ; et, si l'on n'y aimait pas les républicains, on n'y aimait pas davantage les alliés, ennemis de la France[20].

Faute de déserteurs et de paysans, il fallut enrôler des prisonniers de guerre : dangereuse ressource qui risquait d'appeler des républicains sous les drapeaux du royalisme ! Le régiment de du Dresnay ne se composa guère que de soldats de cette catégorie ; ils y figurèrent au nombre de six cents environ[21].

Lors de l'évacuation de Toulon, un régiment d'émigrés toulonnais, le Royal Louis, s'était réfugié en Angleterre : d'Hervilly, même au moyen d'un arrangement avec ce corps, ne put porter son régiment qu'aux deux tiers du complet[22].

Les efforts de Mortemart, de Castries, de Viomesnil, de Béthisy, n'eurent presque pas de succès[23].

De cinq ou six cents marins, parmi lesquels beaucoup d'officiers de la marine royale, on parvint à composer un nouveau régiment, celui d'Hector[24].

Enfin, quatre cents canonniers toulonnais commandés par le lieutenant-colonel Rothalier, et une petite brigade d'ingénieurs émigrés, formée par les soins et sous la protection de lord Moira, firent le complément des forces qu'il fut possible de rassembler[25].

On avait compté sur quatorze mille hommes, et le dixième de ce nombre n'était pas atteint[26].

C'était peu pour l'invasion projetée du territoire français ! Aussi Puisaye sollicitait-il avec instance l'appui d'une armée anglaise. Il écrit à ce sujet :

Quoique M. Windham ne s'ouvrit pas à moi sur ce qui s'agitait au Conseil, il ne me fut pas difficile d'entrevoir que, s'il pensait qu'il fallait profiter de l'occasion pour porter un coup décisif, cette opinion n'était pas celle de tous ses collègues[27].

Pitt aimait mieux donner la France à déchirer à ses propres enfants.

La demande de Puisaye fut donc repoussée.

Restait à savoir si, avec les émigrés seuls, il pourrait débarquer en Bretagne et s'y maintenir. Interrogé à cet égard, il n'hésita point à répondre affirmativement, de peur de tout compromettre en paraissant douter du succès[28].

Mais pendant que Puisaye et ceux de son parti cherchaient à opérer la contre-révolution, à l'aide de l'Angleterre, le parti qui entourait Louis-Stanislas-Xavier ne songeait qu'à s'assurer l'appui de l'Espagne.

Sur l'origine et les tendances supposées de ce dernier parti, il existe, parmi les manuscrits du British Museum, un document très-curieux, et qui mérite d'être mis au jour : c'est une lettre que le comte de Puisaye écrivit, de Londres, au prétendant Louis-Stanislas-Xavier, le 3 avril 1797.

En voici les passages les plus saillants :

Il est une faction qui est la plus ancienne de toutes comme elle en est la plus perfide et la plus adroite. Elle a suivi tous les mouvements de la Révolution et s'est pliée à toutes les circonstances... Elle a sacrifié ses agents quand cela lui a semblé utile, et elle a profité des fureurs des partis opposés, dans lesquels elle n'a cessé d'entretenir des espions et des émissaires. L'objet de cette faction est de placer un des infants d'Espagne sur le trône de France. Dès 1791, la maison d'Espagne profita de la nouvelle constitution pour s'y faire un titre particulier et prochain à la succession à la couronne. Il était difficile d'obtenir un acte positif qui rendît nulle dans ses effets la renonciation de Philippe V, mais la circonstance résultant de la haine qu'on portait au duc d'Orléans était favorable pour se faire un titre négatif, qui, dans les vues de la faction, devait produire le même effet. Par suite de cette tactique qui a si souvent maîtrisé les assemblées délibérantes, on chargea Rewbell de demander à celle-ci une chose qu'on prit en même temps des mesures pour faire rejeter ; et, sur la proposition qu'il fit à l'Assemblée constituante de prononcer par un décret l'exclusion formelle et irrévocable de la branche d'Espagne, en confirmation de la renonciation de Philippe V, il fut déclaré qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. Dès ce moment on put prévoir le parti que tiendrait le Cabinet de Madrid durant le cours de la Révolution, si l'on compare avec cette délibération l'article de l'acte constitutionnel qui déclare abdication de fait ou renonciation à la couronne le refus de rentrer en France de la part des princes auxquels sommation en aura été faite. Les entretiens de Tallien avec les émissaires secrets de l'Espagne à Bordeaux et à Paris ; son mariage avec la fille de Cabarrus, dont on connaît l'influence et l'adresse ; cette paix partielle, dont une ambition démesurée a pu seule faire surmonter la honte (il s'agit ici de la paix entre l'Espagne et la France, dont il sera fait mention plus loin), ne laisse pas douter de l'assurance avec laquelle ce ministre n'a cessé de compter sur le parti constitutionnel[29].

 

Le but de cette lettre est manifeste. Animé contre ce qu'il appelait la faction d'Espagne d'une haine qu'elle lui rendait avec usure, Puisaye cherchait à noircir ses ennemis dans l'esprit du prince qui lui avait accordé sa confiance. Ce qu'il disait toutefois n'était pas sans quelque fondement à l'égard d'un petit noyau d'hommes politiques qui, voulant une monarchie constitutionnelle, avaient peine à la croire possible ou désirable, avec un héritier direct de Louis XVI sur ce trône que Louis XVI avait taché de son sang. Et même, rien ne prouve qu'aux yeux de ceux-là, l'offre de la couronne de France à un infant d'Espagne ait jamais été autre chose qu'un en cas.

La vérité est qu'il existait parmi les royalistes un parti qu'on pouvait en effet désigner sous le nom de faction d'Espagne, en ce sens que c'était de l'Espagne seule qu'il attendait le rétablissement de la monarchie. Les hommes qui conduisaient ce parti comptaient sur l'appui de Charles IV. Toutes les sympathies du marquis de Las Casas leur étaient acquises[30]. Ils avaient en horreur et l'Angleterre et Puisaye. Ils entouraient Louis-Stanislas-Xavier, travaillaient sourdement à l'irriter contre son frère le comte d'Artois, et se partageaient en espoir les avantages que les personnes plus particulièrement attachées à ce dernier prince auraient pu se promettre d'un succès dû à ses efforts et au concours des Anglais[31]. Loin de pousser aux révoltes à main armée, ils les jugeaient désastreuses et les condamnaient comme étant de nature à jeter sur la cause du roi un jour odieux. Ils croyaient et s'étudiaient à faire croire que l'unique but de Pitt, en fomentant les désordres de l'Ouest, était de détruire la France au moyen de la France elle-même. Aussi leur plan, à eux, consistait-il à épier les progrès de la réaction thermidorienne et à en activer la marche, à se servir de l'or de l'Espagne pour semer la corruption ; à flatter les ressentiments, à encourager les espérances, à préparer enfin la contre-révolution par l'intrigue.

Les principaux acteurs de ce drame ténébreux étaient, à Paris, l'abbé Brotier, le chevalier Duverne de Praile[32] et le chevalier Despomelles.

Ces trois hommes et les complices principaux qui successivement leur furent adjoints, furent désignés, dans les correspondances royalistes, sous le nom d'Agents de Paris.

L'abbé Brotier, neveu du savant Gabriel Brotier, avec lequel il avait travaillé, et dont il publia plusieurs ouvrages manuscrits[33], était un caractère violent et difficile. L'abbé Maury, dont il avait élevé les neveux[34], et qui le connaissait bien, écrivait aux princes en parlant de lui : S'il ne s'agissait que de tout brouiller, on ne pouvait faire mieux que d'employer l'abbé Brotier : il désunirait les légions célestes[35]. On lui imputait d'être l'auteur de certains libelles contre la reine[36] : ce qui est sûr, c'est qu'il y avait peu de fonds à faire sur le désintéressement et la sincérité des opinions qu'il professait. Il aimait à s'intituler ex-prêtre, cet homme choisi pour aider au rétablissement de l'autorité du monarque très-chrétien, et, dans une lettre de lui, du 25 mai 1795, on lit[37] : Je suis prêtre du Seigneur, je le dis à ma confusion, car je ne suis guère chrétien, quoique bon catholique.

Quant à son associé, Duverne de Praile, il était entré dans la vie active en passant par l'École militaire, où il se trouvait encore lorsque, en 1778, la guerre éclata entre la France et l'Angleterre. Cette circonstance le conduisit à s'engager dans la marine[38]. Mais il n'y fit pas un long séjour, et il courut, après l'avoir quittée, la carrière des aventures. Puisaye assure que tandis que nos provinces étaient arrosées du sang de leurs habitants, Duverne de Praile gagnait sa vie à vendre du poivre et des vieux livres[39]. Ses rapports avec l'abbé Brotier commencèrent en 1795, et il a lui-même raconté en ces termes comment il fut chargé d'une mission dans l'Ouest, lors de la première pacification : Les troubles de l'Ouest subsistaient toujours, j'y avais été totalement étranger. Un de mes anciens amis me rencontre au Palais-Royal ; il me propose de porter en Bretagne une lettre du frère aîné de Louis XVI ; je me laisse aller à ses sollicitations, et je pars. Il était alors question d'un accommodement entre les commissaires de la Convention et les insurgés. Consulté par les chefs sur ce que je pensais qu'ils devaient faire, je les engageai à accepter les conditions qu'on leur offrait. Je revins à Paris, et je rendis compte par écrit à mon ami, qui n'y était plus, du message dont j'avais été chargé. Mon ami crut devoir envoyer mon compte rendu au régent. Ce dernier y trouvant apparemment des principes de modération qui lui convenaient, me fit écrire pour m'engager à ne pas m'en tenir au service que je venais de rendre, et m'envoya de nouvelles lettres que je transmis aux royalistes[40]. Duverne de Praile faisait de fréquents voyages à Vérone ; et la preuve de l'empressement avec lequel ses visites y étaient accueillies, résulte d'une lettre que Louis-Stanislas-Xavier adressait au chevalier d'Andigné le 25 mai 1795 : J'attends avec impatience M. Duverne de Praile[41]. Ce fut pourtant cet homme qui, lorsque la conspiration eut été découverte, en révéla, soit crainte de la mort, soit cynisme de la trahison, les détails principaux[42].

Despomelles avait été maréchal de camp avant la Révolution[43]. Son portrait a été tracé par l'abbé Brotier lui-même dans le passage suivant d'un Mémoire sur l'agence de Paris, écrit de la main de ce dernier et que nous avons sous les yeux : Parlerai-je d'Antonelle (de Despomelles[44]) ? Il est en vérité dérisoire de voir encore nommer dans la manufacture (dans l'agence) un homme qui ne prend part à rien que de loin en loin, et qui se tient constamment à une distance de plus de quatre lieues du centre des observations. Il peut, du reste, conserver son titre, sans préjudice, dans la manufacture (dans l'agence) ; car il craindrait de se compromettre, même en voulant nuire. Il est donc nul, à moins qu'on ne regarde comme un inconvénient très-grave l'objection qu'on pourrait nous faire à chaque instant lorsqu'on ne voit que deux directeurs se mettre en avant, quoique le titre soit conféré à trois[45]. De son côté, dans les révélations qu'il fit plus tard, Duverne de Praile décrivit Despomelles comme un homme prompt à vanter ses relations avec MM. de Ségur, dont il promettait l'appui, mais d'une prudence qui rendait sa bonne volonté à peu près stérile. Il habitait une campagne dans le bourg de l'Egalité, et venait très-rarement en ville[46].

C'était donc sur Brotier et Duverne de Praile que pesait tout le poids du travail, ainsi qu'ils le mandaient à Louis-Stanislas- Xavier, dans un Mémoire sur l'agence de Paris[47].

Ce Mémoire est devant nous. Il fut écrit après la mort du fils de Louis XVI, c'est-à-dire à l'époque où Louis-Stanislas-Xavier se parait du titre de roi. Les extraits qui suivent présentent sous un jour curieux les rapports des agents de Paris avec le prétendant. Jamais valets ne parlèrent à leur maître avec cette froide insolence :

Nous avons à nous plaindre essentiellement des lenteurs avec lesquelles on a expédié plusieurs demandes faites par nous, et même du silence absolu qu'on a gardé sur quelques-unes. Une chose nécessaire est le secret. Et cet article est tellement essentiel, que nous ne croyons pas manquer à l'Institut (au roi), en exigeant qu'il se fasse un devoir de ne dire jamais notre position à personne, de ne jamais parler de nous, et de ne jamais produire les originaux de nos lettres en entier. L'Institut (le roi) pourra y produire les faits ou plans qui en seront l'objet comme de lui-même, d'après ses notions particulières, mais jamais d'après nous, nommément. Le même ordre exige que nos lettres ne tombent jamais entre les mains des femmes (des ministres ou secrétaires du Conseil). Leurs places sont de faveur, et les faveurs, souvent, passent aussi vite que les qualités éphémères qui les font mériter[48].

Le même document montre à quel prix l'abbé Brotier et Duverne de Praile mettaient leurs services occultes, et de quelle énorme autorité ils entendaient être investis.

Il y a un an, on demanda un conseil revêtu de toute la plénitude des pouvoirs de l'Institut (du roi). Jamais il ne fut plus nécessaire que dans ce moment, où Cadet (le comte d'Artois) n'a pu opérer son plan. L'anarchie des pouvoirs délégués par l'Institut (le roi) et par Cadet (le comte d'Artois) peut occasionner, sinon des chocs fréquents, du moins des incertitudes sur la volonté directrice, et une apathie plus préjudiciable que l'opposition la plus formelle. Si les regards de l'Institut (du roi) s'arrêtent sur nous, il faut que dans les pouvoirs qu'il nous enverra, il nous désigne nommément l'un et l'autre, Baudin (Duverne) et moi, comme ses deux seuls directeurs (agents) de Paris. Nous regarderions nos services comme inutiles à l'Institut (au roi), dès là même qu'il nous associerait, sans notre avis préalable, d'autres directeurs (agents), ou qu'il donnerait ses pouvoirs à d'autres, pour agir séparément de nous Nous supplions l'Institut (le roi) de donner assez d'extension à nos pouvoirs pour que nous soyons autorisés, non-seulement à transmettre les ordres de l'Institut (du roi) partout où besoin sera, mais encore à faire ou sanctionner des comptes (des proclamations), même des emprunts, et à hypothéquer au nom de l'Institut (du roi) portion de ses biens présents et à venir, en faveur des personnes disposées à verser des fonds[49].

 

C'était beaucoup demander. Tout fut accordé cependant. Le Mémoire d'où sont tirés les extraits qui précèdent, et dont nous avons parlé ici par anticipation, fut rédigé le 17 décembre 1795 ; et, le 25 février 1796, Louis-Stanislas-Xavier signait la pièce suivante, qui fut aussitôt expédiée aux agents :

Le roi donne pouvoir aux sieurs Brotier et Duverne de Praile, ses agents à Paris, d'agir et parler en son nom en tout ce qui concerne le rétablissement de la monarchie ; ils pourront se donner un adjoint à leur choix, qui partagera leurs fonctions et leurs pouvoirs.

Fait à Vérone, le vingt-cinquième jour du mois de février, l'an de grâce mil sept cent quatre-vingt-seize, et de notre règne le premier.

Signé : LOUIS[50].

 

Pour rassembler dans un seul tableau les divers traits qui se rattachent à l'agence de Paris, nous avons dû anticiper un peu sur les événements ; revenons sur nos pas. Aussi bien les agents entrèrent en action, au nom et pour le compte de Louis-Stanislas-Xavier, bien antérieurement à l'envoi des pouvoirs qui viennent d'être transcrits ; témoin la pièce suivante, que nous trouvons parmi les Papiers de Puisaye, écrite de la propre main de Louis-Stanislas-Xavier, et qui porte la date du 9 juillet 1794 :

LOUIS-STANISLAS-XAVIER, fils de France, oncle du roi (le fils de Louis XVI vivait encore à cette époque), régent du royaume ;

Les sieurs chevalier Despomelles, l'abbé Brotier et Lemaître étant restés en France par les ordres et pour le service du feu roi notre frère, auxquels ils n'ont cessé de donner des marques de l'attachement le plus pur et du zèle le plus ardent, et n'étant demeurés, depuis la mort funeste du roi, sur une terre coupable que par nos ordres exprès et pour le service du roi, notre seigneur et neveu ;

Nous rendons, par ces présentes, témoignage authentique au courage, à la fidélité et au dévouement dont les sieurs Despomelles, l'abbé Brotier et Lemaître ont donné et donnent encore des preuves constantes et dangereuses pour leur sûreté.

LOUIS-STANISLAS-XAVIER,

Par Monsieur, régent,

Le baron de FLACHSLANDEN.

 

Le Lemaître dont le nom se trouve ici rapproché de ceux de Brotier et Despomelles était effectivement, comme eux, un des agents de Paris ; mais ce n'était pas de concert avec eux qu'il agissait : il avait sa sphère à lui d'influence et d'activité. Ni Brotier ni Duverne de Praile ne se fussent accommodés de son voisinage ; les lignes qu'on va lire, tracées par Brotier lui-même, en fournissent la raison :

Boissy (Lemaître) avait une imagination brillante, l'art de peindre à l'esprit, et une âcre causticité. Avec les deux premiers avantages, il a su captiver les sots, les intrigants, les gens du monde, qui n'ont d'autre mérite que celui de se donner la teinte de l'esprit d'autrui. Sa causticité mettait sous sa dépendance tout ce qui n'avait pas assez de caractère pour ne pas craindre les traits envenimés d'une mauvaise langue ou la malignité d'un sourire sardonique. Nous n'avions jamais voulu communiquer avec lui. Nous avions même prédit que les communications qu'on aurait du dedans avec lui finiraient par nous compromettre, malgré l'éloignement où nous nous tenions de lui et de ses alentours. L'initiation de Boissy (de Lemaître) dans la manufacture (dans l'agence) a amené la révélation de mille turpitudes[51].

 

La vérité est que Lemaître, âme inquiète et ardente, caractère frondeur, réunissait en lui, sinon toutes les qualités qui constituent le génie des conspirations, du moins la plupart des défauts qui en donnent le goût. Il remplissait, avant la Révolution, les fonctions de secrétaire général du conseil des finances. Ayant perdu cet emploi, il était allé rejoindre les princes émigrés en Allemagne, avait été chargé de leurs correspondances avec l'intérieur, s'était établi à Bâle, vers 1794, et n'avait cessé, depuis lors, d'entretenir des relations d'intrigue avec les royalistes restés en France. A l'époque où nous sommes arrivés, il se trouvait avoir fixé à Paris le centre de ses manœuvres. Un fait curieux, c'est que cet infatigable royaliste avait été autrefois mis à la Bastille comme auteur d'un écrit contre la reine ; et, chose plus étrange encore, cet agent de Louis-Stanislas-Xavier passait pour avoir dirigé contre lui un pamphlet intitulé Seconde lanterne magique. Je n'ai pas la preuve, dit le marquis Beaupoil de Saint-Aulaire, dans une note par lui remise à Puisaye[52], que Lemaître fut l'auteur de ce pamphlet, mais j'en ai la conviction. Ce qui est à ma pleine connaissance, c'est qu'il le lisait à ses amis avec sensualité, et surtout avec le ton burlesque du genre.

Toujours est-il que sa correspondance secrète abonde en observations sarcastiques et en plaintes amères ; les Puissances étrangères y sont couvertes de mépris ; les Anglais, les Autrichiens, les Espagnols même, c'est-à-dire, dans le langage de Brotier, les épiciers, les chandeliers et les vizirs, sont partout dénoncés par Lemaître comme des vampires que les royalistes français sont condamnés à nourrir de leur substance[53].

Bien que l'ordre des dates ne nous amène point à placer ici le récit de la mort tragique de Lemaître, laquelle n'eut lieu que plus tard, lorsque déjà la Convention avait cessé d'exister, indiquons-en dès à présent les causes : elles font ressortir d'une manière terrible le machiavélisme des partis.

Lemaître s'était mis en rapport, dans la Convention, avec un certain nombre de députés qu'il avait cru pouvoir gagner à la cause royaliste en les flattant de l'espoir d'une monarchie mixte.

Voici quelles furent, pour Lemaître, selon l'abbé Brotier[54], les conséquences de ces dangereuses tentatives d'embauchage :

Ceux qui votent au fond de leur âme pour ce demi-parti (la monarchie mixte) feraient immoler demain l'homme qu'ils pourraient croire avoir pénétré leur secret. Et voilà précisément ce qui a conduit Boissy (Lemaître) au pied du mur. Cet infortuné, pressé par son imagination exaltée autant que par les insinuations de quelques dégraisseurs (émigrés) qui ont toujours pensé qu'on pouvait gagner à l'ouvrage (au royalisme) des députés de la Convention, avait dressé des articles qui devaient être signés, peu avant le 12 germinal, par cent et quelques gens d'esprit (députés), dont Lakanal (Saladin) et François (Rovère). Mais tous ne pouvaient être portés à la signature de ces articles par une nécessité aussi impérieuse pour eux que pour les deux que je viens de nommer en dernier lieu. Ceux-ci s'aperçurent, chez leurs collègues, de certaines oscillations qui les déterminèrent, l'un et l'autre, à reculer d'abord, puis à rejeter tout à fait la signature. Sur ces entrefaites, Lemaître est examiné, et sa tête est le prix d'une confidence indiscrète. Chacun veut le voir mourir, pour qu'il n'ait personne à faire rougir ou périr[55].

 

Et cette involontaire révélation de Brotier se trouve confirmée en ces termes dans une lettre d'un autre agent de Paris à un agent de Londres : Ce fut Tallien qui dénonça Lemaître. Il est mort renversé, à la Convention, par ceux-là mêmes qui craignaient qu'il ne parlât. Nos amis l'ont tué ![56]

Aux conspirateurs royalistes dont la physionomie vient d'être esquissée, il faut joindre de la Villeheurnoy, homme de mœurs douces et dont la nature avait été façonnée par l'habitude du monde. Ancien maître des requêtes, il avait suivi le torrent de l'émigration à Coblentz, où Puisaye l'a peint jouant dans les antichambres le même rôle qu'il avait joué à Versailles, ne se montrant jamais que les mains et les poches pleines de papiers, traversant les appartements à toute heure du jour d'un air mystérieux, et donnant de la sorte une haute idée de sa capacité, jusqu'au jour où l'on apprit que l'emploi de son génie se bornait à faire quelques extraits pour l'usage du Conseil[57].

Les correspondants des agents de Paris étaient : Cormatin, en Bretagne, et à Londres, un certain Dutheil, que Brotier regardait comme un intrigant de bas étage et un imposteur[58].

Quant à la petite Cour de Vérone, les agents communiquaient habituellement avec elle par l'intermédiaire du comte d'Entraigues. C'était ce grand artisan de complots qui avait recommandé Lemaître à Louis-Stanislas-Xavier ; c'était lui qui tenait tous les fils de la correspondance royaliste. Établi à Venise dans les derniers mois de 1795, il y recevait de Duverne de Praile, de Lemaître, de Despomelles, de Brotier, des renseignements qu'on lui adressait sous des noms supposés[59], et qu'il transmettait au baron de Flachslanden, lequel, à son tour, les mettait sous les yeux du Conseil de Louis-Stanislas-Xavier[60].

Lorsque le duc de Lavauguyon fut appelé à faire partie de ce Conseil, ce fut à lui que les communications aboutirent, et sa présence à Vérone imprima une nouvelle activité à la faction d'Espagne. En réalité, il en devint, avec le comte d'Entraigues, le directeur suprême. Et cela devait être. Il y avait longtemps, en effet, que le duc de Lavauguyon s'était prononcé, dans le monde diplomatique, en faveur de l'Espagne et contre l'Angleterre. Nommé ministre près des états généraux des Provinces-Unies en 1776, il n'avait rien négligé pour miner dans ce pays la prépondérance des Anglais, qu'y servait le stathouder. Plus tard, en 1784, nommé à l'ambassade d'Espagne, il avait gagné l'affection du duc de Florida-Blanca, qui dirigeait alors le Cabinet de Madrid, et s'était vu élever par Charles IV, en 1788, à la dignité de chevalier de la Toison d'or[61]. Rien, conséquemment, de plus explicable que cette déclaration de Duverne de Praile dans le procès où il se trouva enveloppé au mois d'avril 1797, en compagnie de Brotier et de la Villeheurnoy : Il existe un parti extérieur qui compte sur l'appui de l'Espagne. A la tête de ce parti sont MM. de Lavauguyon et d'Entraigues[62].

Une chose à noter, c'est que l'intime ami de Louis-Stanislas-Xavier, le duc d'Avaray, n'inspirait aux agents de Paris aucune confiance[63]. Il ne correspondait point avec eux, bien que Puisaye, dans ses Mémoires, les appelle son conseil exécutif[64], et il ne leur transmit jamais ni aucune instruction, ni aucun ordre[65].

L'agence de Paris, dont l'action s'étendait sur une grande partie de la France, n'était pas la seule qu'on eût organisée dans le parti royaliste ; il y en avait une autre qui comprenait dans son ressort la Franche-Comté, le Lyonnais, le Forez, l'Auvergne et tout le Midi. Celle-ci agissait de concert avec la première. Le comte de Précy la dirigeait[66]

La mission des agents était :

De ne rien négliger pour gagner au parti du roi les autorités constituées ;

De tenter, par l'appât des promesses, les représentants du peuple ;

De lier à l'idée du rétablissement de la monarchie celle de la réforme des abus qui s'étaient introduits dans l'ancien régime ;

De pousser les royalistes aux assemblées primaires ;

De les classer en deux catégories composées, l'une de fervents, l'autre de tièdes ;

De former les plus courageux en compagnies et de leur fournir, jusqu'à concurrence de l'argent dont on pourrait disposer, armes et munitions ;

De repousser, au moyen de ces compagnies, tout parti, armé ou non, qui s'opposerait à la liberté des élections ;

De forcer les royalistes à se rendre aux élections, soit par voie de menace ou autrement ;

De recourir enfin aux procédés militaires, quand il y aurait chance raisonnable de succès[67].

Amnistier d'avance, et d'une manière générale, ceux des régicides qui se laisseraient ramener à la royauté, on ne l'aurait pu sans faire naître, dans le camp royaliste, un effroyable scandale. D'un autre côté, il y avait dans l'Assemblée certains régicides dont l'immoralité faisait signe à la corruption d'approcher, et dont il eût été impolitique de mépriser l'influence. Pour tout concilier, il fut convenu que les juges qui avaient voté la mort du roi pourraient exceptionnellement être pardonnés, dans le cas où le rétablissement de la monarchie serait dû à la grandeur de leurs services ; et les agents eurent ordre de prendre ce point de départ dans leurs tentatives d'embauchage[68].

Aussi ne craignirent-ils pas de s'adresser à des hommes tels que Tallien et Cambacérès.

Il existe une lettre d'eux, datée du 1er janvier 1795, dans laquelle ils promettent au Conseil de Louis-Stanislas-Xavier de le mettre en correspondance avec le nouveau mari de la Cabarrus, aujourd'hui femme avouée de Tallien. Tallien, est-il dit dans cette lettre[69], est au pinacle. Il est maître du champ de bataille. Lui seul et son parti ont une véritable influence. Ils accaparent tous les écrivains, entre autres Montjoie, auteur de l'Ami du Roi. Brotier ne tardera pas à voir madame Tallien et en rendra bon compte.

Pour ce qui est de Cambacérès, le comte d'Entraigues écrivait, en parlant de lui à Lemaître : Je ne suis nullement étonné que Cambacérès soit du nombre de ceux qui voudraient le retour de la royauté[70].

Mais les agents royalistes ne pouvaient entrer en rapport avec les membres de l'Assemblée, lorsqu'ils en connaissaient de corruptibles, qu'à la condition de s'exposer à d'immenses périls, parce que ceux-ci, dès qu'ils se croyaient soupçonnés, avaient hâte, pour se sauver eux-mêmes, de dénoncer et de sacrifier les corrupteurs. Nous avons dit quel fut le sort de Lemaître. Selon l'énergique expression de Brotier, les représentants dont l'opinion chancelait se présentaient aux agents avec la patte de l'agneau et les saisissaient ensuite avec les griffes du tigre[71].

Quoi qu'il en soit, pour jouer son rôle, l'agence de Paris avait besoin d'argent, et, sous ce rapport, l'appui du dehors lui était indispensable. Mais, si elle acceptait les secours de l'Angleterre comme ceux de l'Espagne, ce n'était ni avec les mêmes sentiments de gratitude, ni avec le même esprit. Les agents ne mettaient pas en doute la bonne foi de l'Espagne et la sincérité de ses efforts[72], tandis qu'ils regardaient les services du gouvernement anglais comme des services perfides, dont l'unique but était l'entière ruine de la France[73]. La volumineuse correspondance du baron de Nantiat avec le comte de Blangy met vivement en relief la haine profonde qui animait contre le gouvernement anglais une fraction notable du parti royaliste : Vienne et Londres n'ont que des vues perfides pour la France, c'est affiché. Je crois lord Moira bien intentionné, mais il est Anglais. Vous pouvez regarder Pitt comme l'homme le plus immoral des Trois-Royaumes, ennemi de la maison de Bourbon et de nos princes en particulier. Voilà comment parlait de l'Angleterre un homme qui était le protégé du comte de Blangy, qui avait acquis la confiance du maréchal de Castries, un des principaux membres du Conseil des princes, et qui avait charge d'informer ce dernier de tout ce qui se passait à Londres[74].

Aussi les agents traitaient-ils l'Angleterre, tout en la ménageant, comme une Puissance ennemie. S'ils avaient des renseignements à lui faire parvenir, ils s'étudiaient à ne lui donner que ceux qui pouvaient profiter à la cause royaliste, en lui dérobant avec soin la connaissance de tout ce qui eût été de nature à faciliter aux Anglais la prise d'une de nos villes maritimes[75]. S'ils écrivaient à Charette, c'était pour lui recommander de se défier de la politique de Pitt[76]. Les princes avaient-ils à se plaindre des hésitations ou de la froideur de la Cour de Vienne, nul doute, selon les agents, que cela ne tînt aux sourdes manœuvres du Cabinet de Saint-James[77], auquel, par une conséquence naturelle de ces défiances, ils s'étudiaient à faire un secret de leurs négociations avec le gouvernement espagnol[78].

Toutefois, ils se gardaient bien de maudire l'Angleterre à haute voix, parce que son or leur était nécessaire. Car, pendant qu'ils la vilipendaient sous main, ils ne rougissaient pas de lui demander l'aumône. Le 8 août 1795, Brotier recevait mille louis du ministre anglais[79]. Duverne de Praile avait obtenu l'assurance d'une somme de 60.000 liv. st. pour dépenses préparatoires, et d'une autre somme de 30.000 liv. st., qui devait lui être payée dans le mois de la proclamation du roi[80]. Précy était autorisé à tirer sur Wickham, ministre d'Angleterre en Suisse, pour les fonds dont il aurait besoin, sauf approbation de celui-ci[81]. En un mot, la conduite des agents à l'égard de l'Angleterre consistait à la décrier secrètement, à ruiner ses desseins par de ténébreuses menées, et à se servir de son argent contre elle-même.

On devine d'après cela sous quel jour leur apparaissait Puisaye. Ce qu'ils abhorraient en lui, c'était l'homme de Pitt[82]. Ils s'attachèrent à le noircir dans l'esprit de Louis-Stanislas-Xavier, empêchèrent ses proclamations d'être imprimées, combattirent ses plans, détournèrent l'argent qui lui était destiné, et contribuèrent, ainsi qu'on le verra plus loin, à faire sortir de sa plus importante entreprise un épouvantable désastre[83].

De fait, ils n'étaient gens à s'arrêter devant aucun scrupule.

L'art de tuer moralement ses rivaux et de compromettre les instruments, voilà comment ils définissaient la politique[84]. En parlant d'eux, Puisaye écrit[85] : Ce qui a perdu le parti royaliste, c'est le manque de bonne foi depuis que les agents de Paris et de Londres s'y sont introduits. Le faux leur était une arme familière[86]. Ils excellaient dans l'arrangement des signes de reconnaissance, dans la composition des encres sympathiques[87], et leur vanité transformait en occupations d'hommes d'État ces noires pratiques. Ils aimaient aussi à se cacher sous toutes sortes de nom d'emprunt. Brotier s'était donné le nom de Bouillé ; la Villeheurnoy, celui d'Étienne ; Despomelles, celui de Thébault. Brotier était quelquefois désigné dans la correspondance par les initiales QQ. Lemaître s'appelait tantôt Le Juif, tantôt Castel Bianco. Duverne de Praile avait été tour à tour M. Duval, M. Bertrand, M. Mallet, M. Adrien, M. Bonneval, M. Dunan. Dans les lettres de l'abbé Brotier, Louis-Stanislas-Xavier était nommé l'Institut, et dans celles du comte d'Entraigues, 49[88].

Ils ne manquaient pas, du reste, d'une certaine aptitude à varier leur langage, suivant les hommes et suivant les circonstances. Devant les partisans de l'ancienne monarchie, ils affectaient beaucoup de dédain pour les monarchiens constitutionnels. Devant les modérés, ils dénonçaient la folie des procédés insurrectionnels, ne voulaient ni armées ni combats, et montraient une confiance absolue dans le mouvement pacifique de l'opinion. Aux révolutionnaires repentants, ils promettaient l'oubli du passé. Aux royalistes exaltés, ils disaient : Le roi pardonnera, mais les parlements feront justice[89].

Malheureusement, là se réduisait toute leur science ; et, quant au parti sur lequel ils s'appuyaient, on peut juger de la force qu'il leur communiquait par les lignes suivantes, tombées de la plume d'un royaliste :

Les royalistes de l'intérieur, modérés ou à double face, n'osaient se montrer et même communiquer entre eux qu'à de rares intervalles, lorsque le régime de la Terreur, momentanément suspendu, semblait donner quelque répit à la frayeur. Alors ils couvraient les pavés des rues et remplissaient les cafés de Paris ; mais à la moindre apparence de danger, ils disparaissaient comme de concert et rentraient dans leurs caves. Rien ne ressemble plus à cette espèce d'hommes durant la Révolution qu'une troupe d'enfants que l'on voit s'agiter tumultueusement et se livrer à toutes les espiègleries de leur âge aussitôt que le régent vient à quitter la salle, mais qui ne manquent pas de courir précipitamment se remettre à leurs places dès qu'ils croient entendre sa voix ou apercevoir le pan de sa robe[90].

 

Dans un autre passage de son livre, Puisaye donne pour collaborateurs au duc d'Avaray, lequel exerçait sur l'esprit de Louis-Stanislas-Xavier une influence souveraine : des prêtres apostats et sans mœurs : Brotier ; des empoisonneurs : Verteuil ; des assassins : Fournier et la Haye.

En ce qui touche le duc d'Avaray, Puisaye se trompe en lui supposant des relations intimes avec les agents de Paris, dont l'action relevait plutôt du duc de Lavauguyon, du comte d'Entraigues, du baron de Flachslanden. Et, d'autre part, il ne serait pas juste de donner comme un arrêt sans appel les invectives d'un homme parlant de ses ennemis. Mais si telle était l'opinion de Puisaye sur les agents, que penser de lui-même qui, pour exposer la France à tomber en de pareilles mains, se mettait à la solde de l'Angleterre et se préparait froidement à porter la guerre civile dans son pays ?

 

 

 



[1] Mémoires de Puisaye, t. III, p. 51, 52.

[2] Mémoires de Puisaye, t. III, p. 54.

[3] Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, t. I, p. 100 et 101. Nous avons déjà eu occasion d'établir l'authenticité parfaite de cette correspondance,

[4] Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, t. I, p. 101.

[5] Mémoires de Puisaye, t. III, p. 215, 218.

[6] Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, t. I, p. 115.

[7] Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, t. I, p. 118.

[8] Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, t. I, p. 111, 112.

[9] Leur correspondance forme le XIXe volume des Papiers de Puisaye. — Manuscrits du British Muséum.

[10] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 460.

[11] Papiers de Puisaye, vol. CIII. — Manuscrits du British Muséum.

[12] Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, etc., p. 571.

[13] Annual Register, vol. XXXVII, p. 173.

[14] Papiers de Puisaye, vol. VIII. — Manuscrits du British Muséum.

[15] Articles of agreement for raising French corps for the service of great Britain, 9th of march 1795. STATE PAPERS, Annual Register, vol. XXXV, p. 163, 167.

[16] Articles of agreement for raising French corps. etc., STATE PAPERS, Annual Register, vol. XXXV, p. 163, 167.

[17] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 39.

[18] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 38.

[19] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 40, 41.

[20] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 40, 41.

[21] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 42, 43.

[22] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 42, 43.

[23] Voyez le Moniteur, an III, n° 206.

[24] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 42, 43.

[25] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 42, 43.

[26] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 42, 43.

[27] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 184.

[28] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 187, 189.

[29] Papiers de Puisaye, vol. I. — Manuscrits du British Museum.

[30] Première déclaration de Duverne de Praile, dit Dunan, Moniteur, an V, n° 353.

[31] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 42, 43.

[32] On lit partout de Presle, mais la véritable orthographe est celle que nous donnons ici, d'après les lettres autographes de ce conspirateur, qui sont sous nos yeux.

[33] Exposé de la conduite et des principes de A.C. Brotier, lu à la séance du conseil de guerre permanent, de la 17e division militaire, le 12 germinal, an V.

[34] Discours de Lebon, défenseur de Brotier, Moniteur, an V, n° 193.

[35] Journal de l'adjudant-général Ramel. Londres, 1799.

[36] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 466.

[37] Moniteur, an V, n° 354.

[38] Compte-rendu de la vie de Duverne de Praile, par lui-même. — Débats du procès instruit par le conseil permanent de la 17e division militaire, contre Brotier, de la Villeheurnoy, Dunan, etc., n° 16, p. 255.

[39] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 394.

[40] Compte-rendu de la vie de Duverne de Praile, par lui-même.

[41] Papiers de Puisaye, vol. I. — Manuscrits du British Museum.

[42] Voyez ses deux déclarations dans le Moniteur, an V, n° 353.

[43] Moniteur, an V, n° 353.

[44] L'abbé Brotier emploie dans son manuscrit des noms supposés, mais les noms vrais auxquels ceux-là correspondent se trouvent écrits en interligne par Duverne de Praile. Nous les donnons entre parenthèses.

[45] Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. Manuscrits du British Museum.

[46] Deuxième déclaration de Duverne de Praile, Moniteur, an V, n° 353.

[47] Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. Manuscrits du British Muséum.

[48] Voyez sur l'agence de Paris, Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. Manuscrits du British Museum.

[49] Mémoire sur l'agence de Paris, Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. Manuscrits du British Museum.

[50] Procès-verbal de l'arrestation de Brotier, Duverne, etc. Pièces trouvées sur les prévenus, n° 14.

[51] Mémoire sur l'agence de Paris, Papiers de Puisaye, t. LXXXIV. Manuscrits du British Museum.

[52] Mémoires de Puisaye, t. III, p. 462, 463.

[53] Mémoire sur l'agence de Paris, Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. Manuscrits du British Museum.

[54] Il est à remarquer que le mémoire dont nous donnons dans ce chapitre de si curieux extraits, n'était pas destiné à voir le jour. C'était un travail adressé à Louis-Stanislas-Xavier, et à lui seul. On ne peut donc pas dire que les faits y soient falsifiés ou arrangés en vue de l'effet à produire sur le public.

[55] Mémoire sur l'agence de Paris, Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. Manuscrits du British Museum.

[56] En citant cette lettre, extraite de la Correspondance secrète de Stofflet, Charette, Puisaye et autres, Puisaye fait observer avec raison que sa date, 25 novembre 1794, est erronée. C'est 1795 qu'il faut lire, soit que l'erreur soit une faute d'impression ou une distraction de l'auteur de la lettre.

[57] Mémoires de Puisaye, t. III, p. 467.

[58] Mémoire sur l'agence de Paris, Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. Manuscrits du British Museum.

[59] Voyez la deuxième déclaration de Duverne de Praile, dans le Moniteur, an V, n° 353.

[60] Béziade d'Avaray, Réponse à M. le comte Joseph de Puisaye, p. 1.

[61] Durozoir, Biographie universelle (supplément), art. Lavauguyon.

[62] Première déclaration de Duverne de Praile, Moniteur, an V, n° 353.

[63] Cela résulte clairement d'une note de Duverne de Praile, écrite en marge du Mémoire sur l'agence de Paris par l'abbé Brotier. Voyez ce mémoire, vol. LXXXIV des Papiers de Puisaye. Manuscrits du British Museum.

[64] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 351.

[65] Béziade, duc d'Avaray, Réponse à M. le comte Joseph de Puisaye, p. 1.

[66] Première déclaration de Duverne de Praile, Moniteur, an V, n° 353.

[67] Première déclaration de Duverne de Praile, Moniteur, an V, n° 353.

[68] Première déclaration de Duverne de Praile, Moniteur, an V, n° 353.

[69] Lettre citée par Puisaye, qui avait l'original dans les mains. Voyez ses Mémoires, t. VI, p. 361.

[70] Lettre saisie chez Lemaître, et lue à la Convention par Ysabeau, séance du 2 brumaire, an IV. Voyez le Moniteur, an IV, n° 38.

[71] Mémoire sur l'agence de Paris, Papiers de Puisaye, vol. LXXXIV. Manuscrits du British Muséum.

[72] Voyez la lettre du 24 avril 1795, citée dans le t. VI des Mémoires de Puisaye, p. 363.

[73] Première déclaration de Duverne de Praile, Moniteur, an V, n° 353.

[74] Voyez les Mémoires de Puisaye, t. V, p. 230, 344, 370.

[75] Première déclaration de Duverne de Praile, Moniteur, an V, n° 353.

[76] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 367.

[77] Correspondance des agents citée par Puisaye, t. VI de ses Mémoires, p. 367.

[78] Voyez une lettre de Brotier à Cormatin, du 20 mai 1795, citée par Puisaye, t. VI de ses Mémoires, p. 363.

[79] Correspondance des agents. Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 377.

[80] Première déclaration de Duverne de Praile, Moniteur, an V, n° 353.

[81] Première déclaration de Duverne de Praile, Moniteur, an V, n° 353.

[82] Correspondance secrète de Puisaye, Charette, Stofflet et autres, t. I, p. 5.

[83] Voyez les Mémoires de Puisaye, passim ; le procès de Brotier dans le Moniteur, an V, n° 188, et, dans le présent volume, le chapitre relatif à l'affaire de Quiberon.

[84] Voyez la Correspondance secrète de Puisaye, Charette, Stofflet, etc. t. I, p. 2.

[85] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 249, 250.

[86] Puisaye cite une lettre supposée de lui, qu'ils adressèrent au ministre anglais, Windham, et que ce dernier lui remit, apostillée de sa main. Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 64.

[87] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 66.

[88] Voyez les Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 352, et t. V, p. 206. — Les Débats du procès de Brotier, la Villeheurnoy, etc., n° 17. — Le rapport d'Ysabeau sur les pièces trouvées chez Lemaitre, Moniteur, an IV, n° 38. — La correspondance des agents dans les Papiers de Puisaye, passim.

[89] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 59, 60.

[90] Mémoires de Puisaye, t. III, p. 472.