HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE QUINZIÈME

 

CHAPITRE PREMIER. — LES ÉMIGRÉS

 

 

L'émigration ne fut point déterminée par les excès révolutionnaires. — Origines et caractère égoïste de l'émigration. — Les émigrés cherchent partout des ennemis à la France. — Leurs prétentions et leurs illusions. — Leur conduite à l'étranger. — Leur bravoure dans les combats. — Faste et vices de Versailles transportés à Coblentz. — Morgue des émigrés nobles. — Jactance des émigrés. — Les Cours étrangères se cachent d'eux. — Émeutes excitées par leurs allures. — Mirabeau jeune. — Excès commis par le prince de Condé. — Rassemblements d'émigrés. — Les émigrés en seconde ligne dans l'invasion du territoire français par le roi de Prusse. — Animosité des émigrés contre le roi de Prusse et le duc de Brunswick. — Coups de fusil tirés sur le roi de Prusse ; rumeurs répandues à cet égard. — Mauvais vouloir témoigné aux émigrés par les petits princes d'Allemagne. — Ordonnance insultante publiée par Cobourg. — Les émigrés tombent dans la misère. — Tableau de leur détresse. — Effroyables contrastes. — Catherine II et les émigrés. — Situation des émigrés à Londres ; Chateaubriand y manque de pain. — Mésintelligence entre les princes français et les Puissances coalisées. — Protection dérisoire accordée aux princes français par les Cabinets de Londres et de Vienne. — Mésintelligence entre le comte d'Artois et son frère. — Louis-Stanislas-Xavier se proclame régent. — Répugnance des Puissances coalisées à lui reconnaître ce titre. — Mot égoïste et cruel échappé à Louis-Stanislas-Xavier, à la nouvelle de l'exécution de Marie-Antoinette. — Cour de la régence à l'étranger. — Discrédit de ses représentants diplomatiques. — Louis-Stanislas-Xavier éloigné du théâtre de la guerre par les Puissances coalisées ; leur but en cela. — Vie du soi-disant régent à Vérone. — Le comte d'Artois à la Cour de Russie. — Présent que l'impératrice de Russie lui fait d'une épée, en lui recommandant de s'en servir. — Pusillanimité de ce prince. — L'accès de Londres lui est fermé par ses dettes ; il retourne à Hamm. — Appel qui lui est adressé par les chefs de l'armée vendéenne. — Étrange lettre qu'il écrit à ce sujet au duc d'Harcourt. — Une lettre de lui au duc d'Havré. — La permission des Anglais demandée toujours et toujours refusée. — Le prince de Condé. — Son caractère. — Son entourage. — Correspondance des princes avec l'intérieur. — Combien peu leurs agents connaissaient la France. — Ce qui rendit l'action contre-révolutionnaire des émigrés impuissante.

 

On vient de voir comment la contre-révolution était servie, au dedans, par les Thermidoriens : voyons comment, an dehors, elle était servie par les émigrés.

Le mouvement de l'émigration n'ayant jamais été décrit jusqu'ici dans son ensemble, nous allons essayer de mettre en pleine lumière ce côté, si curieux et si important, de l'histoire de la Révolution.

L'émigration fut-elle déterminée par les excès révolutionnaires ? Rien n'a été négligé pour accréditer cette idée, qui est une erreur née d'un mensonge : la date des diverses émigrations le prouve assez. Le comte d'Artois, par exemple, se prit, dès 1789, à visiter les diverses Cours de l'Europe[1], cherchant partout des défenseurs à la cause royale, dont le triomphe se confondait, dans son esprit, avec l'inviolabilité du pouvoir absolu ; et c'est aussi de l'année 1789 que date la fuite du prince de Condé en Allemagne[2].

En mars 1791, la France vivait sous l'empire de principes qui avaient élevé tous les citoyens à la dignité d'hommes libres et enchaîné l'arbitraire. Il était donc loisible au prince de Condé de résider en France, où il se serait vu plus en sûreté, même que sous l'ancien régime, n'ayant pas à craindre, comme autrefois, qu'un ordre imprévu et despotique l'exilât tout à coup à Chantilly. Et cependant, dès 1791, on le trouve installé au château de Worms, non en voyageur, mais en émigré, non en simple visiteur de l'électeur de Mayence, mais en fauteur de guerres civiles. Vingt-quatre satellites de haut rang, toujours de garde, veillent sur sa vie, que nul ne menace ; une cour composée de mille à douze cents gentilshommes rend cher à son orgueil un exil auquel nul ne l'a condamné, et, pendant qu'il affecte devant l'Europe l'attitude d'un proscrit, la révolte armée s'organise à sa voix, le long du Rhin[3]. C'est en vain que l'Assemblée nationale le somme de rentrer en France ou de déclarer qu'il n'entreprendra rien contre la Constitution décrétée par les élus du peuple, et solennellement acceptée par le roi[4] : il répond en traitant les représentants du peuple de factieux[5], et en portant la main à son épée.

L'émigration n'ayant pas attendu que Louis XVI jurât la Constitution et entreprît de la détruire, il était naturel qu'elle accélérât son mouvement après la tentative de Varennes et l'arrestation du roi. C'est ce qui eut lieu. A peine Louis XVI venait-il de partir pour Montmédy, que son frère Louis-Stanislas-Xavier (depuis Louis XVIII) quittait la France. Plus heureux que le monarque, ce prince, avant le mois de juillet 1791, atteignit Bruxelles, d'où il provoqua la trop fameuse déclaration de Pillnitz[6]. L'émigration alors devint torrent. De tous les points de l'intérieur, de tous les points de la frontière, il arriva des recrues au prince de Condé. Ce fut à qui, parmi les nobles, abandonnerait Louis XVI sur son trône, de plus en plus solitaire, comme s'il était possible qu'un trône solitaire ne fût pas tôt ou tard un échafaud !

Lorsque l'Assemblée nationale rendit, le 28 juin 1791, le décret qui interdisait l'émigration, de quoi s'occupaient les émigrés ? On aurait pu encore leur pardonner de parader en uniforme bleu avec doublure écarlate, boutons à fleur de lis d'or et cocarde blanche[7] ; mais comment amnistier leurs efforts pour armer contre leur pays l'empereur d'Allemagne[8] ?

Au moins auraient-ils dû hésiter, à la nouvelle que Louis XVI avait accepté la Constitution ; car, en poursuivant leurs manœuvres, ils le faisaient victime ou parjure : victime, si le succès ne couronnait pas sa complicité ; parjure, dans le cas contraire. Mais leur parti était pris, ou de reconquérir leurs privilèges, ou de mettre le feu à leur pays, dût leur roi périr au milieu de l'incendie, et, avec sa vie, perdre, peut-être, son honneur. L'acceptation de la Constitution par Louis XVI était du 13 septembre 1791 ; et, en octobre 1791, on écrivait de Coblentz au Moniteur : Notre ville regorge de Français émigrés ; il en arrive tous les jours un si grand nombre, qu'ils ne trouvent plus à se loger[9].

En même temps, l'armée des princes continuait de s'organiser, leur théorie étant, comme ils l'expliquèrent dans leur lettre au roi, que l'acceptation de la Constitution était nulle parce que le monarque n'était qu'usufruitier de la couronne et ne pouvait conséquemment porter atteinte aux droits de ses successeurs[10]. En d'autres termes, la France était un domaine possédé par ses rois en toute propriété, et la nation française était un bétail.

Ce fut sur ce principe que les émigrés, dès l'origine, réglèrent leur conduite ; et le serment que, comme soldats, ils prêtèrent entre les mains du prince de Condé n'eut pas d'autre base. Or, ce principe était si monstrueux, qu'il parut tel, même à l'empereur d'Allemagne. Pressé par les émigrés de mettre sa puissance au service de leurs colères, il leur répondait, au mois d'octobre 1791[11] : Si les Français ôtent au roi des droits qui lui appartiennent d'après la Constitution acceptée, alors je pourrai essayer quelque chose ; mais si la nouvelle législature conserve au roi les prérogatives que la Constitution lui donne, alors je ne puis rien.

Voilà comment se trouvait justifié d'avance par les déclarations d'un despote, le décret que l'Assemblée nationale rendit le 9 novembre 1791, et qui disait[12] : Seront regardés comme coupables de conjuration et punissables de mort tous les Français qui, au 1er janvier 1792, seront encore en état de rassemblement au delà des frontières.

Après avoir invité les émigrés à rentrer dans leur pays, il avait fallu en venir à le leur ordonner sous peine de mort !

Eux, après avoir ri de l'invitation, bravèrent la menace ; et se préparant à envahir la France avec le secours de l'étranger, ils se partagèrent en trois corps d'armée : celui du prince de Condé, qui était destiné à entamer le territoire français par l'Alsace et à attaquer Strasbourg ; celui des princes, appelé l'armée du centre, qui devait faire son entrée par la Lorraine, à la suite du roi de Prusse et marcher droit sur Paris, et enfin celui du prince de Bourbon, fils du prince de Condé, qui, pénétrant par les Pays-Bas, devait menacer Lille[13]. Plus tard, et successivement, divers régiments d'émigrés : Rohan, Béon, Damas, Salm, Loyal-Émigrant, furent formés à la solde des différentes Puissances, et mis sous les ordres du comte de la Châtre[14].

Croisade criminelle s'il en fut jamais, et presque plus frivole encore que criminelle ! Les prétentions individuelles que, tout d'abord, l'émigration fit naître, et les préoccupations qu'elle alimenta ne seraient pas croyables, si elles n'étaient attestées par des royalistes intéressés à jeter un voile sur les misères de leur parti. Ce qui plaisait à la plupart des émigrés dans l'idée d'une contre-révolution, c'était la perspective des avantages qu'ils en pouvaient espérer. Les uns se réservaient le commandement des armées ; les autres déclaraient qu'ils se contenteraient de la première place dans les Conseils. Des jeunes gens — écrit le comte Joseph de Puisaye[15], — des jeunes gens dont l'éducation était à peine commencée lorsque la Révolution les avait enlevés aux caresses de leurs bonnes, ne repaissaient leurs petits esprits que de chimères brillantes ; ils se croyaient propres à tout parce qu'ils n'avaient pas même eu le temps d'apprendre qu'ils n'étaient propres à rien. Dans l'armée de Condé, on ne parlait que de Reims, de sacre, de la grande prévôté[16]. Et ni les succès prodigieux de la Révolution, ni sa longue durée, ni le pacte qu'elle semblait avoir fait avec la victoire, ne purent affaiblir ces étranges illusions. Dans une lettre écrite de Londres, aux agents du prétendant à Paris, Le Maître, Brottier et autres, on lit : il faut qu'on nous trouve les papiers relatifs à la cérémonie du sacreavec les deux volumes du cérémonial de Godefroy et celui de SaintotM. de N*** vous prie de ne pas oublier le cérémonial du sacre. Ce sera un coup de maître !

Si telles étaient les préoccupations de certains directeurs du parti royaliste à la date de cette lettre[17], c'est-à-dire en 1795, il est facile de deviner ce qu'elles devaient être en 1791 ! Est-il surprenant que les Puissances n'aient pas eu hâte d'embraser le monde, pour rendre leurs privilèges à des hommes qui semblaient n'avoir d'autre passion que celle de les ressaisir, et qui cherchaient en tous lieux des ennemis à leur pays, en vue de la cérémonie du sacre ?

Encore si leur attitude à l'étranger eût été de nature à commander le respect !

Braves, ils l'étaient sans nul doute. Et ils ne le montrèrent que trop à Wissembourg, à Haguenau, à Biberacht, à Berstheim, partout enfin où ils tirèrent l'épée. A l'attaque du village de Berstheim, les gentilshommes français, à la suite de Condé et de son fils le duc de Bourbon, déployèrent une valeur vraiment héroïque. Après l'action, le général Wurmser ayant rendu visite au prince, et celui-ci lui ayant demandé : Eh bien, monsieur le maréchal, comment trouvez-vous ma petite infanterie ?Monseigneur, répondit Wurmser, elle grandit sous le feu[18]. Le mot était, non d'un courtisan, mais d'un soldat : il était vrai.

Malheureusement, d'autres vertus que la bravoure eussent été nécessaires, et celles-là manquaient.

A Coblentz, où fut d'abord établi le quartier général de l'émigration, tous les vices, tous les travers de l'ancienne Cour s'étaient en quelque sorte donné rendez-vous. Quel spectacle que celui que les émigrés y donnèrent à l'Europe, avant que la Révolution conquérante les eût dispersés, et condamnés à une misère affreuse ! Ce ne furent, pendant quelque temps, que bals, concerts, repas somptueux, bruyantes orgies[19]. La légèreté avec laquelle on y envisageait les périls de Louis XVI[20] eût été cruelle si elle n'avait pas été folle. On y formait ouvertement une maison du roi[21] ; on y avait transporté le luxe, l'étiquette et les puérilités pompeuses de Versailles[22] ; on n'y pouvait vivre sans des équipages somptueux, un domestique considérable, des cuisiniers en renom, des maîtresses de rechange ; on y faisait venir de loin à grands frais viande, gibier, poisson ; on y avait des officiers de bouche, qui étaient occupés trois jours à l'avance ; on jouissait de la vie, sans compter[23]. Que de fois on vit de jeunes émigrés laisser sur la table de l'aubergiste, en lui demandant s'il était satisfait, des rouleaux d'or[24] ! Souvent, à l'issue d'un festin splendide, ils s'amusaient à jeter au peuple, par les croisées, les débris du repas et des corbeilles pleines de petits pains que les boulangers avaient reçu ordre de faire exprès pour eux[25]. Traiter leurs semblables comme des chiens était leur manière d'être généreux.

Plus encore qu'à Versailles, la morgue aristocratique, à Coblentz, était inexorablement ridicule. Pour être inscrit sur la liste des croisés du royalisme, il fallait avoir un brevet et quatre répondants gentilshommes[26] ; il fallait justifier de plusieurs quartiers pour être reçu à porter les armes contre son pays !

Et cet esprit suivit l'émigration dans le camp, sous le drapeau ; il se fit jour jusque dans cette guerre de Vendée, qui fut par essence une guerre de roturiers et de paysans : témoin la lettre suivante que Charles, officier vendéen, adressait à l'ancien garde de chasse Stofflet, en décembre 1795 :

Je me crois obligé de vous prévenir que tous vos anciens officiers sont mécontents de la manière dont on les traite, du mépris qu'on affecte à leur égard, et des préférences marquées qu'on accorde à des gens qui se disent nobles émigrés. Où sont donc les grades ? Sont-ce les officiers qui signent aujourd'hui au nom du Conseil, qui ont défait les Bleus à Châtillon, à Coron, à Vihiers, à Dol, à Pontorson, à Geste, à Chandron, à Saint-Pierre de Chemillé ? Général, si l'on éloigne de vous les officiers dont on méprise la naissance, malgré leur bravoure et l'élévation de leurs sentiments, prenez garde au sort qui vous est réservé ![27]

En Belgique, ceux des émigrés qui avaient monté dans les voitures du roi, prétendaient avoir seuls le droit d'être présentés à la Cour de Marie-Christine, sœur de Marie-Antoinette[28].

Ainsi du reste.

A tant de morgue les émigrés joignaient, en général, une étourderie qui força les Puissances à user à leur égard d'une discrétion qui toucha quelquefois à l'insulte. Les plans qui les concernaient et qu'ils avaient le plus d'intérêt à connaître demeurèrent presque toujours pour eux un secret. Il n'est pas nécessaire, disaient les diplomates étrangers, que nos projets soient confiés à toutes les filles d'auberge d'Allemagne[29].

Ajoutez à cela mille excès ; il s'en commit de tels à Trèves, que le peuple s'ameuta, et menaça de mettre le feu aux auberges, si les émigrés ne quittaient pas la ville : il fallut que, pour apaiser le tumulte, l'Électeur intervînt en personne[30].

Un des hommes qui, dans ce sens, contribuèrent le plus à compromettre l'émigration, fut le vicomte de Mirabeau, frère du célèbre révolutionnaire, le même qui, comme indice de ses intentions, avait fait prendre à ses soldats un uniforme noir, décoré de têtes de mort[31]. Son insubordination fut poussée jusque-là, qu'on dut en venir à chasser son corps de l'armée autrichienne[32].

Condé lui-même, dans le cours de ses aventures militaires, descendit à des actes peu propres à justifier ce titre de Condé le Grand qu'on lisait sur la porte d'une hôtellerie de Carlsruhe ; et, par exemple, on put lui reprocher d'avoir, en certaines occasions, envoyé ses soldats, revêtus de l'uniforme républicain, lever des contributions énormes : moyen plus ingénieux qu'honnête de se procurer de l'argent, tout en rendant les troupes républicaines odieuses en Allemagne[33] !

La vérité est que les émigrés, dès leur sortie de France, se conduisirent de façon à glacer les sympathies des Puissances dont ils invoquaient l'appui.

Aussi, combien fut hésitante, combien craintive, en ce qui les concernait, la politique de l'empereur d'Autriche Léopold II ! Quelle prudence il mit à écarter de lui les périls où ils brûlaient de l'entraîner et la tempête qu'ils appelaient sur le monde, leur défendant de faire servir à des préparatifs de guerre l'hospitalité offerte ; leur refusant le droit d'enrôler, dans la partie de ses Etats qui touchait à la France ; se montrant décidé à ne souffrir leurs rassemblements armés, ni sur le territoire de l'Empire, ni sur celui des Pays-Bas, et ne laissant échapper aucune occasion de s'abriter sous les dehors d'une neutralité parfaite[34] !

Chose singulière ! les propos des émigrés étaient si imprudents, leur jactance si folle, que Louis XVI lui-même, effrayé d'être défendu ainsi, se vit forcé de répudier officiellement leur concours, et d'envoyer M. de Sainte-Croix à l'électeur de Trèves, pour le prier d'interdire les rassemblements qu'ils formaient dans son électorat[35]. D'où l'engagement pris par l'électeur de Trèves de leur interdire toute réunion, tout exercice militaire, et même de condamner à deux ans de travaux forcés quiconque, parmi eux, jouerait le rôle de recruteur[36].

Ce fut seulement après la mort de Léopold II, et sous le règne de François Ier, son successeur, que les émigrés purent enfin compter sur l'Autriche ; ce fut alors que les trois électeurs ecclésiastiques, d'accord avec l'Autriche, favorisèrent ouvertement les levées d'hommes faites au nom des princes français et contribuèrent à leur entretien ; ce fut alors que la restitution des biens du clergé aux anciens titulaires, la remise d'Avignon au pape, et la reconnaissance des droits féodaux attachés aux terres d'Alsace et de Lorraine, en faveur des princes allemands possessionnés, furent posées par l'Autriche comme les conditions du maintien de la paix : conditions inacceptables, dont le seul énoncé alluma la guerre. Le 1er mars 1792, la France s'armait contre l'Autriche, et, deux mois après, la Prusse, coalisée avec l'Autriche, s'armait contre la France. Mais en cela les deux Puissances n'obéissaient qu'à des vues d'agrandissement, ne consultaient que leurs intérêts propres. L'erreur des émigrés fut de croire qu'on s'intéressait à leur cause, quand on songeait à peine, soit à les servir, soit même à se servir d'eux ; et la campagne de 1792 le prouva de reste. Loin de présider aux Conseils, leurs princes. furent systématiquement tenus dans l'ignorance des résolutions prises ; l'honneur de marcher à leur tête fut enlevé au frère de leur roi, et eux, on les condamna, non-seulement à l'humiliation de combattre un à un sous les ordres de généraux étrangers, mais à celle, plus grande encore, de combattre en seconde ligne[37].

Ils se soumirent, cependant, sans trop murmurer cette fois, leur présomption les aidant à dévorer l'outrage. Car le triomphe, à les entendre, était assuré ; et dans cette campagne de France, ils ne voyaient guère qu'une partie de plaisir. Tout devait fuir à leur approche. Ils ne s'étaient pas encore mis en marche, que déjà le jour et l'heure de leur entrée à Paris étaient fixés[38]. Mais autant le départ avait été joyeux, autant le retour fut triste et lamentable. Parmi les émigrés en retraite, ce n'étaient plus qu'invectives sanglantes, et contre l'Agamemnon manqué de la Coalition, et contre le prince de Brunswick son général[39].

Le roi de Prusse, de son côté, ne se crut obligé à aucun ménagement envers ces soldats incommodes et frondeurs. Il les licencia, sans laisser à un seul d'entre eux la liberté de conserver ses armes ou son cheval. Il y eut même quelque chose de si brusque dans l'ordre du licenciement, que, forcés de vendre du jour au lendemain leurs armes et leurs chevaux, alors qu'ils ne trouvaient que des Prussiens pour acquéreurs, les émigrés furent réduits à conclure des marchés presque incroyables. Tel qui avait acheté son cheval cent louis, le vendit quatre louis, ou moins encore[40]. Les plus heureux furent ceux dont les soldats prussiens ne fouillèrent pas les voitures et ne pillèrent pas les effets[41]. Les neuf coups de fusil qui furent tirés sur le roi de Prusse, pendant la retraite, le furent-ils par des émigrés ? C'est ce dont on n'a jamais apporté de preuve ; mais il est certain que le bruit en courut, et ne parut point invraisemblable, tant les âmes étaient aigries[42] !

Ainsi s'alluma cette haine des émigrés français pour leurs faux protecteurs, qui ne devait plus s'éteindre[43].

Mais à quoi pouvaient aboutir leurs continuelles récriminations, sinon à indisposer de plus en plus contre eux les Puissances dont ils mendiaient les secours ou l'hospitalité, l'insulte dans les yeux, et quelquefois sur les lèvres ? Successivement, ils se virent expulsés de Bruxelles, de Florence, du Hainaut autrichien, de Turin, de Berlin, du territoire des cantons helvétiques[44], sans que la sympathie due au malheur leur fût une suffisante égide contre l'ascendant des armes républicaines.

Rien d'égal à la dureté que leur montrèrent certains petits États d'Allemagne. Dans l'évêché de Munster, dont un archiduc d'Autriche était prince-évêque, il y avait ordre de repousser tout émigré qui avait fait la campagne des princes[45]. Une lettre écrite par un souverain d'Allemagne aux ministres plénipotentiaires de Rastadt porte : Je n'ai pas à me reprocher d'avoir jamais donné un verre d'eau à un émigré[46]. Dans les États d'un autre prince allemand, on lisait, à l'embranchement de deux chemins : Il est défendu aux juifs, aux vagabonds, et aux émigrés de suivre cette route[47]. En juin 1795, lors des travaux préparatoires du siège de Valenciennes, cette ville qui, comme nous l'avons raconté, fut occupée par les Autrichiens au nom de l'Empereur, le prince de Cobourg publia une ordonnance dans laquelle il enjoignait aux émigrés français, dont quelques-uns, disait-il, avaient eu l'impudence de se présenter à son quartier général, d'évacuer sans délai les Pays-Bas et de se retirer dans les lieux où ils avaient été domiciliés jusqu'alors, pour y attendre le sort des événements[48].

Mais la patience, qui n'avait jamais été la vertu des émigrés, devint, pour eux, d'une pratique singulièrement difficile, lorsque la Révolution, poursuivant son cours indomptable, eut frappé leurs biens de confiscation et fait de leur ruine le châtiment de leur révolte. Il fallut dire adieu alors à ce faste et à ces plaisirs de Coblentz qui avaient scandalisé l'Europe. Le spectre de la misère marcha côte à côte avec l'émigration.

Il existe une peinture, à la fois bien curieuse et bien triste, de la détresse des émigrés français à Bamberg, où plusieurs d'entre eux s'étaient rendus, dès leur sortie de France, et où allèrent les rejoindre ceux qu'on chassa de Belgique. Là on vit des chevaliers de Saint-Louis demander l'aumône sur la voie publique, et des duchesses, des comtesses, des marquises, s'établir au coin des rues comme marchandes mercières, modistes ou parfumeuses. La marquise de Guillaume tenait un petit café où sa fille, fort jolie, attirait beaucoup de monde. Mademoiselle de Spada, mademoiselle de Torcy et mademoiselle de Zerlam vivaient ensemble d'un humble commerce de lingerie. La marquise de l'Ostange vendait des rafraîchissements ; elle devait son établissement à la générosité d'un de ses anciens domestiques que son intelligence avait placé chez un baron du pays. Ce brave homme, craignant qu'un bienfait de lui n'humiliât sa maîtresse, lui avait fait tenir par un ami la somme d'argent dont il pouvait disposer. Une foule de moines de différents ordres inondaient la ville et les environs, étalant leur froc, parcourant les rues, et poursuivant les passants de leurs demandes. Il fallut que, pour couper court à cette mendicité, le gouvernement de Bamberg les distribuât par quartiers et cantons, avec invitation aux citoyens riches de les nourrir à tour de rôle[49].

A Erlang, petite ville de Franconie, appartenant au roi de Prusse depuis 1782, les émigrés furent encore plus malheureux qu'à Bamberg. Beaucoup y vécurent littéralement d'aumônes ; d'autres y furent condamnés à remplir des emplois qu'on les avait élevés à regarder comme avilissants. Le comte de Vieuville faisait des commissions et se tenait au coin d'une rue. Le chevalier de Lanty, fatigué de tendre la main, avait pris le parti de se mettre en service. M. de Saint-Seine, ex-président au parlement de Dijon, ne vivait que des secours de son ancien tailleur. Le marquis de Coigneux recevait l'hospitalité chez un cordonnier français. La comtesse de Virieu qui, à Paris, n'avait jamais su que briller dans les bals, dut se mettre en apprentissage chez une ravaudeuse. Après avoir longtemps couché sur un mauvais grabat, partagé avec sa maîtresse une nourriture grossière, et essuyé mille reproches sur sa maladresse, elle parvint, à force d'assiduité, à se procurer quelques pratiques particulières et à s'établir sous un auvent délabré, où elle vécut de son travail, entourée du respect que lui valurent sa résignation et sa douce gravité. La marquise de la Londe tenait le comptoir d'un restaurateur. Mademoiselle de Saint-Marceau était fille de boutique chez un marchand de toiles. Madame de la Martinière faisait le commerce de vieilles hardes pour femmes. Il y avait, dans cette petite ville d'Erlang, beaucoup de prêtres qui recevaient la charité de ces mêmes protestants que leurs prédécesseurs avaient chassés de France[50] !

Le nombre des émigrés français qui cherchèrent refuge à Hambourg fut très-considérable. Beaumarchais, qui y demeura dix-huit mois, eut à y tendre une main secourable à ceux qu'il avait si bien ridiculisés dans Figaro. Il a raconté qu'il n'eut jamais sous les yeux un plus affligeant spectacle. Ceux qui échappèrent à la misère n'y réussirent qu'en se déshonorant par l'agio[51].

L'agio fut aussi la ressource et la tache de plusieurs des émigrés français auxquels la Suisse offrit un asile[52].

Où l'émigration française parut éveiller des sympathies véritables, ce fut à la Cour de Russie. Apprenant que le prince de Condé n'avait pas reçu cent mille écus promis par l'empereur d'Allemagne, l'impératrice de Russie les envoya aussitôt au prince, en disant : Tant qu'ils emploieront bien l'argent, je les secourrai[53]. Au mois de janvier 1793, elle lui mandait par le duc de Richelieu qu'elle était décidée à soutenir vivement la cause des émigrés, et qu'elle leur offrait, pour le cas où la République française viendrait à se consolider, un établissement sur la mer d'Azof, au 46e degré de latitude. La colonie se serait composée de six mille nobles, à la disposition desquels on aurait mis, pour qu'ils pussent s'y rendre, une somme de six mille ducats. Chacun d'eux aurait eu deux chevaux et deux vaches. Ils auraient conservé leur culte, obéi à leurs propres lois, et reconnu pour chef le prince de Condé. Le pays qu'on leur donnait avait autrefois fait partie de ce royaume de Pont qu'illustra le génie de Mithridate[54].

Mais cette bienveillance de l'impératrice de Russie s'expliquerait par le caractère incertain et obscur de ses rapports avec les émigrés. D'ailleurs, comme cette princesse avait eu soin de se tenir à l'écart, dans la lutte terrible engagée entre la France et l'Europe, sa générosité lui coûtait peu : celle que les émigrés réclamaient de la Prusse et de l'Autriche se mesurait, au contraire, par des millions d'écus jetés au vent et des millions d'hommes tués !

Comment les émigrés français furent-ils traités en Angleterre ? Puisaye assure dans ses Mémoires qu'ils y reçurent une hospitalité royale ; que devant le respect commandé par leur infortune, les préjugés nationaux disparurent ; que le devoir de les secourir fut prêché du haut de la chaire ; que les contributions volontaires vinrent grossir de toutes parts les sommes que le gouvernement distribuait aux exilés d'une main libérale[55]. Il y a du vrai dans ce tableau[56] ; mais que la munificence du gouvernement anglais y soit exagérée, c'est ce qui résulte des manuscrits de Puisaye lui-même, qui sont si peu d'accord, sur beaucoup de points essentiels, avec ses Mémoires imprimés. Nous avons sous les yeux une note de lui dans laquelle il sollicite du ministère une légère augmentation de secours pour madame de Pierreville, sa proche parente, fille du gouverneur de Vincennes, laquelle ne touchait que deux shellings par jour, et pour le comte de Lantivy, lequel n'en touchait que trois, bien qu'il fût infirme, que sa famille exerçât une grande influence en Anjou, et que trois de ses parents eussent été tués dans les rangs royalistes[57]. La note dont il s'agit constate que les secours alloués à Daguin, Legros, Destulays, tous officiers de distinction, n'excédaient pas un shelling par jour[58]. C'était le taux ordinaire[59] ; et la comtesse de Gouyon, qui avait, néanmoins, plusieurs enfants à sa charge, ne recevait pas davantage[60]. Encore tous n'était-ils pas aussi favorisés. M. de Précorbin, par exemple, fut longtemps sans rien recevoir[61] ; sa misère était affreuse, et il serait mort de faim, peut-être, sans l'intercession de Puisaye.

Ce qui n'est pas douteux, c'est que le dénuement des émigrés français dans l'immense ville de Londres enfanta les mêmes contrastes que dans les petites villes d'Allemagne. On y vit le marquis de la Roche-Lambert parader sur un théâtre, et M. de Bourblanc, ex-procureur général du parlement de Bretagne, vendre des violons. Le chevalier Doria y était tourneur, le chevalier d'Anselme garçon limonadier, et le marquis de Montbazet allumeur de réverbères[62].

Les uns, raconte Chateaubriand, dans ses Mémoires d'outre-tombe, s'étaient mis dans le commerce du charbon ; les autres faisaient, avec leurs femmes, des chapeaux de paille ; d'autres enseignaient le français, qu'ils ne savaient pas... Des domestiques que leurs maîtres ne pouvaient plus nourrir, s'étaient transformés en restaurateurs pour nourrir leurs maîtres[63].

Chateaubriand, dans cette ville de Londres où il devait, plus tard, déployer la magnificence d'un ambassadeur, occupait en 1795 un misérable grenier d'Holborn. Il a tracé de sa propre main les détails de l'effroyable détresse à laquelle il se trouva réduit :

La faim me dévorait. je suçais des morceaux de linge que je trempais dans l'eau ; je mâchais de l'herbe et du papier. Quand je passais devant des boutiques de boulangers, mon supplice était horrible. Par une rude soirée d'hiver, je restai deux heures planté devant un magasin de fruits secs et de viandes fumées, avalant des yeux tout ce que je voyais : j'aurais mangé non-seulement les comestibles, mais leurs boîtes, paniers et corbeilles[64].

 

Dès le commencement de 1793, la cause des émigrés paraissait à ce point désespérée, et le gouvernement anglais agissait si peu en vue de leur rentrée en France, qu'il était question de les expédier au Canada ; et déjà l'on parlait des dispositions à prendre pour leur fournir les moyens de s'y établir[65].

C'est qu'en effet, la Cour de Londres était, au fond, très-indifférente au triomphe des princes du sang royal, et elle nourrissait même à l'égard de l'aîné de ces princes, Louis-Stanislas-Xavier (depuis Louis XVIII), un sentiment d'hostilité sourde, que l'esprit d'indépendance affiché par ce dernier n'avait fait qu'aigrir. Pitt ne lui pardonnait pas d'avoir essayé de gagner Toulon, lorsque cette ville était au pouvoir des Anglais. Pour qu'il eût trouvé grâce auprès de ce ministre hautain et de ses collègues, il aurait fallu qu'il consentît à subordonner ses intérêts aux vues du Cabinet britannique, et on lui fit durement expier sa répugnance à y consentir[66].

Cet esprit de protection dérisoire, ce n'était pas à la Cour de Londres seulement qu'il prévalait : les Cabinets de Vienne et de Berlin n'avaient pas, sur ce point, d'autres façons de penser ou d'agir que le Cabinet de Saint-James. En réalité, l'objet véritable de la Coalition ne fut jamais celui qu'elle annonçait avec tant de faste. Le but réel des Puissances coalisées était d'éloigner de leurs États la contagion des idées révolutionnaires ; d'en finir avec le prestige, avec la force qu'elles donnaient au peuple français, et de faire tourner les déchirements de l'Europe au profit de leurs ambitions ou convoitises particulières. Ce but atteint, le reste leur importait peu. Et c'est pourquoi elles refusèrent si longtemps aux princes français un commandement qui leur fournît, avec l'occasion de se signaler, le moyen de se créer une situation indépendante.

Il est à remarquer que l'acte par lequel Louis-Stanislas-Xavier se déclara régent de France, après la mort de Louis XVI, porte la date du 28 janvier 1793. Or, à la date du 10 octobre 1793, la Russie était encore la seule Puissance qui eût bien voulu reconnaître à l'oncle de Louis XVII le titre de régent[67] ; et lorsqu'il arriva aux autres Cours de lui accorder ce titre, ce ne fut jamais que par politesse, c'est-à-dire sans y attacher la moindre importance diplomatique. La Cour de Vienne fit plus : elle déclara d'abord que la régence appartenait de droit à Marie-Antoinette. De là le mot égoïste et cruel que laissa échapper Louis-Stanislas-Xavier, à la nouvelle de l'exécution de la reine. A cette époque, il habitait la ville de Hamm, dans les États du roi de Prusse. Lorsqu'on lui annonça ce tragique événement, il était debout devant la cheminée de sa chambre : il en frappa du poing le manteau, et se retournant vers les personnes qui étaient là : Me voilà, maintenant, s'écria-t-il, dans une belle position : nous verrons si la Cour de Vienne me refusera encore la régence ![68]

Il n'avait pas, du reste, attendu jusque-là pour constituer une Cour et un ministère selon les usages de la monarchie. Mais il eut beau les composer de tout ce qu'il y avait de plus remarquable dans l'émigration ; il eut beau appeler à lui les noms illustres des Broglie, des Castries, des Saint-Priest, des Barentin ; il eut beau se faire représenter : à Madrid, par le duc d'Havré ; à Vienne, par le duc de Polignac ; à Londres, par le duc d'Harcourt, tous ses efforts échouèrent contre le mauvais vouloir systématique des principales Cours de l'Europe. Non contentes de méconnaître et le titre, et la mission, de ses chargés d'affaires, elles semblèrent prendre à tâche de ne les consulter en aucune circonstance et de leur faire un secret même des déterminations dans lesquelles ils se trouvaient exclusivement intéressés[69]. L'Angleterre paraît toujours mettre Monsieur à l'écart, écrivait amèrement le maréchal de Castries au duc d'Harcourt, dans une lettre datée de Hamm, 29 novembre 1794[70]. Et cela était si vrai, que, quoique le duc d'Harcourt tînt de près à l'Angleterre par ses relations de famille, il n'y acquit jamais aucun crédit réel. L'éclat de sa naissance, l'étendue de ses connaissances, sa longue habitude des Cours, lui valurent quelque considération personnelle, mais ne suffirent point pour lui créer une importance politique[71]. Si, comme on le verra plus loin, le comte Joseph de Puisaye obtint à Londres une position et une influence bien supérieures, ce fut parce qu'au lieu de représenter les princes français auprès de l'Angleterre, il représenta l'Angleterre auprès des princes français, parce qu'il voulut être et devint l'homme de Pitt.

Les princes crurent aussi avoir à se plaindre des Puissances, sous le rapport des secours d'argent.

Au mois de mars 1795, Louis-Stanislas-Xavier fit savoir aux émigrés de Londres, par l'entremise des comtes de la Châtre et de Botherel, qu'il ne pouvait rien pour eux, attendu que les fonds bornés qu'il tenait de la générosité des Puissances lui permettaient à peine de subvenir aux besoins de ceux des émigrés auxquels l'Allemagne servait d'asile[72].

Son frère, le comte d'Artois, ayant reçu de l'impératrice de Russie des médailles et diamants d'un grand prix, les envoya au maréchal de Broglie, avec injonction de les vendre au profit des émigrés les plus nécessiteux, ainsi qu'une épée donnée à ses enfants par Louis XVI[73]. La pénurie du comte d'Artois, en octobre 1794, était telle, qu'il fit dire à Puisaye qu'une somme quelconque lui serait fort utile, si modique qu'elle fût : sur quoi Puisaye lui envoya mille louis tirés des fonds destinés au parti royaliste par le gouvernement anglais[74].

Quant au prince de Condé, ce n'était plus ce fastueux propriétaire de Chantilly, dont le luxe presque royal avait fait l'admiration des étrangers. Dans son quartier général de Rastadt, une espèce de calèche ouverte, suivie d'un fourgon et de quelques domestiques, tel était son équipage. Son vêtement consistait en un surtout militaire sans autre ornement qu'une étoile brodée. Tout en lui indiquait le chef d'une armée mal payée, mal nourrie. Les soldats de cette armée n'avaient point d'uniforme. On les distinguait par une cocarde blanche et une espèce de bande de même couleur, empreinte de fleurs de lis noires, qu'ils portaient au bras droit. Ils étaient presque tous à pied et n'avaient pour arme qu'une épée[75]. Leur condition ne s'améliora un peu que, lorsqu'au mois de novembre 1794, l'Angleterre les prit à sa solde[76]. Jusqu'alors ils avaient dû vivre de la paye autrichienne, dont la modicité les condamna longtemps à une existence de mendiants enrégimentés.

Mais si la sympathie des Cours de l'Europe pour les princes français fut très-équivoque, il faut convenir que, de leur côté, les princes français ne se conduisirent guère de façon à la mériter.

Lors de l'arrestation de Louis XVI à Varennes, le comte de Provence, qui était alors à Namur, avait mandé au comte d'Artois de venir le rejoindre à Bruxelles ; et la première entrevue des deux frères n'était pas encore terminée, que déjà leur antagonisme avait fait éclat. Réunis au château de Hamm, près Dusseldorf, après l'infructueuse expédition du duc de Brunswick sur le territoire français, ils s'étaient promis, en y apprenant la mort de Louis XVI, de ne rien entreprendre que d'un commun accord. Vaine promesse ! l'inimitié profonde qui existait entre le baron de Breteuil, agent confidentiel de l'aîné des deux frères, et le comte de Calonne, conseiller intime du plus jeune, fut un des scandales de l'émigration ; et ce sont des royalistes qui se sont chargés d'apprendre à la postérité comment le Conseil du comte d'Artois (depuis Charles X) devint, en ce temps-là, le refuge de tous ceux qu'il plaisait à Louis-Stanislas-Xavier d'éloigner de son service[77].

Cette mésintelligence, connue de l'Europe, ne pouvait que nuire à la cause des princes ; mais une chose lui fut bien plus funeste encore : c'est qu'on ne les vit jamais combattre là où l'on mourait pour eux.

Il est vrai que, pour ce qui concerne le comte de Provence, ce fait s'explique, en partie du moins, par les obstacles que les Puissances accumulèrent sur sa route. Il est certain qu'elles ne cachèrent pas leur répugnance à le voir à la tête d'une armée royaliste ; qu'elles s'abstinrent soigneusement de lui frayer le chemin de la Vendée ; qu'elles s'étudièrent à le tenir confiné dans ce château de Hamm, où son action, pendant près d'une année, descendit forcément aux proportions d'une intrigue, et que, lorsqu'il essaya d'échapper à cette espèce de captivité pour se rendre à l'appel des royalistes de Toulon, il fut arrêté à Turin par le mécontentement bien prononcé du gouvernement britannique ; mais il est des situations où il faut savoir résister, même à ceux dont on a le plus besoin. Dès la fin de 1794, alors que la Vendée avait été noyée dans son sang, Louis-Stanislas-Xavier, comte de Provence, proclamé régent de France. par lui-même, était tranquillement établi à Vérone, sur le territoire vénitien, où il vivait de 10.000 livres par mois que lui faisait passer la Cour d'Espagne[78]. Et de quelle manière employait-il son exil ? Dès huit heures du matin, il se montrait paré selon l'ancienne étiquette, décoré de ses rubans et ceint de son épée, qu'il ne quittait qu'au moment de se mettre au lit. Chargé d'embonpoint, il ne cherchait un remède à cette infirmité dans aucun effort d'activité personnelle, ne sortait jamais, ne rendait aucune visite, ni à Vérone, ni aux environs. En revanche, il écrivait beaucoup. Après son dîner, généralement frugal, il donnait quelques audiences, et ensuite il s'enfermait chez lui, où on l'entendait se promener en long et en large avec agitation. Le soir, entouré de ses courtisans, il prenait plaisir à écouter des lectures. Sa résidence, selon l'expression de Desjardins, était le palais de l'ennui[79]. Autre était la vie de Charette dans ses repaires !

Pendant ce temps, le comte d'Artois était à Arnheim.

Pour savoir ce que la cause royaliste pouvait gagner à se personnifier en ce prince, il faut le suivre dans le voyage qu'il fit à Saint-Pétersbourg, au mois de février 1793.

L'impératrice lui avait destiné une maison choisie parmi celles des plus grands seigneurs de Saint-Pétersbourg. Elle attacha gracieusement au service de son hôte les pages, les maîtres d'hôtel, les valets de pied du service de la Cour ; elle voulut que ses propres voitures fussent celles du prince, et qu'un bataillon du régiment des grenadiers des gardes du corps fût chaque jour de garde chez lui ; elle lui donna 60.000 livres par semaine ; elle eut soin que la table du comte d'Artois, qu'elle payait, fût le plus recherchée possible ; elle lui offrit, en un mot, une hospitalité splendide[80]. Mais elle ne lui laissa point ignorer ce qu'elle entendait honorer de la sorte en lui. Vous êtes, lui disait-elle sans cesse, un des plus grands princes d'Europe, mais il faut oublier cela, et être un bon et valeureux partisan[81]. Catherine II en effet n'avait pas le même intérêt que les souverains d'Angleterre et d'Allemagne à éloigner les princes français du théâtre d'une guerre où elle n'était pas engagée. Elle haïssait, d'ailleurs, la Révolution d'une haine profonde ; et ce que l'égoïsme de sa politique lui avait interdit de tenter, elle brûlait de le faire faire à d'autres. De là le billet qu'elle adressa au comte d'Esterhazy, à la nouvelle de la défection de Dumouriez :

Je vois le roi de France sur son trône. Les Autrichiens n'oseront pas se mal conduire. Ils sont sûrs de me voir avec deux cent mille hommes sur leurs frontières, si leurs intentions n'étaient pas pures.

Signé : RÉVEIL DE LA SIBYLLE.

Ce billet, que le comte d'Esterhazy reçut en présence du comte Vauban, auquel il le montra[82], prouve que Catherine II avait l'œil ouvert sur les motifs intéressés des grands auteurs de la croisade européenne d'alors ; et c'était probablement pour déjouer leurs desseins secrets, qu'elle tenait à mettre en avant les princes.

Quoi qu'il en soit, elle pressa si vivement le comte d'Artois d'embrasser le rôle de chef de parti, que ce prince y consentit, ou parut y consentir. Il fut décidé qu'il partirait sur une frégate russe ; qu'il prendrait la route d'Angleterre, s'y mettrait en communication avec les royalistes en armes sur la côte de France, et irait les commander[83]. Un million lui fut donné dès lors, et l'on convint qu'une fois l'entreprise commencée, on lui fournirait jusqu'à la somme de quatre millions, par l'ambassadeur de Russie à Londres[84].

Le jour du départ venu, l'impératrice, entourée de sa Cour, s'avança vers le comte d'Artois, et lui offrit, pour dernier présent, une épée magnifique dont la lame portait cette inscription : Donnée par Dieu, pour le Roi. Je ne vous donnerais pas cette épée, dit Catherine, si je n'étais sûre que vous périrez plutôt que de différer à vous en servir. Le comte d'Artois répondit : Je prie Votre Majesté de n'en pas douter. Vauban, qui était présent, dit le soir au comte d'Esterhazy : Il a reçu cette épée comme un homme qui ne s'en servira pas[85].

Et en effet, Vauban, que l'impératrice avait chargé d'accompagner le prince, de le solliciter à l'action, fut informé, avant même leur arrivée en Angleterre, qu'il se proposait de retourner à Hamm[86].

De Hull, qu'il atteignit après une traversée de quatorze jours, et où il se présenta comme un simple officier russe, le comte d'Artois expédia un courrier à Londres, pour savoir du comte de Voronzow, ambassadeur de Russie, et du duc d'Harcourt, s'il pouvait se rendre à Londres. La réponse fut que les quelques millions de dettes contractées par lui dans cette ville lui en fermaient l'accès, et qu'il y serait arrêté, à l'instant où il y mettrait le pied, parce que la rigueur des lois anglaises ne tenait nul compte du rang ou de la qualité des débiteurs. Là-dessus, que devait-il faire ? Aller débarquer, soit à Ostende, soit en Hollande, et retourner à Hamm ? ou bien, pousser droit en Vendée ? De ces deux partis, le premier lui fut vivement conseillé par ses alentours, et le second, plus vivement encore par Vauban. N'avez-vous pas, lui disait ce dernier, un million, deux vaisseaux, une épée ? Il aurait pu rappeler que, souvent, le prince lui avait dit à lui-même : Mon cher comte, tu verras que tout ira bien : c'est le moment d'enfoncer son chapeau[87]. Il fut navré, lorsqu'il entendit un homme dont la cause faisait couler des flots de sang, déclarer qu'il n'était plus comme autrefois ; qu'il n'aspirait qu'à trouver quelque retraite où il pût vivre tranquille et ignoré. Ce fut en vain que, secondé par Roger de Damas, Vauban insista ; en vain qu'il lui dit : Votre retraite, monseigneur ! c'est de vous mettre vingt pieds de terre sur la tête, tout fut inutile : le comte d'Artois congédia les vaisseaux qui l'avaient apporté, et reprit le chemin de Hamm[88].

A quelque temps de là, le 18 août 1793, il recevait, de Châtillon-sur-Sèvres en Poitou, une lettre que résumaient ces mots : Venez ! monseigneur ! Venez ! Suivaient de nombreuses signatures. Et quelles signatures ! La Rochejaquelein, Donissan, la Trémoille, le prince de Talmont, d'Elbée, Lescure[89].

La lettre qu'à cette occasion le comte d'Artois écrivit, de Hamm, au duc d'Harcourt, demande à être connue. Parmi les documents manuscrits que nous avons découverts au British-Museum, nul n'est plus caractéristique :

Vous savez mieux qu'un autre, écrivait le comte d'Artois au duc d'Harcourt, à la date du 10 octobre 1793, et je désire que le ministère britannique connaisse, que, depuis mon retour de Russie, je n'ai rien négligé pour trouver une occasion de pénétrer en Poitou, et me réunir à l'armée catholique et royale. Le Cabinet de Saint-James ne pouvant et ne voulant pas appuyer et protéger ma démarche, j'ai cherché à agir à son insu, mais vos avis et vos sages réflexions m'ayant prouvé que mes efforts étaient inutiles, j'avais tourné mes vues sur le Midi. Tels étaient mes projets, lorsque le chevalier de Tinténiac m'a apporté la lettre des chefs de l'armée catholique et royale. C'est la voix du véritable honneur qui m'appelle, et je serais indigne de l'estime publique, si mon vœu le plus ardent et mon désir le plus prononcé n'étaient pas de tout braver pour me rendre au poste qui m'est indiqué par tous les sentiments, tous les devoirs et tous les intérêts réunis.

D'après cela, on aurait pu s'attendre à une conclusion héroïque : loin de là ; pour toute conclusion, le prince disait, en terminant :

Je vous charge, au nom du régent comme au mien, en présentant au roi d'Angleterre et à ses ministres mon vœu, bien exprimé, de me rendre promptement aux honorables invitations des Français fidèles du Poitou, de n'insister vivement sur cette demande qu'autant qu'elle entrera dans les vues du Cabinet de Saint-James[90].

 

Or, il les connaissait parfaitement, ces vues du Cabinet de Saint-James ; il savait très-bien — le commencement de sa lettre le prouve — que le ministère anglais ne le voulait pas à la tête de l'armée vendéenne !

Quelques jours après, il écrivait au duc d'Havré :

Mon inaction et, par conséquent, mon inutilité me devenant chaque jour plus insoutenable, si, contre mon attente, le roi mon cousin pensait que mon arrivée en Poitou dût encore être retardée, j'oserais du moins le supplier de me permettre de servir comme volontaire et simple gentilhomme avec l'armée espagnole qui est dans Toulon[91].

 

Ainsi, la vie du comte d'Artois dans l'exil se passait à demander aux Puissances belligérantes une permission qu'il savait devoir lui être refusée, et à subir un joug dont son premier devoir était de s'affranchir.

Le rôle du prince de Condé fut plus brillant ; mais lui-même n'avait qu'une partie des qualités que ce rôle exigeait. Héros sur le champ de bataille, esprit sans ressort dans le Cabinet, audacieux par le cœur et timide par l'intelligence, il ne sut jamais être, selon le jugement d'un homme qui le connut bien, ni courageux, ni prudent à propos. L'échafaud lui faisait peur, quoiqu'il ne craignît pas la mort. Il eut quelques instants d'éclat, écrit R. de Montgaillard, et pas un seul moment de grandeur[92]. Il était mal entouré, d'ailleurs, ayant pour principaux conseillers le marquis de Montesson, petit bossu de corps et d'esprit, et le chevalier de Contye, lieutenant de ses chasses, dont l'éducation politique s'était faite parmi les piqueurs de Chantilly[93].

Ainsi que les comtes de Provence et d'Artois, le prince de Condé entretenait des intelligences suivies avec nombre d'agents répandus dans Paris et dans les provinces. Mais ces agents, pas plus que les émigrés, ne connaissaient la France, quoiqu'ils vécussent, eux, au foyer de la Révolution, tant ils avaient peu changé, lorsque tout changeait autour d'eux !

Telle se présente à l'Histoire l'émigration française durant, le cours de la Révolution. Aux causes qui, pendant si longtemps, et même après le 9 thermidor, rendirent son action impuissante, il en faut joindre une dont l'influence se lie à la grande catastrophe de Quiberon, qu'il nous reste à raconter. Deux factions divisaient le parti royaliste, celle d'Angleterre, celle d'Espagne. L'exposé de leurs intrigues rivales formera le sujet du chapitre suivant.

 

 

 



[1] Moniteur, an 1791, n° 12.

[2] Moniteur, an 1791, n° 76.

[3] Voyez Moniteur, an 1791, n° 82 et 102.

[4] Moniteur, an 1791, n° 164. Décret du 13 juin 1791.

[5] Voyez son Mémoire en réponse au décret du 11 juin 1791.

[6] Moniteur, an 1791, n° 180.

[7] Moniteur, an 1791, n° 242.

[8] Extrait d'une lettre du 15 août 1791. Moniteur, an 1791, n° 240.

[9] Moniteur, an 1791, n° 302.

[10] Moniteur, an 1791, n° 280.

[11] Extrait d'une lettre datée de Coblentz, 20 octobre 1791. Moniteur, an 1791, n° 300.

[12] Moniteur, an 1791, n° 214.

[13] Journal d'Olivier d'Argens, à la suite de la Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, p. 547 et 548. Papier trouvé sur Olivier d'Argens, mort dans un des combats qui précédèrent la prise de Charette.

[14] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 243.

[15] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 240, 241.

[16] Mémoire concernant la trahison de Pichegru, par M.R. de Montgaillard, germinal an XII.

[17] Elle fut lue à la Convention le 17 octobre 1795.

[18] Biographie universelle. Supplément, au mot Condé.

[19] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés français, t. I, p. 7 et 8.

[20] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 240.

[21] Mémoires du marquis de Ferrières, t. III, liv. XI, p. 35.

[22] Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 249.

[23] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés français, t. I, p. 7 et 8.

[24] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés français, t. I, p. 7 et 8.

[25] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés français, t. I, p. 7 et 8.

[26] Mémoire adressé à l'Assemblée nationale et la dans la séance du 2 novembre 1791. Moniteur, an 1791, n° 307. — Mémoires du marquis de Ferrières, t. III, l. XI, p. 35.

[27] Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, t. I, p. 72-75.

[28] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés français, t. I, p. 25.

[29] Lettre de Coblentz, en date du 10 avril. Moniteur, an 1792, n° 116.

[30] Moniteur, an 1792, n° 17.

[31] Biographie nouvelle des Contemporains, par Arnault, Jay, Jouy et autres, art. Mirabeau jeune.

[32] Moniteur, an 1792, ne 245.

[33] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés français, t. I, p. 11 et 12.

[34] Moniteur, an 1791, n° 298, 310, 323, 353, 354.

[35] Mémoires du marquis de Ferrières, t. III, liv. VI, p. 36.

[36] Note lue à l'Assemblée législative, dans la séance du 6 janvier 1792.

[37] Nouvelle Biographie universelle, au mot Charles X.

[38] Voyez le Journal d'Olivier d'Argens, à la suite de la Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, p. 549.

[39] Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, p. 549.

[40] Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, p. 549.

[41] Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, p. 549.

[42] Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, p. 549, et aussi Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 251.

[43] Entre autres documents qui la constatent, voyez la lettre de Hoche au Comité de salut public, en date du 23 nivôse (11 janvier) 1795.

[44] Moniteur, an II (1794), n° 213, 216, 225, 251, et an III, n° 84, 86 et 144.

[45] Montgaillard, t. IV, p. 325-326. Le livre qui a paru sous le nom de l'abbé de Montgaillard fut en grande partie l'ouvrage de son frère, c'est-à-dire de l'homme qui connaissait le mieux l'histoire et possédait le mieux les secrets, soit des Cours, soit de l'émigration.

[46] Montgaillard, t. IV, p. 325-326.

[47] Montgaillard, t. IV, p. 325-326.

[48] Moniteur, an 1793, n° 112.

[49] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés, t. I, p. 25-28.

[50] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés, t. I, p. 29-39.

[51] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés, t. I, p. 51-55.

[52] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés, t. I, p. 56.

[53] Vauban, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de Vendée, p. 27.

[54] Extrait des bulletins manuscrits de Vienne. Moniteur, an Ier, 1793, ° 44.

[55] Mémoires de Puisaye, t. III, p. 42-43.

[56] Voyez le Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, p. 562.

[57] Papiers de Puisaye, vol. CIII. Manuscrits du British Muséum.

[58] Papiers de Puisaye, vol. CIII. Manuscrits du British Muséum.

[59] Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, p. 562.

[60] Note manuscrite de Puisaye, Papiers de Puisaye, vol. CIII. Manuscrits du British Muséum.

[61] Note manuscrite de Puisaye, Papiers de Puisaye, vol. CIII. Manuscrits du British Muséum.

[62] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés, t. I, p. 68-69.

[63] Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 154, 177.

[64] Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 170.

[65] Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, p. 565.

[66] The conduct of that prince, in attempting to go to Toulon, when n our possession, gave great offence to the ministry, who never meant that he should go there, and were not a little surprised that he should act for himself, without receiving his instructions. Annual Register, vol. XXXVII, p. 67-68.

[67] C'est ce que constate, rapprochée du Moniteur, an Ier, 1793, n° 131, une lettre écrite, de Hamm, au duc d'Harcourt par le comte d'Artois. — Papiers de Puisaye, vol. I. Manuscrits du British Muséum.

[68] Montgaillard, qui est le véritable auteur de l'Histoire de France publiée sous le nom de l'abbé son frère, et qui était si bien au courant de ce qui concernait les princes, rapporte le fait qui précède comme ayant été d'abord raconté par le baron de Breteuil, puis confirmé par le duc d'Avaray. Voyez le tome III de son livre, p. 460.

[69] Voyez les Mémoires de Puisaye, t. III, p. 89, et t. IV, p. 8.

[70] Elle est citée dans les Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 6-15.

[71] Puisaye avoue que sa mission auprès du gouvernement anglais était un secret, même pour le duc d'Harcourt. Voyez les Mémoires de Puisaye, t. III, p. 261.

[72] Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, etc., p. 567-568.

[73] Journal d'Olivier d'Argens, Correspondance secrète de Charette, Stofflet, etc., p. 573, et numéro 3 des pièces justificatives du Journal d'Olivier d'Argens.

[74] Mémoires de Puisaye, t. III, p. 254.

[75] Prudhomme, Voyages et aventures des émigrés français, t. Ier, p. 11.

[76] Lettre du maréchal de Castries au duc d'Harcourt, Hamm, 29 novembre 1794. — Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 4.

[77] Mémoires de Puisaye, t. V, p. 243.

[78] Desjardins, Campagnes des Français en Italie, t. III, p. 92.

[79] Desjardins, Campagnes des Français en Italie, t. III, p. 90-92.

[80] Le comte de Vauban, Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de la Vendée, p. 11 et 12.

[81] Vauban, Mémoires, etc., p. 11.

[82] Vauban, Mémoires, etc., p. 16.

[83] Vauban, Mémoires, etc., p. 16.

[84] Vauban, Mémoires, etc., p. 16.

[85] Vauban, Mémoires, etc., p. 20 et 21.

[86] Vauban, Mémoires, etc., p. 30.

[87] Vauban, Mémoires, etc., p. 31.

[88] Vauban, Mémoires, etc., p. 35.

[89] Nous avons trouvé cette lettre dans les Papiers de Puisaye, volume LVII. Manuscrits du British Muséum.

[90] Papiers de Puisaye, vol. I. — Manuscrits du British Muséum.

[91] Lettre du comte d'Artois au duc d'Havré, en date de Hamm, 22 octobre 1795, dans les Papiers de Puisaye, vol. I. — Manuscrits du British Muséum.

[92] Mémoire concernant la trahison de Pichegru, par M. R. de Montgaillard, p. 18. Germinal an XII.

[93] Mémoire concernant la trahison de Pichegru, par M. R. de Montgaillard, p. 19.