HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE DOUZIÈME

 

CHAPITRE III. — LES PRISONS DE LA RÉVOLUTION

 

 

Prisons muscadines. — La vie de prison, vie de château. — Comment on passait le temps dans la prison du Luxembourg, dans celle de Port-Libre, dans la maison d'arrêt de la rue de Sèvres, dans celle des Madelonnettes. — Prison du Plessis, la plus dure de toutes. — Comment les prisonniers déjouaient la surveillance des gardiens. — Pas de système à l'égard des prisons. — Les concierges et administrateurs de police, brutaux dans certaines prisons, et, dans d'autres, pleins d'humanité. — Bureau de police générale. — Robespierre essaye de l'opposer au Comité de sûreté générale, mais en vain. — Le Bureau de police générale soustrait à son influence, au plus fort de la Terreur. — Commissariat des administrations civiles, police et tribunaux. — Hermann ; à quoi se réduisirent ses rapports avec Robespierre. — Changements dans le régime des prisons. — Prétendu complot de Bicêtre. — Derniers moments d'Osselin. — L'audience, dans l'affaire de Bicêtre, présidée par Naulin. — Rumeurs sur ce qui se passe dans les prisons. — Le spectre du soupçon partout. — Les faiseurs de listes au Luxembourg. — Boyenval, Beausire, Vernet. — Le concierge Benoît ; le concierge Guyard. — L'administrateur de police Wilcheritz. — Vernet dénonce une conspiration dans la prison du Luxembourg. — Rapport d'Hermann au Comité de salut public. — Arrêté du Comité de salut public, ordonnant des recherches. — Lanne se rend au Luxembourg. — Son entrevue avec le général Baraguay-d'Hilliers. — Liste dressée par Boyenval, Beausire et Vernet. — Cinquante-neuf prisonniers traduits au tribunal révolutionnaire. — On multiplie les gradins dans l'enceinte du tribunal. — Jugement en trois fois. — Transfèrement des prévenus à la Conciergerie. — Impudeur des faiseurs de listes. — L'audience du 22 messidor, présidée par Sellier ; sa dureté en cette circonstance ; témoignage de Réal en sa faveur. — Nicolaï et Fouquier-Tinville. — Horrible trait de Boyenval. — Complot dénoncé dans la prison des Carmes. — Critique historique.

 

Pendant ce temps, que se passait-il dans les prisons ?

Leur histoire, il ne faut pas l'oublier, ne nous est connue que par les récits de prisonniers tous plus ou moins ennemis de la Révolution, et naturellement portés à exagérer leurs souffrances, soit pour mieux émouvoir la pitié, soit pour mieux assurer le triomphe de leurs ressentiments. Et néanmoins, ce que prouve l'ensemble de leurs récits, c'est qu'à une époque marquée par un déchaînement de passions jusqu'alors sans exemple, le régime des prisons fut beaucoup moins rigoureux qu'il ne l'a été, en des temps calmes, sous le gouvernement monarchique.

L'attente de la mort avec ce qu'elle contient d'angoisses, voilà, pendant la Révolution, le trait vraiment caractéristique et terrible du tableau des prisons : quant au reste, on n'a qu'à s'étonner des progrès faits, depuis, par le génie de la haine armée du pouvoir !

En réalité, les seules prisons politiques dures à habiter, durant la plus grande partie de la période révolutionnaire, furent celles de la Conciergerie, de Sainte-Pélagie, des Madelonnettes, de la Force et du Plessis. Pour ce qui est du Luxembourg, de Port-Libre, des Carmes, des Bénédictins anglais, de Saint-Lazare, des Anglaises du Faubourg Saint-Antoine, c'étaient des prisons muscadines où les détenus ne connurent longtemps d'autres chaînes que celles de l'amour, et où ils coulaient des jours délicieux dans les bras des belles prisonnières, leurs compagnes, au milieu des jardins, des vergers, des berceaux et des présents de la nature ; car c'est en ces termes mêmes que s'exprime l'auteur du récit qui se rapporte à la Conciergerie[1].

Nous avons mentionné le Luxembourg : cette prison, réservée d'abord aux députés prévenus de fédéralisme, ne tarda pas à recevoir un brillant contingent de suspects de qualité ; nobles accompagnés de leurs domestiques, dames du plus haut rang traînant à leur suite de fringantes femmes de chambre[2]. Là aussi furent renfermés des Anglais et des Anglaises. La vie qu'on y mena jusqu'au moment où le régime de la Terreur atteignit ses extrêmes limites fut, on pourrait presque dire, charmante. Selon le témoignage même d'un des captifs, les petits vers, les couplets, le jeu, la médisance et la musique remplissaient les journées[3]... sans oublier l'amour, dont on goûtait les douceurs avec si peu de contrainte, qu'il en courut au dehors toutes sortes de rumeurs piquantes assaisonnées de vifs commentaires[4]. L'aventure suivante donnera une idée des libertés que prenaient, au Luxembourg, prisonniers ou prisonnières. Un jeune homme du dehors s'était, à prix d'argent, ouvert les portes de la prison ; et, caché derrière un paravent, seule barrière à la curiosité indiscrète, il goûtait tranquillement et en plein jour, dans les bras de sa maîtresse, les plaisirs de l'amour. La dame, surprise en flagrant délit, feint de se fâcher, jette les hauts cris, se dit frappée, crie au viol et s'évanouit. Pendant cette scène, l'Adonis s'échappe avec la légèreté d'un trait, et se fait ouvrir le guichet, à la faveur d'arguments que le bon Basile appelait irrésistibles[5]. La mode des aventures galantes prit si bien, que l'administrateur de police dut en venir à séparer les deux sexes[6].

A Port-Libre, où étaient réunis riches et pauvres, aristocrates de naissance et aristocrates d'opinion, les choses se passaient avec beaucoup plus de décence[7]. Mais là aussi, pendant longtemps, la vie de prison ne différa point de la vie de château. Point de grilles, point de verrous ; les portes n'étaient fermées que par un loquet[8]. Pour subvenir aux dépenses de la maison, on avait établi une administration intérieure fort bien organisée, et qui subsista jusqu'en prairial, époque à laquelle la Commune prit à son compte l'administration intérieure des prisons. Les frais généraux étaient à la charge des riches, dont chacun contribuait en raison de ses facultés. Ceux qui ne pouvaient se nourrir recevaient trente sous par jour[9]. Le soir, on se rassemblait au salon ; les hommes, rangés autour d'une grande table, lisaient ou écrivaient ; les femmes travaillaient aux ouvrages de leur sexe. A des jours déterminés, on faisait de la musique. Le baron de Wirback, réputé la première viole-d'amour de son temps, figurait parmi les prisonniers, et se prêtait de bonne grâce à charmer leurs loisirs. Pourtant, dans cette prison, gouvernée d'une manière si douce, la République comptait nombre d'ennemis qui ne se donnaient même pas la peine de dissimuler leur fureur. A la nouvelle d'une victoire, les figures pâlissaient ; des soupirs étouffés, des contractions de nerfs, des trépignements de pied, annonçaient l'aristocratie incorrigible[10]. Il est vrai que les heures sombres arrivèrent. Quand la Terreur eut atteint son point culminant, et précisément à l'époque où Robespierre n'allait plus au Comité de salut public, la condition des prisonniers renfermés à Port-Libre changea de face. Dès le 26 prairial (14 juin), on leur signifie l'ordre de ne plus se servir de lumière. — Ordre, du reste, révoqué le lendemain — et, ce jour-là, ils soupent, ils se couchent à la lueur du réverbère[11]. Le 2 messidor (20 juin), défense d'écrire et de recevoir des lettres[12]. Le 16 messidor (4 juillet), les instruments de musique sont enlevés[13]. Le 2 thermidor (20 juillet), l'usage des couteaux de table est défendu[14]. Grandes rigueurs sans doute, mais qui n'embrassent qu'une courte période de temps, et dont il importe de ne point oublier la date.

Une prison qui fournit à la Révolution peu de victimes fut la Maison d'arrêt de la rue de Sèvres. Jusqu'au 7 thermidor (25 juillet), sur cent soixante détenus, deux seulement en étaient sortis pour aller au Tribunal révolutionnaire[15]. Et cependant, la plupart de ces détenus étaient des hommes appartenant à l'ancien régime[16], et dont la haine à l'égard du nouveau n'était point un mystère. Dans la retraite où ils restèrent si longtemps à l'abri de l'orage, leur vertu la plus nécessaire était la patience, et le pire de leurs maux fut l'ennui[17].

Aux Madelonnettes, l'existence n'était pas à beaucoup près aussi douce qu'au Luxembourg ou à Port-Libre. Toutefois, le régime n'en était pas tel, qu'il ne se prêtât, de l'aveu du prisonnier qui en a tracé le tableau, à toutes sortes de scènes divertissantes, et qu'on n'y passât des moments assez agréables[18]. L'auteur va jusqu'à dire, en parlant des premiers jours de sa captivité — derniers mois de 1793 — que ce fut le siècle d'or[19]. On faisait de la musique ; on jouait aux bouts-rimés ; on exécutait tant bien que mal des quatuors de Pleyel[20]. Non-seulement les prisonniers eurent, pendant un certain temps, la permission de recevoir leurs femmes, leurs parents, leurs amis, mais ils purent librement communiquer avec leurs maîtresses, comme cela résulte des lignes suivantes écrites à l'occasion d'une visite des administrateurs de police, que suivit la défense de communiquer avec le dehors : Il fallut donc nous séparer de vous, maîtresses adorées !... On ne connut plus, dans notre prison, les douces étreintes de l'amour ![21] Il faut remarquer, en outre, que les Madelonnettes, où se trouvaient entassés en grand nombre des fabricateurs de faux assignats et des voleurs, ne présentèrent pas du moins l'affreux spectacle d'hommes politiques confondus avec les plus vils scélérats. Aux Madelonnettes, les voleurs et les faussaires, qu'on désignait sous le nom de pailleux, étaient enfermés à part. La paille avait d'abord logé au troisième étage : à la suite d'une tentative d'évasion, elle descendit au rez-de-chaussée[22].

La plus dure prison de Paris, c'était le Plessis : d'abord, parce qu'elle renfermait, non pas de simples suspects, mais des hommes contre lesquels s'élevaient des charges sérieuses de conspiration ; et ensuite, parce qu'elle était placée immédiatement sous la discipline de Fouquier-Tinville. Là, chaque prisonnier était soumis, en entrant, à une opération infâme, connue sous le nom de rapiotage, c'est-à-dire qu'on le fouillait de la tète aux pieds pour lui enlever tout ce qu'il pouvait avoir sur lui : couteaux, ciseaux, argent, assignats, bijoux[23]. Et ce qui rendait cet acte de tyrannie non moins indécent qu'odieux, c'est que les femmes y étaient assujetties[24]. Au Plessis, toute communication avec le dehors était interdite. Les détenus n'avaient d'autres meubles utiles qu'un pot, un couvert de bois, une coupe ; privés de couteaux, ils étaient condamnés à l'humiliante nécessité de déchirer avec leurs doigts la viande qu'on leur servait[25]. On ne laissait jamais pénétrer les journaux à deux pas de la rue. La seule correspondance permise était la demande de linge[26]. Le Plessis, comme aujourd'hui le mont Saint-Michel, c'était le tombeau.

Il ne paraît pas qu'en général la surveillance fût très-active dans les prisons de la Révolution, si l'on en juge par la nature des ruses qu'on employait, et avec plein succès. Voulait-on faire tenir un journal aux prisonniers, on n'avait qu'à le faire servir à envelopper du beurre ou des œufs. Voulait-on faire franchir le guichet à une lettre d'amour, il suffisait de la cacher dans une botte d'asperges ou de la coudre dans un ourlet. Pendant longtemps, un prisonnier correspondit avec sa femme, en employant pour messager un chien dont le collier servait de boîte aux lettres[27]. La boîte aux lettres, à la Force, c'était le bec d'un pigeon[28]. On doit reconnaître que la science à l'usage des geôliers a fait, depuis, des progrès considérables !

La différence qu'on remarque entre le régime adopté dans telle prison et le régime suivi dans telle autre dit assez qu'à l'égard des prisonniers il n'existait rien qui ressemblât à une politique de rigueur systématique. De fait, les hommes qui habitaient les hauteurs de la Révolution étaient loin de connaître tout ce qui se passait au-dessous d'eux. Le Comité de salut public n'avait jamais été chargé ni de l'administration des prisons, ni de leur surveillance. La loi confiait ce soin aux municipalités ; et, à Paris, c'était la police municipale qui, sous le contrôle du Comité de sûreté générale, s'occupait de ce qui concernait les prisons[29].

De son côté, la police municipale n'ayant pas de parti pris, et laissant flotter son pouvoir aux mains des subalternes, c'était du caractère, tantôt humain, tantôt cruel, de ces derniers, que le sort des détenus dépendait.

Il ne faut pas croire, en effet, qu'une pensée implacable présidât invariablement au choix des agents révolutionnaires. Parmi ces agents, plusieurs s'attirèrent les bénédictions des prisonniers. Si certains concierges, celui du Plessis, par exemple, se montrèrent féroces[30], d'autres, tels que Huyet à Port-Libre[31], le septuagénaire Benoît au Luxembourg[32], Vaubertrand aux Madelonnettes[33], déployèrent beaucoup de mansuétude et de sensibilité. La femme de Vaubertrand veillait avec une sollicitude infatigable à ce que rien ne manquât aux détenus ; et son fils, charmant enfant, s'étudiait de son mieux à les consoler, les appelant, dans son doux langage, nos pigeonniers[34].

Même remarque à faire, concernant les administrateurs de police : il y en eut de très-durs, et il y en eut de très-humains ; il y en eut qui, comme Marino, firent redouter leurs visites[35], et d'autres qui, comme Grandpré, mettaient de l'affabilité à recevoir les plaintes qu'on leur adressait, de l'empressement à y faire droit[36]. Dès le matin, nous fûmes honorés d'une visite de Grandpré, secrétaire du ministre de l'intérieur, qui s'informa de quelle manière on était chauffé ; il ordonna de placer, dans le jour, des poêles dans les grandes pièces, aux dépens de qui il appartiendrait ; de mettre des carreaux de vitres où il en manquait ; enfin, il donna les instructions nécessaires pour que nous fussions logés d'une manière salubre. Le soir, autre visite de Biquet, administrateur de police, qui donna les mêmes ordres : ces actes d'humanité nous réjouirent beaucoup[37].

Une institution dont le régime des prisons nous amène naturellement à parler était celle du Bureau de police générale.

Le Bureau de police générale avait été établi, non par le Comité de salut public, mais par la Convention ; il existait, en vertu d'un décret, celui du 26 germinal (15 avril)[38]. Robespierre ayant été chargé momentanément, en l'absence d'un de ses collègues, de la surveillance de ce bureau[39], songea tout d'abord à l'opposer au Comité de sûreté générale, dont il voulait tenir en échec la tyrannie, en attendant l'occasion d'y mettre un terme[40]. Mais ce dessein, dans l'accomplissement duquel il n'avait pour appui que Couthon et Saint-Just, ne pouvait être du goût de ceux des membres du Comité de salut public en qui les Jagot, les Vadier, les Voulland, avaient des protecteurs, sinon des complices. La courte gestion de Robespierre se borna donc à provoquer une trentaine d'arrêtés, dont les uns déterminèrent l'arrestation de quelques contre-révolutionnaires, et les autres la mise en liberté de patriotes persécutés[41]. Après le 9 thermidor, en pleine réaction, et lorsque les membres des anciens Comités avaient besoin pour sauver leurs têtes, de tout rejeter sur Robespierre, ils s'étudièrent à représenter comme l'œuvre exclusive de Robespierre, ou de ses amis Couthon et Saint-Just, chacun des actes émanés du Bureau de police générale ; mais leurs diverses assertions s'entre-détruisent. Ainsi, c'est Barère lui-même qui nous apprend que par les usurpations des trois conspirateurs, le Bureau de police générale ayant entrepris sur les fonctions du Comité de sûreté générale, ce furent les membres du Comité de salut public qui forcèrent Saint-Just à rétablir ce qui avait été usurpé[42] : d'où il résulte bien évidemment que, durant la période qui précéda la mort de Robespierre, de Couthon et de Saint-Just, alors que la Terreur était à son apogée, le Bureau de police générale avait cessé d'être sous leur dépendance. Saladin, dans le rapport qu'il présenta plus tard, au nom de la Commission des Vingt et un, dit expressément : Robespierre ne pouvait diriger le Bureau de police générale dans le temps que, de l'aveu des membres dénoncés, il était absent du Comité, c'est-à-dire depuis la fin de prairial jusqu'au 9 thermidor. Pendant cet intervalle, Saint-Just fut presque continuellement à l'armée. D'ailleurs, les actes de ce bureau portent aussi les signatures de Billaud, Collot, Barère[43], etc.

Voici, sur ce point, la déclaration de Fouquier-Tinville : Je n'ai jamais eu connaissance que le Bureau de police générale fût un établissement distinct du Comité de salut public, d'autant que j'ai vu plusieurs fois Lejeune, l'un des secrétaires de ce bureau, venir faire approuver son travail dans le lieu des Séances du comité. Tous les ordres m'ont été donnés dans ce lieu, intitulés : Extraits des registres du Comité de salut public, et signés de plus ou moins de membres de ce comité[44].

Au reste, plus directement que du Bureau de police générale, les prisons relevaient du commissariat des administrations civiles, police et tribunaux, poste important auquel Hermann[45] avait été élevé après le procès de Danton, et, selon toute apparence, sur la recommandation de Robespierre[46]. Aux yeux de ce dernier, en effet, Hermann passait pour un homme éclairé et pour un honnête homme[47]. Mais qu'il existât entre eux aucune relation d'où l'on soit en droit d'inférer que l'un fût l'instrument de l'autre, c'est ce que les déclarations subséquentes d'Hermann, très-formelles et non démenties, ont prouvé être absolument faux. Durant les quatre mois qu'il demeura commissaire des administrations civiles, Hermann ne vit Robespierre que trois fois, par occasion, parce qu'on le mena chez lui, et sans qu'un seul mot de confidence fût échangé[48].

Quoi qu'il en soit, à peine nommé, il prit des mesures qui modifièrent fort le régime des prisons.

Dès le 27 floréal (16 mai), un arrêté de police était affiché dans les corridors de la maison Lazare, portant que le défaut de surveillance dans les prisons y avait introduit un luxe immodéré ; que les tables y étaient servies avec une profusion indécente ; que les sommes que les détenus s'étaient procurées pouvaient y devenir dangereuses ; que la police avait cru sage de faire une visite générale dans les prisons, de laquelle était résultée une saisie de huit cent soixante-quatre mille livres, indépendamment des bijoux ; qu'elle espérait que les sommes saisies et à saisir iraient au moins à un million deux cent mille livres ; que ces différentes sommes seraient déposées dans une caisse particulière, pour être délivrées aux détenus qui obtiendraient leur liberté, déduction faite préalablement de trois livres par jour pour frais de garde et de nourriture ; que, pour mettre de l'uniformité entre les détenus, et faire cesser toute distinction, il serait établi un réfectoire, auquel, tous indifféremment, seraient obligés d'aller manger ; que jusqu'alors il serait payé à chacun d'eux trois livres par jour, sous la déduction de dix sous pour les frais de garde ; qu'enfin, il serait établi dans la maison une boîte dans laquelle les lettres, les paquets et le linge seraient mis, pour être ensuite portés à leur adresse par des commissionnaires[49].

En conséquence de cet arrêté, chaque prisonnier toucha cinquante sous par jour, à partir du 20 prairial (8 juin) ; et, le 24 messidor (12 juillet), le réfectoire annoncé fut établi, au grand désespoir de ceux des détenus à qui leur position de fortune avait assuré jusqu'alors toutes les jouissances de table que la fortune permet. Nul doute que le nouveau système n'eût l'inconvénient de faire dépendre, en partie, le bien-être des détenus de la cupidité, plus ou moins en éveil, des entrepreneurs particuliers ; mais, sans parler de la tendance inévitable des prisonniers à assombrir le plus qu'ils peuvent le tableau de leur captivité, surtout là où la passion politique et la vengeance tiennent la plume, des plaintes mêmes qui nous ont été transmises résulte la preuve qu'au plus fort de la Terreur la condition matérielle des prisonniers politiques était meilleure qu'elle n'a été depuis au milieu d'une paix profonde[50].

D'autres changements firent à Hermann de nombreux ennemis. Des inspecteurs furent établis pour contrôler le travail des employés ; les traitements furent soumis à une réduction que réclamait le malheur des temps ; l'entrée des bureaux fut interdite aux femmes que leur mise et leurs manières annonçaient comme appartenant à la classe des jolies solliciteuses. Heureux si Hermann n'avait à répondre devant l'Histoire que de ces actes, lesquels ne purent être transformés en crimes, quand la réaction triompha, que par l'absurde fanatisme de la haine[51]. Mais ce qui le condamne, lui et Lanne, son adjoint, c'est la facilité avec laquelle ils ouvrirent l'oreille à de basses dénonciations contre une foule de prisonniers que ces dénonciations vouaient à la mort.

Le signal de la Terreur dans les prisons fut donné à Bicêtre, que peuplaient des misérables, condamnés aux fers pour crimes qui n'avaient nullement trait à la politique. Parmi eux se trouvait un peintre, de la section des Thermes, nommé Valagnos. Cet homme, étant au cachot avec sept scélérats, entendit un jour deux de ses compagnons, serruriers de leur état, dire que, sous vingt-quatre heures, ils seraient libres. Ils commencèrent effectivement à limer les grilles, et, sur l'observation de Valagnos qu'il y avait à éluder la surveillance de deux factionnaires : N'importe, s'écria un des bandits, je les tuerai à l'anglaise[52]. De son côté, l'administrateur de police Dupaumier saisit dans le cachot des condamnés chaînes et couteaux, et découvrit un trou pratiqué pour l'évasion des détenus[53]. Valagnos fit un rapport de ce qu'il avait appris ; Dupaumier dressa procès-verbal de ce qu'il avait découvert, et le tout fut envoyé au Comité de sûreté générale. C'était d'un simple projet d'évasion qu'il s'agissait[54], et la loi du 23 ventôse ne menaçait de la peine de mort que ceux qui auraient tenté d'ouvrir les prisons[55] ; mais quelques propos violents échappés aux détenus suffirent à Dupaumier, homme féroce, pour construire le roman d'un vaste complot tendant au massacre des membres les plus marquants de la Convention et des Comités[56]. En conséquence, un arrêté du Comité de sûreté générale chargea Fouquier-Tinville et Lanne de se transporter à Bicêtre pour y recevoir les dénonciations[57]. Ils obéissent, se rendent à la prison, interrogent Valagnos ; puis un bureau est dressé dans la cour ; on y amène des condamnés à la chaîne, qu'on a fait déferrer et dont on prend par écrit les témoignages ou les réponses. Le résultat fut la translation à Paris de trente-sept prisonniers[58]. Ceci se passait le 26 prairial (14 juin) ; le 7 messidor (25 juin), trente-huit autres subirent le même sort[59]. La première fournée ne se composait que de scélérats, que d'hommes condamnés à dix, douze ou vingt ans de fers[60] ; dans la deuxième se trouvaient compris un fils naturel de Sillery ; Senlis, vicaire de la paroisse de Saint-Louis-en-l'Isle, et le montagnard Osselin.

Ces enlèvements répandirent à Bicêtre une si grande terreur, qu'un vieillard, au bruit des voitures roulant sur le pavé, s'ouvrit le ventre avec un rasoir[61]. Le délit de contre-révolution était le seul qu'on eût à reprocher au fils de Sillery et à Senlis. Quant à Osselin, il avait commis un noble crime, en violant une loi qui, elle-même, violait l'humanité ; il avait caché, dans une maison isolée du bois de Boulogne, une madame Charry, dont le nom figurait sur la liste des suspects. Les lois de l'hospitalité sont de celles que la conscience humaine proclame saintes, et pour lesquelles il est beau de mourir. Là ne fut point, toutefois, la cause qui fit conduire Osselin à l'échafaud ; condamné d'abord à dix ans de fers, il périt victime de sa prétendue complicité dans le prétendu complot de Bicêtre. Et quel spectacle affreux que celui de ses derniers moments ! Il s'était enfoncé un clou dans la poitrine, il se mourait ; on craignit qu'il n'expirât si on arrachait le clou de la blessure, et, barbarie à jamais exécrable ! on le traîna ainsi devant les juges[62] !

Il y eut aussi cela d'horrible dans cette affaire, que, parmi les témoins entendus, deux avaient déjà été flétris comme faux témoins[63]. Or, non-seulement on reçut leur témoignage, mais ils furent récompensés d'avoir joué le rôle de délateurs, ordre ayant été donné de les mieux nourrir et de les mettre dans une chambre particulière, sur la porte de laquelle ces mots : Amis de la patrie !

Une chose qui étonne, c'est que Naulin est l'homme qu'on rencontre présidant aux débats de cette affaire de Bicêtre, ce même Naulin dont tant de témoins, lors du procès de Fouquier-Tinville, s'accordèrent à vanter l'humanité. Il y a plus : Naulin, dans ce procès, déclara formellement qu'un des condamnés pour le complot de Bicêtre était convenu, en sortant de l'audience, qu'une conspiration avait en effet existé ; qu'il s'agissait de s'emparer du pont Neuf, de marcher sur la Convention, etc. Un autre condamné dit à un gendarme que, si jamais le Tribunal révolutionnaire avait rendu un jugement juste, c'était celui-là[64].

Pendant ce temps, des rumeurs menaçantes couraient sur l'esprit qui régnait dans les prisons politiques. Les prisonniers, disait-on, couvaient certainement des projets sinistres. On avait remarqué parmi eux beaucoup d'allées et venues, des chuchotements, un air de mystère. En toute occasion, ils affichaient leur horreur pour l'égalité. S'adressaient-ils la parole l'un à l'autre, ce n'était jamais que : Monsieur le prince, Monsieur le comte, etc. Les armées de la République venaient-elles à remporter une victoire, une sacrilège tristesse se peignait sur les visages, et quelquefois éclatait en exclamations gémissantes[65].

Qu'il y eût du vrai en ceci, les relations des prisonniers eux-mêmes ne permettent pas d'en douter[66] ; mais il y avait loin de là à un complot ayant pour but l'extermination des patriotes. Malheureusement, la Terreur, selon l'affreuse grammaire du moment, était à l'ordre du jour. Épurer la population paraissait nécessaire au parti qui avait Barère pour orateur[67], et ce dernier cachait si peu sa pensée à cet égard, qu'il lui était arrivé de s'écrier en pleine Convention que le Comité de salut public avait pris ses mesures, et que, dans deux mois, les prisons seraient évacuées[68]. Ceux-là même qui ne cherchaient pas dans la Terreur un point d'appui pour leur politique s'abandonnaient alors aux plus noires inquiétudes. La moindre menace proférée par un contre-révolutionnaire prenait tout de suite des proportions fantastiques. Un des voleurs enfermés à Bicêtre ayant dit, ou étant accusé d'avoir dit, qu'il fallait se rendre aux comités, en poignarder les membres, leur arracher le cœur, le griller et le manger ; ce propos, très-certainement atroce, mais qui, en le supposant vrai, ne pouvait guère être attribué qu'à une explosion accidentelle de rage, devint la preuve d'un projet bien arrêté de la part des prisonniers de Bicêtre de griller en effet le cœur des membres du Comité et de le manger : Fouquier-Tinville écrivit gravement cela dans son réquisitoire[69].

Inutile de demander si le soupçon, présent partout, hantait le Comité de sûreté générale, lui qui avait dans ses attributions spéciales la surveillance des prisons et la découverte des complots. La défiance s'étendant jusqu'aux geôliers, plusieurs d'entre eux furent remplacés par d'autres. Changements qui se rapportent à l'initiative d'Amar[70] ; et, comme il est dans la nature de la défiance, quand la haine s'y mêle, de ne jamais vouloir s'avouer qu'elle est en défaut, le Comité de sûreté générale poussa son penchant à accueillir les dénonciations jusqu'à les provoquer, témoin une lettre écrite à Laurent Lecointre par Ferrières, emprisonné à la Force, lequel raconte comme quoi il fut une nuit mandé au Comité de sûreté générale, où Fouquier-Tinville voulut le contraindre à avouer qu'il y avait à la Force une conspiration. Lui nia, et il ajoute que les membres du Comité en conservèrent de l'irritation contre lui[71].

A Rome, la délation, encouragée, fit pulluler la race ignoble des délateurs ; semblable cause, à l'époque dont il s'agit, produisit semblable résultat.

On a vu à quoi se réduisait la conspiration qui, lors du procès des Dantonistes, fut imputée à Dillon, enfermé alors au Luxembourg. Des menées bien autrement constatées et beaucoup plus sérieuses avaient été ourdies dans cette prison par les Hébertistes, Grammont, Lapallu, Durey, Savard, lorsqu'ils y étaient détenus, et avant la ruine définitive de leur parti. S'appuyant au dehors sur des hommes aussi violents qu'eux-mêmes, Héron, par exemple, Évrard et le représentant Javogues, ils avaient cru un moment toucher au triomphe, et, non contents de nourrir des pensées de révolte ou de vengeance, ils les avaient épanchées en paroles imprudentes qui les perdirent[72]. Leur dénonciateur fut un nommé Beausire, qui, impliqué jadis dans la fameuse affaire du collier, avait été l'amant d'Oliva, l'audacieuse courtisane, si étrangement mêlée à cette intrigue[73]. Beausire était donc rompu d'avance au rôle de la délation, lorsque, dans les premiers jours de messidor, il eut le malheur d'être choisi pour complice par deux hommes encore plus méchants que lui, un porte-clefs de la prison, nommé Vernet, et un certain Boyenval, tailleur.

Dès le milieu du mois de prairial, on avait remarqué que Boyenval négligeait ses occupations journalières, qu'il passait son temps, dans la prison, à rôder de chambre en chambre, à fureter partout, à s'enquérir des noms et des opinions de chaque détenu[74]. Il n'avait pas non plus échappé à ses compagnons de captivité que cet homme avait avec le porte-clefs Vernet des conférences particulières., et qu'il jouissait, ainsi que Beausire, de certains privilèges suspects[75]. On ne devait avoir que trop tôt le mot de l'énigme. Vernet, Boyenval, Beausire, étaient occupés à inventer la fable d'une conspiration qui pût faire suite à celle des Grammont, Dillon, etc.[76].

Sur ces entrefaites, un changement eut lieu qui terrifia les malheureux hôtes du Luxembourg ; le concierge Benoît leur fut enlevé pour être traduit devant le Tribunal révolutionnaire. C'était un bon vieillard, à l'âme compatissante et douce[77]. Le Tribunal révolutionnaire l'acquitta ; mais le 1er messidor (19 juin), sa place avait été donnée à un certain Guyard[78], qui, à Lyon, avait servi, comme concierge de la Cave des morts, la dictature farouche de Collot-d'Herbois et de Fouché[79]. A dater de ce moment, le régime de la prison devint si tyrannique, que de désespoir un des détenus se précipita, du haut des plombs, sur une balustrade de marbre où il se tua ; la place, rouge de son sang, fut couverte de fleurs par une main inconnue[80]. Vainement les prisonniers se plaignirent-ils de la brutalité du nouveau venu ; à leurs plaintes, l'administrateur de police Wilchéritz, cordonnier allemand, ne savait répondre que ces mots burlesques : La justice est juste, la vérité est véridique ; prenez patience, c'est un petit moment de durerie à passer[81].

Or, tandis que les rapports journaliers du mouvement des prisons les représentaient comme paisibles, d'autres rapports secrètement adressés, soit à la police, soit aux Comités, parlaient de délibérations ardentes, de projets sinistres[82]. Vernet, l'âme du complot, trop réel, qui consistait à en supposer d'imaginaires, prétendait savoir qu'il existait dans l'intérieur de la prison une conspiration à la tête de laquelle étaient huit citoyens de la commune d'Orléans ; que les ramifications de cette trame s'étendaient au loin ; qu'elle était servie par des nobles et des prêtres ; qu'au dehors, des femmes vendaient certaines boîtes à l'effigie de Louis XVI, et que ces boîtes étaient le signe de ralliement convenu[83]. Il assurait, en outre, qu'il y avait au Luxembourg des rassemblements, dont il se faisait fort de prouver l'existence[84]. Tout ce qu'on peut dire, c'est que, depuis quatre mois, il y avait des mouvements au Luxembourg[85].

Là-dessus, le 5 messidor (21 juin), Hermann, en sa qualité de Commissaire des administrations civiles, police et tribunaux, adressa au Comité de salut public un rapport par lequel il demandait qu'on l'autorisât à faire la recherche des complots dans les prisons. Ce rapport, écrit dans le style de l'époque, contenait ces mots odieusement caractéristiques : Il faudrait peut-être en un instant purger les prisons[86].

La réponse ne se fit pas attendre : le 7 messidor (25 juin), l'autorisation demandée par Hermann lui était accordée par un arrêté du Comité de salut public, portant les signatures de tous les membres, y compris celles de Prieur, de Lindet, de Carnot, à l'exception de celle de Saint-Just, absent[87].

En conséquence, Lanne, adjoint de la Commission des administrations civiles, se rendit au Luxembourg, accompagné d'un commis[88], pour y recevoir les déclarations annoncées. C'était le 12 messidor (30 juin). Vernet fait aussitôt descendre chez le concierge ceux dont il s'était promis d'invoquer le témoignage, le général Baraguey-d'Hilliers, d'abord. Interrogé par Lanne, ce dernier déclare ne rien savoir. Alors, tirant de sa poche une grande demi-feuille de papier sur laquelle figuraient une soixantaine de noms marqués d'une croix rouge, Lanne somme le général d'indiquer sur cette liste les noms de ceux qui avaient coutume de fréquenter Dillon. Baraguey-d'Hilliers se nomma le premier, répondit oui touchant les uns, non touchant les autres, et se retira, non sans être grondé par Vernet pour la sécheresse et le laconisme de ses réponses[89]. Il paraît que les dénonciations du féroce porte-clefs n'atteignaient pas moins de trois cents victimes[90]. Aussi Lanne avait-il dit brusquement à Baraguey-d'Hilliers : Il y a deux cents complices de ces trames dans la prison[91].

Le lendemain, dans la matinée, Boyenval et Beausire sont mandés chez le concierge par Vernet ; et là fut dressée par ces trois misérables la liste qui allait envoyer cent cinquante-cinq personnes à l'échafaud. Au nombre des victimes désignées étaient le prince d'Hénin, le duc de Gêvres, trente-neuf nobles, l'ex-prieur des Chartreux, trois prêtres dont un portant le beau nom de Fénelon, trois généraux, sept officiers, cinq journalistes, trois banquiers, deux hommes de loi, un notaire, un marin, un marchand de tableaux, un marchand de vin, un huissier, un coiffeur, un domestique[92].

A cette liste, déjà si nombreuse, quatre noms furent ajoutés, ce qui donnait à juger au Tribunal révolutionnaire, comme impliqués dans le même attentat, cent cinquante-neuf individus[93].

Les jugerait-on à la fois ? C'est l'idée qui, d'abord, sembla prévaloir, et des dispositions furent prises en conséquence. On construisit des gradins destinés à recevoir cette grande foule de prévenus ; on fit disparaître le fauteuil fatal ; on enleva les tables qui garnissaient le pourtour de l'enceinte, et les gradins furent multipliés de façon à s'élever jusqu'à la corniche du plafond, sans compter qu'aux extrémités on avait mis, pour pierre d'attente, des poutrelles[94]. Cet énorme échafaudage, qui remplissait une partie de l'enceinte et reléguait l'accusateur public à l'est de la salle, avait quelque chose de si effrayant, que Fouquier-Tinville lui-même s'en émut, et en écrivit au Comité de salut public[95]. Ne recevant point de réponse, il s'y rend. Dans la salle des délibérations, il trouve Carnot, qui sortait, Billaud-Varenne, Collot-d'Herbois et Saint-Just. Ce dernier ne voulait pas qu'on exécutât ensemble tous ceux qui pouvaient être condamnés ; mais, sur l'observation que c'était impossible, la loi prescrivant l'accomplissement de la sentence dans les vingt-quatre heures, on décida que la mise en jugement s'effectuerait en trois fois, savoir : les 19, 21 et 22 messidor, ce qui eut lieu[96].

Dans l'intervalle, une vive inquiétude régnait au Luxembourg, et cette inquiétude avait même dégénéré en fermentation. Le concierge Guyard se hâta d'écrire à l'administration de police une lettre qui faisait pressentir la possibilité d'un soulèvement, et l'imagination d'Hermann était si frappée, qu'il crut devoir mander au Comité de sûreté générale d'une part, et d'autre part au maire de Paris, que des mesures de précaution étaient nécessaires, et qu'il fallait se tenir prêt à tout événement[97].

Ceci se passait le 18 messidor (6 juillet) ; et ce jour-là même, à onze heures du soir, les prisonniers du Luxembourg virent une force armée très-nombreuse entrer dans la cour de la prison. On devine l'épouvante ! Pendant toute la nuit, on entendit des appels dans les chambres ; des pas précipités retentissaient le long des escaliers. C'était le transfèrement à la Conciergerie des malheureux désignés pour la première fournée[98]. Elle comprenait deux prêtres du Vexin, arrivés au Luxembourg depuis deux semaines seulement, et que les faiseurs de listes avaient eu néanmoins l'impudeur de dénoncer comme complices de Grammont, exécuté cinq mois avant leur arrivée[99]. Figurait aussi, parmi les prétendus conspirateurs, un pauvre plaideur qui n'était occupé que de son procès, et que la mort vint réclamer au moment où il se réjouissait de l'avoir gagné[100].

Le Tribunal révolutionnaire acquitta quelques-uns des accusés, le général Baraguey-d'Hilliers entre autres[101], mais tout se fit avec une précipitation scandaleuse, et ce qui montre bien quelle influence peuvent exercer sur les hommes la situation qui les enveloppe, l'atmosphère qu'ils respirent, c'est que Sellier, un des juges qui, dans cette affaire, déployèrent le plus de dureté[102], et celui qui présida l'audience du 22 messidor (10 juillet)[103], était un homme sur le compte duquel Réal, le plus notable des témoins à charge dans le procès de Fouquier-Tinville, déposa en ces termes : J'ai connu Sellier au Tribunal du 17 août. Il y remplissait les fonctions de commissaire national. Il partageait les opinions de Maire, et montrait alors des sentiments de sincère humanité. Pendant que j'étais détenu au Luxembourg, il eut occasion de voir mon fils dans une maison tierce. Cet enfant y chanta avec quelque énergie des couplets patriotiques. J'ai su qu'en l'entendant Sellier versa des larmes ; qu'il donna à ma femme d'excellents conseils ; que, dans un temps où l'on fuyait les femmes des détenus comme des pestiférées, il l'a reçue toujours bien. Je veux, disait-il, conduire votre enfant dans des sociétés où il sera entendu ; je veux qu'il sauve son père[104].

Nicolaï, ex-président du grand conseil, et son fils, faisaient partie de la seconde fournée, qui fut jugée le 21 messidor (9 juillet). Après l'audience, ils traversaient, entre deux haies de gendarmes, la cour de la Conciergerie, lorsque, de la fenêtre du greffe, Fouquier-Tinville, apercevant deux détenus qui donnaient des marques de compassion, les fit enfermer dans la chambre noire[105]. La pitié, un crime !

Nicolaï père avait été tiré de la prison de Port-Libre, dès le 8 floréal (27 avril). Quand on vint l'y chercher pour le conduire à la Conciergerie, il était à table. On lui dit qu'un gendarme l'attendait en bas. Il acheva de dîner, prit un verre de liqueur, et descendit au greffe.

Il avait une douleur à l'épaule ; comme on l'engageait à consulter un médecin : Non, répondit-il, cela n'est pas nécessaire ; le mal est trop près de la tête, l'une emportera l'autre[106]. Un trait qu'on voudrait pouvoir omettre, parce qu'il fait horreur, mais l'histoire n'a le droit de rien taire, c'est celui que Réal rapporte à propos de Boyenval.

Ce délateur infâme avait inscrit sur la liste homicide un nommé Gant, dont la femme était aussi enfermée au Luxembourg. Il déposa contre l'infortuné, et, le soir, il était aux pieds de la femme épouvantée ; et, deux jours après, on le voyait, avec une amoureuse insolence, donner le bras à celle dont il venait d'envoyer le mari à la mort[107].

La prison des Carmes ne tarda pas, elle aussi, à fournir son contingent à l'échafaud. Le 2 thermidor (20 juillet), un arrêté au bas duquel on lit les noms de Saint-Just, de Carnot, de Prieur, de Billaud-Varenne, et auquel manquent les signatures de Robespierre et de Couthon[108], traduisit devant le Tribunal révolutionnaire quarante-neuf détenus des Carmes, et, de ce nombre, le prince de Montbazon, le comte de Champagnet, le prince de Salm, le marquis de Grammont, Alexandre Beauharnais, et d'Autichamp, frère du chef vendéen[109]. Environ deux semaines auparavant, un rapport avait été adressé au Comité de salut public par l'administrateur de police Faro, rapport où il était dit : qu'un projet d'évasion avait été conçu dans la prison des Carmes ; que des tentatives d'évasion y avaient été faites ; que le comte de Champagnet était monté à l'escalier du dôme, et qu'on avait trouvé une corde cachée sous son lit ; qu'on avait découvert des emblèmes de la royauté dessinés sur un poêle, et que le chirurgien Virolle, accusé d'avoir tenu des propos séditieux, s'était tué, à la suite de son interrogatoire, en se jetant par la fenêtre[110]. Nous voici au plus fort de la Terreur. Essayons de rassembler tous les traits qui en composent l'effrayant tableau.

 

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Le seul document de quelque importance auquel on puisse recourir en ce qui touche les conspirations des prisons est malheureusement le Procès de Fouquier-Tinville ; nous disons malheureusement, parce que ce procès eut lieu sous l'empire d'un mouvement de réaction très-fougueux ; parce que la plupart des dépositions qu'il provoqua sont marquées au coin de la haine, de la vengeance ou de la peur ; parce qu'enfin le compte rendu témoigne du parti pris de donner un développement immense à l'attaque, en étranglant ou même en supprimant la défense.

Le plus notable des personnages mis en cause dans ce procès, après Fouquier-Tinville, c'est Hermann. Or, de tout ce qui put, justement ou injustement, être allégué contre lui, rien désormais ne sera perdu pour l'Histoire, grâce au luxe des accusations dirigées contre lui et enregistrées in extenso par le rédacteur du compte rendu. Mais à ces accusations, quels faits opposa-t-il ? Voilà ce que, de propos délibéré, le compte rendu supprime. A une seule déposition, celle d'un ennemi personnel d'Hermann, il consacre douze pages, par exemple ; et la réponse d'Hermann est rapportée en ces termes : Hermann a expliqué ou nié les faits qui lui sont reprochés. (Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 57.) Quelques mots de lui semés çà et là, et noyés dans un déluge d'attaques, voilà tout ce que le compte rendu fournit à qui recherche consciencieusement la vérité ; et, lorsqu'à travers une série de dépositions qui s'étendent sur quatre cents pages, le lecteur arrive au point où il s'attend à voir ce qu'Hermann dira pour sa justification, tout ce qu'il trouve, c'est ceci : Hermann a été entendu. (Ibid., p. 144.)

Maintenant, que la défense d'Hermann, si elle nous eût été conservée, eût été pour l'Histoire un document précieux et eût jeté beaucoup de jour, un jour nouveau peut-être, sur toute cette affaire des prisons, c'est au moins probable. Dans le Moniteur, qui ne donne pas non plus la défense d'Hermann, il est dit : qu'elle renfermait des observations pleines d'une philosophie profonde, annonçant un homme exercé à réfléchir, et qu'il y faisait de sa vie privée des tableaux qui, quoique assez touchants, furent mal accueillis du public. (Voyez le Moniteur, an III, n° 230.) Il eût été d'un grand intérêt historique de savoir quels étaient ces tableaux, qui, quoique assez touchants, furent mal accueillis d'un public réactionnaire, et quelles étaient ces observations que le Moniteur, écrivant au plus fort du triomphe des ennemis de l'accusé, reconnaissait être pleines d'une philosophie profonde.

Au reste, même en prenant pour base un compte rendu qui lui est si évidemment et systématiquement hostile, nous ne croyons pas qu'on en puisse tirer, contre lui, autre chose que ce qui figure dans le précédent chapitre. Les lettres qu'il adressa le 18 messidor au Comité de sûreté générale et au maire de Paris pour leur dire de se tenir prêts à tout événement, ces lettres dont la haine, maladroite en ceci, de Thierriet-Grandpré lui fit un crime, montrent que, si la conspiration du Luxembourg était chimérique, lui du moins croyait réellement à l'existence de projets sinistres, ce qui n'a rien d'inconcevable quand on se reporte à l'époque, d'autant qu'il existait effectivement, depuis quatre mois, au Luxembourg, des mouvements (voyez la déposition de Martin, homme de loi, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 338) que l'esprit soupçonneux du temps n'était que trop porté à transformer en complots. Quoi qu'il en soit, qu'on accuse Hermann d'avoir prêté une oreille trop complaisante à des dénonciations viles dont il aurait dû se défier, et d'avoir par suite provoqué des recherches qui assurèrent le triomphe des délateurs, rien de plus juste ; mais qu'il ait voulu trouver des coupables où il savait n'exister que des innocents, voilà ce qui, dans le procès de Fouquier-Tinville, fut allégué, mais non prouvé. Un exemple montrera combien il est nécessaire de bien peser, avant de les adopter, les accusations que dicte la haine. Dans le réquisitoire du substitut Cambon (voyez l'Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 37), il est dit, en propres termes : A certaines époques, Hermann et Lanne, en compagnie de Fouquier-Tinville, visitèrent les prisons. Et M. Michelet part de là pour dire à son tour (liv. XX, ch. IV, p. 396) : Le philanthrope Hermann, cette fois, ne s'en fia à personne. Il alla lui-même, avec Lanne, au Luxembourg, faire une battue de prisonniers.

Or cela est tout à fait inexact. Et d'abord, voici ce que Hermann déclara formellement, en plein tribunal, devant Lanne, devant Boyenval, devant Vernet, devant vingt ou trente témoins qui, s'il n'avait pas dit la vérité, auraient pu le démentir et ne le démentirent pas : Je n'ai jamais été dans les prisons avec Lanne. Vers le milieu de messidor, Lanne vint avec Vernet dans mon cabinet : le premier me dit qu'il se faisait des rassemblements, chez la Bois-Gelin, au Luxembourg ; j'en avertis le Comité de salut public : il existe à ce sujet un rapport. Je ne connais que cela sur les prisons. (Voyez le procès, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 400-401.) Or quelle fut la déposition de Boyenval ? Le 12 ou 13 messidor, Lanne, accompagné d'un autre, vint au Luxembourg. (Ibid., t. XXXV, p. 40). Et cet autre, était-ce Hermann ? Non ; car la déclaration de Lanne fut celle-ci : J'ai été au Luxembourg avec un commis de la Commission des administrations civiles, police et tribunaux. (Ibid., p. 41-42.) Sur ce point, du reste, les preuves qu'on peut tirer du compte rendu lui-même affluent. Et qu'on ne dise pas que ce sont là de simples détails, des circonstances d'une importance secondaire. C'est par des erreurs de ce genre, en effet, et faute d'avoir creusé le sujet suffisamment, que M. Michelet est arrivé, d'induction en induction, ou, plutôt, de supposition en supposition, à établir tout un système historique d'où il résulterait, contrairement aux faits : que Robespierre, Saint-Just et Couthon furent exclusivement et jusqu'à la fin les directeurs du Bureau de police générale ; qu'à eux seuls remonte la responsabilité de tout ce qui partit de ce Bureau ; que toute la sanglante affaire des prisons se rapporte à l'intervention personnelle et aux machinations d'Hermann ; que celui-ci était l'âme damnée de Robespierre ; que par conséquent, etc., etc. Or, pas une de ces assertions qui résiste à un examen approfondi et impartial des témoignages.

Par exemple, on a vu à quoi s'était bornée en réalité la part de Robespierre dans les actes émanés du Bureau de police générale, qu'il avait espéré pouvoir faire servir de contre-poids à la tyrannie du Comité de sûreté générale. Or, non-seulement le Comité de salut public s'était hâté d'enlever ce bureau à l'influence des Robespierristes, comme Barère lui-même le déclara [voyez ses Observations sur le rapport de Saladin, p. 3, dans la Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9 (British Museum)] ; mais voici l'important aveu que Billaud, Collot et Barère laissent échapper dans leur Réponse aux inculpations renouvelées contre eux par Laurent Lecointre, p. 66 et 67 [v. la Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9 (British Museum.)] : Sur les réclamations du Comité de sûreté générale à la fin de messidor, le Comité de salut public délibéra de réunir le bureau de police générale tout entier avec ses papiers au Comité de sûreté générale, ce qui fut exécuté.

Ainsi donc, il est impossible d'attribuer, en tout cas, à l'influence de Robespierre, même indirectement et en ayant recours aux suppositions les plus forcées, les exécutions qui marquèrent la fin de messidor et la première décade de thermidor. Or, il se trouve que c'est précisément la période où l'horrible activité de la guillotine s'est développée avec le plus de fureur, le nombre des victimes s'étant élevé, dans les cinq derniers jours de messidor et jusqu'au 9 thermidor, à cinq cent treize ! (Voyez dans le chapitre suivant le tableau des exécutions.) Ce ne sont pas là des suppositions : ce sont des faits et des chiffres.

M. Michelet écrit (liv. XII, ch. II, p. 426) : Les listes de messidor et thermidor ont été généralement détruites, sans doute par les comités, et probablement parce qu'elles ne portaient pas la signature de Robespierre. Hermann, son homme, qui faisait signer ses listes au Comité de salut public, se gardait bien de faire signer son maître. Étrange hypothèse ! Et pourquoi donc Hermann se serait-il bien gardé de faire signer son maître ? Mais enfin, Hermann avait-il en effet Robespierre pour maître ? Était-il son homme ? Voici qui tranchera la question. Au n° XIV des pièces justificatives, imprimées à la suite du rapport de Courtois sur les événements du 9 thermidor, on lit un rapport de Degesne, lieutenant de gendarmerie, adressé au directeur de Paris, et qui commence en ces termes : Je vous rends compte que le 9 du courant, sur les cinq heures du soir, il me fut remis un paquet par une ordonnance, je l'ouvris, et j'y trouvai une lettre du citoyen Hermann, qui enjoignait d'exécuter sur-le-champ le décret de la Convention nationale, qui mettait Henriot, son état-major et plusieurs autres individus en état d'arrestation ! Et, plus loin, Degesne raconte qu'ayant porté cette lettre d'Hermann à Payan et Lescot-Fleuriot, ils la chiffonnèrent avec colère, et le firent aussitôt arrêter pour avoir voulu obéir. Il est clair que M. Michelet a complètement ignoré ce fait, dont la connaissance lui eût épargné tout un échafaudage de suppositions fausses et d'appréciations erronées.

 

 

 



[1] On peut le lire dans le tome XXXI de l'Histoire parlementaire, p. 67 et suiv.

[2] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 137. — Collection des Mémoires relatifs à la Révolution française.

[3] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 138.

[4] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 138.

[5] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 139 et 148.

[6] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 139.

[7] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 5.

[8] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 5.

[9] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 5.

[10] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 8.

[11] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 115.

[12] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 117.

[13] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 120.

[14] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 127.

[15] Ce qui n'empêche pas l'auteur du récit qui se rapporte à cette prison de le commencer en ces termes : Dans le nombre considérable des maisons d'arrêt de Paris, où Robespierre avait fait enfermer les victimes qu'il dévouait à la mort. On retrouve ici le système que nous avons déjà signalé, de tout attribuer à Robespierre, et à lui seul. Voyez le Précis historique sur la maison d'arrêt de la rue de Sèvres. — Mémoires sur les prisons, t. II, p. 188.

[16] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 188.

[17] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 188, 189.

[18] Madelonnettes, dans les Mémoires sur les prisons, t. II, p. 210.

[19] Madelonnettes, Mémoires sur les prisons, t. II, p. 203.

[20] Madelonnettes, Mémoires sur les prisons, t. II, p. 221.

[21] Madelonnettes, Mémoires sur les prisons, t. II, p. 208.

[22] Madelonnettes, Mémoires sur les prisons, t. II, p. 202.

[23] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 261.

[24] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 260.

[25] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 265.

[26] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 268.

[27] Luxembourg, Mémoires sur les prisons, t. II, p. 161, 162.

[28] Luxembourg, Mémoires sur les prisons, t. II, p. 246.

[29] Réponse des membres de l'ancien Comité de salut public, dénoncés aux pièces communiquées par la Commission des Vingt et un, p. 18 et 19. Voyez la Bibl. hist. de la Révol. — 1100-1 (British Museum.)

[30] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 256.

[31] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 10.

[32] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 137.

[33] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 203.

[34] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 212.

[35] J'ignore pourquoi M. Michelet, liv. XX, ch. I, de son Histoire de la Révolution, dit que Marino était assez aimé aux prisons. C'est précisément le contraire qui résulte des Mémoires sur les prisons, où on le qualifie de hardi scélérat, d'anthropophage administrateur, de Néron écharpé, etc. Voyez les Mémoires sur les prisons, t. II, p. 207.

[36] Maison d'arrêt de Port-Libre, p. 35.

[37] Maison d'arrêt de Port-Libre, p. 16 et 17. — Ceci avait lieu le 3 nivôse (23 décembre) 1793.

[38] Observations de Barère sur le rapport fait le 12 ventôse par Saladin, p. 2 et 3, dans la Bibl. hist. de la Révol. — 1097-8-9. (British Museum.)

[39] Discours de Robespierre, en date du 8 thermidor an II (29 juillet 1794). Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXXIII, p. 433-434.

[40] Billaud-Varenne, dans sa Réponse à Laurent Lecointre, dit : Si, depuis, Robespierre, marchant à la dictature par la compression et la terreur, avec l'intention de trouver peut-être moins de résistance au dénouement, par une clémence momentanée, dénatura l'attribution de ce bureau, etc. Quel aveu ! et à quelle époque ! et dans quelle bouche ! Bibl. hist. de la Révol. — 1100-1. (British Museum.)

[41] Discours de Robespierre, en date du 8 thermidor an II. — Histoire parlementaire, t. XXXIII, p. 434.

[42] Observations de Barère sur le rapport fait le 12 ventôse par Saladin, p. 3, dans la Bibl. hist. de la Révol. — 1097-8-9. (British Museum.)

[43] Rapport de Saladin au nom de la commission des Vingt et un, p. 10. Voyez Bibl. hist. de la Révol. — 1097-8-9 (British Museum.)

[44] Rapport de Saladin au nom de la commission des Vingt et un, p. 11. Voyez Bibl. hist. de la Révol. — 1097-8-9 (British Museum.)

[45] Ou Herman ; car, dans les documents révolutionnaires que nous avons eus sous les yeux, ce nom est écrit tantôt d'une façon, tantôt d'une autre : ce qui est le cas pour beaucoup de noms appartenant à cette époque.

[46] Thierriet-Grandpré, dantoniste exalté, et ennemi personnel d'Hermann, s'exprima ainsi dans sa déposition, lors du procès de Fouquier-Tinville : Ce fut au Comité de salut public, et principalement à Robespierre, que Hermann dut son élévation. Mais le témoignage de Thierriet-Grandpré est suspect : c'est celui de la haine et de la vengeance.

[47] C'est le jugement que porte de lui Robespierre, dans une note trouvée parmi ses papiers. Voyez les pièces à la suite du rapport de Courtois.

[48] Voyez le Mémoire justificatif pour le citoyen Hermann, dans la Bibl. hist. de la Révol. — 947-8. (British Museum.)

[49] Tableau historique de la maison Lazare, dans les Mémoires sur les prisons, t. I, p. 240 et 241.

[50] Voici, tel que le décrit, dans un paroxysme d'indignation, un des détenus, le menu du dîner à la maison Lazare (Mémoires des prisons, t. I, p. 246 et 247) : La table de trente personnes, à laquelle je me trouvais, fut servie de deux plats de soupe aux légumes très-lavés, de trois livres de bouilli, de deux livres de foie de veau, de trente œufs légèrement ornés de farce, d'un plat de haricots d'un litron, et de soixante abricots qu'on qualifia de bouquet du traiteur. Que ce dîner ait pu paraître exigu à celui qui le mentionne, on le conçoit. Et cependant, combien celte description ferait envier à beaucoup de prisonniers d'aujourd'hui, — la crainte de la mort mise à part, — le sort des prisonniers de ce temps-là ! Or il est à noter que ceci est donné comme une preuve décisive de la scélératesse de Robespierre ! Robespierre rendu responsable des spéculations culinaires du traiteur Périnal ! en vérité, le ridicule ici le dispute à l'odieux.

[51] La déposition de Thierriet-Grandpré, dans le procès de Fouquier-Tinville, fournit un curieux et navrant exemple de ce fanatisme de la haine et du changement apporté par la réaction, soit dans les idées, soit dans le langage : Plusieurs chefs, dit le témoin, du nombre desquels j'étais, avaient un traitement de cinq mille livres. Hermann nous réduisit à quatre mille livres, et voulait niveler les appointements des chefs, des sous-chefs et des rédacteurs de correspondance ; cependant il s'en tint à une réduction générale et proportionnée. Je n'ai pas besoin de caractériser ce trait ; il décèle assez (quelle induction !) l'intention de forcer à la retraite des hommes purs et instruits pour faire place à ce qu'il appelait de vrais sans-culottes, des pères de famille de la classe indigente. Ainsi, avoir de la sympathie pour des pères de famille de la classe indigente était devenu un crime ! — Voyez le procès de Fouquier dans l'Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 48 et 49.

[52] Déposition de Valagnos, dans le procès de Fouquier-Tinville, t. XXXIV de l'Histoire parlementaire, p. 414.

[53] Déposition de Dupaumier, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 344.

[54] J'ai dénoncé une évasion, et non une conspiration. Déposition de Valagnos, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 344.

[55] Déposition de Fouquier-Tinville, dans son procès. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 344.

[56] Déposition de Brunet, chirurgien en chef de Bicêtre, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 358.

[57] Déclaration de Fouquier-Tinville dans son procès, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 355.

[58] Déposition de Deschamps, économe provisoire de Bicêtre, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 342 et 343.

[59] Déposition de Deschamps, économe provisoire de Bicêtre, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 343.

[60] Déclaration de Fouquier-Tinville, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 344, et déposition de Brunet, chirurgien en chef de Bicêtre, ibid., p. 358.

[61] Déposition de Deschamps, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 359.

[62] Déposition de Langeac, homme de lettres, Histoire parlementaire, t. XXXIV, 367.

[63] Déposition de Dupaumier, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 345.

[64] Déclaration de Naulin, dans le procès de Fouquier-Tinville. — Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 345.

[65] Rapport, non signé, et attribué à Lejeune. Rapport de Saladin, n° XX des pièces à l'appui.

[66] Voyez les Mémoires des prisons, t. II, p. 8.

[67] Épurer la population fut le mot même dont Barère se servit dans la séance du 28 messidor. Voyez le rapport de Saladin, p. 21. — Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9. (British Museum.)

[68] Procès de Fouquier-Tinville, déposition de Trinchard. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 337.

[69] Voyez le procès de Fouquier-Tinville, réquisitoire d'Antoine Judicis, accusateur public alors, dans l'Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 33.

J'ignore et ne puis comprendre pourquoi, dans son Histoire de la Révolution, liv. XX, ch. III, p. 391, M. Michelet suppose que Fouquier-Tinville mit en avant ce chef d'accusation par malice et pour rendre le procès ridicule. On ne conçoit pas quel intérêt il pouvait avoir à rendre ridicule ce qui était son œuvre, là surtout où le ridicule était une aggravation de l'horrible.

[70] Laurent Lecointre, ennemi mortel de Robespierre, et qui contribua tant à le renverser, est formel sur ce point. Voyez son appel au Peuple français, à l'univers, à la postérité, p. 134. — Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.) Et cependant, qu'on lise les Mémoires des prisons, rédigés par des détenus qui ne savaient rien de ce qui se passait au dehors, et l'on verra que le changement des concierges est partout attribué à Robespierre !

[71] Voyez l'appel de Laurent Lecointre au Peuple français, p. 134, Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[72] Voyez sur ce point, en les rapprochant, le récit de ce qui se passa au Luxembourg, dans les Mémoires des prisons, t. II, p. 141-144, et la déposition de Beausire, procès de Fouquier-Tinville, dans l'Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 321-323.

[73] Voyez la déposition de Beausire, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 329.

[74] Déposition du général Baraguey-d'Hilliers, dans le procès de Fouquier-Tinville. — Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 62.

[75] Déposition du général Baraguey-d'Hilliers. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 62.

[76] Voyez le procès de Fouquier-Tinville, passim, et notamment la déposition de Vauchelet, négociant, Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 68.

[77] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 156.

[78] Procès de Fouquier, déposition de Guyard. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 362.

[79] Ce Guyard appartenait au parti hébertiste.

[80] Déposition de Réal, dans le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 386 et 387.

[81] Discours de Réal, note B, des Mémoires des prisons, t. II.

[82] Déposition d'Hermann dans le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 44.

[83] Déposition du général Baraguey-d'Hilliers. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 61.

[84] Déclaration d'Hermann. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 42.

[85] Voyez la note à la suite de ce chapitre.

[86] Voyez le texte, dans l'Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 43.

[87] Voyez le rapport de Saladin, n° XXV des pièces à l'appui, dans la Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9. (British Museum.)

[88] Voyez la note placée à la suite de ce chapitre.

[89] Déposition de Baraguey-d'Hilliers, dans le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 60-61.

[90] Déposition de Beausire, Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 66-67. — Déposition de Fouquier, ibid., t. XXXIV, p. 355.

[91] Déposition de Baraguey-d'Hilliers, Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 60.

[92] Voyez, dans le rapport de Saladin, les n° XX et XXI des pièces à l'appui.

[93] Voyez, dans le rapport de Saladin, les n° XX et XXI des pièces à l'appui.

[94] Note du rédacteur du compte rendu du procès de Fouquier-Tinville.

[95] Réponse de Fouquier-Tinville aux différentes accusations, etc., dans la Bibl. hist. de la Révol., 947-8. (British muséum.)

[96] Réponse de Fouquier-Tinville aux différentes accusations, etc., dans la Bibl. hist. de la Révol., 947-8. (British muséum.)

[97] Voyez le texte de ces diverses lettres dans le procès de Fouquier-Tinville, dans l'Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 434-437 ; et, à ce sujet, la note critique placée à la suite de ce chapitre.

[98] Déposition de Réal, dans le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 387.

[99] Déposition de Réal. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 389.

[100] Déposition de Réal. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 389 et 390.

[101] Voyez sa déposition, Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 62.

[102] Voyez la déposition de Martin, homme de loi, Histoire parlementaire, t. XXXIV. p. 339.

[103] Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 67.

[104] Déposition de Réal. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 398 et 399.

[105] Déposition du général Baraguey-d'Hilliers, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 331.

[106] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 90 et 91.

[107] Déposition de Réal. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 393.

[108] Rapport de Saladin, n° XXIII des pièces à l'appui, dans la Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9. (British Museum.)

[109] Rapport de Saladin, n° XXIII des pièces à l'appui, dans la Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9. (British Museum.)

[110] Rapport de Saladin, n° XXIII des pièces à l'appui, dans la Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9. (British Museum.)