HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME HUITIÈME

LIVRE NEUVIÈME

 

CHAPITRE VIII. — COMITÉ DES DOUZE

 

 

La Convention aux Tuileries. — Les frères Duprat. — Aspect de Paris au commencement du mois de mai 1793. — Frénésie de la Gironde. — Théroigne de Méricourt fouettée. — Acquittement du général girondin Miranda parle tribunal révolutionnaire ; importance historique de ce fait. — Isnard, président de la Convention. — Harangue agressive de Guadet. — Déclaration solennelle d'Isnard. — Scènes tumultueuses. — Guadet propose l'annulation des autorités constituées de Paris, et la réunion de l'assemblée des suppléants à Bourges. — Création du Comité des Douze. — Il est composé de Girondins. — Sensation dans Paris. — Motion sanguinaire faite à l'Hôtel de Ville en l'absence de Pache. — Rôle de Pache dans la réunion du lendemain. — L'idée de violer la représentation nationale encore très-éloignée des esprits. — Les fureurs imprudentes de la Gironde l'éveillent. — Opposition de Barbaroux et de Buzot à l'emprunt forcé d'un milliard proposé par Cambon. — Violence du Comité des Douze. — Futilité des bases qui lui servent à supposer un vaste complot. — Arrêté de la Commune flétrissant les propos odieux tenus à la mairie ; défi à la section de la Fraternité non relevé par celle-ci. — A force de supposer le péril, les Girondins le créent. — Leurs réunions secrètes. — Mesures proposées par le Comité des Douze. — Il traîne à sa suite le Marais. — Il ordonne plusieurs arrestations, entre autres celle d'Hébert. — Protestation de la Commune. — Un anathème fulminé par Isnard contre Paris. — Indignation générale. — Isnard, dans ses appels sauvages aux départements, organe de son parti. — Aveu de Rabaud-Saint-Étienne à Garat. — Les Douze prennent les allures de la tyrannie. — Pache calomnié par eux. — Tristesse de Robespierre ; il craint que l'on ne viole la représentation nationale. — Véhément discours de lui aux Jacobins. — Les Douze font entourer la Convention d'hommes en armes. — La parole refusée à Robespierre. — Attitude tyrannique d'Isnard. — Isnard calomnié par Thuriot. — Cri forcené de Bourdon (de l'Oise). — Soupçons de Garat. — Garat à la Tribune. — Le Comité des Douze supprimé. — Rapport du décret de suppression. — Conséquences fatales du rétablissement des Douze.

 

Tandis que ces événements agitaient la Vendée, les Montagnards et les Girondins poursuivaient, à Paris, leur inapaisable querelle.

Le 10 mai, la Convention avait transporté le lieu de ses séances, de la salle du Manège aux Tuileries, épique demeure hantée par des spectres divers, et devenue fatale, depuis Louis XVI, à toutes les puissances qui s'y sont proclamées immortelles.

Ainsi, le champ de bataille était changé, mais rien de changé dans la lutte.

Si violente était l'inimitié, qu'on avait vu récemment les deux Duprat, l'un Montagnard, l'autre Girondin, renouveler presque l'histoire d'Étéocle et de Polynice. Une lettre où l'aîné accusait le plus jeune d'avoir fait avec la Gironde marché de son âme, et le vouait aux Furies[1] ; une demande d'explication dont l'emportement des Mainvielle faillit faire un assassinat ; ces mêmes Mainvielle arrêtés dînant avec Duprat jeune, après être allés assaillir Duprat aîné dans sa maison, voilà de quels faits la tribune avait retenti ; l'on y avait entendu un frère dire, en parlant de son frère : Je vous prouverai qu'il a été mauvais père, ami infidèle[2]. Évidemment, tant d'animosité conduisait à une catastrophe.

Toutefois, et malgré les troubles qui naquirent du recrutement, la physionomie de Paris, durant la première quinzaine de mai, n'eut rien de sinistre. On bâtissait dans toutes les rues ; l'officier municipal suffisait à peine à la quantité des mariages ; les salles de spectacle regorgeaient de monde, et le peuple se pressait au théâtre de la rue de l'Estrapade, où l'on jouait le Triomphe de Marat[3]. A aucune époque, les femmes n'avaient déployé dans leur parure plus de coquetterie et de fraîcheur[4]. Habillées à la romaine ou à la grecque, cheveux à la Titus, robes collantes, bras nus, épaules découvertes, brodequins aux jambes, des guirlandes civiques sur la tète, et à la main un thyrse en guise d'éventail, elles couraient en foule aux concerts de la rue de Provence entendre Fodor jouer son pot-pourri de l'amour filial, ou applaudir aux variations du guitariste Lamparelli[5].

Qui donc rendit si sombre, si fatale aux Girondins, la fin d'un mois où le plaisir, après tout, semblait s'être réservé tant de place ? Qui ? Les Girondins, hélas !

A l'Hôtel de Ville, Chaumette avait dit : La cause de nos maux, je la vois dans l'égoïsme du riche, qui, mollement couché dans une alcôve tapissée, regrette les anciens abus ; je la vois dans les coupables spéculations de l'agiotage, dans la conduite criminelle de ces thésauriseurs qui, pour tripler leurs capitaux, déclament contre la Révolution. Qu'a-t-on fait pour le pauvre ? Rien[6]. De semblables paroles, l'emprunt forcé, les cris qui commençaient à s'élever contre la féodalité de l'or, héritière de celle de l'épée, ne pouvaient manquer de faire pencher la partie opulente de la bourgeoisie parisienne du côté des Girondins : ils le comprirent, et, aveuglés sur l'importance de cet appui, ils apportèrent une sorte de frénésie à précipiter la crise qui les emporta[7].

Non, jamais il n'y eut de spectacle plus douloureux que celui de ces nobles esprits en délire s'acharnant à troubler tout, à tout paralyser, et jetant la Révolution, qu'au fond ils adoraient, dans l'alternative de les immoler ou de périr.

Par quelles plaintes funèbres, par quelles provocations gonflées de mépris et de fiel, ils surent irriter jusqu'à la démence, les infortunés, et la colère de leurs partisans, et celle de leurs ennemis ! Toujours la menace à la bouche, en se disant toujours sous le couteau, ils finirent par rendre l'idée de leur proscription familière au peuple, à force d'accuser leurs adversaires de n'être que des proscripteurs et des assassins. Après avoir cherché à convaincre leurs départements, en haine de la Montagne, qu'il y avait complot formé contre leurs personnes, ils agirent, selon le mot profond de Prudhomme, comme s'ils eussent craint d'en avoir le démenti[8]. C'est ainsi que, dans leur journal, Girey-Dupré écrivait : Ces messieurs (les Jacobins) veulent en finir : qu'ils l'osent, nous le demandons ; leur mort est au bout[9]. Guadet obtenait de la Convention l'ordre d'afficher une adresse des Bordelais, portant : Nous voulons tous périr, avant le règne des brigands et des assassins. Parisiens, sauvez-nous de notre désespoir, sauvez-vous de la guerre civile[10]. Oubliant avec quelle fougue la Gironde s'était précédemment emparée des places, Barbaroux tonnait contre l'ambition des Jacobins, reprochant à celui-ci d'être devenu, de capitaine, adjudant général ; à celui-là, vicaire de paroisse, d'avoir mérité la main de la fille de Pache ; à un troisième, qui avait quarante-neuf ans de service, d'avoir obtenu un emploi de douze mille livres[11]. Buzot, dégradant aux yeux des royalistes et des étrangers les dépositaires du pouvoir de la Révolution, demandait qu'à bref délai, sous peine de dix ans de fer, tout législateur enrichi rendît ses comptes, et qu'on portât la lampe dans sa fortune[12]. A la moindre violation des formes légales, à propos d'un acte de police tant soit peu irrégulier, ils éclataient en malédictions[13], ces Girondins qui avaient mis en pièces la légalité monarchique, favorisé l'essor du sans-culottisme, patronné le bonnet rouge, rayé le mot monsieur de la grammaire, et, introduisant l'usage du tutoiement, bouleversé jusqu'aux anciennes formes du langage[14]. Malheur aux mesures utiles, si un Montagnard les proposait ! elles étaient aussitôt rejetées[15]. Maîtres de l'Assemblée, par l'envoi en province d'un grand nombre de commissaires Montagnards, que de fois les Girondins fatiguèrent la tribune, accaparée par eux, de redites ardentes, non sur les dangers de la Révolution et les meilleurs moyens de la sauver, mais sur leurs propres périls, sur tel ou tel empiétement de la Commune, sur ce qu'à Lyon un tribunal révolutionnaire avait été indûment établi[16], sur ce qu'on voulait les égorger, crime dont la pensée germa en effet dans les bas-fonds d'où le 10 mars était sorti, mais dont Guadet et ses amis, très-injustement, faisaient un texte d'anathèmes contre quiconque n'était pas des leurs ! Souvent, le refus des Girondins d'accorder à la minorité les garanties que lui assurait le règlement[17] dévorait des séances entières, comme le jour où, Couthon ayant à parler sur l'appel nominal, que la Montagne réclamait et que repoussaient obstinément ses adversaires, Maure courut saisir l'orateur paralytique, et le porta dans ses bras à la tribune[18]. Alors il arrivait que, poussée à bout, la Montagne se mettait à rugir ; les galeries, pleines de femmes du peuple, frissonnaient ; et tandis que le côté gauche dénonçait avec des cris de rage la tyrannie du côté droit, le côté droit s'indignait de la tyrannie des spectateurs.

Il est juste d'ajouter qu'à l'égard de certains excès, la colère de la Gironde eut sa source dans un sentiment dont la vivacité était, non-seulement naturelle, mais légitime. Ce fut, par exemple, un déplorable arrêté que celui par lequel Bourbotte et Julien (de Toulouse), commissaires de la Convention à Orléans, s'avisèrent de vouer à l'exécration tous les journaux girondins distribués dans les limites de leur proconsulat[19] ; et le cœur se soulève de dégoût, au souvenir de la pauvre Théroigne de Méricourt saisie, en plein jardin des Tuileries, par une bande de mégères, et, parce qu'elle était brissotine, impitoyablement fouettée : horrible humiliation qui la rendit folle[20] !

Mais, à déclarer le parti jacobin tout entier responsable de pareilles indignités, il ne pouvait y avoir ni bonne foi ni prudence.

Au fond, si pour bien connaître quelles étaient alors les dispositions du parti jacobin, on les étudie dans ceux qui le représentaient réellement, dans Robespierre et les principaux chefs de la Montagne, on verra que les ennemis de la Gironde ne voulurent bien sa ruine définitive, qu'au dernier moment, que lorsqu'elle sembla crier : Si vous ne me tuez pas, je vous tue !

Comme preuve de cette vérité navrante, rien de plus frappant que le fait du général Miranda acquitté par le tribunal révolutionnaire, l'avant-veille du jour où ce tribunal terrible condamnait à mort, dans le général Miaczinski, un complice de Dumouriez. Certes, si l'esprit jacobin dominait quelque part, c'était au tribunal révolutionnaire. Eh bien ! Miranda, le protégé de Brissot, l'ami de Pétion, l'épée vivante de la Gironde, Miranda fut non-seulement absous, mais comblé d'éloges, et reconduit chez lui en triomphe[21]. Le rapprochement des dates est fort remarquable ici : les Jacobins du tribunal révolutionnaire acquittèrent le Girondin Miranda, le 15 mai, deux semaines, rien que deux semaines avant la catastrophe !...

Mais voilà que, le 16 mai, Isnard est nommé président de la Convention. C'était allumer une torche sur le fauteuil de la présidence, et dès ce moment, en effet, tout se précipita[22].

Le 18, par l'organe de Lanjuinais, le Comité de législation propose qu'on étende de cinquante à cent le nombre des membres requis pour rendre l'appel nominal obligatoire. La minorité, à laquelle il s'agit d'arracher une garantie précieuse, s'émeut et proteste. Guadet se lève, et avec sa véhémence ordinaire : Lorsqu'en Angleterre, dit-il, on voulut dissoudre le long Parlement, le moyen qu'on prit fut de mettre le pouvoir entre les mains de la minorité... Elle appela à son secours des patriotes par excellence, une multitude égarée, à qui l'on promettait le partage des terres et le pillage. Cet appel, motivé sur la prétendue oppression de la minorité, amena la purgation du Parlement, attentat dont Pride, de boucher devenu colonel, fut l'auteur. Cent cinquante membres furent chassés, et la minorité resta maîtresse du gouvernement. Mais les patriotes par excellence, instruments de Cromwell, eurent leur tour. Leurs propres crimes servirent de prétexte à l'usurpateur. Il entra un jour au Parlement, et s'adressant à ces mêmes membres : Toi, dit-il à l'un, tu es un voleur ; toi, dit-il à l'autre, tu es un ivrogne ; toi, tu t'es gorgé des deniers publics ; toi, tu es un coureur de filles et de mauvais lieux. Sus donc, cédez la place à des hommes de bien. Ils la cédèrent, et Cromwell la prit[23].

A l'adresse de qui ces allusions outrageantes ? Les dilapidateurs des deniers publics, étaient-ce Danton et Lacroix, sourdement accusés de concussion ? Pride, était-ce le boucher Legendre ? Cromwell, était-ce Robespierre ? Le violent génie de Guadet se reconnaissait à ce langage. Il produisit une émotion, qui se calmait à peine, quand tout à coup des cris aigus retentirent dans les tribunes.

Depuis quelques jours, des femmes, qui presque toutes portaient les livrées de la misère, avaient été remarquées rôdant, soit dans le jardin des Tuileries, soit dans les corridors de l'Assemblée. Elles visitaient les cocardes, et barraient le chemin aux gens qu'elles jugeaient suspects[24] ; mais c'était surtout contre les spectateurs munis de billets que paraissait dirigé l'effort de cette police d'un nouveau genre[25]. Le 18, un citoyen signalé à leur défiance s'étant introduit dans les tribunes, une d'elles avait essayé de l'en arracher. De là, le tumulte. Levasseur en rejeta la faute sur ce qu'il y avait des places réservées, ajoutant : Le peuple peut-il n'être pas indigné, lorsqu'il voit que ces places privilégiées sont destinées à des aristocrates tels que... Levasseur nomma, qui l'aurait jamais cru ? Un des premiers apôtres de la République en France, Bonneville ![26] et aussitôt Marat de renchérir : C'est un aristocrate infâme, c'est un entremetteur de Fauchet[27]. Alors, avec une solennité tout à fait inattendue : Citoyens, dit Isnard, ce qui se passe m'ouvre les yeux sur un fait qui m'a été révélé. L'aristocratie, Pitt, l'Angleterre, l'Autriche, suivent un nouveau plan pour détruire la liberté en France... Peuple, législateurs, écoutez : il y va de votre salut... Et il déclare qu'il y a complot formé par les étrangers pour dissoudre la Convention, au moyen d'elle-même ; qu'on doit mettre le peuple en mouvement, en commençant par les femmes ; que les Anglais se tiennent prêts à opérer une descente, dès que la révolte éclatera, et que, de la sorte, une contre-révolution est imminente.

Sans laisser à l'Assemblée le temps de se reconnaître, Vergniaud demande et fait voter l'impression de cette déclaration d'Isnard. Celui-ci, revenant à la charge, affirme, sur l'autorité d'un citoyen qu'il nommera au comité de sûreté générale, qu'il court parmi les femmes des propos étranges, qu'on leur a entendu dire : avec nos billets, nous avons des assignats et souvent de l'argent[28]. Un membre dénonce Marat comme ayant tenu contre les hommes d'État des propos sanguinaires ; à quoi Marat se contente de répondre que les hommes d'État sont des complices de Dumouriez, et qu'il faut qu'en poursuivant la mort des Capets rebelles, ils se mettent la corde au cou, ainsi que l'ont fait les patriotes de la Montagne[29].

Avant la séance, il avait été décidé, dans le Comité Valazé, que la Gironde proposerait l'annulation des autorités de Paris, le remplacement provisoire et immédiat de la municipalité par les présidents des sections, enfin la réunion des suppléants de l'Assemblée à Bourges[30]. Ce fut Guadet qui porta ces propositions à la tribune. Grande agitation sur les bancs de la gauche. Danton demande la parole. Collot d'Herbois s'écrie : Voilà donc la conspiration découverte ! Mais Barère se présente, et le calme renaît à sa voix. Casser les autorités de Paris ! dit-il ; j'appuierais cette proposition, si je voulais l'anarchie. Quant à réunir vos suppléants à Bourges, pourquoi ? Est-ce que, si la Convention était dissoute, le coup qui la frapperait ne les atteindrait pas ? Mieux valait, selon lui, créer une commission de douze membres, chargée de prendre toutes les mesures nécessaires à la tranquillité publique[31].

Cette mesure faisait briller aux yeux des Girondins l'espoir d'un triomphe absolu, quoique légal : ils embrassèrent cet espoir d'un cœur avide, et l'Assemblée vota sans débats la création du Comité des Douze[32].

Ainsi qu'on devait s'y attendre, le Comité des Douze fut pris tout entier dans la Gironde ; mais il y eut cela de singulier, qu'elle choisit, en cette occasion, pour combattre son suprême combat, des hommes qui, à l'exception de deux, n'y pouvaient figurer avec autorité ; car les membres élus furent : Boyer-Fonfrède, Rabaud-Saint-Étienne, Kervélégan, Saint-Martin, Vigée, Gomaire, Bergœing, Boileau, Mollevault, H. Larivière, Gardien et Bertrand[33]. Seulement, ce qui semblait leur manquer en consistance, ils le possédaient en audace ; et d'ailleurs, n'avaient-ils pas derrière eux, pour les pousser en avant, Guadet, Louvet, Isnard, Valazé ?. Ah ! là ne fut point leur force ; là fut leur malheur.

L'institution du Comité des Douze était une menace dont les Jacobins comprirent tout de suite la portée ; leur club en frémit ; les meneurs subalternes qui, tels que Varlet, se réunissaient à l'Évêché, commencèrent à agiter des motions furieuses, et le feu prit aux sections.

A la suite des émeutes de clercs et de commis, suscitées par le dernier recrutement, l'administration de police avait jugé nécessaire, afin de couper court à tout mouvement de ce genre, d'avoir l'œil sur les fauteurs présumés[34]. En conséquence, une circulaire émanée de la mairie avait prévenu les commissaires des sections de se rassembler à l'Hôtel de Ville, pour y dresser la liste des personnes suspectes[35]. La première réunion eut lieu le 18 mai, et fut très-paisible ; mais celle du lendemain ayant ouvert ses délibérations sous l'empire des colères que la création du Comité des Douze venait d'enflammer, la scène changea de face.

Touchant ce qui se passa dans cette assemblée, où trente-sept sections étaient représentées et à laquelle assistait un administrateur de police, la déclaration suivante fut faite plus tard, au Comité des Douze, par un des assistants : Un homme pâle, d'un certain âge, qui parlait lentement, assis à gauche en entrant dans la salle, presque contre la cheminée, dit, à propos des gens suspects : Je n'en connais pas d'autres que ceux qui sont dans la Convention nationale ; c'est-là qu'il faut frapper. Je propose donc de saisir les vingt-deux, plus huit membres que je désignerai. Nous les mettrons en lieu sûr, et nous les septembriserons... Nous, non... Mais, avec un peu d'argent, nous trouverons des hommes pour les tuer. Lorsqu'ils seront morts, nous supposerons de fausses lettres des pays étrangers, et nous prouverons qu'ils ont émigré[36].

Est-il vrai que ces propos atroces furent tenus ? C'est ce qui résulte de la concordance des dépositions ; mais ces mêmes dépositions ne s'accordent, ni relativement au nom du farouche orateur, qu'un des témoins nomme Marino[37], et un autre Bisé[38] ; ni relativement aux dispositions générales de l'auditoire. Sur ce qu'un membre aurait été chassé, pour avoir combattu la motion sanguinaire, il existe dans les témoignages une contradiction formelle[39]. Mais qu'un membre ait dit qu'il fallait attendre le plan d'insurrection préparé, aux Jacobins, par Robespierre et Marat ; qu'un autre ait pressé l'exécution en ces termes : Coligny était à minuit à la cour, et à une heure il était mort ; qu'un membre de la section de la Fraternité ait été exclu, parce qu'il prenait des notes ; qu'on ait demandé un local où pussent être déposés les gens suspects, et qu'au nombre des lieux de dépôts désignés se soit trouvée la maison des Carmes du Luxembourg, d'horrible mémoire., voilà ce que rien n'autorise à mettre en doute[40]. Toutefois, aucune décision ne fut prise, et l'on se sépara en ajournant tout au lendemain[41].

Cette fois, Pache se rendit à la réunion. A peine est-il installé au fauteuil, que la proposition de la veille est renouvelée ; mais un des assistants proteste : J'ai combattu hier, dit-il, cette proposition ; les membres ici présents ont applaudi, et je ne conçois pas qu'on vienne aujourd'hui la remettre sur le tapis, tandis qu'hier soir il n'en était plus question[42]. Pache répondit qu'il ne s'agissait point en effet d'arrestations ; que la Convention était un dépôt confié à la ville de Paris ; qu'un attentat commis sur un seul des membres de l'Assemblée nationale produirait la guerre civile ; que, quant à lui, bien qu'il eût signé la pétition qui réclamait le renvoi des vingt-deux, il ne souffrirait pas qu'une telle discussion s'engageât à la mairie.

Puis, ayant demandé le nom des suspects que l'on connaissait, il leva la séance, et l'on se retira tranquillement[43].

Il est certain que l'idée de porter atteinte à la représentation nationale n'avait encore pour apôtres ou partisans, dans Paris, que quelques-uns de ces hommes que les révolutions font monter à la surface des sociétés, quand elles en remuent le limon. Les comités révolutionnaires se montrèrent effrayés de la motion lancée à la mairie le 19, dès qu'on leur en apporta la nouvelle[44]. Le journal de Prudhomme écrivait : Généreux citoyens de Marseille, de Lyon, de Versailles, d'Avignon, de Nantes, de Bordeaux, vous semblez inquiets de la sûreté des représentants du peuple et de la liberté de leurs délibérations ? Rassurez-vous : il est de l'intérêt et de la gloire de Paris de vous en répondre[45]. Il écrivait encore : La Convention ! c'est un fanal en mer pendant l'orage[46]. Aux Jacobins, Robespierre s'était élevé très-vivement, et contre les mesures extrêmes, et contre ceux qui les proposaient[47]. Le club des Cordeliers lui-même écouta favorablement Legendre, lorsque, les 22 et 23 mai, il y vint combattre les motions emportées de Léonard Bourdon, de Varlet, et déclarer que les représentants du peuple étaient inviolables[48].

La situation était telle, néanmoins, qu'une catastrophe en pouvait sortir brusquement, du jour au lendemain ; cela dépendait de la conduite qu'allait tenir la Gironde.

Malheureusement, on eût dit qu'elle prenait à tâche, quand il y avait la République à sauver, de faire obstacle à tout, sans proposer rien. C'est ainsi que de ses rangs partit la résistance à une mesure dont l'absolue nécessité dépassait la rigueur : l'emprunt forcé d'un milliard à lever sur les riches et à rembourser en biens d'émigrés. L'urgence d'un pareil emprunt était si manifeste, si générale- ment sentie, que la motion de Cambon à cet égard fut appuyée d'une manière expresse par deux Girondins, Rabaud-Saint-Étienne et Lanjuinais. Mais il arriva que deux autres Girondins, Barbaroux et Buzot, s'y étant opposés, les tribunes éclatèrent encore une fois ; de sorte que la mesure ne fut votée qu'après une longue scène de confusion, où il y eut échange d'anathèmes, et où à Vergniaud prononçant le mot assassins, le peintre David cria : C'est toi, monstre, qui es un assassin[49].

De son côté, le Comité des Douze attisait la flamme qu'il avait charge d'étouffer. Bien décidé à découvrir une conspiration, pour avoir des conspirateurs à punir, il remplissait Paris de menaces et d'alarmes, sollicitant les aveux, encourageant les dénonciations, recueillant les moindres rumeurs, et transformant en preuves décisives des propos tenus par quelques gens sans aveu ou attribués à des inconnus : un jeune homme, dont on ignorait le nom, avait dit, sur la terrasse des Tuileries, qu'il était temps de guillotiner, non plus des cochers, des cuisiniers, des sans-culottes, mais des Brissotins[50] ; il paraissait, d'après une conversation d'un bon citoyen avec un bourgeois habillé de bleu, dans un café de Chaillot, que quelques volontaires, avant de partir pour la Vendée, avaient projeté de faire un coup[51] ; un septembriseur, nommé Laforêt, et sa femme, fripiers sur le quai du Louvre, avaient déclaré que six mille sans-culottes se tenaient prêts à massacrer les mauvais députés au premier signal, après quoi, pillage général, dans lequel Laforêt avait pour sa part cinquante maisons à piller[52]. Voilà sur quelles bases le Comité des Douze s'attachait à bâtir l'édifice du vaste complot dont les Girondins avaient tant parlé ! Et comme l'essentiel était d'y envelopper ceux qu'on voulait perdre, on rendait puérilement responsables de ce qu'avait pu dire, dans un café de Chaillot, un bourgeois en habit bleu, et les chefs de la Montagne, et les membres de la Commune.

A la vérité, c'était en pleine mairie qu'avait été tenu l'odieux discours du 19 ; et il existait à cet égard un témoignage imposant, celui de la section de la Fraternité[53] ; mais Pache n'assistait point à la réunion ce jour-là, et lorsque, le lendemain, on s'était avisé de reproduire ces idées devant lui, il les avait formellement condamnées[54]. Il y a mieux : la Commune était si peu disposée à les couvrir de son égide, que, dès le 25, elle s'était empressée de rendre l'arrêté suivant, sur le réquisitoire de Chaumette : Le Conseil général, instruit qu'une députation de la section de la Fraternité a dénoncé à la Convention nationale un complot affreux, tendant à faire égorger des représentants du peuple, et à faire dire ensuite qu'ils avaient émigré ; considérant qu'il est instant d'arrêter les auteurs de, complots aussi abominables ; invite les rédacteurs et porteurs de cette adresse à venir lui donner les renseignements nécessaires, pour qu'il puisse découvrir les traîtres, et les livrer, dès ce soir, aux tribunaux[55].

Energique était la flétrissure, péremptoire le défi. Mais on ferma les yeux sur la flétrissure, on laissa tomber le défi[56], et les Girondins continuèrent de désigner l'Hôtel de Ville comme une caverne de bêtes fauves.

A force de supposer le péril, ils le créaient.

Du reste, ils ne se faisaient point faute, eux aussi, d'avoir leurs réunions, — beaucoup plus secrètes que celles du parti opposé[57], — et leurs mots d'ordre, et leurs lettres circulaires à domicile. Une de ces lettres étant tombée entre les mains du Comité de sûreté générale, elle fut rapportée dans le n° 203 du journal de Marat, conçue en ces termes : Au DÉPUTÉ LACAZE. — En armes à l'Assemblée, à dix heures précises : couard, qui ne s'y trouve pas ! — DUFRICHE-VALAZÉ[58].

Un rapport du Comité des Douze était annoncé, et Paris l'attendait avec impatience : quel fut l'étonnement général, lorsque, dans la séance du 24 mai, Vigée, sans fournir une seule preuve, sans articuler un seul fait, vint proposer des mesures de précaution extraordinaires, motivées sur ce qu'une trame horrible avait été découverte ! Quelques jours plus tard, dit-il d'un ton solennel, la République était perdue, vous n'étiez plus. Et, au nom du Comité, il demande que la Convention, la fortune publique, la ville de Paris, soient placées sous la sauvegarde des bons citoyens ; que chacun soit tenu de se rendre sur-le-champ au lieu de rassemblement de son bataillon ; que le poste de la Convention soit renforcé de deux hommes par compagnie ; que les assemblées générales des sections soient levées tous les soirs à dix heures. Ce n'étaient là, au surplus, que des mesures préliminaires, et Vigée en annonçait de plus considérables qui devaient compléter l'œuvre de salut public confiée au Comité des Douze. Le projet, vivement soutenu par Boyer-Fonfrède et Vergniaud, fut adopté, malgré l'opposition de Danton, qui dit : Décréter ce qu'on vous propose, c'est... décréter la peur[59].

Sûrs désormais que la Convention les suivrait, les Douze n'hésitèrent plus à frapper. Ce jour là même, ils font arrêter deux administrateurs de police, Michel et Marino, accusés de provocation au massacre, et ils lancent un mandat d'amener contre Hébert, substitut du procureur de la Commune, pour un article du Père Duchêne.

Cet article contenait, contre les Girondins, à côté d'attaques légitimes, d'immondes calomnies présentées dans un style immonde ; il imputait odieusement aux hommes d'État d'avoir fait piller les boutiques des épiciers, pour avoir un prétexte de calomnier Paris ; il les accusait d'avoir enlevé le pain des boulangers, afin d'occasionner la disette ; il rappelait comment on avait raccourci Capet, et soutenait qu'il n'en coûterait pas davantage pour anéantir les traîtres[60]...

Tout cela, certes, était révoltant ; et néanmoins la nouvelle du coup qui atteignait l'auteur ne se fut pas plutôt répandue que l'indignation partout s'alluma. Ce n'étaient que paroles véhémentes ou rapprochements pleins d'amertume. Les uns font remarquer qu'à part la trivialité de la forme, le langage d'Hébert ne diffère pas de celui que tient, en sens inverse, le rédacteur du Patriote français ; ils rejettent sur le ton général de la presse à cette époque ce qu'il y avait d'excessif dans les attaques du Père Duchêne, et s'étonnent qu'à ce compte les Douze n'aient pas poursuivi la feuille de Marat. Les autres demandent de qui les Girondins tiennent le privilège d'être au-dessus de l'injure, dans un temps de fermentation inévitable, et lorsque eux-mêmes, traitant chaque jour leurs adversaires de brigands et d'assassins, ne cessaient d'appeler sur eux les vengeances de la province. Et puis, à la qualité de journaliste, Hébert joignait celle de magistrat : Était-ce la Commune qu'on prétendait châtier dans sa personne ? Les Douze entendaient-ils marcher, selon les vues développées par Guadet, à l'anéantissement des autorités constituées de Paris ? Où conduirait ce premier pas dans les voies glissantes de la tyrannie ? Hébert pouvait avoir calomnié ses adversaires ; mais la calomnie alors n'était-elle pas malheureusement de tous les partis, et le Comité des Douze avait-il été institué pour assurer à la Gironde le droit exclusif d'être injuste[61] ?

Ces discours disposent les esprits à la résistance. A neuf heures du soir, Hébert se rend à la Commune, et, le danger lui élevant le cœur : On m'arrache à mes fonctions, dit-il avec dignité : mais je dois obéissance à la loi. Vous ! N'oubliez pas que vous avez juré de regarder comme frappé sur vous tous le coup porté à un seul. Ce serment je l'invoque, non pour moi, bien décidé que je suis à la mort si elle peut servir ma patrie, mais pour mes concitoyens, que l'oppression menace. Il s'avance ensuite vers Chaumette, qu'il embrasse ; reçoit l'accolade du président, au nom du conseil, et rentre tranquillement dans sa maison, d'où il fut arraché pendant la nuit, par ordre des Douze, pour être conduit à l'Abbaye[62].

Vers la même heure, les Douze faisaient arrêter Varlet, celui que Girey-Dupré, dans son langage virulent, appelait l'agitateur des boues de Paris[63]. Du haut de sa tribune ambulante, Varlet avait dit au peuple que les plus grands rebelles étaient, non dans la Vendée, mais dans la boutique des lois[64]. On l'accusait, en outre, d'avoir poussé le club des Cordeliers à l'insurrection et demandé qu'on portât à l'Assemblée la déclaration des droits de l'homme couverte d'un voile[65].

Ces arrestations simultanées annonçaient, de la part des Douze, le parti pris d'en finir : la Commune, qu'ils brûlaient d'accabler, sentit comme le froid du glaive. Les membres qui la composaient s'assemblent le 25, pleins d'inquiétude et d'émotion. Chaumette arrive, et leur apprend qu'il s'est rendu à l'Abbaye, dans la matinée ; mais qu'il n'a pu voir Hébert, qui reposait en ce moment : Preuve qu'Hébert est innocent, ajoute-t-il, car le crime ne sommeille pas. La situation pressait : on décide qu'on ira, par députation solennelle, dénoncer à la Convention l'atteinte portée à la liberté de la presse, et qu'une circulaire sera adressée aux quarante-huit sections, pour les informer d'une manière officielle de l'arrestation d'un magistrat du peuple. La circulaire est aussitôt rédigée ; et tandis que des cavaliers la portent dans toutes les directions, les députés de la Commune se rendent à l'Assemblée nationale[66].

Lorsqu'ils furent admis à la barre, la Convention venait d'accueillir une dénonciation girondine, lancée de Mar- seille contre les Commissaires montagnards, Moïse Bayle et Boisset, et de casser, sur la motion de Barère, l'arrêté par lequel Bourbotte et Julien (de Toulouse) avaient essayé de proscrire, à Orléans, les journaux girondins. En termes modérés, quoique fermes, l'orateur de la Commune expose que la section de la Fraternité ayant entretenu la Convention de propos odieux tenus à la mairie, il est juste que cette section désigne nominativement les coupables, afin qu'on les livre au tribunal révolutionnaire, et que le soupçon se détourne de la tête des innocents. Quant à Hébert, Nous demandons, ajoute l'orateur[67], que vous rendiez à ses fonctions un magistrat estimable par ses vertus civiques et ses lumières. Nous demandons qu'il soit promptement jugé. Les arrestations arbitraires sont, pour des hommes de bien, des couronnes civiques.

Au milieu du conflit d'applaudissements et de murmures que produisent ces paroles, Isnard se lève, l'exaltation peinte sur le visage : et, par une inspiration à jamais lamentable : Ecoutez, dit-il, les vérités que je vais vous dire. La France a mis dans Paris le dépôt de la représentation nationale. S'il arrivait qu'on y portât atteinte, je vous le déclare, au nom de la France entière... — Oui, oui, au nom de la France entière. — interrompent les membres du côté droit, en se levant[68]. Isnard continue : Je vous le déclare, Paris serait anéanti... A ces mots étranges, des clameurs terribles s'élèvent de tous les bancs de la gauche ; mais ceux de la partie opposée : Oui, oui, la France entière tirerait une vengeance éclatante de cet attentat[69]. Marat était debout. La main étendue vers Isnard, il lui crie : Descendez du fauteuil, président, vous jouez le rôle d'un trembleur. Vous déshonorez l'Assemblée. Vous protégez les hommes d'État. Isnard reprit d'un air sombre : Bientôt on chercherait sur les rives de la Seine si Paris a existé. Et la droite d'applaudir[70], pendant que, pour répondre à ces blasphèmes, Danton, Dentzel, Drouet, Fabre d'Églantine, réclament à l'envi la parole. La sensation était profonde, manifestée diversement, selon la diversité des tendances.

Les tribunes gardaient un silence farouche. Seuls les députés de la Commune paraissaient calmes[71]. Leur orateur se contenta de prononcer ces mots, dont la sagesse, dans cette circonstance, n'était pas sans quelque grandeur : Les magistrats du peuple qui viennent vous demander la punition des coupables, ont juré de défendre la sûreté des personnes et des propriétés : ils sont dignes de l'estime du peuple française[72]. A ce trait, les tribunes applaudirent. Danton se leva. Il releva l'imprécation fulminée contre Paris, péremptoirement, sévèrement, sans amertume néanmoins, et plutôt comme moyen de concilier les esprits[73]. Évidemment, il craignait d'envenimer la plaie ouverte aux flancs de la République.

Mais l'heure des ménagements était passée ! Dans Paris, l'effet des menaces d'Isnard fut immense et désastreux. On ne manqua pas de remarquer l'adhésion délirante que leur avait donnée le côté droit. Il n'y avait donc pas à en douter : Isnard n'avait fait qu'exprimer les sentiments de tout un parti ; et ce parti dont le mot d'ordre était malheur aux Parisiens ! il dominait la Convention, il animait de son souffle implacable le Comité des Douze ! Précisément, on venait de lire, en plein club des Jacobins, une lettre de Vergniaud aux Bordelais ; et cette lettre, dont les auditeurs s'étaient beaucoup, émus, portait : Hommes de la Gironde ! tenez-vous prêts : si l'on m'y force, je vous appelle de la tribune, pour venir nous défendre, et venger la liberté, en exterminant les tyrans. Il n'y a pas un moment à perdre. Si vous développez une grande énergie, vous forcerez à la paix des hommes qui provoquent à la guerre civile[74]. Si Vergniaud parlait ainsi, lui le membre le plus modéré de la Gironde, qu'attendre de Guadet, de Louvet, de Barbaroux, de Buzot ? Alors, devant les imaginations inquiètes, vinrent se grouper mille faits accusateurs, tous de nature à prouver qu'il existait, à l'égard de Paris, un système suivi de diffamation[75].

Louvet, dans sa Sentinelle, ne s'était-il pas élevé contre le titre de capitale et contre ce qu'il appelait l'aristocratie des villes[76] ? Guadet n'avait-il pas dit récemment du haut de la tribune : Les Bordelais ont envoyé en Vendée quatre mille hommes, qui n'ont pas eu besoin, pour délivrer leurs frères, de remplir leurs poches d'assignats ? Cruelle insulte aux Parisiens, dont le recrutement, effectué parmi les pauvres, avait eu lieu en partie à prix d'argent[77]. Les Girondins n'étaient-ils pas sans cesse à présenter Paris comme un repaire d'assassins, et à le menacer de leurs départements ? témoin ces paroles de Vergniaud, dans la séance du 24 mai : Aucun de nous ne mourra sans vengeance ; nos départements sont debout[78] ; et celles-ci de Buzot, dans la séance du 8 : On a souvent menacé ma vie ; mais, je le déclare, il en coûtera cher à ceux qui me l'arracheront ; j'en ai le serment de mon département entier[79] ; témoin encore tant de passages du Patriote français, qui n'étaient que le développement de cette phrase : Si nous succombons, les départements sont là ![80] On se rappela aussi que, lors de la discussion du pacte constitutionnel, Isnard, appuyé par Buzot, avait soumis à l'Assemblée un projet qui dépouillait Paris de son ancienne influence, faisait dépendre les destinées de la nation d'une sorte d'acte notarié, et ne voyait dans les députés de la grande famille française que les ambassadeurs de diverses puissances[81]. Cet ensemble de faits ; la lumière sinistre que leur rapprochement jetait sur la politique des Girondins ; les adresses comminatoires qui, par eux inspirées et provoquées, affluaient de Marseille, de Lyon, de Versailles, d'Avignon, de Nantes, de Bordeaux[82] ; l'encouragement officiel qu'ils donnaient aux murmures de la province, après les avoir eux-mêmes suscités, au moyen de leur correspondance secrète[83] ; leur inexplicable indifférence touchant les troubles de la Vendée, où Carra semblait ne s'être rendu que pour amortir l'action révolutionnaire et couvrir de sa protection[84] les chefs militaires, coupables, comme Quétineau, sinon de trahison, au moins de mollesse., tout cela parlait vivement aux âmes. La déplorable scène du 25 mai à l'Assemblée combla la mesure. Dès ce moment, même aux yeux des moins emportés, les arrestations ordonnées par le comité girondin ne parurent plus que le commencement d'un complot tendant à la destruction de la République une et indivisible. On ne désigna plus les Douze que sous le nom de décemvirs, mot avec lequel on avait jadis, à Rome, soulevé la multitude[85]. Hébert devint un martyr. Varlet fut un tribun. A côté de ceux qui craignirent réellement pour la ville sacrée, il y eut ceux qui affectèrent de craindre ; et les derniers n'étaient ni les moins bruyants ni les moins écoutés. Car, quand un parti renferme des hommes de bien, il se trouve toujours parmi ses ennemis un nombre correspondant de pervers, de sorte que ses égarements ont cela de funeste, qu'ils servent à établir l'influence des méchants.

C'est ce que, parmi les Girondins, quelques-uns parurent comprendre. Dans une entrevue qu'il eut avec Garat, Rabaud Saint-Étienne lui avoua qu'il n'avait point été d'avis de l'arrestation d'Hébert[86]. Boyer-Fonfrède l'avait combattue aussi, tout jeune et impétueux qu'il était[87]. Mais, avec les passions pour auxiliaires, les fous mènent les sages. Traînant à leur suite la majorité de la Convention, et poussés eux-mêmes par les meneurs de la réunion Valazé, les Douze, sans avoir l'âme des tyrans, prirent les allures de la tyrannie. Ils exigèrent impérieusement que les registres des sections leur fussent livrés, et firent jeter en prison le président et le secrétaire de la section de la Cité, gardiens trop fidèles du dépôt commis à leur foi[88].

Eux qui venaient d'emprisonner un magistrat du peuple, parce que, dans son journal, il avait appelé les Girondins des traîtres, ils tirent relâcher, par décret de l'Assemblée, des citoyens que le comité révolutionnaire de la section de l'Unité avait fait arrêter, pour avoir appelé Robespierre, Marat et tous les Jacobins des scélérats[89]. Et, à cette occasion, ils obtinrent de la majorité que le comité en question serait cassé ; qu'ordre serait donné aux autres de se borner aux pouvoirs que la loi leur attribuait sur les étrangers, et que le titre de Comité révolutionnaire serait interdit[90].

C'était marcher à un despotisme sans contre-poids. Pache les gênait ; son calme inaltérable et sa prudence déjouaient leur animosité : ardents à le compromettre, et voulant donner une cou leur d'hypocrisie aux assurances pacifiques dont ils lui reprochaient de bercer la Convention, ils prétendirent avoir reçu de lui l'annonce d'un prochain soulèvement : or, il fut prouvé que c'était faux[91]. Quant à Isnard, sur son fauteuil de président, rien d'égal à l'arrogance qu'il déployait. Dans la séance du 26, une députation étant venue, au nom de seize sections, redemander Hébert, Isnard, fermant la bouche à Legendre, leva la séance avec une brusquerie et un air de hauteur qui firent dire au journal de Prudhomme : Il croyait sans doute présider un lit de justice ![92]

En même temps, par suite de menaces que Garat lui-même, si sympathique pourtant aux Girondins, soupçonne les Douze d'avoir laisser échapper, le bruit se répandait qu'on allait remplacer le tribunal qui avait absous Marat, et que la Convention, puisqu'elle n'avait pu être épurée par le scrutin, le serait par le glaive des lois[93]. Autre menace, plus terrible : les Douze firent savoir qu'ils poursuivraient les traîtres jusque sur la Montagne[94] ! Ainsi, les Jacobins n'avaient plus de quartier à attendre ; il fallait écraser, ou être écrasé. Ce fut tout leur complot.

Une lutte dernière, et à mort, devenant inévitable, de grands troubles l'annoncèrent. Les divisions du parti républicain favorisaient trop le royalisme, pour qu'il n'essayât point d'entrer en lice : revêtu de la livrée girondine, jusqu'à ce qu'il lui fût loisible de se montrer sous son propre costume, il avait intérêt à pousser aux démonstrations anarchiques. La journée du 26 mai fut convulsive. On se battait dans presque toutes les sections, avec des succès divers. Des femmes parcoururent les rues, agitant un drapeau, faisant des proclamations, et invitant les passants à se porter à l'Abbaye[95].

Robespierre, d'un cœur ulcéré, contemplait ce triste spectacle. Quoiqu'il fût animé contre les Girondins d'une haine que la sincérité de ses convictions exaltait en paraissant l'ennoblir, il eût voulu pouvoir les écarter sans les proscrire et les désarmer sans porter atteinte à ce principe de la représentation nationale qui lui était si cher. Il sentait bien qu'entamer la Convention était un remède aussi dangereux que le mal. Lorsqu'on aurait accoutumé le peuple à détruire son propre ouvrage, que resterait-il de possible ? Et quelle chance de durée aurait une République bâtie sur le sable mouvant des émotions populaires ? Robespierre n'était pas de ceux qui ne voient que l'heure présente, encore moins de ceux qui se plaisent aux orages de la place publique : il s'inquiétait de l'avenir, et le goût de l'ordre était un des traits caractéristiques de sa nature.

Non qu'il fût homme de gouvernement dans le sens absolu du mot, et c'est ce que prouvaient assez les vues récemment émises par lui sur la Constitution : que le pouvoir soit divisé, avait-il dit ; mieux vaut multiplier les fonctionnaires publics que confier à quelques-uns des pouvoirs trop redoutables. Fuyez la manie ancienne des gouvernements de vouloir trop gouverner. Laissez aux individus, laissez aux familles, le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Laissez aux communes le droit de pourvoir à leurs propres affaires, en tout ce qui ne tient pas à l'administration générale de la République. Laissez à la liberté individuelle ce qui n'appartient pas essentiellement à la liberté publique[96]. Robespierre voulait donc la liberté, en principe, et, sous ce rapport, ses idées s'éloignaient de celles de Saint-Just, qui ne prisait rien tant qu'un gouvernement vigoureux. Mais il voulait une liberté sagement ordonnée, qui sût se respecter elle-même ; et l'agitation pour l'agitation lui faisait horreur. Nul n'entendait pousser la Révolution plus loin que lui, mais il eût désiré que ce fût au moyen de la loi.

Aussi, quel avait été son langage, le jour où il était allé proposer aux Jacobins la formation d'une armée révolutionnaire à Paris, l'établissement de manufactures d'armes sur toutes les places publiques, et que les suspects fussent soumis à une surveillance active, et que les pauvres qu'on appellerait à remplir des devoirs civiques fussent défrayés aux frais de l'État ? Vous croyez peut-être, avait-il dit, qu'il faut vous révolter, vous donner un air d'insurrection ; point du tout, c'est la loi à la main qu'il faut exterminer nos ennemis. Il est très-possible que tous les membres de la Convention ne soient pas également amis de la liberté et de l'égalité, mais le plus grand nombre est décidé à soutenir les droits du peuple et à sauver la République. La portion gangrenée de la Convention n'empêchera pas le peuple de combattre les aristocrates. Croyez-vous donc que la Montagne n'aura pas assez de force pour contenir les partisans de Dumouriez, de d'Orléans, de Cobourg ? En vérité, vous ne pouvez le penser[97].

Rien de plus significatif que ces paroles, prononcées le 8 mai ; et quand on les rapproche de celles où Robespierre, dans la même salle des Jacobins, condamnait, quatre jours après, l'emportement des agitateurs de profession et les mesures extrêmes[98], il est impossible de ne pas voir combien l'image de la représentation nationale violée le préoccupait et l'effrayait.

Mais, depuis le 12 mai, l'installation des Douze et leur violence avaient singulièrement envenimé la situation. Fallait-il attendre, sur les bords du Rubicon, que la Révolution fût morte ? Et, d'un autre côté, où la liberté ne risquait-elle pas de s'égarer, si on lui faisait passer le fleuve que si volontiers franchissent tous les Césars ? L'esprit en proie à ces noires incertitudes, Robespierre, le soir du 26 mai, se rend.aux Jacobins, et là, dans un discours dont le désordre attestait son trouble, il déclare que le moment est arrivé pour le peuple de se lever, puisque toutes les lois sont violées, puisque le despotisme est à son comble, puisqu'il n'y a plus ni bonne foi, ni pudeur. Il ajoute qu'il aime mieux mourir avec les républicains que triompher avec des scélérats. Comme s'il eût pressenti que sa voix ne pourrait plus se faire entendre dans l'Assemblée, asservie désormais à ses ennemis — et c'est ce qui devait se vérifier le lendemain même — il s'écrie qu'il est résolu, si on lui refuse la parole, à se mettre en insurrection, lui seul, et contre le président, et contre tous les membres qui siègent dans la Convention. Il termine en disant : Si la trahison appelle les ennemis étrangers au sein de la France ; si, lorsque nos canonniers tiennent dans leurs mains la foudre qui doit exterminer les tyrans et leurs satellites, nous voyons l'ennemi approcher de nos murs, alors je déclare que je punirai moi-même les traîtres, et je promets de regarder tout conspirateur comme mon ennemi, et de le traiter comme tel[99].

Quelque véhémentes que fussent ces dernières paroles, elles semblaient inspirées, bien moins par le désir d'appeler l'insurrection, que par celui de l'éloigner, en la subordonnant au cas où l'étranger approcherait de Paris. Mais, dans le tumulte manifeste de ses pensées, Robespierre avait laissé échapper une parole dont les Jacobins s'emparèrent, sans s'arrêter aux conclusions qui avaient probablement pour but d'en fixer et d en adoucir le sens. Ils éclatent en acclamations passionnées, et se proclament en insurrection contre les députés corrompus[100]. Les Douze ne perdaient pas un instant. Dans la nuit du 26 au 27, ils envoient à trois sections qui leur étaient dévouées, celles de la Butte-des-Moulins, de Quatre-vingt-douze et du Mail, l'ordre de venir, le lendemain, se ranger en armes autour de la Convention[101]. Cet ordre était une audacieuse usurpation de pouvoir, la Commune ayant seule le droit légal de requérir la force. Aussi le commandant général crut-il devoir informer Pache de ce qui se passait, par une lettre que celui-ci reçut, le 27, à dix heures du matin[102]. Aussitôt Pache écrit aux Douze que le droit de réquisition ne leur appartient pas, et qu'il les prie conséquemment soit de s'abstenir, soit de faire rendre un décret qui légalise leur action. Pas de réponse. Les Douze, quand on leur parla de cette lettre, prétendirent ne l'avoir pas reçue, qu'elle avait été sans doute égarée[103], et leurs ordres furent exécutés.

La séance du 27 mai, à la Convention, s'ouvrit par la lecture d'une missive de Pache, qui finissait en ces termes : Si quelques membres de la Convention veulent bien oublier leurs haines et laisser l'Assemblée s'occuper du grand objet de la Constitution, il n'y a pas de ville où elle puisse être plus respectée et où les personnes soient plus en sûreté qu'à Paris[104]. Mais, prenant la fougue pour de la force, les Girondins croyaient toucher au triomphe. Ils accueillirent, dans un silence méprisant, la proposition de la suppression des Douze, présentée par Marat ; et les députés de la section de la Cité étant venus réclamer contre l'enlèvement nocturne des président et secrétaire de cette section, Isnard répondit à des hommes dont la plupart étaient ses aînés : Citoyens, la Convention nationale pardonne à votre jeunesse[105]. Tant de dédain n'était pas pour calmer les esprits. On murmure, et Robespierre demande la parole. Alors, il fut aisé de voir combien est rapide la pente de la tyrannie. C'est en vain que Robespierre, à la tribune, invoque son droit, la liberté des délibérations, la justice : Isnard ne veut pas que l'orateur soit entendu, et rien ne peut fléchir son despotique entêtement. Vous êtes un tyran, lui crie Marat. Un autre membre, Bentabole, lui reproche d'être le perturbateur de l'Assemblée. Nous sommes opprimés, s'écrient les membres de la gauche, nous résisterons. L'agitation est au comble. Qui croirait qu'en cette circonstance, Vergniaud lui même intervint — tant les passions de parti sont contagieuses ! — non pour sauver les siens de leur propre démence, mais pour se remettre à sonner, en demandant les assemblées primaires, le tocsin de la guerre civile[106] ! Et les Girondins d'adhérer bruyamment[107]. La question de savoir si Robespierre serait entendu fut mise aux voix et négativement résolue. Nouveau tumulte. La gauche veut que, par l'appel nominal, la France entière soit prise à témoin de ces actes d'oppression. La droite se dispose à lever la séance. Danton : Tant d'impudence commence à nous peser, nous vous résisterons !Nous vous résisterons ! répètent à l'envi tous les Montagnards. Danton reprend : Je déclare en mon propre nomet cette déclaration, je suis prêt à la signerque le refus de la parole à Robespierre est une lâche tyrannie[108]. Thuriot : Je demande la parole contre le président. C'est lui qui, en parlant l'autre jour de Jésus-Christ, se proclamait le chef de l'armée chrétienne dans la Vendée[109] : calomnie bien invraisemblable ! Et certes ce n'était pas le moment d'affaiblir, par des accusations iniques, celles, trop méritées, qu'Isnard encourait avec un si sauvage orgueil. Mais la haine a ses ivresses. Les tribunes étaient haletantes. Déjà le président s'est couvert deux fois. D'une main tremblante de colère, il agite un papier que les clameurs l'empêchent de lire, et qu'on assure être le signal de la guerre civile. Un cri forcené fut poussé par Bourdon de l'Oise : S'il ose la proclamer, je l'assassine[110].

Il était cinq heures de l'après-midi, et rien encore, autour de la Convention, n'annonçait un mouvement. Mais voilà que tout à coup on apprend que des sections arrivent en armes et se rangent en bataille devant la salle.

C'était l'armée de la Gironde. Les Montagnards, qui ignorent et ne peuvent deviner les dispositions prises pendant la nuit par leurs adversaires, s'interrogent des yeux, partagés qu'ils sont entre l'inquiétude et l'étonnement.

Pourquoi ces baïonnettes ? Et par qui ont-elles été appelées ? Le commandant est mandé à la barre ; il montre ses ordres, émanés du Comité des Douze ; et, loin de le réprimander, la majorité lui accorde les honneurs de la séance[111].

Chose étrange ! tandis que les sections armées de la Butte-des-Moulins, de Quatre-vingt-douze et du Mail allaient ainsi fournir à la Gironde l'appui d'une sorte de garde prétorienne, le bruit courait dans Paris que la Gironde, au sein de la Convention, était assiégée par ses ennemis ; qu'on l'entourait de l'appareil des armes ; qu'on parlait de l'égorger ; que tout annonçait un combat et un carnage[112]. Si les Girondins eux-mêmes répandirent ce bruit, ou, du moins, aidèrent à le propager, heureux qu'on prît la force armée qui les protégeait pour une force armée qui les cernait, et ravis secrètement d'une erreur qui rejetait sur la Montagne l'odieux d'une violence qu'elle était, au contraire, menacée de subir, c'est ce que, dans ses Mémoires, Garat, ministre de l'intérieur alors, présente comme une conjecture dont il ne put se défendre[113]. Plus d'une fois, écrit-il à cette occasion, j'ai vu des hommes qui avaient de la morale, appeler au secours des principes les plus purs et à l'exécution des mesures les plus légitimes, des moyens dans lesquels l'artifice combinait le mensonge avec la vérité, et pour déjouer et punir plus sûrement des ennemis coupables, leur prêter des crimes qu'ils n'avaient pas commis. Je l'ai vu, et tout ce que j'ai pu faire, c'est de fermer, non pas les yeux, mais la bouche. Peut-être y a-t-il quelque vérité dans ce que me disait un jour un de nos plus célèbres révolutionnaires : Vous avez un grand vice en révolution, c'est de ne pas vouloir vous prêter à une scélératesse, quand le bien public l'exige. Il riait, parce qu'il croyait ne dire qu'un mot plaisant ; et moi je m'abîmai dans des réflexions désolantes, parce que je sentis que le mot était profond[114]. Quoi qu'il en soit, l'auteur des lignes qu'on vient de lire, ne fut pas plutôt informé des prétendus dangers de la Gironde qu'il se hâta vers la Convention. En traversant les Tuileries, il aperçut des groupes, mais ni en très-grand nombre, ni très-nombreux, ni très-tumultueux[115]. Au grand escalier, une foule considérable et fort agitée se pressait autour de la porte du salon de la Liberté, mais sans aucune arme, au moins visible[116]. Tout autre était l'aspect des cours. Là, et le long de la façade du palais, du côté du Carrousel, se promenait d'un pas régulier la milice des Girondins, mèches allumées au-dessus des canons[117]. Garat ne douta point que ce dernier mouvement ne fût organisé, n'eût des chefs ; et la Convention lui parut effectivement assiégée. Mais par qui, et au profit de qui ? Pache, qu'il rencontre et interroge, se borne à lui dire qu'il a signé la réquisition, n'ayant pas été libre de la refuser. Il monte à la salle où les Douze étaient réunis, aperçoit Rabaud-Saint-Étienne, qui, épuisé de fatigue, prenait un bouillon, le questionne, et n'obtient pas de réponse. Tout ce qu'il parvient à savoir, c'est qu'au dedans du palais comme au dehors, la fermentation est croissante. Pache se rendait à la barre : le ministre de l'intérieur se décide à le suivre, et ils entrent l'un et l'autre dans l'Assemblée[118].

Une chose avait frappé Garat : en traversant les cours, côte à côte avec le maire de Paris, et accompagné de plusieurs officiers municipaux, il avait entendu les hommes armés dire : Ah ! ah ! voilà ces vilaines écharpes ! tandis que là où était la foule sans armes, parmi laquelle beaucoup de femmes, on disait, sur le passage des gens de la Commune : Voilà nos bons pères qui passent[119]. Ce rapprochement caractérisait la situation : du côté des Girondins, les baïonnettes ; du côté des Montagnards et de la Commune, le peuple.

A peine le ministre de l'intérieur est-il dans l'Assemblée qu'on l'appelle à la tribune. Garat était un esprit bienveillant, un philosophe de mœurs douces. Incapable d'apprécier les vertus rigides, il jugeait mal Robespierre, ne se sentait attiré vers Danton que parce qu'en ce dernier il trouvait une nature facile et avait un penchant décidé pour les Girondins, au nombre desquels il comptait plusieurs amis personnels[120]. Cependant les torts de la Gironde dans les derniers événements étaient si manifestes, que, sommé de s'expliquer, il ne put se résoudre à sacrifier la vérité à ses amis. Avec tous les ménagements que lui commandaient ses sympathies particulières, il expose que le mal vient de ce qu'on a injustement rendu responsables de quelques propos odieux tenus à la mairie en l'absence du maire, et Pache, qui les avait condamnés, et la Commune qui les avait flétris. Il s'étonne qu'on ait transformé en complot des propositions repoussées avec indignation. Il montre qu'en levant des contributions de guerre, qu'en requérant des citoyens pour le service militaire, la Commune n'a fait qu'exécuter les décrets de l'Assemblée. Sans prétendre se porter le champion d'Hébert, qu'il ne connaît pas, et sans dissimuler son horreur pour les écrits qui ne font point parler à la raison et à la morale un langage digne d'elles, il blâme des poursuites peu d'accord avec la tolérance dont jouissaient tant de feuilles non moins âpres, quoique plus littéraires. Il déclare qu'à ses yeux les Douze sont des hommes de bien, qui ont l'imagination frappée, et sont entraînés par un patriotisme trop fougueux, par un désir maladif de déployer leur courage, à des erreurs vraiment incompréhensibles. Il assure enfin qu'autour de la Convention, la force armée est bien plus considérable que l'attroupement, et que, si la Convention, précédée des autorités constituées, veut s'assurer des dispositions du peuple, en se portant aux lieux des rassemblements, elle verra les flots de la multitude s'ouvrir avec respect devant elle. Ici, les tribunes applaudissant : Croyez-vous, ajoute-t-il, que ces sans-culottes, qui applaudissent aux assurances que je donne de leurs sentiments, le feraient s'ils avaient des intentions criminelles ?[121]

Cet exposé, dont Pache attesta l'exactitude, avait consterné les Girondins : pour en éluder l'effet et empêcher qu'on entendît de nombreux pétitionnaires qui se pressaient aux portes de la salle, ils se mettent à demander que la séance soit levée ; et Isnard quitte brusquement le fauteuil, où Hérault de Séchelles le remplace. La séance continuant, Henri Larivière veut parler, défendre le Comité des Douze, dont il est membre ; mais les Montagnards, à leur tour coupables de tyrannie, étouffent la voix de l'orateur. La porte alors est ouverte aux pétitionnaires, et les députations se succèdent à la barre, toutes réclamant d'un ton de menace l'élargissement des citoyens incarcérés.

C'est en réponse à une des députations que Hérault de Séchelles prononça cette phrase, vantée par les uns comme une vérité hardie, et censurée par les autres comme une flatterie emphatiquement absurde : La force de la raison et la force du peuple sont la même chose[122]. Il était nuit ; plusieurs membres étaient sortis déjà ; beaucoup de pétitionnaires se trouvaient mêlés, sur les bancs, aux députés de la gauche, et la confusion autorisait à douter de la validité d'un vote rend u en de telles circonstances. Meillan assure dans ses Mémoires que, placé vis-à-vis du président, à dix pas de distance, et les regards toujours fixés sur lui, il ne le vit pas mettre aux voix le décret qui ordonnait l'élargissement des prisonniers et cassait le Comité des Douze[123]. Mais, contre l'autorité de ce témoignage, il y a celle d'Hérault de Séchelles[124], celle de René Levasseur[125], la déclaration du bureau[126], et enfin le procès-verbal de celte séance par Jean-Bon-Saint-André, Monnel, Dupuis, Billaud-Varennes, Robert Lindet, Chabot et Laloi[127].

La suppression des Douze, quand la nouvelle s'en répandit, fit tressaillir de joie la Commune, et produisit dans Paris de bons effets. Les membres de la Montagne, écrit Garat, cessèrent d'avoir des craintes, et cessèrent aussi d'en donner. A la Commune et dans les sections les plus turbulentes, on entendit parler de paix et de repos. Le maire, dont la physionomie n'est pas très-mobile, ne s'empreint pas beaucoup des affections de l'âme, respirait un contentement doux, comme un homme qui sort de crainte pour la chose publique et pour lui-même[128]. Il n'y eut d'affligés que les pervers, d'indignés que les Girondins.

Ceux-ci, après une nuit employée à préparer la conduite du lendemain, courent, le 28 mai, à l'Assemblée, sombres et frémissants. A leur tête est un homme dont la dévotion contraste fort avec leur scepticisme religieux, mais qui prête à leur politique l'appui d'une âme forte et d'un caractère d'airain. Lanjuinais nie qu'un décret ait été rendu la veille. On murmure, il insiste ; on s'emporte contre lui, il réclame le châtiment des prédicateurs de meurtre ; Legendre le menace de le jeter en bas de la tribune ; il daigne à peine s'apercevoir de cette menace. Au reste, à supposer qu'il y ait eu décret, il faut qu'on le rapporte. Guadet appuie vivement cette motion, motivée sur ce que la Convention a délibéré au milieu des outrages, sur ce que la salle était pleine de pétitionnaires, sur ce qu'à travers les flots de la multitude qui l'entourait, Pétion et Lasource n'avaient pu se frayer passage. Eh bien, l'appel nominal ! crie la gauche. Le défi est sur-le-champ accepté par la droite. On va aux voix ; et le décret est rapporté à la majorité de quarante et une voix seulement[129] !

Un fait inattendu venait de se produire : le Marais se rapprochait de la Montagne ! Cette circonstance ; l'exemple de Condorcet, qui ne se leva point pour le rapport[130] d'un décret où les Girondins avaient vu leur défaite et où était le salut ; ce mot de Danton : Si les magistrats du peuple ne sont pas rendus à la liberté ; après avoir prouvé que nous passons nos ennemis en prudence, nous leur prouverons que nous les passons en audace et en vigueur révolutionnaires[131] ; cet autre mot de Laplanche : Nous avons demandé la priorité pour le canon d'alarme[132], tout cela valait qu'on y prît garde. Mais quel parti n'a ses moments de vertige ? La Gironde crut faire beaucoup en ne s'opposant point à l'élargissement des détenus, auquel poussa Boyer-Fonfrède lui-même[133] : le pouvoir remis aux mains des Douze, elle s'enivrait de son périlleux triomphe ; et elle laissa le président de son choix admettre aux honneurs de la séance l'orateur d'une députation qui était venu se plaindre de ce que le peuple avait eu trop longtemps à sa disposition les instruments révolutionnaires. — Ah ! il faut arracher les instruments de la Révolution au peuple ! s'écria Danton[134].

Le rétablissement des Douze ne pouvait que ranimer dans Paris l'orage que leur suppression y avait calmé.

L'inquiétude renaît, aggravée par mille terreurs que d'obscurs fauteurs de désordre simulent et courent répandre de groupe en groupe. On annonce des arrestations nouvelles. Les uns assurent que toute la députation de Paris va être envoyée à l'Abbaye ; les autres, que le plan est d'exterminer la Montagne[135]. Hébert, arraché au misérable grabat où ses amis l'avaient montré gisant[136], reparait à la Commune, et y reçoit une couronne, que modestement il va déposer sur le buste de Jean-Jacques, en disant : Aux morts seuls les couronnes[137]. Les moyens de sauver d'une ruine imminente la ville qui est le foyer des lumières, qui fut le berceau de la République, sont remis à l'ordre du jour des sections, et celle des Arcis se prépare à aller demander aux Girondins l'explication de ces paroles d'Isnard : On cherchera sur les rives de la Seine où Paris a existé[138].

 

 

 



[1] Marat publia cette lettre dans le n° 194 de son journal.

[2] Convention, séance du 29 avril 1793.

[3] Révolutions de Paris, n° 200.

[4] Révolutions de Paris, n° 200.

[5] Lettres, Mémoires et Documents, publiés par F. Grille, t. IV, p. 329.

[6] Révolutions de Paris, n° 201.

[7] Voyez, à ce sujet, le chap. VI des Mémoires du conventionnel René Levasseur, livre écrit avec une bonne foi touchante et quelquefois magnanime.

[8] Révolutions de Paris, n° 205.

[9] Patriote français, n° 1369.

[10] Convention, séance du 14 mai 1793.

[11] Convention, séance du 14 mai 1793.

[12] Convention, séance du 14 mai 1793.

[13] Séance du 17 mai 1793, a propos de l'arrestation d'un nommé Roux.

[14] Voyez les précédents volumes.

[15] C'est ce dont le Républicain, journal des hommes libres, se plaignit amèrement dans un article cité par les auteurs de l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 159.

[16] Séance du 15 mai 1793.

[17] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 253.

[18] Séance du 17 mai 1793.

[19] Cet arrêté fut énergiquement flétri par le journal les Révolutions de Paris, dans son n° 202.

[20] Cette abjecte violence eut lieu le 15 mai 1793. Elle fut commise, non par des hommes, comme on l'a dit, mais par des femmes. Voyez le n° 201 des Révolutions de Paris.

[21] Révolutions de Paris, n° 201. — Voyez l'Histoire parlementaire, tome XXVII, pages 26-71, pour les détails de ce procès, qui dura cinq jours.

[22] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI.

[23] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 121.

[24] Révolutions de Paris, n° 201.

[25] Discours de Gamon, inspecteur de la salle, séance du 18 mai 1793.

[26] Histoire parlementaire, t, XXVII, p. 125.

[27] Histoire parlementaire, t, XXVII, p. 125.

[28] Histoire parlementaire, t, XXVII, p. 125.

[29] Histoire parlementaire, t, XXVII, p. 125.

[30] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 236.

[31] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 130-132.

[32] Séance du 18 mai 1793.

[33] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 161. Chassey, élu, se récusa.

[34] Lettre du maire de Paris à la Convention, lue dans la séance du 28 ma 1793.

[35] Lettre du maire de Paris à la Convention, lue dans la séance du 28 ma 1793.

[36] Déposition faite au Comité des Douze par L***, membre de la commission de surveillance de la section du Panthéon-Français, à la suite des Mémoires de Meillan, note B.

[37] Déposition de Louis P***, de la section des Tuileries, à la suite des Mémoires de Meillan. note B.

[38] Déposition de D***, membre du comité de surveillance de la section de la Fontaine de Grenelle, à la suite des Mémoires de Meillan, note B.

[39] Rapprocher le témoignage qu'on lit, p. 180, des Mémoires de Meillan, de celui qui est reproduit p. 183.

[40] Voyez, à la suite des Mémoires de Meillan, la note B.

[41] Voyez, à la suite des Mémoires de Meillan, la note B.

[42] Déposition de L***, membre du comité de surveillance de la section du Panthéon-Français, à la suite des Mémoires de Meillan, note B.

[43] Rapprocher les dépositions reproduites dans l'ouvrage ci-dessus, de la lettre adressée par Pache à la Convention, séance du 24 mai 1793.

[44] Déposition de L***, membre du comité de surveillance de la section du Panthéon, ubi supra, p. 181.

[45] Révolutions de Paris, n° 200.

[46] Révolutions de Paris, n° 202.

[47] Séance du club des Jacobins, du 12 mai 1793.

[48] Déposition du citoyen T***. — Voyez, à la suite des Mémoires de Meillan, la note B.

[49] Convention, séance du 20 mai 1793.

[50] Voyez, dans les pièces officielles, à la suite des Mémoires de Meillan, p. 186.

[51] Mémoires de Meillan, p. 1898.

[52] Mémoires de Meillan, p. 188.

[53] Elle présenta son rapport à la Convention, dans la séance du 23 mai 1793.

[54] Quoi qu'en aient dit plusieurs historiens qui, sur la foi des Mémoires de madame Roland, veulent absolument que Pache n'ait été qu'un hypocrite. Nous avons cité plus haut ses propres paroles.

[55] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 179.

[56] Voyez, dans l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 179 et 180, la réponse aussi évasive qu'insolente adressée à la Commune par la section de la Fraternité.

[57] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 257.

[58] Lasource prétendit, séance du 23 mai, que le billet portait simplement ces mots : A la Convention, à dix heures, avec le plus de collègues que tu pourras.

Quoi qu'il en soit, il n'y a rien d'invraisemblable à ce que Valazé ait écrit le mot en armes. Louvet nous apprend, dans ses Mémoires, p. 72, que depuis trois mois il portait des armes pour sa défense.

[59] Convention, séance du 24 mai 1793.

[60] Voyez cet article, reproduit en entier dans le t. XXVII de l'Histoire parlementaire, p. 208-212.

[61] Ces plaintes trouvèrent un écho dans les Révolutions de Paris. Voyez le n° 202 de ce journal.

[62] Commune, séance du 24 mai 1793.

[63] Patriote français, n° 1375.

[64] Révolutions de Paris, n° 205.

[65] Mémoires de Meillan, p. 178 des Pièces officielles.

[66] Commune, séance du 25 niai 1793.

[67] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 224.

[68] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 225.

[69] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 225.

[70] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 225.

[71] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 239.

[72] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 226.

[73] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 227-230.

[74] Cette lettre, datée du 5 mai, fut communiquée au Républicain, journal des hommes libres, par Guffroy.

[75] Révolutions de Paris, n° 201.

[76] Voyez le volume précédent.

[77] Révolutions de Paris, n° 200.

[78] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 197.

[79] Histoire parlementaire, t. XXVI, p. 385.

[80] Patriote français, n° 1360.

[81] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 215 et 216.

[82] Révolutions de Paris, n° 201.

[83] Rapprocher la lettre de Vergniaud de la séance où Guadet fit voter l'impression de l'adresse des Bordelais.

[84] Nous avons sous les yeux copie certifiée de la lettre que Carra écrivit à ce sujet aux administrateurs des Deux-Sèvres.

[85] Mémoires de Garat, t. XVIII, p. 384 de l'Histoire parlementaire.

[86] Mémoires de Garat, t. XVIII de l'Histoire parlementaire, p. 386.

[87] Mémoires de Garat, t. XVIII de l'Histoire parlementaire, p. 386.

[88] Voyez la pétition présentée à la Convention nationale par la section de la Cité, séance du 27 mai 1793.

[89] Voyez la séance de la Convention du 26 mai 1793.

[90] Décret du 26 mai 1793.

[91] Voyez la lettre de Pache, lue à l'Assemblée le 27 mai 1793. Elle contient un démenti formel, que nul n'osa relever.

[92] Révolutions de Paris, n° 203.

[93] Mémoires de Garat. Voyez l'Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 384.

[94] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 249.

[95] Commune, séance du 26 mai 1793.

[96] Voyez le discours remarquable d'où nous extrayons ce passage si frappant, dans les Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 215-221.

[97] Séance des Jacobins du 8 mai 1793.

[98] Je n'ai jamais pu concevoir, disait-il dans la séance du 12 mai, comment, dans les moments critiques, il se trouvait tant d'hommes pour faire des propositions qui compromettent les amis de la liberté !

[99] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 244.

[100] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 244.

[101] Rapport du maire de Paris au Conseil général, n° 149 de la Chronique de Paris, citée par les auteurs de l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 272.

[102] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 244.

[103] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 244.

[104] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 247.

[105] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 251.

[106] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 253.

[107] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 253.

[108] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 255.

[109] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 256.

[110] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 257.

[111] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 259.

[112] Mémoires de Garat, t. XVIII de l'Histoire parlementaire, p. 386.

[113] Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 395.

[114] Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 395 et 396.

[115] Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 387.

[116] Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 387.

[117] Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 387.

[118] Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 387.

[119] Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 388.

[120] Voyez ses Mémoires, passim.

[121] Pour cet important discours de Garat, que M. Michelet, sans en citer la partie caractéristique et historique, appelle une homélie, voyez l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 259-264.

[122] Elle fut admirée par le journal des Révolutions de Paris, n° 205, et, tout au contraire, définie par Garat : Un outrage à la raison humaine. Voyez ses Mémoires, t. XVIII de l'Histoire parlementaire, p. 398.

[123] Mémoires de Meillan, p. 44.

[124] Voyez sa déclaration dans la séance du 28 mai 1793.

[125] Voyez sa déclaration dans la séance du 28 mai 1793.

[126] Voyez la déclaration d'Osselin, même séance.

[127] Éclaircissements historiques à la suite des Mémoires de Meillan, note C.

[128] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 398.

[129] La majorité fut de 279, et la minorité de 238, sur un nombre total de 517. Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 287.

[130] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 399.

[131] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 287.

[132] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 288.

[133] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 291.

[134] Séance du 28 mai 1793.

[135] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 399.

[136] Rapport de Dorat-Cubières à la Commune, séance du 26 mai 1793.

[137] Séance de la Commune du 28 mai 1793.

[138] Séance de la Commune du 28 mai 1793.