HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME HUITIÈME

LIVRE NEUVIÈME

 

CHAPITRE IV. — TRAHISON DE DUMOURIEZ

 

 

Tendances contre-révolutionnaires de Dumouriez. — Une entrevue de lui avec Camus. — Miranda. — Valence. — Dumouriez perd la bataille de Neerwinden ; pourquoi. — Aux yeux du général diplomate, toute bataille était une manœuvre politique. — Miranda injustement accusé. —Conférence secrète sur la Montagne de Fer. — Dumouriez couve sa trahison. — La Belgique évacuée. — La nouvelle de la défaite de Neerwinden arrive à Paris. — Mesures vigoureuses prises par la Convention. — Entrevue de Dumouriez avec Proly, Pereyra et Dubuisson. — Danton attaqué par Lasource ; il rom pt définitivement avec la Gironde. — Aveuglement des deux partis en lutte. — Sommation apportée à Dumouriez par Camus, Lamarque, Bancal et Quinette, accompagnés de Beurnonville. — Arrestation du ministre et des quatre commissaires. — Congrès de diplomates à Bruxelles. — Arrogance folle des ennemis de la Révolution. — Fuite de la comtesse de Genlis. — Le duc de Chartres et sa sœur. — Dumouriez abandonné par ses troupes. — Poursuivi par Davoust. — Sa désertion.

 

La situation était effectivement terrible. Dumouriez qui, comme nous l'avons dit, avait quitté Paris, la trahison dans le cœur, se trouvait avoir rejoint son armée à Louvain, où son premier acte fut d'écrire à la Convention une lettre menaçante[1]. Il y appelait vicieux et criminel le régime d'administration suivi par le prédécesseur de Beurnonville ; il dénonçait comme désastreuse l'influence financière de Cambon ; il se faisait l'avocat de la Belgique, selon lui, opprimée ; il niait que l'union de tant de villes belges à la France eût été volontaire ; il flétrissait le magnanime décret du 15 décembre, celui qui proclamait la solidarité des peuples[2] !

Cette lettre, apportée au Comité de défense générale, le consterna. Dumouriez parlait évidemment en homme qui a la main sur la garde de son épée. On se rappela les sommations de Lafayette ! Danton est appelé en toute hâte, et on lui donne lecture, ainsi qu'à Lacroix, de l'insolente missive. L'un et l'autre avaient été envoyés en mission auprès du général, ils avaient pu lire dans son âme.

Lacroix n'hésita pas à déclarer qu'il fallait tenir la lettre secrète. Dumouriez, s'écria-t-il, est utile à l'armée. Si un acte d'accusation devait être porté contre lui, j'aimerais mieux que ma tête tombât que la sienne[3]. Danton, de son côté, offrit de repartir avec Lacroix pour tâcher d'obtenir du général une rétractation formelle, faute de quoi, lui, Danton, promettait de se porter lui-même l'accusateur de Dumouriez[4]. La proposition acceptée, Danton et Lacroix se rendent au camp sans retard ; mais à la résistance qu'ils éprouvèrent, ils comprirent bien que Dumouriez était perdu pour la République ! Il consentit enfin à écrire qu'il priait la Convention de ne rien préjuger sur sa lettre, avant qu'il eût le temps de lui en envoyer l'explication : ce fut tout ce qu'on put lui arracher[5].

Il n'avait point, du reste, attendu jusque-là pour dévoiler à demi ses projets. Son passage à Anvers venait d'être marqué par l'ordre laissé au général Marassé, de faire murer la porte du club et d'emprisonner les clubistes[6] ; en traversant Bruxelles, il n'avait eu rien de plus pressé que de dissoudre la légion des sans-culottes, créée par le général Morelon[7] ; et, partout, il avait affecté de se poser en protecteur souverain de la Belgique, de sa nationalité, de ses banquiers, de ses prêtres. Lui, le grand soldat libertin et sceptique par excellence, lui, qui commençait sa lettre du 11 mars par ces paroles : Citoyen président, le salut public est la loi suprême[8], on l'avait vu s'élever avec une dévote indignation contre l'application de l'inutile argenterie des églises aux nécessités d'une guerre où était engagé le salut de la Révolution et de la France.

Ce n'est pas que des profanations n'eussent été commises par quelques violents émissaires du jacobinisme, mais il pouvait paraître assez étrange que le léger amant de madame de Beauvert s'émût de ces excès partiels beaucoup plus vivement que le pieux et austère Camus : ce Camus qui, soir et matin, se tenait prosterné, pendant des heures entières, devant un crucifix de grandeur d'homme, fixé aux murs de sa chambre[9].

Dumouriez a raconté lui-même la conférence dans laquelle le janséniste lui reprocha d'avoir fait rendre aux églises leur argenterie, et ce récit prouve que, si Camus resta convaincu de quelque chose, ce ne fut pas de la -dévotion de son interlocuteur, car l'entrevue se termina par le dialogue que voici : Général, on vous accuse d'être César. Si j'en étais sûr, je deviendrais Brutus et je vous poignarderais. — Mon cher Camus, je ne suis point César, vous n'êtes point Brutus, et la menace de mourir de votre main est, pour moi, un brevet d'immortalité[10].

Au moment même où il se défendait ainsi de ressembler à César, Dumouriez n'avait qu'une idée : franchir le Rubicon. Mais il sentit que ce n'était pas trop de l'éclat d'une bataille gagnée pour envelopper l'audace d'un tel crime. Seul, un triomphe militaire pouvait lui donner le pouvoir d'entraîner l'armée, de braver la Convention, et de mettre le prix qu'il voudrait à sa perfidie. Décidé à trahir, il se promit de vaincre ; et c'est à peine si, dans son impatience sacrilège, il calcula les chances.

L'armée autrichienne, organisée avec toute la lenteur germanique, était forte de 55.000 hommes ; elle avait à sa tête les meilleurs généraux de l'Empire, traînait après elle un formidable appareil d'artillerie, et, devenue maîtresse du cours de la Meuse depuis Maëstricht jusqu'à Liège, apportait au combat une ardeur puisée dans son récent succès d'Aix-la-Chapelle[11].

L'armée française, au contraire, ne s'élevait qu'à 52.000 hommes ; elle était commandée, sous Dumouriez, par des généraux qu'il savait se jalouser l'un l'autre[12] ; il y régnait un désordre, dont le général en chef, à cette époque même, se plaignait à la Convention[13], et enfin, les soldats, quoique très-braves, y étaient sous l'impression toujours fâcheuse d'un revers.

Ces considérations n'arrêtèrent pas Dumouriez. Plein de confiance dans les ressources de son génie et dans sa fortune, il se hâta vers le dénouement, sans daigner attendre des renforts qui étaient à la veille de le joindre et qui arrivèrent trop tard.

Il existe dans le canton de Landen, au nord-ouest de Liège et au sud-est de Louvain, un village nommé Neerwinden, rendu célèbre, dès 1693, par une victoire que le maréchal de Luxembourg y remporta sur les Hollandais : ce fut là que Dumouriez vint jouer sa dernière partie.

Le 17 mars, dans la soirée, il fit ses dispositions pour le lendemain, et la trace de ses préoccupations politiques se voit à la manière même dont il distribua les commandements

Le front de l'une et l'autre armée s'étendait sur un développement de deux lieues. La petite Gette, que, la veille, l'ennemi avait dû repasser, après un combat où il perdit douze cents hommes[14], couvrait le front de la ligne et séparait les combattants. Sur la rive droite s'élevaient quatre villages, dont il fallait traverser les ponts pour arriver jusqu'aux Autrichiens, et, cela fait, il y avait encore à gravir un terrain qui montait en amphithéâtre jusqu'à un plateau où apparaissaient trois autres villages occupés par l'ennemi : Neerwinden, Middebvinden et Oberwinden[15].

Les obstacles à surmonter étaient donc considérables ; à la gauche surtout, comme on va le voir. Or, ayant à se décider entre ses deux principaux officiers, Miranda et Valence, Dumouriez n'hésita point à confier au premier le poste le plus difficile, celui qui rendait l'attaque presque impossible à exécuter[16].

Eut-il pour cela des motifs politiques ?

D'abord, Dumouriez n'aimait point Miranda, en qui il redoutait le républicain sincère, l'ami de Pétion, le général favori de la Gironde. Peu de jours auparavant, ayant entendu le général en chef qui disait aux soldats : Mes amis, les Jacobins, demandent ma tête, le souffrirez-vous ? Miranda s'était hasardé à lui faire quelques représentations, auxquelles il avait opposé cette exclamation brusque : Est-ce que vous croyez à l'égalité dont parlent les factieux ? Et Miranda de répliquer : J'y crois[17]. Dans une autre circonstance, à propos de l'arrestation des généraux Stengel et Lanoue, Dumouriez s'étant avisé de demander à son lieutenant : S'il venait un ordre de m'arrêter, que feriez-vous ? Celui-ci avait répondu : Je l'exécuterais. Cette droiture républicaine n'était pas faite pour plaire à un esprit de la trempe de Dumouriez. La vérité est que, sans aller jusqu'aux limites extrêmes du Jacobinisme, Miranda avait donné de très bonne heure des gages à la liberté. Né au Pérou, c'était parce qu'il avait voulu affranchir son pays, qu'il s'en était vu chasser. Errant sur les chemins de l'Europe, il avait dédaigné la faveur des rois et recherché l'amitié des grands hommes. A Saint-Pétersbourg, il avait refusé noblement les offres d'une impératrice ; en Angleterre, il s'était fait aimer de Price, de Priestley, de Fox, de Sheridan. Puis, invinciblement attiré par la Révolution française, il lui avait voué le même culte que Vergniaud et Pétion[18].

Valence, au contraire, était un de ces soldats qui, à la bravoure, savent allier la finesse et la grâce du courtisan. Attaché à la maison d'Orléans dès 1784, on racontait de lui que, surpris un jour aux genoux de madame de Montesson par le père de Philippe-Égalité, amant de la jolie marquise, il avait improvisé, avec beaucoup de présence d'esprit, un texte de requête propre à détourner les soupçons, et qui eut pour résultat son mariage avec la fille cadette de madame de Genlis. Quoi qu'il en soit de l'aventure[19], ce mariage était un lien de plus entre la maison d'Orléans et Valence, entre Valence et Dumouriez.

Le gendre de madame de Genlis reçut donc le commandement de l'aile droite des Français, le duc de Chartres le commandement du centre, et Miranda, placé à la tête de l'aile gauche, se trouva faire face à l'archiduc Charles, qui conduisait la droite des Impériaux.

Ce jeune prince, devenu depuis un illustre capitaine, s'essayait alors, pour la première fois, à l'art des combats ; nul doute qu'on ne lui eût assigné le poste où la victoire pouvait être le moins contestée ; de sorte qu'à Neerwinden, selon une expression aussi juste que vive, Miranda eut le rôle d'être écrasé[20].

Non, certes, que Dumouriez songeât à se laisser battre : il était trop soldat pour cela ; mais c'était un soldat étrange, en qui le diplomate s'identifiait au guerrier. Une bataille, à ses yeux, était une manœuvre politique, et il l'avait bien montré à Jemmapes, en arrangeant les choses de manière à faire retomber l'honneur de la journée sur le duc de Chartres, son protégé, et sur Baptiste, son valet de chambre[21]. A Neerwinden, même calcul : il entrait dans les vues de Dumouriez de donner à gagner à l'orléanisme, en la personne de Valence et du duc de Chartres, une bataille qu'on pût dire avoir été compromise par la République, en la personne de Miranda.

Toujours est-il que ce dernier eut le pressentiment du sort qu'on lui réservait, et il est certain que la bataille fut livrée contre son opinion : Nous étions, déclara-t-il plus tard devant le tribunal révolutionnaire, à la Montagne de Fer, dans une position semblable à celle que nous occupions l'année précédente à Sainte-Menehould, c'est-à-dire inattaquable[22].

Le 18 mars 1793, à neuf heures du matin, l'armée française s'ébranla, et, à dix heures, l'attaque commençait à la gauche. Les colonnes, commandées par Miranda, traversèrent sans obstacle les ponts d'Orsmaël et de Leaw ; mais, sur la rive droite de la Gette, le danger apparut ce qu'il était effectivement : immense. Le terrain à parcourir se trouvait dominé par la plus formidable artillerie. La cavalerie des Impériaux et leurs troupes légères occupaient les villages dont il fallait d'abord s'emparer. L'infanterie ennemie garnissait les hauteurs, et pour gravir jusqu'à elle, une fois les villages conquis, il y avait à essuyer un feu terrible de batteries croisées[23]. D'un élan, et avec l'irrésistible force de leur impétuosité ordinaire, les Français entrent victorieux dans les villages et repoussent la cavalerie ; mais, au delà, tandis que le terrain coupé empêche leurs colonnes de se déployer, l'artillerie autrichienne, qui couvre les hauteurs, les foudroie. En vain, ils essayent de riposter : dans les chemins où elle s'engorge et s'embourbe, l'artillerie des Français est démontée, perd ses chevaux et ne peut être mise en batterie.

Pendant ce temps, le centre et la droite, passant à leur tour la rivière, sans rencontrer de résistance, avaient joint l'ennemi et ouvert une lutte moins inégale. Des deux côtés, on se battit avec un acharnement furieux. Emporté par les Français, repris par les Impériaux, emporté une seconde fois, le village de Neerwinden ne fut abandonné que le soir, volontairement, et comme on s'écarte d'un affreux amas d'hommes et de chevaux morts. Valence fut blessé en repoussant un corps de cavalerie impériale. Un autre corps de cavalerie ayant chargé l'infanterie de la quatrième colonne des Français, le général Thévenot ordonna aux rangs de s'ouvrir pour le laisser passer, et lui fit faire si à propos une décharge de canon à mitraille et de mousqueterie, que ce régiment fut presque entièrement détruit[24].

Le combat durait depuis onze heures ; et à la droite de nos troupes, au centre, où le général en chef s'était trouvé pendant toute l'action[25], la victoire semblait pencher du côté des Français, lorsque Dumouriez remarque des colonnes impériales qui, de leur droite, se portaient à leur gauche, pour renforcer celle-ci : la vue de ce mouvement l'inquiète. Dès deux heures après-midi, il avait cessé d'entendre le feu de sa gauche, et aucun message de Miranda ne lui était parvenu. Prenant aussitôt avec lui le chef de l'état-major, deux aides de camp et deux domestiques, il part pour se porter à sa gauche. Il arrive au pont d'Orsmaël, qu'il croyait occupé par les colonnes de Miranda, et le trouve au pouvoir des hulans autrichiens, aux mains de qui il faillit tomber. Il se replie alors par le chemin de Tongres sur Tirlemont, où, — s'il en faut croire son récit, très-peu vraisemblable en ce point, — Miranda était en train d'écrire froidement à ses amis[26]. Jusqu'à une demi-lieue de Tirlemont, l'étonnement de Dumouriez fut extrême : partout la solitude, partout le silence. Enfin il rencontra, bordant le chemin, trois ou quatre bataillons, qui étaient là sans cavalerie, sans ordre, et qui lui apprirent, dit-il, la honteuse retraite de la gauche[27].

Celle retraite avait eu lieu en effet, mais elle n'était aucunement honteuse. Je demande, s'écria Miranda devant le tribunal révolutionnaire, quand il y comparut, si l'on peut regarder comme des lâches des hommes qui se battent depuis la pointe du jour jusqu'à la nuit[28]. Le fait est qu'une position presque impossible à tenir n'avait été abandonnée qu'après de sanglants efforts. Deux des aides de camp de Miranda furent tués ; un grand nombre d'officiers restèrent sur la place ; et du témoignage de Dumouriez lui-même, il résulte qu'à elle seule la gauche perdit plus de deux mille hommes, tandis que la droite et le centre réunis n'en perdirent que six cents[29]. Le nombre des blessés fut de mille environ. Quant à la perte des Autrichiens, leur général en chef, le prince de Cobourg, la constata en ces termes, dans son rapport officiel : Vu la bravoure extraordinaire avec laquelle l'ennemi combattit, cette victoire nous coûta cher ; nous y avons perdu en tués et blessés, douze à quinze cents hommes[30]. Par la retraite de Miranda, l'armée se trouvait coupée en deux portions, dont l'une était en avant de la Gette, l'autre en arrière : situation désastreuse si l'ennemi eût su en profiter. Mais le prince de Cobourg appartenait, comme tacticien, à l'école de Lascy, général sans décision et méthodique à l'excès[31]. Dumouriez, au contraire, était doué de ce coup d'œil rapide qui complète les succès ou répare les désastres : sa retraite, ordonnée le lendemain 19 mars, fut d'un calme et hardi capitaine. Toutefois, un incident faillit la changer en déroute. Un boulet emporta le cheval du général, et couvrit de terre le cavalier renversé. Heureusement il se releva si vite, que l'effroi n'eut pas le temps de se répandre parmi ses soldats[32]. Il était en ce moment à la tête des colonnes de Miranda, dont il avait pris la direction ; et lui-même avoue que cette gauche, si violemment accusée par lui pour sa conduite de la veille, soutint avec une constance héroïque[33] le feu qui, de la hauteur de Wommersen, plongeait sur elle. Il ajoute, à la vérité, qu'au lieu d'une intrépidité froide, il eût voulu voir à ses troupes un élan qui les poussât à courir culbuter à la baïonnette les bataillons établis sur le plateau meurtrier[34] ; mais il n'aurait pu éveiller un semblable élan qu'à une condition : il aurait fallu qu'en dépit de l'échec du 18 et des bruits sourds de trahison auxquels on le liait, les soldats eussent conservé toute leur confiance dans leur général en chef, et c'est ce qui n'était pas. Dumouriez n'avait pas toujours su se contenir ; plus d'une parole imprudente avait trahi déjà, devant le drapeau, le secret d'un cœur agité de pensées criminelles[35]. Il n'était pas jusqu'aux officiers supérieurs auprès de qui son autorité n'eût reçu de son attitude les plus graves atteintes. Et ce qui le prouve, c'est son propre récit, qui nous montre tantôt le général Lamarche, tantôt le général Leveneur, exécutant sans ordre[36] des mouvements de nature à compromettre la retraite.

Elle ne fut pas sans gloire cependant : le matin du 22, le prince de Cobourg ayant fait faire une attaque générale contre les Français à Pellenberg, près Louvain, les colonnes autrichiennes furent vaillamment repoussées, après un combat qui dura tout un jour[37].

Mais la gloire militaire de Dumouriez venait de jeter là sa dernière lueur. Rongé de soucis, livré à un désordre d'esprit qui croissait d'heure en heure, et furieux contre les Jacobins, contre la Convention, contre ses soldats, contre lui-même, il avait pris son parti de la trahison avec une impatience sombre et dénuée d'espoir. Le soir du 22, le colonel autrichien Mack, qu'il avait fait prévenir la veille, étant arrivé dans une maison solitaire, située sur la Montagne de Fer, il y tint avec cet officier une conférence secrète, dont le résultat fut que l'armée française ne serait inquiétée par les Autrichiens, dans sa retraite, qu'autant qu'il le faudrait pour couvrir la connivence des généraux[38]. Après l'évacuation de Bruxelles, écrit Dumouriez, historien de sa propre honte, on devait se revoir pour convenir des faits ultérieurs[39].

Les Français continuant de reculer, Bruxelles fut évacuée le 25 mars, et, le même jour, l'archiduc Charles y fit son entrée, accompagné du prince de Cobourg et d'une suite nombreuse de généraux[40].

Le surlendemain, nouvelle entrevue, à Ath, entre le colonel Mack et Dumouriez. Ce qui s'y passa, comment l'ignorerait-on ? C'est Dumouriez qui a pris soin d'en instruire la postérité. Il fit savoir au colonel autrichien que son projet était de marcher sur Paris, et d'y opérer non pas la contre-révolution, mais la réformation, c'est-à-dire le rétablissement de la monarchie constitutionnelle[41]. Au profit de qui ? Du duc d'Orléans ? Dumouriez, dans ses Mémoires, n'avoue pas qu'il ait prononcé ce nom, et peut-être ne le prononça-t-il pas en effet, sa défaite ne lui permettant pas de dicter les conditions. Mais ce qui fut convenu, c'est que les Autrichiens agiraient comme auxiliaires, sauf à ne pas avancer si leur secours n'était point nécessaire, et à accepter, dans le cas contraire, la direction du général français, qui se réservait d'indiquer alors le nombre et l'espèce de troupes dont il aurait besoin. Il fut convenu, en outre, que la place de Condé resterait aux mains des Autrichiens jusqu'après la guerre, et que les autres places où leurs secours auraient été requis, recevraient garnison mi-partie sous les ordres des Français[42].

Cependant, la nouvelle de la défaite de Neerwinden avait été apportée, le 21 mars, à la Convention, par une lettre de Dumouriez. Marat s'élance aussitôt à la tribune pour accuser le général. Mais, sur la trahison dont on vient de voir se dérouler la trame, les soupçons des uns, à Paris, étaient encore si flottants, et l'incrédulité des autres si opiniâtre, que les paroles de Marat furent accueillies par un mouvement d'indignation[43]. Il est payé par nos ennemis, tel fut le cri que tous les échos de la salle se renvoyèrent, et Lecointre - Puyraveau demanda que l'Ami du peuple fût déclaré en état de démence[44]. Lui, sans s'émouvoir, chargea des colporteurs de distribuer sur la terrasse des Feuillants un écrit avec ce titre : Grande trahison de Dumouriez. Mais les distributeurs furent chassés ; et lorsqu'à son tour Marat parut sur cette terrasse, où peu de jours auparavant on l'avait porté en triomphe, on le poursuivit de huées, auxquelles se mêlèrent des menaces[45]. Cette fois, pourtant, le noir prophète avait raison : Paris ne le sut que trop tôt.

Au reste, la Convention mettait à défier le péril une énergie dont le caractère devenait de plus en plus farouche. Coup sur coup, elle décréta :

Que tout rebelle arrêté les armes à la main serait livré à une commission militaire, el une fois reconnu coupable, exécuté dans les vingt-quatre heures[46] ;

Que le fait demeurerait constant par un procès-verbal revêtu de deux signatures, ou par la déposition orale et uniforme de deux témoins[47] ;

Que, pour les prêtres, les ci-devant nobles, les ci-devant seigneurs, leurs agents, leurs domestiques, le châtiment serait, s'ils se rendaient complices d'une révolte, la mort[48] ;

Que leurs biens confisqués serviraient : 1° à pourvoir, en cas de besoin, à l'entretien de leurs proches ; 2° à adoucir les maux résultant de la révolte[49] ;

Qu'un comité de surveillance serait établi dans chaque section, d'un bout à l'autre de la République[50] ;

Que tous les citoyens suspects seraient désarmés[51] ;

Qu'un arrêté de la Commune de Paris prescrivant à tous les habitants d'une maison d'afficher sur la porte leurs noms, leurs prénoms, leur profession, leur âge, serait non-seulement sanctionné, mais étendu à la France entière[52].

Il fallait craindre d'armer contre soi les intérêts liés à la Révolution, tout en frappant les intérêts qui lui étaient hostiles : la Convention songea à se concilier du même coup, et la faveur des propriétaires qu'avait faits le régime nouveau, et celle des prolétaires qu'il n'avait point encore affranchis. Pour rassurer les premiers, elle alla jusqu'à prononcer la peine de mort contre quiconque proposerait des lois agraires[53] ; et, d'un autre côté, elle décida qu'on donnerait aux malheureux les matériaux des châteaux des émigrés démolis, et que les propriétés territoriales, industrielles, commerciales, seraient soumises à l'impôt progressif[54].

En même temps, l'Assemblée confiait au comité de Salut public le soin de préparer, de proposer tout ce qui concernait la défense intérieure et extérieure de la République ; et fixant le nombre des membres à vingt-cinq, elle désignait comme tels : Dubois-Crancé, Pétion, Gensonné, Guyton-Morveau, Robespierre, Barbaroux, Rühl, Vergniaud, Fabre-d’Eglantine, Buzot, Delmas, Guadet, Condorcet, Bréard, Camus, Prieur de la Marne, Camille Desmoulins, Barère, Quinette, Danton, Sieyès, Lasource, Isnard, Cambacérès, Jean Debry[55] : choix qui attestait l'influence de la Gironde, sans exclure la Montagne.

Les actes répondirent aux décrets. Le 28 mars, à midi, tout Paris était debout. Les barrières, les ponts, les rues, les passages étaient interceptés ; nul citoyen ne pouvait circuler s'il n'avait sa carte ou son certificat de civisme. De bonne heure, le rappel s'était fait entendre ; on avait renforcé les postes des caisses publiques, ceux des prisons, et de fortes patrouilles parcouraient la ville. C'était la mesure du désarmement des suspects qu'on mettait à exécution[56]. Peu d'armes furent saisies dans les maisons qu'on visita, et, en ce sens, Gorsas put dire que l'opération avait été absolument manquée[57] ; mais le grand calme dont Paris, ce jour-là, donna le spectacle, fut signalé par les amis de la Révolution avec une joie honorable ; et le journal de Brissot, que Girey-Dupré rédigeait, s'écria : Cette journée a été belle pour Paris[58].

Sur ces entrefaites, Dumouriez était arrivé à Tournay avec son avant-garde. Son plan était, tout en évacuant la Belgique, d'y conserver une ligne de places fortes, passant de la droite à la gauche par Namur, Mons, Tournay, Courtray, Anvers, Bréda et Gertruydenberg[59], ce qui l'eût mis en position, et d'agir contre Paris avec plus d'avantage, et de garder à l'égard des Impériaux une attitude plus indépendante. A Tournay, il apprit que ce plan, dérangé déjà par l'évacuation forcée du château de Namur, venait de perdre une autre chance de succès ; à Mons, le général Neuilly n'avait pu retenir sa division, qui avait pillé les magasins et s'était débandée[60], Ce fut au milieu des transports de colère où cette nouvelle le jeta, qu'il reçut la visite de trois députés des Jacobins, s'annonçant comme chargés d'une mission de Lebrun : ces trois hommes étaient Proly, fils naturel du prince de Kaunitz ; Pereyra, juif portugais, et Dubuisson, auteur dramatique. Si leur véritable mission fut de sonder adroitement les dispositions de Dumouriez, c'est ce qu'on ne saurait affirmer d'une manière absolue ; quoi qu'il en soit, la brutale franchise du général dispensa leur habileté de tout effort. Dans les entrevues qu'ils eurent avec lui, soit séparément, soit ensemble, leur rôle put se borner à prêter une oreille en apparence docile aux sorties extravagantes de Dumouriez contre les Jacobins et la Convention. Seul d'abord, puis en présence de nombreux témoins, il s'emporta en déclamations d'une violence et d'une témérité à peine croyables. Je sauverai la France, malgré la Convention, dût-on m'appeler César, Cromwell ou Monk. La Convention ! c'est une réunion de sept cent quarante-cinq tyrans : appelants ou non appelants, ils me font tous horreur. Je me moque de leurs décrets ; ainsi que je l'ai dit à Danton, ils n'auront bientôt de validité que dans la banlieue de Paris. Il faut un roi ; peu importe qu'il se nomme Louis ou Jacobus... Ou Philippus, interrompit Proly. A ce mot, Dumouriez fit un mouvement brusque, et s'écria que ce reproche qu'on lui lançait d'être du parti d'Orléans était une atrocité des Jacobins. Valence et Montjoie étant entrés, il prit Dubuisson à part, et le conduisant dans un coin, lui dit qu'il ne s'agissait plus de République ni de liberté ; qu'il y avait cru trois jours, pas davantage ; que, depuis Jemmapes, il avait pleuré à chacun des succès remportés par lui pour une si mauvaise cause ; que, s'il ne faisait la paix, les Autrichiens seraient à Paris dans trois semaines ; qu'il fallait remplacer la Convention par cinq cents présidents de district. Dubuisson lui ayant demandé à qui, dans cette hypothèse, appartiendrait l'initiative de la proposition hardie : rétablir un roi, à mon armée, reprit-il, oui, l'armée des Mamelucks ; elle le sera, l'armée des Mamelucks... pas pour longtemps... Je puis réduire Paris dans huit jours ; je n'ai besoin que de douze mille hommes... De Broglie était un imbécile qui n'a pas su son métier... Après un moment de silence, vos Jacobins auraient un moyen de s'illustrer et de faire oublier tous leurs crimes. Qu'ils couvrent de leurs corps la famille royale, qu'ils insurgent Paris, qu'ils dispersent les sept cent quarante-cinq tyrans... pendant ce temps je marche avec mon armée et je proclame le roi. Dans ce torrent de paroles insensées, il était échappé au général une confidence qui jette un jour singulier sur sa conduite en Belgique : il avait avoué que son but, en enlevant ce pays à la maison d'Autriche, était de se faire reconnaître le chef d'une république des Pays-Bas, amie de la France[61]. Voilà probablement pourquoi la réunion de la Belgique à la France avait rencontré en lui un adversaire si prompt à la calomnier et à la combattre !

Proly, Pereyra et Dubuisson ne furent pas plutôt hors de Tournay, qu'ils rédigèrent un compte rendu circonstancié de tout ce qu'ils avaient entendu, et leur rapport fut lu à la Convention dans la séance du 1er avril.

La nuit précédente, le Comité de surveillance avait tenu séance, et de ce débat nocturne étaient sortis, non-seulement une série de mandats d'arrêt contre plusieurs personnes suspectes de complicité avec Dumouriez, mais l'ordre de mettre les scellés sur les papiers de Roland[62]. Les Girondins s'étaient donc ce jour-là rendus à l'Assemblée l'âme tout émue de l'injure faite au Caton du parti, et fort irrités contre Danton, soupçonné par eux, ou d'avoir frappé ce coup insolent, ou d'avoir souffert qu'on le frappât.

Lasource, homme d'une probité roide et d'un tempérament agressif, se chargea de venger ses amis. Prenant texte du rapport de Proly, Pereyra et Dubuisson, il commence par poser la question en ces termes : Dumouriez a ourdi un plan de contre-révolution : l'a-t-il ourdi seul ?

Alors, il rappelle, sinon comme éléments d'une accusation formelle et immédiate, au moins comme matière à conjectures sinistres, l'amitié de Danton pour Dumouriez, son ardeur à pallier les torts et à vanter les talents d'un général, contre lequel s'élevaient tant de légitimes défiances. Il montre Lacroix, l'homme de Danton, déployant soudain en Belgique un patriotisme exagéré qu'on ne lui avait pas connu jusqu'alors, et, pour mieux servir les plans de la trahison, courant la carrière de la popularité. Il rapporte au dessein de ravaler cette Convention que Dumouriez s'était promis de détruire, les attaques de Danton contre la prétendue faction des hommes d'État. Il fait remarquer avec quelle dextérité déplorable Danton avait grossi les dangers de la patrie, fait peur d'une insurrection nouvelle, quand le peuple était tranquille, et poussé de la sorte les timides à disparaître, les violents à prendre feu.

Cet acerbe réquisitoire, le prêtre huguenot des Cévennes le termine en adjurant l'Assemblée de jurer la mort de quiconque tenterait de se faire roi ou dictateur. Il jura le premier, et, tous debout, la main étendue, répétèrent le serment, au bruit des acclamations des tribunes[63].

Pendant le discours de Lasource, Danton, immobile sur son banc, relevait sa lèvre avec une expression de mépris qui lui était propre et qui inspirait une sorte d'effroi ; la colère, le dédain, éclataient à la fois dans l'expression de son regard, et, suivant le témoignage d'un de ses collègues, présent à cette séance, on voyait en lui un mélange d'agitation et de calme qui disait assez qu'il s'abstenait d'interrompre son adversaire parce qu'il était sûr de l'écraser[64].

Biroteau l'ayant devancé à la tribune pour affirmer qu'au Comité de défense, Fabre-d'Églantine, ami de Danton, avait proposé un roi : C'est une scélératesse, cria Danton : vous avez pris la défense du roi et vous voulez rejeter vos crimes sur nous[65]. Ces mots annonçaient que sur les lèvres du puissant tribun la défense allait se changer en accusation ; Delmas, effrayé, demanda qu'on prévînt l'explication redoutable par le renvoi des faits à une commission d'examen, et cette proposition fut unanimement adoptée[66].

Ici Danton parut hésiter. Soit que l'unanimité du vote le déconcertât, soit qu'il doutât de l'énergique appui de la Montagne, il se contenta d'invoquer, relativement à l'emploi de 100.000 écus qu'on disait avoir été remis à lui et à Lacroix, l'autorité du véridique Cambon ; et ce fait ayant été comme les autres renvoyé à la commission d'examen, il regagnait sa place, le cœur saignant, mais résigné, lors- que soudain toute l'extrémité gauche se lève, et, par ses cris, le rappelle à la tribune. Cette vive démonstration de sympathie et les applaudissements réitérés des galeries le ranimant, il s'élance à la tribune, au milieu de l'émotion générale, et sa voix de stentor retentit comme le canon sur la brèche[67].

Il eut soin toutefois de préparer le terrain de la lutte avec cette habileté qui jamais ne l'abandonnait, et se mariait chez lui aux emportements en apparence les plus irréfléchis. Se tournant vers l'amphithéâtre de l'extrême gauche : Je dois commencer, dit-il, par vous rendre hommage comme à de vrais amis du salut du peuple, citoyens qui êtes placés à cette montagne ; vous avez mieux jugé que moi. J'ai cru longtemps que, quelle que fût l'impétuosité de mon caractère, je devais employer la modération que m'ont paru commander les événements. Vous m'accusiez de faiblesse, vous aviez raison, je le reconnais devant la France entière[68].

Pour juger de l'effet de ces paroles, il ne faut pas perdre de vue que Danton avait souvent blâmé les entraînements des Jacobins, qu'il avait combattu en mainte occasion les défiances de Robespierre, qu'il penchait fortement vers la Gironde, et que, bien qu'assis au sommet de la Montagne, il était en quelque sorte le chef du Marais[69]. Il avait même eu, peu de jours auparavant, avec ceux de la Droite, une conférence ayant trait aux conditions d'un accord[70]. Les Montagnards l'aimaient sans doute, mais d'un amour inquiet et troublé. Ils furent ravis d'une confession par laquelle il semblait se livrer à eux sans retour. Lui, de son côté, comme porté par ces flots orageux, il épancha l'amertume de son cœur dans un discours diffus, désordonné, plein de redites, où la défense et l'accusation s'entremêlaient à chaque instant d'une manière étrange, mais où vibrait quelque chose de profondément senti et de fort.

Dumouriez ne voulait pas de la réunion de la Belgique à la France : qui, plus vivement que lui, Danton, avait déclaré cette réunion nécessaire et glorieuse ? Dumouriez était l'ennemi des sociétés populaires ; qui, plus que lui, Danton, les avait exaltées ? Dumouriez calomniait les soldats intrépides recrutés par le seul enthousiasme ; qui, plus que lui, Danton, avait rendu justice à leur patriotisme et à leur bravoure ? Le tribunal révolutionnaire faisait horreur à Dumouriez, et c'était lui, Danton, qui avait provoqué l'établissement de ce tribunal ! Oui, de deux hommes qu'on disait liés par une complicité criminelle, l'un se trouvait avoir été constamment en opposition de vues avec l'autre ! Danton tira de ce contraste tout ce qu'il contenait de concluant, sans oublier la justification de Lacroix, qu'il enveloppa dans la sienne propre avec une sollicitude généreuse.

Où il manqua de générosité, disons mieux, de justice, ce fut lorsque, s'emparant à son tour contre les Girondins du rôle d'accusateur, il leur reprocha, ainsi qu'un pacte conclu avec la tyrannie, leur vote en faveur de Louis XVI. Il savait ce que, dans les circonstances, une calomnie semblable pouvait avoir de mortel pour ses adversaires, et il mit à tourner, à retourner le poignard dans la blessure, une obstination cruelle. Bientôt, le discours emportant l'orateur, il parcourut toutes les imputations dont la Gironde avait été poursuivie ; il avait pris son élan et ne pouvait plus s'arrêter.

Il est vrai que, pendant que son réquisitoire sur la Gironde se développait, il y avait là, près de lui, pour l'échauffer par de brèves exclamations, une voix stridente qu'accompagnait un rire approbateur, et qu'on eût pu comparer au claquement d'un fouet sur le passage d'un cheval fougueux. Cette voix était celle de Marat. Danton invoquait-il en termes vagues le souvenir des patriotes égorgés ou menacés de l'être, Marat nommait Lepelletier et Léonard Bourdon. Danton parlait-il de correspondance épistolaire avec Dumouriez, sans désigner personne, Marat criait : Il y a les lettres de Gensonné ! Danton oubliait-il quelque trait venimeux, Marat le lui fournissait sur-le-champ : Leurs petits soupers ! leurs petits soupers ! Et Danton de reprendre : Il n'y a que ceux qui ont fait des soupers clandestins avec Dumouriez quand il était à Paris qui soient les complices de la conjuration. Mais ne trouvant point assez précise l'accusation ainsi formulée, Marat en faisait aussitôt une dénonciation à bout portant par ce cri : Lasource en était. On le voit, Méphistophélès se tenait derrière Faust !

Murmures de la Droite, applaudissements passionnés de la Gauche, exclamations de Marat, frémissement des tribunes, c'étaient trop d'excitations à la fois pour la nature volcanique de Danton. Le visage tourné vers la Montagne, et les bras étendus vers la Gironde, il termina par ces paroles fatales : Vous qui avez prononcé l'arrêt du tyran, ralliez-vous contre les lâches qui ont voulu l'épargner. Plus de composition avec eux ! Interrompu un instant par les transports de la Montagne, il ajouta, dans un langage dont le mauvais goût égalait à peine l'hyperbolique violence : Je me suis retranché dans la citadelle de la raison ; j'en sortirai avec le canon de la vérité, et je pulvériserai les scélérats qui ont voulu m'accuser[71].

La sensation fut immense. Quand il descendit de la tribune, plusieurs coururent l'embrasser[72]. La Montagne ne se possédait pas de joie. Car tel est l'aveuglement des partis ! Danton était probablement alors le seul homme qui fût capable d'empêcher entre les républicains de la Gironde et ceux de la Montagne la lutte définitive par où la République devait périr ; et voilà que ce rôle sauveur, Girondins et Montagnards, saisis d'une folie pareille, venaient de le rendre à jamais impossible, les uns par le venin de leurs attaques, les autres par le venin de leurs félicitations, plus subtil encore, peut-être !

Cette séance eut un autre résultat, non moins lamentable. Comme Marat ne cessait de hurler : Frappons les traîtres, quelque part qu'ils se trouvent ; députés, ministres, généraux, frappons les traîtres, le Girondin Biroteau, irrité et rendant menace pour menace, s'écria : Eh bien, soit ; et que toute espèce d'inviolabilité disparaisse ! C'était placer sur la tribune un glaive nu. Mais les Girondins, que menaçait de si près la pointe de ce glaive, se flattèrent d'en saisir la poignée. Ils s'empressèrent donc, sur la motion d'un des leurs, d'acclamer à l'abolition de l'inviolabilité parlementaire : défi tragique, devant lequel la Montagne n'eut garde de reculer ! De sorte qu'avec une égale fureur, les deux partis votèrent le droit de se proscrire l'un l'autre[73].

Dans l'intervalle, Dumouriez avait fait sur Lille et Valenciennes deux tentatives que fit manquer le bruit de sa trahison, déjà répandu partout. Il lui restait l'espoir de mettre la main sur Condé : pour se rapprocher de cette ville, il transféra son quartier général aux Boues-de-Saint- Amand, où était d'ailleurs cantonnée sa cavalerie de confiance[74]. La veille, il avait couru risque de la vie. Six volontaires s'étaient présentés à lui, le chapeau retourné, et ce mot écrit dessus avec de la craie, République. Ils venaient lui déclarer que, s'il désobéissait à la Convention, leur parti était pris de le poignarder, ce qu'ils eussent fait peut-être, sur l'heure, si Baptiste n'eût appelé la garde, qui s'assura d'eux[75]. L'avertissement était grave ; Dumouriez en reçut un second, non moins significatif : le 2 avril, un paquet fut intercepté, qu'on trouva rempli de mandats d'arrêt contre le duc de Chartres, contre Valence et plusieurs officiers de l'état-major. Un simple comité avait pris sur lui de lancer ces ordres, qui étaient signés Duhem[76].

A ces symptômes menaçants, Dumouriez affectait d'opposer une contenance ferme ; mais ceux qui l'entouraient sentaient bien que la terre se dérobait sous lui. Le duc de Chartres avait imaginé d'écrire à la Convention, pour lui demander la permission de quitter la France sans retour : avant d'envoyer sa lettre à l'Assemblée, il crut devoir la communiquer à son père, qui répondit sèchement : Cette idée n'a pas de sens[77].

Le 2 avril, Dumouriez, dans son quartier général de Saint-Amand, s'étonnait de ne rien recevoir de Beurnonville, lorsque tout à coup, vers quatre heures du soir, deux courriers arrivent, annonçant d'un air épouvanté la prochaine apparition du ministre de la guerre qu'accompagnent, disent-ils, des commissaires de la Convention. Ils achevaient à peine, que Beurnonville entre, suivi effectivement de quatre commissaires, Camus, Lamarque, Bancal et Quinette[78].

Dumouriez était au milieu de ses officiers d'état-major. Il court à Beurnonville, son ami, et l'embrasse. Camus alors prie le général de passer dans une autre chambre, pour y entendre la lecture d'un décret de la Convention. Le général s'y refuse, objectant que ses actions ont toujours été publiques ; mais, sur les pressantes instances du ministre et des trois autres commissaires, il passe avec eux et Valence dans un cabinet, dont les officiers de l'état-major exigent que les portes demeurent ouvertes. Là, Camus présentant le décret de la Convention qui appelait à sa barre le général, et celui-ci se retranchant sur ce que sa présence était nécessaire à son armée, une discussion s'engagea où Lamarque, Bancal et Quinette apportèrent des formes conciliantes, qui tranchaient d'une façon singulière avec l'inflexibilité hautaine de Camus. Voulez-vous obéir au décret de la Convention ? Tel était le thème auquel revenait sans cesse le vieux janséniste ; à quoi Dumouriez répondait, en termes tour à tour réservés et violents, et avec un trouble involontaire dont son propre récit a conservé la trace, qu'il ne voulait pas blâmer jus- qu'à un certain point une décision de la Convention nationale ; qu'il était sage de suspendre l'exécution de cet ordre ; que, tant qu'il aurait un pouce de fer à ses côtés, il ne se soumettrait pas au tribunal révolutionnaire ; qu'il ne chercherait pas à éluder un jugement, et qu'il le subirait, mais plus tard, lorsque la nation aurait un gouvernement et des lois ; qu'il avait souvent joué le rôle de Decius, mais qu'il n'était pas homme, comme Curtius, à se jeter dans le gouffre. Vous ne voulez donc pas obéir au décret de la Convention ? reprenait Camus d'une voix inexorable. Mais Dumouriez éludait toujours la question, qu'un monosyllabe eût suffi pour trancher, et se tournant toujours vers Beurnonville : Que feriez-vous à ma place ? demandait-il, sans pouvoir obtenir d'autre réponse que celle-ci : Je n'ai point de conseils à vous donner ; vous savez ce que vous avez à faire. Après une conférence qui dura près de deux heures, on se sépara. Les commissaires s'étant retirés pour délibérer, Dumouriez rentra, avec Beurnonville et Valence, dans la chambre commune où ses compagnons d'armes l'attendaient, impatients et inquiets. Là, s'approchant du docteur Menuret, médecin de l'armée, Dumouriez assure qu'il lui dit gaiement : Eh bien, docteur, quel topique conseillez-vous de mettre sur cette plaie ? Le médecin répondit : Un grain de désobéissance. Au bout de quelque temps, les commissaires reparurent. Le visage des officiers portait l'empreinte de la fureur. Vous connaissez le décret, dit péremptoirement Camus, voulez-vous l'exécuter ?Non, répliqua cette fois Dumouriez. — Vous désobéissez donc à la loi ?Je suis nécessaire à mon armée. — Par cette désobéissance, vous vous rendez coupable. — Allons, ensuite ?On va mettre le scellé sur vos papiers. — Je ne le souffrirai pas. Camus demandant les noms des personnes présentes, elles commencèrent à se nommer... Je m'appelle Devaux... Je m'appelle Denize... etc., etc. Voici, dit Dumouriez en montrant deux femmes en uniforme de hussard, les demoiselles Fernig. Une d'elles, à demi-voix : C'est affreux ! Sans tarder davantage, Camus laissa tomber ces paroles solennelles : Général, vu votre désobéissance, nous vous déclarons suspendu de vos fonctions. — Suspendu ! Lui suspendu ! notre père ! qui nous mène à la victoire ! Ce cri vola de bouche en bouche. Allons, s'écria de son côté Dumouriez, il est temps que cela finisse. Lieutenant, appelez les hussards. Aussitôt s'élancèrent dans l'appartement vingt-cinq hussards de Berchiny, auxquels il dit en allemand : Arrêtez ces Messieurs. Allant à Beurnonville, et lui prenant la main, il ajouta : Vous serez arrêté aussi.

L'ordre fut exécuté à l'instant, malgré les protestations du ministre de la guerre, indigné ; et les prisonniers furent conduits dans une autre pièce, où le général leur promit qu'ils seraient traités avec toutes sortes d'égards[79].

Il n'en fut rien. On nous laissa sans feu, écrit Camus[80], et l'on ne s'inquiéta nullement de ce dont nous pouvions avoir besoin. Seulement, on apporta une bouteille de vin blanc, à laquelle personne ne toucha, et deux verres. Nous eûmes beaucoup de peine à obtenir nos redingotes, pour nous défendre contre le froid, et lorsque nous demandâmes nos bonnets de nuit, nos pantoufles, on nous dit que cela était inutile, parce que nous allions partir.

Mais qu'importait cette basse vengeance à des hommes que soutenait et élevait la satisfaction du devoir accompli ?

Camus raconte que son premier mouvement, quand on l'arrêta, fut un mouvement de joie. Enfin, se dit-il à lui-même, le voilà qui se dévoile ![81] Des cinq prisonniers, le moins calme, c'était Beurnonville. Irrité au plus haut point de tant d'insolence, plus d'une fois, il porta la main à son sabre, et l'on eut quelque difficulté à le retenir. Un officier étant entré, qu'il reconnut : Je vous ai vu à Jemmapes, lui dit-il amèrement. — Mon général, je ne l'ai pas oublié, et je me rappelle aussi comment vous sautâtes dans les redoutes, pour courir à l'ennemi. — Je ne pensais pas que la troupe avec laquelle j'avais battu les Autrichiens dût m'arrêter un jour, et que vous la commanderiez. L'officier se tut[82].

Le ministre et les quatre commissaires furent remis à Clairfayt, transférés de Tournay à Mons, puis à Bruxelles, et enfin à Maëstricht[83].

Un tel éclat répondait à l'ennemi de la criminelle sincérité de Dumouriez : pour la mettre à profit, et donner aux arrangements consentis à Ath de part et d'autre, une sorte de sanction diplomatique, les coalisés, sur l'initiative du comte de Metternich, décidèrent d'ouvrir, à Anvers, un congrès auquel furent appelés lord Auckland, ambassadeur d'Angleterre à la Haye ; le comte de Stahremberg et le comte de Keller, ministres de l'empereur et du roi de Prusse ; le général prussien de Knobelsdorff et le comte de Tauentzien, major au service de Prusse[84]. Aucun de ces diplomates ne doutait que la Révolution française, abandonnée par Dumouriez, ne touchât à son terme ; et deux d'entre eux, lord Auckland et le comte de Stahremberg, n'hésitèrent pas à présenter aux États généraux des Provinces-Unies une note dans laquelle les membres de la Convention nationale étaient appelés des misérables. Il y était dit, au sujet de Camus, Bancal, Quinette, Lamarque et Beurnonville : Quelques-uns de ces détestables régicides sont déjà dans le cas de pouvoir être soumis au glaive de la loi[85]. Jamais outrage plus sanglant n'avait été fait à la dignité et à l'indépendance d'un grand peuple.

Mais la folie d'un tel langage en dépassait encore l'arrogance. Mis en balance avec la nation française, que pouvait peser Dumouriez ? Les profonds diplomates de Bruxelles y voyaient moins clair que Prudhomme, écrivant dans son journal[86] : Dumouriez n'est qu'un pygmée que la Montagne écrasera.

Déjà, en effet, loin de s'apprêter à suivre son général, l'armée ne songeait plus qu'à le frapper ; et tel était le sombre aspect des visages, que l'unique sentiment qui régnât désormais dans l'entourage de Dumouriez, c'était l'effroi.

La comtesse de Genlis était venue se mettre sous sa protection avec mademoiselle d'Orléans : dès qu'elle apprit l'arrestation des commissaires, elle ne songea plus qu'à fuir, et à fuir en laissant derrière elle la jeune princesse entre les mains du duc de Chartres, son frère : Je ne voulais pas, écrit-elle[87], l'associer à mes périls et à ma misère. Pendant que j'y pensais la nuit, elle était couchée à côté de moi, et je l'entendais gémir sourdement. Elle avait vu les préparatifs de mon départ, elle ne comprenait que trop, se taisait et pleurait. La comtesse n'en avait pas moins pris son parti de cette séparation, qu'elle jugeait prudente, lorsque le lendemain, au moment où elle montait en voiture, le duc de Chartres accourut, portant dans ses bras sa sœur, baignée de larmes. Sans plus de prières, il la jeta dans la voiture, le postillon fit claquer son fouet, et l'on partit. La pauvre princesse sortait du lit, et était en simple robe de mousseline. Sa montre, parce qu'elle était sous son chevet, fut tout ce qu'elle put emporter. Malles, robes, linge, écrin, elle perdit tout, excepté sa harpe, qu'un domestique fidèle fit charger sur un chariot qui vint à passer et qui rejoignit les fugitives[88]. Voilà un des mille traits de la physionomie des choses, au moment de la défection de Dumouriez.

Lui, cependant, il espérait encore. Le 4 avril, il quitte Saint-Amand, pour se rendre à Condé, qu'il devait remettre aux Impériaux comme place de garantie. Mais voilà que, sur la route, il rencontre trois bataillons de volontaires, dont il n'avait point ordonné le déplacement. Étonné, il s'écarte du grand chemin, entre dans la première maison qui se présente, et se met à y écrire un ordre à ces troupes de revenir au lieu d'où elles étaient parties. En ce moment, un cri se fait entendre : Arrête ! arrête ! Le général, que ce cri désigne et menace, n'a que le temps de sauter sur un cheval et de s'enfuir à travers champs, au milieu des coups de fusil, avec le baron de Schonberg, son neveu ; Baptiste, son valet de chambre ; quelques hussards et quelques domestiques[89]. Des trois bataillons, lancés à sa poursuite, celui qui montra le plus d'acharnement était du département de l'Yonne, et avait à sa tête Davoust, depuis maréchal de France[90]. Plusieurs personnes de la suite de Dumouriez furent tuées, en cette occasion ; lui-même n'échappa que par miracle[91].

Ce fut le soir seulement qu'il parvint à joindre le colonel Mack, avec lequel il passa la nuit à rédiger, au nom du prince de Cobourg, une proclamation qui parut le lendemain.

Le prince y déclarait que le but des Autrichiens était de se joindre aux troupes françaises pour coopérer en amis et en compagnons d'armes, dignes de s'estimer réciproquement, à rendre à la France la constitution qu'elle s'était donnée et son roi constitutionnel. D'où il résulte que Dumouriez ne se sentait plus assez fort pour imposer aux alliés son candidat de prédilection, le duc d'Orléans.

C'est, au reste, ce qui résulte, plus directement encore, d'une adresse à la nation française, qu'il publia en son propre nom, et où il reconnaissait pour roi l'enfant détenu au Temple[92].

Un fait qui montre jusqu'où allaient les illusions de Dumouriez et son audace, c'est que le 5 avril, au point du jour, comme si rien ne lui était arrivé la veille, il s'avisa de regagner son camp. Mais ses soldats ne l'avaient aimé que tant qu'ils l'avaient cru fidèle à sa patrie. Maintenant, ils ne voyaient plus en lui qu'un traître qui tournait contre la Révolution l'épée de la Révolution, et qui brûlait de renverser le jacobinisme, après s'être tant de fois paré du bonnet rouge. Quand il arriva devant les rangs, il put tout de suite juger, à la contenance des soldats, que c'en était fait de sa fortune. D'autant qu'il avait commis la faute d'accepter une escorte de cinquante cavaliers autrichiens, dont la présence fut considérée comme une insulte[93]. L'artillerie attela et prit la route de Valenciennes, le reste suivit. Quant aux officiers généraux, ils se hâtèrent d'abandonner, à leur tour, celui que les troupes abandon- donnaient. Dumouriez, depuis la bataille de Neerwinden, n'avait obéi à la Convention qu'une fois... en faisant arrêter Miranda[94] ! Valence, il l'avait envoyé à Bruxelles[95] ; et il ne se trouvait avoir auprès de lui, le soir du 5 avril, que les deux frères Thouvenot, le duc de Chartres, le colonel Montjoie, le lieutenant-colonel Barrois, deux ou trois officiers d'état-major et quelques aides de camp[96]. Ce fut, entouré de cette petite troupe, et le désespoir dans l'âme, qu'il se retira à Tournay, où il descendit chez le général autrichien Clairfayt, et où le rejoignirent, une heure après, un demi-escadron de hussards de Saxe et le régiment de Berchiny[97].

Ainsi se termina la carrière politique et militaire de ce déplorable homme de génie. Un long exil, obscur et triste, voilà ce qui désormais l'attendait. Entré tard dans la gloire, il en sortit vite, il en sortit par un crime ; et, pour lui, ce qui arrive trop rarement hélas ! le crime ne fit qu'un avec le châtiment : le jour même où il devint coupable, il disparut de l'histoire !

 

 

 



[1] Dans le livre VIII, chap. IV de ses Mémoires, Dumouriez donne à sa lettre la date du 12 mars ; mais cette même lettre, reproduite in extenso dans la note D des pièces officielles publiées à la suite des Mémoires de Dumouriez, t. III, porte la date du 11 mars.

[2] Voyez cette lettre, note D des pièces officielles, p. 5 des Mémoires de Dumouriez.

[3] Déclaration de Penières, séance du 1er avril 1795.

[4] Déclaration de Penières, séance du 1er avril 1795.

[5] Discours de Danton dans la Convention, séance du 1er avril 1793. — Mémoires de Dumouriez, t. IV, p. 107.

[6] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. IV, p. 65 et 64.

[7] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. IV, p. 67.

[8] Mémoires de Dumouriez, t. III, note D des pièces officielles.

[9] Biographie de Bruxelles, citée en note par les nouveaux éditeurs des Mémoires de Dumouriez, au bas de la page 70 du tome IV.

[10] Mémoires de Dumouriez, t. IV, p. 72.

[11] Toulongeon, Histoire de France, depuis 1789, t, II, p. 164. An XII, Paris.

[12] Voyez ce que Dumouriez a dit des sentiments de Miranda à l'égard de Valence, t. IV de ses Mémoires, p. 95.

[13] Lettre du 11 mars 1793.

[14] C'est au moins le chiffre donné par Dumouriez. Voyez ses Mémoires, t. IV, liv. VIII, chap. V, p. 80.

[15] Toulongeon, Histoire de France, depuis 1789, t. II, p. 171. An XII, Paris.

[16] C'est l'opinion, non pas, cela va sans dire, de Dumouriez, dont le récit, plein d'erreurs volontaires, a été suivi par Jomini, mais de plusieurs autres écrivains militaires, parmi lesquels l'auteur du Tableau historique des guerres de la Révolution. Voyez à la suite des Mémoires de Dumouriez, t. IV, la note B des pièces officielles.

[17] Bulletin du tribunal révolutionnaire, n° 30-33. — Des interrogatoires de Miranda.

[18] Voyez la Biographie universelle, article Miranda, et dans le Bulletin du tribunal révolutionnaire, lors du procès de ce général : 1° le plaidoyer de son défenseur, Chauveau-Lagarde ; 2° l'opinion motivée de Dumont, premier juré.

[19] Elle n'est pas avouée dans les Mémoires de madame de Genlis, qui nie à peu près tout ce qu'elle croit avoir intérêt à nier ; mais le fait était, dans ce temps-là, de notoriété publique. Voyez la Biographie universelle, article Valence.

[20] Michelet, Histoire de la Révolution, liv. X, chap. VI, p. 441.

[21] Voyez, au volume précédent, ce que nous avons dit à ce sujet.

[22] Voyez le procès de Miranda, n° 30-37 du Bulletin du tribunal révolutionnaire.

[23] Rapport de Miranda à la Convention, séance du 29 mars 1793.

[24] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. VI, p. 95.

[25] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. VI, p. 94.

[26] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. VI, p. 95.

[27] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. VI, p. 95.

[28] Procès de Miranda, n° 30-37 du Bulletin du tribunal révolutionnaire.

[29] Mémoires de Dumouriez, t. IV, p. 96.

[30] Mémoires de Dumouriez, t. IV, aux pièces officielles.

[31] Mémoires d'un homme d'État, t. II, p. 205.

[32] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. IV, p. 100.

[33] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. IV, p. 100.

[34] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. IV, p. 100.

[35] Voyez le procès de Miranda devant le tribunal révolutionnaire.

[36] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, p. 110.

[37] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, p. 108.

[38] Toulongeon, t. II, p. 180. An XII.

[39] Mémoires de Dumouriez, t. IV, p. 109.

[40] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 216.

[41] Mémoires de Dumouriez, t. IV, p. 121 et 122.

[42] Mémoires de Dumouriez, t. IV, p. 121 et 122.

[43] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 134.

[44] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 135.

[45] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 154. — Reproduction d'un passage du Patriote français.

[46] Séance du 19 mars 1793.

[47] Séance du 19 mars 1793.

[48] Séance du 19 mars 1793.

[49] Séance du 19 mars 1793. — Ce décret fut rendu sur un rapport de Cambacérès.

[50] Séance du 21 mars 1793.

[51] Séance du 26 mars 1793.

[52] Séance du 28 mars 1793.

[53] Décret du 18 mars 1793.

[54] Décret du 18 mars 1793.

[55] Séance du 28 mars 1793.

[56] Patriote français, n° 1324. — Courrier des départements, n° 29.

[57] Courrier des départements, n° 29.

[58] Patriote français, n° 1324.

[59] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. IX, p. 119.

[60] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. X, p. 124.

[61] Voyez, pour les détails de ces entrevues extraordinaires, le procès-verbal qu'en dressèrent Proly, Pereyra et Dubuisson. Il se trouve au nombre des pièces officielles publiées à la suite des Mémoires de Dumouriez, note C.

[62] Patriote français, n° 1328.

[63] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 215-219.

[64] Mémoires de Levasseur, t. I, chap. V, p. 164.

[65] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 219.

[66] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 219.

[67] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. V, p. 164.

[68] Histoire parlementaire, t. XXV, p. 220 et 221.

[69] Ce sont les propres expressions dont se sert le montagnard Levasseur, dans son récit de cette séance. Voyez ses Mémoires, t. I, chap. V, p. 168.

[70] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. V, p. 168.

[71] Voyez, pour cette trop célèbre séance, l'Histoire parlementaire, t. XXV, p. 211-235, et les Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. V, p. 163-169.

[72] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. V, p. 169.

[73] Décret du 1er avril 1793.

[74] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. XII, p. 144.

[75] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. XI, p. 135 et 136.

[76] Mémoires de la comtesse de Genlis, t. IV, p. 159. Paris, 1825.

[77] Mémoires de la comtesse de Genlis, t. IV, p. 159.

[78] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. VIII, chap. XII, p. 149 et 150.

[79] Il existe de cet événement deux versions ; l'une de Dumouriez, le moins scrupuleux des historiens, l'autre de Camus, le plus austère et le plus véridique des hommes. Or, la première de ces deux versions est celle qui a presque toujours été suivie, probablement parce qu'on ne connaissait pas la seconde. Quant à nous, c'est du rapprochement des deux que nous avons tiré notre récit, en nous déterminant, quand il y avait à choisir entre des assertions contradictoires, et par le caractère moral des personnages, et par les lois de la vraisemblance. Lorsque, par exemple, Dumouriez dit de Camus qu'il avait la voix peu assurée, un ton troublé, il dit une chose évidemment ridicule, et que dément, dans son récit même, toute la conduite de l'intrépide janséniste.

[80] Fragment des Mémoires de Camus, à la suite du tome II de l'Histoire de France, de Toulongeon, aux Pièces justificatives.

[81] Fragment des Mémoires de Camus.

[82] Fragment des Mémoires de Camus.

[83] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 223.

[84] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 226.

[85] Voyez le texte du document, cité en entier dans les Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 227-229.

[86] Révolutions de Paris, n° 195.

[87] Mémoires de madame de Genlis, t. IV, p. 140.

[88] Mémoires de madame de Genlis, t. IV, p. 140-144.

[89] Mémoires de Dumouriez, t. IV, p. 167-169.

[90] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 230.

[91] Voyez les détails dans ses Mémoires, t. IV, p. 169.

[92] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. IV, p. 230.

[93] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. IV, p. 234.

[94] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. IV, p. 120.

[95] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. IV, p. 162.

[96] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. IV, p. 175.

[97] Mémoires de Dumouriez, t. IV, p. 175 et 176.